Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie française, Éric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Le jeune acteur, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma, qui lui a d’ailleurs permis de décrocher, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier. En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi: Yves Saint Laurent: juste quelques effluvesPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche ou Phèdre, de Racine. La Comédie française n’a pas souhaité commenter ce départ.Lire aussi: Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauParallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011) ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un Homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke) où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le01.03.2015 à 08h53 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... Yves Eudes Elle avait déjà décroché le scoop de sa vie. Laura Poitras vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire. Citizenfour retrace la genèse de l'affaire Snowden. Des prémices qu'elle a suivis en direct : la journaliste réalisatrice est l'une des premières personnes auxquelles le jeune agent de la NSA a confié ses révélations. Lorsque au début de 2013, Edward Snowden décide de révéler les documents sur les programmes de surveillance planétaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA), il choisit deux Américains qu'il n'a jamais rencontrés, le journaliste indépendant Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras. Il leur accorde sa confiance car il admire leur travail d'investigation.Lire aussi : Edward Snowden, rien que pour les yeuxLaura Poitras est célèbre pour avoir réalisé My Country, my country, un film sur l'Irak sous occupation américaine, nommé aux Oscars en 2010. Deux ans plus tard, la réalisatrice avait à nouveau fait parler d'elle avec The Oath, sur la prison de Guantanamo.  A l'époque, pour Laura Poitras, la notoriété n'a pas que des avantages : irritées par sa critique radicale de la politique américaine, les autorités inscrivent son nom sur une liste secrète de personnes à surveiller. Chaque fois qu'elle rentre aux Etats-Unis après un voyage à l'étranger, elle est détenue et interrogée à l'aéroport, parfois pendant des heures : « Un jour, ils ont saisi tous mes appareils électroniques et les ont gardés pendant des semaines. »Lire aussi : « Citizenfour » : minute par minute, l’élaboration d’une bombe médiatiqueUn courrier électronique signé « CitizenFour »Pour échapper à ce harcèlement, elle quitte les Etats-Unis fin 2012 et s'installe à Berlin : « J'y avais déjà des contacts. En plus, il y a à Berlin une communauté de gens qui militent pour le respect de la vie privée. Les lois allemandes en la matière sont bien faites. » Elle se lance alors dans la préparation d'un nouveau documentaire, centré sur la surveillance électronique de masse. Pour son enquête, Laura Poitras rencontre des anciens membres de la NSA devenus lanceurs d'alerte et Julian Assange de WikiLeaks : « A l'époque, ils passaient pour des paranoïaques. »Mais son projet initial va être bouleversé. Début 2013, elle reçoit un courrier électronique signé « CitizenFour », qui lui demande de créer une boîte e-mail cryptée. Il promet de lui révéler des choses étonnantes.Très vite, Laura comprend que ce correspondant mystérieux va lui fournir le scoop de sa vie : un lot de documents secrets dévoilant un gigantesque programme illégal de surveillance planétaire des réseaux électroniques, orchestré par la NSA et l'agence britannique GCHQ. « Notre devoir de citoyen »Pour Laura et sa monteuse Mathilde Bonnefoy, une Française installée à Berlin, commence alors une nouvelle vie, compliquée : « Pour parler, se souvient Mathilde, on s'écrivait des petits mots, ou alors on quittait mon appartement en laissant nos téléphones, et on allait discuter au restaurant. »En avril 2013, CitizenFour donne rendez-vous à Laura et à Glenn Greenwald dans un hôtel de Hongkong pour leur transmettre tous les documents pris à la NSA. A leur arrivée, les deux journalistes découvrent que CitizenFour est un ancien agent de la CIA et de la NSA, âgé de seulement 29 ans. Son vrai nom est Edward Snowden.Tous trois se mettent au travail pour trier et analyser les documents, et mettre en place une stratégie pour révéler les documents aux médias. En même temps, Laura Poitras filme Snowden et Greenwald en train d'écrire, de discuter, de rire, de s'inquiéter pour leur avenir devenu si incertain, de prendre peur à cause d'une simple alarme incendie… Ces scènes d'intérieur constituent le cœur de Citizenfour, le documentaire de Laura Poitras : « Pour moi, le pseudo que Snowden s'était choisi nous rappelle à notre devoir de citoyen. Il possède aussi une dimension mystérieuse, proche de la science-fiction, qui colle bien à l'ambiance de mon documentaire. » « La police aurait pu saisir mes vidéos »Dès lors, tout va très vite. Glenn Greenwald publie les premiers articles dans le Guardian. Edward Snowden annonce publiquement qu'il est l'auteur de la fuite. Puis il tente de partir pour l'Amérique latine mais reste coincé à Moscou. De son côté, Laura Poitras retourne à Berlin, sans repasser par les Etats-Unis : « Si j'avais atterri dans un aéroport américain, la police aurait pu saisir mes vidéos. Il n'y aurait pas eu de film. » Aussitôt, elle commence le montage avec Mathilde Bonnefoy. Elle écrit aussi des articles sur les documents de la NSA pour Der Spiegel, le Guardian, le New York Times, et aussi pour The Intercept, site d'information créé par Glenn Greenwald et le milliardaire de la Silicon Valley Pierre Omidyar.A la suite d'une campagne médiatique en sa faveur, Laura Poitras peut désormais retourner aux Etats-Unis. Elle vient de passer plusieurs semaines à Los Angeles car Citizenfour a été nominé pour une série impressionnante de récompenses : les prix de trois associations professionnelles, le prix Satellite décerné par les journalistes de cinéma, le prix du cinéma indépendant et surtout l'Oscar du meilleur film documentaire qu'elle a remporté le 22 février.Lire aussi : Les défenseurs des libertés numériques saluent l'Oscar de « Citizenfour » Laura reste une rebelleDans son discours de remerciements, elle est restée centrée sur son message : « Quand les décisions qui nous affectent tous sont prises en secret, nous perdons toute capacité à contrôler le pouvoir. » C'est la gloire. Grâce à Hollywood, est-elle devenue intouchable ? « Je suis sûre que les autorités continuent à s'intéresser de près à tous mes faits et gestes. Mais au moins, je ne suis plus arrêtée dans les aéroports. »Le Musée d'art américain Whitney à New York lui a proposé de monter une installation vidéo artistique, toujours sur le thème de la surveillance de masse. Mais Laura reste une rebelle : « Une masse de documents Snowden sont encore inexploités. Je vais continuer à travailler sur cette affaire. »Le Monde et Haut et Court organisent, mardi 3 mars, une avant-première de Citizenfour précédée d'un débat avec Laura Poitras. Le compte-rendu du débat sera à suivre en direct sur LeMonde.fr.Yves EudesGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le01.03.2015 à 08h53 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... Yves Eudes Elle avait déjà décroché le scoop de sa vie. Laura Poitras vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire. Citizenfour retrace la genèse de l'affaire Snowden. Des prémices qu'elle a suivis en direct : la journaliste réalisatrice est l'une des premières personnes auxquelles le jeune agent de la NSA a confié ses révélations. Lorsque au début de 2013, Edward Snowden décide de révéler les documents sur les programmes de surveillance planétaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA), il choisit deux Américains qu'il n'a jamais rencontrés, le journaliste indépendant Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras. Il leur accorde sa confiance car il admire leur travail d'investigation.Lire aussi : Edward Snowden, rien que pour les yeuxLaura Poitras est célèbre pour avoir réalisé My Country, my country, un film sur l'Irak sous occupation américaine, nommé aux Oscars en 2010. Deux ans plus tard, la réalisatrice avait à nouveau fait parler d'elle avec The Oath, sur la prison de Guantanamo.  A l'époque, pour Laura Poitras, la notoriété n'a pas que des avantages : irritées par sa critique radicale de la politique américaine, les autorités inscrivent son nom sur une liste secrète de personnes à surveiller. Chaque fois qu'elle rentre aux Etats-Unis après un voyage à l'étranger, elle est détenue et interrogée à l'aéroport, parfois pendant des heures : « Un jour, ils ont saisi tous mes appareils électroniques et les ont gardés pendant des semaines. »Lire aussi : « Citizenfour » : minute par minute, l’élaboration d’une bombe médiatiqueUn courrier électronique signé « CitizenFour »Pour échapper à ce harcèlement, elle quitte les Etats-Unis fin 2012 et s'installe à Berlin : « J'y avais déjà des contacts. En plus, il y a à Berlin une communauté de gens qui militent pour le respect de la vie privée. Les lois allemandes en la matière sont bien faites. » Elle se lance alors dans la préparation d'un nouveau documentaire, centré sur la surveillance électronique de masse. Pour son enquête, Laura Poitras rencontre des anciens membres de la NSA devenus lanceurs d'alerte et Julian Assange de WikiLeaks : « A l'époque, ils passaient pour des paranoïaques. »Mais son projet initial va être bouleversé. Début 2013, elle reçoit un courrier électronique signé « CitizenFour », qui lui demande de créer une boîte e-mail cryptée. Il promet de lui révéler des choses étonnantes.Très vite, Laura comprend que ce correspondant mystérieux va lui fournir le scoop de sa vie : un lot de documents secrets dévoilant un gigantesque programme illégal de surveillance planétaire des réseaux électroniques, orchestré par la NSA et l'agence britannique GCHQ. « Notre devoir de citoyen »Pour Laura et sa monteuse Mathilde Bonnefoy, une Française installée à Berlin, commence alors une nouvelle vie, compliquée : « Pour parler, se souvient Mathilde, on s'écrivait des petits mots, ou alors on quittait mon appartement en laissant nos téléphones, et on allait discuter au restaurant. »En avril 2013, CitizenFour donne rendez-vous à Laura et à Glenn Greenwald dans un hôtel de Hongkong pour leur transmettre tous les documents pris à la NSA. A leur arrivée, les deux journalistes découvrent que CitizenFour est un ancien agent de la CIA et de la NSA, âgé de seulement 29 ans. Son vrai nom est Edward Snowden.Tous trois se mettent au travail pour trier et analyser les documents, et mettre en place une stratégie pour révéler les documents aux médias. En même temps, Laura Poitras filme Snowden et Greenwald en train d'écrire, de discuter, de rire, de s'inquiéter pour leur avenir devenu si incertain, de prendre peur à cause d'une simple alarme incendie… Ces scènes d'intérieur constituent le cœur de Citizenfour, le documentaire de Laura Poitras : « Pour moi, le pseudo que Snowden s'était choisi nous rappelle à notre devoir de citoyen. Il possède aussi une dimension mystérieuse, proche de la science-fiction, qui colle bien à l'ambiance de mon documentaire. » « La police aurait pu saisir mes vidéos »Dès lors, tout va très vite. Glenn Greenwald publie les premiers articles dans le Guardian. Edward Snowden annonce publiquement qu'il est l'auteur de la fuite. Puis il tente de partir pour l'Amérique latine mais reste coincé à Moscou. De son côté, Laura Poitras retourne à Berlin, sans repasser par les Etats-Unis : « Si j'avais atterri dans un aéroport américain, la police aurait pu saisir mes vidéos. Il n'y aurait pas eu de film. » Aussitôt, elle commence le montage avec Mathilde Bonnefoy. Elle écrit aussi des articles sur les documents de la NSA pour Der Spiegel, le Guardian, le New York Times, et aussi pour The Intercept, site d'information créé par Glenn Greenwald et le milliardaire de la Silicon Valley Pierre Omidyar.A la suite d'une campagne médiatique en sa faveur, Laura Poitras peut désormais retourner aux Etats-Unis. Elle vient de passer plusieurs semaines à Los Angeles car Citizenfour a été nominé pour une série impressionnante de récompenses : les prix de trois associations professionnelles, le prix Satellite décerné par les journalistes de cinéma, le prix du cinéma indépendant et surtout l'Oscar du meilleur film documentaire qu'elle a remporté le 22 février.Lire aussi : Les défenseurs des libertés numériques saluent l'Oscar de « Citizenfour » Laura reste une rebelleDans son discours de remerciements, elle est restée centrée sur son message : « Quand les décisions qui nous affectent tous sont prises en secret, nous perdons toute capacité à contrôler le pouvoir. » C'est la gloire. Grâce à Hollywood, est-elle devenue intouchable ? « Je suis sûre que les autorités continuent à s'intéresser de près à tous mes faits et gestes. Mais au moins, je ne suis plus arrêtée dans les aéroports. »Le Musée d'art américain Whitney à New York lui a proposé de monter une installation vidéo artistique, toujours sur le thème de la surveillance de masse. Mais Laura reste une rebelle : « Une masse de documents Snowden sont encore inexploités. Je vais continuer à travailler sur cette affaire. »Le Monde et Haut et Court organisent, mardi 3 mars, une avant-première de Citizenfour précédée d'un débat avec Laura Poitras. Le compte-rendu du débat sera à suivre en direct sur LeMonde.fr.Yves EudesGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.02.2015 à 12h02 • Mis à jour le 23.02.2015 à 17h13Abonnez-vousà partir de 1 €data-url="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html"data-title="Un film de fin d'études français sélectionné par l'Académie des Oscars"data-picture="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/20/400x300/4580752_7_c876_l-affiche-du-film-sweet-cocoon_47a50a1ab951839955ea39f4de87fb23.jpg" Partager data-href="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html" data-layout="standard" data-action="recommend" data-show-faces="false"Cinq étudiants fraîchement diplômés de l'Ecole supérieure des métiers artisitiques (ESMA), à Montpellier, ont vu leur court métrage d'animation de fin d'études sélectionné par l'Académie des Oscars, fin janvier. Sweet cocoon ne fait certes pas partie des cinq nominés dans cette catégorie pour la cérémonie des Oscars, dimanche 22 février. Mais ce bijou sans paroles de 6 minutes, sur la métamorphose d'une chenille en papillon, est diffusé avec les nominés depuis plusieurs semaines dans plus de 400 salles de cinéma aux Etats-Unis, avant d'être proposé sur le site shorts.tv, puis sur les plus grandes plateformes de VOD américaines.Ses cinq auteurs, Matéo Bernard, Matthias Bruget, Jonathan Duret, Manon Marco et Quentin Puiraveau se sont envolés pour Los Angeles cette semaine où ils doivent visiter plusieurs studios d'animation. width="314" height="157" alt="Les lauréats 2014 de l'Institut du service civique." src="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/26/314x157/4584273_3_56b2_les-laureats-2014-de-l-institut-du-service_bd0d003f699999264591bb6e60038cb8.jpg" « L'Institut du service civique m'a apporté une aide qui n'a pas de prix » Le point sur la procédure de recrutement et les chances de réussite. width="314" height="157" alt="Une manifestation de l'Unef en 2011 pour protester contre les mesures d'austérité." src="http://s2.lemde.fr/image/2013/10/23/314x157/3501233_3_80dc_une-manifestation-de-l-unef-en-2011-pour_fcbd3e5fa90bc7c3977b2638ac5ca9f3.jpg" Professeurs et étudiants se mobilisent contre la pénurie budgétaire à l'université Les Journées européennes des écoles de photographie permettent de faire voir son book, de tirer ses œuvres grand format et de nouer des contacts avec des professionnels. width="314" height="157" alt="" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/26/314x157/4584117_3_8914_2015-02-26-17b77ff-14514-zzd9u0_511cc4ff06e37109717a32ff4d3d4af7.jpg" L’agriculture, un secteur qui recrute 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le01.03.2015 à 08h53 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... Yves Eudes Elle avait déjà décroché le scoop de sa vie. Laura Poitras vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire. Citizenfour retrace la genèse de l'affaire Snowden. Des prémices qu'elle a suivis en direct : la journaliste réalisatrice est l'une des premières personnes auxquelles le jeune agent de la NSA a confié ses révélations. Lorsque au début de 2013, Edward Snowden décide de révéler les documents sur les programmes de surveillance planétaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA), il choisit deux Américains qu'il n'a jamais rencontrés, le journaliste indépendant Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras. Il leur accorde sa confiance car il admire leur travail d'investigation.Lire aussi : Edward Snowden, rien que pour les yeuxLaura Poitras est célèbre pour avoir réalisé My Country, my country, un film sur l'Irak sous occupation américaine, nommé aux Oscars en 2010. Deux ans plus tard, la réalisatrice avait à nouveau fait parler d'elle avec The Oath, sur la prison de Guantanamo.  A l'époque, pour Laura Poitras, la notoriété n'a pas que des avantages : irritées par sa critique radicale de la politique américaine, les autorités inscrivent son nom sur une liste secrète de personnes à surveiller. Chaque fois qu'elle rentre aux Etats-Unis après un voyage à l'étranger, elle est détenue et interrogée à l'aéroport, parfois pendant des heures : « Un jour, ils ont saisi tous mes appareils électroniques et les ont gardés pendant des semaines. »Lire aussi : « Citizenfour » : minute par minute, l’élaboration d’une bombe médiatiqueUn courrier électronique signé « CitizenFour »Pour échapper à ce harcèlement, elle quitte les Etats-Unis fin 2012 et s'installe à Berlin : « J'y avais déjà des contacts. En plus, il y a à Berlin une communauté de gens qui militent pour le respect de la vie privée. Les lois allemandes en la matière sont bien faites. » Elle se lance alors dans la préparation d'un nouveau documentaire, centré sur la surveillance électronique de masse. Pour son enquête, Laura Poitras rencontre des anciens membres de la NSA devenus lanceurs d'alerte et Julian Assange de WikiLeaks : « A l'époque, ils passaient pour des paranoïaques. »Mais son projet initial va être bouleversé. Début 2013, elle reçoit un courrier électronique signé « CitizenFour », qui lui demande de créer une boîte e-mail cryptée. Il promet de lui révéler des choses étonnantes.Très vite, Laura comprend que ce correspondant mystérieux va lui fournir le scoop de sa vie : un lot de documents secrets dévoilant un gigantesque programme illégal de surveillance planétaire des réseaux électroniques, orchestré par la NSA et l'agence britannique GCHQ. « Notre devoir de citoyen »Pour Laura et sa monteuse Mathilde Bonnefoy, une Française installée à Berlin, commence alors une nouvelle vie, compliquée : « Pour parler, se souvient Mathilde, on s'écrivait des petits mots, ou alors on quittait mon appartement en laissant nos téléphones, et on allait discuter au restaurant. »En avril 2013, CitizenFour donne rendez-vous à Laura et à Glenn Greenwald dans un hôtel de Hongkong pour leur transmettre tous les documents pris à la NSA. A leur arrivée, les deux journalistes découvrent que CitizenFour est un ancien agent de la CIA et de la NSA, âgé de seulement 29 ans. Son vrai nom est Edward Snowden.Tous trois se mettent au travail pour trier et analyser les documents, et mettre en place une stratégie pour révéler les documents aux médias. En même temps, Laura Poitras filme Snowden et Greenwald en train d'écrire, de discuter, de rire, de s'inquiéter pour leur avenir devenu si incertain, de prendre peur à cause d'une simple alarme incendie… Ces scènes d'intérieur constituent le cœur de Citizenfour, le documentaire de Laura Poitras : « Pour moi, le pseudo que Snowden s'était choisi nous rappelle à notre devoir de citoyen. Il possède aussi une dimension mystérieuse, proche de la science-fiction, qui colle bien à l'ambiance de mon documentaire. » « La police aurait pu saisir mes vidéos »Dès lors, tout va très vite. Glenn Greenwald publie les premiers articles dans le Guardian. Edward Snowden annonce publiquement qu'il est l'auteur de la fuite. Puis il tente de partir pour l'Amérique latine mais reste coincé à Moscou. De son côté, Laura Poitras retourne à Berlin, sans repasser par les Etats-Unis : « Si j'avais atterri dans un aéroport américain, la police aurait pu saisir mes vidéos. Il n'y aurait pas eu de film. » Aussitôt, elle commence le montage avec Mathilde Bonnefoy. Elle écrit aussi des articles sur les documents de la NSA pour Der Spiegel, le Guardian, le New York Times, et aussi pour The Intercept, site d'information créé par Glenn Greenwald et le milliardaire de la Silicon Valley Pierre Omidyar.A la suite d'une campagne médiatique en sa faveur, Laura Poitras peut désormais retourner aux Etats-Unis. Elle vient de passer plusieurs semaines à Los Angeles car Citizenfour a été nominé pour une série impressionnante de récompenses : les prix de trois associations professionnelles, le prix Satellite décerné par les journalistes de cinéma, le prix du cinéma indépendant et surtout l'Oscar du meilleur film documentaire qu'elle a remporté le 22 février.Lire aussi : Les défenseurs des libertés numériques saluent l'Oscar de « Citizenfour » Laura reste une rebelleDans son discours de remerciements, elle est restée centrée sur son message : « Quand les décisions qui nous affectent tous sont prises en secret, nous perdons toute capacité à contrôler le pouvoir. » C'est la gloire. Grâce à Hollywood, est-elle devenue intouchable ? « Je suis sûre que les autorités continuent à s'intéresser de près à tous mes faits et gestes. Mais au moins, je ne suis plus arrêtée dans les aéroports. »Le Musée d'art américain Whitney à New York lui a proposé de monter une installation vidéo artistique, toujours sur le thème de la surveillance de masse. Mais Laura reste une rebelle : « Une masse de documents Snowden sont encore inexploités. Je vais continuer à travailler sur cette affaire. »Le Monde et Haut et Court organisent, mardi 3 mars, une avant-première de Citizenfour précédée d'un débat avec Laura Poitras. Le compte-rendu du débat sera à suivre en direct sur LeMonde.fr.Yves EudesGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 00h59 • Mis à jour le21.03.2015 à 02h14 | Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les tournages pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant le tournage dans l’Hexagone (contre 20 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux films dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de ce budget soit tourné en France.Même si Londres s’est immédiatement aligné sur les conditions françaises, mais sans plafond et en s’engageant à reverser le crédit d’impôts en 28 jours – un défi « impossible » à relever par Bercy pour le moment –, la France se présente ainsi désormais comme l’un des meilleurs rapports qualité-prix au monde pour venir y « faire du cinéma ». D’autant qu’il faut ajouter à ces nouvelles incitations fiscales, la dépréciation de l’euro.Cela a d’ailleurs été le message des représentants français du secteur dès l’ouverture de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hong Kong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée ! », entend-on dire en coulisses.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) pèsent environ 300 millions d’euros en France, soit 15 % de l’ensemble de la production cinématographique nationale, et 15 % seulement de ce que représentent les tournages étrangers en Angleterre.« Eviter que le tournage aille ailleurs »Ce sont néanmoins les tournages étrangers qui soutiennent la croissance constante du secteur et les milliers d’emplois en jeu. Pour la première fois, en février, le box-office chinois a devancé celui des Etats-Unis (avec 650 millions de dollars contre 640 pour les Etats-Unis).C’est donc notamment en participant à l’essor de la production audiovisuelle chinoise que la France pourra continuer de développer sa propre industrie. En Ile-de-France, principale destination des tournages, 120 000 emplois (20 000 permanents et 100 000 intermittents) sont directement liés à ce secteur.« Le crédit d’impôt ne va pas, en soi, susciter le tournage d’un film en France. Dans certains cas, il va éviter que le tournage n’aille ailleurs », relève Yve Cresson, de Bayoo TV, l’un des pionniers de la production exécutive en France pour des équipes chinoises.La France, et l’Ile-de-France en particulier sont de longue date des destinations prisées des réalisateurs du monde entier. Le Château de Versailles, à lui seul, a reçu 130 jours de tournage étranger en 2014. « On va en France pour la France », confirme-t-on chez Emperor Motion Pictures, grand producteur et distributeur hongkongais. Sous-entendu « pas pour faire des économies ». Jusqu’à présent…Un autre atout de la France est son savoir-faire technique (décorateurs, cadreurs, étalonneurs…). « Les talents français sont connus pour être de grands techniciens doublés d’une belle intelligence artistique », affirme Olivier-René Veillon, directeur général de la commission du film d’Ile-de-France et porte-étendard de la récente offensive commerciale française.Exercice laborieuxMais malgré ces atouts et la nouvelle conjoncture favorable, la partie est loin d’être gagnée. Même si le cadre s’est allégé, l’exercice reste laborieux pour les équipes étrangères. « Je ne cesse d’être sollicitée par des confrères qui voudraient eux aussi venir tourner à Paris parce qu’ils sont fascinés mais ils ne savent pas à qui s’adresser. Le crédit d’impôt c’est important mais il faudrait simplifier les démarches et créer plus d’interface pour les producteurs ou réalisateurs chinois comme moi », témoigne Xin Wang, actrice principale et productrice de la mini-série « Ex Model », qui, avec deux saisons, a atteint 75 millions de vues sur le site Youku, le géant chinois de contenu vidéo en ligne.Certains, par ailleurs, optent pour le tournage clandestin : nombre de « petites prises » se font sans autorisation par souci d’efficacité. Au regard des Chinois, la France et les Français sont d’une lenteur déconcertante. Les horaires de travail sont un autre sujet de tensions.Pourtant, avec l’émergence des nouveaux médias en ligne, la production audiovisuelle asiatique vit un « bouleversement majeur dont la France a tout intérêt à se rendre compte », selon René-Olivier Veillon. Le trio « BAT » (Baidu, Alibaba et Tencent), les trois plus grosses plateformes de commerce en ligne, sont en train de faire un pari stratégique sur les contenus originaux.La demande pour du « contenu original », qui était déjà immense dans cette partie du monde, semble désormais illimitée. A bon entendeur…Florence de Changy (Hong Kong, correspondance)Journaliste, corrrespondante à Hong KongSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 27.02.2015 à 19h33 • Mis à jour le27.02.2015 à 23h34 Timbuktu sera bien en compétition au Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou (Fespaco), au Burkina Faso. Après plusieurs jours d'atermoiements et de rumeurs annonçant comme quasi certain le retrait du film d'Abderrahmane Sissako du programme pour des raisons de sécurité, décision a été prise de faire concourir le long-métrage récemment plébiscité aux Césars.« Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de Timbuktu », a déclaré, vendredi 27 février, à la radio nationale Jean-Claude Dioma, le ministre de la culture burkinabè, alors que le Fespaco s'ouvre samedi. « Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises », a-t-il poursuivi, faisant état de « risques » que les autorités avaient d'abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.Lire aussi (édition abonnés) : Fespaco : « Timbuktu » n'est plus en Afrique« PAS MAL DE PROBLÈMES SÉCURITAIRES »« Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent [autour de] Timbuktu », confiait, jeudi, M. Dioma. S'il affirmait « ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts », il y a, soulignait-il, « des menaces partout où les islamistes pensent qu'on est en train de toucher à des aspects de leur croyance ».Abderrahmane Sissako avait milité pour la programmation de son film au Fespaco. « D'abord, je n'ai rien entendu sur les menaces qui pèseraient sur moi », a-t-il expliqué au Monde. « Je peux rester moins longtemps que prévu et je ne traînerai pas dans les maquis [les restaurants populaires]. Ce serait dommage d'annuler, si une projection du film avait un sens, c'était bien celle de Ouagadougou. »Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d'Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso. Au moins 12 000 festivaliers, dont 5 000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire. Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.02.2015 à 12h02 • Mis à jour le 23.02.2015 à 17h13Abonnez-vousà partir de 1 €data-url="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html"data-title="Un film de fin d'études français sélectionné par l'Académie des Oscars"data-picture="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/20/400x300/4580752_7_c876_l-affiche-du-film-sweet-cocoon_47a50a1ab951839955ea39f4de87fb23.jpg" Partager data-href="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html" data-layout="standard" data-action="recommend" data-show-faces="false"Cinq étudiants fraîchement diplômés de l'Ecole supérieure des métiers artisitiques (ESMA), à Montpellier, ont vu leur court métrage d'animation de fin d'études sélectionné par l'Académie des Oscars, fin janvier. Sweet cocoon ne fait certes pas partie des cinq nominés dans cette catégorie pour la cérémonie des Oscars, dimanche 22 février. Mais ce bijou sans paroles de 6 minutes, sur la métamorphose d'une chenille en papillon, est diffusé avec les nominés depuis plusieurs semaines dans plus de 400 salles de cinéma aux Etats-Unis, avant d'être proposé sur le site shorts.tv, puis sur les plus grandes plateformes de VOD américaines.Ses cinq auteurs, Matéo Bernard, Matthias Bruget, Jonathan Duret, Manon Marco et Quentin Puiraveau se sont envolés pour Los Angeles cette semaine où ils doivent visiter plusieurs studios d'animation. width="314" height="157" alt=" La découverte des résultats du bac, au lycée Jean Lafontaine à Paris. " src="http://s2.lemde.fr/image/2014/03/08/314x157/4379946_3_9af4_la-decouverte-des-resultats-du-bac-au-l_d7832fb6b57d54bece8081457d2370ef.jpg" Le gouvernement rétablit la bourse au mérite pour les bacheliers Un proviseur vous explique tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer dans une classe prépa. width="314" height="157" alt="Faire ses courses le vendredi, un privilège de prof ?" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/03/02/314x157/4585665_3_4c94_faire-ses-courses-le-vendredi-un-privilege-de_01903b6846b85ad4cae56d553bd677ab.jpg" Faire ses courses le vendredi, un privilège de prof ? La formation continue, décisive pour l'insertion professionnelle et l'employabilité est pourtant boudée par la population. width="314" height="157" alt="Les lauréats 2014 de l'Institut du service civique." src="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/26/314x157/4584273_3_56b2_les-laureats-2014-de-l-institut-du-service_bd0d003f699999264591bb6e60038cb8.jpg" « L'Institut du service civique m'a apporté une aide qui n'a pas de prix » Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 21.03.2015 à 00h59 • Mis à jour le21.03.2015 à 02h14 | Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 19.03.2015 à 18h46 • Mis à jour le20.03.2015 à 14h32 | Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. 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Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Richard Glatzer, qui avait coécrit et co-réalisé avec son mari Wash Westmoreland le film Still Alice, est mort mardi 10 mars à Los Angeles à l'âge de 63 ans. Il était atteint d'une sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot). Le 22 février dernier, Richard Glatzer avait appris que Julianne Moore qui, dans Still Alice, interprète une professeur de linguistique confrontée à la maladie d'Alzheimer, avait obtenu l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle.Richard Glatzer était né le 28 janvier 1952 dans le Queens, près de New York. Après des études dans les universités du Michigan et de Virginie, il était parti à Los Angeles travailler pour la télévision. Là-bas, il avait écrit et réalisé une comédie intitulée Grief. Il avait également produit un reality show, America's Next Top Model.Richard Glatzer avait rencontré Wash Westmoreland en 1995 (ils se marièrent en 2013). Ensemble, ils ont réalisé quatre films : The Fluffer en 2001, Quinceanera (Echo Park, L.A.) en 2006, The Last of Robin Hood en 2013 et enfin Still Alice qui sortira sur les écrans français mercredi prochain, le 18 mars.Grand prix à SundanceOutre Still Alice, on retiendra surtout Echo Park L. A., l'histoire de Magdalena, une jeune fille de la communauté mexicano-américaine d'Echo Park, un quartier de Los Angeles, qui prépare sa quinceanera, la célébration traditionnelle organisée à l'occasion de ses quinze ans. Ce film remporta de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Grand prix du jury au festival de Sundance.Hasard de l'histoire, Richard Glatzer a appris qu'il souffrait d'une maladie de Charcot la même année – 2011 – où ses producteurs lui ont proposé d'adapter L'Envol du papillon, le roman de Lisa Genova dont devait être tiré Still Alice.Même si les deux maladies, Alzheimer et Charcot, sont très différentes, la coïncidence est évidemment troublante. « La fin du roman est aussi poignante qu'inattendue, expliquait Wash Westmoreland il y a peu. Elle a pris Richard au dépourvu. Elle l'a stupéfait… et dévasté. J'avais quelques chapitres de retard sur lui, mais en voyant son regard j'ai tout de suite compris : il fallait que nous fassions ce film ».Une semaine avant le tournage, les mains et les bras de Richard Glatzer ne répondaient presque plus. « Il ne pouvait plus manger ni même s'habiller seul, et n'arrivait plus à taper sur son iPad qu'avec un seul doigt, se souvenait Wash Westmoreland. Bravant la maladie, il était néanmoins présent tous les jours sur le tournage et a tenu à réaliser le film en dépit de difficultés physiques incroyables. Cela a donné beaucoup de sens à notre travail. C'était en substance le sujet même du film. Il était là, devant nous. »Franck NouchiJournaliste au Monde Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. 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Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent: juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». 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Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie française, Éric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune acteur recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent: juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un Homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.03.2015 à 08h18 • Mis à jour le20.03.2015 à 18h24 Opéra« Les Stigmatisés » : un électrochoc musical Présenté en ouverture du festival Les Jardins mystérieux et programmé à nouveau samedi 21 mars, Les Stigmatisés, opéra de l’Autrichien Franz Schreker (1878-1934), fait l’effet d’un électrochoc. Plénitude musicale, haute tenue littéraire du livret, performance des chanteurs, direction d’acteurs d’une parfaite justesse… Cette création scénique est une absolue réussite.Opéra de Lyon.Une fête païenne sur fond de nihilismeCinéma« Selma » : la longue marche pour le droit de vote des Noirs américainsJusqu’à présent, Hollywood ne s’était pas intéressé à cet épisode crucial de l’histoire des Etats-Unis que constitue le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Noirs américains. C’est désormais chose faite grâce à ce film d’Ava DuVernay, pédagogique, efficace et remarquablement interprété, qui rend un juste hommage au pasteur et à ses compagnons de route.Film américain d’Ava DuVernay avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Tim Roth et Oprah Winfrey (2 h 02).« Selma » : un film pédagogique, efficace et nécessaireDavid Oyelowo, d’Henri VI au docteur KingMusiquesFaada Freddy : créateur de sons Le temps d’un album solo, Gospel Journey, le Sénégalais Faada Freddy a abandonné son groupe de hip-hop, Daara J. Il le présente en tournée, déployant une palette sonore inouïe en faisant vibrer sa voix et son corps comme s’ils étaient des instruments de musique. Soul, gospel, rap, rock, world music, le chanteur et musicien passe d’un genre à l’autre avec une aisance confondante.La Luciole, à Alençon. Samedi 21 mars à 21 heures.Faada Freddy, un corps instrumentalThéâtre« En route-kaddish » : un dialogue inter-générationnel sur la Palestine Premier spectacle du comédien David Geselson, En route-kaddish est une conversation imaginaire menée avec son grand-père. Né en 1914 en Lituanie, celui-ci est parti en 1934 pour la Palestine, avec un rêve : construire un pays. Il y a cru dur comme fer, s’est engagé sur tous les fronts, puis il a déchanté, est allé vivre aux Etats-Unis avant de revenir en Israël, où il est mort en 2009. David Geselson, trentenaire, s’est lui aussi cherché une terre. Il a vécu un temps au Japon après une rupture amoureuse, et a décidé d’écrire sur son grand-père. Nourri de lectures, de témoignages, de légendes familiales et de fiction, le spectacle ne cherche pas la vérité documentaire. Il se penche sur la question de la mémoire, et de son héritage.Théâtre de la Bastille, à Paris.La Palestine, une terre, deux regardsArtsPierre Bonnard : un virtuose des couleurs Il faut courir au Musée d’Orsay, où l’ensemble de peintures réunies pour l’exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie est époustouflant. L’accrochage fait fi de la chronologie, et c’est heureux : on peut voir à la fois l’évolution du peintre (1867-1947), comme ses permanences. Le peintre à la palette d’une virtuosité et d’une complexité étourdissantes utilisait la peinture pour tordre le réel : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante », écrivait-il.Musée d’Orsay, à Paris.Bonnard vivant à OrsayArtsEd Ruscha : l’ironie sur la toile L’artiste américain a fait des livres de photos en forme d’inventaires, et porté sur des toiles de grand format des lieux ordinaires, des choses banales. Il est aussi célèbre pour ses œuvres dans lesquelles apparaissent des mots, des phrases entières ou incomplètes, superposées à des paysages, des objets, un rideau – ou juste écrites sur un fond. La galerie Gagosian, à Paris, présente un ensemble considérable d’estampes, dessins, photos et livres des années 1960 à aujourd’hui : l’occasion de mesurer la subtilité d’une œuvre pleine d’ellipses et de décalages.Galerie Gagosian, à Paris.Ed Ruscha, maître de l’ironie pop américaineCinéma« Les Contes de la mer » : laissez-vous mener en bateauCe sont trois courts-métrages enchanteurs que réunit cette proposition de cinéma à destination des très jeunes enfants, trois petits films sans parole réalisés avec différentes techniques d’animation. Ils ont en commun l’univers maritime, évoqué avec poésie, simplicité et charme.Programme de trois courts-métrages d’animation allemand, estonien et chilien de Aleksandra Zareba, Ignacio Ruiz, Gabriela Salguero, Sand Guy, Pärtell Tall. (45 min).« Les Contes de la mer » : trois historiettes du bord de l’eauThéâtre« Gaudeamus », l’absurdité de la vie C’est l’histoire d’une bande de conscrits en folie, qui passe en revue, avec une énergie fracassante, l’absurdité et la trivialité de la vie militaire, et de la vie tout court. Créé en 1991, montré déjà en 1992 et en 1994 à la MC93 de Bobigny, ce spectacle (en russe, surtitré en français), qui fit avec succès le tour du monde, revient en France au TGP de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il a gardé toute sa force satirique et théâtrale et se révèle toujours très pertinent sur l’analyse des maux qui rongent la Russie d’aujourd’hui.Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis.Réjouissance soviétiqueExposition« Les Cahiers dessinés » : le trait sous toutes ses formes La petite maison d’édition parisienne Les Cahiers dessinés, créée en 2002 afin de redonner ses lettres de noblesse à cette discipline injustement négligée qu’est le dessin, réunit à la Halle Saint-Pierre à Paris les travaux d’une soixantaine d’artistes, aussi différents que Siné, Topor ou Victor Hugo. Quelque six cents pièces sont ainsi présentées au fil d’un parcours dépourvu de ligne directrice, où stars du dessin de presse côtoient d’illustres inconnus.Halle Saint-Pierre, à Paris.Le dessin, du crobard à l’œuvre d’artThéâtre« Tartuffe ou l’imposteur » : Molière toujours d’actualité Encore un Tartuffe ? Oui. La pièce résonne plus fortement que jamais, en nos temps où le fanatisme religieux fait son lit sur une forme de faiblesse morale, de perte de substance généralisée. Et la mise en scène de Benoît Lambert, qui éclate de vie et d’intelligence, est bien plus réussie que les dernières versions que l’on a pu voir, signées par Luc Bondy et Galin Stoev. La distribution, excellente, est emmenée par Marc Berman (Orgon), Martine Schambacher (Dorine) et Emmanuel Vérité (Tartuffe). Irremplaçable Molière.La Commune, à Aubervilliers.Tartuffe, un « gueux » dans une famille bourgeoise Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial)) Parvenir à rassembler régulièrement les mêmes acteurs pendant douze ans pour donner une image le plus fidèle possible de l’enfance, c’est, on le sait, le pari réussi de Boyhood. Un exploit pour le réalisateur Richard Linklater, certes, mais pas seulement. Invités du South by Southwest, un festival tout à la fois consacré aux films, à la musique et aux nouvelles technologies, quelques-uns des artisans de l’ombre qui ont permis au film de voir le jour ont donné un aperçu du défi gigantesque, et du cauchemar parfois, qu’a representé le montage.Le choix de la musique. Collaboratrice de Richard Linklater depuis vingt-deux ans, Sandra Adair explique comment a été bâtie la bande-son. « A chaque fois que l’on se remettait à tourner, on faisait une liste des chansons les plus écoutées à ce moment-là », explique-t-elle. « Ensuite nous donnions ces listes à des enfants du même âge que Mason [le personnage principal] et on leur demandait d’écrire un paragraphe au sujet des chansons qu’ils avaient écoutées ou qu’ils connaissaient. » Ce sont ces témoignages très personnels, qui reliaient certains morceaux à une tranche de vie, qui ont permis à l’équipe du film de décider des titres qui accompagneraient le film.Les changements techniques. « Les choses ont beaucoup changé en douze ans », dit Mike Saenz, qui a aidé Sandra Adair. Le même matériel a dû être utilisé pour filmer puis monter le film dans son entier, obligeant l’équipe à composer avec du matériel obsolète et à se débrouiller avec les quelque quatre-vingt-dix heures de film dont ils disposaient… sur cassettes.Les problèmes de droit oubliés. Une autorisation d’utilisation oubliée, et c’est une scène entière filmée des années auparavant que vous ne pouvez plus utiliser. C’est ce qui est arrivé pour une séquence du film dans laquelle figurait une affiche des Texans, une équipe de football de Houston. Dix ans après le tournage, l’équipe s’est vu refuser l’utilisation du logo, obligeant le monteur Parke Gregg à modifier numériquement toutes les images dans lesquelles il apparaissait, une à une.Multipliant les anecdotes techniques, l’équipe du film a également rendu hommage à Richard Linklater. Afin que son récit soit le plus vraisemblable possible, le réalisateur a fait en sorte de ne jamais incorporer dans l’histoire de Mason des éléments dont l’acteur qui l’incarnait à l’écran, Ellar Coltrane, n’ait lui-même fait l’expérience dans sa propre vie. Il aura ainsi fallu attendre les premiers émois de ce dernier pour que Mason ait lui aussi sa première petite amie à l’écran. Olivier Clairouin (Austin (envoyé spécial))JournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Cela fait bien longtemps que Jean-Luc Godard a tourné le dos à l’agitation du monde du cinéma, et son absence aux grandes cérémonies ne surprend plus personne. Il envoie généralement un message, comme la célèbre missive qu’il avait envoyée en 2010 au Festival de Cannes pour justifier son absence à la projection de Film Socialisme dans la section Un certain regard : « Suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes. Avec le festival, j’irai jusqu’à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus. Amicalement. Jean-Luc Godard. »Lire l’entretien avec Jean-Luc Godard : « Le cinéma, c'est un oubli de la réalité »Quatre ans plus tard, alors qu’il revenait en compétition avec Adieu au langage, il s’était fait représenter par une très belle lettre filmée adressée à Gilles Jacob et Thierry Frémaux, et c’est encore par un film qu’il répond à l’hommage que lui rendait, vendredi 13 mars, l’Académie du cinéma suisse qui saluait en lui un « cinéaste visionnaire et virtuose du montage (qui a) inspiré des générations de cinéastes dans le monde entier ».Lire aussi : « Adieu au langage » : Godard n'est pas venu dire qu'il s'en vaNoirceur mordanteDans ce petit court-métrage d’une noirceur mordante, il est l’unique personnage, un vieillard, vêtu d’un tee-shirt noir où l’on peut lire « Sarajevo », qui ne tient plus debout mais continue de porter l’estocade : « Il n’y a pas de cinéma suisse, murmure-t-il alors qu’il vient de s’écrouler au milieu du salon et qu’il n’arrive plus à se relever… Il y a bien des films bulgares, des films finlandais, des films africains, des films britanniques… Mais pas de cinéma… ».De sa voix d’outre-tombe, toujours à terre, il profère des bribes de son flux de conscience où se mêlent le cinéma et l’histoire, de la Grèce antique au XXe siècle, puis au XXIe, « sans toit… sans toi et moi ». « Sans doute que le monde va mal…, lâche-t-il alors qu’il s’est remis sur pied, un cigare dans une main, un stylo dans l’autre, et qu’il vient de faire une blague sur l’incohérence du système législatif suisse. On dit qu’on doit se faire une raison. Alors je rentre à la maison, avec les cendres de Gramsci, un poème de Pasolini, ça parle de l’humble corruption ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alice Fabre « Libérée, délivrée... » Plus d'un an que l'air de sa chanson phare nous trotte dans la tête. Et c'est parti pour durer... Car c'est officiel, il y aura une suite aux aventures d'Anna, Elsa et de leur compagnon, le bonhomme de neige maladroit Olaf. Le deuxième épisode de La Reine des neiges est sur les rails. Une décision qui fait suite au véritable carton planétaire du premier volet, sorti fin 2013. L'occasion de faire le tour des plus retentissants succès du genre de ces vingt dernières années.Troisième film le plus rentable de l'histoireif (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426262445858 .graphe").css("height", 450)$("#container_1426262445858 .title").empty()if ("Les dix films d'animation les plus rentables"!= ""){Les dix films d'animation les plus rentables")}$("#container_1426262445858 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426262445858 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.boxofficemojo.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Boxofficemojo", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:100000000, max:null, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["La Reine des neiges","Toy Story 3","Le Roi Lion","Moi, moche et méchant ","Le Monde de Nemo","Shrek 2","L'Age de Glace 3","L'Age de Glace 4","Shrek le troisième","Shrek 4: Il était une fin"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"$", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "recettes mondiales", "type": "", "yAxis": 0, "stack": "", "data": [ [ "", 1274219009 ], [ "", 1063171911 ], [ "", 987483777 ], [ "", 970761885 ], [ "", 936743261 ], [ "", 919838758 ], [ "", 886686817 ], [ "", 877244782 ], [ "", 798958162 ], [ "", 752600867 ] ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426262445858 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}Le succès de La Reine des neiges bat tous les records dans le domaine. Le dessin animé talonne même des films comme Avatar ou Titanic au box office mondial. Il a atteint la troisième place des meilleures recettes mondiales de tous les temps, en dépassant, il y a quelques mois, le milliard de dollars de recettes (1 274 219 009 dollars), devant Iron Man 3. Un chiffre faramineux et deux oscars gagnés l'an passé, qui ont décidé Disney à réaliser une suite.Sur les vingt dernières années, la suprématie des studios Disney-Pixar (la maison de Mickey a racheté la société à la lampe emblématique en 2006) est bien visible. Toy Story 3 est le seul autre film d'animation à avoir généré plus d'un milliard de dollars de recettes (1 063 171 911 dollars). Sorti en 2010, il est resté pendant cinq ans le dessin animé le plus rentable de l'histoire, avant que La Reine des neiges ne lui ravisse la palme au début de l'année.« Le Roi lion », un classique qui se maintientLe troisième plus gros succès est un vieux de la vieille qui résiste encore et toujours aux images de synthèse. Le Roi Lion, avec 987 483 777 dollars générés, est sorti en 1994, et a consolidé sa place de classique de toute une génération. En France, il reste le onzième film le plus vu au cinéma depuis 1978, avec plus de dix millions d'entrées.Le Monde de Nemo talonne Simba. Sorti en 2003, il a engrangé 936 743 261 dollars. A l'époque, l'histoire de ce père poisson-clown parti à la recherche de son fils à travers l'océan Pacifique avait accueilli plus de 9 500 000 personnes dans les cinémas français.Les anciens côtoient les nouveaux dans la suite du palmarès. La princesse aux longs (très longs) cheveux d'or Raiponce a cumulé 591 794 936 dollars de recette, tandis que le prince Aladdin et son génie se maintiennent avec 504 050 219 dollars engendrés depuis sa sortie en 1992.Des concurrents bien classésQuelques irréductibles viennent cependant entamer la domination de Disney. Le deuxième volet de Moi, moche et méchant est le quatrième film d'animation à avoir le plus enregistré de recettes, proche du milliard (970 761 885 de dollars). Cette production datant de 2010 est l'œuvre de la société Illumination Entertainment, une filiale des studios Universal, concurrent de Disney. De même que les sagas Shrek (réalisées par Dreamworks) et les volets de l'Age de Glace (produite par la 20th Century Fox).Il est donc loin le temps du premier long métrage d'animation sorti en 1937, qui mettait en scène une jeune princesse recueillie par sept braves nains dans la forêt. Le premier grand succès des studios Disney, Blanche Neige et les sept nains, a généré au total plus de 180 millions de dollars lors de sa sortie. Pourtant il reste le dessin-animé le plu vu dans les salles françaises, avec près de 13 millions d'entrées (il a été régulièrement repris au cinéma jusque dans les années 1990). La Reine des neiges, elle, a fait cinq millions d'entrées. Elsa et Anna ne détiennent pas, encore, tous les records.if (!window.Highcharts) {') .titre{ position:relative; z-index:5 margin-top: 5 0 0 10; } .titre:before{ font-size:13px; content:"▶ "; vertical-align: middle; } .subtitre{ display:block; }$("#container_1426264393717 .graphe").css("height", 400)$("#container_1426264393717 .title").empty()if ("Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français"!= ""){Nombre d'entrées des films d'animation dans les cinémas français")}$("#container_1426264393717 .subtitle").empty()if (""!= ""){")}$(function () {Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher' }});$("#container_1426264393717 .graphe").highcharts({chart:{ backgroundColor: 'rgba(255,255,255,0)', borderRadius: 0, type: "bar", events:{ load:function(){ this.credits.element.onclick = function(){ window.open( "http://www.jpbox-office.com/", _blank ); } } }},colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400"],credits:{ enabled:true, text:"Jpboxoffice", position: { align: "right", x: -15, y: -5 },},title: { text: ""},subtitle: { text: ""},plotOptions: { series: { connectNulls:true, stacking:"normal", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null } }, pie:{ dataLabels:{ enabled:false }, showInLegend:true }},yAxis:[{ id:"gauche", title:{ text:"" }, showEmpty:false, labels:{ format: "{value} " }, min:0, max:15000000, endOnTick:false, startOnTick:false, reversed:false, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align:"center", verticalAlign:"middle", textAlign:"center" } }]}, { id:'droit', reversed:false, opposite:true, showEmpty:false, title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}' }}],xAxis:{ type:"linear", categories:["Blanche Neige et les sept nains ","Cendrillon","Le Roi Lion ","Le Monde de Nemo ","Tarzan","Ratatouille","L'Age de Glace 3","Aladdin","Shrek 2","Les 101 dalmatiens"], title:{ text:"" }, labels:{ format:'{value}', step:"", staggerLines:"", rotation:0 }, plotBands:[{ color:"#2f5ea1", from:"", to:"", label:{ useHTML:true, text:"", align: "center", verticalAlign: "middle", textAlign:"center" } }]},tooltip:{ useHTML:true, valueSuffix:"", shared:false, backgroundColor:{ linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [ [0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0'] ] }, borderWidth: 1, borderColor: '#AAA', valueDecimals: 0, xDateFormat: ""},legend:{ enabled:true, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10},series:[ { "name": "nombre d'entrées", "type": "", "stack": "", "data": [ { "name": "Blanche Neige et les sept nains ", "y": 13606026, "visible": true }, { "name": "Cendrillon", "y": 11873677, "visible": true }, { "name": "Le Roi Lion ", "y": 10135871, "visible": true }, { "name": "Le Monde de Nemo ", "y": 9311689, "visible": true }, { "name": "Tarzan", "y": 7859751, "visible": true }, { "name": "Ratatouille", "y": 7845210, "visible": true }, { "name": "L'Age de Glace 3", "y": 7803757, "visible": true }, { "name": "Aladdin", "y": 7280423, "visible": true }, { "name": "Shrek 2", "y": 7185626, "visible": true }, { "name": "Les 101 dalmatiens", "y": 7084543, "visible": true } ], "color": "#0386c3" }]})});var chart = $('#container_1426264393717 .graphe').highcharts();if (0== 0){ $("#axeY2").hide() $(".invis").hide() $(".invis2").hide()} else { $("#axeY2").show() $(".invis").show() $(".invis2").show()}>> Lire la critique : « La Reine des neiges » : des héroïnes fadesAlice FabreJournaliste au Monde Sylvie Kerviel Le pensionnaire avait remis sa lettre de démission à l’administrateur général de la Comédie-Française, Eric Ruf, il y a près de deux mois, le 15 janvier, mais l’information n’a été rendue publique qu’aujourd’hui, vendredi 13 mars. Pierre Niney, qui fête ses 26 ans ce jour, pourra donc désormais se consacrer davantage au cinéma. Comme pour encourager ce choix alors encore secret, le jeune homme recevait, le 20 février, le César du meilleur acteur pour son rôle dans Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, où il incarne le couturier.« Je ne dis pas au revoir au théâtre pour autant, a commenté Pierre Niney, dans un message partagé sur son compte Twitter, samedi 14 mars. Je pense, plus que jamais, que la passerelle entre le cinéma et le théâtre est une chose magnifique qu'il faut cultiver absolument. Depuis quelques mois il ne m'était plus possible d'entretenir ce lien comme je l'aurais voulu, étant donné les exigences de la Comédie-Française envers ses pensionnaires ».En 2007, la comédienne Marina Hands avait, elle aussi, quitté la Maison de Molière juste après avoir reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Lady Chatterley, de Pascale Ferran. En 2012, Grégory Gadebois avait à son tour claqué la porte de l’institution, parce qu'il y « manquait d'air ».Lire aussi : Yves Saint Laurent : juste quelques effluvesDepuis 2010 au FrançaisPierre Niney avait rejoint la prestigieuse troupe du Français, dirigée à l’époque par Muriel Mayette, en octobre 2010, à l’âge de 21 ans. Il y a joué dans des pièces de registres aussi différents qu’Un fil à la patte, de Feydeau, Un chapeau de paille d’Italie, de Labiche, ou Phèdre, de Racine. La Comédie-Française n’a pas souhaité commenter ce départ.Parallèlement, le jeune homme à la longue silhouette et au sourire timide menait une carrière prometteuse au cinéma, où les comédies à succès Lol, de Lisa Azuelos (2008), J’aime regarder les filles, de Frédéric Louf (2011), ou 20 ans d’écart, de David Moreau (2013), où il apparaissait au côté de Virginie Efira, lui valurent plusieurs fois d’être nominé aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir masculin ». Il sera à l’affiche dès la semaine prochaine pour Un homme idéal, un thriller de Yann Gozlan, où il tient le rôle principal, un écrivain qui accède à la notoriété en signant le texte d'un autre. On le retrouvera bientôt au casting de Altamira du Britannique Hugh Hudson (Les Chariots de Feu, Greystoke), où il joue au côté d'Antonio Banderas. En 2016, il interprètera Philippe Cousteau, le fils de Jacques-Yves Cousteau, dans L'Odyssée, de Jérôme Salle.Lire aussi : Le chapeau de Labiche mangé par FeydeauSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.03.2015 à 14h33 • Mis à jour le10.03.2015 à 15h54 | Propos recueillis par Thomas Sotinel Entretien avec la cinéaste afro-américaine, à l'occasion de la sortie de « Selma ».  Ava DuVernay a réalisé Selma, du nom de la ville d'Alabama d'où partit en mars 1965 la marche pour les droits civiques menée par Martin Luther King. Un sujet sur mesure pour cette cinéaste afro-américaine de 42 ans.Comment en êtes-vous venue à réaliser « Selma », vous, la réalisatrice de deux films indépendants à petit budget ?J'avais rencontré David [Oyelowo, l'acteur britannique qui joue Martin Luther King, NDLR] pour Middle of Nowhere, un film qui avait gagné à Sundance. Lee Daniels devait diriger Selma et lui avait donné le rôle du révérend King, mais il a préféré faire Le Majordome. David s'est retrouvé sans réalisateur. Quand les producteurs m'ont appelée, ils ne pouvaient pas savoir que mon père est originaire du comté de Lowndes, en Alabama, et que ma mère y travaille toujours. Je connais cet endroit, j'y ai si souvent passé Noël ainsi que mes vacances d'été dans la ferme de ma grand-mère, près de Montgomery [ville où s'est achevée la marche]. En outre, je suis diplômée d'études afro-américaines de l'UCLA : je me sens très à l'aise avec l'histoire des droits civiques.Sur qui vous êtes-vous appuyée pour raconter l'histoire de cette campagne, au printemps 1965 ?Toutes les personnes impliquées dans cet épisode ont écrit leurs Mémoires en donnant leur propre point de vue sur Martin Luther King. J'ai été très proche d'Andrew Young [un collaborateur du pasteur, qui fut plus tard ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU et maire d'Atlanta, NDLR] pendant le tournage.« Selma » est sorti aux états-Unis à Noël 2014, après les affrontements de Ferguson, à la fin d'une année qui a mis en lumière la persistance d'un fossé entre les communautés. Quand j'ai commencé le film, j'ai vraiment pensé que le débat tournerait autour du droit de vote. Parce que Selma parle essentiellement du combat pour le Voting Rights Act [le texte de loi qui a mis fin aux pratiques discriminatoires des Etats du Sud]. Il y a en ce moment des tentatives pour démanteler cette loi. Un mois après la fin du tournage, pendant le montage du film, Mike Brown est assassiné à Ferguson, une petite ville dont personne n'avait entendu parler, comme c'était le cas de Selma, en 1965. Je regardais l'écran de ma table de montage, puis celui de la télévision, et c'était la même chose - ces citoyens désarmés qui font face à un mur de policiers. Auparavant, il y avait eu Eric Garner à New York. Plus tard, ce fut l'affaire Tamir Rice à Cleveland. Les gens me demandent pourquoi il a fallu attendre cinquante ans pour faire un film sur Martin Luther King. On dirait que le film « voulait » sortir à ce moment précis.On vous a reproché votre vision du président Lyndon B. Johnson, qui a fini par présenter le « Voting Rights Act » au Congrès. Si j'avais voulu en faire un méchant, j'aurais pu : j'aurais parlé du Vietnam, de son refus de voter les textes contre la ségrégation dans les vingt années qui ont précédé son arrivée à la Maison Blanche, de son emploi systématique du mot en « n » (nigger). Et on me dit que je déforme la réalité ? Ces critiques viennent de ceux qui veulent préserver son héritage - et je les comprends -, mais aussi d'éditorialistes qui affirment qu'il ne faut pas tenir compte de ma voix et que personne ne devrait voir ce film. Je crois que c'est dangereux. Je n'ai pas la même vision du président Johnson que les gens qui ont travaillé pour lui. Je suis une femme noire de Compton, dont le père vient d'Alabama.Vous avez été longtemps attachée de presse à Hollywood. Cette expérience a-t-elle eu une influence sur votre travail ?Je ne me préoccupe pas de marketing, de relations publiques. Je ne vais pas faire une séquence parce qu'elle « fera bien » sur l'affiche. Mais quand je suis sur le plateau, que je regarde un acteur jouer, je me sens comme la représentante du public.Vous venez de réaliser une épopée après avoir dirigé deux drames intimes. Quels sont vos projets ?Au bout du compte, ce que j'ai essayé de trouver dans Selma, c'est l'humanité, l'intimité, au centre d'événements épiques. Je vais tenter de réitérer l'expérience en racontant une histoire d'amour et de meurtre dans le contexte de l'ouragan Katrina. C'était il y a dix ans, il faut que ce soit montré à l'écran. C'est ce qui m'intéresse, faire entendre la voix d'une femme noire au cinéma, c'est si rare. Selma, d'Ava DuVernay, avec David Oyelowo. En salles le 11 mars.Propos recueillis par Thomas Sotinel Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance) La marche pour l’égalité n’est pas terminée, « mais nous approchons du but ». Tel est le message délivré, samedi 7 mars, par le président américain Barack Obama, dans la petite ville de Selma (Alabama). Venu commémorer le cinquantième anniversaire du Bloody sunday, une marche pour les droits civiques au cours de laquelle les forces de l’ordre avaient chargé quelque 600 manifestants défilant pacifiquement pour le droit de vote, M. Obama a reconnu que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale ». Le président américain a aussi plaidé avec force pour que le droit de vote durement acquis il y a un demi-siècle soit aujourd’hui protégé des restrictions que certains Etats s’efforcent d’y apporter. Et incité ces concitoyens à s’inspirer des événements de Selma pour prendre leur destin en mains.Attendu depuis le matin par des milliers de personnes massées devant l’entrée du pont Edmund Pittus, sur lequel avaient eu lieu les affrontements, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président américain, George W. Bush et son épouse, le président a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains, mais à tous les Américains ». Grâce à eux une « Amérique plus juste, plus inclusive, plus généreuse a triomphé ».De Selma à Maïdan« Il y a peu d’endroits et de moments en Amérique, où s’est joué le destin de la nation ; Selma est l’un de ces lieux », a-t-il lancé, suggérant aux jeunes générations d’en faire un modèle de citoyenneté et de patriotisme. Selma qui, selon lui, fut une étape « sur un long chemin vers la liberté » aurait même valeur d’exemple pour tous les peuples en quête de changements, de « Tunis à Maïdan, en Ukraine ». « Le changement non violent […] peut amener les leaders à étendre les frontières de la liberté », a assuré M. Obama, en référence au Voting rights act (la loi qui a définitivement ouvert le droit de vote à la population noire) adopté en août 1965, dans la foulée des manifestations. Evoquant ces droits acquis de haute lutte, le président américain s’est indigné que des Etats cherchent aujourd’hui à rendre le vote « plus difficile » pour les minorités, une allusion à certains responsables républicains accusés par les démocrates d’introduire des contraintes supplémentaires dans leurs Etats. Il a aussi déploré que, au vu de cette histoire particulière, l’Amérique demeure l’une des démocraties où les citoyens participent le moins aux élections.Les tensions raciales ne sont plus « endémiques »Apparemment désireux de ne pas limiter la commémoration des événements de Selma à la question des discriminations à l’encontre des Afro-américains, M. Obama a, aussi, à plusieurs reprises, évoqué les droits « des femmes, des homosexuels (le) s ou des immigrés », pointant sur toutes ces questions « les progrès » qui, ces dernières décennies, ont permis de rendre « l’Amérique meilleure », même si là encore des efforts restent à accomplir. Mais la question raciale reste prégnante et le premier président noir des États-Unis a reconnu que « le racisme n’avait pas disparu ». Tout en repoussant l’idée que « la division raciale était inhérente à l’Amérique », il a toutefois profité de cet anniversaire pour évoquer les tensions qui ces derniers mois ont secoué le pays, suite à la mort de plusieurs Afro-américains tués par des policiers blancs. Quelques heures avant le discours du président, la mort d’un jeune Noir tué dans l’Etat du Wisconsin par un policier a provoqué des manifestations de plusieurs dizaines de personnes. Alors qu’une enquête menée à Ferguson (Missouri), ville devenue symbole de ces tensions, vient de confirmer le racisme d’une partie des autorités envers la population afro-américaine, M. Obama a affirmé : « ce qui s’est passé à Ferguson n’est peut-être pas un cas unique mais ce n’est plus une situation endémique ».Un président discret sur ses originesAvant Selma, M. Obama ne s’était exprimé que rarement sur ce sujet. Récemment, il a affirmé lors d’une rencontre avec des militants actifs dans les années 60 sur le droit de vote des Noirs que sa présidence était leur « héritage ».En juillet 2013, après l’acquittement du vigile blanc responsable de la mort de Trayvon Martin un Afro-américain de 17 ans, le président avait reconnu qu’en dépit de progrès, l’Amérique n’était pas devenue une société post-raciale et admis « des disparités raciales dans l’application de la loi ». « Trayvon Martin aurait pu être mon fils. Ou moi il y a 35 ans », avait-il aussi déclaré lors de ce drame. Mais son grand discours sur la question raciale date de mars 2008 à Philadelphie où, lors de sa campagne électorale, il avait longuement évoqué ses origines, « sa grand-mère blanche », qui l’a élevé mais « pouvait tenir des propos racistes » et déploré les discriminations persistantes envers la population noire. Cette relative discrétion sur ses origines n’a pas empêché sa côte de popularité de rester à 80 % au sein de la population afro-américaine.Stéphanie Le Bars (Washington, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le01.03.2015 à 08h53 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... Yves Eudes Elle avait déjà décroché le scoop de sa vie. Laura Poitras vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire. Citizenfour retrace la genèse de l'affaire Snowden. Des prémices qu'elle a suivis en direct : la journaliste réalisatrice est l'une des premières personnes auxquelles le jeune agent de la NSA a confié ses révélations. Lorsque au début de 2013, Edward Snowden décide de révéler les documents sur les programmes de surveillance planétaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA), il choisit deux Américains qu'il n'a jamais rencontrés, le journaliste indépendant Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras. Il leur accorde sa confiance car il admire leur travail d'investigation.Lire aussi : Edward Snowden, rien que pour les yeuxLaura Poitras est célèbre pour avoir réalisé My Country, my country, un film sur l'Irak sous occupation américaine, nommé aux Oscars en 2010. Deux ans plus tard, la réalisatrice avait à nouveau fait parler d'elle avec The Oath, sur la prison de Guantanamo.  A l'époque, pour Laura Poitras, la notoriété n'a pas que des avantages : irritées par sa critique radicale de la politique américaine, les autorités inscrivent son nom sur une liste secrète de personnes à surveiller. Chaque fois qu'elle rentre aux Etats-Unis après un voyage à l'étranger, elle est détenue et interrogée à l'aéroport, parfois pendant des heures : « Un jour, ils ont saisi tous mes appareils électroniques et les ont gardés pendant des semaines. »Lire aussi : « Citizenfour » : minute par minute, l’élaboration d’une bombe médiatiqueUn courrier électronique signé « CitizenFour »Pour échapper à ce harcèlement, elle quitte les Etats-Unis fin 2012 et s'installe à Berlin : « J'y avais déjà des contacts. En plus, il y a à Berlin une communauté de gens qui militent pour le respect de la vie privée. Les lois allemandes en la matière sont bien faites. » Elle se lance alors dans la préparation d'un nouveau documentaire, centré sur la surveillance électronique de masse. Pour son enquête, Laura Poitras rencontre des anciens membres de la NSA devenus lanceurs d'alerte et Julian Assange de WikiLeaks : « A l'époque, ils passaient pour des paranoïaques. »Mais son projet initial va être bouleversé. Début 2013, elle reçoit un courrier électronique signé « CitizenFour », qui lui demande de créer une boîte e-mail cryptée. Il promet de lui révéler des choses étonnantes.Très vite, Laura comprend que ce correspondant mystérieux va lui fournir le scoop de sa vie : un lot de documents secrets dévoilant un gigantesque programme illégal de surveillance planétaire des réseaux électroniques, orchestré par la NSA et l'agence britannique GCHQ. « Notre devoir de citoyen »Pour Laura et sa monteuse Mathilde Bonnefoy, une Française installée à Berlin, commence alors une nouvelle vie, compliquée : « Pour parler, se souvient Mathilde, on s'écrivait des petits mots, ou alors on quittait mon appartement en laissant nos téléphones, et on allait discuter au restaurant. »En avril 2013, CitizenFour donne rendez-vous à Laura et à Glenn Greenwald dans un hôtel de Hongkong pour leur transmettre tous les documents pris à la NSA. A leur arrivée, les deux journalistes découvrent que CitizenFour est un ancien agent de la CIA et de la NSA, âgé de seulement 29 ans. Son vrai nom est Edward Snowden.Tous trois se mettent au travail pour trier et analyser les documents, et mettre en place une stratégie pour révéler les documents aux médias. En même temps, Laura Poitras filme Snowden et Greenwald en train d'écrire, de discuter, de rire, de s'inquiéter pour leur avenir devenu si incertain, de prendre peur à cause d'une simple alarme incendie… Ces scènes d'intérieur constituent le cœur de Citizenfour, le documentaire de Laura Poitras : « Pour moi, le pseudo que Snowden s'était choisi nous rappelle à notre devoir de citoyen. Il possède aussi une dimension mystérieuse, proche de la science-fiction, qui colle bien à l'ambiance de mon documentaire. » « La police aurait pu saisir mes vidéos »Dès lors, tout va très vite. Glenn Greenwald publie les premiers articles dans le Guardian. Edward Snowden annonce publiquement qu'il est l'auteur de la fuite. Puis il tente de partir pour l'Amérique latine mais reste coincé à Moscou. De son côté, Laura Poitras retourne à Berlin, sans repasser par les Etats-Unis : « Si j'avais atterri dans un aéroport américain, la police aurait pu saisir mes vidéos. Il n'y aurait pas eu de film. » Aussitôt, elle commence le montage avec Mathilde Bonnefoy. Elle écrit aussi des articles sur les documents de la NSA pour Der Spiegel, le Guardian, le New York Times, et aussi pour The Intercept, site d'information créé par Glenn Greenwald et le milliardaire de la Silicon Valley Pierre Omidyar.A la suite d'une campagne médiatique en sa faveur, Laura Poitras peut désormais retourner aux Etats-Unis. Elle vient de passer plusieurs semaines à Los Angeles car Citizenfour a été nominé pour une série impressionnante de récompenses : les prix de trois associations professionnelles, le prix Satellite décerné par les journalistes de cinéma, le prix du cinéma indépendant et surtout l'Oscar du meilleur film documentaire qu'elle a remporté le 22 février.Lire aussi : Les défenseurs des libertés numériques saluent l'Oscar de « Citizenfour » Laura reste une rebelleDans son discours de remerciements, elle est restée centrée sur son message : « Quand les décisions qui nous affectent tous sont prises en secret, nous perdons toute capacité à contrôler le pouvoir. » C'est la gloire. Grâce à Hollywood, est-elle devenue intouchable ? « Je suis sûre que les autorités continuent à s'intéresser de près à tous mes faits et gestes. Mais au moins, je ne suis plus arrêtée dans les aéroports. »Le Musée d'art américain Whitney à New York lui a proposé de monter une installation vidéo artistique, toujours sur le thème de la surveillance de masse. Mais Laura reste une rebelle : « Une masse de documents Snowden sont encore inexploités. Je vais continuer à travailler sur cette affaire. »Le Monde et Haut et Court organisent, mardi 3 mars, une avant-première de Citizenfour précédée d'un débat avec Laura Poitras. Le compte-rendu du débat sera à suivre en direct sur LeMonde.fr.Yves EudesGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.02.2015 à 12h02 • Mis à jour le 23.02.2015 à 17h13Abonnez-vousà partir de 1 €data-url="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html"data-title="Un film de fin d'études français sélectionné par l'Académie des Oscars"data-picture="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/20/400x300/4580752_7_c876_l-affiche-du-film-sweet-cocoon_47a50a1ab951839955ea39f4de87fb23.jpg" Partager data-href="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html" data-layout="standard" data-action="recommend" data-show-faces="false"Cinq étudiants fraîchement diplômés de l'Ecole supérieure des métiers artisitiques (ESMA), à Montpellier, ont vu leur court métrage d'animation de fin d'études sélectionné par l'Académie des Oscars, fin janvier. Sweet cocoon ne fait certes pas partie des cinq nominés dans cette catégorie pour la cérémonie des Oscars, dimanche 22 février. Mais ce bijou sans paroles de 6 minutes, sur la métamorphose d'une chenille en papillon, est diffusé avec les nominés depuis plusieurs semaines dans plus de 400 salles de cinéma aux Etats-Unis, avant d'être proposé sur le site shorts.tv, puis sur les plus grandes plateformes de VOD américaines.Ses cinq auteurs, Matéo Bernard, Matthias Bruget, Jonathan Duret, Manon Marco et Quentin Puiraveau se sont envolés pour Los Angeles cette semaine où ils doivent visiter plusieurs studios d'animation. width="314" height="157" alt="Les finalistes 2014 de "1job2boss". Chazène Aoura, candidate recrutée, pose à côté du président d'Adecco France, Alain Dehaze." src="http://s2.lemde.fr/image/2015/03/03/314x157/4586707_3_8127_les-finalistes-2014-de-1job2boss-chazene_34630621087df0a81b799cf685c8376c.jpg" 7 000 euros pour un mois de CDD comme apprenti PDG Les étudiants de l'Académie de BD Brassard-Delcourt reviennent en force sur leur blog dessiné, « Cases départ », forts de leur adhésion au PLF, parti très actif l'hiver et aux effets notoires, à découvrir ici... width="314" height="157" alt="Le lycée professionnel Paul-Bert à Bayonne, le 8 janvier." src="http://s2.lemde.fr/image/2015/03/03/314x157/4586729_3_99e9_le-lycee-professionnel-paul-bert-a-bayonne-l_ca4942b6c0909fbbd6100ae157562ea6.jpg" Combien coûte un étudiant en France ? Des milliers d’étudiants en BTS, licence ou master intègrent chaque année des écoles de commerce ou d’ingénieurs sans passer par la case prépa. width="314" height="157" alt="" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/03/03/314x157/4586512_3_7bfa_2015-03-02-8760bba-23888-il7k0f_77b68448cc0822c598284edb3970ed97.jpg" Concours : quelle stratégie pour réussir ? Franck Nouchi Lorsqu'on lui demandait pourquoi les gens qui apparaissaient dans ses films acceptaient de se laisser filmer, Albert Maysles répondait par une citation de Nietzsche : « Chaque noisette, même celle qui a le plus petit noyau, veut être ouverte ». Auteur d'une trentaine de documentaires parmi lesquels les célèbres Salesman et Gimme Shelter, considéré comme l'un des « pères » du cinéma direct, Albert Maysles est mort, jeudi 5 mars à New York, à l'âge de 88 ans.Il était né à Boston, le 26 novembre 1926. Après des études de psychologie à l'université de Syracuse, il devient psychologue. Et pour gagner de l'argent, fait du porte-à-porte en vendant des brosses à dent et des encyclopédies.En 1955, pour ses vacances, il part en Union soviétique. Son idée ? Visiter et filmer quelques hôpitaux psychiatriques du pays. Avec une caméra 16 mm que lui a prêtée CBS, il réalise son premier film : Psychiatrie en Russie.Filmer Kennedy avec Leacock et PennbakerEn 1960, sous la direction de Robert Drew, Albert Maysles travaille avec d'autres futurs grands documentaristes, parmi lesquels Richard Leacock et D.A. Pennbaker, pour réaliser Primary, un documentaire considéré aujourd'hui comme le premier film de cinéma direct. Munis de caméras mobiles, ultrarapides, ces cinéastes suivent l'affrontement entre le sénateur Hubert H. Humphrey et le futur président John F. Kennedy lors des primaires démocrates.Neuf ans plus tard, avec son frère David, Albert Maysles réalise Salesman (Le vendeur de bibles). Pendant un mois et demi, filmant avec une caméra 16 mm qu'il a lui-même bricolée, il suit quatre colporteurs qui essayent de vendre des bibles illustrées. On y découvre la face cachée de l'Amérique profonde, celle des pauvres qui s'abrutissent devant la télévision et qui cherchent à donner un sens à leur vie moyennant une bible payable par mensualités. « C'est un jeu de vendre, disait Albert Maysles au Monde. Dans ce jeu aussi, il y a le rêve américain. Chaque commis voyageur est un Lindberg en puissance. Ce n'est pas l'Atlantique qu'il faut traverser, c'est le seuil de la maison. Le vendeur qui entre est son propre héros. Il tient son futur entre ses mains. J'ai été un très bon vendeur, les gens me faisaient confiance ».Dans ce film, on découvre la méthode Maysles, cette manière unique de capter le réel sans le moindre point de vue explicite – Maysles assimilait le point de vue à de la propagande. Aucune idée préconçue, rien entre la caméra et le sujet, pas d'interview, pas de commentaire. La vie, juste la vie.Les Beatles et les Rolling StonesNovembre et décembre 1969 : les frères Maysles entreprennent de filmer la tournée américaine des Rolling Stones, et plus particulièrement le concert du Madison Square Garden et le festival d'Altamont en Californie. En 1964, ils avaient réalisé un documentaire intitulé What's happening ! The Beatles in the USA. Cette fois, dans Gimme Shelter, outre la vision d'un groupe dépassé par sa notoriété et incapable de contrôler son public, ils filment une violence extrême (quatre spectateurs mourront pendant ce festival, dont un jeune noir, Meredith Hunter, poignardé par un Hells Angels).En 1975, dans Grey Gardens, les frères Maysles filment deux cousines de Jacqueline Kennedy Onassis, Edith Bouvier et sa fille, Edith Bouvier Beale, qui vivent recluses dans une pièce de leur vaste maison. Ce film, disait Albert Maysles, « met à l'épreuve une question centrale : jusqu'où peut-on exposer une personne ? »Plus tard, deux autres de ses documentaires remporteront un Emmy Awards : Vladimir Horowitz : le dernier romantique (1985) et Soldier's of Music (1991), consacré au retour de Mstislav Rostropovitch en Russie.Très proches de Pennebaker et de Leacock, les frères Maysles (David est mort en 1987 à l'âge de 55 ans) avaient une approche du documentaire différente de celle de Frederick Wiseman. « Il s'intéresse davantage aux institutions, moi aux individus, résumait Albert Maysles. Il le nie généralement, mais il a un point de vue. Il essaye de trouver les failles du système, de l'administration, d'un collège, d'un hôpital psychiatrique ». Maysles, lui, laissait la caméra flotter à la surface de la réalité, cherchant inlassablement le contact avec la vie.Franck NouchiJournaliste au Monde 06.03.2015 à 00h56 • Mis à jour le06.03.2015 à 09h59 lmd.onload(function(){ require(["jquery", "lmd/module/video/autoplay", "lib/jquery/plugin/jquery.waypoint"], function($, a) { var i = $(".js_dailymotion#x2itbh0"); i.waypoint( function() { a.init({ type: "dailymotion", id: "x2itbh0", width: "534", height: "320" }); }, { offset : "100%", triggerOnce : true } ); });});Les fans d'Indiana Jones peuvent se rassurer, Harrison Ford, victime d'un accident d'avion, « devrait complètement se remettre », a annoncé jeudi 5 mars son attachée de presse. Le petit appareil qu'il pilotait s'était écrasé quelques heures plus tôt sur un terrain de golf près de Los Angeles. Les pompiers ayant évoqué une victime « grièvement » blessée, l'état de santé d'Harrison Ford avait dans un premier temps soulevé les inquiétudes.«Il a été bien esquinté et se trouve à l'hôpital en train de recevoir des soins. Les blessures qu'il a subies ne mettent pas sa vie en danger », a précisé son attachée de presse. L'interprète de Han Solo, âgé de 72 ans, souffre de blessures à la tête.« Légers traumatismes »Lors d'une conférence de presse, Patrick Butler, un responsable des pompiers de Los Angeles, a indiqué ensuite que la victime était « alerte et consciente », qu'elle souffrait de « légers traumatismes » et qu'elle pouvait respirer lorsque les secours sont arrivés sur place. Selon des témoins cités par la chaîne de télévision locale KTLA, Harrison Ford a dû être extrait de l'avion, mais il arrivait à marcher seul.D'après, le Bureau fédéral d'enquête sur les accidents de transport (NTSB), l'avion qu'il pilotait est un Ryan Aeronautical ST3KR. Ce modèle était utilisé pour former les pilotes américains pendant la Seconde Guerre mondiale. TMZ a publié une photo de l'avion biplace jaune. Le moteur et l'hélice, qui se trouvent à l'avant de l'appareil, semblent s'être désolidarisés du reste de l'avion en raison du choc.#Breaking: Harrison Ford CRASHES PLANE http://t.co/eHZ4EpT3WB http://t.co/52431g9s5w— TMZ (@TMZ)require(["twitter/widgets"]); 28.02.2015 à 02h38 • Mis à jour le01.03.2015 à 09h35 L'annonce de la mort de l'acteur qui a incarné Monsieur Spock a suscité de nombreuses réactions de la part du grand public et de personnalités.Lire aussi la nécrologie : Mort de Leonard Nimoy, alias SpockIllustrant le rôle immense que le personnage et la série télévisée qui l'a rendu célèbre ont joué pour des millions de passionnés et de professionnels de l'exploration spatiale, la NASA a été l'une des premières à saluer la mémoire du disparu.« RIP Leonard Nimoy. Nous sommes si nombreux à la NASA à avoir été inspirés par Star Trek. Explorons avec audace... », a écrit l'agence spatiale américaine sur Twitter, en allusion au générique de la série télévisée.RIP Leonard Nimoy. So many of us at NASA were inspired by Star Trek. Boldly go... http://t.co/qpeH5BTzQc http://t.co/nMmFMKYv1L— NASA (@NASA)require(["twitter/widgets"]);Le président américain, Barack Obama, qui « adorait Spock », lui a également rendu un hommage appuyé. « Leonard était un amoureux des arts et des lettres, un passionné de sciences (...) et, bien sûr, Leonard était Spock. »Vendredi, le capitaine Kirk a fait part de sa peine pour la perte de celui qu'il aimait « comme un frère ». « Ton humour, ton talent et ta capacité à aimer vont tous nous manquer », a tweeté William Shatner."I loved him like a brother. We will all miss his humor, his talent, and his capacity to love." — William Shatner (@WilliamShatner)require(["twitter/widgets"]);Des fans de tous les âges ont également défilé devant l'étoile de Leonard Nimoy sur le « Walk of Fame » de Los Angeles. « Avant Obi-Wan, avant Yoda, avant La Guerre des étoiles, il y a eu Spock », a dit l'acteur britannique Gregg Donovan, après avoir placé une gerbe de fleurs sur son étoile. 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le01.03.2015 à 08h53 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... Yves Eudes Elle avait déjà décroché le scoop de sa vie. Laura Poitras vient de recevoir l'Oscar du meilleur documentaire. Citizenfour retrace la genèse de l'affaire Snowden. Des prémices qu'elle a suivis en direct : la journaliste réalisatrice est l'une des premières personnes auxquelles le jeune agent de la NSA a confié ses révélations. Lorsque au début de 2013, Edward Snowden décide de révéler les documents sur les programmes de surveillance planétaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA), il choisit deux Américains qu'il n'a jamais rencontrés, le journaliste indépendant Glenn Greenwald et la documentariste Laura Poitras. Il leur accorde sa confiance car il admire leur travail d'investigation.Lire aussi : Edward Snowden, rien que pour les yeuxLaura Poitras est célèbre pour avoir réalisé My Country, my country, un film sur l'Irak sous occupation américaine, nommé aux Oscars en 2010. Deux ans plus tard, la réalisatrice avait à nouveau fait parler d'elle avec The Oath, sur la prison de Guantanamo.  A l'époque, pour Laura Poitras, la notoriété n'a pas que des avantages : irritées par sa critique radicale de la politique américaine, les autorités inscrivent son nom sur une liste secrète de personnes à surveiller. Chaque fois qu'elle rentre aux Etats-Unis après un voyage à l'étranger, elle est détenue et interrogée à l'aéroport, parfois pendant des heures : « Un jour, ils ont saisi tous mes appareils électroniques et les ont gardés pendant des semaines. »Lire aussi : « Citizenfour » : minute par minute, l’élaboration d’une bombe médiatiqueUn courrier électronique signé « CitizenFour »Pour échapper à ce harcèlement, elle quitte les Etats-Unis fin 2012 et s'installe à Berlin : « J'y avais déjà des contacts. En plus, il y a à Berlin une communauté de gens qui militent pour le respect de la vie privée. Les lois allemandes en la matière sont bien faites. » Elle se lance alors dans la préparation d'un nouveau documentaire, centré sur la surveillance électronique de masse. Pour son enquête, Laura Poitras rencontre des anciens membres de la NSA devenus lanceurs d'alerte et Julian Assange de WikiLeaks : « A l'époque, ils passaient pour des paranoïaques. »Mais son projet initial va être bouleversé. Début 2013, elle reçoit un courrier électronique signé « CitizenFour », qui lui demande de créer une boîte e-mail cryptée. Il promet de lui révéler des choses étonnantes.Très vite, Laura comprend que ce correspondant mystérieux va lui fournir le scoop de sa vie : un lot de documents secrets dévoilant un gigantesque programme illégal de surveillance planétaire des réseaux électroniques, orchestré par la NSA et l'agence britannique GCHQ. « Notre devoir de citoyen »Pour Laura et sa monteuse Mathilde Bonnefoy, une Française installée à Berlin, commence alors une nouvelle vie, compliquée : « Pour parler, se souvient Mathilde, on s'écrivait des petits mots, ou alors on quittait mon appartement en laissant nos téléphones, et on allait discuter au restaurant. »En avril 2013, CitizenFour donne rendez-vous à Laura et à Glenn Greenwald dans un hôtel de Hongkong pour leur transmettre tous les documents pris à la NSA. A leur arrivée, les deux journalistes découvrent que CitizenFour est un ancien agent de la CIA et de la NSA, âgé de seulement 29 ans. Son vrai nom est Edward Snowden.Tous trois se mettent au travail pour trier et analyser les documents, et mettre en place une stratégie pour révéler les documents aux médias. En même temps, Laura Poitras filme Snowden et Greenwald en train d'écrire, de discuter, de rire, de s'inquiéter pour leur avenir devenu si incertain, de prendre peur à cause d'une simple alarme incendie… Ces scènes d'intérieur constituent le cœur de Citizenfour, le documentaire de Laura Poitras : « Pour moi, le pseudo que Snowden s'était choisi nous rappelle à notre devoir de citoyen. Il possède aussi une dimension mystérieuse, proche de la science-fiction, qui colle bien à l'ambiance de mon documentaire. » « La police aurait pu saisir mes vidéos »Dès lors, tout va très vite. Glenn Greenwald publie les premiers articles dans le Guardian. Edward Snowden annonce publiquement qu'il est l'auteur de la fuite. Puis il tente de partir pour l'Amérique latine mais reste coincé à Moscou. De son côté, Laura Poitras retourne à Berlin, sans repasser par les Etats-Unis : « Si j'avais atterri dans un aéroport américain, la police aurait pu saisir mes vidéos. Il n'y aurait pas eu de film. » Aussitôt, elle commence le montage avec Mathilde Bonnefoy. Elle écrit aussi des articles sur les documents de la NSA pour Der Spiegel, le Guardian, le New York Times, et aussi pour The Intercept, site d'information créé par Glenn Greenwald et le milliardaire de la Silicon Valley Pierre Omidyar.A la suite d'une campagne médiatique en sa faveur, Laura Poitras peut désormais retourner aux Etats-Unis. Elle vient de passer plusieurs semaines à Los Angeles car Citizenfour a été nominé pour une série impressionnante de récompenses : les prix de trois associations professionnelles, le prix Satellite décerné par les journalistes de cinéma, le prix du cinéma indépendant et surtout l'Oscar du meilleur film documentaire qu'elle a remporté le 22 février.Lire aussi : Les défenseurs des libertés numériques saluent l'Oscar de « Citizenfour » Laura reste une rebelleDans son discours de remerciements, elle est restée centrée sur son message : « Quand les décisions qui nous affectent tous sont prises en secret, nous perdons toute capacité à contrôler le pouvoir. » C'est la gloire. Grâce à Hollywood, est-elle devenue intouchable ? « Je suis sûre que les autorités continuent à s'intéresser de près à tous mes faits et gestes. Mais au moins, je ne suis plus arrêtée dans les aéroports. »Le Musée d'art américain Whitney à New York lui a proposé de monter une installation vidéo artistique, toujours sur le thème de la surveillance de masse. Mais Laura reste une rebelle : « Une masse de documents Snowden sont encore inexploités. Je vais continuer à travailler sur cette affaire. »Le Monde et Haut et Court organisent, mardi 3 mars, une avant-première de Citizenfour précédée d'un débat avec Laura Poitras. Le compte-rendu du débat sera à suivre en direct sur LeMonde.fr.Yves EudesGrand reporterSuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le12.06.2015 à 15h14 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le12.06.2015 à 15h14 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 12.06.2015 à 06h56 • Mis à jour le12.06.2015 à 12h16 Concerts, conférence, festivals… Le Monde propose son choix de sorties. Danse : Daniel Linehan s’empare du « Sacre du printemps », à LilleLe danseur et chorégraphe américain Daniel Linehan, artiste résident à l’Opéra de Lille depuis 2013, est à l’affiche du festival nordiste Latitudes contemporaines, où il présente une version ultra-actuelle du Sacre du printemps. Ses spectacles sont des compositions très personnelles où l’artiste, âgé de 33 ans, dissèque des œuvres pour en créer de nouvelles, où la voix intervient au même titre que le corps, où la vidéo prolonge ou stimule le geste chorégraphique. Sylvie KervielOpéra de Lille, vendredi 12 juin à 20 heures, samedi 13 à 16 heures et à 20 heures. De 11 à 22 euros.Hip-hop : les sons métissés des Young Fathers à la MaroquinerieLauréat, en octobre 2014, du Mercury Prize pour son premier album studio resté jusqu’alors confidentiel, Dead, le groupe écossais a publié en avril un deuxième opus, White Men Are Black Men Too (les Blancs sont aussi des Noirs). Le trio, composé de Kayus Bankole, Alloysious Massaquoi et Graham « G » Hastings, sera à la Maroquinerie à Paris, pour présenter en public cet album où le hip-hop se teinte de soul voire de gospel et de chants tribaux, jusqu’à parfois disparaître dans ce mélange d’influences musicales marqué par la moiteur et la gravité. Sylvie KervielLa Maroquinerie, à Paris. Samedi 13 juin à 19 h 30. 22 euros.Musique : Yael Naim et Dominique ADans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de la colline de Fourvière, voici deux artistes qui ont en commun leur incandescence. Yael Naim et son compagnon David Donatien délivrent un blues contemporain très marqué par l’amour d’un chant déployé de manière à toucher au plus juste. Plus mature, la chanteuse vient de publier Older (Tôt ou Tard), un album marqué par ses ballades. Dominique A met en scène Eleor (Cing 7/Wagram) paru au printemps, dans un équilibre mesuré et en vibration avec l’électricité travaillée d’une guitare jouée en majesté. Véronique MortaigneNuits de Fourvière, à Lyon. Dimanche 14 juin, à 19 heures. 35 euros.Théâtre : Brecht toujours d’actualité au MonfortLutte entre la raison et la foi, combat pour des Lumières qui recèlent leur part d’obscurité, destruction d’un certain ordre du monde et apparition dans la douleur d’un nouveau… Dans la réjouissante mise en scène de Jean-François Sivadier, la pièce de Bertolt Brecht La Vie de Galilée résonne fortement avec notre actualité. Du vrai théâtre populaire pour aujourd’hui, gorgé de vie et porté par une formidable troupe d’acteurs, avec à leur tête un Nicolas Bouchaud particulièrement éblouissant dans le rôle-titre du savant-artiste. Trois heures trente qui passent sans coup férir. Fabienne DargeMonfort Théâtre, à Paris. Vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. De 10 à 28 euros.Conférence : les images mènent l’enquête La passionnante exposition du BAL, à Paris, intitulée « Images à charge », revient sur l’utilisation des images dans les enquêtes judiciaires. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des Sherlock Holmes modernes, comme Pierre Margot. Cet homme a dirigé l’Institut de police scientifique et de criminologie de l’université de Lausanne. A ce titre, il a participé à des enquêtes célèbres, comme celle sur le petit Grégory dans les années 1980. Jeudi 18 juin, il donne une conférence en compagnie de Luce Lebart, historienne de la photographie, qui revient sur les fondements de la criminalistique moderne. Claire GuillotAu BAL, à Paris, le jeudi 18 juin à 19 heures. Gratuit sur présentation du billet d’entrée à l’exposition. Réservation obligatoire : contact@le-bal.fr.Bande dessinée : des bulles en effervescence à LyonPour sa dixième édition, le festival Lyon BD a mis les petits plats dans les grands : 40 institutions culturelles de la ville seront livrées, deux jours durant, à quelque 200 auteurs de bande dessinée venus du monde entier. Parrainée par Le Monde, la manifestation va faire se succéder, à bon rythme, les conférences, les performances, les ateliers et autres projections d’un bout à l’autre de la cité des Gones. Parmi les expositions à ne pas rater : celle consacrée au blogueur-dessinateur Boulet dans les murs du tout nouveau Musée des confluences ; et celle traitant de la question du genre dans le 9e art, à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. Capitale de la gastronomie oblige, des auteurs locaux et barcelonais ont également prévu de raconter en bande dessinée les spécialités culinaires de leur ville respective. A table (à dessin) ! Frédéric PotetLyon BD. Samedi 13 et dimanche 14 juin. De 5 à 8 euros.Butô : Akaji Maro, génie de la métamorphose A 72 ans, Akaji Maro reste la référence absolue de cette « danse des ténèbres » qu’est le butô, art né dans les années 1960 à Tokyo. L’artiste, qui apparaît de temps à autre au cinéma (on l’a vu chez Tarantino ou Kitano) possède le grain de folie qui convient à ses spectacles joyeusement outranciers. Le patron de la célèbre compagnie Dairakudakan et ses danseurs présentent, à la Maison de la culture du Japon à Paris, leur dernier spectacle, La Maison des insectes, sur le thème de l’évolution des espèces. On passe du burlesque à la cruauté, du kitsch à la gravité, sur fond de musiques détonantes. Rosita BoisseauMaison de la culture du Japon, à Paris. Jusqu’au 20 juin. 20 euros.Documentaire : des courts-métrages, du skate et de l’immobilitéTrois pépites récompensées au festival du court-métrage documentaire de Lyon, Doc en courts, seront projetées vendredi soir à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. L’insolite Le Skate moderne, d’Antoine Besse (7') suit un groupe de très jeunes agriculteurs de Dordogne accros au skate, qu’ils déclinent en version rustique et champêtre. Dans Hillbrow, de Nicolas Boone (32’), l’immersion se fait plus violente, avec une fuite en avant dans un quartier pauvre de Johannesbourg, une course même, en dix plans séquence haletants. Avec Les Immobiles (38’) enfin, Béatrice Plumet propose à l’inverse l’expérience de l’immobilité totale à des élèves ou dans une maison de retraite, à des modèles, des taxidermistes ou à un photographe de studio. Emmanuelle JardonnetA la BPI du Centre Pompidou, à Paris, vendredi 12 juin à 20 heures.Architecture : un week-end pour courir les agences et visiter des maisons Pour faire connaître la profession et son action, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a invité les agences, les 12 et 13 juin, à ouvrir librement leurs portes. Plus de 3 000 d’entre elles ont répondu présentes, dont plus de 300 en Ile-de-France. Et pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Une visite payante (2 euros par personne), mais en compagnie de l’architecte. Jean-Jacques LarrochelleListe des maisons à consulter sur le site des Journées à vivre de l’architecture et la liste des agences sur le site portesouvertes.architectes.org. Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé ce studio. Personne n’a trouvé un équilibre aussi puissant que Walt Disney entre l’image, la musique et l’humour. Sa signature est unique. En 2006, quand je suis arrivé dans ce studio avec Ed Catmull [informaticien, cofondateur de Pixar], tout le monde m’a expliqué qu’il fallait retrouver la touche Disney. Mais il fallait l’adapter à son époque. Cela passait par l’abandon de la princesse attendant son prince charmant, par la création de femmes plus fortes, si possible issues des minorités. Il y avait à l’époque un abattement terrible dans ce studio. Pour en sortir, il fallait un énorme succès  : ce fut La Reine des neiges (2013), puis Les Nouveaux Héros (sorti en France en février).Vous expliquez souvent qu’un film ­d’ani­mation doit garder le souci du public tout en abordant un concept audacieux ou jamais vu. Comment concilier les deux  ?Je répète toujours à mes cinq fils  : assurez-vous de faire ce qui vous plaît, comme ça vous n’aurez plus l’impression de travailler un seul jour de votre vie. Steve Jobs [le fondateur d’Apple], dans une allocution à l’université Stanford, à Palo Alto – il avait déjà son cancer du pancréas et savait qu’il allait mourir – expliquait que la vie était trop courte pour se vendre et perdre son temps. Moi, j’essaie juste de faire comprendre à mes équipes qu’elles travaillent pour les autres, mais aussi pour elles.Un artiste à la barreVous êtes également le réalisateur de ­­ « Toy Story » et de « Cars ». Faut-il être un artiste pour faire fonctionner un studio d’animation  ?Je ne vois pas d’autre moyen. Pixar et Disney sont des entreprises à part : il s’agit de véritables studios de cinéma. Les studios comme Paramount, Universal ou Warner produisent et financent des films proposés par d’autres structures. Les personnes employées chez Disney ou Pixar y ont effectué toute leur carrière. Il faut donc tenir compte de leurs aspirations artistiques. Quand je suis arrivé chez Disney, une animatrice m’avait fait remarquer : « Vous ne savez pas ce que c’est que de travailler quatre ans sur un film pour vous apercevoir que le jour de la sortie, tout est terminé, plus personne n’en parlera, c’est comme s’il n’avait jamais existé. » Mais si le travail est fait correctement, il n’existe pas de date de péremption pour un film d’animation. Prenez Blanche-Neige et les sept nains  : je ne connais pas de film qui ait été autant vu et revu depuis 1938. Vous ne pouvez réclamer un effort de la part des animateurs au sein d’un studio qu’en leur proposant un projet qui en vaille la peine, et il vaut mieux que celui-ci soit proposé par un artiste à d’autres artistes. Etre artiste me permet de comprendre ce qu’ils attendent.Disney Animation alignait en effet, avant votre arrivée, les mauvais films et les échecs commerciaux. Qu’est-ce qui ne fonctionnait pas  ?C’est très simple. Disney était un studio géré par des hommes d’affaires, et non par des artistes.Mais c’est le cas de tous les autres studios.C’est juste. Mais, je le répète, un studio d’animation n’est pas un studio comme les autres. A Pixar, nous avons tout fait pour que nos metteurs en scène et scénaristes forment un « brain-trust » auquel les films sont montrés tous les trois mois, dans leur état provisoire. C’est un processus douloureux qui consiste pour le réalisateur à encaisser des critiques sévères – j’en sais quelque chose lorsque c’est à mon tour de réaliser un film. Mais il faut en passer par là. Dans un studio géré par des hommes d’affaires ou des juristes, vous vous trouvez face une hiérarchie rigide et pyramidale où tout est compartimenté. Les équipes de cinéma doivent tout rapporter à un membre de cette hiérarchie, et vous pouvez être certain que cette personne n’est jamais allée dans une école de cinéma, n’a jamais pris de cours d’écriture de scénario, n’a jamais appris à raconter une histoire. Or, elle se retrouve à la tête d’un studio de cinéma et formule des remarques à un animateur sur la réalisation des films. Ce n’est pas évident.En arrivant chez Disney, j’entendais partout le même constat au sujet des animateurs  : « Ils ont perdu leur boussole. » Ils ne pensaient plus à réaliser le meilleur film possible, juste à argumenter sur les remarques formulées par leurs responsables. Du coup, ils tournaient le dos à la seule question qui importe  : comment rendre le film meilleur  ? Comment suivre son instinct  ? L’usage chez Disney était alors, au sein de la hiérarchie, de choisir une idée ou une ébauche de scénario pour l’assigner à une équipe d’animateurs. C’est une manière de travailler qui peut donner de bons résultats. Mais je ne travaille pas ainsi. En revanche, je suis prêt à miser une somme considérable, un gros budget de film hollywoodien sur une idée comme celles de Là-haut, Wall-E, Toy Story ou Vice-Versa, qui sont des idées de metteur en scène.Rendre un univers crédible  : la magie de l’ordinateurCette idée, souvent, ne peut s’incarner que par le médium de l’animation. C’est le cas pour « Toy Story » (des jouets délaissés par leur propriétaire), ainsi que pour la dernière production Pixar en date, « Vice-Versa », qui prend place dans le cerveau d’une adolescente. Le fond et la forme sont ici indissociables…Absolument. Je dirais même plus  : ces films ne peuvent exister que par l’animation 3D. Je suis amoureux de ce médium. Cela ne signifie pas que je l’idolâtre  ! Au contraire, je pousse en permanence ses limites. Quand nous réfléchissons à un concept de film, je demande au metteur en scène de me proposer trois sujets différents, histoire de savoir ce qu’il a en tête au-delà de son projet fétiche. Quand il me propose une idée, je pose deux questions. La première est  : d’où l’émotion ­va-t-elle surgir dans son histoire  ? Bien souvent, elle réside dans la manière dont le protagoniste apprend à grandir, ou encore dans le fait qu’il change le monde et les gens autour de lui. L’autre question que je pose concerne le lieu où se déroule le film. C’est là qu’intervient le médium de l’animation par ordinateur. Celui-ci permet de rendre vraisemblable un univers et un imaginaire non pas « réaliste  » – ce n’est pas mon souci – mais crédible. Lorsque Pete Docter nous a parlé, avec Vice-Versa, d’un film se déroulant dans le cerveau d’une fille de 11 ans, avec les soubresauts liés à son âge, je savais dès le départ que cela pourrait être l’un de nos meilleurs films. Je comprenais aussi qu’il serait compliqué à faire. Là ­encore il y avait un univers – un cerveau, en l’espèce – qu’on n’avait jamais vu au cinéma et que nous devions rendre familier pour le spectateur.Vous teniez alors une idée formidable, mais sans scénario pour la raconter. Or, le scénario est le cauchemar de l’animation, car il est presque impossible à modifier une fois le travail d’animation lancé. Comment surmonter cette difficulté  ?Le film que nous imaginons en début de production ne ressemble jamais à celui que nous finissons par réaliser. On peut emprunter tellement de directions pour donner une forme narrative à un concept  ! Mais en animation, à la différence du cinéma en prises de vues réelles, il est impossible de filmer un même plan sous plusieurs angles  : ce serait trop cher. Les story-boards remplissent cette fonction. Du coup, nous les retravaillons sans cesse. Un peu comme si chaque scène d’un film en prises de vues réelles réclamait systématiquement neuf versions avant d’être filmée… Ce processus itératif est fondamental en animation. Nous ne prenons jamais le parti de dire que nous avons enfin trouvé la bonne idée, c’est un mauvais principe  : il faut encore chercher pour un meilleur résultat. C’est un processus long, pénible, réclamant de la patience. Mon job consiste à observer chaque arbre de la forêt avec un regard neuf, puis à me plaindre de chaque feuille.Vous allez mettre en scène « Toy Story 4 ». Comment trouvez-vous le temps de réaliser tout en dirigeant un studio  ?Il faut gérer son calendrier. A Pixar, Pete Docter et Lee Unkrich [réalisateur de Toy Story 3] sont mes partenaires, cela me permet de me mettre à plein temps sur le film. Sur une semaine, trois à quatre jours seront consacrés à Toy Story 4, deux seront dévolus à d’autres films. Andrew Stanton [coréalisateur du Monde de Nemo et réalisateur de Wall-E] est le producteur exécutif de Toy Story 4  : c’est mon patron, et c’est à lui de me mettre la pression. Le danger, pour moi, arrivé en haut de la pyramide, serait qu’une fois aux manettes d’un film mon entourage cesse de me dire la vérité. Cela se produit si souvent. J’ai ici la garantie de me confronter à un individu qui me secouera.A voir Vice-Versa, film d’animation américain de Pete Docter et Ronaldo Del Carmen (1 h 34).Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le11.06.2015 à 18h34 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 03.06.2015 à 11h11 | Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 03.06.2015 à 11h11 | Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 52.8 ], [ "", 53.1 ], [ "", 43.9 ], [ "", 37.4 ], [ "", 33.8 ], [ "", 30.5 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 14.1 ], [ "", 14.3 ], [ "", 18.1 ], [ "", 16.4 ], [ "", 21.4 ], [ "", 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 17.9 ], [ "", 18.3 ], [ "", 21.7 ], [ "", 23.3 ], [ "", 23 ], [ "", 21.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 10.2 ], [ "", 9 ], [ "", 9.8 ], [ "", 12.8 ], [ "", 12.4 ], [ "", 14.6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 5.1 ], [ "", 5.1 ], [ "", 6.1 ], [ "", 9.8 ], [ "", 9.4 ], [ "", 9.7 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 1, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 52.8 ], [ "", 53.1 ], [ "", 43.9 ], [ "", 37.4 ], [ "", 33.8 ], [ "", 30.5 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 14.1 ], [ "", 14.3 ], [ "", 18.1 ], [ "", 16.4 ], [ "", 21.4 ], [ "", 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 17.9 ], [ "", 18.3 ], [ "", 21.7 ], [ "", 23.3 ], [ "", 23 ], [ "", 21.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 10.2 ], [ "", 9 ], [ "", 9.8 ], [ "", 12.8 ], [ "", 12.4 ], [ "", 14.6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 5.1 ], [ "", 5.1 ], [ "", 6.1 ], [ "", 9.8 ], [ "", 9.4 ], [ "", 9.7 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 1, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le03.06.2015 à 15h16 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon. Franck NouchiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant)  On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 03.06.2015 à 11h11 | Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 52.8 ], [ "", 53.1 ], [ "", 43.9 ], [ "", 37.4 ], [ "", 33.8 ], [ "", 30.5 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 14.1 ], [ "", 14.3 ], [ "", 18.1 ], [ "", 16.4 ], [ "", 21.4 ], [ "", 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 17.9 ], [ "", 18.3 ], [ "", 21.7 ], [ "", 23.3 ], [ "", 23 ], [ "", 21.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 10.2 ], [ "", 9 ], [ "", 9.8 ], [ "", 12.8 ], [ "", 12.4 ], [ "", 14.6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 5.1 ], [ "", 5.1 ], [ "", 6.1 ], [ "", 9.8 ], [ "", 9.4 ], [ "", 9.7 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 1, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5566cf1cba044'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 12.06.2015 à 06h56 • Mis à jour le12.06.2015 à 12h16 Concerts, conférence, festivals… Le Monde propose son choix de sorties. Danse : Daniel Linehan s’empare du « Sacre du printemps », à LilleLe danseur et chorégraphe américain Daniel Linehan, artiste résident à l’Opéra de Lille depuis 2013, est à l’affiche du festival nordiste Latitudes contemporaines, où il présente une version ultra-actuelle du Sacre du printemps. Ses spectacles sont des compositions très personnelles où l’artiste, âgé de 33 ans, dissèque des œuvres pour en créer de nouvelles, où la voix intervient au même titre que le corps, où la vidéo prolonge ou stimule le geste chorégraphique. Sylvie KervielOpéra de Lille, vendredi 12 juin à 20 heures, samedi 13 à 16 heures et à 20 heures. De 11 à 22 euros.Hip-hop : les sons métissés des Young Fathers à la MaroquinerieLauréat, en octobre 2014, du Mercury Prize pour son premier album studio resté jusqu’alors confidentiel, Dead, le groupe écossais a publié en avril un deuxième opus, White Men Are Black Men Too (les Blancs sont aussi des Noirs). Le trio, composé de Kayus Bankole, Alloysious Massaquoi et Graham « G » Hastings, sera à la Maroquinerie à Paris, pour présenter en public cet album où le hip-hop se teinte de soul voire de gospel et de chants tribaux, jusqu’à parfois disparaître dans ce mélange d’influences musicales marqué par la moiteur et la gravité. Sylvie KervielLa Maroquinerie, à Paris. Samedi 13 juin à 19 h 30. 22 euros.Musique : Yael Naim et Dominique ADans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de la colline de Fourvière, voici deux artistes qui ont en commun leur incandescence. Yael Naim et son compagnon David Donatien délivrent un blues contemporain très marqué par l’amour d’un chant déployé de manière à toucher au plus juste. Plus mature, la chanteuse vient de publier Older (Tôt ou Tard), un album marqué par ses ballades. Dominique A met en scène Eleor (Cing 7/Wagram) paru au printemps, dans un équilibre mesuré et en vibration avec l’électricité travaillée d’une guitare jouée en majesté. Véronique MortaigneNuits de Fourvière, à Lyon. Dimanche 14 juin, à 19 heures. 35 euros.Théâtre : Brecht toujours d’actualité au MonfortLutte entre la raison et la foi, combat pour des Lumières qui recèlent leur part d’obscurité, destruction d’un certain ordre du monde et apparition dans la douleur d’un nouveau… Dans la réjouissante mise en scène de Jean-François Sivadier, la pièce de Bertolt Brecht La Vie de Galilée résonne fortement avec notre actualité. Du vrai théâtre populaire pour aujourd’hui, gorgé de vie et porté par une formidable troupe d’acteurs, avec à leur tête un Nicolas Bouchaud particulièrement éblouissant dans le rôle-titre du savant-artiste. Trois heures trente qui passent sans coup férir. Fabienne DargeMonfort Théâtre, à Paris. Vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. De 10 à 28 euros.Conférence : les images mènent l’enquête La passionnante exposition du BAL, à Paris, intitulée « Images à charge », revient sur l’utilisation des images dans les enquêtes judiciaires. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des Sherlock Holmes modernes, comme Pierre Margot. Cet homme a dirigé l’Institut de police scientifique et de criminologie de l’université de Lausanne. A ce titre, il a participé à des enquêtes célèbres, comme celle sur le petit Grégory dans les années 1980. Jeudi 18 juin, il donne une conférence en compagnie de Luce Lebart, historienne de la photographie, qui revient sur les fondements de la criminalistique moderne. Claire GuillotAu BAL, à Paris, le jeudi 18 juin à 19 heures. Gratuit sur présentation du billet d’entrée à l’exposition. Réservation obligatoire : contact@le-bal.fr.Bande dessinée : des bulles en effervescence à LyonPour sa dixième édition, le festival Lyon BD a mis les petits plats dans les grands : 40 institutions culturelles de la ville seront livrées, deux jours durant, à quelque 200 auteurs de bande dessinée venus du monde entier. Parrainée par Le Monde, la manifestation va faire se succéder, à bon rythme, les conférences, les performances, les ateliers et autres projections d’un bout à l’autre de la cité des Gones. Parmi les expositions à ne pas rater : celle consacrée au blogueur-dessinateur Boulet dans les murs du tout nouveau Musée des confluences ; et celle traitant de la question du genre dans le 9e art, à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. Capitale de la gastronomie oblige, des auteurs locaux et barcelonais ont également prévu de raconter en bande dessinée les spécialités culinaires de leur ville respective. A table (à dessin) ! Frédéric PotetLyon BD. Samedi 13 et dimanche 14 juin. De 5 à 8 euros.Butô : Akaji Maro, génie de la métamorphose A 72 ans, Akaji Maro reste la référence absolue de cette « danse des ténèbres » qu’est le butô, art né dans les années 1960 à Tokyo. L’artiste, qui apparaît de temps à autre au cinéma (on l’a vu chez Tarantino ou Kitano) possède le grain de folie qui convient à ses spectacles joyeusement outranciers. Le patron de la célèbre compagnie Dairakudakan et ses danseurs présentent, à la Maison de la culture du Japon à Paris, leur dernier spectacle, La Maison des insectes, sur le thème de l’évolution des espèces. On passe du burlesque à la cruauté, du kitsch à la gravité, sur fond de musiques détonantes. Rosita BoisseauMaison de la culture du Japon, à Paris. Jusqu’au 20 juin. 20 euros.Documentaire : des courts-métrages, du skate et de l’immobilitéTrois pépites récompensées au festival du court-métrage documentaire de Lyon, Doc en courts, seront projetées vendredi soir à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. L’insolite Le Skate moderne, d’Antoine Besse (7') suit un groupe de très jeunes agriculteurs de Dordogne accros au skate, qu’ils déclinent en version rustique et champêtre. Dans Hillbrow, de Nicolas Boone (32’), l’immersion se fait plus violente, avec une fuite en avant dans un quartier pauvre de Johannesbourg, une course même, en dix plans séquence haletants. Avec Les Immobiles (38’) enfin, Béatrice Plumet propose à l’inverse l’expérience de l’immobilité totale à des élèves ou dans une maison de retraite, à des modèles, des taxidermistes ou à un photographe de studio. Emmanuelle JardonnetA la BPI du Centre Pompidou, à Paris, vendredi 12 juin à 20 heures.Architecture : un week-end pour courir les agences et visiter des maisons Pour faire connaître la profession et son action, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a invité les agences, les 12 et 13 juin, à ouvrir librement leurs portes. Plus de 3 000 d’entre elles ont répondu présentes, dont plus de 300 en Ile-de-France. Et pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Une visite payante (2 euros par personne), mais en compagnie de l’architecte. Jean-Jacques LarrochelleListe des maisons à consulter sur le site des Journées à vivre de l’architecture et la liste des agences sur le site portesouvertes.architectes.org. Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé ce studio. Personne n’a trouvé un équilibre aussi puissant que Walt Disney entre l’image, la musique et l’humour. Sa signature est unique. En 2006, quand je suis arrivé dans ce studio avec Ed Catmull [informaticien, cofondateur de Pixar], tout le monde m’a expliqué qu’il fallait retrouver la touche Disney. Mais il fallait l’adapter à son époque. Cela passait par l’abandon de la princesse attendant son prince charmant, par la création de femmes plus fortes, si possible issues des minorités. Il y avait à l’époque un abattement terrible dans ce studio. Pour en sortir, il fallait un énorme succès  : ce fut La Reine des neiges (2013), puis Les Nouveaux Héros (sorti en France en février).Vous expliquez souvent qu’un film ­d’ani­mation doit garder le souci du public tout en abordant un concept audacieux ou jamais vu. Comment concilier les deux  ?Je répète toujours à mes cinq fils  : assurez-vous de faire ce qui vous plaît, comme ça vous n’aurez plus l’impression de travailler un seul jour de votre vie. Steve Jobs [le fondateur d’Apple], dans une allocution à l’université Stanford, à Palo Alto – il avait déjà son cancer du pancréas et savait qu’il allait mourir – expliquait que la vie était trop courte pour se vendre et perdre son temps. Moi, j’essaie juste de faire comprendre à mes équipes qu’elles travaillent pour les autres, mais aussi pour elles.Un artiste à la barreVous êtes également le réalisateur de ­­ « Toy Story » et de « Cars ». Faut-il être un artiste pour faire fonctionner un studio d’animation  ?Je ne vois pas d’autre moyen. Pixar et Disney sont des entreprises à part : il s’agit de véritables studios de cinéma. Les studios comme Paramount, Universal ou Warner produisent et financent des films proposés par d’autres structures. Les personnes employées chez Disney ou Pixar y ont effectué toute leur carrière. Il faut donc tenir compte de leurs aspirations artistiques. Quand je suis arrivé chez Disney, une animatrice m’avait fait remarquer : « Vous ne savez pas ce que c’est que de travailler quatre ans sur un film pour vous apercevoir que le jour de la sortie, tout est terminé, plus personne n’en parlera, c’est comme s’il n’avait jamais existé. » Mais si le travail est fait correctement, il n’existe pas de date de péremption pour un film d’animation. Prenez Blanche-Neige et les sept nains  : je ne connais pas de film qui ait été autant vu et revu depuis 1938. Vous ne pouvez réclamer un effort de la part des animateurs au sein d’un studio qu’en leur proposant un projet qui en vaille la peine, et il vaut mieux que celui-ci soit proposé par un artiste à d’autres artistes. Etre artiste me permet de comprendre ce qu’ils attendent.Disney Animation alignait en effet, avant votre arrivée, les mauvais films et les échecs commerciaux. Qu’est-ce qui ne fonctionnait pas  ?C’est très simple. Disney était un studio géré par des hommes d’affaires, et non par des artistes.Mais c’est le cas de tous les autres studios.C’est juste. Mais, je le répète, un studio d’animation n’est pas un studio comme les autres. A Pixar, nous avons tout fait pour que nos metteurs en scène et scénaristes forment un « brain-trust » auquel les films sont montrés tous les trois mois, dans leur état provisoire. C’est un processus douloureux qui consiste pour le réalisateur à encaisser des critiques sévères – j’en sais quelque chose lorsque c’est à mon tour de réaliser un film. Mais il faut en passer par là. Dans un studio géré par des hommes d’affaires ou des juristes, vous vous trouvez face une hiérarchie rigide et pyramidale où tout est compartimenté. Les équipes de cinéma doivent tout rapporter à un membre de cette hiérarchie, et vous pouvez être certain que cette personne n’est jamais allée dans une école de cinéma, n’a jamais pris de cours d’écriture de scénario, n’a jamais appris à raconter une histoire. Or, elle se retrouve à la tête d’un studio de cinéma et formule des remarques à un animateur sur la réalisation des films. Ce n’est pas évident.En arrivant chez Disney, j’entendais partout le même constat au sujet des animateurs  : « Ils ont perdu leur boussole. » Ils ne pensaient plus à réaliser le meilleur film possible, juste à argumenter sur les remarques formulées par leurs responsables. Du coup, ils tournaient le dos à la seule question qui importe  : comment rendre le film meilleur  ? Comment suivre son instinct  ? L’usage chez Disney était alors, au sein de la hiérarchie, de choisir une idée ou une ébauche de scénario pour l’assigner à une équipe d’animateurs. C’est une manière de travailler qui peut donner de bons résultats. Mais je ne travaille pas ainsi. En revanche, je suis prêt à miser une somme considérable, un gros budget de film hollywoodien sur une idée comme celles de Là-haut, Wall-E, Toy Story ou Vice-Versa, qui sont des idées de metteur en scène.Rendre un univers crédible  : la magie de l’ordinateurCette idée, souvent, ne peut s’incarner que par le médium de l’animation. C’est le cas pour « Toy Story » (des jouets délaissés par leur propriétaire), ainsi que pour la dernière production Pixar en date, « Vice-Versa », qui prend place dans le cerveau d’une adolescente. Le fond et la forme sont ici indissociables…Absolument. Je dirais même plus  : ces films ne peuvent exister que par l’animation 3D. Je suis amoureux de ce médium. Cela ne signifie pas que je l’idolâtre  ! Au contraire, je pousse en permanence ses limites. Quand nous réfléchissons à un concept de film, je demande au metteur en scène de me proposer trois sujets différents, histoire de savoir ce qu’il a en tête au-delà de son projet fétiche. Quand il me propose une idée, je pose deux questions. La première est  : d’où l’émotion ­va-t-elle surgir dans son histoire  ? Bien souvent, elle réside dans la manière dont le protagoniste apprend à grandir, ou encore dans le fait qu’il change le monde et les gens autour de lui. L’autre question que je pose concerne le lieu où se déroule le film. C’est là qu’intervient le médium de l’animation par ordinateur. Celui-ci permet de rendre vraisemblable un univers et un imaginaire non pas « réaliste  » – ce n’est pas mon souci – mais crédible. Lorsque Pete Docter nous a parlé, avec Vice-Versa, d’un film se déroulant dans le cerveau d’une fille de 11 ans, avec les soubresauts liés à son âge, je savais dès le départ que cela pourrait être l’un de nos meilleurs films. Je comprenais aussi qu’il serait compliqué à faire. Là ­encore il y avait un univers – un cerveau, en l’espèce – qu’on n’avait jamais vu au cinéma et que nous devions rendre familier pour le spectateur.Vous teniez alors une idée formidable, mais sans scénario pour la raconter. Or, le scénario est le cauchemar de l’animation, car il est presque impossible à modifier une fois le travail d’animation lancé. Comment surmonter cette difficulté  ?Le film que nous imaginons en début de production ne ressemble jamais à celui que nous finissons par réaliser. On peut emprunter tellement de directions pour donner une forme narrative à un concept  ! Mais en animation, à la différence du cinéma en prises de vues réelles, il est impossible de filmer un même plan sous plusieurs angles  : ce serait trop cher. Les story-boards remplissent cette fonction. Du coup, nous les retravaillons sans cesse. Un peu comme si chaque scène d’un film en prises de vues réelles réclamait systématiquement neuf versions avant d’être filmée… Ce processus itératif est fondamental en animation. Nous ne prenons jamais le parti de dire que nous avons enfin trouvé la bonne idée, c’est un mauvais principe  : il faut encore chercher pour un meilleur résultat. C’est un processus long, pénible, réclamant de la patience. Mon job consiste à observer chaque arbre de la forêt avec un regard neuf, puis à me plaindre de chaque feuille.Vous allez mettre en scène « Toy Story 4 ». Comment trouvez-vous le temps de réaliser tout en dirigeant un studio  ?Il faut gérer son calendrier. A Pixar, Pete Docter et Lee Unkrich [réalisateur de Toy Story 3] sont mes partenaires, cela me permet de me mettre à plein temps sur le film. Sur une semaine, trois à quatre jours seront consacrés à Toy Story 4, deux seront dévolus à d’autres films. Andrew Stanton [coréalisateur du Monde de Nemo et réalisateur de Wall-E] est le producteur exécutif de Toy Story 4  : c’est mon patron, et c’est à lui de me mettre la pression. Le danger, pour moi, arrivé en haut de la pyramide, serait qu’une fois aux manettes d’un film mon entourage cesse de me dire la vérité. Cela se produit si souvent. J’ai ici la garantie de me confronter à un individu qui me secouera.A voir Vice-Versa, film d’animation américain de Pete Docter et Ronaldo Del Carmen (1 h 34).Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie ». Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le02.06.2015 à 09h06 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images à Paris, qui programme des films de la Quinzaine des réalisateurs, il a suscité un fort intérêt, 800 places ayant été vendues en deux heures, se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier  La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage, de Guy Lefranc, Lisette, convoitée par Jean Gabin et Marcel Dalio dans Razzia sur la chnouf, d’Henri Decoin, et Vivianne dans Du rififi chez les hommes, de Jules Dassin.Elle participe dans le même temps à plusieurs comédies, en jeune femme fantasque, un peu délurée ou à des drames où sont exploités son regard lourd et sa sensualité. Elle est la maîtresse de Jean Poiret dans Assassins et voleurs (1957), de Sacha Guitry, covedette avec Dario Moreno de Oh ! Qué mambo (1959) de John Berry, dont le titre dit tout le propos, mais aussi dans l’un des rôles les plus aboutis, dans Boulevard (1960), de Julien Duvivier avec Jean-Pierre Léaud, qui vient d’être révélé dans Les Quatre Cents Coups, de François Truffaut.Tourne avec FelliniLors d’un séjour en Italie, elle est remarquée par Federico Fellini qui lui donne un rôle dans La Dolce Vita (1960). Magali Noël y apparaît en compagne d’une nuit du père du personnage principal. Elle tourne ensuite beaucoup en Italie, dans des séries B (Jeunesse de nuit, En pleine bagarre, Le Secret de d’Artagnan, Toto et Cléopâtre, Oltraggio al pudore…). Elle retrouvera, après avoir eu un rôle dans Z de Costa-Gavras, Federico Fellini dans Satyricon en 1969 puis dans Amarcord (1973), où elle fait une apparition lors d’une fête de village. Les années suivantes seront moins actives sur le plan cinématographique ; elle tournera encore avec Chantal Akerman, Claude Goretta, Tonie Marshall…Comme chanteuse, le nom de Magali Noël reste attaché à celui de Boris Vian. L’écrivain, parolier et musicien a rencontré l’actrice durant le tournage de Du rififi chez les hommes, de Dassin. Vian écrit alors des fantaisies parodiques des premiers rock qui viennent des Etats-Unis. Dont Rock and Roll Mops et Vas te faire cuire un œuf, chantés par Henri Salvador sous le pseudonyme d’Henri Cording, et Strip-rock, Rock des petits cailloux et surtout Fais-moi mal Johnny (musique d’Alain Goraguer), qu’il confie à la voix mutine de Magali Noël. « Ma mère a été la première chanteuse de rock français, a déclaré sa fille à l’AFP. Vian pastichait beaucoup les Américains. Il l’emmenait dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés. C’était un peu son grand frère, il la trouvait rigolote. Leur amitié a duré des années. »Fais-moi mal Johnny, qui figure sur le deuxième 45-tours de Magali Noël, sorti en 1956, devient un classique et l’une des chansons les plus connues de Vian. Avec son accroche de saxophone, un piano guilleret, une rythmique dansante, pas vraiment rock’n’roll mais plutôt swing. Magali Noël enregistrera une quinzaine de chansons de Boris Vian, qui seront régulièrement rééditées. Elle donne, en 1980, une version en anglais et vaguement new wave de son Johnny sous le titre Hurt Me Bad, Johnny. Elle avait aussi chanté, en 1996, plusieurs textes de Jacques Prévert.   Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 12.06.2015 à 06h56 • Mis à jour le12.06.2015 à 12h16 Concerts, conférence, festivals… Le Monde propose son choix de sorties. Danse : Daniel Linehan s’empare du « Sacre du printemps », à LilleLe danseur et chorégraphe américain Daniel Linehan, artiste résident à l’Opéra de Lille depuis 2013, est à l’affiche du festival nordiste Latitudes contemporaines, où il présente une version ultra-actuelle du Sacre du printemps. Ses spectacles sont des compositions très personnelles où l’artiste, âgé de 33 ans, dissèque des œuvres pour en créer de nouvelles, où la voix intervient au même titre que le corps, où la vidéo prolonge ou stimule le geste chorégraphique. Sylvie KervielOpéra de Lille, vendredi 12 juin à 20 heures, samedi 13 à 16 heures et à 20 heures. De 11 à 22 euros.Hip-hop : les sons métissés des Young Fathers à la MaroquinerieLauréat, en octobre 2014, du Mercury Prize pour son premier album studio resté jusqu’alors confidentiel, Dead, le groupe écossais a publié en avril un deuxième opus, White Men Are Black Men Too (les Blancs sont aussi des Noirs). Le trio, composé de Kayus Bankole, Alloysious Massaquoi et Graham « G » Hastings, sera à la Maroquinerie à Paris, pour présenter en public cet album où le hip-hop se teinte de soul voire de gospel et de chants tribaux, jusqu’à parfois disparaître dans ce mélange d’influences musicales marqué par la moiteur et la gravité. Sylvie KervielLa Maroquinerie, à Paris. Samedi 13 juin à 19 h 30. 22 euros.Musique : Yael Naim et Dominique ADans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de la colline de Fourvière, voici deux artistes qui ont en commun leur incandescence. Yael Naim et son compagnon David Donatien délivrent un blues contemporain très marqué par l’amour d’un chant déployé de manière à toucher au plus juste. Plus mature, la chanteuse vient de publier Older (Tôt ou Tard), un album marqué par ses ballades. Dominique A met en scène Eleor (Cing 7/Wagram) paru au printemps, dans un équilibre mesuré et en vibration avec l’électricité travaillée d’une guitare jouée en majesté. Véronique MortaigneNuits de Fourvière, à Lyon. Dimanche 14 juin, à 19 heures. 35 euros.Théâtre : Brecht toujours d’actualité au MonfortLutte entre la raison et la foi, combat pour des Lumières qui recèlent leur part d’obscurité, destruction d’un certain ordre du monde et apparition dans la douleur d’un nouveau… Dans la réjouissante mise en scène de Jean-François Sivadier, la pièce de Bertolt Brecht La Vie de Galilée résonne fortement avec notre actualité. Du vrai théâtre populaire pour aujourd’hui, gorgé de vie et porté par une formidable troupe d’acteurs, avec à leur tête un Nicolas Bouchaud particulièrement éblouissant dans le rôle-titre du savant-artiste. Trois heures trente qui passent sans coup férir. Fabienne DargeMonfort Théâtre, à Paris. Vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. De 10 à 28 euros.Conférence : les images mènent l’enquête La passionnante exposition du BAL, à Paris, intitulée « Images à charge », revient sur l’utilisation des images dans les enquêtes judiciaires. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des Sherlock Holmes modernes, comme Pierre Margot. Cet homme a dirigé l’Institut de police scientifique et de criminologie de l’université de Lausanne. A ce titre, il a participé à des enquêtes célèbres, comme celle sur le petit Grégory dans les années 1980. Jeudi 18 juin, il donne une conférence en compagnie de Luce Lebart, historienne de la photographie, qui revient sur les fondements de la criminalistique moderne. Claire GuillotAu BAL, à Paris, le jeudi 18 juin à 19 heures. Gratuit sur présentation du billet d’entrée à l’exposition. Réservation obligatoire : contact@le-bal.fr.Bande dessinée : des bulles en effervescence à LyonPour sa dixième édition, le festival Lyon BD a mis les petits plats dans les grands : 40 institutions culturelles de la ville seront livrées, deux jours durant, à quelque 200 auteurs de bande dessinée venus du monde entier. Parrainée par Le Monde, la manifestation va faire se succéder, à bon rythme, les conférences, les performances, les ateliers et autres projections d’un bout à l’autre de la cité des Gones. Parmi les expositions à ne pas rater : celle consacrée au blogueur-dessinateur Boulet dans les murs du tout nouveau Musée des confluences ; et celle traitant de la question du genre dans le 9e art, à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. Capitale de la gastronomie oblige, des auteurs locaux et barcelonais ont également prévu de raconter en bande dessinée les spécialités culinaires de leur ville respective. A table (à dessin) ! Frédéric PotetLyon BD. Samedi 13 et dimanche 14 juin. De 5 à 8 euros.Butô : Akaji Maro, génie de la métamorphose A 72 ans, Akaji Maro reste la référence absolue de cette « danse des ténèbres » qu’est le butô, art né dans les années 1960 à Tokyo. L’artiste, qui apparaît de temps à autre au cinéma (on l’a vu chez Tarantino ou Kitano) possède le grain de folie qui convient à ses spectacles joyeusement outranciers. Le patron de la célèbre compagnie Dairakudakan et ses danseurs présentent, à la Maison de la culture du Japon à Paris, leur dernier spectacle, La Maison des insectes, sur le thème de l’évolution des espèces. On passe du burlesque à la cruauté, du kitsch à la gravité, sur fond de musiques détonantes. Rosita BoisseauMaison de la culture du Japon, à Paris. Jusqu’au 20 juin. 20 euros.Documentaire : des courts-métrages, du skate et de l’immobilitéTrois pépites récompensées au festival du court-métrage documentaire de Lyon, Doc en courts, seront projetées vendredi soir à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. L’insolite Le Skate moderne, d’Antoine Besse (7') suit un groupe de très jeunes agriculteurs de Dordogne accros au skate, qu’ils déclinent en version rustique et champêtre. Dans Hillbrow, de Nicolas Boone (32’), l’immersion se fait plus violente, avec une fuite en avant dans un quartier pauvre de Johannesbourg, une course même, en dix plans séquence haletants. Avec Les Immobiles (38’) enfin, Béatrice Plumet propose à l’inverse l’expérience de l’immobilité totale à des élèves ou dans une maison de retraite, à des modèles, des taxidermistes ou à un photographe de studio. Emmanuelle JardonnetA la BPI du Centre Pompidou, à Paris, vendredi 12 juin à 20 heures.Architecture : un week-end pour courir les agences et visiter des maisons Pour faire connaître la profession et son action, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a invité les agences, les 12 et 13 juin, à ouvrir librement leurs portes. Plus de 3 000 d’entre elles ont répondu présentes, dont plus de 300 en Ile-de-France. Et pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Une visite payante (2 euros par personne), mais en compagnie de l’architecte. Jean-Jacques LarrochelleListe des maisons à consulter sur le site des Journées à vivre de l’architecture et la liste des agences sur le site portesouvertes.architectes.org. Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 03.06.2015 à 11h11 | Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 12.06.2015 à 06h56 • Mis à jour le12.06.2015 à 12h16 Concerts, conférence, festivals… Le Monde propose son choix de sorties. Danse : Daniel Linehan s’empare du « Sacre du printemps », à LilleLe danseur et chorégraphe américain Daniel Linehan, artiste résident à l’Opéra de Lille depuis 2013, est à l’affiche du festival nordiste Latitudes contemporaines, où il présente une version ultra-actuelle du Sacre du printemps. Ses spectacles sont des compositions très personnelles où l’artiste, âgé de 33 ans, dissèque des œuvres pour en créer de nouvelles, où la voix intervient au même titre que le corps, où la vidéo prolonge ou stimule le geste chorégraphique. Sylvie KervielOpéra de Lille, vendredi 12 juin à 20 heures, samedi 13 à 16 heures et à 20 heures. De 11 à 22 euros.Hip-hop : les sons métissés des Young Fathers à la MaroquinerieLauréat, en octobre 2014, du Mercury Prize pour son premier album studio resté jusqu’alors confidentiel, Dead, le groupe écossais a publié en avril un deuxième opus, White Men Are Black Men Too (les Blancs sont aussi des Noirs). Le trio, composé de Kayus Bankole, Alloysious Massaquoi et Graham « G » Hastings, sera à la Maroquinerie à Paris, pour présenter en public cet album où le hip-hop se teinte de soul voire de gospel et de chants tribaux, jusqu’à parfois disparaître dans ce mélange d’influences musicales marqué par la moiteur et la gravité. Sylvie KervielLa Maroquinerie, à Paris. Samedi 13 juin à 19 h 30. 22 euros.Musique : Yael Naim et Dominique ADans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de la colline de Fourvière, voici deux artistes qui ont en commun leur incandescence. Yael Naim et son compagnon David Donatien délivrent un blues contemporain très marqué par l’amour d’un chant déployé de manière à toucher au plus juste. Plus mature, la chanteuse vient de publier Older (Tôt ou Tard), un album marqué par ses ballades. Dominique A met en scène Eleor (Cing 7/Wagram) paru au printemps, dans un équilibre mesuré et en vibration avec l’électricité travaillée d’une guitare jouée en majesté. Véronique MortaigneNuits de Fourvière, à Lyon. Dimanche 14 juin, à 19 heures. 35 euros.Théâtre : Brecht toujours d’actualité au MonfortLutte entre la raison et la foi, combat pour des Lumières qui recèlent leur part d’obscurité, destruction d’un certain ordre du monde et apparition dans la douleur d’un nouveau… Dans la réjouissante mise en scène de Jean-François Sivadier, la pièce de Bertolt Brecht La Vie de Galilée résonne fortement avec notre actualité. Du vrai théâtre populaire pour aujourd’hui, gorgé de vie et porté par une formidable troupe d’acteurs, avec à leur tête un Nicolas Bouchaud particulièrement éblouissant dans le rôle-titre du savant-artiste. Trois heures trente qui passent sans coup férir. Fabienne DargeMonfort Théâtre, à Paris. Vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. De 10 à 28 euros.Conférence : les images mènent l’enquête La passionnante exposition du BAL, à Paris, intitulée « Images à charge », revient sur l’utilisation des images dans les enquêtes judiciaires. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des Sherlock Holmes modernes, comme Pierre Margot. Cet homme a dirigé l’Institut de police scientifique et de criminologie de l’université de Lausanne. A ce titre, il a participé à des enquêtes célèbres, comme celle sur le petit Grégory dans les années 1980. Jeudi 18 juin, il donne une conférence en compagnie de Luce Lebart, historienne de la photographie, qui revient sur les fondements de la criminalistique moderne. Claire GuillotAu BAL, à Paris, le jeudi 18 juin à 19 heures. Gratuit sur présentation du billet d’entrée à l’exposition. Réservation obligatoire : contact@le-bal.fr.Bande dessinée : des bulles en effervescence à LyonPour sa dixième édition, le festival Lyon BD a mis les petits plats dans les grands : 40 institutions culturelles de la ville seront livrées, deux jours durant, à quelque 200 auteurs de bande dessinée venus du monde entier. Parrainée par Le Monde, la manifestation va faire se succéder, à bon rythme, les conférences, les performances, les ateliers et autres projections d’un bout à l’autre de la cité des Gones. Parmi les expositions à ne pas rater : celle consacrée au blogueur-dessinateur Boulet dans les murs du tout nouveau Musée des confluences ; et celle traitant de la question du genre dans le 9e art, à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. Capitale de la gastronomie oblige, des auteurs locaux et barcelonais ont également prévu de raconter en bande dessinée les spécialités culinaires de leur ville respective. A table (à dessin) ! Frédéric PotetLyon BD. Samedi 13 et dimanche 14 juin. De 5 à 8 euros.Butô : Akaji Maro, génie de la métamorphose A 72 ans, Akaji Maro reste la référence absolue de cette « danse des ténèbres » qu’est le butô, art né dans les années 1960 à Tokyo. L’artiste, qui apparaît de temps à autre au cinéma (on l’a vu chez Tarantino ou Kitano) possède le grain de folie qui convient à ses spectacles joyeusement outranciers. Le patron de la célèbre compagnie Dairakudakan et ses danseurs présentent, à la Maison de la culture du Japon à Paris, leur dernier spectacle, La Maison des insectes, sur le thème de l’évolution des espèces. On passe du burlesque à la cruauté, du kitsch à la gravité, sur fond de musiques détonantes. Rosita BoisseauMaison de la culture du Japon, à Paris. Jusqu’au 20 juin. 20 euros.Documentaire : des courts-métrages, du skate et de l’immobilitéTrois pépites récompensées au festival du court-métrage documentaire de Lyon, Doc en courts, seront projetées vendredi soir à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. L’insolite Le Skate moderne, d’Antoine Besse (7') suit un groupe de très jeunes agriculteurs de Dordogne accros au skate, qu’ils déclinent en version rustique et champêtre. Dans Hillbrow, de Nicolas Boone (32’), l’immersion se fait plus violente, avec une fuite en avant dans un quartier pauvre de Johannesbourg, une course même, en dix plans séquence haletants. Avec Les Immobiles (38’) enfin, Béatrice Plumet propose à l’inverse l’expérience de l’immobilité totale à des élèves ou dans une maison de retraite, à des modèles, des taxidermistes ou à un photographe de studio. Emmanuelle JardonnetA la BPI du Centre Pompidou, à Paris, vendredi 12 juin à 20 heures.Architecture : un week-end pour courir les agences et visiter des maisons Pour faire connaître la profession et son action, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a invité les agences, les 12 et 13 juin, à ouvrir librement leurs portes. Plus de 3 000 d’entre elles ont répondu présentes, dont plus de 300 en Ile-de-France. Et pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Une visite payante (2 euros par personne), mais en compagnie de l’architecte. Jean-Jacques LarrochelleListe des maisons à consulter sur le site des Journées à vivre de l’architecture et la liste des agences sur le site portesouvertes.architectes.org. Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé ce studio. Personne n’a trouvé un équilibre aussi puissant que Walt Disney entre l’image, la musique et l’humour. Sa signature est unique. En 2006, quand je suis arrivé dans ce studio avec Ed Catmull [informaticien, cofondateur de Pixar], tout le monde m’a expliqué qu’il fallait retrouver la touche Disney. Mais il fallait l’adapter à son époque. Cela passait par l’abandon de la princesse attendant son prince charmant, par la création de femmes plus fortes, si possible issues des minorités. Il y avait à l’époque un abattement terrible dans ce studio. Pour en sortir, il fallait un énorme succès  : ce fut La Reine des neiges (2013), puis Les Nouveaux Héros (sorti en France en février).Vous expliquez souvent qu’un film ­d’ani­mation doit garder le souci du public tout en abordant un concept audacieux ou jamais vu. Comment concilier les deux  ?Je répète toujours à mes cinq fils  : assurez-vous de faire ce qui vous plaît, comme ça vous n’aurez plus l’impression de travailler un seul jour de votre vie. Steve Jobs [le fondateur d’Apple], dans une allocution à l’université Stanford, à Palo Alto – il avait déjà son cancer du pancréas et savait qu’il allait mourir – expliquait que la vie était trop courte pour se vendre et perdre son temps. Moi, j’essaie juste de faire comprendre à mes équipes qu’elles travaillent pour les autres, mais aussi pour elles.Un artiste à la barreVous êtes également le réalisateur de ­­ « Toy Story » et de « Cars ». Faut-il être un artiste pour faire fonctionner un studio d’animation  ?Je ne vois pas d’autre moyen. Pixar et Disney sont des entreprises à part : il s’agit de véritables studios de cinéma. Les studios comme Paramount, Universal ou Warner produisent et financent des films proposés par d’autres structures. Les personnes employées chez Disney ou Pixar y ont effectué toute leur carrière. Il faut donc tenir compte de leurs aspirations artistiques. Quand je suis arrivé chez Disney, une animatrice m’avait fait remarquer : « Vous ne savez pas ce que c’est que de travailler quatre ans sur un film pour vous apercevoir que le jour de la sortie, tout est terminé, plus personne n’en parlera, c’est comme s’il n’avait jamais existé. » Mais si le travail est fait correctement, il n’existe pas de date de péremption pour un film d’animation. Prenez Blanche-Neige et les sept nains  : je ne connais pas de film qui ait été autant vu et revu depuis 1938. Vous ne pouvez réclamer un effort de la part des animateurs au sein d’un studio qu’en leur proposant un projet qui en vaille la peine, et il vaut mieux que celui-ci soit proposé par un artiste à d’autres artistes. Etre artiste me permet de comprendre ce qu’ils attendent.Disney Animation alignait en effet, avant votre arrivée, les mauvais films et les échecs commerciaux. Qu’est-ce qui ne fonctionnait pas  ?C’est très simple. Disney était un studio géré par des hommes d’affaires, et non par des artistes.Mais c’est le cas de tous les autres studios.C’est juste. Mais, je le répète, un studio d’animation n’est pas un studio comme les autres. A Pixar, nous avons tout fait pour que nos metteurs en scène et scénaristes forment un « brain-trust » auquel les films sont montrés tous les trois mois, dans leur état provisoire. C’est un processus douloureux qui consiste pour le réalisateur à encaisser des critiques sévères – j’en sais quelque chose lorsque c’est à mon tour de réaliser un film. Mais il faut en passer par là. Dans un studio géré par des hommes d’affaires ou des juristes, vous vous trouvez face une hiérarchie rigide et pyramidale où tout est compartimenté. Les équipes de cinéma doivent tout rapporter à un membre de cette hiérarchie, et vous pouvez être certain que cette personne n’est jamais allée dans une école de cinéma, n’a jamais pris de cours d’écriture de scénario, n’a jamais appris à raconter une histoire. Or, elle se retrouve à la tête d’un studio de cinéma et formule des remarques à un animateur sur la réalisation des films. Ce n’est pas évident.En arrivant chez Disney, j’entendais partout le même constat au sujet des animateurs  : « Ils ont perdu leur boussole. » Ils ne pensaient plus à réaliser le meilleur film possible, juste à argumenter sur les remarques formulées par leurs responsables. Du coup, ils tournaient le dos à la seule question qui importe  : comment rendre le film meilleur  ? Comment suivre son instinct  ? L’usage chez Disney était alors, au sein de la hiérarchie, de choisir une idée ou une ébauche de scénario pour l’assigner à une équipe d’animateurs. C’est une manière de travailler qui peut donner de bons résultats. Mais je ne travaille pas ainsi. En revanche, je suis prêt à miser une somme considérable, un gros budget de film hollywoodien sur une idée comme celles de Là-haut, Wall-E, Toy Story ou Vice-Versa, qui sont des idées de metteur en scène.Rendre un univers crédible  : la magie de l’ordinateurCette idée, souvent, ne peut s’incarner que par le médium de l’animation. C’est le cas pour « Toy Story » (des jouets délaissés par leur propriétaire), ainsi que pour la dernière production Pixar en date, « Vice-Versa », qui prend place dans le cerveau d’une adolescente. Le fond et la forme sont ici indissociables…Absolument. Je dirais même plus  : ces films ne peuvent exister que par l’animation 3D. Je suis amoureux de ce médium. Cela ne signifie pas que je l’idolâtre  ! Au contraire, je pousse en permanence ses limites. Quand nous réfléchissons à un concept de film, je demande au metteur en scène de me proposer trois sujets différents, histoire de savoir ce qu’il a en tête au-delà de son projet fétiche. Quand il me propose une idée, je pose deux questions. La première est  : d’où l’émotion ­va-t-elle surgir dans son histoire  ? Bien souvent, elle réside dans la manière dont le protagoniste apprend à grandir, ou encore dans le fait qu’il change le monde et les gens autour de lui. L’autre question que je pose concerne le lieu où se déroule le film. C’est là qu’intervient le médium de l’animation par ordinateur. Celui-ci permet de rendre vraisemblable un univers et un imaginaire non pas « réaliste  » – ce n’est pas mon souci – mais crédible. Lorsque Pete Docter nous a parlé, avec Vice-Versa, d’un film se déroulant dans le cerveau d’une fille de 11 ans, avec les soubresauts liés à son âge, je savais dès le départ que cela pourrait être l’un de nos meilleurs films. Je comprenais aussi qu’il serait compliqué à faire. Là ­encore il y avait un univers – un cerveau, en l’espèce – qu’on n’avait jamais vu au cinéma et que nous devions rendre familier pour le spectateur.Vous teniez alors une idée formidable, mais sans scénario pour la raconter. Or, le scénario est le cauchemar de l’animation, car il est presque impossible à modifier une fois le travail d’animation lancé. Comment surmonter cette difficulté  ?Le film que nous imaginons en début de production ne ressemble jamais à celui que nous finissons par réaliser. On peut emprunter tellement de directions pour donner une forme narrative à un concept  ! Mais en animation, à la différence du cinéma en prises de vues réelles, il est impossible de filmer un même plan sous plusieurs angles  : ce serait trop cher. Les story-boards remplissent cette fonction. Du coup, nous les retravaillons sans cesse. Un peu comme si chaque scène d’un film en prises de vues réelles réclamait systématiquement neuf versions avant d’être filmée… Ce processus itératif est fondamental en animation. Nous ne prenons jamais le parti de dire que nous avons enfin trouvé la bonne idée, c’est un mauvais principe  : il faut encore chercher pour un meilleur résultat. C’est un processus long, pénible, réclamant de la patience. Mon job consiste à observer chaque arbre de la forêt avec un regard neuf, puis à me plaindre de chaque feuille.Vous allez mettre en scène « Toy Story 4 ». Comment trouvez-vous le temps de réaliser tout en dirigeant un studio  ?Il faut gérer son calendrier. A Pixar, Pete Docter et Lee Unkrich [réalisateur de Toy Story 3] sont mes partenaires, cela me permet de me mettre à plein temps sur le film. Sur une semaine, trois à quatre jours seront consacrés à Toy Story 4, deux seront dévolus à d’autres films. Andrew Stanton [coréalisateur du Monde de Nemo et réalisateur de Wall-E] est le producteur exécutif de Toy Story 4  : c’est mon patron, et c’est à lui de me mettre la pression. Le danger, pour moi, arrivé en haut de la pyramide, serait qu’une fois aux manettes d’un film mon entourage cesse de me dire la vérité. Cela se produit si souvent. J’ai ici la garantie de me confronter à un individu qui me secouera.A voir Vice-Versa, film d’animation américain de Pete Docter et Ronaldo Del Carmen (1 h 34).Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier  La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage, de Guy Lefranc, Lisette, convoitée par Jean Gabin et Marcel Dalio dans Razzia sur la chnouf, d’Henri Decoin, et Vivianne dans Du rififi chez les hommes, de Jules Dassin.Elle participe dans le même temps à plusieurs comédies, en jeune femme fantasque, un peu délurée ou à des drames où sont exploités son regard lourd et sa sensualité. Elle est la maîtresse de Jean Poiret dans Assassins et voleurs (1957), de Sacha Guitry, covedette avec Dario Moreno de Oh ! Qué mambo (1959) de John Berry, dont le titre dit tout le propos, mais aussi dans l’un des rôles les plus aboutis, dans Boulevard (1960), de Julien Duvivier avec Jean-Pierre Léaud, qui vient d’être révélé dans Les Quatre Cents Coups, de François Truffaut.Tourne avec FelliniLors d’un séjour en Italie, elle est remarquée par Federico Fellini qui lui donne un rôle dans La Dolce Vita (1960). Magali Noël y apparaît en compagne d’une nuit du père du personnage principal. Elle tourne ensuite beaucoup en Italie, dans des séries B (Jeunesse de nuit, En pleine bagarre, Le Secret de d’Artagnan, Toto et Cléopâtre, Oltraggio al pudore…). Elle retrouvera, après avoir eu un rôle dans Z de Costa-Gavras, Federico Fellini dans Satyricon en 1969 puis dans Amarcord (1973), où elle fait une apparition lors d’une fête de village. Les années suivantes seront moins actives sur le plan cinématographique ; elle tournera encore avec Chantal Akerman, Claude Goretta, Tonie Marshall…Comme chanteuse, le nom de Magali Noël reste attaché à celui de Boris Vian. L’écrivain, parolier et musicien a rencontré l’actrice durant le tournage de Du rififi chez les hommes, de Dassin. Vian écrit alors des fantaisies parodiques des premiers rock qui viennent des Etats-Unis. Dont Rock and Roll Mops et Vas te faire cuire un œuf, chantés par Henri Salvador sous le pseudonyme d’Henri Cording, et Strip-rock, Rock des petits cailloux et surtout Fais-moi mal Johnny (musique d’Alain Goraguer), qu’il confie à la voix mutine de Magali Noël. « Ma mère a été la première chanteuse de rock français, a déclaré sa fille à l’AFP. Vian pastichait beaucoup les Américains. Il l’emmenait dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés. C’était un peu son grand frère, il la trouvait rigolote. Leur amitié a duré des années. »Fais-moi mal Johnny, qui figure sur le deuxième 45-tours de Magali Noël, sorti en 1956, devient un classique et l’une des chansons les plus connues de Vian. Avec son accroche de saxophone, un piano guilleret, une rythmique dansante, pas vraiment rock’n’roll mais plutôt swing. Magali Noël enregistrera une quinzaine de chansons de Boris Vian, qui seront régulièrement rééditées. Elle donne, en 1980, une version en anglais et vaguement new wave de son Johnny sous le titre Hurt Me Bad, Johnny. Elle avait aussi chanté, en 1996, plusieurs textes de Jacques Prévert.   Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 12.06.2015 à 06h56 • Mis à jour le12.06.2015 à 12h16 Concerts, conférence, festivals… Le Monde propose son choix de sorties. Danse : Daniel Linehan s’empare du « Sacre du printemps », à LilleLe danseur et chorégraphe américain Daniel Linehan, artiste résident à l’Opéra de Lille depuis 2013, est à l’affiche du festival nordiste Latitudes contemporaines, où il présente une version ultra-actuelle du Sacre du printemps. Ses spectacles sont des compositions très personnelles où l’artiste, âgé de 33 ans, dissèque des œuvres pour en créer de nouvelles, où la voix intervient au même titre que le corps, où la vidéo prolonge ou stimule le geste chorégraphique. Sylvie KervielOpéra de Lille, vendredi 12 juin à 20 heures, samedi 13 à 16 heures et à 20 heures. De 11 à 22 euros.Hip-hop : les sons métissés des Young Fathers à la MaroquinerieLauréat, en octobre 2014, du Mercury Prize pour son premier album studio resté jusqu’alors confidentiel, Dead, le groupe écossais a publié en avril un deuxième opus, White Men Are Black Men Too (les Blancs sont aussi des Noirs). Le trio, composé de Kayus Bankole, Alloysious Massaquoi et Graham « G » Hastings, sera à la Maroquinerie à Paris, pour présenter en public cet album où le hip-hop se teinte de soul voire de gospel et de chants tribaux, jusqu’à parfois disparaître dans ce mélange d’influences musicales marqué par la moiteur et la gravité. Sylvie KervielLa Maroquinerie, à Paris. Samedi 13 juin à 19 h 30. 22 euros.Musique : Yael Naim et Dominique ADans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de la colline de Fourvière, voici deux artistes qui ont en commun leur incandescence. Yael Naim et son compagnon David Donatien délivrent un blues contemporain très marqué par l’amour d’un chant déployé de manière à toucher au plus juste. Plus mature, la chanteuse vient de publier Older (Tôt ou Tard), un album marqué par ses ballades. Dominique A met en scène Eleor (Cing 7/Wagram) paru au printemps, dans un équilibre mesuré et en vibration avec l’électricité travaillée d’une guitare jouée en majesté. Véronique MortaigneNuits de Fourvière, à Lyon. Dimanche 14 juin, à 19 heures. 35 euros.Théâtre : Brecht toujours d’actualité au MonfortLutte entre la raison et la foi, combat pour des Lumières qui recèlent leur part d’obscurité, destruction d’un certain ordre du monde et apparition dans la douleur d’un nouveau… Dans la réjouissante mise en scène de Jean-François Sivadier, la pièce de Bertolt Brecht La Vie de Galilée résonne fortement avec notre actualité. Du vrai théâtre populaire pour aujourd’hui, gorgé de vie et porté par une formidable troupe d’acteurs, avec à leur tête un Nicolas Bouchaud particulièrement éblouissant dans le rôle-titre du savant-artiste. Trois heures trente qui passent sans coup férir. Fabienne DargeMonfort Théâtre, à Paris. Vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. De 10 à 28 euros.Conférence : les images mènent l’enquête La passionnante exposition du BAL, à Paris, intitulée « Images à charge », revient sur l’utilisation des images dans les enquêtes judiciaires. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des Sherlock Holmes modernes, comme Pierre Margot. Cet homme a dirigé l’Institut de police scientifique et de criminologie de l’université de Lausanne. A ce titre, il a participé à des enquêtes célèbres, comme celle sur le petit Grégory dans les années 1980. Jeudi 18 juin, il donne une conférence en compagnie de Luce Lebart, historienne de la photographie, qui revient sur les fondements de la criminalistique moderne. Claire GuillotAu BAL, à Paris, le jeudi 18 juin à 19 heures. Gratuit sur présentation du billet d’entrée à l’exposition. Réservation obligatoire : contact@le-bal.fr.Bande dessinée : des bulles en effervescence à LyonPour sa dixième édition, le festival Lyon BD a mis les petits plats dans les grands : 40 institutions culturelles de la ville seront livrées, deux jours durant, à quelque 200 auteurs de bande dessinée venus du monde entier. Parrainée par Le Monde, la manifestation va faire se succéder, à bon rythme, les conférences, les performances, les ateliers et autres projections d’un bout à l’autre de la cité des Gones. Parmi les expositions à ne pas rater : celle consacrée au blogueur-dessinateur Boulet dans les murs du tout nouveau Musée des confluences ; et celle traitant de la question du genre dans le 9e art, à la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne. Capitale de la gastronomie oblige, des auteurs locaux et barcelonais ont également prévu de raconter en bande dessinée les spécialités culinaires de leur ville respective. A table (à dessin) ! Frédéric PotetLyon BD. Samedi 13 et dimanche 14 juin. De 5 à 8 euros.Butô : Akaji Maro, génie de la métamorphose A 72 ans, Akaji Maro reste la référence absolue de cette « danse des ténèbres » qu’est le butô, art né dans les années 1960 à Tokyo. L’artiste, qui apparaît de temps à autre au cinéma (on l’a vu chez Tarantino ou Kitano) possède le grain de folie qui convient à ses spectacles joyeusement outranciers. Le patron de la célèbre compagnie Dairakudakan et ses danseurs présentent, à la Maison de la culture du Japon à Paris, leur dernier spectacle, La Maison des insectes, sur le thème de l’évolution des espèces. On passe du burlesque à la cruauté, du kitsch à la gravité, sur fond de musiques détonantes. Rosita BoisseauMaison de la culture du Japon, à Paris. Jusqu’au 20 juin. 20 euros.Documentaire : des courts-métrages, du skate et de l’immobilitéTrois pépites récompensées au festival du court-métrage documentaire de Lyon, Doc en courts, seront projetées vendredi soir à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou. L’insolite Le Skate moderne, d’Antoine Besse (7') suit un groupe de très jeunes agriculteurs de Dordogne accros au skate, qu’ils déclinent en version rustique et champêtre. Dans Hillbrow, de Nicolas Boone (32’), l’immersion se fait plus violente, avec une fuite en avant dans un quartier pauvre de Johannesbourg, une course même, en dix plans séquence haletants. Avec Les Immobiles (38’) enfin, Béatrice Plumet propose à l’inverse l’expérience de l’immobilité totale à des élèves ou dans une maison de retraite, à des modèles, des taxidermistes ou à un photographe de studio. Emmanuelle JardonnetA la BPI du Centre Pompidou, à Paris, vendredi 12 juin à 20 heures.Architecture : un week-end pour courir les agences et visiter des maisons Pour faire connaître la profession et son action, le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a invité les agences, les 12 et 13 juin, à ouvrir librement leurs portes. Plus de 3 000 d’entre elles ont répondu présentes, dont plus de 300 en Ile-de-France. Et pour passer de la théorie à la pratique, les 12, 13 et 14, ainsi que les 19, 20 et 21 juin, le public pourra découvrir 500 maisons contemporaines. Une visite payante (2 euros par personne), mais en compagnie de l’architecte. Jean-Jacques LarrochelleListe des maisons à consulter sur le site des Journées à vivre de l’architecture et la liste des agences sur le site portesouvertes.architectes.org. Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Mathieu Kassovitz (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain)","Samuel Le Bihan (A la folie... pas du tout)","Romain Duris (L'Auberge espagnole)","Gaspard Ulliel (Un long dimanche de fiançailles)","Gad Elmaleh (Hors de prix)","Guillaume Canet (Ensemble c'est tout)","Benoît Poelvoorde (Coco avant Chanel)","François Damiens (La délicatesse)","Benoît Magimel (Des vents contraires)","Gilles Lellouche (Thérèse Desqueyroux)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334331217", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:"", plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Audrey Tautou", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 25 ], [ 1010098800000, 25 ], [ 1010358000000, 26 ], [ 1072998000000, 28 ], [ 1136156400000, 30 ], [ 1167692400000, 31 ], [ 1230850800000, 33 ], [ 1323903600000, 35 ], [ 1324508400000, 35 ], [ 1325458800000, 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 34 ], [ 1010098800000, 36 ], [ 1010358000000, 28 ], [ 1072998000000, 20 ], [ 1136156400000, 35 ], [ 1167692400000, 34 ], [ 1230850800000, 45 ], [ 1323903600000, 38 ], [ 1324508400000, 37 ], [ 1325458800000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le12.06.2015 à 15h14 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 15.06.2015 à 20h03 • Mis à jour le16.06.2015 à 08h44 Il aura fallu tout le poids de Gérard Depardieu pour que United Passions, le film sur la FIFA financé par la FIFA, puisse se vanter d’être en sélection officielle au Festival de Cannes.L’acteur français, qui incarne le créateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, dans ce film raillé par la critique, a prié le directeur du festival de bien vouloir projeter son film sur la Croisette, affirme Thierry Frémaux lui-même dans une interview à l’agence Associated Press.Dans un premier temps, lorsque United Passions lui a été soumis pour l’édition 2014 du festival, Thierry Frémaux avait « rejeté le film ».« Au début, j’ai dit : “Hors de question”, car le film n’avait pas la qualité requise pour être dans la sélection officielle. Puis ils m’ont dit : “Et pourquoi pas sur la plage ?” J’ai dit : “Ah, la plage. Oui, c’est un festival, c’est du football, c’est grand public. OK.” »La FIFA n’a pas payé le festival pour que le film soit projeté, précise son délégué général. C’est Gérard Depardieu, président du jury cannois en 1992, qui a fait pencher la balance en réclamant lui-même cette faveur. « Gérard Depardieu a été très insistant. Il voulait vraiment qu’on le projette. Je ne dis pas qu’on l’a fait pour lui faire plaisir, mais disons qu’il a beaucoup insisté. » Thierry Frémaux a assisté à la projection en compagnie de l’acteur français et de son ami Sepp Blatter, président de la FIFA, incarné à l’écran par Tim Roth.La projection dans le cadre du Cinéma de la plage, cette année-là, en compagnie de films culte, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction ou La Folie des grandeurs, est suffisante pour afficher la palme et le label « Sélection officielle » dans les bandes-annonces et sur les affiches promotionnelles.Ce label n’a pas empêché le film de connaître un gros échec commercial et critique. En France, il est sorti directement en DVD, et une poignée de pays seulement l’ont diffusé en salles. Selon les données de Rentrak, le film a rapporté 178 639 dollars (environ 159 000 euros), dont une bonne partie en Russie, où Gérard Depardieu jouit d’une grande popularité. Loin des 27 millions de dollars versés par la FIFA pour financer le long-métrage du Français Frédéric Auburtin.Sa sortie aux Etats-Unis, au début du mois de juin, n’a pas vraiment compensé cet échec commercial, avec seulement 900 dollars rapportés pour son premier week-end, dans dix salles. La critique a été unanime, d’autant plus que le film est sorti en plein scandale bouleversant la fédération internationale de football et son président, Sepp Blatter, sur le départ.Lire aussi :L’Amérique tacle le film sur la FIFALe Washington Post a ironisé sur le choix de Tim Roth, 54 ans, pour jouer le rôle de Sepp Blatter, 79 ans : « Il faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer. » Le New York Times a jugé le film « le plus irregardable de mémoire d’homme ».Thierry Frémaux est à peine moins sévère : « Je ne trouve pas du tout le film horrible. Ça aurait dû être un téléfilm. » 14.06.2015 à 22h32 • Mis à jour le15.06.2015 à 15h49 Le monde entier s’est pris de passion pour des dinosaures. En tête au box-office dans 66 pays différents, « Jurassic World », la dernière mouture du film culte de science-fiction « Jurassic Park », a réalisé la meilleure sortie mondiale de tous les temps, selon les chiffres provisoires de la société Exhibitor communiqués dimanche 14 juin.Critique :« Jurassic World » : loin de la magie de Spielberg, des dinos et des héros sans corpsAvec 511 millions de dollars de recettes mondiales en cinq jours, dont notamment quelque 100 millions en Chine, le film réalisé par Colin Trevorrow établit un record mondial. Par ailleurs, pour son premier week-end en salles, « Jurassic World » a également engrangé près de 204,6 millions de dollars en Amérique du Nord. Dans l'histoire du box-office nord-américain, seul « Avengers » a fait mieux en 2012, avec 207,4 millions.Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vu« Jurassic World », co-produit par Steven Spielberg, qui avait réalisé les deux premiers films de la série en 1993 et 1997, se passe de nouveau dans une île-parc d'attraction de dinosaures. Pour doper la fréquentation, des scientifiques concoctent en laboratoire un nouvel hybride particulièrement colossal, qui finit par s'échapper avec les conséquences qu'on imagine.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu » 11.06.2015 à 15h07 • Mis à jour le12.06.2015 à 15h14 | Samuel Blumenfeld Il est le réalisateur de Toy Story, premier long-métrage d’animation 3D de l’histoire du cinéma ; le patron de Disney Animation, mais aussi celui de Pixar, le studio d’animation emblématique de la 3D, dont la nouvelle production, Vice-Versa, sort le 17 juin  : John Lasseter est un spécimen. Le cas unique – depuis Ernst ­Lubitsch et la Paramount au milieu des années 1930 – d’un réalisateur à la tête d’un studio de cinéma, à une époque où ce poste de dirigeant est dévolu à des hommes d’affaires.Adapter la touche Disney à son époqueVous dirigez les studios d’animation Pixar depuis que Steve Jobs en a repris le contrôle, en 1986, et les studios Disney depuis 2006. En quoi la culture de Disney et celle de Pixar diffèrent-elles  ?Pixar est un studio de pionniers. Nous avons inventé l’animation par ordinateur, et cette innovation va au-delà de la technologie  : elle tente de raconter autrement des histoires. Durant vingt-cinq ans, Steve Jobs a été notre patron, le propriétaire de la compagnie. ­Celle-ci est située dans la Silicon Valley, à San Francisco, un lieu d’innovation par excellence où la recherche est l’élément fondamental. A la différence de Los Angeles, San Francisco n’abrite pas d’industrie du cinéma, ce qui induit pour un metteur en scène un rapport différent au monde. Lorsque je quitte mon bureau, je retrouve mes amis, qui sont dentiste, avocat, homme d’affaires ou vigneron.Disney repose davantage sur la tradition que sur l’innovation. Quand vous travaillez ici, c’est par respect pour l’homme qui a créé... 11.06.2015 à 14h11 • Mis à jour le12.06.2015 à 09h27 Christopher Frank Carandini Lee, connu sous son nom d’acteur comme Christopher Lee, est mort dimanche à l’âge de 93 ans, ont indiqué jeudi 11 juin les services de l’état civil de la mairie de Kensington et Chelsea, confirmant les informations de plusieurs médias britanniques.Lire la nécrologie :Le comte Dracula ne se réveillera plusLire le portrait : Christopher Lee, l'essence du vampireCe géant du cinéma est mort à l’hôpital londonien de Chelsea et Westminster, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, selon le Daily Telegraph. L’annonce de son décès a été différée à la demande de sa femme, qui a d’abord voulu avertir tous les membres de la famille, a ajouté le quotidien. Avec une carrière riche d’environ 250 films, l’acteur britannique était devenu célèbre à la fin des années 1950 en interprétant Dracula, rôle qu’il a endossé près d’une dizaine de fois dans une série de films sortis entre 1958 et 1976 et produits par les studios Hammer.Christopher Lee est également connu pour ses rôles de méchant. D’abord avec son interprétation de Scaramanga, L’Homme au pistolet d’or qu’affronte James Bond sous les traits de Roger Moore, ou plus récemment du comte Dooku, dans Star Wars, ou de Saroumane, dans Le Seigneur des anneaux.Chanteur de métalNé à Londres le 27 mai 1922, Christopher Lee descendait par sa mère d’une des plus anciennes familles italiennes, les Carrandini, dont la lignée remonte à Charlemagne. Il était devenu acteur sur les conseils d’un cousin après avoir servi dans la Royal Air Force au cours la seconde guerre mondiale.Amateur de metal, il avait collaboré avec plusieurs groupes en tant que chanteur. Il avait d’ailleurs dédié deux albums de métal symphonique à son ancêtre : Charlemagne : By the Sword and the Cross sorti en 2010 et Charlemagne : The Omens of Death en 2013.« Maître du macabre »Les témoignages ont aussitôt afflué pour saluer la mémoire de cet acteur luciférien. Le maire de Londres, Boris Johnson, a été l’un des premiers à rendre hommage au « maître du macabre ».Really sad to hear about the death of Christopher Lee, one of the greatest British actors and a master of the macabre http://t.co/q5UUhc7xId— MayorofLondon (@Boris Johnson)require(["twitter/widgets"]);Le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit attristé par la mort de l’acteur « aux films chéris par des millions de personnes ». Il a également rendu hommage dans le même tweet à l’acteur britannique Ron Moody, disparu ce jeudi.I'm saddened by the deaths of Sir Christopher Lee and Ron Moody. Both starred in films that are treasured by millions.— David_Cameron (@David Cameron)require(["twitter/widgets"]);L’acteur Elijah Wood a, pour sa part, salué « un homme extraordinaire (…), une icône, et un immense être humain avec une histoire inoubliable ». « Tu nous manqueras », a conclu l’acteur qui a interprété à ses côtés le rôle de Frodon dans la trilogie « Le Seigneur des anneaux ».An extraordinary man and life lead, Sir Christopher Lee. You were an icon, and a towering human being with stories for days. We'll miss you.— woodelijah (@Elijah Wood)require(["twitter/widgets"]); Isabelle Regnier Le réalisateur exprime avec force sa vision de la colonisation à travers un documentaire composé d’images d’archives (jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3).Dans Un barrage contre le Pacifique (2008), Rithy Panh plongeait dans l’histoire de l’Indochine en s’inspirant d’un récit autobiographique de Marguerite Duras, dans lequel une mère de famille perdait la raison en constatant, année après année, que la plantation où elle avait placé toutes ses économies était foncièrement incultivable. Allégorie de la stérilité et de la folie de l’entreprise colonisatrice, cette fiction, aussi amère soit-elle, reprenait le point de vue des colons.La France est notre patrie peut être envisagé comme son contrechamp. Ce documentaire a beau avoir été réalisé à partir d’images d’archives filmées par des Occidentaux – les seules qui aient été tournées à l’époque –, Rithy Panh les a organisées à sa « façon indigène » comme il le pose lui-même, en opposant son point de vue à celui des filmeurs, pour écrire son histoire de la colonisation.Mélancolique et mordantMontage sans paroles, au son d’une partition subtile – mélange de phrases musicales syncopées, semblant ressorties du fond d’une mémoire abîmée, et de bruits d’animaux, de machine à vapeur, de mer… –, le résultat est magnifique. Il est à la fois un hommage de l’auteur à ce pays qui l’a vu naître, à sa faune majestueuse, à sa flore surréaliste, à sa culture, à ses arts, et une relecture subtile, mélancolique et mordante, de cette période d’occupation, où se reflètent aussi bien les vertus du mode de vie des colons que la violence qu’il y avait à vouloir l’imposer de force, l’élégance de ces envahisseurs bien habillés que l’obscénité du système d’exploitation qui leur offrait luxe, calme et volupté. Ce n’est pas l’enfer – l’enfer au Cambodge a un nom, celui de Pol Pot et du génocide, auxquels Rithy Panh a consacré ses plus grands films, S21, la machine de mort khmère rouge (2002), Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), L’Image manquante (2013). Mais on est loin du paradis.Le film s’ouvre sur les images d’une maison coloniale en ruine, envahie par les racines de Tetrameles nudiflora (arbres tentaculaires). Il bascule alors dans le passé, réveillant les fantômes des lieux pour ouvrir ensuite le grand bal de la période coloniale. Des images de vie privée, de vie politique, de vie économique, de vie religieuse s’imbriquent, se font écho, glissant organiquement de l’exploitation des richesses naturelles à l’exhumation des ruines d’Angkor, de l’industrialisation à la médecine moderne, de la construction de voies ferrées à l’instruction de la jeunesse… pour finir dans le bain de sang qui a définitivement scellé, à Dien Bien Phu, la fin de cette union contre nature entre la France et le Cambodge.Liberté d’approcheAccélérant des images, en ralentissant d’autres, jouant avec des intertitres qui traduisent, non sans malice, l’idéologie raciste et paternaliste de la mère patrie, l’auteur sculpte son fonds d’archives à sa guise, s’attardant sur les gestes, les visages, les regards des travailleurs cambodgiens, les confrontant à ceux de leurs maîtres… Sporadiquement, des éléments hétérogènes s’invitent dans le tourbillon, qui le rattache à la marche du monde – scène de danses africaines qui inscrivent le film dans l’histoire de la colonisation française, scènes de la première guerre mondiale qui annoncent la violence de la guerre d’Indochine…Cette liberté d’approche, qui est la force du film, témoigne une fois encore de cette capacité qu’a Rithy Panh à toujours trouver une forme juste pour exprimer, avec une puissance d’évocation incomparable, l’essence même des phénomènes historiques.La France est notre patrie, de Rithy Panh (Fr., 2015, 75 min). Jeudi 11 juin à 23 h 55 sur France 3.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Des dinos, des fachos, de la psycho et des antihéros, c’est la sélection cinéma du « Monde ».Le blockbuster de la semaine : « Jurassic World », de Colin TrevorrowAprès l’œuvre originelle signée Steven Spielberg, « Jurassic Park » (1993), et deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles préhistoriques. Réalisé par Colin Trevorrow, inconnu au bataillon en France, ce quatrième opus, aseptisé par ses effets numériques, n’est ni le plus inventif ni le plus inspiré.Film américain de Colin Trevorrow, avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05).D’Hiroshima à la Nouvelle Vague, le destin d’une actrice japonaise qui voulait vivre comme une héroïne de cinéma : « Cendres », d’Idrissa Guiro et Mélanie PavySous la forme d’une enquête psycho-généalogique, ce beau documentaire fait le portrait posthume d’une Japonaise éprise de liberté dont le destin romanesque a relié l’histoire d’Hiroshima à celle de la Nouvelle Vague. Du crématorium du Père-Lachaise où sa fille vient récupérer ses cendres jusqu’au Japon où elle les apporte, l’histoire s’étoffe au fil de l’eau, à mesure que les archives et les témoignages lèvent le voile sur certains de ses mystères.Film franco-sénégalais de Mélanie Pavy et Idrissa Guiro (1 h 14).Le film coup de poing : « Un Français », de DiastèmeEn suivant, sur trente ans, le parcours d’un skinhead, ce film dresse le portrait sans concession de ce jeune prolo français grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé. Violence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, tous les ingrédients étaient réunis pour défrayer la chronique.Film français de Diastème, avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38).Pour ne pas rater le virage de la cinquantaine : « Comme un avion », de Bruno PodalydèsDans cette comédie douce-amère, Bruno Podalydès s’offre le premier rôle, celui d’un cadre désireux de larguer les amarres pour partir en kayak, et relègue son frère Denis, pour la première fois, dans une position périphérique. L’auteur de Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) et Liberté-Oléron continue de creuser la veine fantaisiste, le goût pour le jeu et le rapport à l’enfance qui ont toujours caractérisé son cinéma.Film français de Bruno Podalydès, avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons (1 h 45).Un classique en DVD : « Bas les masques », de Richard Brooks C’est l’un des plus beaux, sinon le plus beau film jamais consacré au journalisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse. Son auteur, Richard Brooks, a été journaliste, et cela se sent. Il a travaillé au New York World, quotidien qui a été racheté, en 1883, par Joseph Pulitzer, avant d’être revendu, en 1931, au propriétaire du New York Evening Telegram. Vingt et un ans plus tard, en 1952, il met en scène la disparition de ce journal, en confiant à Humphrey Bogart le rôle du rédacteur en chef.Film américain de Richard Brooks (1952), avec Humphrey Bogart, Kim Hunter, Ethel Barrymore (1 h 25, Rimini Editions).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Roberto Rossellini, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, André Téchiné, Chantal Akerman : la liste – non exhaustive – des cinéastes dont Jean Gruault fut le scénariste dit à elle seule l’importance de cet homme pour le cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle. Egalement auteur dramatique, romancier, acteur de théâtre et librettiste d’opéra, Jean Gruault, qui est mort mardi 9 juin à l’âge de 90 ans, aimait citer Audiberti pour différencier « l’écrivant » de « l’écrivain ». Pour lui, disait-il, « l’auteur de théâtre – et, a fortiori, celui de scénario – ne peut être un écrivain, dans la mesure où il ne s’intéresse pas exclusivement à la langue, puisqu’il est obligé de raconter une histoire, d’affirmer des intentions ». Il n’empêche : Gruault fut un immense scénariste. Sans lui, des films comme Jules et Jim, Les Carabiniers, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, Les Deux Anglaises et le continent, Mon Oncle d’Amérique, tant d’autres encore, n’auraient pas eu la même saveur.Il était né un 3 août 1924, à Fontenay-sous-Bois. On retrouve sa trace à la fin des années 1940, aux côtés des animateurs des ciné-clubs du Quartier latin et du Studio Parnasse. Il y a là quelques cinéphiles dont en entendra très vite parler : Maurice Schérer (qui deviendra Eric Rohmer), mais aussi Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Suzanne Schiffman, André Labarthe, Jean Douchet, Claude de Givray… Plus tard, on dira même que la Nouvelle Vague est née quelque part entre ces salles de cinéma du cinquième arrondissement parisien.Premier scénario pour Rivette en 1958A l’aventure des Cahiers du cinéma, Jean Gruault préfère jouer au théâtre, par exemple dans La Mouche bleue, de Marcel Aymé ou encore La Logeuse, de Jacques Audiberti.Premier scénario, premier coup de maître en 1958 avec Paris nous appartient, de Jacques Rivette. Ensuite, tout va très vite. Sur la recommandation de Truffaut, Gruault devient l’assistant de Roberto Rossellini avec lequel il travaillera sur Vanina Vanini. Cinq ans plus tard, en 1966, il coécrira pour le père du néoréalisme italien le scénario de La Prise du pouvoir par Louis XIV.1962, c’est l’année de Jules et Jim. Sept ans auparavant, ainsi qu’il le raconte dans Le Plaisir des yeux (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), François Truffaut avait eu un véritable « coup de foudre » à la lecture du roman d’Henri-Pierre Roché. Pour l’aider à l’adapter au cinéma, un soir, Truffaut était venu chercher Gruault à la sortie du théâtre où il jouait dans une pièce d’Audiberti.Longue collaboration avec TruffautDans François Truffaut au travail (Editions Les Cahiers du cinéma), Carole Le Berre décrit bien la manière dont ces deux-là travaillèrent ensemble : « Inaugurant une méthode de collaboration qu’ils répéteront par la suite, Truffaut lui remet alors un exemplaire annoté où il a souligné ou marqué d’une croix les passages qui lui plaisent. Gruault rédige une première tentative d’adaptation, assez longue, dont Truffaut se sert comme point de départ pour la remanier, la réduire, inventer quelques raccourcis plus visuels, découvrir où il souhaite aller… » Bientôt, colle et ciseaux obligent, on ne comptera plus les versions du scénario.C’est le début d’une longue collaboration entre les deux hommes : L’Enfant sauvage tout d’abord, puis, toujours d’après Henri-Pierre Roché, Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H. et La Chambre verte. A propos des Deux Anglaises, le 27 février 1968, Truffaut adresse une lettre à Gruault : « Mon cher Jean, Lucette va te remettre les carnets d’Henri-Pierre Roché. J’espère qu’ils te passionneront autant que moi. Je te demande pourtant de garder le secret absolu sur cette lecture qui doit rester absolument confidentielle… »Avec Godard, Gruault ne travailla que sur Les Carabiniers (1963).Alors en pleine disgrâce en Italie, Rossellini avait voulu monter une pièce antimilitariste de Benjamino Joppolo, I Carabinieri. Scandale. Fiasco. Pourtant, Gruault avait demandé à Rossellini de bien vouloir, devant micro, résumer cette pièce pour Jean-Luc Godard qui voulait l’adapter au cinéma. Ces vingt minutes d’enregistrement valent à Rossellini d’être crédité au générique du film comme coscénariste, aux côtés de Gruault et de Godard…Impossible d’évoquer la carrière de scénariste de Gruault sans mentionner son travail sur Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette (1967). Censure, scandale – Godard qui traite Malraux de « ministre de la Kultur » – et grand succès.Trois scénarios pour Alain ResnaisImpossible également de ne pas mentionner les trois scénarios que Gruault écrivit pour Alain Resnais : Mon Oncle d’Amérique, La Vie est un roman, L’Amour à mort. Comme John Ford, Alain Resnais composait une biographie détaillée de ses personnages. « Gruault, racontait-il, adorait écrire ces biographies. Plus le rôle était petit, plus la biographie s’étendait. Quand on m’attribue ces biographies, on peut m’attribuer le fait de les avoir demandées, mais c’est à Gruault que revient le charme de tout ce qu’il a écrit ainsi ».Le charme, la langue, le goût de raconter des histoires. On pourrait consacrer des pages et des pages à tous les films dont Gruault écrivit le scénario. On pourrait raconter également tous les projets qu’il eut, en particulier avec Truffaut, et qui ne virent pas le jour : La Belle Epoque mais aussi Marguerite et Julien.En fouillant dans les archives du Monde, on retrouve la trace d’une pièce de théâtre qu’il avait écrite, La Guerre des paysans. Montée au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en 1967, inspirée de Michael Kolhhaas, de Heinrich von Kleist, elle décrit l’aventure d’un marchand de chevaux qui, pour se faire rendre justice, est entraîné à devenir le chef d’une bande de paysans. « Il n’y a pas, disait au Monde Jean Gruault, les “bons” et les “méchants” : il y a des hommes qui agissent en fonction d’un certain nombre de critères liés à une certaine époque ».Lui qui passa trois ans au séminaire d’Angers écrivit d’autres pièces, parmi lesquelles Un petit Jésus et Crucifixion dans un boudoir turc (montée en 1987 au Petit Odéon à Paris). Souvent, il s’amusait à extraire des répliques de ses pièces pour les replacer dans les films sur lesquels il travaillait. On trouve de ces « importations » dans La Vie est un roman ou encore dans L’Amour à mort. Dans Paris nous appartient, il y a cette réplique en forme d’allusion à Brasillach, extraite de Crucifixion : « Le meilleur moyen pour un jeune écrivain de se faire connaître, c’est de se faire fusiller… »Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum L’avis du « Monde » – pourquoi pasVoici quelques semaines déjà que ce film – consacré à l’itinéraire d’un skinhead français sur trois décennies – défraie la chronique, au motif des attaques dont il ferait l’objet sur la Toile et de la réduction consécutive des salles disposées à l’accueillir sur le territoire. Alertée par le réalisateur et le distributeur du film, la presse a relayé cette inquiétude, partagée entre empathie (défense de la liberté d’expression) et méfiance (crainte d’une surenchère promotionnelle), essentiellement embarrassée par la difficulté de mesurer le degré de fidélité de ces assertions à la réalité.Lire le post de blog : Le jour de gloire d’« Un Français » est arrivé et passéLa sortie du film en salles permettra du moins d’éclaircir une question jusque-là évacuée du débat : celle de sa valeur proprement artistique. Il faut, à cet effet, d’abord dire un mot du réalisateur, Diastème, quinquagénaire touche-à-tout qui fut tour à tour journaliste, compositeur, metteur en scène de théâtre, scénariste, et auteur d’un premier long-métrage de cinéma en 2008, Le Bruit des gens autour, qui n’avait toutefois, à la fin de sa carrière, pas déclenché le bruit que son deuxième opus suscite avant même d’être vu.Il est vrai qu’Un Français est taillé pour susciter le débat. Chronique sur trente ans du « skin » Marco, voici le portrait d’un jeune prolo français, grandi dans une cité de la région parisienne et issu d’un milieu paupérisé, qu’on retrouve, quand le film commence au milieu des années 1980, en train de fracasser sur son chemin avec sa bande tout ce qui n’est pas blanc.Lire aussi :Dans la peau d’un fachoIdentité introuvableViolence crue, filmée en plans-séquences, intentionnellement réaliste et répétitive, nourrie de faits divers racistes qui ont marqué la chronique, portée de manière très physique et donc très crédible par l’acteur Alban Lenoir, mais dont le spectacle réitéré durant près d’une heure devient rapidement insupportable et rébarbatif (on est loin de la stylisation maniériste d’Orange mécanique).Passé ce cap, que l’auteur a visiblement supposé nécessaire, on accède à l’autre versant du film, qui nous montre l’insensible humanisation d’un personnage que son accès à la maturité conduit à déserter le camp du racisme et de la violence, au prix d’une rupture amicale et conjugale qui le laisse comme orphelin de lui-même. L’identité introuvable, tour à tour violente et désarmée, reste ainsi de manière bienvenue au centre du film. On créditera le réalisateur d’avoir opéré cette transition en préservant une certaine opacité, sans coup de théâtre salvateur.Ce n’est pas la seule qualité qu’on peut reconnaître à ce film qui, comme on dit, « fait le boulot ». Première œuvre française à prendre à bras-le-corps ce sujet délicat (Made in Britain, le téléfilm anglais d’Alan Clarke, réalisé dès 1982 avec Tim Roth, peut être considéré comme l’archétype du genre), Un Français propose, en effet, à travers l’évolution à la fois romanesque et documentée de son personnage principal, une traversée de l’histoire de l’extrême droite en France.Il rappelle notamment, au passage, que le Front national y a longtemps fédéré tous les extrêmes (néonazis, skinheads, fascistes, royalistes, intégristes chrétiens…), avant de briguer le statut de parti démocratique et respectable qui est aujourd’hui son nouveau visage. Un visage qui séduit désormais nombre de Français et fait à ce titre d’Un Français une œuvre de circonstance.Film français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy (1 h 38). Sur le Web : www.marsdistribution.com/film/un_franais et www.diasteme.netJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani L’avis du « Monde » – on peut éviterCela fait plus de vingt ans que Steven Spielberg a fait subir aux spectateurs de Jurassic Park une captivante partie de cache-cache : dans une cuisine, deux enfants terrifiés cherchent à éviter les terribles vélociraptors. Prenante, la scène impressionnait notamment par son économie de moyens. Certes, les dinos animatroniques conçus par Stan Winston, le coordinateur des effets spéciaux du film, y tenaient un rôle central. Mais pour le reste : un four, une louche, deux jeunes acteurs bien choisis et bien dirigés. La séquence n’a pas pris une ride – comme le reste du film, au demeurant.Après deux autres excursions en 1997 et 2001, voilà le spectateur invité à revenir une quatrième fois taquiner les bestioles. Le Jurassic World de Colin Trevorrow, un cinéaste que les Français découvrent avec ce film, est le premier à se situer dans le parc à thème ouvert au public. Deux frères y sont en visite lorsque la terrible Indominus rex s’échappe de son enclos. Créature hybride née de l’imagination tortueuse des généticiens pour appâter les amateurs de sensations fortes, l’Indominus rex est encore plus difficile à contrôler que ses congénères.Comme ses prédécesseurs, le film fait du dinosaure le prétexte à une critique sommaire de la logique consumériste à laquelle des financeurs sans âme obéissent contre toute sécurité ou morale. Or, c’est à cette même logique que Jurassic World est et reste soumis. Il faut « plus de dents », résume l’un des personnages : c’est valable pour le chiffre d’affaires du parc, et sans doute aussi pour celui du film qui semble jeter son Indominus rex en pâture au spectateur avec la même désinvolture confiante que l’animatrice assignée au bassin géant pour nourrir de requins un gigantesque dinosaure marin.La poésie a disparuRythmé par les combats de l’Indominus avec des adversaires de plus en plus menaçants, le scénario a le degré d’inventivité d’un jeu vidéo bon marché. La seule vraie révolution que le film ambitionne tient aux effets numériques. A l’époque de Jurassic Park, ils réclamaient pour se fondre à l’histoire, les faveurs de l’ombre et du second plan, tandis que les animatroniques les relayaient pour les plans rapprochés. Dans Jurassic World, ces derniers ont disparu : les dinos exhibent en pleine lumière la perfection de leurs pixels. Ils ont plus de dents ; on les voit mieux ; pourtant, ils n’ont jamais fait moins peur. Quant à la poésie ambiguë de la rencontre entre la bête et l’homme, qui faisait toute la saveur de Jurassic Park, elle a tout simplement disparu.Les plus nostalgiques y verront un méfait de l’invasion numérique. Hypothèse tentante lorsque Jurassic World s’évertue à recréer cette magie du contact physique entre la main de l’homme et la peau du dinosaure, si puissante en 1993, quand Ellie Sattler, émerveillée, posait sa main sur un superbe tricératops animatronique. Rien de semblable dans Jurassic World, sans que le réalisme de l’image générée par ordinateur soit à blâmer. C’est même à cette innocence de l’image que tient le seul mérite du film : elle permet de comprendre, par comparaison, combien le numérique peut avoir d’âme, pour peu que l’homme consente à lui prêter la sienne.Car la magie du film de Spielberg tenait d’abord à ses personnages. Même précipités dans le torrent du grand spectacle, ils ont du caractère, du cœur, du coffre. Proprement interprétés, ceux de Colin Trevorrow n’ont pas plus de corps que les reptiles créés par ordinateur. Ils peuvent tendre cent fois la main vers les dinosaures numériques, elle reste lointaine : mais en revoyant Jurassic Park plus de vingt ans plus tard, c’est encore la nôtre qui se pose sur le tricératops en même temps que celle d’Ellie Sattler.Lire aussi :« Jurassic World » et la science, une impression de « déjà-vu »Lire aussi :Un été hollywoodien au parfum de déjà-vuFilm américain de Colin Trevorrow avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard (2 h 05). Sur le Web : www.jurassicworld-lefilm.com et fr.jurassicworldintl.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) On n’aurait pu imaginer pire calendrier. United Passions, un film sur l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA), est sorti ce week-end dans une poignée de cinémas aux Etats-Unis, dix jours à peine après l’éclatement d’un scandale retentissant sur la corruption au sein de l’organisation. Après l’infamie et l’humiliation de la procédure menée par la justice américaine, la FIFA doit donc désormais affronter les sarcasmes des critiques, qui ont étrillé le film du Français Frédéric Auburtin.United Passions retrace les cent onze ans d’existence de la FIFA, incarnée successivement par Gérard Depardieu, qui joue Jules Rimet, le créateur de la Coupe du monde, Sam Neill, dans le rôle de Joao Havelange, qui dirigea la fédération pendant vingt-quatre ans, et Tim Roth en Sepp Blatter, qui lave plus blanc que blanc. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la FIFA a financé 80 % des 24 millions d’euros qu’a coûtés le film.« Un film épouvantable »Avec l’avalanche des révélations de ces derniers jours, le long-métrage a pris des allures de Gorafi — site français d’information satirique —, certains se demandant s’il n’était pas à regarder au troisième degré. « Nous allons faire preuve d’exemplarité dans tous les domaines. Le plus petit écart de conduite sera sévèrement sanctionné », lance Sepp Blatter à la veille de la Coupe du monde de 2002 dans une réplique dont l’incongruité frise le comique. « C’est un film épouvantable, résume le site Vice Sports. Les dialogues sont stupides, la structure du film est mauvaise, les acteurs sont pires, l’histoire est révisionniste. » Le New York Times n’hésite pas à en parler comme du film « le plus irregardable de mémoire d’homme ». Quant au Washington Post, il souligne qu’il « faut vraiment avoir un énorme ego pour financer un film dont vous êtes le héros, mais, au moins, Blatter a eu la décence de ne pas engager Brad Pitt pour le jouer », ironisant sur l’âge de Tim Roth, 54 ans, contre 79 pour l’ex-président de la FIFA.La distributrice du film aux Etats-Unis, Suzanne Blench, présidente de Screen Media, avait cru astucieusement programmer le film (présenté à Cannes en 2014) pendant la Coupe du monde féminine, qui vient de débuter au Canada. Elle affirme qu’il ne s’agit pas « de promouvoir l’image de la FIFA. Nous ne sommes pas là pour essayer de faire quoi que ce soit afin de changer la vérité. C’est un biopic. Des libertés sont prises. Nous donnons juste aux gens une possibilité de le voir. »Frédéric Auburtin déclare assumer son film, sachant qu’à partir du moment où la FIFA le produisait, sa marge de manœuvre serait étroite. Le « baiser de la mort » est venu de la FIFA elle-même. Jérôme Valcke, le bras droit de Sepp Blatter, qui est soupçonné d’être une cheville ouvrière de la corruption, qualifiait le film dans une lettre récente envoyée aux membres de la fédération de « sincère, autocritique et extrêmement divertissant ».Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le03.06.2015 à 15h16 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313324828", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#61c130","#22a34e","#f19300","#d28309","#b50b11","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2008","2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "PEGI 3", "color": "#61c130", "data": [ [ "", 52.8 ], [ "", 53.1 ], [ "", 43.9 ], [ "", 37.4 ], [ "", 33.8 ], [ "", 30.5 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 7", "color": "#22a34e", "data": [ [ "", 14.1 ], [ "", 14.3 ], [ "", 18.1 ], [ "", 16.4 ], [ "", 21.4 ], [ "", 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 12", "color": "#f19300", "data": [ [ "", 17.9 ], [ "", 18.3 ], [ "", 21.7 ], [ "", 23.3 ], [ "", 23 ], [ "", 21.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 16", "color": "#d28309", "data": [ [ "", 10.2 ], [ "", 9 ], [ "", 9.8 ], [ "", 12.8 ], [ "", 12.4 ], [ "", 14.6 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "PEGI 18", "color": "#b50b11", "data": [ [ "", 5.1 ], [ "", 5.1 ], [ "", 6.1 ], [ "", 9.8 ], [ "", 9.4 ], [ "", 9.7 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 1, valuePrefix: "", valueSuffix: " %", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}L’exception Saw III contre les multiples PEGI 18Le CNC étudie chaque long-métrage au cas par cas, sur des critères subjectifs et ouverts, et de manière globalement tolérante. Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Amandine Réaux Les actrices d’Hollywood sont-elles victimes de « jeunisme » ? C’est la question posée par le webzine américain Vulture (édité par le New York Magazine) après les déclarations de Maggie Gyllenhaal : « À 37 ans, je suis trop âgée pour jouer la conquête d’un homme de 55 ans. » Les infographies montrent que les acteurs vieillissants (George Clooney, Johnny Depp ou Richard Gere) ont des partenaires à l’écran toujours plus jeunes. Nos confrères du Huffington Post ont observé sensiblement le même phénomène chez les acteurs français (Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, François Cluzet).Mais qu’en est-il du côté des femmes ? A travers l’exemple de trois jeunes actrices américaines (Emma Stone, Jennifer Lawrence et Scarlett Johansson), Vulture constate qu’elles tombent amoureuses d’hommes plus âgés, parfois de trente ans leurs aînés. Mais l’étude ne montre pas si la tendance reste la même pour les actrices vieillissantes.L’écart d’âge s’amenuise en vieillissantPour savoir si les actrices françaises étaient, elles aussi, victimes de jeunisme, nous avons réalisé notre propre étude en se basant sur six d’entre elles : Audrey Tautou, Marion Cotillard, Cécile de France, Sophie Marceau, Juliette Binoche et Catherine Deneuve. En analysant leur âge et celui des acteurs masculins à l’écran dans dix films, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans les films, les actrices françaises sont représentées avec des partenaires plus âgés lorsqu’elles sont jeunes. En revanche, plus elles vieillissent, plus cet écart d’âge a tendance à diminuer. Autrement dit, il semble qu’au fil des années, l’importance de la carrière prenne le dessus sur le “jeunisme”.Au niveau de la méthode, nous avons pris en compte l’âge réel des acteurs au moment de la sortie en salles du film, et non l’âge qu’ils sont censés avoir dans les films, une donnée qui n’est pas toujours disponible. Ces infographies n’ont pas de valeur scientifique. Nous avons travaillé sur un échantillon d’actrices et de films semblant représentatifs d’une tendance, mais ces écarts d’âge dépendent bien évidemment du scénario – on imagine mal Catherine Deneuve, 72 ans, en James Bond girl. #container_14334326728{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334326728{ height:500px; } #container_14334326728 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334326728 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334326728 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334326728 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Ecarts d'âge entre six actrices françaises et leurs partenaires masculinsEcart d'âge moyen sur dix films de chaque actrice.(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334326728", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Cécile de France","Marion Cotillard","Sophie Marceau","Audrey Tautou","Juliette Binoche","Catherine Deneuve"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Ecart moyen", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 10.9 ], [ "", 7.3 ], [ "", 6 ], [ "", 4.3 ], [ "", 3 ], [ "", -1.2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Sur ce premier graphique, on observe que les partenaires amoureux sont en moyenne plus âgés que les actrices : entre trois (Juliette Binoche) et onze ans de plus (Cécile de France). A l’exception de Catherine Deneuve, dont les amants à l’écran sont plus jeunes d’un an en moyenne. Mais analysons ces données en détail pour voir ce qui se cache derrière ces moyennes. #container_14334331217{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334331217{ height:500px; } #container_14334331217 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334331217 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334331217 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334331217 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Audrey TautouÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Dans ses deux premiers films, Audrey Tautou tombe amoureuse d’hommes plus âgés de dix ans environ. Cet écart se réduit considérablement dès ses 26 ans et jusqu’à aujourd’hui, avec deux exceptions. Dans Un long dimanche de fiançailles, le personnage incarné par Audrey Tautou, Mathilde, est beaucoup plus jeune (19 ans) que l’actrice elle-même (28 ans), ce qui explique la différence d’âge avec Gaspard Ulliel (de huit ans son cadet). Enfin, dans le biopic Coco avant Chanel, Benoît Poelvoorde interprète l’amant plus âgé de la couturière, Etienne Balsan. #container_14334338827{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334338827{ height:500px; } #container_14334338827 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334338827 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334338827 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334338827 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Marion CotillardÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Samy Naceri (Taxi)","Thierry Lhermitte (Une affaire privée)","Guillaume Canet (Jeux d'enfants)","Jean-Pierre Martins (La Môme)","Daniel Day-Lewis (Nine)","Jean Dujardin (Les petits mouchoirs)","Owen Wilson (Minuit à Paris)","Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os)","Christian Bale (The Dark Knight Rises)","Fabrizio Rongione (Deux jours, une nuit)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334338827", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: 2, value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#cccccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "left", verticalAlign: "top", x: 5, y: 3 } }], plotBands: [{ color: "#cccccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 15 } }] }, legend:{ enabled:"", layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Marion Cotillard", "color": "#0386c3", "data": [ [ 883695600000, 23 ], [ 1009926000000, 27 ], [ 1041462000000, 28 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1230850800000, 34 ], [ 1262386800000, 35 ], [ 1293922800000, 36 ], [ 1335909600000, 37 ], [ 1341180000000, 37 ], [ 1388617200000, 39 ] ], "type": "line", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 883695600000, 37 ], [ 1009926000000, 50 ], [ 1041462000000, 30 ], [ 1167692400000, 36 ], [ 1230850800000, 52 ], [ 1262386800000, 38 ], [ 1293922800000, 43 ], [ 1335909600000, 35 ], [ 1341180000000, 38 ], [ 1388617200000, 42 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Marion Cotillard à l’écran sont significativement plus âgés qu’elle au début de sa carrière. Depuis ses 28 ans, ils ont plutôt le même âge (de deux ans plus jeune à sept ans plus âgé), à l’exception de Nine. Daniel Day-Lewis, son partenaire à l’écran, a 18 ans de plus qu’elle, ce qui est peu surprenant dans une production américaine, on l’a vu. #container_14334896185{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334896185{ height:500px; } #container_14334896185 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334896185 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334896185 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334896185 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Cécile de FranceÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Patrick Timsit (L'Art (délicat) de la séduction)","Steve Coogan (Le Tour du monde en 80 jours)","Vincent Elbaz (J'aurais voulu être un danseur)","Gérard Depardieu (Quand j'étais chanteur)","Roschdy Zem (Mauvaise Foi)","Patrick Bruel (Un secret)","Vincent Cassel (L'Instinct de mort)","Sandrine Holt (Casse-tête chinois)","Jean Dujardin (Möbius)","Albert Dupontel (En équilibre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334896185", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Cécile de France", "color": "#0386c3", "data": [ [ 978390000000, 26 ], [ 1072998000000, 29 ], [ 1104620400000, 30 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1136156400000, 31 ], [ 1167692400000, 32 ], [ 1199228400000, 33 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1357081200000, 38 ], [ 1420153200000, 40 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 978390000000, 42 ], [ 1072998000000, 39 ], [ 1104620400000, 34 ], [ 1136156400000, 58 ], [ 1136156400000, 41 ], [ 1167692400000, 48 ], [ 1199228400000, 42 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1357081200000, 41 ], [ 1420153200000, 51 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Parmi les carrières analysées, Cécile de France est l’actrice qui a le plus grand écart d’âge avec ses amants à l’écran : onze ans en moyenne. Ce pic atteint 27 ans lorsqu’elle joue aux côtés de Gérard Depardieu dans Quand j’étais chanteur. De plus, la tendance à jouer avec des partenaires plus âgés ne s’estompe pas, comme pour les autres actrices, passés 30 ans. En 2015, dans En équilibre, elle tombe amoureuse d’Albert Dupontel, plus vieux de onze ans. #container_14334901851{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334901851{ height:500px; } #container_14334901851 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334901851 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334901851 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334901851 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Sophie MarceauÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Alexandre Sterling (La Boum)","Pierre Cosso (La Boum 2)","Gérard Depardieu (Police)","Vincent Lindon (L'Etudiante)","Peter Hanly (Braveheart)","Pierce Brosnan (Le monde ne suffit pas)","Yvan Attal (Anthony Zimmer)","Christophe Lambert (L'Homme de chevet)","Gad Elmaleh (Un bonheur n'arrive jamais seul)","François Cluzet (Une rencontre)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334901851", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Sophie Marceau", "color": "#0386c3", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 16 ], [ 473468400000, 19 ], [ 568076400000, 22 ], [ 789001200000, 29 ], [ 915231600000, 33 ], [ 1104620400000, 39 ], [ 1230850800000, 42 ], [ 1325458800000, 45 ], [ 1388617200000, 47 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 315615600000, 14 ], [ 378774000000, 21 ], [ 473468400000, 37 ], [ 568076400000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 915231600000, 46 ], [ 1104620400000, 38 ], [ 1230850800000, 51 ], [ 1325458800000, 41 ], [ 1388617200000, 58 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Lancée par La Boum à 14 ans, Sophie Marceau fréquente à l’écran des hommes bien plus âgés qu’elle jusqu’à ses 33 ans (13 ans d’écart avec Pierce Brosnan dans Le Monde ne suffit pas). Depuis, elle a joué indifféremment avec des hommes plus vieux (François Cluzet dans Une rencontre) et plus jeunes (Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul). #container_14334904051{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334904051{ height:500px; } #container_14334904051 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334904051 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334904051 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334904051 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Juliette BinocheÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Michel Piccoli (Mauvais sang)","Daniel Day-Lewis (L'Insoutenable Légèreté de l'être)","Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf)","Benoît Régent (Trois couleurs : Bleu)","Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit)","Naveen Andrews (Le Patient anglais)","Benoît Magimel (Les Enfants du siècle)","Johnny Depp (Le Chocolat)","William Shimell (Copie conforme)","Kristen Stewart (Sils Maria)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334904051", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Juliette Binoche", "color": "#0386c3", "data": [ [ 505004400000, 22 ], [ 568076400000, 24 ], [ 662770800000, 27 ], [ 725929200000, 29 ], [ 789001200000, 31 ], [ 820537200000, 32 ], [ 915231600000, 35 ], [ 978390000000, 37 ], [ 1262386800000, 46 ], [ 1388617200000, 50 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ 505004400000, 61 ], [ 568076400000, 31 ], [ 662770800000, 30 ], [ 725929200000, 40 ], [ 789001200000, 29 ], [ 820537200000, 27 ], [ 915231600000, 25 ], [ 978390000000, 38 ], [ 1262386800000, 58 ], [ 1388617200000, 24 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Juliette Binoche débute sa carrière dans Mauvais sang aux côtés de Michel Piccoli, de 39 ans son aîné. Depuis ses 30 ans, elle a tendance à jouer avec des partenaires plus jeunes : dans Les Enfants du siècle, Benoît Magimel a dix ans de moins qu’elle, tandis que Kristen Stewart est sa cadette de 26 ans dans le récent Sils Maria. #container_14334905906{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14334905906{ height:500px; } #container_14334905906 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14334905906 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14334905906 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14334905906 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Catherine DeneuveÂge de l'actrice et de son partenaire principal dans dix films(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = ["Nino Castelnuovo (Les Parapluies de Cherbourg)","Jean Sorel (Belle de jour)","Jacques Perrin (Peau d'âne)","Jacques Dutronc (A nous deux)","Vincent Pérez (Indochine)","Jean-Pierre Bouvier (Ma saison préférée)","Gérard Depardieu (Les temps qui changent)","Jean-Paul Roussillon (Un conte de Noël)","Fabrice Luchini (Potiche)","Féodor Atkine (Dans la cour)"]//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14334905906", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "line", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "datetime", categories:null, title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value:%Y}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Catherine Deneuve", "color": "#0386c3", "data": [ [ -189306000000, 21 ], [ -94611600000, 24 ], [ 82800000, 27 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 49 ], [ 725929200000, 50 ], [ 1072998000000, 61 ], [ 1199228400000, 65 ], [ 1262386800000, 67 ], [ 1388617200000, 71 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Partenaire", "color": "#FFc832", "data": [ [ -189306000000, 28 ], [ -94611600000, 33 ], [ 82800000, 31 ], [ 284079600000, 36 ], [ 694306800000, 28 ], [ 725929200000, 45 ], [ 1072998000000, 56 ], [ 1199228400000, 77 ], [ 1262386800000, 59 ], [ 1388617200000, 66 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "ans", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { if (annotation_spe[this.point.index] != undefined){ return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) + annotation_spe[this.point.index] } else { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) } }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Les amants de Catherine Deneuve sont plus âgés qu’elle au début de sa carrière, mais la tendance s’est inversée depuis Indochine, où elle fréquente pour la première fois un homme de 21 ans son cadet, interprété par Vincent Pérez. Dans les autres longs-métrages, Catherine Deneuve est plus âgée que ses partenaires, mais cet écart n’est pas significatif à l’écran. Dans le cas de Potiche, c’est donc l’actrice, plus que l’âge, qui est convoitée.Amandine RéauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Gérard Depardieu est parfait en crooner de bal populaire dans un film nostalgique et sucré (mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte). Voilà un film qui a le goût d’un bonbon au caramel, particulièrement fondant. Avec Quand j’étais chanteur, Xavier Giannoli reste fidèle à son inclination pour les amours impossibles, mais en atténue l’exaspération par le rajout de deux édulcorants qui rendent la recette quasiment irrésistible : Gérard Depardieu et la bonne vieille variété française.L’idée de fondre ces deux ingrédients est d’ailleurs excellente, qui ménage une synthèse étonnante entre puissance et douceur, corps de brute et cœur d’artichaut. Voici donc, idéalement située dans la région centrale de notre Gaule bien-aimée, l’improbable histoire d’amour entre le vieux chêne Alain Moreau et Marion, la jeune gazelle.Le premier est chanteur de bal populaire, anime avec son orchestre les soirées des casinos de la région, les après-midi des maisons de retraite, les matinées des salles des fêtes municipales. Son répertoire est d’un autre temps, mais la nostalgie qu’il distille pas assez ancienne pour que les plus de 40 ans ne se prennent à fredonner avec lui et à danser sur Pour un flirt, de Michel Delpech, Comme un garçon, de Sylvie Vartan, Faut pas pleurer comme ça, de Daniel Guichard, on en passe et des meilleures…Un retour de jeunesseLa vie d’Alain Moreau est à l’image de ce juke-box : elle est en train de passer doucement à l’ombre des karaokés et des DJ, de devenir un objet de musée, quand bien même la modeste gloire locale dont il est l’objet auprès des danseurs du samedi soir dirait le contraire.Materné par son ex-femme, qui a gardé de l’amour pour lui et est devenue, avec le temps, le plus vigilant des managers, le vieux teen-ager en veste blanche et chemise de soie bleue se terre, le jour venu, dans une maison isolée, en compagnie d’une chèvre et de quelques poules, sous le patronage des images saintes de sa jeunesse punaisées au mur (posters de Mike Brant et de Christophe).Jusqu’au soir où un ami (Mathieu Amalric), agent immobilier en ville, se pointe au casino municipal en compagnie de sa nouvelle assistante, une jeunesse rayonnante qui répond au doux nom de Marion (Cécile de France). Du coup, le loup solitaire se prend un vieux retour de jeunesse, se glisse pour un soir dans le lit de la belle, grisée à point, puis passe, à compter d’un lendemain qui la voit s’enfuir aussitôt que dégrisée, le reste du film à tenter de la reconquérir.On le comprend vite, l’enjeu de cette reconquête n’est autre que celui de la survie d’Alain. A travers elle, le héros court à cœur perdu derrière sa propre jeunesse, au risque, comme le suggère la chanson de Christophe, de s’apercevoir que Les Paradis perdus le sont à jamais. Mais on aura bien et vite compris que l’édifice central de ce film, c’est Gérard Depardieu, dont l’histoire se trouve, corps et âme, à la croisée de la fiction du personnage et du documentaire sur l’acteur.Plus largement, c’est sans doute encore à une certaine nostalgie du cinéma comme art populaire que se livre Quand j’étais chanteur. Rien que pour cet aspect, mais aussi bien en vertu de l’inspiration qui rend cela possible – comment oublier, par exemple, cette scène des adieux dans un décor de café en trompe-l’œil, où la larme qui coule sur la joue de Depardieu semble contenir tout le pathétique mystère de cet art ? – la suave cruauté de ce film a de quoi enchanter.« Quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli. Avec Gérard Depardieu, Cécile de France, Christine Citti (France, 2006, 112 min). Mercredi 3 juin à 20 h 50, sur Arte.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un cauchemard futuristo-pop : « Ex Machina », d’Alex GarlandComme le Frankenstein de Mary Shelley, qui annonçait un siècle où l’être humain était asservi aux ambitions des puissants et aux machines, le premier film de l’écrivain britannique Alex Garland (auteur, notamment, du best-seller La Plage, et du scénario de 28 Jours plus tard, de Danny Boyle), est une forme de prophétie pop, située dans une ère où les machines prendront à leur tour le pouvoir. Avec Ava en tête de pont, une humanoïde dont le corps transparent laisse apparaître câbles et circuits, mais dont le visage expressif et émouvant est celui de l’actrice suédoise Alicia Vikander.Film britannique d’Alex Garland avec Domhnall Gleeson, Alicia Vikander (1 h 48). Quand la bourgeoisie brésilienne tombe les masques : « Casa Grande », de Fellipe Barbosa On retrouve, dans ce premier long-métrage de fiction de Fellipe Barbosa, jeune réalisateur brésilien, le même sujet que dans Les Bruits de Recife, de son compatriote Kleber Mendonça Filho – l’épineux problème des disparités sociales et du cloisonnement qu’elles occasionnent – et le même chef opérateur – l’excellent Pedro Sotero. Si ce film-ci occupe des voies plus douces, plus quotidiennes, moins tendues, son propos politique n’est pas plus apaisé pour autant.Film brésilien de Fellipe Barbosa, avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes (1 h 53). Chef-d’œuvre halluciné, ressorti des limbes du bush australien : « La Randonnée », de Nicolas RoegDans ce deuxième long-métrage de Nicolas Roeg, sorti pour la première fois en salles en 1971, le bush australien semble surgi d’une hallucination rituelle dont l’harmonie est encore et encore déchirée par les dissonances du monde colonial. Tout en tension, émotionnelle, sensorielle, politique, dialectique, ce film fou et splendide, scénarisé par Edouard Bond et mis en musique par John Barry, suit l’errance de deux petits Anglais abandonnés dans le bush, qui emboîtent le pas à un jeune Aborigène, avec lequel ils reviennent à une sorte d’état de nature. Reflet inversé et violemment anamorphosé de L’Enfant sauvage de Truffaut, il envisage le colonialisme comme un péché originel, qui ne peut conduire qu’à la nostalgie amère d’un paradis perdu.Film britannique de Nicolas Roeg avec David Gulpilil, Jenny Agutter (1 h 40). Le témoignage étrange du chef des kamikazes japonais : « Parole de kamikaze », de Masa Sawada Masa Sawada, éminent producteur nippon installé de longue date en France (Naomi Kawase, Kiyoshi Kurosawa, Nobuhiro Suwa, Shohei Imamura ont pu compter sur son soutien), a trouvé en Fujio Hayashi – 21 ans en 1944, formateur dans une escouade de kamikazes et volontaire lui-même pour le grand voyage – le témoin le mieux placé pour parler du rapport d’une civilisation à la mort et à la guerre.Documentaire japonais de Masa Sawada (1 h 14). Le nanar de la semaine : « On voulait tout casser », de Philippe GuillardEntre amis, d’Olivier Baroux, et Nos femmes, de Richard Berry, ont à peine disparu des écrans qu’une nouvelle comédie de vieux potes, interprétée par une brochette de vedettes plus ou moins bancable, déboule sur les écrans. Avec, aux commandes, le réalisateur de Turf et de Camping 2, Phillipe Guillard, elle explore les ressorts d’une longue histoire d’amitié entre Kiki, condamné par un cancer, et ses copains Gérôme, Bilou, Tony et Pancho. A l’aide de ficelles énormes, le film s’emploie à élever à l’amitié le plus gros temple jamais construit.Film français de Philippe Guillard avec Kad Merad, Charles Berling, Benoît Magimel (1 h 26).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Dans un arrêt daté du 1er juin, le Conseil d’Etat a retiré son visa d’exploitation à Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010 qui avait rassemblé près de 560 000 spectateurs. Il invalide ainsi la décision du ministère de la culture qui l’avait seulement interdit aux moins de 16 ans, avec l’avertissement suivant : « Ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d’une grande brutalité, voire sauvagerie. » Cinq ans après sa sortie, cela pourrait prêter à sourire si l’affaire n’était pas plus retorse qu’elle n’en a l’air.L’interdiction de Saw 3D aux moins de 18 ans est le résultat d’un long combat mené par l’association Promouvoir, qui s’est pourvue en cassation après avoir été déboutée une première fois par le tribunal administratif, puis en appel. Cette association, qui se donne pour objectif de « promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes », entend militer « en faveur de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant » et faire obstacle, entre autres, « au viol », à « l’homosexualité », à « la pornographie », était déjà à la manœuvre dans l’affaire Baise-moi, en 1999, quand fut sortie des oubliettes la catégorie des films interdits aux moins de 18 ans mais non classés X. En 2008, elle a obtenu d’y faire intégrer Quand l’embryon part braconner, de Koji Wakamatsu, et en 2014, à l’issue d’un référé, de rehausser le degré d’interdiction du Nymphomaniac, de Lars von Trier, qui passa de 12 à 16 ans pour le premier et de 16 à 18 ans pour le second. « La porte ouverte à toutes les interprétations »Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, s’alarme des termes de la motivation de cet arrêt, qui va faire jurisprudence, et particulièrement de la mention selon laquelle le film serait « susceptible de heurter la sensibilité des mineurs ». « C’est terriblement large, outrageusement subjectif ! La porte ouverte à toutes les interprétations… » L’arrêt, en outre, serait contestable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui « se fonde sur le fait que les œuvres peuvent heurter, qu’elles ont vocation à nous secouer ».S’alarmant du fait que Promouvoir obtienne de plus en plus souvent gain de cause, elle parle d’un « système au bord de l’implosion ». Un sentiment que partage une bonne partie du milieu du cinéma, comme le distributeur Daniel Chabannes qui constate déjà, depuis trois ans qu’il y siège, un durcissement tendanciel des positions de la commission de classification des films. « Mais si un juge peut décider à notre place, dit-il, je me demande à quoi sert la commission. »Membre de la Société des réalisateurs de films (SRF), le cinéaste Christophe Ruggia se dit « atterré par cette réponse du Conseil d’Etat », qui s’inscrit, selon lui, dans un climat de « droitisation » de la société, où les cas de censure se multiplient – de manière spectaculaire depuis les attentats de janvier. Il note que le cas particulier de Saw 3D – film de genre, sorti il y a cinq ans – risque de ne pas susciter de levée de boucliers. « La question maintenant, s’inquiète-t-il, c’est de savoir ce qu’il va se passer quand un nouveau Taxi Driver sortira en salles. »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.05.2015 à 11h46 • Mis à jour le05.06.2015 à 15h53 | Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc, avec une police complice du tourisme sexuel, des clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Lire aussi :« Much Loved » de Nabil Ayouch : une mise à nu qui provoque la haine au MarocPas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Lire aussi :Les tabous marocains mis à nu par Nabil Ayouch Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film. A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ».Lire aussi :Nabil Ayouch dévoile ses prostituées sur la Croisette et fait scandale au MarocNabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. » « Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il y a quelques jours encore, il ne savait pas quand le film sortirait en France. La date est désormais connue, ce sera le 16 septembre. Eric Lagesse explique comment la polémique lui a échappé : « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir. Présenté actuellement au Forum des images, à Paris, qui programme des films de la « Quinzaine », il suscite un fort intérêt : « 800 places ont été vendues en deux heures », se félicite le distributeur.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. 25.12.2015 à 04h26 • Mis à jour le25.12.2015 à 09h45 L’acteur américain Robert Downey Jr a été gracié jeudi 24 décembre par le gouverneur de Californie pour des faits de possession de drogue remontant à 1996.Il a « payé sa dette envers la société et mérite une réhabilitation complète et sans conditions », a déclaré le gouverneur, Jerry Brown, à la veille de Noël, où les grâces sont traditionnellement accordées en Californie. Outre l’interprète du super-héros Iron Man, 91 personnes ont été graciées pour diverses condamnations.« Une existence honnête et droite »Il avait été condamné après que la police eut trouvé dans sa voiture de l’héroïne, de la cocaïne et une arme à feu lors d’une arrestation à Los Angeles en 1996. Robert Downey Jr avait passé plusieurs mois en prison en 1999 avant d’être placé en liberté surveillée jusqu’au 17 décembre 2002.Depuis sa libération, l’acteur. a « mené une existence honnête et droite, fait preuve de bonnes mœurs et s’est conduit en citoyen respectant la loi », selon la grâce qui lui a été accordée.La grâce n’efface pas la condamnation sur son casier judiciaire mais lui rend ses droits de citoyen, notamment celui de voter.Lire aussi :« Avengers, l’ère d’Ultron » : une somme assommante de super-héros Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DDASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DDASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le10.12.2015 à 17h58 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 11.12.2015 à 17h12 • Mis à jour le12.12.2015 à 17h30 | Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DDASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DDASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le mercredi  25 mai 1977, Star Wars sortait sur trente-deux écrans aux Etats-Unis. Vendredi 18 décembre 2015, Star Wars  : le Réveil de la force y sera projeté dans 4 000 salles. Deux jours plus tôt, le film occupera un millier de cinémas français, dont 282 classés Art & Essai. Le septième film de la saga imaginée par George Lucas a déjà accumulé, en Amérique du Nord, plus de 50 millions de dollars de recettes en préréservations  !En 1977, le succès immédiat de La Guerre des étoiles, en version française, a pris tout le monde par surprise, à commencer par l’auteur et le studio qui avait financé et distribuait le film, la 20th Century Fox. Celle-ci restait sur plusieurs échecs d’affilée, et George Lucas, 32 ans à l’époque, n’avait réalisé que deux longs-métrages jusqu’alors. Le public issu de Woodstock allait-il s’intéresser aux aventures d’un paysan de l’espace devenu chevalier errant, courant à la rescousse d’une princesse retenue prisonnière sur une étoile artificielle par un empire maléfique  ?Quatre décennies et six épisodes plus tard, les questions qui tournent autour du Réveil de la force sont d’un tout autre ordre  : le film dépassera-t-il le record, détenu par Avatar, des recettes en salles (2,8 milliards de dollars dans le monde entier) ? Son succès sera-t-il assez colossal pour assurer l’avenir d’une série de films dont les deux prochains ont déjà été mis en chantier  ? Disney, la multinationale qui a racheté La Guerre des étoiles, ses personnages, ses marques et ses planètes à George Lucas pour 4,4 milliards de dollars, va-t-elle établir un monopole sur l’imaginaire terrien, après avoir déjà absorbé Pixar puis Marvel  ? George Lucas et la rébellion du Nouvel HollywoodRapprocher le premier et le septième épisode de la série, c’est mesurer la mutation de l’industrie du cinéma de divertissement. En 1977, La Guerre des étoiles apparaît comme un fait d’armes des rebelles du Nouvel Hollywood contre l’establishment. George Lucas a imposé ses conditions financières et ses méthodes à la Fox, dirigée par Alan Ladd Jr., comme Coppola a bataillé contre la Paramount pour réaliser Le Parrain, comme Scorsese est en train de faire tourner en bourrique les dirigeants de United Artists depuis le plateau de New York, New York.Personne, même pas le réalisateur, qui n’est pourtant pas dépourvu de capacités visionnaires, ne comprend que La Guerre des étoiles propose à Hollywood un modèle économique qui nécessite des investissements colossaux mais garantit une rentabilité non moins impressionnante. Il faudra plus de trois décennies pour porter ce modèle à sa perfection économique, qu’illustre la sortie de Star Wars  : le Réveil de la force.Cet événement planétaire, dont la première phase se conclura par une sortie en République populaire de Chine, le 9 janvier, est organisé comme une campagne militaire. C’est-à-dire qu’on n’en sait pas grand-chose, tant le secret qui l’entoure est systématique. Du scénario, Disney n’a laissé filtrer qu’une trame très lâche  : l’action est située une trentaine d’années après la fin de l’action du Retour du Jedi. Ce dernier volet de la première trilogie produite par Lucas se terminait par le triomphe de la rébellion démocratique contre l’Empire.«  Je me souviens être allé voir La Guerre des étoiles avec ma fille de 10  ans, le jour de sa sortie, raconte Peter Bart, ancien rédacteur en chef de la publication professionnelle Variety, à l’époque la plus influente de l’industrie cinématographique, où il tient toujours une chronique. Dans l’école de ma fille, personne n’en avait entendu parler, et j’ai dû l’y traîner. Je n’aime pas la science-fiction, mais en découvrant le film je me suis dit  : “Mon Dieu, mais qu’est-ce qu’on nous montre  ?” Il m’a fallu quelques semaines pour assimiler l’importance de ce qui venait de se passer.  »« Notre seul espoir »Ces quelques semaines furent celles qui transformèrent La Guerre des étoiles de succès surprise en phénomène social et économique. Avec le bénéfice du temps, les signes annonciateurs de ce bouleversement apparaissent évidents. Au printemps 1976, George Lucas explique au journaliste du New York Times venu lui rendre visite sur le plateau londonien où le film se fabrique – dans une ambiance délétère, due à la pingrerie du studio et au caractère du réalisateur  : «  A part Disney, personne ne produit plus de films pour les jeunes. La raison pour laquelle je fais La Guerre des étoiles est que je veux donner aux jeunes une espèce d’environnement lointain et exotique dans lequel leur imagination puisse s’ébattre. Je veux qu’ils oublient les stupidités du moment [les Etats-Unis sortent à peine des tempêtes du Vietnam et du Watergate] et qu’ils pensent à coloniser Mars ou Venus. Et la seule façon d’y arriver est de leur montrer un pauvre gamin qui y pense, qui prend son pistolet laser, qui monte dans son vaisseau avec son Wookiee vers l’espace infini. D’une certaine manière, c’est notre seul espoir.  »Dans les années 1960, la désaffection des jeunes pour le cinéma traditionnel a poussé certains producteurs indépendants, voire certains studios, vers une politique favorisant les auteurs contestataires, en prise avec les mouvements sociaux et culturels. Ces œuvres sont destinées aux étudiants, aux jeunes adultes des professions intellectuelles. Les lycéens, les jeunes ouvriers ou employés sont considérés comme perdus pour le cinéma, dévoyés par la musique pop et la télévision. En 1973, un film est pourtant venu démentir cette hypothèse. American Graffiti, réalisé par George Lucas, a failli ne pas sortir, tant Universal, le studio qui l’avait financé, ne croyait pas à son avenir. L’obstination du jeune réalisateur – qui n’avait alors à son actif qu’un film de science-fiction, THX 1138, échec commercial mais succès critique – a garanti la survie du film. Le bouche-à-oreille ­entre jeunes en a fait le succès  : le film, qui évoque l’innocence du début des ­années 1960 sur une bande originale de classiques du rock’n’roll, a rapporté 140 millions de dollars, près de deux cents fois son budget de production.Ce n’est pas assez pour faire de Lucas une valeur sûre  : «  Il n’avait pas la cote dans les studios, raconte Peter Bart. Je me souviens l’avoir vu dans les locaux d’American Zoetrope, la société de Coppola, à San Francisco. C’était un garçon silencieux, que Francis respectait manifes­tement. Mais il n’était pas doué pour les contacts humains.  » Cette rugosité va ­devenir une arme redoutable dans le bras de fer qui oppose George Lucas à la Fox. Malgré les réticences du conseil d’administration de la Fox, Alan Ladd Jr. a accepté de financer le film à hauteur de 7,8 millions de dollars sur la foi d’un ­scénario provisoire, qui a pour héros un pilote spatial nommé Luke Starkiller.Réalisateur avant-gardiste et homme d’affaires aviséA Hollywood, la science-fiction n’a pas bonne réputation. La Warner vient seulement d’amortir la douzaine de millions de dollars investis dans 2001, l’Odyssée de l’espace sept ans plus tôt, en 1968. Un seul élément concret pourrait donner du crédit au pari de Lucas  : le succès dans la jeunesse de la série télévisée Star Trek (1968-1970), autour de laquelle se sont formés des groupes de fans loyaux, les Trekkies, qui se réunissent par milliers dans des conventions.Tout en peaufinant son scénario, George Lucas entreprend la conception, la fabrication et la mise en œuvre des outils nécessaires à la réalisation de sa vision. Il fait construire une caméra dont les mouvements sont contrôlés par ordinateur pour filmer de façon synchrone plusieurs objets se déplaçant dans l’espace. Son ambition est de donner aux vaisseaux spatiaux qui attaquent ou ­défendent l’Empire la fluidité de mou­vement des avions des films de guerre de l’âge d’or d’Hollywood. Pour ce faire, il fonde Industrial Light and Magic, ILM, une firme consacrée aux effets spéciaux cinématographiques qui deviendra bientôt l’une des plus rentables de l’empire George Lucas.Ces innovations coûtent cher  : le budget final du film s’élève à 11  293  000 dollars, soit 45 millions de 2015. C’est beaucoup pour les patrons de la Fox de l’époque, mais les dirigeants actuels de Disney rêveraient d’un coût aussi raisonnable. Même si le budget du Réveil de la force est tenu secret, les estimations les plus modestes l’évaluent à 200 millions de dollars.Lire aussi :« Star Wars » : une histoire à la modeLucas a obtenu ces rallonges parce que La Guerre des étoiles n’est pas une production Fox. Le studio d’Alan Ladd Jr. a financé le film, garde un droit de regard sur sa production et a acquis les droits de ­distribution. Mais Lucasfilm, la société que le cinéaste a montée grâce aux bénéfices d’American Graffiti, en est le pro­ducteur exécutif. Le cinéaste a consolidé cette autonomie lorsqu’il a négocié son cachet  : George Lucas doit toucher seulement 150 000 dollars en tant que scénariste et réalisateur. S’il a accepté une somme aussi modeste (il a travaillé plus de trois ans à temps plein), c’est en échange des droits sur les produits dé­rivés et la bande originale, sans parler d’un contrôle total sur de nouveaux longs-métrages. Lucas a lourdement investi dans les équipements, mais il ne s’est pas ruiné en cachets. A l’exception du vétéran britannique Alec Guinness, payé 15  000 livres par semaine, et qui s’est finalement vu garantir 2 % des profits, les principaux acteurs, Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, alors pratiquement inconnus, sont payés au minimum.La Fox a accepté ces conditions parce qu’elle n’a aucune idée du potentiel du film. Il faut dire que les exploitants ne se bousculent pas pour accepter Star Wars sur leurs écrans. Dès la première projection, le succès est extraordinaire. Fin 1977, l’œuvre a dépassé le récent record des Dents de la mer et devient la championne du box-office nord-américain avec 220 millions de dollars de recettes.Sitôt acquis le succès de La Guerre des étoiles, l’action de la Fox remonte. Quatre ans plus tard, les financiers Marc Rich et Marvin Davis rachètent le studio, revendu en 1984 à Rupert Murdoch. Les autres majors se lancent avec des fortunes diverses dans la science-fiction. George Lucas, qui a juré de ne plus jamais réaliser de film tant celui-ci l’a épuisé, confie le tournage des deux ­épisodes suivants de la série, L’Empire ­contre-attaque (1980) et Le Retour du Jedi (1983) à Irvin Kershner et Richard Marquand, tout en gardant un strict contrô­le sur les produits finis. Les deux films, s’ils n’atteignent pas les résultats du premier, rapportent respectivement 538 millions et 475 millions de dollars dans le monde entier.Succès en sériePendant deux décennies, les grands studios vont vouloir réutiliser les ingrédients qui ont fait le succès de La Guerre des étoiles, tout en essayant d’éliminer les facteurs de risque qui ont donné des sueurs froides aux dirigeants de la Fox pendant l’élaboration du premier épisode de la saga. Il s’agit, donc, de viser le public des jeunes mâles, en leur pro­mettant action et distraction, sans les ­effaroucher par trop de nouveautés.D’où le recours fréquent à des héros de bande dessinée déjà familiers, Superman, Batman, Spider-Man, voire à des marques de jouets comme les Transformers. Le vocabulaire du cinéma se rapproche de plus en plus de celui de la grande distribution  : les «  franchises  » ne désignent plus des succursales de marques opérées par des commerçants indépendants, mais des héros de fiction que l’on peut recycler de longs-métrages en séries d’animation pour la télévision, décliner de comics en jouets.L’idée selon laquelle le cinéma est une industrie de prototype s’estompe au profit d’un modèle de succès reproductible. Bien sûr, le stock limité de héros déjà universellement connus oblige à une course à la nouveauté  : à peine esquissé le succès du premier livre de la saga Harry Potter, la Warner investit massivement dans le long-métrage tiré des livres de J.K. Rowling. Pour s’assurer des sources d’approvisionnement, ce studio a acquis l’éditeur DC Comics (Superman, Batman…) dès 1989. En 2009, c’était au tour de Disney d’acheter, pour 4 milliards de dollars, un stock de héros en justaucorps grâce à la prise de contrôle de Marvel (Avengers, Hulk, Spider-Man…).Les majors américaines consacrent désormais l’essentiel de leurs ressources à la construction de séries pérennes, laissant la production des films destinés aux adultes – ceux que l’on présente aux Oscars – à des indépendants. Disney met en avant le concept d’« univers  », qui permet d’entrecroiser les intrigues des films, transformant chaque long-métrage en promotion pour le suivant, immergeant le spectateur-consommateur dans un flux d’images et d’objets qui ne s’interrompt jamais. Warner espère imiter Disney avec les prochains longs-métrages écrits par J.K. Rowling, inspirés de l’imaginaire de Harry Potter, dont le premier doit sortir le 16 novembre 2016.Ces univers virtuels sont fréquentés par des citoyens du monde entier. A la fin des années 1970, l’idée de montrer La Guerre des étoiles aux habitants d’un pays à peine débarrassé de la « bande des quatre  » n’aurait même pas traversé l’esprit d’un dirigeant de la Fox. Aujourd’hui, la sortie en République populaire de Chine, devenue le deuxième marché cinématographique mondial après les Etats-Unis, est un enjeu majeur pour Le Réveil de la force.Des milliards de dollars… et de moqueriesCes bouleversements économiques ont pour pendant technologique la conversion numérique du cinéma. C’est elle qui a permis la réalisation d’effets spéciaux. Elle aussi, grâce aux copies sur disque dur, qui permet d’envahir efficacement les écrans des multiplexes de la planète, avec des images impeccables – en relief, sur écran courbe… C’est enfin elle qui ­garantit que le produit se diffusera – licitement ou pas – jusqu’aux derniers ­confins de la galaxie, sur des écrans d’ordinateur, de télévision ou de téléphone.Bien plus que la résurrection d’une série chérie par des millions de spectateurs, Le Réveil de la force est le couronnement de cette mutation du cinéma, entamée il y a trente-huit ans par un jeune homme solitaire. Entre 1999 et 2005, George Lucas est revenu à la réalisation en proposant une seconde trilogie, dont l’histoire est située avant celle des trois premiers films. La Menace fantôme, L’Attaque des clones et La Revanche des Sith ont rapporté des centaines de millions de dollars (plus de 1 milliard de recettes pour le premier volet), tout en suscitant le rejet et la moquerie. Les nouveaux personnages (dont Jar Jar Binks, créature qui évoque dangereusement la représentation des Afro-Américains dans les vieux films hollywoodiens), les scénarios laborieux, les dialogues absurdes n’ont pas suffi à décourager la clientèle. Aussi obstiné et isolé du monde qu’il soit, le cinéaste sexagénaire a cependant bien compris que les fans ne veulent plus de lui sur le trône galactique. En 2012, il cède la direction de Lucasfilm à la productrice Kathleen Kennedy  ; en octobre de la même année, Disney annonce le rachat de la société pour 4,4 milliards de dollars. Dans un premier temps, il est question de mettre en chantier une troisième trilogie d’après des ébauches de scénarios sur lesquelles Lucas travaillait au moment de la cession. Il n’en sera rien.En janvier 2013, Disney annonce que la réalisation du nouveau film sera confiée à J.J. Abrams. Ce réalisateur de 49  ans a débuté sous l’égide de Steven Spielberg. Il a fait ses preuves économiques à la télévision avec les séries Alias et Lost, les disparus avant de redonner vie à des franchises que l’on croyait en voie d’épuisement, Mission  : Impossible et Star Trek. Il a « rebooté  » (mis les compteurs à zéro, en mobilisant de nouveaux interprètes, en réécrivant l’histoire originelle de la série) le vieux space opera télévisé avec succès, et c’est au moment où il s’apprête à mettre en chantier le troisième épisode de cette nouvelle série dans la série que Disney le débauche.L’épisode VII, une démonstration de forceCe que l’on sait du film, dont le tournage a commencé en avril 2014 à Abou Dhabi (l’essentiel se déroulera en Grande-Bretagne), a été savamment distillé par Disney. De la distribution (retour du trio Ford-Fisher-Hamill, apparition d’acteurs inconnus…) aux éléments de scénario, en passant par les accessoires, tout est fait pour donner l’impression que les informations fuitent, alors qu’elles sont scientifiquement diffusées. « Le succès du premier film s’est ­construit sur le bouche-à-oreille des fans, remarque Peter Bart. Cette fois, la machine du marketing s’impose au public. »Chez Disney France, on détaille cette ­articulation entre la communication de la firme et les réseaux sociaux  : « A Paris, nous avons décoré une rame de métro et une station aux couleurs du film. Ce sont les utilisateurs des réseaux sociaux qui font circuler l’information en se prenant en photo, en postant des images  », explique Frédéric Monnereau, directeur du marketing. Lorsqu’il s’est agi de faire le point sur le film, à quelques mois de sa sortie, en juillet, Disney et Lucasfilm n’ont pas convoqué de conférence de presse, préférant se servir de la convention des fans de Star Wars, répondant (ou pas) à leurs questions, comptant sur les pages Facebook et les comptes Twitter pour répandre la bonne parole.« De toute façon, l’enjeu n’est pas le film lui-même  », observe mélancoliquement Peter Bart. Il s’agit en effet de savoir si l’opération sera rentable à court terme pour Disney. La réponse est presque certainement affirmative. Certes, le film sort à un moment de l’année qui n’est pas favorable aux records  : Avatar, qu’on avait aussi découvert en décembre 2009, avait connu un début modeste, avant de conquérir la planète. Le Réveil de la force pourrait changer la donne, peut-être battre le record de recettes établi par Jurassic World l’été dernier avec 209 millions de dollars pour son premier week-end d’exploitation. Le film de J. J. Abrams est fait pour durer en salles.« Notre campagne est divisée en trois phases, explique Frédéric Monnereau. La première se termine avec la sortie en salles, la deuxième se joue dans les jours qui la suivront. Il faut que les gens reviennent et suscitent la curiosité des autres. La troisième se passera en janvier. » Les succès colossaux comme Avatar reposent en effet sur les visions répétées du même film par les mêmes spectateurs. Leur nombre est la seule incertitude, elle dépend du pouvoir de séduction du Réveil de la force.L’action Disney a déjà rebondiOn sait déjà que Disney, Abrams et les scénaristes (Lawrence Kasdan, un vétéran de la première trilogie, Michael Arndt, remercié en cours d’écriture, et Abrams) ont pris leurs précautions pour éviter les critiques adressées à George Lucas dans les années 2000. La présence dans les premiers rôles de John Boyega, jeune acteur britannique d’origine nigériane, et de sa compatriote Daisy Ridley garantit la diversité des personnages. Quant à celle des vétérans de la première trilogie, elle pourrait permettre au Réveil de la force de passer la barrière des générations.Dans ce cas, le film serait la fondation d’un nouvel empire, dont les prochaines conquêtes sont déjà programmées  : le prochain épisode de la saga, le huitième, sortira le 26 mai  2017, quarante ans et un jour après le premier. Entre-temps, le 16 décembre 2016, on aura vu Star Wars  : Rogue One, un stand alone.Le succès de cette opération, combiné avec la rentabilité des films Marvel et Pixar, éviterait à Disney les plongées en Bourse qui affectent les sociétés mères des grands studios lorsqu’un film échoue au box-office. Fin novembre, l’action de la firme avait chuté à la suite de l’annonce des mauvais résultats de la chaîne câblée sportive ESPN. Elle a aus­sitôt rebondi lorsqu’on a compris – à ­travers les ­chiffres impressionnants des préventes de tickets pour Le Réveil de la force – que l’acquisition de Lucasfilm pourrait être aussi rentable que celle de Marvel. La force se mesure, tout bêtement, en ­dollars et en cents.« Star Wars VII : le Réveil de la force », film américain (2 h 16) de J. J. Abrams. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac… Sortie le 16 décembre.Thomas SotinelJournaliste au Monde 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le10.12.2015 à 17h58 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 48 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (sur les réalisateurs Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski, âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, qui l’avait quitté pour rejoindre Canal+, qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes.Isabelle RegnierIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le10.12.2015 à 17h58 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.12.2015 à 19h22 • Mis à jour le30.12.2015 à 19h43 Star Wars, Le Réveil de la Force a pris la tête du box-office en France en 2015, rassemblant 6,8 millions de spectateurs deux semaines seulement après sa sortie, selon les chiffres publiés mercredi 30 décembre par CBO box-office. Le septième opus de la saga galactique créée par George Lucas, sorti en salles le 16 décembre, a réalisé 6 803 351 entrées, soit légèrement plus que le précédent record cette année, détenu par le film d’animation Les Minions (6 401 791 entrées).La troisième place du podium en 2015 est occupée par le blockbuster américain Jurassic World, avec 5 123 699 entrées. Sur la seule semaine écoulée, du 23 au 29 décembre, Star Wars, Le Réveil de la Force a réuni 3 002 116 spectateurs. En France, pour sa première semaine d’exploitation, le film s’était emparé de la première place du box-office français sans surprise, avec 3 801 235 spectateurs rassemblés dans 1 093 salles.Le film de J.J. Abrams avait raflé au passage plusieurs records, dont celui de la meilleure première semaine en 2015 devant le dernier James Bond 007 Spectre (2 203 549 entrées sur 902 écrans). Le Réveil de la Force avait aussi réalisé le troisième meilleur score pour une première semaine d’exploitation dans l’Hexagone derrière l’indétrônable Bienvenue chez les Ch’tis (4 458 837 pour 793 salles) et Les Bronzés 3, Amis pour la vie (3 906 694 dans 950 salles).Plus de 1 milliard de dollars de recettes mondialesDimanche, le nouveau Star Wars a passé le milliard de dollars de recettes mondiales, douze jours après sa sortie, selon Disney. Ses recettes se partagent équitablement entre l’Amérique du Nord (545 millions de dollars) et le reste du monde (546 millions de dollars).Le Réveil de la Force est en lice pour devenir le film le plus rentable de l’histoire et donc détrôner les deux longs-métrages du réalisateur James Cameron, Avatar (2,79 milliards de dollars de recettes) et Titanic (2,19 milliards).Disney, qui a racheté Lucasfilm, la société de George Lucas, pour 4 milliards de dollars en 2012, récolte les fruits de son investissement. Il a en projet trois autres films sur l’odyssée des Jedi et des forces maléfiques du Premier Ordre, sans compter les milliards attendus des ventes de produits dérivés. Isabelle Regnier Du cinéma pour les fêtes, et pour toutes les sensibilités : un classique de la comédie musicale hollywoodienne signé Stanley Donen, une tragédie philippine de neuf heures, une fable au cœur de la guerre civile népalaise, un conte de Noël transgenre survolté dans les faubourgs de Los Angeles, et un autre encore − beaucoup plus grave, plus sobre, plus britannique − aux côtés des sans-abri, avec l’insubmersible Peter Mullan.STANLEY DONEN, GENE KELLY ET FRANK SINATRA ENCHANTENT NEW YORK DANS UN « MUSICAL » EUPHORIQUE : « Un jour à New York », de Stanley DonenUn jour à New York est le premier film réalisé par Stanley Donen (qui le cosigne avec le danseur vedette Gene Kelly). L’autre vedette du film est Frank Sinatra, qui ajoutant depuis quelques années à son statut de sex-symbol chantant celui de comédien-vocaliste-danseur pour comédies musicales, selon une logique qui veut qu’Hollywood soit une machine vouée à exploiter et recycler les talents les plus populaires. Réalisé en 1949, pour la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer Inc.), bien sûr, studio qui produisit la crème des comédies musicales hollywoodiennes, Un jour à New York est l’adaptation d’un spectacle écrit par Betty Comden et Adolph Green sur une musique de Leonard Bernstein et Roger Edens pour les théâtres de Broadway.Il raconte les vingt-quatre heures de permission de trois marins (Gene Kelly, Frank Sinatra, Jules Munshin), découvrant New York en une journée, rencontrant trois filles (Ann Miller, Vera-Ellen, Betty Garrett) qu’ils emmènent avec eux (à moins que ce ne soit le contraire) dans leurs pérégrinations. Alternant numéros de groupe et apartés à un ou deux, le film peut sans doute être considéré comme représentatif d’une euphorie à laquelle l’Amérique veut bien s’abandonner dans l’immédiat après-guerre. Jean-François RaugerFilm américain de Stanley Donen. Avec Gene Kelly, Frank Sinatra, Ann Miller (1 h 34).TRAGÉDIE PHILIPPINE DANS LES CENDRES DU TYPHON DURIAN : « Death in the Land of Encantos », de Lav DiazLa saison Lav Diaz continue. L’œuvre de ce cinéaste philippin s’obstinant farouchement à faire des films dont la durée explose les standards de l’exploitation commerciale était peu connue en France jusqu’à cet automne, quand la sortie du film Norte, début novembre, et la rétrospective que lui a consacrée, dans la foulée, le Jeu de paume, ont changé la donne. Aujourd’hui, c’est au tour de Death in the Land of Encantos, long-métrage de neuf heures distingué à la Mostra de Venise en 2007 par la mention spéciale de la section Orizzonti, d’être enfin présenté au public français.Death in the Land of Encantos a été tourné dans l’urgence, sur les terres désolées du sud de l’île de Luçon, lorsque le typhon Durian, en réveillant le grand volcan Mayon, est venu rayer de la carte les villages alentour et causer la mort d’une grande partie de la population. Le cinéaste s’est rendu sur place pour témoigner de ce désastre, qui s’est déroulé dans l’indifférence générale, pour aller à la rencontre des survivants abandonnés du monde et inscrire dans le même mouvement une fiction dans ce décor de plaines postapocalyptiques, entre les ruines des maisons, les rochers dénudés et les arbres morts. Isabelle RegnierFilm philippin de Lav Diaz, avec Roeder Camanag, Angeli Bayani, Perry Dizon (9 h 03).CONTE DE NOËL TRANSGENRE : « Tangerine », de Sean Baker C’est la veille de Noël. Dans un café à donuts tout près d’Hollywood, Sin-Dee Rella et Alexandra ont investi toutes leurs économies dans un unique beignet, pour célébrer la sortie de prison de la première. A travers la vitre de Donut Time, la ville brille d’une lumière orange, les deux femmes sont un instant enveloppées dans la béatitude des retrouvailles et de la sucrerie. Ce paradis instantané s’écroule au moment où Alex révèle à Sin-Dee que, pendant son séjour en prison, son jules l’a trompée avec une autre, « avec un vagin et tout ». Les amies ont pour lot commun d’être afro-américaines et transgenres, et de gagner leur vie sur les trottoirs de West Hollywood. Saisie d’une légitime fureur, Sin-Dee décide de se faire justice, entraînant à sa suite Alex, qui espère modérer le courroux de son amie.Tangerine relève de l’un des genres les plus anciens du cinéma, inventé justement dans les rues où divaguent Sin-Dee et Alex : la course-poursuite burlesque. La dynamique entre ces deux personnages perpétuellement au bord de la crise de nerfs fournit au film une énergie formidable, qui se teinte parfois de mélancolie, parfois d’humour absurde. Thomas SotinelFilm américain de Sean Baker, avec Mya Taylor, Kitana Kiki Rodriguez, Karren Karagulian (1 h 28).JOLIE FABLE AU CŒUR DE LA GUERRE CIVILE NÉPALAISE : « Kalo Pothi » de Min Bahadur BhamAvant même d’être une fable, un film pour enfants ou l’évocation d’un épisode historique méconnu, Kalo Pothi (« la poule noire »), premier long-métrage du jeune producteur et professeur de cinéma Min Bahadur Bham, est un film népalais. La chose, assez rare pour être signalée, occasionne l’un des plaisirs les plus simples et essentiels du cinéma : l’approche d’une population et d’un mode de vie éloignés, la découverte d’une terre, d’un relief, d’un habitat, de vêtements, de voix, des gestes, de visages, comme autant de formes nouvelles.Dans un village montagneux, au nord du Népal, deux enfants s’occupent en secret d’une poule, pour tirer quelques roupies de ses œufs. Un jour, le père du premier, un « intouchable », vend la cocotte à un colporteur. Les enfants partent à sa recherche, mais leur amitié est rudement éprouvée par la guerre civile qui oppose la monarchie à l’insurrection communiste (1996-2006). La fable aurait très bien pu servir de prétexte à la radiographie d’un symptôme social (le système des castes), mais Min Bahadur Bham n’en reste pas là. Il prend soin de disposer sa poule, et les circulations qu’elle génère, dans un réseau d’enjeux et de significations beaucoup plus vaste : héritage filial, serment fraternel, comédie sociale, valeur d’échange, adjuvant onirique, l’animal « fictionne » sur tous les tableaux. Mathieu MacheretFilm népalais, suisse, allemand et français de Min Bahadur Bham, avec Khadka Raj Nepali, Sukra Raj Rokaya, Jit Bahadur Malla, Hansha Khadka, Benisha Hamal (1 h 30).NOËL AVEC LES SANS-ABRI, ET PETER MULLAN : « Hector » de Jake GavinHector est la dernière variation en date sur le thème cher à l’acteur britannique Peter Mullan de l’homme brisé, mais toujours debout. La blessure n’est pas neuve, on n’en dira pas plus. Le symptôme est plus original : Hector blessé est devenu et resté sans-abri par choix, si tant est qu’on choisisse jamais ce destin. Toujours est-il qu’il refuse les béquilles et belles causes qui portaient d’autres Peter Mullan dans d’autres films : les amis de longue date, la famille. Trop de sollicitude l’embarrasse, trop d’amabilité le fait fuir. Le seul point d’ancrage dans son errance est un rendez-vous annuel. Il fête Noël à Londres, dans un refuge pour sans-abri, auprès de camarades d’errance et de quelques bénévoles : la seule famille qu’il accepte encore, puisqu’elle n’essayera pas de le retenir.Il y a plus à trouver dans Hector, première réalisation du directeur de la photographie et acteur Jake Gavin, que le joli conte de Noël qu’il offre au premier abord. Loin de s’enferrer dans les exercices de style emblématiques de bien des premiers films, Jake Gavin a l’intelligence de se laisser porter par la performance de Mullan. Sa mise en scène est sobre, son scénario étonnamment économe en détails scabreux, sans qu’il faille y voir plus qu’une pudeur calquée sur celle du personnage. Noémie LucianiFilm britannique de Jake Gavin, avec Peter Mullan, Keith Allen, Natalie Gavin, Sarah Solemani (1 h 27).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.12.2015 à 20h55 Le nouveau « Star Wars » a passé dimanche la barre du milliard de dollars de recettes mondiales douze jours après sa sortie, a indiqué Disney, en enregistrant une recette de 286,8 millions de dollars dans le monde pour son second week-end.Les recettes du septième épisode de la saga intersidérale se partagent équitablement entre l’Amérique du nord (545 millions de dollars) et le reste du monde (546 millions de dollars). Le film est sorti ce week-end en Grèce et en Inde. Il est désormais visible à travers le monde entier à l’exception de la Chine, où sa sortie est attendue le 9 janvier, selon Disney.Lire aussi :« Star Wars », bien parti pour enchaîner les records au box-office nord-américainIl a aussi contribué à un record de recettes des salles nord-américaines, tous films confondus, pour un week-end de Noël, avec des rentrées de 300 millions de dollars, a souligné l’analyste de la société Rentrak Paul Dergarabedian. Le film a également battu le record de recettes en Amérique du nord pour un week-end, avec une recette de 313 millions de dollars. Au niveau mondial en revanche, le film de J. J. Abrams a échoué à battre le record pour un premier week-end, toujours détenu par Jurassic World.Le Réveil de la Force est en lice pour devenir le film le plus rentable de l’histoire et donc détrôner les deux longs-métrages du réalisateur James Cameron, Avatar (2,79 milliards de dollars de recettes) et Titanic (2,19 milliards).Disney, qui a racheté Lucasfilm, la société de George Lucas, pour quatre milliards de dollars en 2012, récolte les fruits de son investissement. Il a en projet trois autres films sur l’odyssée des Jedi et des forces maléfiques du Premier Ordre, sans compter les milliards attendus des ventes de produits dérivés.Lire aussi :« Star Wars » bat son deuxième record au box-office nord-américain, mais reste derrière « Jurassic World » 24.12.2015 à 11h02 • Mis à jour le24.12.2015 à 11h20 | Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Du cinéma pour les fêtes, et pour toutes les sensibilités : un classique de la comédie musicale hollywoodienne signé Stanley Donen, une tragédie philippine de neuf heures, une fable au cœur de la guerre civile népalaise, un conte de Noël transgenre survolté dans les faubourgs de Los Angeles, et un autre encore − beaucoup plus grave, plus sobre, plus britannique − aux côtés des sans-abri, avec l’insubmersible Peter Mullan.STANLEY DONEN, GENE KELLY ET FRANK SINATRA ENCHANTENT NEW YORK DANS UN « MUSICAL » EUPHORIQUE : « Un jour à New York », de Stanley DonenUn jour à New York est le premier film réalisé par Stanley Donen (qui le cosigne avec le danseur vedette Gene Kelly). L’autre vedette du film est Frank Sinatra, qui ajoutant depuis quelques années à son statut de sex-symbol chantant celui de comédien-vocaliste-danseur pour comédies musicales, selon une logique qui veut qu’Hollywood soit une machine vouée à exploiter et recycler les talents les plus populaires. Réalisé en 1949, pour la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer Inc.), bien sûr, studio qui produisit la crème des comédies musicales hollywoodiennes, Un jour à New York est l’adaptation d’un spectacle écrit par Betty Comden et Adolph Green sur une musique de Leonard Bernstein et Roger Edens pour les théâtres de Broadway.Il raconte les vingt-quatre heures de permission de trois marins (Gene Kelly, Frank Sinatra, Jules Munshin), découvrant New York en une journée, rencontrant trois filles (Ann Miller, Vera-Ellen, Betty Garrett) qu’ils emmènent avec eux (à moins que ce ne soit le contraire) dans leurs pérégrinations. Alternant numéros de groupe et apartés à un ou deux, le film peut sans doute être considéré comme représentatif d’une euphorie à laquelle l’Amérique veut bien s’abandonner dans l’immédiat après-guerre. Jean-François RaugerFilm américain de Stanley Donen. Avec Gene Kelly, Frank Sinatra, Ann Miller (1 h 34).TRAGÉDIE PHILIPPINE DANS LES CENDRES DU TYPHON DURIAN : « Death in the Land of Encantos », de Lav DiazLa saison Lav Diaz continue. L’œuvre de ce cinéaste philippin s’obstinant farouchement à faire des films dont la durée explose les standards de l’exploitation commerciale était peu connue en France jusqu’à cet automne, quand la sortie du film Norte, début novembre, et la rétrospective que lui a consacrée, dans la foulée, le Jeu de paume, ont changé la donne. Aujourd’hui, c’est au tour de Death in the Land of Encantos, long-métrage de neuf heures distingué à la Mostra de Venise en 2007 par la mention spéciale de la section Orizzonti, d’être enfin présenté au public français.Death in the Land of Encantos a été tourné dans l’urgence, sur les terres désolées du sud de l’île de Luçon, lorsque le typhon Durian, en réveillant le grand volcan Mayon, est venu rayer de la carte les villages alentour et causer la mort d’une grande partie de la population. Le cinéaste s’est rendu sur place pour témoigner de ce désastre, qui s’est déroulé dans l’indifférence générale, pour aller à la rencontre des survivants abandonnés du monde et inscrire dans le même mouvement une fiction dans ce décor de plaines postapocalyptiques, entre les ruines des maisons, les rochers dénudés et les arbres morts. Isabelle RegnierFilm philippin de Lav Diaz, avec Roeder Camanag, Angeli Bayani, Perry Dizon (9 h 03).CONTE DE NOËL TRANSGENRE : « Tangerine », de Sean Baker C’est la veille de Noël. Dans un café à donuts tout près d’Hollywood, Sin-Dee Rella et Alexandra ont investi toutes leurs économies dans un unique beignet, pour célébrer la sortie de prison de la première. A travers la vitre de Donut Time, la ville brille d’une lumière orange, les deux femmes sont un instant enveloppées dans la béatitude des retrouvailles et de la sucrerie. Ce paradis instantané s’écroule au moment où Alex révèle à Sin-Dee que, pendant son séjour en prison, son jules l’a trompée avec une autre, « avec un vagin et tout ». Les amies ont pour lot commun d’être afro-américaines et transgenres, et de gagner leur vie sur les trottoirs de West Hollywood. Saisie d’une légitime fureur, Sin-Dee décide de se faire justice, entraînant à sa suite Alex, qui espère modérer le courroux de son amie.Tangerine relève de l’un des genres les plus anciens du cinéma, inventé justement dans les rues où divaguent Sin-Dee et Alex : la course-poursuite burlesque. La dynamique entre ces deux personnages perpétuellement au bord de la crise de nerfs fournit au film une énergie formidable, qui se teinte parfois de mélancolie, parfois d’humour absurde. Thomas SotinelFilm américain de Sean Baker, avec Mya Taylor, Kitana Kiki Rodriguez, Karren Karagulian (1 h 28).JOLIE FABLE AU CŒUR DE LA GUERRE CIVILE NÉPALAISE : « Kalo Pothi » de Min Bahadur BhamAvant même d’être une fable, un film pour enfants ou l’évocation d’un épisode historique méconnu, Kalo Pothi (« la poule noire »), premier long-métrage du jeune producteur et professeur de cinéma Min Bahadur Bham, est un film népalais. La chose, assez rare pour être signalée, occasionne l’un des plaisirs les plus simples et essentiels du cinéma : l’approche d’une population et d’un mode de vie éloignés, la découverte d’une terre, d’un relief, d’un habitat, de vêtements, de voix, des gestes, de visages, comme autant de formes nouvelles.Dans un village montagneux, au nord du Népal, deux enfants s’occupent en secret d’une poule, pour tirer quelques roupies de ses œufs. Un jour, le père du premier, un « intouchable », vend la cocotte à un colporteur. Les enfants partent à sa recherche, mais leur amitié est rudement éprouvée par la guerre civile qui oppose la monarchie à l’insurrection communiste (1996-2006). La fable aurait très bien pu servir de prétexte à la radiographie d’un symptôme social (le système des castes), mais Min Bahadur Bham n’en reste pas là. Il prend soin de disposer sa poule, et les circulations qu’elle génère, dans un réseau d’enjeux et de significations beaucoup plus vaste : héritage filial, serment fraternel, comédie sociale, valeur d’échange, adjuvant onirique, l’animal « fictionne » sur tous les tableaux. Mathieu MacheretFilm népalais, suisse, allemand et français de Min Bahadur Bham, avec Khadka Raj Nepali, Sukra Raj Rokaya, Jit Bahadur Malla, Hansha Khadka, Benisha Hamal (1 h 30).NOËL AVEC LES SANS-ABRI, ET PETER MULLAN : « Hector » de Jake GavinHector est la dernière variation en date sur le thème cher à l’acteur britannique Peter Mullan de l’homme brisé, mais toujours debout. La blessure n’est pas neuve, on n’en dira pas plus. Le symptôme est plus original : Hector blessé est devenu et resté sans-abri par choix, si tant est qu’on choisisse jamais ce destin. Toujours est-il qu’il refuse les béquilles et belles causes qui portaient d’autres Peter Mullan dans d’autres films : les amis de longue date, la famille. Trop de sollicitude l’embarrasse, trop d’amabilité le fait fuir. Le seul point d’ancrage dans son errance est un rendez-vous annuel. Il fête Noël à Londres, dans un refuge pour sans-abri, auprès de camarades d’errance et de quelques bénévoles : la seule famille qu’il accepte encore, puisqu’elle n’essayera pas de le retenir.Il y a plus à trouver dans Hector, première réalisation du directeur de la photographie et acteur Jake Gavin, que le joli conte de Noël qu’il offre au premier abord. Loin de s’enferrer dans les exercices de style emblématiques de bien des premiers films, Jake Gavin a l’intelligence de se laisser porter par la performance de Mullan. Sa mise en scène est sobre, son scénario étonnamment économe en détails scabreux, sans qu’il faille y voir plus qu’une pudeur calquée sur celle du personnage. Noémie LucianiFilm britannique de Jake Gavin, avec Peter Mullan, Keith Allen, Natalie Gavin, Sarah Solemani (1 h 27).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 27.12.2015 à 20h55 Le nouveau « Star Wars » a passé dimanche la barre du milliard de dollars de recettes mondiales douze jours après sa sortie, a indiqué Disney, en enregistrant une recette de 286,8 millions de dollars dans le monde pour son second week-end.Les recettes du septième épisode de la saga intersidérale se partagent équitablement entre l’Amérique du nord (545 millions de dollars) et le reste du monde (546 millions de dollars). Le film est sorti ce week-end en Grèce et en Inde. Il est désormais visible à travers le monde entier à l’exception de la Chine, où sa sortie est attendue le 9 janvier, selon Disney.Lire aussi :« Star Wars », bien parti pour enchaîner les records au box-office nord-américainIl a aussi contribué à un record de recettes des salles nord-américaines, tous films confondus, pour un week-end de Noël, avec des rentrées de 300 millions de dollars, a souligné l’analyste de la société Rentrak Paul Dergarabedian. Le film a également battu le record de recettes en Amérique du nord pour un week-end, avec une recette de 313 millions de dollars. Au niveau mondial en revanche, le film de J. J. Abrams a échoué à battre le record pour un premier week-end, toujours détenu par Jurassic World.Le Réveil de la Force est en lice pour devenir le film le plus rentable de l’histoire et donc détrôner les deux longs-métrages du réalisateur James Cameron, Avatar (2,79 milliards de dollars de recettes) et Titanic (2,19 milliards).Disney, qui a racheté Lucasfilm, la société de George Lucas, pour quatre milliards de dollars en 2012, récolte les fruits de son investissement. Il a en projet trois autres films sur l’odyssée des Jedi et des forces maléfiques du Premier Ordre, sans compter les milliards attendus des ventes de produits dérivés.Lire aussi :« Star Wars » bat son deuxième record au box-office nord-américain, mais reste derrière « Jurassic World » 24.12.2015 à 11h02 • Mis à jour le24.12.2015 à 11h20 | Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde 25.12.2015 à 04h26 • Mis à jour le25.12.2015 à 09h45 L’acteur américain Robert Downey Jr a été gracié jeudi 24 décembre par le gouverneur de Californie pour des faits de possession de drogue remontant à 1996.Il a « payé sa dette envers la société et mérite une réhabilitation complète et sans conditions », a déclaré le gouverneur, Jerry Brown, à la veille de Noël, où les grâces sont traditionnellement accordées en Californie. Outre l’interprète du super-héros Iron Man, 91 personnes ont été graciées pour diverses condamnations.« Une existence honnête et droite »Il avait été condamné après que la police eut trouvé dans sa voiture de l’héroïne, de la cocaïne et une arme à feu lors d’une arrestation à Los Angeles en 1996. Robert Downey Jr avait passé plusieurs mois en prison en 1999 avant d’être placé en liberté surveillée jusqu’au 17 décembre 2002.Depuis sa libération, l’acteur. a « mené une existence honnête et droite, fait preuve de bonnes mœurs et s’est conduit en citoyen respectant la loi », selon la grâce qui lui a été accordée.La grâce n’efface pas la condamnation sur son casier judiciaire mais lui rend ses droits de citoyen, notamment celui de voter.Lire aussi :« Avengers, l’ère d’Ultron » : une somme assommante de super-héros Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.com. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaien tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je vois le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifCertes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde 11.12.2015 à 17h12 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h26 | Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Morgane Tual Entretenir la discussion, partout, tout le temps, et pendant plus d’un an : c’est le défi, relevé avec succès, que s’est imposé Disney pour promouvoir le nouvel épisode de la saga Star Wars, dont la sortie est prévue mercredi 16 décembre en France. Après les premières annonces – celle, en 2012, d’un nouvel épisode en préparation, puis celle, en 2013, du nom du réalisateur J.J. Abrams et de la date de sortie (le 16 décembre en France, le 18 aux Etats-Unis, avec une première mondiale à Los Angeles le 14) –, Disney a sorti la machine de guerre.Le 6 novembre 2014, le titre est révélé, suivi quelques jours plus tard d’un court teaser, présentant les toutes premières images du film. Depuis, la stratégie marketing bien huilée de Disney s’emploie, avec une précision millimétrée, à tenir en haleine les futurs spectateurs au rythme de révélations savamment égrenées sur plus de douze mois : teasers, bandes-annonces (près de 100 millions de vues sur le compte officiel de la franchise), affiches, indices sur l’intrigue ou les personnages… Pas moins de 2,7 millions de tweets contenaient l’occurrence « Star Wars » le mois précédant la sortie du film. Commentaires, spéculations, débats et parodies animent la Toile depuis des mois.C’est que Star Wars n’est pas une marque comme les autres. « La particularité de la stratégie marketing de ce film, c’est qu’elle est quasiment inutile », affirme Renan Cros, journaliste et enseignant en cinéma à Paris-VII.« Pas besoin de vendre le film au public, il est déjà vendu ! Ce qu’on promeut, c’est [l’univers] Star Wars, plus que le film. Le marketing se focalise sur l’univers de la saga et vend l’idée que Star Wars n’est pas un film, mais un rassemblement. En ce moment, le monde entier est connecté à cet univers, il faut vivre dans une grotte au pôle Nord pour ne pas en entendre parler. »Un univers archiconnu, au point d’être familier même aux rares personnes n’ayant vu aucun des films. « C’est l’un des plus célèbres blockbusters de l’histoire », rappelle Frédéric Martel, journaliste et chercheur auteur de Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde (Flammarion, 2010). « Par conséquent, Disney n’a même pas besoin d’acheter trop d’espace publicitaire, puisque ses bandes-annonces deviennent des événements à part entière, relayés par les médias comme une actualité culturelle. Peu de films ont cette capacité à générer de la presse gratuite, c’est un atout immense. » Au point qu’il est parfois difficile de différencier contenu publicitaire et contenu éditorial, plusieurs magazines comme Time mettant en scène sur leur couverture le nouveau robot de la saga.Devinette : laquelle de ces deux (belles) couvertures est une pub ? https://t.co/lQS0wIg2hb— lomigg (@Lomig Guillo)require(["twitter/widgets"]);Autre particularité, et pas des moindres, de cette franchise : sa gigantesque communauté de fans, l’une des plus puissantes au monde, vecteur de promotion à grande échelle sur Internet et les réseaux sociaux. « Dans le cinéma, même Batman et Spiderman en sont loin. Il y a bien Harry Potter, mais c’était d’abord lié à des livres », précise Frédéric Martel.Mais c’est là que réside toute la difficulté de cette campagne marketing : comment réussir à concilier les attentes d’une communauté de fans ultra-exigeants et celles du grand public ? « Il y a un dosage subtil à trouver : il faut être dans la continuité, dans les codes de la marque, et rompre en même temps, car il ne faut pas que ce film soit vendu comme un énième épisode, explique Frédéric Martel. Un blockbuster, ce n’est pas une boîte de petits pois, ça doit être différent à chaque fois. »Eléments de langagePour combler le public le plus pointu, Disney distille de nouveaux éléments très précis de l’univers, par exemple concernant Jakku, la planète sableuse de Rey, un des nouveaux personnages de l’épisode VII.Lire aussi :Le tourisme spatial virtuel, la nouvelle fantaisie de « Star Wars VII : Le Réveil de la force »Pour les autres, Disney s’appuie sur l’artillerie lourde : une présence massive sur de nombreux supports. Outre les traditionnelles affiches et bandes-annonces, Star Wars s’impose dans le quotidien de tout un chacun. Des bouteilles d’eau aux céréales, en passant par les rames de métro, la page d’accueil de Google, les émoticones des réseaux sociaux ou les colis de La Poste, impossible d’échapper aux sabres laser et autres droïdes. Même si, selon Hélène Laurichesse, maître de conférences à l’université Toulouse-Jean-Jaurès et spécialiste du marketing au cinéma, l’ampleur est moindre que lors de la sortie de la prélogie, en 1999 :« Comme pour James Bond, ils étaient allés un peu trop loin dans les partenariats avec les marques, ça avait généré une saturation complète, ce qui avait déplu aux fans. Cette fois, le nombre de contrats passés permettant la déclinaison de la marque sur des produits a diminué de moitié. »Il faut aussi promouvoir le film dans de nombreux pays aux cultures très différentes. Ainsi, la bande-annonce sortie au Japon n’est pas la même que celle qui est montrée aux Etats-Unis. Et la production joue de ces variations. Quelques images inédites y ont été ajoutées et, grâce à Internet, ces images destinées à un public japonais ont fait le tour du monde. A l’inverse, la déclinaison de l’affiche en Chine a généré l’un des rares couacs de cette campagne marketing jusqu’ici parfaitement maîtrisée.#StarWars outcry after China shrinks star in poster: https://t.co/YfsuiyIVO1 #TheForceAwakens https://t.co/lOj88L1cL7— EW (@Entertainment Weekly)require(["twitter/widgets"]);Disney profite aussi de la force de frappe de son groupe tentaculaire pour décliner Star Wars sur différents supports : ici, un spot où les personnages du film d’animation Vice-Versa, produit par Disney, commentent la bande-annonce de l’épisode VII ; là, une bande dessinée sur Dark Vador créée par Marvel, elle aussi filiale de Disney… Sans parler des Disney Stores, magasins qui écoulent des stocks de produits dérivés : jouets, figurines, déguisements, tasses, et même boules de Noël.Ces objets font, depuis 1977, partie intégrante de la stratégie marketing de Star Wars et rapportent gros, plus que les films eux-mêmes. Choisir de sortir le film en décembre, quelques jours avant Noël, n’a rien d’un hasard. La campagne marketing bénéficie autant au film qu’aux jouets sur lesquels se jettent déjà, depuis des mois, petits et grands. La franchise réussit même l’exploit de vendre des produits sur des personnages encore inconnus du public, comme le droïde sphérique BB8, apparu seulement quelques secondes dans les bandes-annonces.Star Wars s’affiche donc partout… mais pour ne rien dire. Après des mois de promotion continue, le public ne sait toujours rien de l’intrigue, tout juste dispose-t-il d’un aperçu des nouveaux personnages qu’il s’apprête à découvrir. Le secret est bien gardé et dans les interviews, les acteurs ne lâchent aucune information. C’est qu’ils sont parfaitement briefés, « avec des éléments de langage, presque comme les politiques », précise Renan Cros.L’absence comme stratégieLes fans se rattachent aux miettes qu’on leur donne pour mieux les décortiquer et développer leurs propres théories. « La moindre information sur Star Wars déclenche tellement de rumeurs, de recherches d’indices… Ça marche même quand ce n’est pas calculé », observe Hélène Laurichesse. Mieux : l’absence d’information génère elle aussi de la discussion. Ainsi, l’absence remarquée de Luke Skywalker dans la promotion du film, alors que son interprète Mark Hamill apparaît dans le casting, alimente toutes les spéculations et accroît l’impatience. « Toute la difficulté est de tenir le public dans un état d’inquiétude et de satisfaction permanent », analyse Renan Cros. Le public se demande toujours si le film sera à la hauteur, et c’est là que le marketing intervient, selon lui :« Le véritable enjeu consiste à rassurer les gens. C’est leur dire, on va vous faire oublier les épisodes I, II et III [assez mal accueillis par le public], et revenir aux fondamentaux des années 1970. Disney capitalise sur le passé du film, sur la nostalgie, et vend quelque chose que le public connaît déjà. »Et l’explicite même dans le deuxième teaser, quand Han Solo, personnage emblématique de la trilogie originale, lance cette désormais célèbre citation « Chewie, we’re home » (« Chewie, on est à la maison »). Un clin d’œil évident, représentatif de la stratégie promotionnelle de ce septième opus. « Le titre du film lui-même, Le Réveil de la force, indique que c’était toujours là, endormi, et que ça va ressurgir triomphalement, explique Renan Cros. Ce marketing s’appuie sur une mythologie qui dépasse le film. On efface même presque George Lucas, dont on n’a plus besoin : l’univers a fait disparaître l’auteur. Il suffit de lancer le générique, la musique, et c’est parti. »Morgane TualJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.12.2015 à 18h17 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h46 Le Réveil de la Force, septième épisode de la saga Star Wars, a comme prévu battu le record d’un week-end d’ouverture aux Etats-Unis et au Canada avec 238 millions de dollars (219 millions d’euros) au box-office, selon The Hollywood Reporter. Pour un premier week-end nord-américain, le film de J. J. Abrams bat ainsi Jurassic World (208,8 millions de dollars, soit 192 millions d’euros), sorti en juin 2015.En revanche, ce nouvel opus de la série de films créée par George Lucas a échoué à battre Jurassic World au niveau mondial (517 millions de dollars sur le premier week-end, contre 524,9 millions), notamment à cause de sa sortie différée au 9 janvier 2016 en Chine.En générant 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros), Le Réveil de la Force avait déjà battu vendredi un premier record : celui des recettes engrangées pour une première soirée sur les écrans nord-américains, jusqu’ici détenu par Harry Potter (43,5 millions de dollars, soit 40 millions d’euros, selon des chiffres communiqués par Disney). 18.12.2015 à 16h25 • Mis à jour le18.12.2015 à 17h14 | Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde 24.12.2015 à 11h02 • Mis à jour le24.12.2015 à 11h20 | Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le10.12.2015 à 17h58 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifCertes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaien tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je vois le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifCertes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le19.12.2015 à 15h33 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifCertes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde 24.12.2015 à 11h02 • Mis à jour le24.12.2015 à 11h20 | Jacques Mandelbaum Film à 20 h 50 sur Canal+ CinémaL’histoire d’Eden, qui ne la connaît ? Il suffit de lire la Bible. Un couple innocent et immortel au Jardin des délices, l’attrait du fruit défendu, la chute, l’expulsion, l’immersion dans le début de l’histoire humaine et la finitude du monde, au prix de la sueur et de la violence, du désir et de l’espérance.Cette histoire, Mia Hansen-Love l’a déjà tricotée durant quatre films avant celui-ci, Eden  : l’histoire de Paul, jeune musicien qui va vivre dans le Paris des années 1990 la frénétique ascension de la French touch, ce filon créatif de la scène électro mondiale, avant de brutalement décélérer la décennie suivante, la gloire et l’amour en fuite, mais avec en puissance le désir de s’accomplir enfin.Cinéaste d’une conséquente modernité, Mia Hansen-Love, qui a signé son premier long-métrage à 26 ans, continue de filmer ce qu’elle connaît le mieux  : la jeunesse. La jeunesse comme moment de grâce, aspiration folle à la pureté des idéaux, à l’entièreté des sentiments, à la dépense de l’être, mais aussi bien la jeunesse comme « il faut bien qu’elle se passe », et le plus vite sera le mieux, histoire de sortir de soi-même et de commencer sa vie avec autrui et dans le monde.Etrange maturitéOn voit par là que Mia Hansen-Love, jeune cinéaste en cela très singulière à une époque où l’idolâtrie de l’éternelle jouvence atteint son apogée, est plus poétique que consumériste, plus humaniste qu’insurrectionnelle. Il est d’ailleurs probable que les mêmes forces qui ont infléchi sa propre jeunesse vers cette étrange maturité la conduisent à la remettre en scène dans chacun de ses films pour mieux en sortir.Jeunesse brûlée d’un aspirant écrivain quittant le foyer conjugal puis retrouvant sa fille, des années plus tard (Tout est pardonné, 2007). Jeunesse prolongée d’un père de famille producteur de cinéma, conduit au suicide par un rétrécissement du réel (Le Père de mes enfants, 2009). Jeunesse hantée d’une adolescente poursuivie par le fantôme d’un premier amour (Un amour de jeunesse, 2011). Tout ce qui fait la beauté et la contemporanéité de ces œuvres – le jeu elliptique et diffracté sur le temps et la narration, la mélancolie cruelle du roman de formation, l’incessante mise à l’épreuve de l’idéalisme face au réel, l’affirmation d’une possibilité de réparation des échecs et des désastres existentiels – se retrouve dans Eden.Humour discretOn a ainsi défini ce que ce film ne veut surtout pas être : un biopic officiel de la French touch. Ressortissant lui-même d’une incontestable French touch cinématographique, c’est néanmoins avec le lumineux Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen qu’il cousine. Même façon de décrire une histoire de légende musicale par le biais d’un personnage qui reste à quai, même attention méticuleuse à la vérité documentaire de l’histoire, même succession de moments faibles et de morceaux mythiques : Eden est à l’électro française ce qu’Inside Llewyn Davis est au folk américain.Il n’est pas jusqu’à l’humour discret qui ne semble courir d’un film à l’autre, ici avec le gag récurrent des Daft Punk, deux jeunots gauches soulagés de leur casque et régulièrement rejetés par les videurs qui ne les reconnaissent pas. On appréciera, sous la plaisanterie, l’abîme philosophique du film : n’est dans la place que celui qui n’y entre pas.Eden, de Mia Hansen-Love. Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann (Fr., 2014, 131 min).Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Philippe Escande La vieillesse est un naufrage, même au sommet de la réussite. L’exceptionnel destin de Sumner Redstone, 92 ans et toujours patron de Viacom, est en train de s’achever dans le déballage le plus sordide et fait désormais les délices du tout Hollywood. Avec tous les ingrédients d’une bonne série télé : l’argent, le sexe et le pouvoir. Le 25 novembre, Manuela Herzer, l’ex-petite amie du plus célèbre magnat américain des médias, a déposé plainte devant la Cour de justice de l’Etat de Californie pour demander le droit de s’occuper de la santé déclinante de Sumner. Le 21 décembre, le juge a décidé de repousser à janvier l’audition des médecins du nonagénaireAprès avoir hérité en 1967 de la petite chaîne de salles de cinéma fondée par son père, Sumner Redstone l’a progressivement transformée en géant des médias grâce à l’acquisition successive du producteur de chaînes de télévision Viacom (MTV, Nickelodeon…), du studio de cinéma Paramount, puis du réseau national CBS. Un empire valorisé aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars (36 milliards d’euros) et dont il possède 80 % des droits de vote. Sa fortune personnelle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Voilà pour l’argent.Une vocation d’homme à femmesLe sexe a accompagné la gloire. Avec son éternelle mèche teinte en blond et sa démarche hésitante, le milliardaire, grièvement blessé lors d’un incendie, s’est découvert sur le tard une vocation d’homme à femmes. A 76 ans, il a divorcé de sa première épouse, s’est remarié trois ans plus tard avec une jeunesse de 39 ans sa cadette, avant de divorcer à nouveau alors qu’il avait 85 ans. Il se met alors en couple avec Manuela Herzer, 50 ans, avant de lui préférer Sydney Holland, 40 ans. The Hollywood Reporter, la bible du quartier le plus célèbre de Los Angeles, a fait ses gorges chaudes de ses aventures avec une jeune chanteuse dont il a imposé l’éphémère groupe de rock féminin, The Electric Barbarellas, sur sa chaîne musicale MTV.En mai, pour ses 92 ans, le vieil homme était apparu pour la dernière fois fermement soutenu par Manuela et Sydney. Mais en octobre, la première fut exclue à la fois du château du testament qui faisait d’elle et de Sydney les curateurs de Sumner, responsables de sa santé. A leur place, c’est Philippe Dauman – directeur général de Viacom et homme de confiance du magnat – qui fut désigné.Depuis, verrouillage complet. Officiellement M. Redstone garde bon pied bon œil, même s’il ne s’exprime plus de manière intelligible. Ce n’est pas l’avis de Manuela, qui le qualifie avec moult détails de « fantôme vivant », incapable de bouger et demandant des soins constants. Les investisseurs s’inquiètent et demandent une contre-expertise. Quelle qu’en soit l’issue, la fin du mélodrame est proche et il y a peu de chances qu’il se termine bien pour l’intrépide Sumner qui avait proclamé un jour qu’il ne mourrait jamais.Lire aussi :Les grands médias audiovisuels américains contraints de changer de stratégiePhilippe EscandeJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 22.12.2015 à 11h06 • Mis à jour le23.12.2015 à 08h46 Le septième épisode de « Star Wars », Le Réveil de la Force, a récolté 529 millions de dollars (484 millions d’euros) dans le monde depuis sa sortie, la semaine dernière, ont annoncé lundi 21 décembre les studios Disney.« “Le Réveil de la Force” a remporté plus que ce qui était anticipé, pour établir un record de 248 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, et 281 millions à l’international. »Avec ces chiffres, Disney bat le record du meilleur lancement d’un film, jusque-là détenu par Jurassic World, qui avait rapporté sur la même période près de 525 millions de dollars pour sa sortie.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »« Avatar » et « Titanic » encore au sommet Le Réveil de la Force avait déjà battu le record de recettes aux Etats-Unis pour une première soirée, avec 57 millions de dollars, et le record de recettes à l’issue de la première journée d’exploitation, avec 120,5 millions de dollars amassés pour la seule journée de vendredi. Il faut préciser que le film ne sort que cette semaine en Grèce et en Inde, et le 9 janvier en Chine.Au niveau des recettes totales au box-office mondial, deux films de James Cameron détiennent toujours les premières places : Avatar (2009) a rapporté 2,78 milliards de dollars, et Titanic (1997) 2,18 milliards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressif 19.12.2015 à 04h36 • Mis à jour le20.12.2015 à 19h44 Avec 57 millions de dollars (52,5 millions d’euros) de recettes pour sa première soirée sur les écrans nord-américains, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force a battu un record jusqu’ici détenu par Harry Potter, selon des chiffres communiqués par Disney. En 2011, Harry Potter et les reliques de la mort – Partie 2 avait récolté 43,5 millions de dollars (40 millions d’euros).Disney a par ailleurs annoncé tabler sur 215 millions de dollars de recettes sur l’ensemble du week-end, ce qui serait supérieur au record établi au printemps par Jurassic World et ses 208,8 millions de dollars lors de son premier week-end de sortie (512 millions dans le monde).Plusieurs experts estiment même que le nouveau Star Wars est un sérieux prétendant au titre de film le plus lucratif de tous les temps. Il doit cependant pour cela dépasser Avatar et Titanic, les deux seuls films à avoir dépassé 2 milliards de dollars de recettes au box-office dans le monde, avec respectivement 2,8 et 2,2 milliards de dollars.En France, Le Réveil de la Force a réalisé le deuxième meilleur démarrage de l’année avec plus de 600 000 entrées, derrière Spectre, le dernier épisode de James Bond. Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :Comment « Star Wars » a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Certes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :Comment « Star Wars » a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde 11.12.2015 à 17h12 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h26 | Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Morgane Tual Entretenir la discussion, partout, tout le temps, et pendant plus d’un an : c’est le défi, relevé avec succès, que s’est imposé Disney pour promouvoir le nouvel épisode de la saga Star Wars, dont la sortie est prévue mercredi 16 décembre en France. Après les premières annonces – celle, en 2012, d’un nouvel épisode en préparation, puis celle, en 2013, du nom du réalisateur J.J. Abrams et de la date de sortie (le 16 décembre en France, le 18 aux Etats-Unis, avec une première mondiale à Los Angeles le 14) –, Disney a sorti la machine de guerre.Le 6 novembre 2014, le titre est révélé, suivi quelques jours plus tard d’un court teaser, présentant les toutes premières images du film. Depuis, la stratégie marketing bien huilée de Disney s’emploie, avec une précision millimétrée, à tenir en haleine les futurs spectateurs au rythme de révélations savamment égrenées sur plus de douze mois : teasers, bandes-annonces (près de 100 millions de vues sur le compte officiel de la franchise), affiches, indices sur l’intrigue ou les personnages… Pas moins de 2,7 millions de tweets contenaient l’occurrence « Star Wars » le mois précédant la sortie du film. Commentaires, spéculations, débats et parodies animent la Toile depuis des mois.C’est que Star Wars n’est pas une marque comme les autres. « La particularité de la stratégie marketing de ce film, c’est qu’elle est quasiment inutile », affirme Renan Cros, journaliste et enseignant en cinéma à Paris-VII.« Pas besoin de vendre le film au public, il est déjà vendu ! Ce qu’on promeut, c’est [l’univers] Star Wars, plus que le film. Le marketing se focalise sur l’univers de la saga et vend l’idée que Star Wars n’est pas un film, mais un rassemblement. En ce moment, le monde entier est connecté à cet univers, il faut vivre dans une grotte au pôle Nord pour ne pas en entendre parler. »Un univers archiconnu, au point d’être familier même aux rares personnes n’ayant vu aucun des films. « C’est l’un des plus célèbres blockbusters de l’histoire », rappelle Frédéric Martel, journaliste et chercheur auteur de Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde (Flammarion, 2010). « Par conséquent, Disney n’a même pas besoin d’acheter trop d’espace publicitaire, puisque ses bandes-annonces deviennent des événements à part entière, relayés par les médias comme une actualité culturelle. Peu de films ont cette capacité à générer de la presse gratuite, c’est un atout immense. » Au point qu’il est parfois difficile de différencier contenu publicitaire et contenu éditorial, plusieurs magazines comme Time mettant en scène sur leur couverture le nouveau robot de la saga.Devinette : laquelle de ces deux (belles) couvertures est une pub ? https://t.co/lQS0wIg2hb— lomigg (@Lomig Guillo)require(["twitter/widgets"]);Autre particularité, et pas des moindres, de cette franchise : sa gigantesque communauté de fans, l’une des plus puissantes au monde, vecteur de promotion à grande échelle sur Internet et les réseaux sociaux. « Dans le cinéma, même Batman et Spiderman en sont loin. Il y a bien Harry Potter, mais c’était d’abord lié à des livres », précise Frédéric Martel.Mais c’est là que réside toute la difficulté de cette campagne marketing : comment réussir à concilier les attentes d’une communauté de fans ultra-exigeants et celles du grand public ? « Il y a un dosage subtil à trouver : il faut être dans la continuité, dans les codes de la marque, et rompre en même temps, car il ne faut pas que ce film soit vendu comme un énième épisode, explique Frédéric Martel. Un blockbuster, ce n’est pas une boîte de petits pois, ça doit être différent à chaque fois. »Eléments de langagePour combler le public le plus pointu, Disney distille de nouveaux éléments très précis de l’univers, par exemple concernant Jakku, la planète sableuse de Rey, un des nouveaux personnages de l’épisode VII.Lire aussi :Le tourisme spatial virtuel, la nouvelle fantaisie de « Star Wars VII : Le Réveil de la force »Pour les autres, Disney s’appuie sur l’artillerie lourde : une présence massive sur de nombreux supports. Outre les traditionnelles affiches et bandes-annonces, Star Wars s’impose dans le quotidien de tout un chacun. Des bouteilles d’eau aux céréales, en passant par les rames de métro, la page d’accueil de Google, les émoticones des réseaux sociaux ou les colis de La Poste, impossible d’échapper aux sabres laser et autres droïdes. Même si, selon Hélène Laurichesse, maître de conférences à l’université Toulouse-Jean-Jaurès et spécialiste du marketing au cinéma, l’ampleur est moindre que lors de la sortie de la prélogie, en 1999 :« Comme pour James Bond, ils étaient allés un peu trop loin dans les partenariats avec les marques, ça avait généré une saturation complète, ce qui avait déplu aux fans. Cette fois, le nombre de contrats passés permettant la déclinaison de la marque sur des produits a diminué de moitié. »Il faut aussi promouvoir le film dans de nombreux pays aux cultures très différentes. Ainsi, la bande-annonce sortie au Japon n’est pas la même que celle qui est montrée aux Etats-Unis. Et la production joue de ces variations. Quelques images inédites y ont été ajoutées et, grâce à Internet, ces images destinées à un public japonais ont fait le tour du monde. A l’inverse, la déclinaison de l’affiche en Chine a généré l’un des rares couacs de cette campagne marketing jusqu’ici parfaitement maîtrisée.#StarWars outcry after China shrinks star in poster: https://t.co/YfsuiyIVO1 #TheForceAwakens https://t.co/lOj88L1cL7— EW (@Entertainment Weekly)require(["twitter/widgets"]);Disney profite aussi de la force de frappe de son groupe tentaculaire pour décliner Star Wars sur différents supports : ici, un spot où les personnages du film d’animation Vice-Versa, produit par Disney, commentent la bande-annonce de l’épisode VII ; là, une bande dessinée sur Dark Vador créée par Marvel, elle aussi filiale de Disney… Sans parler des Disney Stores, magasins qui écoulent des stocks de produits dérivés : jouets, figurines, déguisements, tasses, et même boules de Noël.Ces objets font, depuis 1977, partie intégrante de la stratégie marketing de Star Wars et rapportent gros, plus que les films eux-mêmes. Choisir de sortir le film en décembre, quelques jours avant Noël, n’a rien d’un hasard. La campagne marketing bénéficie autant au film qu’aux jouets sur lesquels se jettent déjà, depuis des mois, petits et grands. La franchise réussit même l’exploit de vendre des produits sur des personnages encore inconnus du public, comme le droïde sphérique BB8, apparu seulement quelques secondes dans les bandes-annonces.Star Wars s’affiche donc partout… mais pour ne rien dire. Après des mois de promotion continue, le public ne sait toujours rien de l’intrigue, tout juste dispose-t-il d’un aperçu des nouveaux personnages qu’il s’apprête à découvrir. Le secret est bien gardé et dans les interviews, les acteurs ne lâchent aucune information. C’est qu’ils sont parfaitement briefés, « avec des éléments de langage, presque comme les politiques », précise Renan Cros.L’absence comme stratégieLes fans se rattachent aux miettes qu’on leur donne pour mieux les décortiquer et développer leurs propres théories. « La moindre information sur Star Wars déclenche tellement de rumeurs, de recherches d’indices… Ça marche même quand ce n’est pas calculé », observe Hélène Laurichesse. Mieux : l’absence d’information génère elle aussi de la discussion. Ainsi, l’absence remarquée de Luke Skywalker dans la promotion du film, alors que son interprète Mark Hamill apparaît dans le casting, alimente toutes les spéculations et accroît l’impatience. « Toute la difficulté est de tenir le public dans un état d’inquiétude et de satisfaction permanent », analyse Renan Cros. Le public se demande toujours si le film sera à la hauteur, et c’est là que le marketing intervient, selon lui :« Le véritable enjeu consiste à rassurer les gens. C’est leur dire, on va vous faire oublier les épisodes I, II et III [assez mal accueillis par le public], et revenir aux fondamentaux des années 1970. Disney capitalise sur le passé du film, sur la nostalgie, et vend quelque chose que le public connaît déjà. »Et l’explicite même dans le deuxième teaser, quand Han Solo, personnage emblématique de la trilogie originale, lance cette désormais célèbre citation « Chewie, we’re home » (« Chewie, on est à la maison »). Un clin d’œil évident, représentatif de la stratégie promotionnelle de ce septième opus. « Le titre du film lui-même, Le Réveil de la force, indique que c’était toujours là, endormi, et que ça va ressurgir triomphalement, explique Renan Cros. Ce marketing s’appuie sur une mythologie qui dépasse le film. On efface même presque George Lucas, dont on n’a plus besoin : l’univers a fait disparaître l’auteur. Il suffit de lancer le générique, la musique, et c’est parti. »Morgane TualJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DDASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DDASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le mercredi  25 mai 1977, Star Wars sortait sur trente-deux écrans aux Etats-Unis. Vendredi 18 décembre 2015, Star Wars  : le Réveil de la force y sera projeté dans 4 000 salles. Deux jours plus tôt, le film occupera un millier de cinémas français, dont 282 classés Art & Essai. Le septième film de la saga imaginée par George Lucas a déjà accumulé, en Amérique du Nord, plus de 50 millions de dollars de recettes en préréservations  !En 1977, le succès immédiat de La Guerre des étoiles, en version française, a pris tout le monde par surprise, à commencer par l’auteur et le studio qui avait financé et distribuait le film, la 20th Century Fox. Celle-ci restait sur plusieurs échecs d’affilée, et George Lucas, 32 ans à l’époque, n’avait réalisé que deux longs-métrages jusqu’alors. Le public issu de Woodstock allait-il s’intéresser aux aventures d’un paysan de l’espace devenu chevalier errant, courant à la rescousse d’une princesse retenue prisonnière sur une étoile artificielle par un empire maléfique  ?Quatre décennies et six épisodes plus tard, les questions qui tournent autour du Réveil de la force sont d’un tout autre ordre  : le film dépassera-t-il le record, détenu par Avatar, des recettes en salles (2,8 milliards de dollars dans le monde entier) ? Son succès sera-t-il assez colossal pour assurer l’avenir d’une série de films dont les deux prochains ont déjà été mis en chantier  ? Disney, la multinationale qui a racheté La Guerre des étoiles, ses personnages, ses marques et ses planètes à George Lucas pour 4,4 milliards de dollars, va-t-elle établir un monopole sur l’imaginaire terrien, après avoir déjà absorbé Pixar puis Marvel  ? George Lucas et la rébellion du Nouvel HollywoodRapprocher le premier et le septième épisode de la série, c’est mesurer la mutation de l’industrie du cinéma de divertissement. En 1977, La Guerre des étoiles apparaît comme un fait d’armes des rebelles du Nouvel Hollywood contre l’establishment. George Lucas a imposé ses conditions financières et ses méthodes à la Fox, dirigée par Alan Ladd Jr., comme Coppola a bataillé contre la Paramount pour réaliser Le Parrain, comme Scorsese est en train de faire tourner en bourrique les dirigeants de United Artists depuis le plateau de New York, New York.Personne, même pas le réalisateur, qui n’est pourtant pas dépourvu de capacités visionnaires, ne comprend que La Guerre des étoiles propose à Hollywood un modèle économique qui nécessite des investissements colossaux mais garantit une rentabilité non moins impressionnante. Il faudra plus de trois décennies pour porter ce modèle à sa perfection économique, qu’illustre la sortie de Star Wars  : le Réveil de la force.Cet événement planétaire, dont la première phase se conclura par une sortie en République populaire de Chine, le 9 janvier, est organisé comme une campagne militaire. C’est-à-dire qu’on n’en sait pas grand-chose, tant le secret qui l’entoure est systématique. Du scénario, Disney n’a laissé filtrer qu’une trame très lâche  : l’action est située une trentaine d’années après la fin de l’action du Retour du Jedi. Ce dernier volet de la première trilogie produite par Lucas se terminait par le triomphe de la rébellion démocratique contre l’Empire.«  Je me souviens être allé voir La Guerre des étoiles avec ma fille de 10  ans, le jour de sa sortie, raconte Peter Bart, ancien rédacteur en chef de la publication professionnelle Variety, à l’époque la plus influente de l’industrie cinématographique, où il tient toujours une chronique. Dans l’école de ma fille, personne n’en avait entendu parler, et j’ai dû l’y traîner. Je n’aime pas la science-fiction, mais en découvrant le film je me suis dit  : “Mon Dieu, mais qu’est-ce qu’on nous montre  ?” Il m’a fallu quelques semaines pour assimiler l’importance de ce qui venait de se passer.  »« Notre seul espoir »Ces quelques semaines furent celles qui transformèrent La Guerre des étoiles de succès surprise en phénomène social et économique. Avec le bénéfice du temps, les signes annonciateurs de ce bouleversement apparaissent évidents. Au printemps 1976, George Lucas explique au journaliste du New York Times venu lui rendre visite sur le plateau londonien où le film se fabrique – dans une ambiance délétère, due à la pingrerie du studio et au caractère du réalisateur  : «  A part Disney, personne ne produit plus de films pour les jeunes. La raison pour laquelle je fais La Guerre des étoiles est que je veux donner aux jeunes une espèce d’environnement lointain et exotique dans lequel leur imagination puisse s’ébattre. Je veux qu’ils oublient les stupidités du moment [les Etats-Unis sortent à peine des tempêtes du Vietnam et du Watergate] et qu’ils pensent à coloniser Mars ou Venus. Et la seule façon d’y arriver est de leur montrer un pauvre gamin qui y pense, qui prend son pistolet laser, qui monte dans son vaisseau avec son Wookiee vers l’espace infini. D’une certaine manière, c’est notre seul espoir.  »Dans les années 1960, la désaffection des jeunes pour le cinéma traditionnel a poussé certains producteurs indépendants, voire certains studios, vers une politique favorisant les auteurs contestataires, en prise avec les mouvements sociaux et culturels. Ces œuvres sont destinées aux étudiants, aux jeunes adultes des professions intellectuelles. Les lycéens, les jeunes ouvriers ou employés sont considérés comme perdus pour le cinéma, dévoyés par la musique pop et la télévision. En 1973, un film est pourtant venu démentir cette hypothèse. American Graffiti, réalisé par George Lucas, a failli ne pas sortir, tant Universal, le studio qui l’avait financé, ne croyait pas à son avenir. L’obstination du jeune réalisateur – qui n’avait alors à son actif qu’un film de science-fiction, THX 1138, échec commercial mais succès critique – a garanti la survie du film. Le bouche-à-oreille ­entre jeunes en a fait le succès  : le film, qui évoque l’innocence du début des ­années 1960 sur une bande originale de classiques du rock’n’roll, a rapporté 140 millions de dollars, près de deux cents fois son budget de production.Ce n’est pas assez pour faire de Lucas une valeur sûre  : «  Il n’avait pas la cote dans les studios, raconte Peter Bart. Je me souviens l’avoir vu dans les locaux d’American Zoetrope, la société de Coppola, à San Francisco. C’était un garçon silencieux, que Francis respectait manifes­tement. Mais il n’était pas doué pour les contacts humains.  » Cette rugosité va ­devenir une arme redoutable dans le bras de fer qui oppose George Lucas à la Fox. Malgré les réticences du conseil d’administration de la Fox, Alan Ladd Jr. a accepté de financer le film à hauteur de 7,8 millions de dollars sur la foi d’un ­scénario provisoire, qui a pour héros un pilote spatial nommé Luke Starkiller.Réalisateur avant-gardiste et homme d’affaires aviséA Hollywood, la science-fiction n’a pas bonne réputation. La Warner vient seulement d’amortir la douzaine de millions de dollars investis dans 2001, l’Odyssée de l’espace sept ans plus tôt, en 1968. Un seul élément concret pourrait donner du crédit au pari de Lucas  : le succès dans la jeunesse de la série télévisée Star Trek (1968-1970), autour de laquelle se sont formés des groupes de fans loyaux, les Trekkies, qui se réunissent par milliers dans des conventions.Tout en peaufinant son scénario, George Lucas entreprend la conception, la fabrication et la mise en œuvre des outils nécessaires à la réalisation de sa vision. Il fait construire une caméra dont les mouvements sont contrôlés par ordinateur pour filmer de façon synchrone plusieurs objets se déplaçant dans l’espace. Son ambition est de donner aux vaisseaux spatiaux qui attaquent ou ­défendent l’Empire la fluidité de mou­vement des avions des films de guerre de l’âge d’or d’Hollywood. Pour ce faire, il fonde Industrial Light and Magic, ILM, une firme consacrée aux effets spéciaux cinématographiques qui deviendra bientôt l’une des plus rentables de l’empire George Lucas.Ces innovations coûtent cher  : le budget final du film s’élève à 11  293  000 dollars, soit 45 millions de 2015. C’est beaucoup pour les patrons de la Fox de l’époque, mais les dirigeants actuels de Disney rêveraient d’un coût aussi raisonnable. Même si le budget du Réveil de la force est tenu secret, les estimations les plus modestes l’évaluent à 200 millions de dollars.Lire aussi :« Star Wars » : une histoire à la modeLucas a obtenu ces rallonges parce que La Guerre des étoiles n’est pas une production Fox. Le studio d’Alan Ladd Jr. a financé le film, garde un droit de regard sur sa production et a acquis les droits de ­distribution. Mais Lucasfilm, la société que le cinéaste a montée grâce aux bénéfices d’American Graffiti, en est le pro­ducteur exécutif. Le cinéaste a consolidé cette autonomie lorsqu’il a négocié son cachet  : George Lucas doit toucher seulement 150 000 dollars en tant que scénariste et réalisateur. S’il a accepté une somme aussi modeste (il a travaillé plus de trois ans à temps plein), c’est en échange des droits sur les produits dé­rivés et la bande originale, sans parler d’un contrôle total sur de nouveaux longs-métrages. Lucas a lourdement investi dans les équipements, mais il ne s’est pas ruiné en cachets. A l’exception du vétéran britannique Alec Guinness, payé 15  000 livres par semaine, et qui s’est finalement vu garantir 2 % des profits, les principaux acteurs, Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, alors pratiquement inconnus, sont payés au minimum.La Fox a accepté ces conditions parce qu’elle n’a aucune idée du potentiel du film. Il faut dire que les exploitants ne se bousculent pas pour accepter Star Wars sur leurs écrans. Dès la première projection, le succès est extraordinaire. Fin 1977, l’œuvre a dépassé le récent record des Dents de la mer et devient la championne du box-office nord-américain avec 220 millions de dollars de recettes.Sitôt acquis le succès de La Guerre des étoiles, l’action de la Fox remonte. Quatre ans plus tard, les financiers Marc Rich et Marvin Davis rachètent le studio, revendu en 1984 à Rupert Murdoch. Les autres majors se lancent avec des fortunes diverses dans la science-fiction. George Lucas, qui a juré de ne plus jamais réaliser de film tant celui-ci l’a épuisé, confie le tournage des deux ­épisodes suivants de la série, L’Empire ­contre-attaque (1980) et Le Retour du Jedi (1983) à Irvin Kershner et Richard Marquand, tout en gardant un strict contrô­le sur les produits finis. Les deux films, s’ils n’atteignent pas les résultats du premier, rapportent respectivement 538 millions et 475 millions de dollars dans le monde entier.Succès en sériePendant deux décennies, les grands studios vont vouloir réutiliser les ingrédients qui ont fait le succès de La Guerre des étoiles, tout en essayant d’éliminer les facteurs de risque qui ont donné des sueurs froides aux dirigeants de la Fox pendant l’élaboration du premier épisode de la saga. Il s’agit, donc, de viser le public des jeunes mâles, en leur pro­mettant action et distraction, sans les ­effaroucher par trop de nouveautés.D’où le recours fréquent à des héros de bande dessinée déjà familiers, Superman, Batman, Spider-Man, voire à des marques de jouets comme les Transformers. Le vocabulaire du cinéma se rapproche de plus en plus de celui de la grande distribution  : les «  franchises  » ne désignent plus des succursales de marques opérées par des commerçants indépendants, mais des héros de fiction que l’on peut recycler de longs-métrages en séries d’animation pour la télévision, décliner de comics en jouets.L’idée selon laquelle le cinéma est une industrie de prototype s’estompe au profit d’un modèle de succès reproductible. Bien sûr, le stock limité de héros déjà universellement connus oblige à une course à la nouveauté  : à peine esquissé le succès du premier livre de la saga Harry Potter, la Warner investit massivement dans le long-métrage tiré des livres de J.K. Rowling. Pour s’assurer des sources d’approvisionnement, ce studio a acquis l’éditeur DC Comics (Superman, Batman…) dès 1989. En 2009, c’était au tour de Disney d’acheter, pour 4 milliards de dollars, un stock de héros en justaucorps grâce à la prise de contrôle de Marvel (Avengers, Hulk, Spider-Man…).Les majors américaines consacrent désormais l’essentiel de leurs ressources à la construction de séries pérennes, laissant la production des films destinés aux adultes – ceux que l’on présente aux Oscars – à des indépendants. Disney met en avant le concept d’« univers  », qui permet d’entrecroiser les intrigues des films, transformant chaque long-métrage en promotion pour le suivant, immergeant le spectateur-consommateur dans un flux d’images et d’objets qui ne s’interrompt jamais. Warner espère imiter Disney avec les prochains longs-métrages écrits par J.K. Rowling, inspirés de l’imaginaire de Harry Potter, dont le premier doit sortir le 16 novembre 2016.Ces univers virtuels sont fréquentés par des citoyens du monde entier. A la fin des années 1970, l’idée de montrer La Guerre des étoiles aux habitants d’un pays à peine débarrassé de la « bande des quatre  » n’aurait même pas traversé l’esprit d’un dirigeant de la Fox. Aujourd’hui, la sortie en République populaire de Chine, devenue le deuxième marché cinématographique mondial après les Etats-Unis, est un enjeu majeur pour Le Réveil de la force.Des milliards de dollars… et de moqueriesCes bouleversements économiques ont pour pendant technologique la conversion numérique du cinéma. C’est elle qui a permis la réalisation d’effets spéciaux. Elle aussi, grâce aux copies sur disque dur, qui permet d’envahir efficacement les écrans des multiplexes de la planète, avec des images impeccables – en relief, sur écran courbe… C’est enfin elle qui ­garantit que le produit se diffusera – licitement ou pas – jusqu’aux derniers ­confins de la galaxie, sur des écrans d’ordinateur, de télévision ou de téléphone.Bien plus que la résurrection d’une série chérie par des millions de spectateurs, Le Réveil de la force est le couronnement de cette mutation du cinéma, entamée il y a trente-huit ans par un jeune homme solitaire. Entre 1999 et 2005, George Lucas est revenu à la réalisation en proposant une seconde trilogie, dont l’histoire est située avant celle des trois premiers films. La Menace fantôme, L’Attaque des clones et La Revanche des Sith ont rapporté des centaines de millions de dollars (plus de 1 milliard de recettes pour le premier volet), tout en suscitant le rejet et la moquerie. Les nouveaux personnages (dont Jar Jar Binks, créature qui évoque dangereusement la représentation des Afro-Américains dans les vieux films hollywoodiens), les scénarios laborieux, les dialogues absurdes n’ont pas suffi à décourager la clientèle. Aussi obstiné et isolé du monde qu’il soit, le cinéaste sexagénaire a cependant bien compris que les fans ne veulent plus de lui sur le trône galactique. En 2012, il cède la direction de Lucasfilm à la productrice Kathleen Kennedy  ; en octobre de la même année, Disney annonce le rachat de la société pour 4,4 milliards de dollars. Dans un premier temps, il est question de mettre en chantier une troisième trilogie d’après des ébauches de scénarios sur lesquelles Lucas travaillait au moment de la cession. Il n’en sera rien.En janvier 2013, Disney annonce que la réalisation du nouveau film sera confiée à J.J. Abrams. Ce réalisateur de 49  ans a débuté sous l’égide de Steven Spielberg. Il a fait ses preuves économiques à la télévision avec les séries Alias et Lost, les disparus avant de redonner vie à des franchises que l’on croyait en voie d’épuisement, Mission  : Impossible et Star Trek. Il a « rebooté  » (mis les compteurs à zéro, en mobilisant de nouveaux interprètes, en réécrivant l’histoire originelle de la série) le vieux space opera télévisé avec succès, et c’est au moment où il s’apprête à mettre en chantier le troisième épisode de cette nouvelle série dans la série que Disney le débauche.L’épisode VII, une démonstration de forceCe que l’on sait du film, dont le tournage a commencé en avril 2014 à Abou Dhabi (l’essentiel se déroulera en Grande-Bretagne), a été savamment distillé par Disney. De la distribution (retour du trio Ford-Fisher-Hamill, apparition d’acteurs inconnus…) aux éléments de scénario, en passant par les accessoires, tout est fait pour donner l’impression que les informations fuitent, alors qu’elles sont scientifiquement diffusées. « Le succès du premier film s’est ­construit sur le bouche-à-oreille des fans, remarque Peter Bart. Cette fois, la machine du marketing s’impose au public. »Chez Disney France, on détaille cette ­articulation entre la communication de la firme et les réseaux sociaux  : « A Paris, nous avons décoré une rame de métro et une station aux couleurs du film. Ce sont les utilisateurs des réseaux sociaux qui font circuler l’information en se prenant en photo, en postant des images  », explique Frédéric Monnereau, directeur du marketing. Lorsqu’il s’est agi de faire le point sur le film, à quelques mois de sa sortie, en juillet, Disney et Lucasfilm n’ont pas convoqué de conférence de presse, préférant se servir de la convention des fans de Star Wars, répondant (ou pas) à leurs questions, comptant sur les pages Facebook et les comptes Twitter pour répandre la bonne parole.« De toute façon, l’enjeu n’est pas le film lui-même  », observe mélancoliquement Peter Bart. Il s’agit en effet de savoir si l’opération sera rentable à court terme pour Disney. La réponse est presque certainement affirmative. Certes, le film sort à un moment de l’année qui n’est pas favorable aux records  : Avatar, qu’on avait aussi découvert en décembre 2009, avait connu un début modeste, avant de conquérir la planète. Le Réveil de la force pourrait changer la donne, peut-être battre le record de recettes établi par Jurassic World l’été dernier avec 209 millions de dollars pour son premier week-end d’exploitation. Le film de J. J. Abrams est fait pour durer en salles.« Notre campagne est divisée en trois phases, explique Frédéric Monnereau. La première se termine avec la sortie en salles, la deuxième se joue dans les jours qui la suivront. Il faut que les gens reviennent et suscitent la curiosité des autres. La troisième se passera en janvier. » Les succès colossaux comme Avatar reposent en effet sur les visions répétées du même film par les mêmes spectateurs. Leur nombre est la seule incertitude, elle dépend du pouvoir de séduction du Réveil de la force.L’action Disney a déjà rebondiOn sait déjà que Disney, Abrams et les scénaristes (Lawrence Kasdan, un vétéran de la première trilogie, Michael Arndt, remercié en cours d’écriture, et Abrams) ont pris leurs précautions pour éviter les critiques adressées à George Lucas dans les années 2000. La présence dans les premiers rôles de John Boyega, jeune acteur britannique d’origine nigériane, et de sa compatriote Daisy Ridley garantit la diversité des personnages. Quant à celle des vétérans de la première trilogie, elle pourrait permettre au Réveil de la force de passer la barrière des générations.Dans ce cas, le film serait la fondation d’un nouvel empire, dont les prochaines conquêtes sont déjà programmées  : le prochain épisode de la saga, le huitième, sortira le 26 mai  2017, quarante ans et un jour après le premier. Entre-temps, le 16 décembre 2016, on aura vu Star Wars  : Rogue One, un stand alone.Le succès de cette opération, combiné avec la rentabilité des films Marvel et Pixar, éviterait à Disney les plongées en Bourse qui affectent les sociétés mères des grands studios lorsqu’un film échoue au box-office. Fin novembre, l’action de la firme avait chuté à la suite de l’annonce des mauvais résultats de la chaîne câblée sportive ESPN. Elle a aus­sitôt rebondi lorsqu’on a compris – à ­travers les ­chiffres impressionnants des préventes de tickets pour Le Réveil de la force – que l’acquisition de Lucasfilm pourrait être aussi rentable que celle de Marvel. La force se mesure, tout bêtement, en ­dollars et en cents.« Star Wars VII : le Réveil de la force », film américain (2 h 16) de J. J. Abrams. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac… Sortie le 16 décembre.Thomas SotinelJournaliste au Monde 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h39 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 11.12.2015 à 17h12 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h26 | Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DDASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DDASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le mercredi  25 mai 1977, Star Wars sortait sur trente-deux écrans aux Etats-Unis. Vendredi 18 décembre 2015, Star Wars  : le Réveil de la force y sera projeté dans 4 000 salles. Deux jours plus tôt, le film occupera un millier de cinémas français, dont 282 classés Art & Essai. Le septième film de la saga imaginée par George Lucas a déjà accumulé, en Amérique du Nord, plus de 50 millions de dollars de recettes en préréservations  !En 1977, le succès immédiat de La Guerre des étoiles, en version française, a pris tout le monde par surprise, à commencer par l’auteur et le studio qui avait financé et distribuait le film, la 20th Century Fox. Celle-ci restait sur plusieurs échecs d’affilée, et George Lucas, 32 ans à l’époque, n’avait réalisé que deux longs-métrages jusqu’alors. Le public issu de Woodstock allait-il s’intéresser aux aventures d’un paysan de l’espace devenu chevalier errant, courant à la rescousse d’une princesse retenue prisonnière sur une étoile artificielle par un empire maléfique  ?Quatre décennies et six épisodes plus tard, les questions qui tournent autour du Réveil de la force sont d’un tout autre ordre  : le film dépassera-t-il le record, détenu par Avatar, des recettes en salles (2,8 milliards de dollars dans le monde entier) ? Son succès sera-t-il assez colossal pour assurer l’avenir d’une série de films dont les deux prochains ont déjà été mis en chantier  ? Disney, la multinationale qui a racheté La Guerre des étoiles, ses personnages, ses marques et ses planètes à George Lucas pour 4,4 milliards de dollars, va-t-elle établir un monopole sur l’imaginaire terrien, après avoir déjà absorbé Pixar puis Marvel  ? George Lucas et la rébellion du Nouvel HollywoodRapprocher le premier et le septième épisode de la série, c’est mesurer la mutation de l’industrie du cinéma de divertissement. En 1977, La Guerre des étoiles apparaît comme un fait d’armes des rebelles du Nouvel Hollywood contre l’establishment. George Lucas a imposé ses conditions financières et ses méthodes à la Fox, dirigée par Alan Ladd Jr., comme Coppola a bataillé contre la Paramount pour réaliser Le Parrain, comme Scorsese est en train de faire tourner en bourrique les dirigeants de United Artists depuis le plateau de New York, New York.Personne, même pas le réalisateur, qui n’est pourtant pas dépourvu de capacités visionnaires, ne comprend que La Guerre des étoiles propose à Hollywood un modèle économique qui nécessite des investissements colossaux mais garantit une rentabilité non moins impressionnante. Il faudra plus de trois décennies pour porter ce modèle à sa perfection économique, qu’illustre la sortie de Star Wars  : le Réveil de la force.Cet événement planétaire, dont la première phase se conclura par une sortie en République populaire de Chine, le 9 janvier, est organisé comme une campagne militaire. C’est-à-dire qu’on n’en sait pas grand-chose, tant le secret qui l’entoure est systématique. Du scénario, Disney n’a laissé filtrer qu’une trame très lâche  : l’action est située une trentaine d’années après la fin de l’action du Retour du Jedi. Ce dernier volet de la première trilogie produite par Lucas se terminait par le triomphe de la rébellion démocratique contre l’Empire.«  Je me souviens être allé voir La Guerre des étoiles avec ma fille de 10  ans, le jour de sa sortie, raconte Peter Bart, ancien rédacteur en chef de la publication professionnelle Variety, à l’époque la plus influente de l’industrie cinématographique, où il tient toujours une chronique. Dans l’école de ma fille, personne n’en avait entendu parler, et j’ai dû l’y traîner. Je n’aime pas la science-fiction, mais en découvrant le film je me suis dit  : “Mon Dieu, mais qu’est-ce qu’on nous montre  ?” Il m’a fallu quelques semaines pour assimiler l’importance de ce qui venait de se passer.  »« Notre seul espoir »Ces quelques semaines furent celles qui transformèrent La Guerre des étoiles de succès surprise en phénomène social et économique. Avec le bénéfice du temps, les signes annonciateurs de ce bouleversement apparaissent évidents. Au printemps 1976, George Lucas explique au journaliste du New York Times venu lui rendre visite sur le plateau londonien où le film se fabrique – dans une ambiance délétère, due à la pingrerie du studio et au caractère du réalisateur  : «  A part Disney, personne ne produit plus de films pour les jeunes. La raison pour laquelle je fais La Guerre des étoiles est que je veux donner aux jeunes une espèce d’environnement lointain et exotique dans lequel leur imagination puisse s’ébattre. Je veux qu’ils oublient les stupidités du moment [les Etats-Unis sortent à peine des tempêtes du Vietnam et du Watergate] et qu’ils pensent à coloniser Mars ou Venus. Et la seule façon d’y arriver est de leur montrer un pauvre gamin qui y pense, qui prend son pistolet laser, qui monte dans son vaisseau avec son Wookiee vers l’espace infini. D’une certaine manière, c’est notre seul espoir.  »Dans les années 1960, la désaffection des jeunes pour le cinéma traditionnel a poussé certains producteurs indépendants, voire certains studios, vers une politique favorisant les auteurs contestataires, en prise avec les mouvements sociaux et culturels. Ces œuvres sont destinées aux étudiants, aux jeunes adultes des professions intellectuelles. Les lycéens, les jeunes ouvriers ou employés sont considérés comme perdus pour le cinéma, dévoyés par la musique pop et la télévision. En 1973, un film est pourtant venu démentir cette hypothèse. American Graffiti, réalisé par George Lucas, a failli ne pas sortir, tant Universal, le studio qui l’avait financé, ne croyait pas à son avenir. L’obstination du jeune réalisateur – qui n’avait alors à son actif qu’un film de science-fiction, THX 1138, échec commercial mais succès critique – a garanti la survie du film. Le bouche-à-oreille ­entre jeunes en a fait le succès  : le film, qui évoque l’innocence du début des ­années 1960 sur une bande originale de classiques du rock’n’roll, a rapporté 140 millions de dollars, près de deux cents fois son budget de production.Ce n’est pas assez pour faire de Lucas une valeur sûre  : «  Il n’avait pas la cote dans les studios, raconte Peter Bart. Je me souviens l’avoir vu dans les locaux d’American Zoetrope, la société de Coppola, à San Francisco. C’était un garçon silencieux, que Francis respectait manifes­tement. Mais il n’était pas doué pour les contacts humains.  » Cette rugosité va ­devenir une arme redoutable dans le bras de fer qui oppose George Lucas à la Fox. Malgré les réticences du conseil d’administration de la Fox, Alan Ladd Jr. a accepté de financer le film à hauteur de 7,8 millions de dollars sur la foi d’un ­scénario provisoire, qui a pour héros un pilote spatial nommé Luke Starkiller.Réalisateur avant-gardiste et homme d’affaires aviséA Hollywood, la science-fiction n’a pas bonne réputation. La Warner vient seulement d’amortir la douzaine de millions de dollars investis dans 2001, l’Odyssée de l’espace sept ans plus tôt, en 1968. Un seul élément concret pourrait donner du crédit au pari de Lucas  : le succès dans la jeunesse de la série télévisée Star Trek (1968-1970), autour de laquelle se sont formés des groupes de fans loyaux, les Trekkies, qui se réunissent par milliers dans des conventions.Tout en peaufinant son scénario, George Lucas entreprend la conception, la fabrication et la mise en œuvre des outils nécessaires à la réalisation de sa vision. Il fait construire une caméra dont les mouvements sont contrôlés par ordinateur pour filmer de façon synchrone plusieurs objets se déplaçant dans l’espace. Son ambition est de donner aux vaisseaux spatiaux qui attaquent ou ­défendent l’Empire la fluidité de mou­vement des avions des films de guerre de l’âge d’or d’Hollywood. Pour ce faire, il fonde Industrial Light and Magic, ILM, une firme consacrée aux effets spéciaux cinématographiques qui deviendra bientôt l’une des plus rentables de l’empire George Lucas.Ces innovations coûtent cher  : le budget final du film s’élève à 11  293  000 dollars, soit 45 millions de 2015. C’est beaucoup pour les patrons de la Fox de l’époque, mais les dirigeants actuels de Disney rêveraient d’un coût aussi raisonnable. Même si le budget du Réveil de la force est tenu secret, les estimations les plus modestes l’évaluent à 200 millions de dollars.Lire aussi :« Star Wars » : une histoire à la modeLucas a obtenu ces rallonges parce que La Guerre des étoiles n’est pas une production Fox. Le studio d’Alan Ladd Jr. a financé le film, garde un droit de regard sur sa production et a acquis les droits de ­distribution. Mais Lucasfilm, la société que le cinéaste a montée grâce aux bénéfices d’American Graffiti, en est le pro­ducteur exécutif. Le cinéaste a consolidé cette autonomie lorsqu’il a négocié son cachet  : George Lucas doit toucher seulement 150 000 dollars en tant que scénariste et réalisateur. S’il a accepté une somme aussi modeste (il a travaillé plus de trois ans à temps plein), c’est en échange des droits sur les produits dé­rivés et la bande originale, sans parler d’un contrôle total sur de nouveaux longs-métrages. Lucas a lourdement investi dans les équipements, mais il ne s’est pas ruiné en cachets. A l’exception du vétéran britannique Alec Guinness, payé 15  000 livres par semaine, et qui s’est finalement vu garantir 2 % des profits, les principaux acteurs, Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, alors pratiquement inconnus, sont payés au minimum.La Fox a accepté ces conditions parce qu’elle n’a aucune idée du potentiel du film. Il faut dire que les exploitants ne se bousculent pas pour accepter Star Wars sur leurs écrans. Dès la première projection, le succès est extraordinaire. Fin 1977, l’œuvre a dépassé le récent record des Dents de la mer et devient la championne du box-office nord-américain avec 220 millions de dollars de recettes.Sitôt acquis le succès de La Guerre des étoiles, l’action de la Fox remonte. Quatre ans plus tard, les financiers Marc Rich et Marvin Davis rachètent le studio, revendu en 1984 à Rupert Murdoch. Les autres majors se lancent avec des fortunes diverses dans la science-fiction. George Lucas, qui a juré de ne plus jamais réaliser de film tant celui-ci l’a épuisé, confie le tournage des deux ­épisodes suivants de la série, L’Empire ­contre-attaque (1980) et Le Retour du Jedi (1983) à Irvin Kershner et Richard Marquand, tout en gardant un strict contrô­le sur les produits finis. Les deux films, s’ils n’atteignent pas les résultats du premier, rapportent respectivement 538 millions et 475 millions de dollars dans le monde entier.Succès en sériePendant deux décennies, les grands studios vont vouloir réutiliser les ingrédients qui ont fait le succès de La Guerre des étoiles, tout en essayant d’éliminer les facteurs de risque qui ont donné des sueurs froides aux dirigeants de la Fox pendant l’élaboration du premier épisode de la saga. Il s’agit, donc, de viser le public des jeunes mâles, en leur pro­mettant action et distraction, sans les ­effaroucher par trop de nouveautés.D’où le recours fréquent à des héros de bande dessinée déjà familiers, Superman, Batman, Spider-Man, voire à des marques de jouets comme les Transformers. Le vocabulaire du cinéma se rapproche de plus en plus de celui de la grande distribution  : les «  franchises  » ne désignent plus des succursales de marques opérées par des commerçants indépendants, mais des héros de fiction que l’on peut recycler de longs-métrages en séries d’animation pour la télévision, décliner de comics en jouets.L’idée selon laquelle le cinéma est une industrie de prototype s’estompe au profit d’un modèle de succès reproductible. Bien sûr, le stock limité de héros déjà universellement connus oblige à une course à la nouveauté  : à peine esquissé le succès du premier livre de la saga Harry Potter, la Warner investit massivement dans le long-métrage tiré des livres de J.K. Rowling. Pour s’assurer des sources d’approvisionnement, ce studio a acquis l’éditeur DC Comics (Superman, Batman…) dès 1989. En 2009, c’était au tour de Disney d’acheter, pour 4 milliards de dollars, un stock de héros en justaucorps grâce à la prise de contrôle de Marvel (Avengers, Hulk, Spider-Man…).Les majors américaines consacrent désormais l’essentiel de leurs ressources à la construction de séries pérennes, laissant la production des films destinés aux adultes – ceux que l’on présente aux Oscars – à des indépendants. Disney met en avant le concept d’« univers  », qui permet d’entrecroiser les intrigues des films, transformant chaque long-métrage en promotion pour le suivant, immergeant le spectateur-consommateur dans un flux d’images et d’objets qui ne s’interrompt jamais. Warner espère imiter Disney avec les prochains longs-métrages écrits par J.K. Rowling, inspirés de l’imaginaire de Harry Potter, dont le premier doit sortir le 16 novembre 2016.Ces univers virtuels sont fréquentés par des citoyens du monde entier. A la fin des années 1970, l’idée de montrer La Guerre des étoiles aux habitants d’un pays à peine débarrassé de la « bande des quatre  » n’aurait même pas traversé l’esprit d’un dirigeant de la Fox. Aujourd’hui, la sortie en République populaire de Chine, devenue le deuxième marché cinématographique mondial après les Etats-Unis, est un enjeu majeur pour Le Réveil de la force.Des milliards de dollars… et de moqueriesCes bouleversements économiques ont pour pendant technologique la conversion numérique du cinéma. C’est elle qui a permis la réalisation d’effets spéciaux. Elle aussi, grâce aux copies sur disque dur, qui permet d’envahir efficacement les écrans des multiplexes de la planète, avec des images impeccables – en relief, sur écran courbe… C’est enfin elle qui ­garantit que le produit se diffusera – licitement ou pas – jusqu’aux derniers ­confins de la galaxie, sur des écrans d’ordinateur, de télévision ou de téléphone.Bien plus que la résurrection d’une série chérie par des millions de spectateurs, Le Réveil de la force est le couronnement de cette mutation du cinéma, entamée il y a trente-huit ans par un jeune homme solitaire. Entre 1999 et 2005, George Lucas est revenu à la réalisation en proposant une seconde trilogie, dont l’histoire est située avant celle des trois premiers films. La Menace fantôme, L’Attaque des clones et La Revanche des Sith ont rapporté des centaines de millions de dollars (plus de 1 milliard de recettes pour le premier volet), tout en suscitant le rejet et la moquerie. Les nouveaux personnages (dont Jar Jar Binks, créature qui évoque dangereusement la représentation des Afro-Américains dans les vieux films hollywoodiens), les scénarios laborieux, les dialogues absurdes n’ont pas suffi à décourager la clientèle. Aussi obstiné et isolé du monde qu’il soit, le cinéaste sexagénaire a cependant bien compris que les fans ne veulent plus de lui sur le trône galactique. En 2012, il cède la direction de Lucasfilm à la productrice Kathleen Kennedy  ; en octobre de la même année, Disney annonce le rachat de la société pour 4,4 milliards de dollars. Dans un premier temps, il est question de mettre en chantier une troisième trilogie d’après des ébauches de scénarios sur lesquelles Lucas travaillait au moment de la cession. Il n’en sera rien.En janvier 2013, Disney annonce que la réalisation du nouveau film sera confiée à J.J. Abrams. Ce réalisateur de 49  ans a débuté sous l’égide de Steven Spielberg. Il a fait ses preuves économiques à la télévision avec les séries Alias et Lost, les disparus avant de redonner vie à des franchises que l’on croyait en voie d’épuisement, Mission  : Impossible et Star Trek. Il a « rebooté  » (mis les compteurs à zéro, en mobilisant de nouveaux interprètes, en réécrivant l’histoire originelle de la série) le vieux space opera télévisé avec succès, et c’est au moment où il s’apprête à mettre en chantier le troisième épisode de cette nouvelle série dans la série que Disney le débauche.L’épisode VII, une démonstration de forceCe que l’on sait du film, dont le tournage a commencé en avril 2014 à Abou Dhabi (l’essentiel se déroulera en Grande-Bretagne), a été savamment distillé par Disney. De la distribution (retour du trio Ford-Fisher-Hamill, apparition d’acteurs inconnus…) aux éléments de scénario, en passant par les accessoires, tout est fait pour donner l’impression que les informations fuitent, alors qu’elles sont scientifiquement diffusées. « Le succès du premier film s’est ­construit sur le bouche-à-oreille des fans, remarque Peter Bart. Cette fois, la machine du marketing s’impose au public. »Chez Disney France, on détaille cette ­articulation entre la communication de la firme et les réseaux sociaux  : « A Paris, nous avons décoré une rame de métro et une station aux couleurs du film. Ce sont les utilisateurs des réseaux sociaux qui font circuler l’information en se prenant en photo, en postant des images  », explique Frédéric Monnereau, directeur du marketing. Lorsqu’il s’est agi de faire le point sur le film, à quelques mois de sa sortie, en juillet, Disney et Lucasfilm n’ont pas convoqué de conférence de presse, préférant se servir de la convention des fans de Star Wars, répondant (ou pas) à leurs questions, comptant sur les pages Facebook et les comptes Twitter pour répandre la bonne parole.« De toute façon, l’enjeu n’est pas le film lui-même  », observe mélancoliquement Peter Bart. Il s’agit en effet de savoir si l’opération sera rentable à court terme pour Disney. La réponse est presque certainement affirmative. Certes, le film sort à un moment de l’année qui n’est pas favorable aux records  : Avatar, qu’on avait aussi découvert en décembre 2009, avait connu un début modeste, avant de conquérir la planète. Le Réveil de la force pourrait changer la donne, peut-être battre le record de recettes établi par Jurassic World l’été dernier avec 209 millions de dollars pour son premier week-end d’exploitation. Le film de J. J. Abrams est fait pour durer en salles.« Notre campagne est divisée en trois phases, explique Frédéric Monnereau. La première se termine avec la sortie en salles, la deuxième se joue dans les jours qui la suivront. Il faut que les gens reviennent et suscitent la curiosité des autres. La troisième se passera en janvier. » Les succès colossaux comme Avatar reposent en effet sur les visions répétées du même film par les mêmes spectateurs. Leur nombre est la seule incertitude, elle dépend du pouvoir de séduction du Réveil de la force.L’action Disney a déjà rebondiOn sait déjà que Disney, Abrams et les scénaristes (Lawrence Kasdan, un vétéran de la première trilogie, Michael Arndt, remercié en cours d’écriture, et Abrams) ont pris leurs précautions pour éviter les critiques adressées à George Lucas dans les années 2000. La présence dans les premiers rôles de John Boyega, jeune acteur britannique d’origine nigériane, et de sa compatriote Daisy Ridley garantit la diversité des personnages. Quant à celle des vétérans de la première trilogie, elle pourrait permettre au Réveil de la force de passer la barrière des générations.Dans ce cas, le film serait la fondation d’un nouvel empire, dont les prochaines conquêtes sont déjà programmées  : le prochain épisode de la saga, le huitième, sortira le 26 mai  2017, quarante ans et un jour après le premier. Entre-temps, le 16 décembre 2016, on aura vu Star Wars  : Rogue One, un stand alone.Le succès de cette opération, combiné avec la rentabilité des films Marvel et Pixar, éviterait à Disney les plongées en Bourse qui affectent les sociétés mères des grands studios lorsqu’un film échoue au box-office. Fin novembre, l’action de la firme avait chuté à la suite de l’annonce des mauvais résultats de la chaîne câblée sportive ESPN. Elle a aus­sitôt rebondi lorsqu’on a compris – à ­travers les ­chiffres impressionnants des préventes de tickets pour Le Réveil de la force – que l’acquisition de Lucasfilm pourrait être aussi rentable que celle de Marvel. La force se mesure, tout bêtement, en ­dollars et en cents.« Star Wars VII : le Réveil de la force », film américain (2 h 16) de J. J. Abrams. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac… Sortie le 16 décembre.Thomas SotinelJournaliste au Monde 10.12.2015 à 11h00 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h39 | Emmanuelle Jardonnet « Ça commence à ressembler à un gag », lâche mercredi 9 décembre Brahim Chioua, l’un des dirigeants de Wild Bunch, distributeur du film d’Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle. Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Paris avait rendu publique sa décision d’annuler le visa d’exploitation du film en raison de « scènes de sexe réalistes de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».Depuis sa sortie en salles, le 9 octobre 2013, le film, Palme d’or la même année, était interdit aux moins de 12 ans, avec un avertissement formulant mot pour mot cette référence aux scènes les plus explicites. La ministre de la culture, à qui les plaignants reprochaient une « erreur d’appréciation », a désormais deux mois pour déclassifier le film à la hausse, avec une interdiction aux moins de 16 ans ou de 18 ans.« Cette décision me paraît plutôt saine », réagit Abdellatif Kechiche, à contre-courant de son distributeur et du ministère de la culture. « Je n’ai jamais pensé que mon film pouvait être vu par des gamins de 12 ans, et je déconseille personnellement à ma fille de le voir avant qu’elle ait 14 ou 15 ans. » Aussi l’interdiction aux moins de 16 ans ne le « dérangerait pas », a-t-il déclaré au Monde. Cette histoire d’amour n’a-t-elle pas pour héroïne une lycéenne ? « Mes films touchent à l’adolescence, mais s’adressent plutôt à ceux qui ont une nostalgie de l’adolescence. Ça a plus d’intérêt pour les adultes que pour les adolescents qui n’ont pas encore vécu la douleur d’une rupture. C’est avant tout un film sur la rupture », analyse le réalisateur.Catholique traditionnalisteQuoi qu’en pense le cinéaste, cette décision est une nouvelle victoire pour Promouvoir, redoutable d’efficacité dans son combat contre « la violence et le sexe dans la culture ». Au palmarès de cette association implantée en PACA figurent notamment la classification X du film Baise-moi de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, en 2000, et l’interdiction aux moins de 18 ans pour Ken Park, de Larry Clark, en 2004. Cette année, Promouvoir a obtenu la même sanction pour le film d’horreur Saw 3D et Love, de Gaspard Noé, un film également distribué par Wild Bunch.Derrière ces succès de procédure de l’association, qui existe depuis près de vingt ans, s’active André Bonnet, son fondateur, un catholique traditionaliste père de huit enfants, ex-militant Front national, période mégrétiste, et ancien président de tribunal, aujourd’hui avocat. Promouvoir avait été déboutée en première instance, en septembre 2014, par le tribunal administratif de Paris. Pour André Bonnet, joint par Le Monde, cette décision en appel « doit alerter la ministre sur les graves dysfonctionnements qui existent au sein de la commission de classification des films. Celle-ci doit être réformée, car ça ne fonctionne plus ».L’entourage de la ministre de la culture, Fleur Pellerin, annonce de son côté qu’elle souhaite porter cette décision en cassation, devant le Conseil d’Etat, tout comme elle l’avait déjà fait pour Love. « La ministre attend par ailleurs un rapport de Jean-François Mary, qui doit remettre ses conclusions sur la classification des films dans quelques semaines », confie son cabinet au Monde.« Il y a une prise de conscience au ministère de la culture sur la nécessité de faire évoluer le texte de la commission des films afin de ne plus permettre à cette association de faire la pluie et le beau temps dans la classification », souligne Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création, groupe de travail de la Ligue française des droits de l’homme, qui a fait une demande en ce sens. « Un texte différent doit permettre à la commission de retrouver sa raison d’être, estime Brahim Chioua, de Wild Bunch. Ces jugements sont conformes aux textes, c’est le texte qui est trop contraignant : la part artistique, la volonté de l’auteur doivent aussi être appréciés. »L’auteur, en l’occurrence, n’est pas du même avis : selon Abdellatif Kechiche, ce pourvoi en cassation est une « démarche (qui) n’a pas d’intérêt ». Dans l’entourage de la ministre, en revanche, on précise que « c’est un principe qui dépasse les réalisateurs des films concernés ».Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.12.2015 à 06h41 | Isabelle Regnier Un bon gros film d’aventures (Au cœur de l’océan, de Ron Howard), un chef-d’œuvre japonais inédit de 1964 (Une femme dans la tourmente, de Mikio Naruse), une fantaisie musicale bien de son époque (Comment c’est loin, d’OrelSan) : cette semaine, il y en aura pour tous les goûts, et toutes les humeurs.AUX SOURCES DE MOBY DICK : « Au cœur de l’océan », de Ron HowardFilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé bien connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot d’une taille hors du commun. Ron Howard met un enthousiasme remarquable à reconstituer non seulement des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier –, mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. C’est dire que l’histoire de l’Essex n’est pas celle du Pequod, que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma évoquant un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Thomas SotinelSUBTIL TRÉSOR DU CINÉMA NIPPON : « Une femme dans la tourmente », de Mikio Naruse Compter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est sans conteste l’élément le moins identifiable parmi le quatuor des grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a eu six mois pour jouir de son mariage avant la mort de son mari au front, y gère depuis dix-huit ans l’épicerie de sa belle-famille, qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa belle-mère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beau-frère, Koji, frère cadet de son mari défunt, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. Jacques MandelbaumORELSAN TROUVE LE BON TEMPO : « Comment c’est loin », d’OrelSan et Christophe OffentsteinA 25  ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques «  punchlines  » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opérateur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans  ? Les spectateurs du « Petit Journal  » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma. Isabelle RegnierDES MOUTONS ET DES HOMMES : « Béliers », de Grímur HákonarsonSi l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi et Kiddi vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Mais avant l’humour, il fait la part belle à la tendresse, filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent ces bêtes aimées, et dont la perspective de l’extinction de la lignée fait souffler un vent de fin des temps sur leur petit monde. Noémie LucianiLA GRANDE GUERRE, RACONTÉE AUX ADULTES : « Cafard », de Jan BultheelLe 21 octobre sortait Adama, de Simon Rouby, qui racontait à travers un regard d’enfant le voyage des tirailleurs sénégalais jusqu’à Verdun. Quelques semaines plus tard, en ce début du mois de décembre, l’animation s’essaie de nouveau à nous apprendre ou réapprendre l’Histoire. Celle que le réalisateur belge Jan Bultheel a voulu raconter est encore moins connue que celle des tirailleurs sénégalais. Il s’est inspiré d’un livre d’August Thiry et Dirk Van Cleemput, Voyageurs de la Grande Guerre, pour transposer en fiction l’épopée singulière de l’ACM : autos-canons-mitrailleuses, première division blindée du monde et corps d’élite de l’armée belge, envoyée sur le front de l’Est dès l’été 1915 et revenue au pays en juillet 1918, après avoir fait le tour du monde. Cafard fait le pari d’une animation franchement tournée vers les spectateurs adultes ou grands adolescents, susceptibles d’en apprivoiser l’image comme d’en supporter la violence. Si les scènes de combat sont terribles, c’est plutôt aux ravages de la guerre dans l’âme, à la violence intime, que s’intéresse le réalisateur. De la Belgique à la Russie, de la Russie aux Etats-Unis, c’est une longue odyssée qui nous est racontée. Les décors changent, les regards changent, mais la guerre a partout le même visage : pour Jan Bultheel, c’est un combat des ombres contre la lumière. Tourné en prises de vues réelles, Cafard aurait peut-être tablé sur un jeu compliqué de projecteurs et marché sur les traces de Fritz Lang et de l’expressionnisme allemand. L’animation lui permet d’aller plus loin encore dans ses contrastes, jusqu’à ce remarquable paradoxe qui en fait toute la force : faire vrai en travaillant au bord de l’abstraction. N. Lu.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau La NASA a eu beau animer une partie de l’actualité de 2015, le 16 décembre, la planète la plus connue de l’année viendra inéluctablement de la galaxie Star Wars. Depuis la première bande-annonce pour Le Réveil de la force, en avril, Jakku a été placée sous les projecteurs, et Disney a sorti l’artillerie lourde (livres, expériences de réalité virtuelle, jeux vidéo) pour donner vie en quelques mois à cette planète sableuse.La touche finale intervient avec Star Wars Battlefront, le jeu vidéo de tir d’Electronic Arts. Le 8 décembre (le 1er pour ceux qui l’avaient réservé), un contenu additionnel de 1,5 Go permet de télécharger la fameuse « bataille de Jakku », sous forme de deux cartes différentes.« C’était quelque chose que nous voulions faire pour donner aux fans un avant-goût du film », explique au Monde Niklas Fegraeus, chef de projet sur le jeu vidéo. Cette extension permet de fouler de manière virtuelle le sol de Jakku, trente ans avant les événements de Star Wars VII. Et surtout de découvrir cette planète jusque-là inédite.Un nouvel univers étenduJakku est le produit de la réécriture récente de la mythologie Star Wars. Au début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, jeux de plateau, bandes dessinées ou jeux vidéo, étaient désormais considérés comme de simples « légendes ». A la place, un nouvel univers voit le jour, avec la bande-annonce du 16 avril comme premier indice.« Les gens ont d’abord pensé qu’il s’agissait de Tatooine [la planète où débute l’épisode IV de La Guerre des étoiles]. Mais c’est Jakku », s’était amusé J.J. Abrams, le réalisateur du septième épisode, peu après la première bande-annonce dévoilant les dunes du prochain film.Alors que le très critiqué La Menace fantôme s’était ouvert sur la présentation d’un nouveau lieu guère resté dans les annales, Naboo, le réalisateur de Star Trek et Super 8 a tenu à rappeler la particularité de la saga. « Star Wars est plus proche d’un western et d’un conte de fées que de quoi que ce soit d’autre », avait-il expliqué pour justifier sa recherche de paysages arides à la John Ford.L’histoire de la saga ? Entièrement à réécrire, afin de remplir les trente ans qui séparent les événements de Star Wars VI de ceux du VII. Une série de vingt livres est ainsi annoncée. Deux d’entre eux, sortis aux Etats-Unis le 4 septembre, marquent la naissance officielle de Jakku en tant que planète du nouvel univers étendu.Star Wars Aftermath, de Chuck Wendig, qui raconte la chute de l’Empire, et Star Wars Lost Stars, de Claudia Gray, qui aborde le conflit entre deux personnages rangés dans les camps opposés, évoquent pour la première fois cette planète de la Bordure extérieure, au climat aride, et théâtre cinq ans après les événements du Retour du Jedi de la bataille de Jakku.Celle-ci voit une nouvelle victoire des rebelles contre l’Empire. Ce qu’il en reste, un monde hostile ravagé, couvert de débris et carcasses à l’abandon, servira de point de départ au film, tel que J.J. Abrams, le nouvel homme fort de Star Wars, l’a imaginé.« Première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière »Dès lors, Disney et ses partenaires mettent en avant cette lointaine cousine de Tatooine (l’emblématique planète où Luke Skywalker a grandi, désertique elle aussi). Dès septembre, une vidéo postée sur Facebook permet d’en faire le tour en caméra embarquée sur un speeder.Puis début décembre, Disney a également lancé Jakku Spy, une expérience de réalité virtuelle réservée aux possesseurs de Google Cardboard (un système de lunettes à monter soi-même). Le site officiel se gargarise :« Il vous met dans la peau d’un agent secret de la résistance sur Jakku, vous enveloppe dans une réalité virtuelle étourdissante, et dévoile plusieurs aspects narratifs. Tout cela mène à “Star Wars : Le Réveil de la force”, et c’est la première fois que “Star Wars” est raconté de cette manière. »Alexis Blanchet, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-III, y voit une évolution du transmédia, la pratique consistant à mêler différents supports. « Depuis les années 2000, la plupart des adaptations de films en jeu vidéo insistent sur les plans larges. Ils ont un caractère de tourisme interactif. Star Wars Battlefront s’inscrit dans cette continuité. Mais avec la réalité virtuelle, on franchit une étape supplémentaire. » Pour l’auteur de Des pixels à Hollywood (Pix’n Love, 2010), cette communication à 360° autour d’une planète de science-fiction a au moins un célèbre antécédent, le film de James Cameron de 2009. « Le slogan d’Avatar, c’était “Enter the world”, et le film avait été qualifié par certains critiques de planet opera. Le lieu était au centre de l’ambition cinématographique de James Cameron, ce qui peut être considéré comme une prémisse à Jakku. » Une approche à la « Avatar »Enfin, en dépit d’une longue histoire en jeu vidéo, c’est la première fois qu’une adaptation de Star Wars converge autant avec le film. « Ce qui est intéressant, relève Alexis Blanchet, c’est qu’au moment de la sortie de La Menace fantôme, le jeu Star Wars Pod Racer proposait des courses sur toute une série de planètes, qui, à part Tatooine, avaient toutes été inventées pour le jeu. Aujourd’hui, nous sommes dans la configuration exactement contraire, celle du retour à une matrice d’univers d’une cohérence totale. » Les développeurs de Star Wars Battlefront ont d’ailleurs pu s’appuyer sur des éléments de première main pour reconstituer le désert de Rub al-Khali, aux Emirats arabes unis, où ont été tournées les scènes du film consacrées à Jakku. « Nous avons eu la possibilité d’aller sur le plateau de tournage à Abou Dhabi et de collecter des tonnes de références et de données photogrammétriques. Cela nous permet d’apporter de l’authenticité au jeu », se félicite Niklas Fegraeus.On y arpente ainsi, blaster en main, une planète désertique jonchée d’ordures et de carcasses d’appareils impériaux détruits, au ciel strié de croiseurs stellaires, et aux dunes dont jaillissent stormtroopers ou rebelles dans une ultime bataille. Celle-ci a demandé des efforts d’adaptation, convient Niklas Fegraeus.« La principale difficulté a été de trouver un équilibre entre les besoins du jeu et ce qui est pour l’essentiel un désert plat. Néanmoins, les épaves et les cicatrices laissées par la guerre dans le décor offrent de nombreuses solutions et des espaces d’amusement très intéressants. Je crois qu’on a réussi à trouver un bon mix entre paysages épiques et champ de bataille avec de nombreux recoins. »Bien sûr, tous ces efforts de communication n’auront de sens que si le film réussit à convaincre. Comme le résume Entertainment Weekly, il y avait Lawrence d’Arabie, il y aura peut-être maintenant Abrams de Jakku.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde 18.12.2015 à 16h25 • Mis à jour le18.12.2015 à 17h14 | Renaud Machart DOCUMENTAIRE SUR ARTE À 22 H 40Arte propose un documentaire grand oublic sur la vie de l’actrice et chanteuse au destin météorique.Si elle n’était parfaitement documentée, notamment par Gerald Clarke, le biographe de la chanteuse et actrice (Get Happy : The Life of Judy Garland, Random House, 2000), la vie de Judy Garland, née Frances Ethel Gumm le 10 juin 1922, paraîtrait inventée au profit d’un mélo larmoyant.La petite est une enfant de la balle : son père dirige une salle de cinéma, et sa mère la traîne voir des spectacles après l’école et l’oblige, ainsi que ses deux grandes sœurs, à se produire sur scène, sous le nom des « Gumm Sisters », dans l’un de ces « Sister Act » qui faisaient fureur.Judy est-elle fatiguée par le rythme imposé aux Gumm Sisters ? Sa mère lui donne quelques pilules remontantes ; Judy ne parvient pas à dormir ? Quelques somnifères feront l’affaire. C’est là que prendra ancrage la dépendance de Judy Garland aux drogues, puis à l’alcool, dont elle abusera toute sa vie ainsi qu’en témoigne, avec d’autres, dans le documentaire d’Annette Baumeister et Jobst Knigge, Stevie Phillips, assistante pendant quatre ans de Garland et qui a publié, en juin, Judy & Liza & Robert & Freddie & David & Sue & Me… : A Memoir (Saint Martin’s Press).Adulée en AngleterreRepérée par la Metro Goldwyn Mayer (MGM), Garland y entre sous contrat dès 1935 et incarne le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz (1939), de Victor Fleming, qui sera son plus grand succès international. Sa relation avec le studio sera toujours compliquée : elle ne correspond pas aux canons de beauté associés aux premiers rôles féminins (Louis B. Mayer, le cofondateur de la MGM, l’appelait, non sans cruauté, « ma petite bossue »), de sorte qu’elle joue surtout dans des films musicaux dans lesquels ses dons comiques font souvent merveille.Le studio continue de lui fournir des « remontants » et des « calmants » pour lui faire tenir le rythme effréné des tournages. Mais, au cours de sa carrière, l’absorption de plus en plus massive de ces adjuvants la fait arriver en retard ou s’absenter. On le tolère tant que Garland est une vedette ; mais, en 1950, alors que sa carrière décline, la MGM la laisse tomber. Judy Garland tournera encore quelques films, mais c’est surtout la chanteuse que le monde applaudit. Elle se produit en Angleterre notamment, où elle est adulée. Les Américains la reverront à la télévision, dans The Judy Garland Show (1963-1964), qu’elle accepte d’animer pour rembourser ses dettes.Mais, une fois l’émission annulée après une saison, Garland reprend ses tours de chant et s’installe à Londres, où elle épousera son cinquième mari et mourra le 22 juin 1969, à l’âge de 47 ans, des suites d’une ingestion – volontaire ou accidentelle – de barbituriques.Ce film n’apprend guère autre chose qu’on ne sache déjà sur le destin météorique de Judy Garland, sur ses dépressions, ses tentatives de suicide, ses relations malheureuses avec les hommes, souvent abusifs, parfois homosexuels, comme Vincente Minnelli, dont elle partage la vie de 1945 à 1951 pour s’en séparer après l’avoir trouvé au lit avec leur chauffeur… Le documentaire rappelle aussi que le père de Garland était homosexuel.On y découvre cependant son plus jeune enfant, Joseph (Joey) Luft, aujourd’hui âgé de 60 ans. Dans ses yeux et son sourire passe la mélancolie un peu hagarde de celui qui ne connut que les dernières années, pénibles et malheureuses, de sa mère, disparue alors qu’il était tout juste adolescent.Trop jeune pour mourir : Judy Garland, d’Annette Baumeister et Jobst Knigge (2015, All, 53 min). Samedi 19, à 22 h 40 sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Eric Albert (Londres, correspondance) Dans le monde merveilleux de Disney, les journalistes sont des « partenaires » qui accompagnent le « voyage » que représente la sortie d’un film, en l’occurrence le dernier opus de Star Wars. Un voyage qui a connu un arrêt à Londres, jeudi 17 décembre, où était organisée une rencontre des médias avec les acteurs et le réalisateur. Pour l’opération de promotion, un étage entier de l’hôtel Corinthia – décoré des nombreux produits dérivés de la série – avait été réservé pour permettre à la presse européenne d’interroger Harrison Ford, Carrie Fisher, Daisy Ridley, J. J. Abrams et les autres… Parler de « presse » est cependant un peu vite dit, étant donné le mélange des genres entre les fans et les journalistes.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPendant la conférence de presse limitée à une durée d’une demi-heure, avec neuf protagonistes derrière les micros – soit trois minutes par acteur en moyenne –, la première question est venue d’un membre d’un fan club français. Peu après, Dennis Weening, un présentateur de jeux télévisés aux Pays-Bas, bras tatoués et air ému, s’est levé : « Quand j’étais petit, je collectionnais les figurines de Star Wars. Aujourd’hui, mon fils fait la même chose. S’il vous plaît, est-ce que je peux vous demander de les signer ? » Et il a sorti d’un sac les personnages en plastique, soutirant des autographes aux acteurs, pendant que s’égrenaient les précieuses minutes consacrées aux questions.4 minutes et 26 secondes avec J. J. AbramsL’espoir de se rattraper dans les interviews en tête à tête avec les stars était mince : le temps imparti pour chaque entretien était limité… à cinq minutes. Ou plus précisément, pour la rencontre du Monde avec le réalisateur J. J. Abrams, 4 minutes et 26 secondes. Une tentative d’ajouter une dernière question a été rejetée fermement : « Vous avez eu votre créneau ! »Sachez donc que l’objectif du réalisateur était de retrouver l’esprit des trois premiers films, sortis entre 1977 et 1983, que la pression qu’il a ressentie était énorme « mais jamais plus forte que l’opportunité » de faire ce nouvel épisode, et que celui-ci cherche à faire naître une nouvelle génération de fans, notamment en Asie…L’attribution des interviews fut également un exercice intéressant. Parmi la presse francophone, c’est un certain Wartek, blogueur vidéo basé à Genève, qui en a obtenu le plus – six. L’explication ? Outre qu’il compte 410 000 abonnés, ses vidéos sont diffusées sur YouTube via Maker Studios, une plateforme qui appartient… à Disney. Un lien commercial dont il n’est pas fait mention à l’écran.Discuter avec BB-8Pour faire patienter les journalistes entre deux interviews express, Disney offre ce qu’il maîtrise le mieux : de l’entertainment. On peut ainsi s’amuser à « discuter » avec BB-8, un nouveau robot introduit dans Star Wars (« C’est le vrai, utilisé sur le tournage ») ou s’entraîner au sabre laser avec C. C. Smiff, celui qui a appris aux acteurs le maniement de l’arme.Tout est filmé, bien sûr, et les médias peuvent ainsi abreuver leurs rédactions de séquences vidéos, photos et selfies. Transformés en fans, les journalistes ne manqueront pas de poster sur les réseaux sociaux leur rencontre avec les êtres touchés par la Force.Eric Albert (Londres, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les titres des neuf films retenus pour la « shortlist » de l’Oscar du film en langue étrangère ont été dévoilés, vendredi 18 décembre, à Los Angeles par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences.Pour la première fois depuis Intouchables, en 2011, le film présenté par la France figure sur cette liste. Il s’agit de Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc.Une coproduction française est également en lice : Le Tout Nouveau Testament, de Jaco van Dormael (Belgique).Les autres films présélectionnés sont : L’Etreinte du serpent, de Ciro Guerra (Colombie) ; Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes (Hongrie) ; A War, de Tobias Lindholm (Danemark) ; The Fencer, de Klaus Härö (Finlande) ; Viva, de Paddy Breathnach (Irlande) ; Theeb, de Naji Abu Nowar (Jordanie) et Le Labyrinthe du silence, de Guido Ricciarelli (Allemagne).Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsCinq candidats choisis en janvierLes neufs longs-métrages de la « shortlist » seront visionnés par les membres de deux comités, à New York et à Los Angeles. Ces comités choisiront les cinq candidats à l’Oscar, et cette nomination, comme celles de toutes les catégories, sera annoncée le jeudi 14 janvier.Parmi les films de cette liste, Mustang et le candidat irlandais, Viva – tourné en castillan à Cuba –, ne sont pas interprétés dans la langue du pays qui les présente. Deux autres, Le Fils de Saul et Le Labyrinthe du silence, évoquent l’extermination des juifs d’Europe et ses séquelles. A War relate le sort d’un officier danois accusé de crime de guerre à son retour d’Afghanistan, Theeb revient sur le passé colonial de la péninsule arabique et The Fencer sur l’emprise soviétique sur les pays baltes.Sur ces neuf titres, trois – Mustang, Le Tout Nouveau Testament et L’Etreinte du serpent – ont été présentés en mai à la dernière Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, un a concouru dans la sélection officielle, Le Fils de Saul.Thomas SotinelJournaliste au Monde Marine Benoit Un « Gremlins 3 » se prépare. Dans la foulée, le retour d’autres blockbusters est annoncé. De quoi séduire une foule de jeunes ados et rendre nostalgiques beaucoup de leurs parents.« Blade Runner 2 », un retour en... 2019 ? La suite de ce mythique film de science-fiction réalisé par Ridley Scott en 1982 est prévue mais n’a pas encore été tournée. Pour voir sur grand écran Blade Runner 2, peut-être faudra-t-il attendre 2019, année où, justement, l’histoire se situe. En attendant, on sait déjà que Ryan Gosling marchera dans les pas d’Harrison Ford et que le Canadien Denis Villeneuve sera derrière la caméra, à la réalisation. « Les Goonies 2 », come-back annoncé Evoquez devant n’importe quel quadra cette comédie de 1985 réalisée par Richard Donner, et vous verrez sans doute une lueur apparaître dans ses yeux. Il y a en effet peu de chances qu’il soit passé à côté du phénomène Goonies, du nom d’une bande de gamins déterminés à retrouver un trésor. L’acteur Sean Astin a récemment garanti « à 100 % » le retour des Goonies. La lueur au bout du tunnel. « Top Gun 2 », décollage retardé Réalisé par Tony Scott en 1986, ce film d’aviation qui a propulsé la carrière de Tom Cruise aura droit à un nouveau décollage, à une date encore indéterminée. Sur sa page Facebook, Val Kilmer a, il y a peu, laissé fuiter qu’il reprendrait son rôle, et a confusément évoqué le nom du réalisateur Francis Ford Coppola – cela reste à confirmer. Tom Cruise, lui, est partant… à condition de piloter un avion pour de vrai. « S.O.S. Fantômes 3 », salles hantées dès juillet Après plusieurs faux départs, le troisième opus de la saga loufoque lancée par Ivan Reitman en 1984 devrait voir finalement le jour outre-Atlantique en juillet prochain. Réalisé par Paul Feig, ce volet au casting entièrement féminin sera un « reboot », soit un nouveau départ déconnecté de l’histoire originale. Bill Murray et Dan Aykroyd devraient toutefois y faire quelques apparitions fugaces. « Gremlins 3 », monstres en vue Les fans du Mogwaï Gizmo, boule de poils à manier avec précautions, reprennent espoir. Alors que la rumeur d’un Gremlins 3 enfle et retombe régulièrement, Zach Galligan, héros des deux premiers volets sortis en 1984 et 1990, a confirmé le 27 novembre qu’un film est bien en préparation. « Ni reboot ni remake », a-t-il lâché, mais quelque chose « dans la lignée de Jurassic World », soit une intrigue qui tient compte des 25 années écoulées.Marine BenoitJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.fr. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Romain Geoffroy et Gabriel Coutagne Certes, il y avait eu l’avant-première mondiale à Los Angeles, lundi 14 décembre, à laquelle une poignée de privilégiés avait pu assister. Mais c’est ce mercredi qu’est sorti officiellement le septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force dans certains pays européens, dont la France. La plupart des autres pays devront attendre encore deux jours, au moins, pour en profiter.Bourrés d’appréhension ou emplis d’espoir, ils étaient des centaines à se presser dès l’aube à l’entrée des salles diffusant les premières séances du film, vers 9 heures du matin. A cette heure-là, c’est avec un ticket réservé depuis plusieurs mois que les fans sont arrivés, car assister à la toute première séance, cela permet notamment de ne pas se faire « spoiler » le film.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifPlan Vigipirate oblige, chaque spectateur devait ouvrir son sac et son manteau avant de pénétrer dans les salles obscures. Des mesures de sécurité qui ont rassuré certains et en ont agacé d’autres. « Je dois baisser mon pantalon ? », ironisait un futur spectateur à l’entrée de l’UGC Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris. « C’est Bagdad, ici ! » pestait un autre.La première séance à l'UGC Bercy commence dans une heure et deja deux longues files d'attente. #StarWars https://t.co/05WcenNW7V— romaingeoffroy (@Romain Geoffroy)require(["twitter/widgets"]);A la sortie, la pression était retombée. « J’ai eu l’impression de retourner en enfance, tant la charge émotionnelle est puissante », confiait Bruno, venu avec sa compagne Anouk à l’une des toutes premières séances. Bouleversé à la sortie de la salle, presque essouflé, ce conseiller en sécurité de 34 ans, estimait que ce septième opus « se rapproche de l’épisode V : L’Empire contre-attaque », son préféré. Il avait été déçu lors de la sortie de la prélogie (les épisodes I, II et III) au début des années 2000. Ce nouvel épisode, il a déjà prévu de le revoir, « cinq ou six fois » et « dès ce week-end ».Anouk, qui a découvert la saga « sur le tard », était un peu moins entousiaste, même si elle a adoré le rôle de Rey dans le film, interprété par Daisy Ridley : « Ce personnage féminin est très bien fouillé, son rôle est bien écrit, on ne tombe pas dans le cliché de la fille tartignole, et elle n’a pas non plus un rôle d’homme comme on le voyait dans le dernier Mad Max. »Plus loin, un fan de la première heure, Jérémie, qui avait sorti pour l’occasion un pull Star Wars, faisait part de sa satisfaction, « surtout visuellement ». « Les effets spéciaux sont beaucoup plus réussis, et le film n’en abuse pas comme dans la prélogie. Cela fait du bien de voir des décors naturels au lieu d’un fond vert. »Comptable, il avait dû, comme beaucoup ce mercredi matin, poser un jour de congé pour assister à l’une des premières séances dans la capitale. « Je suis allé voir la version française ce matin car il n’y avait plus de places à la séance en version originale sous-titrée », confiait-il. Comme tout fan qui se respecte, Jérémie devait, de toute façon, aller revoir le film en VO dès l’après-midi.« On retrouve l’humour des vieux épisodes »Baptiste, levé aux aurores et devant le cinéma depuis 7 h 30, pointait, lui, les nombreuses « références à la première trilogie (...). Il y a beaucoup d’humour, comme dans les plus vieux, voire parfois un peu trop. » Le juriste de 23 ans, grand fan de la musique du compositeur John Williams, racontait aussi une séance pas vraiment comme les autres : « Au moment où on revoit Han Solo pour la première fois, tout le monde a applaudi ». Cette ambiance bon enfant n’était apparemment pas propre à la salle de Bercy. Dès 11 heures mercredi, Timothé et Valentin ont vu le film au MK2 Bibliothèque dans le 13e arrondissement de Paris. A la sortie, ils décrivaient « une salle qui a vécu le film à fond ». Une atmosphère particulière pour une séance matinale qui s’expliquait évidemment par la présence majoritaire de fans de la saga dans les salles.Les deux étudiants en anglais, la vingtaine, sont d’ailleurs eux-mêmes de grands fans et sont loin d’avoir été déçus par le dernier opus réalisé par J. J . Abrams. « Il a su synthétiser l’esprit des deux trilogies : on retrouve l’humour des vieux épisodes et le côté sombre des films de la prélogie. » L’attente insoutenable avant la sortie du film, le marketing de Disney, avaient un temps inquiété les deux amis. Aujourd’hui, cette inquiétude avait disparu : « Ce film est magnifique, exceptionnel, on sent que l’objectif n’était pas uniquement de relancer le marketing autour de Star Wars mais aussi de remettre sur pieds la saga. »Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soif« Au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque »Malgré les mesures de sécurité mises en places, certains avaient tout de même pu rentrer avec leur sabre laser dans certaines salles. Mais il n’y avait pas que les fans de Star Wars à avoir mis leur réveil pour le film. Une cinquantaine d’élèves du lycée François Mansart à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) étaient venus jusque dans le 12e arrondissement de Paris, avec leurs professeurs de français et d’anglais, pour apprécier la séance en version originale.Anne, leur professeur de français, avait décidé de les y emmener dans le cadre d’un cycle sur les mythes. « Star Wars est un mythe, au même titre qu’Œdipe dans la mythologie grecque ».Les séances en version originale sous-titrée ont de toute façon connu plus de succès, ce mercredi matin, que celles en version française, pour lesquelles il restait encore de la place. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spectateurs ont d’ailleurs fait part de leur étonnement de découvrir certaines salles quasiment vides.Dans l’après-midi, le calme semblait être un peu revenu dans l’UGC de Bercy. Pas de fan déguisé, pas de foule impatiente. Malgré tout, les séances en VO restaient complètes. Elles devaient l’être encore en soirée. Peu avant 16 heures, un homme, la trentaine, s’engouffrait dans la salle avant de souffler : « J’arrive pas à y croire. C’est pas encore réel tant que je ne vois pas le texte jaune sur l’ecran. »Romain GeoffroyJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :« Star Wars 7 » : dans les salles parisiennes, les fans ont « vécu le film à fond »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Lire aussi :« Star Wars 7 » : un shoot de plaisir régressifCertes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde Thomas Sotinel En ce jour où un seul film veut monopoliser les regards, le jury du prix Louis-Delluc a récompensé, mercredi 16 décembre, un film qui a pour ambition plus altruiste de les changer : Fatima. Inspiré des livres autobiographiques de Fatima Elayoubi, le huitième long-métrage de Philippe Faucon avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en mai 2015.Lire aussi :« Fatima » : la beauté d’une héroïne invisibleLe jury du prix Louis-Delluc, qui réunit critiques et personnalités sous la présidence de Gilles Jacob, avait sélectionné : Comme un avion, de Bruno Podalydès ; Le Dos rouge, d’Antoine Barraud ; Fatima, de Philippe Faucon ; L’Image manquante, de Rithy Panh ; La Loi du marché, de Stéphane Brizé ; Marguerite, de Xavier Giannoli ; L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin.« Quelque chose de fraternel »Portrait d’une mère de famille qui élève seule deux grandes filles en faisant des ménages, interprété par des actrices inconnues, Fatima a d’ores et déjà réuni 250 000 spectateurs. Au moment de sa sortie, Philippe Faucon expliquait : « J’ai de l’intérêt pour les personnages qui ont à affirmer leur place dans un environnement qui ne leur est pas propice. Ou qui doivent recommencer leur vie quasiment de zéro. Je ressens à leur égard quelque chose de fraternel. »Le Delluc du premier film a été décerné au Grand Jeu, de Nicolas Pariser. Ce thriller politique avec André Dussollier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy sort aujourd’hui dans les salles.Lire aussi :« Le Grand Jeu » : les pulsions secrètes du pouvoirThomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani Film, à 0 h 15, sur ArteDans l’Iran d’aujourd’hui, Massoud Bakhshi filme une histoire universelle.Universitaire de renom, Arash a autrefois quitté l’Iran pour faire ses études en Occident. Des années plus tard, il revient près de sa mère à Chiraz, loin de Téhéran la turbulente, pour donner des cours à l’université. Il revient aussi vers son père mourant, vers son demi-frère craint et haï dans l’enfance et au fils de ce dernier, Hamed, ce neveu trop sympathique dont la dévotion familiale bien mimée cache une ambition sans morale. Ses repères sont désuets, les codes ne sont plus les mêmes : cette famille respectable qui était la sienne, il ne la reconnaît plus.Si les références à l’actualité sont nombreuses – manifestations étudiantes, surveillance des professeurs d’université, culte des martyrs de la patrie –, elles ne constituent pas la ligne dramatique d’Une famille respectable. La première scène du film, montrant, caméra à l’épaule, l’enlèvement d’Arash par un faux chauffeur de taxi, pourrait s’intégrer à n’importe quel film d’action à l’américaine.Le cinéma iranien produit de plus en plus de ces films qui montrent, sans colère ni rancœur, le visage tendu de l’Iran ; mais aussi leur désir de refaire d’un pays que nous avons pris l’habitude de singulariser à outrance le terreau de grandes histoires universelles. Une famille respectable fait partie de ceux-là. C’est tout d’abord un film de mafia construit avec rigueur, pris dans un rythme étonnamment pensif. Sous le regard d’Arash, se déroule l’ascension de son neveu sans scrupule. Arash croit à la gentillesse d’Hamed et s’attache à lui, alors que l’unique motivation du jeune homme est de l’empêcher de toucher l’héritage de son père.Métaphore socialePar-delà l’intérêt pour la mécanique du pouvoir, on sent le réalisateur préoccupé par une dissolution des valeurs morales qui voit la jeune génération se détourner de ce qui était sacré une ou deux générations plus tôt pour le sacrifier à l’argent – seule valeur nouvelle. Mais, là encore, l’observation critique d’un capitalisme dévorant n’est qu’une piste parmi d’autres, et l’argent le symptôme laid d’une dégénérescence plus ample. Film de mafia, métaphore sociale, Une famille respectable se lit comme mythe contemporain. A l’image des grandes dynasties antiques, il pose la faute d’un homme faisant peser le poids d’une malédiction sur les générations suivantes. Ici, c’est la fracture de la cellule familiale – le père d’Arash faisant un enfant à une autre femme – qui scinde toute la descendance en deux branches maudites. D’un côté, les victimes (Arash et son frère martyr), de l’autre les bourreaux (Jafar, le fils illégitime, et son fils Hamed). Comme le héros persan dont il tire son nom, comme Dipe ou Oreste, Arash refuse de se soumettre au destin qu’on lui impose. Ce destin, cependant, n’est plus le témoignage des inquiétudes originelles du monde, mais celui de son évolution à contresens de toute mystique.L’ultime refuge, le dernier repère d’Arash qui vaille, ce sont les femmes qui l’entourent. Bien avant qu’il puisse voir le piège, elles le devinent. Elles se battent encore pour ce que les hommes semblent avoir renoncé à défendre  : l’intégrité, le respect de l’autre, la famille. Désireux de montrer qu’il ne s’agit guère de broder autour d’une féminité archétypale, c’est aux femmes de son pays que Massoud Bakhshi dédie son film. Mais cette discrétion fondamentale fait sens  : il faut puiser l’espoir en celles et ceux qui restent en retrait dans leurs mots et leurs gestes, mais tendent un bras pour prévenir la chute de ceux qui marchent devant, et parlent fort.Une famille respectable, de Massoud Bakhshi. Avec Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian (Iran, 2012, 90 min). Mercredi 16 décembre, à 0 h 15, sur Arte.Noémie LucianiJournaliste au Monde William Audureau N.B. : Cet article ne révèle pas l’intrigue du film, mais contient des éléments de contexte sur les évènements se déroulant après le Retour du jedi.« Quand vous êtes jeune et que vous regardez Le retour du Jedi, vous voyez la fin heureuse, et vous vous dites “Hé, c’est terminé !”, suggère Greg Rucka. Mais en grandissant, en y repensant, vous réalisez que non, vraiment pas. Ce n’est pas fini du tout. » Cet éminent scénariste de comics en sait quelque chose : il a signé l’histoire de Star Wars : Les Ruines de l’Empire, une bande dessinée publiée le 2 décembre chez Panini Comics, et qui raconte la suite immédiate de la première trilogie après la bataille d’Endor. Non pas telle que George Lucas l’avait imaginé, mais à la sauce Walt Disney.Une mise au congélateur de l’ancien Univers EtenduAu début de 2014, Disney et LucasArts Studios annonçaient en effet la révocation de l’univers étendu : toutes les œuvres déjà existantes et concernant la période couverte par la troisième trilogie, qu’il s’agisse de livres, de jeux de plateau, de bandes dessinées ou encore de jeux vidéo, étaient désormais considérées comme de simples « Légendes » – du nom de la gamme dédiée à leur réédition. Un chantier de pas moins de 20 livres est annoncé, dont la publication française a débuté il y a quelques semaines seulement.« Le nouvel univers étendu annule, ou plutôt met au congélateur des éléments, et fait disparaître notamment tout ce qui se passait juste après Le retour du Jedi », observe Thibaut Claudel, journaliste pour le site SyFantasy.com. Ce grand nettoyage annule notamment les trilogies de l’écrivain Thimothy Zahn, dont une racontait comment Han et Leia devaient donner naissance à une nouvelle lignée de Skywalkers. « Cette trilogie, La croisade noire du Jedi fou, est pourtant considérée comme canonique par de nombreux fans », soupire M. Claudel. Les nouveaux romans et comics ne décrivent pas ce qui se passera dans Le réveil de la Force, mais plantent le décor de la nouvelle trilogie dont le premier épisode sort en salles ce mercredi.L’Empire a survécuPrincipale différence avec l’Univers Etendu original, dans la version Disney l’Empire a survécu au final de l’épisode VI. A la fin du Retour du Jedi, l’Alliance rebelle avait pourtant remporté une victoire majeure en prenant possession d’une station radio sur la lune forestière d’Endor. Les troupes de l’amiral Ackbar étaient parvenues à lancer l’assaut sur l’Etoile Noire et la détruire. La mort de l’empereur Palpatine, tué par Dark Vador après un duel à trois avec Luke Skywalker, sonnait initialement le glas de l’Empire.Mais le scénariste du comics Les ruines de l’Empire, Greg Rucka, a été chargé d’en donner une vision très différente. « L’Empire a encore des ressources, une énorme flotte. Ils sont peut-être en désarroi après la Bataille d’Endor, mais il serait naïf de croire que d’autres personnes ne vont pas chercher à prendre les places vacantes, » explique-t-il. Au milieu de nombreux livres au contenu très anecdotique, la trilogie Aftermath (traduite sous le titre Riposte en français, en 2016) est finalement celle qui donne le plus d’indices sur le contexte du film. « On y apprend que l’Empire lance une campagne de contre-propagande. On y découvre aussi des guerres intestines entre les clans favorables à une alliance avec la Nouvelle République et ceux qui souhaitent plutôt que l’Empire s’exile aux confins de la galaxie pour fonder un ordre encore plus militaire. »« Un pont, mais pas le pont en entier »Un des anciens conseillers de Palpatine, Tashu, s’est ainsi juré de poursuivre sa mission, tandis qu’un groupe de mystérieux fanatiques du côté obscur, les Acolytes de l’au-delà, acquiert un sabre-laser rouge pour le restituer à la dépouille de Dark Vador. Un des amiraux de Palpatine ayant survécu à la bataille d’Endor a par ailleurs pris le commandement du dernier vaisseau géant Super Star Destroyer de l’Empire. S’agira-t-il d’un événement important ? Mystère. « Comme je le dis toujours, nous sommes un pont entre Le Retour du Jedi et Le réveil de la Force, mais ce n’est pas le pont en entier », expliquait son auteur Check Wendig en septembre à Entertainment Weekly.Parmi la vingtaine d’ouvrages consacrés à ce fameux pont, d’une qualité très inégale, certains mettent en scène les héros iconiques de la saga dans des romans dédiés, ou se déroulent bien avant les événements du nouveau film. Etoiles Perdues, de Claudia Gray, revisite par exemple l’intégralité de la trilogie originale (IV-V-VI) à travers la romance impossible entre deux personnages appartenant à des camps opposés, pour s’achever quelques années tout juste après les événements du Retour du Jedi.Les grandes lignes, et notamment cette histoire d’amour, est une idée de la direction de Lucasfilm. « Leur vision de départ était une sorte de Romeo & Juliette en pleine Guerre Civile Galactique », raconte-t-elle sur le site officiel. « Pour l’instant, le nouvel univers étendu capitalise beaucoup sur l’iconographie des films IV à VI, observe Thibaut Claudel. La gamme “Voyage vers Star Wars : Le Réveil de la Force” porte d’ailleurs un nom un peu mensonger puisque certains romans se passent à l’époque de la première trilogie et s’arrêtent bien avant Le réveil de la Force. Il est parfois difficile de savoir ce qui relève du fait ou de l’indice ». L’apport de ce roman jeunesse reste plutôt mineur.Des détails d’arrière-planD’une manière générale, le nouvel Univers Etendu imaginé par Disney et ses partenaires n’étend pas la mythologie Star Wars, comme le faisait l’original. Mais il distille tout de même quelques éléments de contexte préparant de loin Le Réveil de la Force. Au bout de près de six cents pages de chassé-croisé amoureux, Star Wars : Etoiles perdues finit ainsi par raconter comment l’Annihilateur, un vaisseau spatial géant, a fini encastré dans l’arrière-plan de la planète désertique aperçue dans les bandes-annonces, Jakku.La bataille qui a eu lieu sur les dunes arides de cette dernière est même jouable dans le jeu vidéo Star Wars Battlefront. Il permet de se familiariser avec le cimetière de vaisseaux impériaux à la carcasse noircie par le soleil et l’usure dans lequel a grandi Rey (Daisy Ridley), l’orpheline que l’on découvre dans le nouveau long-métrage. Une manière de donner un peu d’épaisseur aux paysages, à défaut d’enrichir réellement la trame.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.12.2015 à 06h46 • Mis à jour le16.12.2015 à 10h49 | Florian Reynaud Les fans des séries les plus populaires connaissent bien l’enjeu. Dans les quelques jours – voire heures – qui suivent par exemple la sortie d’un épisode de « Game of Thrones » riche en révélations (donc en assassinats), les retardataires qui naviguent sur Internet risquent de se faire « spoiler », gâcher leur épisode à chaque nouvel onglet de leur navigateur. Durant les jours qui vont suivre la sortie de Star Wars : le Réveil de la Force dans les cinémas français, voilà comment se protéger contre les internautes trop bavards.Lire aussi :Avec les premiers spectateurs ayant vu « Star Wars : Le Réveil de la Force »Sur Google Chrome : des extensions bienveillantesForce Block, une extension pour le navigateur Google Chrome, analyse chaque page que vous ouvrez et la bloque si elle estime qu’elle peut contenir des révélations sur le film de J.J. Abrams. A la place, un écran avertit l’internaute avec une fausse citation de Star Wars, et lui demande s’il souhaite continuer à ses risques et périls. Après test, l’extension semble rechercher avant tout le titre du film et les noms des personnages. Une simple recherche sur le nom de « Rey », un des personnages principaux, et la page de résultats Google se retrouve bloquée. L’utilisateur a même l’embarras du choix puisqu’une autre extension Chrome, Star Wars Spoilers Blocker, propose comme son nom l’indique le même service. Sur Firefox : remplacez tous les mots liés au filmLes extensions « anti-spoilers » manquent sur le navigateur Mozilla Firefox, mais il est toujours possible de configurer un module comme FoxReplace pour remplacer un mot par un autre. Par exemple, il est possible de remplacer « Star », « Wars », « Skywalker » et autres noms distinctifs par un seul et même mot pour brouiller les pistes. Le résultat est souvent efficace, en plus d’être drôle, et il suffit de quelques minutes pour configurer l’extension. Des outils similaires existent pour les utilisateurs de Google Chrome.Sur Twitter : bloquez les mots-clésLes utilisateurs du client officiel Tweetdeck peuvent bloquer n’importe quel mot ou hashtag sur le réseau social Twitter. Cette option est disponible dans les paramètres du site, et il est conseillé de bloquer aussi bien « Star Wars » que « Starwars », ainsi que les prénoms des personnages de la saga et du film, pour éviter toute mauvaise surprise.Florian ReynaudJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sous l’ombre gigantesque du vaisseau cinématographique  Star Wars qui menace de tout engloutir sur son passage, certains distributeurs téméraires tentent leur chance en jouant le jeu de la contre-programmation et du « small is beautiful ». On parlera donc essentiellement, cette semaine, de politique contemporaine en France, avec Nicolas Pariser, et en Israël, avec Amos Gitaï, d’humour dépressif, avec Michel Leclerc. Pendant ce temps, la Cinémathèque française joue la carte du climat, tel qu’il influence le cinéma depuis bien avant la COP21.POUVOIR, MANIPULATION ET ROMANESQUE : « Le Grand Jeu », de Nicolas PariserPierre Blum (Melvil Poupaud), écrivain jadis prometteur mais improductif depuis quinze ans, est approché par Joseph Paskin (André Dussollier), un barbouze doucereusement inquisiteur, qui lui passe la commande d’un curieux ouvrage anonyme. Un « appel à l’insurrection » s’inscrivant dans une stratégie pour décrédibiliser le ministre de l’intérieur, son ennemi politique, mais qui, en même temps, entraîne le romancier à déterrer les idéaux enfouis, voire les fréquentations, d’une jeunesse militante passée dans les milieux d’extrême gauche. Le récit est inspiré de plusieurs faits divers ayant émaillé le cours de la Ve République, dont le plus évident et le plus récent serait « l’affaire de Tarnac ». L’invisibilité du pouvoir, sa pulsion secrète, est ce qui l’intéresse au plus haut point. Ces forces intimes ou gouvernementales, qui n’ont pas de nom, pas de visage, mais qui pourtant agissent, le plus souvent à notre place, et dont nous sommes les dupes.Film français de Nicolas Pariser, avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy et Sophie Cattani (1 h 39).PUISSANCE DÉLÉTÈRE DE L’ASSASSINAT POLITIQUE : « Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin », d’Amos Gitaï Signées d’Amos Gitaï, ces deux heures trente de film, fiction rigoureusement documentée, font le point le plus complet qui puisse se voir sur l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La paix, avec cet homme de grand courage qui fut un des artisans des accords d’Oslo, était à portée de main, la reconnaissance mutuelle entre Israéliens et Palestiniens sur le point d’être signée. Un jeune religieux ultra-nationaliste israélien en décida autrement, se faufilant avec une facilité déconcertante près de l’homme d’Etat qui s’apprêtait à regagner son véhicule après un magnifique discours sur la place des Rois à Tel-Aviv, et l’abattant de trois balles. Tout cela est en somme connu. Qu’apporte, que montre ce film qu’on ne sache déjà ? Sur le plan du contenu, un surcroît d’informations. Sur le plan de la forme, une volonté de tirer le documentaire vers cette part de thriller, et plus lointainement de fatalité tragique, que contient tout assassinat politique.Film israélien d’Amos Gitaï. Avec Ischac Hiskiya, Pini Mittelman, Michael Warshaviak (2 h 30).JEAN-PIERRE BACRI, SA VIE EN MIETTES, SA BROSSE À DENTS, SON GPS : « La Vie très privée de Monsieur Sim »Amateur de situations saugrenues, peintre de personnages doucement excentriques, auteur de comédies entachées d’une tendre désuétude, Michel Leclerc, réalisateur du Nom des gens (2010), signe avec ce film son quatrième long-métrage. L’histoire du jour, adaptée du roman homonyme du romancier britannique Jonathan Coe, a pour personnage principal ledit Monsieur Sim – « comme la carte » –, quinquagénaire plutôt fatigué, divorcé et en recherche de boulot, mais pas suffisamment abattu par la vie pour ne pas chercher à se relancer. Ce Droopy des temps modernes a pour interprète – naturel a-t-on envie de dire – Jean-Pierre Bacri, qui le joue comme d’habitude aux petits oignons, dans un road-movie existentialo-dépressif, mais souvent drôle, qui le voit traverser la France comme représentant en brosses à dents bios. Entre les souvenirs de jeunesse qui remontent et les dialogues en solitaire avec la voix féminine d’un GPS, ce film organise donc la collision entre La Recherche du temps perdu et le Global Positionning System, avec au volant un homme mélancolique qui aimerait bien réenchanter sa vie.Film français de Michel Leclerc. Avec Jean-Pierre Bacri, Valeria Golino, Mathieu Amalric (1 h 41).70 FILMS ATMOSPHÉRIQUES : « Le cinéma c’est la météo ! »Quand la Cinémathèque française se met à l’heure de la COP21, cela donne « Le cinéma c’est la météo ! », une sélection de plus de soixante-dix films dont le « climat » est plus qu’une métaphore. Concoctée par Alain Bergala, cinéphile érudit et spécialiste de Jean-Luc Godard, la programmation part d’un principe on ne peut plus concret : « Il est des cinéastes – aussi différents que Straub, Renoir, Godard, Rossellini, Jonas Mekas ou Ford – pour qui on ne touche pas au temps qu’il fait le jour où on tourne. La météo est la part de monde réel dont doit attester le film, indépendamment des volontarismes de mise en scène. » Du climat sujet aux intenses variations du couple amoureux à celui, plus uniment déchaîné, qu’il fera le jour de l’Apocalypse, les auteurs passent souvent par la météo pour raconter de manière circonstanciée leurs histoires, variant les ambiances, les températures et les couleurs selon qu’il fait soleil, qu’il pleut ou qu’il neige. Revoyez Le Déjeuner sur l’herbe, de Jean Renoir, La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Conte d’été, d’Eric Rohmer, La Lumière, de Souleymane Cissé, Le Vent, de Victor Sjöström, Le Tempestaire, de Jean Epstein, Hurricane, de John Ford, ou Fargo, des frères Coen, et vous admettrez sans mal que le cinéma, comme dit Arletty, a bel et bien « une gueule d’atmosphère ».Le cinéma c’est la météo ! Jusqu’au 22 janvier à la Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris. www.cinematheque.frLire aussi :« Star Wars 7 » : pourquoi vous ne lirez la critique que mercredi sur LeMonde.frJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Damien Gouteux Star Wars est pour beaucoup une série de films. Mais la saga se décline aussi dans de nombreux livres, bandes-dessinées et jeux vidéo, formant l’univers étendu, que Disney a souhaité largement réécrire après le rachat de la franchise à Lucasfilm en 2012.Qu’est-ce que l’univers étendu ?La sortie des six films de Star Wars, complétés par un film d’animation, s’est étalée sur plus de trente ans, avec plusieurs générations de fans et des recettes astronomiques dépassant les 4,4 milliards de dollars (environ 3,9 milliards d’euros). Mais la saga s’est aussi développée en dehors des films. A travers différents supports, livres, bandes dessinées, jeux de rôle et jeux vidéo s’est formé un véritable univers étendu (Expanded Universe dans la langue de Shakespeare), qui raconte des événements se déroulant avant, pendant, ou après les deux trilogies.De quoi parle l’univers étendu ?De tout ce qui se passe avant, après et entre les films. Si par exemple les premiers jeux vidéo essayent de reproduire des scènes marquantes des films, ceux de la série Knights of the Old Republic ou le jeu en ligne The Old Republic, sortis au début du siècle, situent leur environnement dans le même univers mais 5 000 ans avant la date où sont censés se dérouler les films. Ce décalage permet une plus grande liberté par rapport aux films et de jouer avec le mythe tout en gardant ses éléments phares qui font que le joueur retrouve ses marques et le plaisir d’évoluer dans un univers qu’il aime, mais sous un jour différent. Un autre exemple est l’ensemble de romans et de bandes dessinées, se déroulant bien après les films, centrés sur la guerre contre le belliqueux peuple extraterrestre des Yuuzhan Vong.Que change le rachat par Disney ?Le rachat de la société de George Lucas, Lucasfilm, par Disney en octobre 2012, pour plus de 3,6 milliards d’euros, a eu pour conséquence un véritable big bang dans l’univers étendu. Le 25 avril 2014, la société déclare l’ensemble de l’univers étendu totalement distinct du canon composé par les films et les séries, le plaçant sous une bannière nommée Légendes.La trilogie de romans de Timothy Zahn, très appréciée des fans et considérée jusqu’à cette date comme la suite directe des 6 précédents films, bascule ainsi dans une zone grise non officielle et distincte du « véritable » univers. Les anciennes œuvres sont rééditées mais surmontées d’une bannière dorée indiquant leur nouveau statut de « simples » légendes. Une nouvelle division a été fondée chez Lucasfilm en 2013, le Story Group, en charge de maintenir la cohérence de l’univers canon. Quelle a été la première œuvre de l’univers étendu ?Le premier produit Star Wars n’est pas une œuvre cinématographique mais l’adaptation en roman de La guerre des étoiles : un nouvel espoir parue dès décembre 1976, alors que le film est sorti le 25 mai 1977 aux Etats-Unis. Elle contenait déjà des éléments qui n’apparaissent pas à l’écran. Mais la première œuvre véritablement détachée des films est la nouvelle Splinter of the Mind’s Eye (La Pierre de Kaiburr en version française) écrite en 1978 par Alan Dean Foster. Elle entraîne les héros de la première trilogie dans une nouvelle aventure.Rencontrant la demande des fans avides qui voulaient poursuivre l’aventure hors de l’écran, l’univers étendu a continué à s’agrandir de façon continue, inventant sans cesse de nouvelles planètes, espèces aliens et technologies, de nouveaux ennemis et héros, tuant même ces derniers parfois. Si les éléments fondateurs de la saga sont toujours présents, les nombreux créateurs, romanciers, dessinateurs n’ont eu de cesse d’essayer de renouveler la formule. Que se passait-il quand des œuvres se contredisaient ?Au fur et à mesure que l’univers s’est étendu, la question de sa cohérence s’est posée avec une complexité grandissante. Lucasfilm avait des employés chargés de maintenir celle-ci à travers toutes les différentes œuvres produites. Ainsi, si une planète est détruite en l’an 0 selon le calendrier de l’univers, elle ne peut pas apparaître intacte dans des livres dont l’histoire se déroule après.Une tâche ardue, qui donna lieu parfois à ce qu’on appelle des retcons ou un travail de continuité rétroactive (il s’agit d’expliquer a posteriori une incohérence manifeste, soit par une pirouette scénaristique, soit en désavouant un fait entrant en conflit avec un autre). Une hiérarchisation de l’univers étendu s’était même mise en place.Comment était organisé l’univers étendu ?Il existait six niveaux d’officialité différents basés au départ sur le support d’œuvre et ensuite sur le fait lui-même. Dans les plus hauts, « G » pour les films de George Lucas et « T » pour les séries à la télévision, les faits étaient déclarés incontestables et formaient le canon de la saga : la mort d’un personnage, la destruction d’une planète, l’invention d’une technologie sont officielles et impactent toutes les œuvres se déroulant après. Les autres œuvres (romans, bds, jeux vidéo) se divisaient entre 4 autres niveaux.Aux niveaux les plus bas, « N » et « D », les faits étaient considérés comme « nuls et non advenus ». Dans ce domaine tombaient les parodies, les histoires proposant une variation de l’univers sous la forme d’une hypothèse de la forme « et si… » comme la série de bandes dessinées Star Wars : Infinities, ou les œuvres désavouées après leur parution. Entre ces deux extrêmes figuraient les niveaux « C » et « S » qui constituaient l’univers étendu. Mais les parois n’étaient pas étanches : ainsi George Lucas piocha des éléments de l’univers étendu pour les mettre dans ses films lorsqu’il réalisa sa préquelle, faisant passer ces faits de « C » à « G ». Que réserve le futur ?Le potentiel financier de cette licence n’a pas échappé à la multinationale du divertissement Disney, qui espère bien faire fructifier son acquisition. La mise au placard de l’univers étendu est une manière de faire de la place pour les prochains films qui n’auront pas à s’encombrer de respecter la continuité et la complexité de presque 40 ans de développements, dont de nombreux événements se déroulant déjà après Le retour du Jedi.Sur ce tableau blanc, Disney a lancé la production de deux genres de films : ceux appartenant à une trilogie qui poursuit la trame générale de l’univers, dont le premier épisode, Le Réveil de la Force, sort ce mercredi, et une série de spin-offs qui s’attarderont sur un point particulier de l’univers. Le premier de ceux-ci, nommé Rogue One, est prévu pour le 16 décembre 2016. De plus, de nouveaux romans, comme Tarkin, de James Luceno, sont déjà sortis et font, eux, partie intégrante du « nouveau » canon.Qu’en disent les fans ?La dé-officialisation totale de l’univers étendu est une pilule amère pour certains fans, mais en faisant ainsi place nette, Disney laisse la porte grande ouverte à ses toutes nouvelles séries de films, de jeux, de romans et de bds. L’entreprise a promis que les nouvelles œuvres piocheront allègrement leur inspiration dans l’ancien univers étendu, les fans peuvent donc espérer retrouver des personnages qu’ils aimaient dans cet univers (étendu) très très lointain.Lire aussi :« Star Wars 7 » : Comment la saga a étendu son empireDamien GouteuxJournaliste au Monde Service culture Comme quelques milliards d’êtres humains, la rubrique cinéma du Monde s’apprête à découvrir le 7e film de la série inaugurée il y a trente-neuf ans par George Lucas. Mais il nous faudra patienter jusqu’au mercredi 16 décembre au matin, comme l’immense majorité des Français.Certes, la maison Disney – qui a racheté Lucasfilm en 2012 – nous a proposé de voir Star Wars : le Réveil de la Force, mardi 15 décembre, ce qui nous aurait permis de publier la critique mercredi dans le journal (daté jeudi) et dans La Matinale. Mais les conditions que la firme aux grandes oreilles rondes a mises à la venue des journalistes à cette avant-première nous ont semblé inacceptables.Débauche de précautionsComme il en va de plus en plus souvent pour les grosses sorties hollywoodiennes, il y a d’abord cette débauche de précautions qui confinent au grotesque : obtention d’un « QRcode d’accès personnel » subordonné à la signature d’un formulaire d’accord contraignant, lieu et horaire tenus secrets et communiqués la veille sur téléphone portable, présence annoncée d’agents de sécurité équipés de jumelles à vision nocturne, « embargo critique » jusqu’au mercredi 16 décembre, 9 h 01…Il y a ensuite, plus essentiellement, la volonté affichée par le distributeur de contrôler le contenu des articles rédigés après la projection du Réveil de la Force. Le formulaire en ligne que doivent signer les journalistes désireux d’y assister leur demande, en effet, de « ne pas révéler d’éléments-clés de l’intrigue du film afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs ». Les critiques de cinéma y sont invités à reconnaître « que toute révélation de [leur] part concernant ce film à des personnes n’ayant pas assisté à la projection, constituerait un préjudice pour Disney/Lucasfilm donnant lieu à réparation ». Dans un mail accompagnant ce formulaire, les expéditeurs vont jusqu’à enjoindre de tenir secrets « les liens unissant les personnages ».Lire aussi :« Star Wars 7 » : Comment la saga a étendu son empireMise au pas de la critiqueDe mémoire journalistique, aucune société de production n’avait ainsi prétendu se mêler du contenu des articles de presse et des conversations privées des journalistes avec leurs proches, en brandissant de surcroît la menace de poursuites judiciaires. Tout cela témoigne de la nature de l’entreprise Star Wars : il s’agit de justifier aux yeux des actionnaires de Disney l’investissement colossal, 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros), qu’a représenté l’achat de Lucasfilm. Chaque décision, y compris la mise au pas de la critique, procède de cet impératif, plutôt que de l’envie de créer ou de distraire.Certes, on peut convenir avec Mickey que « spoiler » est un péché. Mais si l’on ne parle ni de ce qui se passe à l’écran (l’intrigue du film), ni des personnages qui le peuplent, il ne reste que les paysages et les trucages. A mercredi, sur Lemonde.fr ou à jeudi dans La Matinale et dans les pages du quotidien (daté vendredi), pour parler de tout ce qui nous a semblé intéressant, ou pas, dans le film.Lire aussi :« Star Wars » : du marketing jusqu’à plus soifService cultureJournaliste au Monde 11.12.2015 à 17h12 • Mis à jour le14.12.2015 à 08h26 | Isabelle Regnier La rumeur enflait depuis quelques jours. Un communiqué de presse l’a confirmée ce vendredi 11 décembre : Frédéric Bonnaud succède à Serge Toubiana au poste de directeur de la Cinémathèque française. Il prendra ses fonctions le 1er  février 2016. Choisi par le président de l’institution, Constantin Costa-Gavras, ce journaliste de 47 ans, qui a commencé sa carrière comme assistant de programmation cinéma au Musée du Jeu de paume, a vu sa candidature approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration et par la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Elle l’a emporté sur celles de Marc Nicolas, le directeur général de la Femis, avec qui il fut un temps en ballottage, d’Edouard Waintrop, l’actuel délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, et de François Aymé, le président de l’AFCAE (Association française des cinémas art et essai).Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles depuis 2013, où il fut longtemps critique de cinéma, animateur de débats sur Mediapart et coauteur de l’émission « Personne ne bouge ! » sur Arte, Frédéric Bonnaud a fait une bonne partie de sa carrière à la radio comme chroniqueur et producteur (sur France Inter, Europe 1, Le Mouv’). Dans une déclaration faite après l’annonce de sa nomination, il s’est dit attaché à la « mission de service public » de la Cinémathèque et à son « devoir de transmission ». Il a rendu hommage à l’œuvre accomplie par son prédécesseur : « Je suis heureux et fier de succéder à Serge Toubiana au poste de directeur général. En douze ans, sous sa direction, la Cinémathèque est devenue un véritable musée moderne du cinéma, qui assume pleinement ses missions de conservation et de diffusion du patrimoine cinématographique. En duo avec notre président, Costa-Gavras, j’aurai à cœur de poursuivre l’œuvre déjà accomplie et d’ouvrir en grand la Cinémathèque à des publics toujours plus divers. »Développer le mécénat privéLe nouveau directeur hérite en effet d’une institution florissante. Nommé en 2003, après plusieurs années de crise, marquées par une gestion calamiteuse, au moment où le temple de la cinéphilie parisienne s’installait dans ses locaux de Bercy, Serge Toubiana a fait fructifier l’héritage d’Henri Langlois en l’accompagnant dans une nouvelle ère. Et le succès fut au rendez-vous : une fréquentation soutenue dans les salles (216 000 visiteurs par an en 2014), et de grandes et belles expositions (Renoir, Kubrick, Burton, Demy, Pasolini, Scorsese…) qui ont contribué à redéfinir l’identité du lieu. Il est en outre l’artisan d’une pacification des rapports, historiquement exécrables, entre l’institution et le ministère de la culture.La confiance que Serge Toubiana a su établir avec la tutelle, en imposant notamment des règles statutaires de transparence à tous les échelons, s’est traduite par une constance, depuis 2010, de la subvention publique (20 millions d’euros), sur laquelle repose 75 % du budget de la maison. Cette manne est toutefois appelée à se réduire légèrement en 2016. Dans ce contexte, le nouveau directeur aura à charge de développer le mécénat privé, mais aussi de trouver de nouveaux moteurs pour la fréquentation. En 2014, les expositions et le musée n’ont pas réuni plus de 130 000 visiteurs, alors que deux ans plus tôt, l’exposition « Tim Burton », par l’effet d’une recette que personne n’a encore su reproduire, en rassemblait à elle seule 352 000. Sur un plan plus théorique, il lui reviendra de réfléchir aux missions de la Cinémathèque dans le cadre de la cinéphilie d’aujourd’hui, totalement éclatée, qui se forge largement sur Internet.Aux Inrockuptibles, c’est Pierre Siankowski qui prendra la succession de Frédéric Bonnaud en janvier 2016, a annoncé la société éditrice du magazine culturel, Les Nouvelles Editions Indépendantes. Âgé de 39 ans, ancien rédacteur en chef au magazine, il l’avait quitté en 2014 pour rejoindre l’emission « Le Grand Journal », de Canal+.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Les nominations pour les Golden Globes, la cérémonie de remise des prix qu’organise chaque année la Hollywood Foreign Press Association pour récompenser les meilleurs films et séries télévisées de l’année, ont été annoncées ce vendredi. Côté cinéma, cette liste qui a valeur d’oracle pour les Oscars, fait la part belle à quatre films : Carol, le mélo lesbien d’inspiration sirkienne de Todd Haynes (sortie française le 13 janvier prochain), qui a déjà valu à Rooney Mara le prix d’interprétation féminine à Cannes. Mad Max : Fury Road, la course enragée de George Miller dans le désert de Namibie sorti en salles en mai dernier. The Revenant d’Alejandro Inarritu, survival vengeur interprété par Leonardo di Caprio (sortie prévue le 24 février 2016). Et Spotlight : édition spéciale de Tom McCarthy, un retour sur l’enquête du Boston Globe qui a révélé, en 2002, un vaste scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique (sortie prévue le 27 janvier 2016).Lire aussi : « Carol, l’amour est le plus beau des crimes »Également dans la course : Room de Lenny Abrahamson (sortie prévue le 9 mars 2016), Les Huit Salopards de Quentin Tarantino (sortie prévue le 6 janvier), Steve Jobs de Dany Boyle (sortie prévue le 3 février). Dans la catégorie comédie, on trouve The Big Short : le casse du siècle d’Adam Mc Kay (sortie prévue le 23 décembre), Joy de David O’Russel (sortie prévue le 3 décembre), Seul sur mars de Ridley Scott, Spy de Paul Feig et Crazy Amy de Judd Apatow.Dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la France est représentée avec Mustang de Deniz Gamze Erguven, la Hongrie avec Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, le Chili avec El Club de Pablo Larrain et la Finlande avec The Fencer de Klaus Haro. Ces nominations font largement écho aux prix qui ont été remis, depuis quelques semaines, par différentes associations de critiques américains. Le cercle des critiques de films new-yorkais, la NYFCC, a ainsi plébiscité Carol, en lui remettant les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et de la meilleure photographie, et récompensé par ailleurs Le Fils de Saul dans la catégorie du meilleur premier film, et Michael Keaton pour son rôle dans Spotlight : édition spéciale. Les critiques de Boston ont élu Spotlight : édition spéciale meilleur film de l’année et lui ont également décerné le prix du meilleur casting. À Carol, ils ont remis le prix du meilleur réalisateur et à Mad Max celui du meilleur montage. Les critiques de Los Angeles ont aussi attribué à Spotlight : édition spéciale le prix du meilleur film, à Mad Max celui du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie et des meilleurs décors, au Fils de Saul celui du meilleur film en langue étrangère.Répartie en trois catégories, la liste des séries en compétition aux Golden Globes est très longue. Empire, Game of Thrones, Mr. Robot, Narcos, Outlander se disputent le titre de la meilleure série dramatique. Casual, Mozart in the Jungle, Orange Is the New Black, Silicon Valley, Transparent, Veep celui de la meilleure comédie. American Crime, American Horror Story : Hotel, Fargo, Flesh and Bone, Wolf Hall celle de la meilleure mini-série. Les nominations pour les meilleurs acteurs et actrices ouvrent encore le champ à d’autres œuvres comme Mad Men ou Better Call Saul (John Hamm et Bob Odenkirk sont respectivement nommés parmi les meilleurs acteurs), ou House of Cards (Robin Wright Penn nommée pour le prix de la meilleure actrice).Verdict le 10 janvier prochain, au cours d’une soirée de remise des prix qui sera animée, comme elle le fut ces trois dernières années, par l’inénarrable acteur et humoriste Ricky Gervais.La liste des nominations aux Golden GlobesMeilleur film drama­tiqueCarol Mad Max : Fury Road The Reve­nant Room Spot­lightMeilleure comé­die/comé­die musi­caleThe Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam Mckay Joy, de David O. Russell Seul sur Mars, de Ridley Scott Spy, de Paul Feig Crazy Amy, de Judd ApatowMeilleur réali­sa­teurTodd Haynes, Carol Alejan­dro Gonza­lez Inar­ritu, The Reve­nant Tom McCar­thy, Spot­light George Miller, Mad Max : Fury Road Ridley Scott, Seul sur MarsMeilleur scéna­rioEmma Donog­hue, Room Tom McCar­thy et Josh Singer, Spot­light Charles Randolph et Adam McKay, The Big Short : Le Casse du siècle Aaron Sorkin, Steve Jobs Quen­tin Taran­tino, Les Huits Salo­pardsMeilleure actrice dans un film drama­tiqueCate Blan­chett, Carol Brie Larson, Room Rooney Mara, Carol Alicia Vikan­der, The Danish Girl Saoirse Ronan, Brook­lynMeilleure actrice dans une comé­die/comé­die musi­caleJenni­fer Lawrence, Joy Melissa McCar­thy, Spy Amy Schu­mer, Crazy Amy Maggie Smith, The Lady in the Van Lily Tomlin, GrandmaMeilleure second rôle fémi­ninJane Fonda, Youth Jenni­fer Jason Leigh, Les Huits Salo­pards Helen Mirren, Trumbo Alicia Vikan­der, Ex Machina Kate Wins­let, Steve JobsMeilleur acteur dans un film drama­tiqueBryan Crans­ton, Trumbo Leonardo DiCa­prio, The Reve­nant Michael Fass­ben­der, Steve Jobs Eddie Redmayne, The Danish Girl Will Smith, Seul contre tousMeilleur acteur dans une comé­die/comé­die musi­caleChris­tian Bale, The Big Short : Le Casse du siècle Steve Carell, The Big Short : Le Casse du siècle Matt Damon, Seul sur Mars Al Pacino, Danny Collins Mark Ruffalo, Daddy CoolMeilleur second rôle mascu­linPaul Dano, Love & Mercy Idris Elba, Beats of No Nation Mark Rylance, Le Pont des espions Michael Shan­non, 99 Homes Sylves­ter Stal­lone, Creed : L’Hé­ri­tage de Rocky BalboaMeilleur film d’ani­ma­tionAnoma­lisa Le Voyage d’Arlo Vice Versa Snoopy et les Peanuts Shaun le moutonMeilleure chan­son origi­naleLove Me Like You Do, 50 Shades of Grey One Kind of Love, Love & Mercy See You Again, Fast and Furious 7 Simple Sound #3, Youth Writing’s On The Wall, SpectreMeilleure musique de filmCarter Burwell, Carol Alexandre Desplat, The Danish Girl Ennio Morri­cone, Les Huits Salo­pards Daniel Pember­ton, Steve Jobs Ryui­chi Saka­moto Alva Noto, The Reve­nantMeilleur film en langue étran­gèreLe Tout Nouveau Testament El Club The Fencer Mustang Le fils de SaulTÉLÉVISIONMeilleure série télé, caté­go­rie drameEmpire Game of Thrones Mr Robot Narcos Outlan­derMeilleure série télé, caté­go­rie comé­dieCasual Mozart in the Jungle Orange Is the New Black Sili­con Valley Trans­parent VeepMeilleure mini-série ou meilleur télé­filmAmeri­can Crime Ameri­can Horror Story : Hotel Fargo Flesh and Bone Wolf HallMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie drame Viola Davis, Murder Caitriona Balfe, Outlan­der Eva Green, Penny Dread­ful Taraji P. Henson, Empire Robin Wright, House of CardsMeilleure actrice dans une série, caté­go­rie comé­dieRachel Bloom, Crazy Ex Girl­friend Jamie Lee Curtis, Scream Queens Julia Louis-Drey­fus, Veep Gina Rodri­guez, Jane the Virgin Lily Tomlin, Grace and Fran­kieMeilleur second rôle fémi­nin dans une série, mini-série ou télé­filmUzo Aduba, Orange is the New Black Joanna Frog­gatt, Down­ton Abbey Regina King, Ameri­can Crime Judith Light, Trans­parent Maura Tier­ney, The AffairMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie drameJon Hamm, Mad Men Rami Malek, Mr. Robot Wagner Moura, Narcos Bob Oden­kirk, Better Call Saul Liev Schrei­ber, Ray Dono­vanMeilleur acteur dans une série, caté­go­rie comé­dieAziz Ansari, Master of None Gael Garcia Bernal, Mozart in the Jungle Rob Lowe, The Grin­der Patrick Stewart, Blunt Talk Jeffrey Tambor, Trans­parentMeilleur acteur dans une mini-série ou un télé­filmIdris Elba, Luther Oscar Isaac, Show Me a Hero David Oyelowo, Nigh­tin­gale Mark Rylance, Wolf Hall Patrick Wilson, FargoMeilleure actrice dans une mini-série ou un télé­filmKirs­ten Dunst, Fargo Lady Gaga, Ameri­can Horror Story: Hotel Sarah Hay, Flesh & Bone Felicity Huffman, Ameri­can Crime Queen Lati­fah, BessieMeilleur second rôle mascu­lin dans une série, mini-série ou télé­filmAlan Cumming, The Good Wife Damian Lewis, Wolf Hall Ben Mendel­son, Bloo­dline Tobias Menzies, Outlan­der Chris­tian Slater, Mr. RobotIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Morgane Tual Entretenir la discussion, partout, tout le temps, et pendant plus d’un an : c’est le défi, relevé avec succès, que s’est imposé Disney pour promouvoir le nouvel épisode de la saga Star Wars, dont la sortie est prévue mercredi 16 décembre en France. Après les premières annonces – celle, en 2012, d’un nouvel épisode en préparation, puis celle, en 2013, du nom du réalisateur J.J. Abrams et de la date de sortie (le 16 décembre en France, le 18 aux Etats-Unis, avec une première mondiale à Los Angeles le 14) –, Disney a sorti la machine de guerre.Le 6 novembre 2014, le titre est révélé, suivi quelques jours plus tard d’un court teaser, présentant les toutes premières images du film. Depuis, la stratégie marketing bien huilée de Disney s’emploie, avec une précision millimétrée, à tenir en haleine les futurs spectateurs au rythme de révélations savamment égrenées sur plus de douze mois : teasers, bandes-annonces (près de 100 millions de vues sur le compte officiel de la franchise), affiches, indices sur l’intrigue ou les personnages… Pas moins de 2,7 millions de tweets contenaient l’occurrence « Star Wars » le mois précédant la sortie du film. Commentaires, spéculations, débats et parodies animent la Toile depuis des mois.C’est que Star Wars n’est pas une marque comme les autres. « La particularité de la stratégie marketing de ce film, c’est qu’elle est quasiment inutile », affirme Renan Cros, journaliste et enseignant en cinéma à Paris-VII.« Pas besoin de vendre le film au public, il est déjà vendu ! Ce qu’on promeut, c’est [l’univers] Star Wars, plus que le film. Le marketing se focalise sur l’univers de la saga et vend l’idée que Star Wars n’est pas un film, mais un rassemblement. En ce moment, le monde entier est connecté à cet univers, il faut vivre dans une grotte au pôle Nord pour ne pas en entendre parler. »Un univers archiconnu, au point d’être familier même aux rares personnes n’ayant vu aucun des films. « C’est l’un des plus célèbres blockbusters de l’histoire », rappelle Frédéric Martel, journaliste et chercheur auteur de Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde (Flammarion, 2010). « Par conséquent, Disney n’a même pas besoin d’acheter trop d’espace publicitaire, puisque ses bandes-annonces deviennent des événements à part entière, relayés par les médias comme une actualité culturelle. Peu de films ont cette capacité à générer de la presse gratuite, c’est un atout immense. » Au point qu’il est parfois difficile de différencier contenu publicitaire et contenu éditorial, plusieurs magazines comme Time mettant en scène sur leur couverture le nouveau robot de la saga.Devinette : laquelle de ces deux (belles) couvertures est une pub ? https://t.co/lQS0wIg2hb— lomigg (@Lomig Guillo)require(["twitter/widgets"]);Autre particularité, et pas des moindres, de cette franchise : sa gigantesque communauté de fans, l’une des plus puissantes au monde, vecteur de promotion à grande échelle sur Internet et les réseaux sociaux. « Dans le cinéma, même Batman et Spiderman en sont loin. Il y a bien Harry Potter, mais c’était d’abord lié à des livres », précise Frédéric Martel.Mais c’est là que réside toute la difficulté de cette campagne marketing : comment réussir à concilier les attentes d’une communauté de fans ultra-exigeants et celles du grand public ? « Il y a un dosage subtil à trouver : il faut être dans la continuité, dans les codes de la marque, et rompre en même temps, car il ne faut pas que ce film soit vendu comme un énième épisode, explique Frédéric Martel. Un blockbuster, ce n’est pas une boîte de petits pois, ça doit être différent à chaque fois. »Eléments de langagePour combler le public le plus pointu, Disney distille de nouveaux éléments très précis de l’univers, par exemple concernant Jakku, la planète sableuse de Rey, un des nouveaux personnages de l’épisode VII.Lire aussi :Le tourisme spatial virtuel, la nouvelle fantaisie de « Star Wars VII : Le Réveil de la force »Pour les autres, Disney s’appuie sur l’artillerie lourde : une présence massive sur de nombreux supports. Outre les traditionnelles affiches et bandes-annonces, Star Wars s’impose dans le quotidien de tout un chacun. Des bouteilles d’eau aux céréales, en passant par les rames de métro, la page d’accueil de Google, les émoticones des réseaux sociaux ou les colis de La Poste, impossible d’échapper aux sabres laser et autres droïdes. Même si, selon Hélène Laurichesse, maître de conférences à l’université Toulouse-Jean-Jaurès et spécialiste du marketing au cinéma, l’ampleur est moindre que lors de la sortie de la prélogie, en 1999 :« Comme pour James Bond, ils étaient allés un peu trop loin dans les partenariats avec les marques, ça avait généré une saturation complète, ce qui avait déplu aux fans. Cette fois, le nombre de contrats passés permettant la déclinaison de la marque sur des produits a diminué de moitié. »Il faut aussi promouvoir le film dans de nombreux pays aux cultures très différentes. Ainsi, la bande-annonce sortie au Japon n’est pas la même que celle qui est montrée aux Etats-Unis. Et la production joue de ces variations. Quelques images inédites y ont été ajoutées et, grâce à Internet, ces images destinées à un public japonais ont fait le tour du monde. A l’inverse, la déclinaison de l’affiche en Chine a généré l’un des rares couacs de cette campagne marketing jusqu’ici parfaitement maîtrisée.#StarWars outcry after China shrinks star in poster: https://t.co/YfsuiyIVO1 #TheForceAwakens https://t.co/lOj88L1cL7— EW (@Entertainment Weekly)require(["twitter/widgets"]);Disney profite aussi de la force de frappe de son groupe tentaculaire pour décliner Star Wars sur différents supports : ici, un spot où les personnages du film d’animation Vice-Versa, produit par Disney, commentent la bande-annonce de l’épisode VII ; là, une bande dessinée sur Dark Vador créée par Marvel, elle aussi filiale de Disney… Sans parler des Disney Stores, magasins qui écoulent des stocks de produits dérivés : jouets, figurines, déguisements, tasses, et même boules de Noël.Ces objets font, depuis 1977, partie intégrante de la stratégie marketing de Star Wars et rapportent gros, plus que les films eux-mêmes. Choisir de sortir le film en décembre, quelques jours avant Noël, n’a rien d’un hasard. La campagne marketing bénéficie autant au film qu’aux jouets sur lesquels se jettent déjà, depuis des mois, petits et grands. La franchise réussit même l’exploit de vendre des produits sur des personnages encore inconnus du public, comme le droïde sphérique BB8, apparu seulement quelques secondes dans les bandes-annonces.Star Wars s’affiche donc partout… mais pour ne rien dire. Après des mois de promotion continue, le public ne sait toujours rien de l’intrigue, tout juste dispose-t-il d’un aperçu des nouveaux personnages qu’il s’apprête à découvrir. Le secret est bien gardé et dans les interviews, les acteurs ne lâchent aucune information. C’est qu’ils sont parfaitement briefés, « avec des éléments de langage, presque comme les politiques », précise Renan Cros.L’absence comme stratégieLes fans se rattachent aux miettes qu’on leur donne pour mieux les décortiquer et développer leurs propres théories. « La moindre information sur Star Wars déclenche tellement de rumeurs, de recherches d’indices… Ça marche même quand ce n’est pas calculé », observe Hélène Laurichesse. Mieux : l’absence d’information génère elle aussi de la discussion. Ainsi, l’absence remarquée de Luke Skywalker dans la promotion du film, alors que son interprète Mark Hamill apparaît dans le casting, alimente toutes les spéculations et accroît l’impatience. « Toute la difficulté est de tenir le public dans un état d’inquiétude et de satisfaction permanent », analyse Renan Cros. Le public se demande toujours si le film sera à la hauteur, et c’est là que le marketing intervient, selon lui :« Le véritable enjeu consiste à rassurer les gens. C’est leur dire, on va vous faire oublier les épisodes I, II et III [assez mal accueillis par le public], et revenir aux fondamentaux des années 1970. Disney capitalise sur le passé du film, sur la nostalgie, et vend quelque chose que le public connaît déjà. »Et l’explicite même dans le deuxième teaser, quand Han Solo, personnage emblématique de la trilogie originale, lance cette désormais célèbre citation « Chewie, we’re home » (« Chewie, on est à la maison »). Un clin d’œil évident, représentatif de la stratégie promotionnelle de ce septième opus. « Le titre du film lui-même, Le Réveil de la force, indique que c’était toujours là, endormi, et que ça va ressurgir triomphalement, explique Renan Cros. Ce marketing s’appuie sur une mythologie qui dépasse le film. On efface même presque George Lucas, dont on n’a plus besoin : l’univers a fait disparaître l’auteur. Il suffit de lancer le générique, la musique, et c’est parti. »Morgane TualJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Il est probable que le nom de David Douche ne dise plus grand-chose à personne. Cet homme de 43 ans, retrouvé mort par asphyxie, en compagnie de sa compagne, à la suite de l’incendie de leur domicile à Hazebrouck (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 décembre, aura été l’acteur d’un seul rôle, mais inoubliable. C’était en 1997.Près de vingt ans après, le souvenir est précis, aigu, perçant. Le film s’intitule La Vie de Jésus, c’est le premier de Bruno Dumont, et David Douche, solide blondinet d’une vingtaine d’années à la tête dure et au regard qui vrille, y campe Freddy, un jeune chômeur qui tourne à mobylette avec ses copains dans un paysage du Nord somptueux et déjà abandonné, déjà désolé, déjà tenté par le pire. Un copain qui meurt du sida à l’hôpital, une petite copine qui va voir ailleurs, des tonnes de ciel bas et de calamité sociale et morale sur les épaules. Le drame rôde sourdement, il surviendra, entre un pépiement de pinson et une apparition dénudée de la mère, sous la forme d’un assassinat passionnel à relent raciste.Enfant de la DDASSLa triple découverte du film, de l’auteur et de l’acteur est époustouflante. Cette âpreté, cette beauté, cette dure poésie flamande, cette pertinence politique du propos, ce sentiment tout à la fois d’authenticité absolue et de transfiguration esthétique : on n’avait, quasiment, jamais vu ça dans le cinéma français. David Douche était le tout premier de ces acteurs non professionnels, comme extraits à la matière brute d’une région à la fois grandiose et paupérisée, qui nourrissent depuis lors le cinéma de Bruno Dumont (de L’Humanité au P’tit Quinquin), auteur viscéralement attaché à sa région natale comme terre d’élection d’un cinéma au vaste horizon, charnel, torturé, tellurique.Enfant de la DDASS, élevé en famille d’accueil, David Douche ne sera parvenu, ni avant, ni après ce premier et dernier rôle, à stabiliser une vie éclatée, souffrante, violente. Armée, prison, chômage, sans domicile fixe, sa situation semblait cependant s’être un peu améliorée ces dernières années.Sollicité par nos confrères de La Voix du Nord, Bruno Dumont y a ainsi rendu hommage à son premier acteur principal : « David habitait à Bailleul dans la rue des Foulons, décor principal et rue où habitera Freddy. David fut ainsi recruté parmi d’autres jeunes au casting. Ce fut d’abord peu probant tant David, sans y croire, méfiant naturellement, rechignait à l’exercice : il jouait mal, faux, mais, curieusement, s’y soumettait pourtant et revenait toujours aux autres rendez-vous. Dans tout ce cafouillage, il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée. Son passage au cinéma illumina ainsi tout un film, La Vie de Jésus, et tous les dilemmes obscurs des questions morales. »Lire aussi :Bruno Dumont en sept merveillesJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Le comédien Jacques Denis, qui avait été révélé dans La Salamandre, d’Alain Tanner, en 1971, est mort le 2 décembre, à Saint-Quentin (Aisne). Il avait 72 ans et s’était retiré du métier d’acteur depuis une dizaine d’années. Dans le film de Tanner, qui devait marquer le renouveau du cinéma suisse, il incarnait l’un des deux soupirants de l’héroïne que jouait Bulle Ogier. Aux côtés de Jean-Luc Bideau, il imposait une présence à la fois gracieuse et massive. Dans Le Monde, Louis Marcorelles écrivait à son sujet : « La révélation du film reste pourtant Jacques Denis, Paul, l’acteur le plus poétique, le plus pudique apparu depuis John Garfield. Tendresse et lucidité, sourire (pour ne pas avoir à en pleurer), joie d’être malgré tout. » Ce premier grand rôle au cinéma était l’aboutissement d’un apprentissage commencé à Paris, où le jeune homme, né à Fès (Maroc) le 12 mai 1943, avait suivi les cours d’art dramatique dispensés par Tania Balachova, avant d’entamer sa carrière sur les scènes romandes. C’est là qu’Alain Tanner le repère pour « son physique singulier (…) un humour et une intelligence qui lui permettaient d’inventer des personnages à part », comme l’a expliqué le cinéaste à nos confrères du Temps.Aussi acteur de télévision et de théâtreJacques Denis retrouvera Alain Tanner pour Le Milieu du monde (1974) et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). Il tourne aussi avec Bertrand Tavernier, qui lui confie un important second rôle dans son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul, en 1974. On voit aussi le comédien à la télévision française, dans la série « Le Pain noir », de Serge Moati (1975).En 1977, le jeune (29 ans) réalisateur Laurent Heynemann lui confie le rôle principal de La Question, adaptation du récit que le militant communiste Henri Alleg a fait de sa torture aux mains de l’armée française, à Alger, en 1956. Les dispositions de la loi d’amnistie obligent à changer le nom du personnage principal : Jacques Denis sera Henri Charlègue, mais il imposera la vérité d’un personnage intègre qui résiste à la souffrance et à l’humiliation.Ses apparitions au cinéma s’espacent : chez Bertrand Blier (Calmos, en 1976, Notre histoire, en 1984) ou Claire Denis, qui le fait jouer dans Chocolat, son premier film, en 1988. Jacques Denis travaille ensuite essentiellement à la télévision et au théâtre. On l’a vu une dernière fois sur grand écran en 2003, dans un petit rôle que lui avait confié Raoul Ruiz dans Ce jour-là.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Film sur Canal+ à 15 h 30Christopher Nolan livre une fable spatio-temporelle qui n’a pas le souffle de ses célèbres prédécesseurs.Amateur de scénarios alambiqués (Memento, Le Prestige, Inception), auteur d’une trilogie de « Batman » sombre et sinueuse, Christopher Nolan n’aime rien tant que plier le monde et les hommes à une volonté démiurgique. Le jeu prend avec Interstellar une dimension galactique. Un long prologue en forme d’americana malade situe le film dans le cadre apocalyptico-catastrophiste qui va si bien à notre époque. En un mot, les plantes étant ravagées par une incoercible épidémie, les hommes sont condamnés, à terme, à l’asphyxie.Fort heureusement Cooper, un ex-cosmonaute reconverti fermier (Matthew McConaughey, étoile texane), est choisi par la NASA pour mener une mission de reconnaissance destinée à trouver une planète où l’humanité pourrait survivre.Il doit pour cela traverser un trou noir par une faille spatio-temporelle (le trou de ver) et prendre le risque de ne jamais revoir ses enfants.Suspension du tempsSon épopée, menée avec quelques partenaires, le mènera en une éternelle jeunesse, tandis que, sur Terre, sa fille, inexorablement soumise à la loi de la gravité terrestre (Jessica Chastain), devient, avant de prendre sa retraite, l’une des responsables du programme de sauvetage dont dépend son père.Cette idée de suspension du temps et de rapport filial désynchronisé est de loin la plus saillante et la plus émouvante du film. Il faut en créditer l’auteur, au même titre que certaines visions de l’espace qui ne sont pas sans une étrange beauté. Mais lui accorderait-on, par surcroît, le sens plus que jamais pascalien du divertissement que cela ne suffirait pas à combler les nombreuses faiblesses du film. Un scénario confinant au pompier pour se hisser à la hauteur de son ambition, une héroïsation du personnage principal qui confine au ridicule, des personnages secondaires sacrifiés, des dialogues trop souvent pris dans la gélatine scientifique, une partition musicale assommante (signée du compositeur tayloriste Hans Zimmer), plus que tout une hésitation à terme paralysante entre volonté de vraisemblance et recours à l’imaginaire. Voilà en vérité un film qui, à force de se vouloir visionnaire, s’interdit l’intime et brûlante liberté de la vision.Interstellar, EU-GB., 2014, 170 min. (mercredi 2 sur Canal+ à 15 h 30). Mercredi 2 décembre sur Canal+ à 15 h 30.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Deux grands anciens, Nanni Moretti et Steven Spielberg, dominent les sorties de la semaine. Le premier avec Mia madre, présenté au dernier Festival de Cannes, variation subtile et bouleversante sur le thème de l’autoportrait. Steven Spielberg, 68 ans, retombe en enfance sans rien perdre de son brio et de son intelligence en replongeant dans la guerre froide. Il revient à un jeune metteur en scène, Nicolas Saada, d’affronter le monde d’aujourd’hui : Taj Mahal met en scène une victime des attentats de Bombay en 2008. En dehors des sorties, on peut rencontrer un géant du cinéma, cette semaine à la Cinémathèque : Im Kwon-taek, le cinéaste coréen aux cent films, ou se plonger dans l’infinie diversité du cinéma d’animation au Forum des images.MÈRES ROMAINES : « Mia madre », de Nanni MorettiC’est un autoportrait, puisque le personnage central réalise des films et voit sa mère quitter ce monde, comme l’auteur. Mais elle élève seule sa fille et lutte contre le machisme du monde du cinéma, ce qui n’a pas dû arriver à Nanni Moretti. L’auteur de Palombella rossa joue avec les barreaux de la cage qu’il s’est construite : sa caméra parcourt les mêmes rues romaines depuis des décennies, son esprit inquiet est agité des rêves brisés qui le taraudent depuis la fin des années 1970. Mais en confiant ces fardeaux à une femme, magnifiquement interprétée par Margherita Buy, Moretti échappe au ressassement, décale avec grâce la perspective et ouvre la voie à de nouvelles émotions, amères et douces, entrecoupées d’éclats de rire sardoniques (grâce à la belle caricature de comédien américain qu’offre John Turturro).Film italien de et avec Nanni Moretti, avec Margherita Buy, John Turturro. (1 h 51.)MONSIEUR TOUT-LE-MONDE S’EN VA-T-EN GUERRE FROIDE : « Le Pont des espions », de Steven SpielbergQuand il était petit, dans les années 1950, Steven Spielberg vivait dans la terreur de l’apocalypse nucléaire, comme tous les écoliers américains. Lorsqu’un jeune scénariste britannique, Matt Charman, lui a proposé un scénario autour de l’échange, en 1962 à Berlin, de l’espion soviétique Rudolf Abel contre le pilote américain Gary Powers, il a été enthousiasmé. Cette opération fut menée par un dilettante du renseignement, l’avocat James B. Donovan, recruté par la CIA pour éviter de négocier directement avec l’ennemi. Dans le rôle de cet homme ordinaire, bon père de famille, précipité dans la tourmente glacée (on est en plein hiver, juste après la construction du mur), Tom Hanks est formidable de grâce et de gaucherie, à la manière de James Stewart. Mêlant sans effort la tragédie, la réflexion politique, la comédie et l’hommage à l’âge classique du cinéma américain, Steven Spielberg flirte ici avec la perfection.Film américain de Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. (2 h 21.)Vivre dans la terreur : « Taj Mahal », de Nicolas SaadaLe 26 novembre 2008, un commando venu du Pakistan attaque douze objectifs à Bombay, dont l’Hôtel Taj Mahal. Les clients se terrent dans leurs chambres, certains sont abattus. C’est le personnel qui paie le plus lourd tribut. Frappé par le récit d’une jeune survivante française, Nicolas Saada en a tiré un scénario et un film. Celui-ci décrit minutieusement la nuit de terreur que vit Louise, une jeune fille qui habite le grand hôtel avec ses parents expatriés. Ce soir-là, ils sont sortis, et la mise en scène se concentre sur l’adolescente isolée et les parents tenus à l’écart par la police et l’armée, sans montrer les assaillants ni les autres victimes. L’effet est saisissant et démontre une grande intelligence du cinéma. Ce qui est survenu à Paris le 13 novembre a approché Taj Mahal si près de la réalité que sa vision, que l’on aurait recommandée en d’autres circonstances, peut se révéler insupportable à certains.Film français de Nicolas Saada, avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee. (1 h 31.)L’homme aux cent films : Im Kwon-taek à la Cinémathèque Au début de sa carrière, dans les années 1960, Im Kwon-taek réalisait environ cinq longs métrages par an. Il s’agissait bien sûr de remplir les quotas de production nationale fixée par le gouvernement de Corée du Sud, mais aussi d’assouvir une inépuisable rage de filmer. Plus tard, le réalisateur, devenu gloire du cinéma international, a empêché la projection de ces films produits à la chaîne, thrillers, westerns mandchous ou films de sabre. Il est revenu sur cette interdiction, et la rétrospective que propose la Cinémathèque permettra de confronter ces œuvres reniées et les chefs-d’œuvre de la maturité (Im Kwon-taek est né en 1936) : Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) ou Ivre de femmes et de peinture (2002). Le 3 décembre, de 19 heures à 21 heures, notre collaborateur Jean-François Rauger sera l’interlocuteur du maître pour une leçon de cinéma intitulée « Im Kwon-taek par Im Kwon taek ».A la Cinémathèque française, du 2 décembre 2015 au 29 février 2016.Poupées lubriques et figurines autistes : Carrefour du cinéma d’animationUne fois par an, le Forum des images (qui continue sans désemparer de montrer des images hors du commun, oublieux des bouleversements à la surface du Forum des Halles) dresse en quelques jours un état des lieux du cinéma d’animation. C’est l’occasion de revenir sur une œuvre ou de découvrir des films encore inédits. Cette année, le héros de la fête est l’Australien Adam Elliot, l’auteur de Mary et Max, qui relatait, à travers des figurines animées, l’amitié épistolaire entre un New-Yorkais atteint du syndrome d’Asperger et une jeune Australienne esseulée. Côté découverte, on pourra voir en avant-première le très étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman (le scénariste d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou de Dans la peau de John Malkovich) et Duke Johnson, qui prête à ses marionnettes le don (et le fardeau) du désir érotique ou Le Garçon et la Bête, le nouveau film de Mamoru Hosoda, l’auteur des Enfants loups.Du 3 au 6 décembre, Forum des images.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5616f6a300ec2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5616f6a300ec2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. Toute ? Non, un seul humain survit, barricadé chaque nuit pour échapper aux morts-vivants. ",Je suis une légende, roman de Richard Matheson, 1954", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/19/953x584/4792344_6_f615_ill-4792344-86aa-jesuisunelegende_253b0187a6f211b3bde4d76c28e83c2c.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": "premier" }, { "Année": 1984, "Titre": "Surveillance généralisée en Grande-Bretagne", "Para": "La Grande-Bretagne vit sous un régime totalitaire. La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5616f6a300ec2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Les hommes se déplacent avec des chevaux, et des troupeaux de moutons traversent la ville.",Peut-être, film de Cédric Klapisch, 1999", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2090, "Titre": "Premier meurtre d’un humain par une machine", "Para": "Un androïde domestique, menacé par son propriétaire, finit par le tuer. C’est la première fois qu’une machine intelligente assassine un humain.",Animatrix: The Second Renaissance, court-métrage animé de Mahiro Maeda, 2003", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2122, "Titre": "Découverte d’un vaisseau extraterrestre",Nostromo atterrissent sur une petite planète, guidés par un signal de détresse. Ils y découvrent un vaisseau extraterrestre échoué.",Alien, film de Ridley Scott, 1979", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": 2145, "Titre": "La Terre est sous les eaux", "Para": "Le réchauffement climatique et la montée des eaux ont rendu inhabitable la majeure partie du globe – les humains vivent désormais au Groenland, loin des jungles tropicales du Nord et des océans qui ont recouvert les zones inondables. ",Le Monde englouti, roman de J. G. Ballard, 1962", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2495, "Titre": "Un monde « parfait »", "Para": "La guerre de neuf ans a détruit la majorité des pays du monde ; les humains sont désormais tous conçus in vitro et séparés par eugénisme entre quatre classes aux droits et devoirs différents, et vivent dans une société marquée par la drogue et le sexe, utilisés comme outils de contrôle social. ",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. ",Niourk, roman de Stefan Wul, 1957", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2899, "Titre": "Des tubes pneumatiques pour traverser les océans", "Para": "Les humains voyagent sous les océans dans des tubes pneumatiques, et communiquent par « teléphote » (visiophone).",La Journée d'un journaliste américain en 2889, nouvelle de Jules Verne, 1889", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 10191, "Titre": "L'humanité maîtrise l'espace ", "Para": "Le voyage interstellaire est devenu banal, permettant à l'humanité de conquérir l'espace, mais l'épice – drogue impossible à synthétiser qui permet aux pilotes de voir l'avenir pour guider les vaisseaux – est devenue l'enjeu principal d'une guerre complexe, au cœur de laquelle se situe la planète désertique Arrakis, la seule qui en produise. ",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Ils y découvrent un vaisseau extraterrestre échoué.",Alien, film de Ridley Scott, 1979", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": 2145, "Titre": "La Terre est sous les eaux", "Para": "Le réchauffement climatique et la montée des eaux ont rendu inhabitable la majeure partie du globe – les humains vivent désormais au Groenland, loin des jungles tropicales du Nord et des océans qui ont recouvert les zones inondables. ",Le Monde englouti, roman de J. G. Ballard, 1962", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2495, "Titre": "Un monde « parfait »", "Para": "La guerre de neuf ans a détruit la majorité des pays du monde ; les humains sont désormais tous conçus in vitro et séparés par eugénisme entre quatre classes aux droits et devoirs différents, et vivent dans une société marquée par la drogue et le sexe, utilisés comme outils de contrôle social. ",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. ",Niourk, roman de Stefan Wul, 1957", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2899, "Titre": "Des tubes pneumatiques pour traverser les océans", "Para": "Les humains voyagent sous les océans dans des tubes pneumatiques, et communiquent par « teléphote » (visiophone).",La Journée d'un journaliste américain en 2889, nouvelle de Jules Verne, 1889", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 10191, "Titre": "L'humanité maîtrise l'espace ", "Para": "Le voyage interstellaire est devenu banal, permettant à l'humanité de conquérir l'espace, mais l'épice – drogue impossible à synthétiser qui permet aux pilotes de voir l'avenir pour guider les vaisseaux – est devenue l'enjeu principal d'une guerre complexe, au cœur de laquelle se situe la planète désertique Arrakis, la seule qui en produise. ",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5616f6a300ec2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Le coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5613ee34c9e35'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.09.2015 à 15h19 • Mis à jour le30.09.2015 à 16h30 Le Conseil d’Etat a confirmé, mercredi 30 septembre, l’interdiction aux moins de 18 ans du film Love, de Gaspar Noé. Il valide ainsi une décision du tribunal administratif du 30 juillet.« Le juge des référés du tribunal administratif n’a pas commis d’erreur en suspendant partiellement le visa d’exploitation au motif que le film Love aurait dû être interdit aux moins de 18 ans (sans classement « X »), en raison des nombreuses scènes de sexe non simulées qu’il comporte », a précisé le Conseil d’Etat dans un communiqué.Lire aussi :Derrière Promouvoir, qui a fait interdire « Love » aux moins de 18 ans, un homme, André BonnetUne décision « aberrante »Love, radiographie d’une passion amoureuse où chair et sentiments sont en symbiose, est sorti en salles le 15 juillet, en étant interdit seulement aux moins de 16 ans. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, qui souhaitait pourtant voir cette œuvre interdite à l’ensemble des mineurs et avait saisi à deux reprises la commission de classification des œuvres du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), avait finalement suivi son avis pour délivrer le visa d’exploitation.L’association Promouvoir, qui vise « la promotion des valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la vie sociale », avait alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris et demandé la suspension du visa d’exploitation, estimant que ce film devait être interdit aux moins de 18 ans.Considérant que la « répétition » et l’« importance dans le scénario » de scènes de sexe non simulées étaient « de nature à heurter la sensibilité des mineurs », le tribunal administratif a effectivement suspendu le visa d’exploitation à la fin de juillet. Une décision qualifiée à l’époque d’« aberration », par le réalisateur Gaspard Noé : « Il y a un risque que les cinéastes ou scénaristes s’autocensurent », avait-il déclaré au quotidien Libération. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313524292 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313524292 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des films en France (CNC)Source : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-56164921a8561'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Arte, à 22 h 30 Version andalouse et muette de « Blanche-Neige », le film de Pablo Berger charme et émeut.Telle la poignée d’explorateurs européens qui s’acharnaient à remonter le Nil pour en trouver la source, les cinéastes du XXIe siècle remontent le temps du cinéma, laissant derrière eux le moment où la parole lui est venue. Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Un robot est mis au point pour déclencher la rébellion des ouvriers.",Metropolis, film de Fritz Lang, 1927", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2030, "Titre": "Des cyborgs dans la police", "Para": "Le corps spécial de la police est constitué de cyborgs doués de la pensée, de la parole, et d’un corps sexué.",Ghost in the Shell, manga de Mamasume Shirow, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2052, "Titre": "La peste grise menace", "Para": "Des groupes terroristes gangrènent les Etats-Unis et la France. 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",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. ",Niourk, roman de Stefan Wul, 1957", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2899, "Titre": "Des tubes pneumatiques pour traverser les océans", "Para": "Les humains voyagent sous les océans dans des tubes pneumatiques, et communiquent par « teléphote » (visiophone).",La Journée d'un journaliste américain en 2889, nouvelle de Jules Verne, 1889", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 10191, "Titre": "L'humanité maîtrise l'espace ", "Para": "Le voyage interstellaire est devenu banal, permettant à l'humanité de conquérir l'espace, mais l'épice – drogue impossible à synthétiser qui permet aux pilotes de voir l'avenir pour guider les vaisseaux – est devenue l'enjeu principal d'une guerre complexe, au cœur de laquelle se situe la planète désertique Arrakis, la seule qui en produise. ",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. Toute ? Non, un seul humain survit, barricadé chaque nuit pour échapper aux morts-vivants. ",Je suis une légende, roman de Richard Matheson, 1954", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/19/953x584/4792344_6_f615_ill-4792344-86aa-jesuisunelegende_253b0187a6f211b3bde4d76c28e83c2c.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": "premier" }, { "Année": 1984, "Titre": "Surveillance généralisée en Grande-Bretagne", "Para": "La Grande-Bretagne vit sous un régime totalitaire. La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. Toute ? Non, un seul humain survit, barricadé chaque nuit pour échapper aux morts-vivants. ",Je suis une légende, roman de Richard Matheson, 1954", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/19/953x584/4792344_6_f615_ill-4792344-86aa-jesuisunelegende_253b0187a6f211b3bde4d76c28e83c2c.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": "premier" }, { "Année": 1984, "Titre": "Surveillance généralisée en Grande-Bretagne", "Para": "La Grande-Bretagne vit sous un régime totalitaire. La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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Un robot est mis au point pour déclencher la rébellion des ouvriers.",Metropolis, film de Fritz Lang, 1927", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2030, "Titre": "Des cyborgs dans la police", "Para": "Le corps spécial de la police est constitué de cyborgs doués de la pensée, de la parole, et d’un corps sexué.",Ghost in the Shell, manga de Mamasume Shirow, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2052, "Titre": "La peste grise menace", "Para": "Des groupes terroristes gangrènent les Etats-Unis et la France. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5616f6a300ec2'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. Toute ? Non, un seul humain survit, barricadé chaque nuit pour échapper aux morts-vivants. ",Je suis une légende, roman de Richard Matheson, 1954", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/19/953x584/4792344_6_f615_ill-4792344-86aa-jesuisunelegende_253b0187a6f211b3bde4d76c28e83c2c.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": "premier" }, { "Année": 1984, "Titre": "Surveillance généralisée en Grande-Bretagne", "Para": "La Grande-Bretagne vit sous un régime totalitaire. La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.10.2015 à 10h40 • Mis à jour le15.10.2015 à 12h36 | Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Les humains envoient huit astronautes tenter de le rallumer avec une explosion nucléaire.",Sunshine, film de Danny Boyle, 2007", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": 2062, "Titre": "Le monde est dominé par le dictateur Zorglub Jr", "Para": "Le monde est dominé par le dictateur Zorglub Jr, les horloges ont disparu, remplacées par des skons, qui indiquent aux humains la tâche qu’ils doivent réaliser.",Spirou et Fantasio : le réveil du Z, bande dessinée de Tome et Janry, 1985", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2070, "Titre": "Paris est ensablée", "Para": "La ville de Paris est recouverte de mètres de sable, victime du réchauffement climatique. Les hommes se déplacent avec des chevaux, et des troupeaux de moutons traversent la ville.",Peut-être, film de Cédric Klapisch, 1999", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2090, "Titre": "Premier meurtre d’un humain par une machine", "Para": "Un androïde domestique, menacé par son propriétaire, finit par le tuer. C’est la première fois qu’une machine intelligente assassine un humain.",Animatrix: The Second Renaissance, court-métrage animé de Mahiro Maeda, 2003", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2122, "Titre": "Découverte d’un vaisseau extraterrestre",Nostromo atterrissent sur une petite planète, guidés par un signal de détresse. Ils y découvrent un vaisseau extraterrestre échoué.",Alien, film de Ridley Scott, 1979", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": 2145, "Titre": "La Terre est sous les eaux", "Para": "Le réchauffement climatique et la montée des eaux ont rendu inhabitable la majeure partie du globe – les humains vivent désormais au Groenland, loin des jungles tropicales du Nord et des océans qui ont recouvert les zones inondables. ",Le Monde englouti, roman de J. G. Ballard, 1962", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2495, "Titre": "Un monde « parfait »", "Para": "La guerre de neuf ans a détruit la majorité des pays du monde ; les humains sont désormais tous conçus in vitro et séparés par eugénisme entre quatre classes aux droits et devoirs différents, et vivent dans une société marquée par la drogue et le sexe, utilisés comme outils de contrôle social. ",Le Meilleur des mondes, roman d'Aldous Huxley, 1932", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2500, "Titre": "L'humanité retourne à l'âge de pierre", "Para": "Alors que la majeure partie de la population terrienne a fui sur Vénus, les rares humains restants sur Terre tentent de survivre en l'absence de la technologie. ",Niourk, roman de Stefan Wul, 1957", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2899, "Titre": "Des tubes pneumatiques pour traverser les océans", "Para": "Les humains voyagent sous les océans dans des tubes pneumatiques, et communiquent par « teléphote » (visiophone).",La Journée d'un journaliste américain en 2889, nouvelle de Jules Verne, 1889", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 10191, "Titre": "L'humanité maîtrise l'espace ", "Para": "Le voyage interstellaire est devenu banal, permettant à l'humanité de conquérir l'espace, mais l'épice – drogue impossible à synthétiser qui permet aux pilotes de voir l'avenir pour guider les vaisseaux – est devenue l'enjeu principal d'une guerre complexe, au cœur de laquelle se situe la planète désertique Arrakis, la seule qui en produise. ",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. La haute société assiste à l’explosion, sur un vaisseau spatial, lors d’une soirée mondaine.",Doctor Who, série de la BBC, 2005", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1100x642/4789447_6_7820_ill-4789447-23d2-doctorwho_69b6965f261fddba16f021ff27192b7d.png", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }]; // En premier, le code, ensuite le nom du PNG, et enfin la classe. pictos = { "Apocalypse": ["pictos_apocalyps", "bleu"], "Vie quotidienne": ["pictos_quotidien", "vert"], "Voyage dans le temps": ["pictos_machine", "orange"], "Robots": ["pictos_robot", "noir"], "Société": ["pictos_societe", "rouge"], "Espace": ["pictos_extraterrestre", "violet"] } $.each(data_accordion, function(i, d) { if (d["Photo"] != "") { " } else { photo = "" } if (d["Video"] != "") {" + d["Video"] + "" } else { video = "" } \ \ \ \ \' + d["Année"] + ' \ \ \ \' + d["Titre"] + ' \ \ \ \' + video + ' \' + photo + ' \' + d["Para"] + ' \' + d["Reference"] + ' \ \ \ \') }) $(".tab_detail").each(function() { enfant = $(this).children(".tab_detail"); $(this).attr("data-height", $(this).outerHeight()) if ($(this).parent().hasClass("premier")) { $(this).parent().addClass("deplie") $(this).height([eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 32)]) } else { $(this).height(0) } }) $(".tab_ligne").click(function() { ligne = $(this); enfant = $(this).children(".tab_detail"); if ($(this).hasClass("deplie")) { enfant.animate({ "height": 0 }, function() { $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) $(this).removeClass("deplie") $(this).attr("title", "Cliquez pour afficher les détails") } else { $(this).attr("title", "Cliquez pour cacher les détails") $(".tab_ligne").removeClass("deplie") $(".tab_detail").animate({ "height": 0 }) enfant.animate({ "height": eval(parseInt(enfant.attr("data-height")) + 16) }, function() { ligne.addClass("deplie") /*$( window ).scrollTop(ligne.offset().top);*/ $('html, body').animate({ scrollTop: ligne.offset().top - 50 }, 200); }) } }); });Lire aussi :« Retour vers le futur 2 » : on a bien fait d’y croire //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });PixelsJournaliste au MondeLes DécodeursJournaliste au Monde Gabriel Coutagne et Pauline CroquetMercredi 21 octobre 2015, 16 h 29. Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-561e11801375d'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Une jeunesse allemande \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Jean-Gabriel P\u00e9riot - A l'aide d'images d'archives rares, assembl\u00e9es sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel P\u00e9riot \u00e9claire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande \u00e0 Baader au sein de la Fraction arm\u00e9e rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse id\u00e9aliste, en col\u00e8re contre l'h\u00e9ritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au d\u00e9cha\u00eenement de violence.\r\nCr\u00e9dits : UFO DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Une jeunesse allemande\u00a0\u00bb\u00a0: de la r\u00e9volte \u00e0 la terreur\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Une jeunesse allemande \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Jean-Gabriel P\u00e9riot","legende":"A l'aide d'images d'archives rares, assembl\u00e9es sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel P\u00e9riot \u00e9claire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande \u00e0 Baader au sein de la Fraction arm\u00e9e rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse id\u00e9aliste, en col\u00e8re contre l'h\u00e9ritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au d\u00e9cha\u00eenement de violence.","source":"UFO DISTRIBUTION","index":0,"position":1,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"\u00ab\u00a0Une jeunesse allemande\u00a0\u00bb\u00a0: de la r\u00e9volte \u00e0 la terreur","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/une-jeunesse-allemande-de-la-revolte-a-la-terreur_4788156_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 16\r\n \r\n \r\nJean-Gabriel P\u00e9riot, r\u00e9alisateur : \"Je me m\u00e9fie beaucoup de la m\u00e9moire telle qu'elle s'invente\" - Le r\u00e9alisateur Jean-Gabriel P\u00e9riot explique pourquoi il s'est pench\u00e9 sur cette p\u00e9riode de l'histoire allemande. \"C'est le dernier moment o\u00f9, en Occident, on a cru \u00e0 la r\u00e9volution, au cin\u00e9ma comme outil de lutte r\u00e9volutionnaire\".\r\nCr\u00e9dits : JOHN MACDOUGALL\/AFP\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"Jean-Gabriel P\u00e9riot, r\u00e9alisateur : \"Je me m\u00e9fie beaucoup de la m\u00e9moire telle qu'elle s'invente\"","legende":"Le r\u00e9alisateur Jean-Gabriel P\u00e9riot explique pourquoi il s'est pench\u00e9 sur cette p\u00e9riode de l'histoire allemande. \"C'est le dernier moment o\u00f9, en Occident, on a cru \u00e0 la r\u00e9volution, au cin\u00e9ma comme outil de lutte r\u00e9volutionnaire\".","source":"JOHN MACDOUGALL\/AFP","index":1,"position":2,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Crimson Peak \u00bb, film am\u00e9ricain de Guillermo Del Toro - Une jeune romanci\u00e8re new-yorkaise de la fin du XIXe si\u00e8cle, qui a des dons de m\u00e9dium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son ch\u00e2teau sol\u00e9 au coeur d'une lande brumeuse. Maison hant\u00e9e, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro cr\u00e9e des enchantements in\u00e9dits \u00e0 partir d'ingr\u00e9dients traditionnels.\r\nCr\u00e9dits : UNIVERSAL PICTURES\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Crimson Peak\u00a0\u00bb\u00a0: L\u2019ivresse du m\u00e9lodrame gothique \u00e0 l\u2019\u00e2ge num\u00e9rique\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Crimson Peak \u00bb, film am\u00e9ricain de Guillermo Del Toro","legende":"Une jeune romanci\u00e8re new-yorkaise de la fin du XIXe si\u00e8cle, qui a des dons de m\u00e9dium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son ch\u00e2teau sol\u00e9 au coeur d'une lande brumeuse. Maison hant\u00e9e, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro cr\u00e9e des enchantements in\u00e9dits \u00e0 partir d'ingr\u00e9dients traditionnels.","source":"UNIVERSAL PICTURES","index":2,"position":3,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"\u00ab\u00a0Crimson Peak\u00a0\u00bb\u00a0: L\u2019ivresse du m\u00e9lodrame gothique \u00e0 l\u2019\u00e2ge num\u00e9rique","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/crimson-peak-l-ivresse-du-melodrame-gothique-a-l-age-numerique_4788600_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 16\r\n \r\n \r\nGuillermo Del Toro, r\u00e9alisateur : \"Mon rapport \u00e0 l'extraordinaire, \u00e0 sa possibilit\u00e9, est compl\u00e8tement mexicain\". - Le r\u00e9alisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des d\u00e9tails qu'il a fait coudre les costumes des personnages am\u00e9ricains de \"Crimson Peak\" \u00e0 la machine, comme ils l'\u00e9taient au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle, et ceux des personnages anglais \u00e0 la main. \"Je voulais que le public sente que le film a \u00e9t\u00e9 fabrqiu\u00e9 par une main humaine\".\r\nCr\u00e9dits : KERRY HAYES\/UNIVERSAL PICTURES\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nGuillermo del Toro, architecte de cauchemars\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"Guillermo Del Toro, r\u00e9alisateur : \"Mon rapport \u00e0 l'extraordinaire, \u00e0 sa possibilit\u00e9, est compl\u00e8tement mexicain\".","legende":"Le r\u00e9alisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des d\u00e9tails qu'il a fait coudre les costumes des personnages am\u00e9ricains de \"Crimson Peak\" \u00e0 la machine, comme ils l'\u00e9taient au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle, et ceux des personnages anglais \u00e0 la main. \"Je voulais que le public sente que le film a \u00e9t\u00e9 fabrqiu\u00e9 par une main humaine\".","source":"KERRY HAYES\/UNIVERSAL PICTURES","index":3,"position":4,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"Guillermo del Toro, architecte de cauchemars","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/guillermo-del-toro-architecte-de-cauchemars_4788159_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab L\u2019Homme irrationnel \u00bb, film am\u00e9ricain de Woody Allen - Woody Allen nous revient avec un film \u00e9nergique, un thriller m\u00e9taphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le r\u00f4le d'Abe Lucas, professeur de philosophie s\u00e9duisant qui arrive dans une petite universit\u00e9 de la c\u00f4te Est o\u00f9 il affole autant le corps enseignant f\u00e9minin que les \u00e9l\u00e8ves, \u00e0 commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien s\u00fbr, \u00e0 un moment, la m\u00e9canique va se d\u00e9r\u00e9gler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'\u00e0 l'accoutum\u00e9e chez le ma\u00eetre new-yorkais.\r\nCr\u00e9dits : SABRINA LANTOS\/GRAVIER PRODUCTIONS\/MARS DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0L\u2019Homme irrationnel\u00a0\u00bb : Woody Allen passe \u00e0 l\u2019action\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab L\u2019Homme irrationnel \u00bb, film am\u00e9ricain de Woody Allen","legende":"Woody Allen nous revient avec un film \u00e9nergique, un thriller m\u00e9taphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le r\u00f4le d'Abe Lucas, professeur de philosophie s\u00e9duisant qui arrive dans une petite universit\u00e9 de la c\u00f4te Est o\u00f9 il affole autant le corps enseignant f\u00e9minin que les \u00e9l\u00e8ves, \u00e0 commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien s\u00fbr, \u00e0 un moment, la m\u00e9canique va se d\u00e9r\u00e9gler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'\u00e0 l'accoutum\u00e9e chez le ma\u00eetre new-yorkais.","source":"SABRINA LANTOS\/GRAVIER PRODUCTIONS\/MARS DISTRIBUTION","index":4,"position":5,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"\u00ab\u00a0L\u2019Homme irrationnel\u00a0\u00bb : Woody Allen passe \u00e0 l\u2019action","link":"\/festival-de-cannes\/article\/2015\/05\/16\/l-homme-irrationnel-woody-allen-passe-a-l-action_4634628_766360.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Mune, le gardien de la Lune \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais de Beno\u00eet Philippon et Alexandre Heboyan - Pr\u00e9sent\u00e9 en juin 2015 au Festival d\u2019Annecy, ce long-m\u00e9trage d\u2019animation fran\u00e7ais invite en compagnie d\u2019un faune maladroit nomm\u00e9 gardien de la Lune \u00e0 une qu\u00eate initiatique rythm\u00e9e et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d\u2019\u00abAvatar\u00bb.\r\nCr\u00e9dits : PARAMOUNT PICTURES\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Mune, le gardien de la Lune \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais de Beno\u00eet Philippon et Alexandre Heboyan","legende":"Pr\u00e9sent\u00e9 en juin 2015 au Festival d\u2019Annecy, ce long-m\u00e9trage d\u2019animation fran\u00e7ais invite en compagnie d\u2019un faune maladroit nomm\u00e9 gardien de la Lune \u00e0 une qu\u00eate initiatique rythm\u00e9e et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d\u2019\u00abAvatar\u00bb.","source":"PARAMOUNT PICTURES","index":5,"position":6,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb, programme de deux courts-m\u00e9trages d\u2019animation tch\u00e8que et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk - Deux films courts, venus du glacis sovi\u00e9tique, composent ce programme. Il s\u2019agit des \u00ab Vacances du lion Boniface \u00bb (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de \u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb (1976), du Tch\u00e8que Zdenek Miler (auteur de la r\u00e9put\u00e9e \u00ab Petite taupe \u00bb). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d\u2019une charmante fantaisie qui semble avoir un peu d\u00e9sert\u00e9 notre \u00e9poque.\r\nCr\u00e9dits : CINÉMA PUBLIC FILMS\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb, programme de deux courts-m\u00e9trages d\u2019animation tch\u00e8que et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk","legende":"Deux films courts, venus du glacis sovi\u00e9tique, composent ce programme. Il s\u2019agit des \u00ab Vacances du lion Boniface \u00bb (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de \u00ab Sametka, la chenille qui danse \u00bb (1976), du Tch\u00e8que Zdenek Miler (auteur de la r\u00e9put\u00e9e \u00ab Petite taupe \u00bb). 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Malheureusement, cette seconde piste ne s\u2019av\u00e8re pas aussi porteuse que la premi\u00e8re. Dommage, car le film met admirablement en sc\u00e8ne l\u2019espace de l\u2019usine, la r\u00e9p\u00e9tition des t\u00e2ches et les rapports de l\u2019individu \u00e0 la structure.\r\nCr\u00e9dits : SHELLAC\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab C\u2019est quoi ce travail ? \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Luc Joul\u00e9 et S\u00e9bastien Jousse","legende":"Luc Joul\u00e9 et S\u00e9bastien Jousse ont pos\u00e9 leur cam\u00e9ra dans l\u2019usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en r\u00e9sidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s\u2019av\u00e8re pas aussi porteuse que la premi\u00e8re. Dommage, car le film met admirablement en sc\u00e8ne l\u2019espace de l\u2019usine, la r\u00e9p\u00e9tition des t\u00e2ches et les rapports de l\u2019individu \u00e0 la structure.","source":"SHELLAC","index":8,"position":9,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_8.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 10 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab La Forme des \u00eeles \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Patrick Viret - Fascin\u00e9 par l\u2019id\u00e9e d\u2019insularit\u00e9, le cin\u00e9aste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l\u2019histoire de l\u2019archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagn\u00e9 \u00e0 \u00eatre plus resserr\u00e9, il n\u2019en touche pas moins \u00e0 une forme pr\u00e9cieuse de m\u00e9lancolie, celle d\u2019une province presque imaginaire \u00e0 force d\u2019\u00e9loignement, et dessine \u00e0 travers elle un territoire de r\u00eaverie o\u00f9 la d\u00e9rive po\u00e9tique redevient possible.\r\nCr\u00e9dits : LES FILMS DU VIADUC\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab La Forme des \u00eeles \u00bb, documentaire fran\u00e7ais de Patrick Viret","legende":"Fascin\u00e9 par l\u2019id\u00e9e d\u2019insularit\u00e9, le cin\u00e9aste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l\u2019histoire de l\u2019archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagn\u00e9 \u00e0 \u00eatre plus resserr\u00e9, il n\u2019en touche pas moins \u00e0 une forme pr\u00e9cieuse de m\u00e9lancolie, celle d\u2019une province presque imaginaire \u00e0 force d\u2019\u00e9loignement, et dessine \u00e0 travers elle un territoire de r\u00eaverie o\u00f9 la d\u00e9rive po\u00e9tique redevient possible.","source":"LES FILMS DU VIADUC","index":9,"position":10,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_9.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 11 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Les Nouvelles Aventures d\u2019Aladin \u00bb, film fran\u00e7ais d\u2019Arthur Benzaquen - Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film fran\u00e7ais d'Arthur Benzaquen, \"Les Nouvelles Aventures d'Aladin\", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu.\r\nCr\u00e9dits : ROGER DO MINH\/PATHÉ DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Les Nouvelles Aventures d\u2019Aladin \u00bb, film fran\u00e7ais d\u2019Arthur Benzaquen","legende":"Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film fran\u00e7ais d'Arthur Benzaquen, \"Les Nouvelles Aventures d'Aladin\", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu.","source":"ROGER DO MINH\/PATH\u00c9 DISTRIBUTION","index":10,"position":11,"total_count":16,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_10.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 12 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Belles familles \u00bb, film fran\u00e7ais de Jean-Paul Rappeneau - Apr\u00e8s douze ans d'absence au cin\u00e9ma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une com\u00e9die familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, Andr\u00e9 Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardi\u00e8res r\u00e9gissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'\u00e9l\u00e9gance \u00e0 laquelle le r\u00e9alisateur de \"Tout feu, tout flamme\" nous avait jusqu'alors habitu\u00e9s.\r\nCr\u00e9dits : JÉRÔME PRÉBOIS\/ARP SÉLECTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0Belles Familles\u00a0\u00bb\u00a0: le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le si\u00e8cle\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Belles familles \u00bb, film fran\u00e7ais de Jean-Paul Rappeneau","legende":"Apr\u00e8s douze ans d'absence au cin\u00e9ma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une com\u00e9die familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, Andr\u00e9 Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardi\u00e8res r\u00e9gissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'\u00e9l\u00e9gance \u00e0 laquelle le r\u00e9alisateur de \"Tout feu, tout flamme\" nous avait jusqu'alors habitu\u00e9s.","source":"J\u00c9R\u00d4ME PR\u00c9BOIS\/ARP S\u00c9LECTION","index":11,"position":12,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"\u00ab\u00a0Belles Familles\u00a0\u00bb\u00a0: le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le si\u00e8cle","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/belles-familles-le-retour-de-jean-paul-rappeneau-dans-le-siecle_4788606_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_11.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 13 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab Phantom Boy \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli - Apr\u00e8s \"Une vie de chat\", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer pr\u00eatent leurs voix.\r\nCr\u00e9dits : DIAPHANA DISTRIBUTION\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nUne vie d\u2019enfant suspendue \u00e0 un trait\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Phantom Boy \u00bb, film d\u2019animation fran\u00e7ais et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli","legende":"Apr\u00e8s \"Une vie de chat\", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer pr\u00eatent leurs voix.","source":"DIAPHANA DISTRIBUTION","index":12,"position":13,"total_count":16,"item_lie":{"titre":"Une vie d\u2019enfant suspendue \u00e0 un trait","link":"\/cinema\/article\/2015\/10\/13\/une-vie-d-enfant-suspendue-a-un-trait_4788569_3476.html"},"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/14\/sur-les-ecrans-une-jeunesse-allemande-crimson-peak-et-l-homme-irrationnel_4788990_3476_12.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 14 \/ 16\r\n \r\n \r\n\u00ab T\u00eate baiss\u00e9e \u00bb, film fran\u00e7ais, bulgare et belge de Kamen Kalev - Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercept\u00e9 par la police fran\u00e7aise, est somm\u00e9 d\u2019infiltrer un r\u00e9seau de prox\u00e9n\u00e9tisme bulgare et s\u2019entiche de la prostitu\u00e9e qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l\u2019exploitation de l\u2019humain dans les recoins les plus mis\u00e9reux d\u2019Europe de l\u2019Est. Sa confusion narrative est largement compens\u00e9e par la densit\u00e9 humaine que charrie la belle mobilit\u00e9 de sa mise en sc\u00e8ne.\r\nCr\u00e9dits : LE PACTE\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\u00ab\u00a0T\u00eate baiss\u00e9e\u00a0\u00bb\u00a0: un film noir sauv\u00e9 par l\u2019amour\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab T\u00eate baiss\u00e9e \u00bb, film fran\u00e7ais, bulgare et belge de Kamen Kalev","legende":"Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercept\u00e9 par la police fran\u00e7aise, est somm\u00e9 d\u2019infiltrer un r\u00e9seau de prox\u00e9n\u00e9tisme bulgare et s\u2019entiche de la prostitu\u00e9e qui lui sert de liaison. 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Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.En 1948 : « « Elle ramasse littéralement tout... »Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit : « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ».Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956). Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici venu le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express :« C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Hugo Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que diriger une télévision Leur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières société française à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994 elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.10.2015 à 10h40 • Mis à jour le15.10.2015 à 12h36 | Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.Magnifiquement restauré, le film, présenté au festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.« Gérard Philipe féminin »Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit :  « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin ». Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951) elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.Entretemps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique ».Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).La production plutôt que télévisionLeur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à la Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La Femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.Thomas SotinelJournaliste au Monde 16.10.2015 à 14h13 • Mis à jour le21.10.2015 à 11h39 | Samuel Blumenfeld Le réalisateur, maître d’œuvre de reconstitutions plus vraies que nature, poursuit sur sa lancée avec « Seul sur mars », en salles ce mercredi. Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars.Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. »Metteur en scène et meneur d’hommesCette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter.« Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. »« Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne.« C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean ­Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une ­métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. »De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extra­terrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de ­paramètres pour que nous ­puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley ScottSeul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24)Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film sur Ciné + Premier à 20h45 Dans « The Immigrant », James Gray renoue avec ses thèmes de prédilection: tirangle amoureux, dilemne et trahison.Le mélodrame, qui met en scène les efforts d’Ewa (Marion Cotillard) pour prendre pied aux Etats-Unis, n’est pas un film à grand spectacle ni une odyssée. Sans sortir des espaces confinés d’Ellis Island et du quartier juif de Manhattan, James Gray parvient à donner à son récit une amplitude émouvante, et ce jusqu’au plan final, d’une richesse infinie.Pour arriver à ce dernier plan, il faut donc suivre les tribulations d’Ewa, que l’on découvre à son arrivée à Ellis Island en compagnie de sa sœur, Magda. Les deux jeunes femmes ont fui la Pologne au lendemain de la première guerre mondiale. Au débarquement, le triage est rapide : Magda, tuberculeuse, sera mise en quarantaine. Ewa, signalée comme femme de mauvaise vie par l’équipage du bateau sur lequel elle a voyagé, est promise, elle, à l’expulsion.Sensation de confinementElle est arrachée à la foule d’Ellis Island par Bruno Weiss (Joaquin Phoenix), un beau parleur qui tient sous sa coupe les fonctionnaires de l’immigration. Bruno est à la fois souteneur et metteur en scène. Les filles qui travaillent pour lui font des passes et se produisent dans un spectacle fripon. Parmi elles, Ewa, qui doit se prostituer pour faire soigner sa sœur à l’infirmerie d’Ellis Island. Justement, sur cette île, des spectacles ont lieu, dans lesquels se produit Orlando le Magicien (Jeremy Renner), qui s’appelle en fait Emil et se trouve être le cousin de Bruno.Le triangle, figure d’élection de James Gray, est en place. Des forces puissantes s’exercent sur chacun de ses sommets, allant jusqu’à la torture. Le catholicisme d’Ewa exacerbe la culpabilité qui la tenaille. Marion Cotillard n’en fait pas une fille perdue ordinaire, mais une femme à la volonté inflexible, prête à tous les arrangements avec le monde, jusqu’à perdre son âme.Comme si leurs affaires de cœur n’étaient pas assez compliquées, ces trois jeunes gens vivent dans un bouillon de culture, le Manhattan du début des années 1920, dont les effets pervers ne vont pas tarder à se manifester avec la corruption de la police et les trafics nés de la Prohibition en arrière-plan.James Gray ne sacrifie pas pour autant aux rituels de la reconstitution historique. Quelques vieux tacots seulement, un ferry à vapeur qui traverse le port de New York, l’intimité sordide des appartements sans eau courante ou les cellules surpeuplées d’Ellis Island. La teinte dominante de l’image du chef opérateur, Darius Khondji, légèrement sépia, accentue encore cette sensation de confinement.Chassé du théâtre miteux dans lequel il présentait ses « colombes », Bruno s’installe sous un tunnel de Central Park comme un camelot vendant de la chair fraîche. En plein hiver, il fait le bonimenteur devant des passants sceptiques, présentant ses créatures comme des héritières de la bonne société new-yorkaise.Cette mise en scène s’avère ­calamiteuse, ainsi que l’existence des trois personnages principaux, à l’exception de leur impulsion première : Ewa veut libérer sa sœur avant de se libérer ­elle-même, Orlando veut donner à chacun la possibilité du bonheur, et Bruno veut enfin pouvoir aimer.The Immigrant suit la remontée en surface de ces aspirations enfouies, retrouvant ce désir inextinguible de happy endqui est au cinéma ce que la poursuite du bonheur est aux textes fondamentaux des Etats-Unis.The Immigrant, de James Gray. Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix (EU, 2013, 120 min). Jeudi 15 octobre à 20 h 45 sur Ciné + Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.10.2015 à 06h56 • Mis à jour le14.10.2015 à 10h24 | Jacques Mandelbaum data-ui="carousel" data-module="portfolio" data-wrapper=".gallery" data-interval="false" data-is-atom tabindex="10"> « Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot" data-slide-description="A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence."Lire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur" Jean-Gabriel Périot, réalisateur : "Je me méfie beaucoup de la mémoire telle qu'elle s'invente"" data-slide-description="Le réalisateur Jean-Gabriel Périot explique pourquoi il s'est penché sur cette période de l'histoire allemande. "C'est le dernier moment où, en Occident, on a cru à la révolution, au cinéma comme outil de lutte révolutionnaire"." data-slide-item-lie="" « Crimson Peak », film américain de Guillermo Del Toro" data-slide-description="Une jeune romancière new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, qui a des dons de médium, tombe amoureuse d'un nobliau anglais et le rejoint dans son château solé au coeur d'une lande brumeuse. Maison hantée, crimes sanglants, passion sans retour, Guillermo del Toro crée des enchantements inédits à partir d'ingrédients traditionnels."Lire aussi :« Crimson Peak » : L’ivresse du mélodrame gothique à l’âge numérique" Guillermo Del Toro, réalisateur : "Mon rapport à l'extraordinaire, à sa possibilité, est complètement mexicain"." data-slide-description="Le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro se soucie tant des détails qu'il a fait coudre les costumes des personnages américains de "Crimson Peak" à la machine, comme ils l'étaient au début du XXe siècle, et ceux des personnages anglais à la main. "Je voulais que le public sente que le film a été fabrqiué par une main humaine"."Lire aussi :Guillermo del Toro, architecte de cauchemars" « L’Homme irrationnel », film américain de Woody Allen" data-slide-description="Woody Allen nous revient avec un film énergique, un thriller métaphysique qui pulse d'une force infatigable. Joaquin Phoenix y joue le rôle d'Abe Lucas, professeur de philosophie séduisant qui arrive dans une petite université de la côte Est où il affole autant le corps enseignant féminin que les élèves, à commencer par Jill Pollard (Emma Stone). Bien sûr, à un moment, la mécanique va se dérégler et s'emballer. Au point de conduire les personnages s'enfermer dans une spirale dangereuse et plus douloureuse qu'à l'accoutumée chez le maître new-yorkais."Lire aussi :« L’Homme irrationnel » : Woody Allen passe à l’action" « Mune, le gardien de la Lune », film d’animation français de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan" data-slide-description="Présenté en juin 2015 au Festival d’Annecy, ce long-métrage d’animation français invite en compagnie d’un faune maladroit nommé gardien de la Lune à une quête initiatique rythmée et inventive, dans un monde nocturne phosphorescent cousin de la jungle merveilleuse d’«Avatar»." data-slide-item-lie="" « Sametka, la chenille qui danse », programme de deux courts-métrages d’animation tchèque et russe de Zdenek Miler et Fiodor Khitruk" data-slide-description="Deux films courts, venus du glacis soviétique, composent ce programme. Il s’agit des « Vacances du lion Boniface » (1965), du Russe Fiodor Khitruk et de « Sametka, la chenille qui danse » (1976), du Tchèque Zdenek Miler (auteur de la réputée « Petite taupe »). Nonobstant la guerre froide et le goulag, voici deux films pour les tout petits, pimpants, charmants, pleins en un mot d’une charmante fantaisie qui semble avoir un peu déserté notre époque." data-slide-item-lie="" « Par accident », film français de Camille Fontaine" data-slide-description="A la croisée du thriller et du drame social sur l’immigration, cet excellente première réalisation de la scénariste de « Coco avant Chanel » et de la série « Les Revenants » construit autour d’un banal accident de voiture et d’un duo d’actrices remarquables (Hafsia Herzi et Emilie Dequenne) une tragédie intime prenante et pertinente." data-slide-item-lie="" « C’est quoi ce travail ? », documentaire français de Luc Joulé et Sébastien Jousse" data-slide-description="Luc Joulé et Sébastien Jousse ont posé leur caméra dans l’usine PSA de Saint-Ouen, entre 2012 et 2014, pour filmer le travail des ouvriers, mais aussi celui du compositeur Nicolas Frize en résidence sur place. Malheureusement, cette seconde piste ne s’avère pas aussi porteuse que la première. Dommage, car le film met admirablement en scène l’espace de l’usine, la répétition des tâches et les rapports de l’individu à la structure." data-slide-item-lie="" « La Forme des îles », documentaire français de Patrick Viret" data-slide-description="Fasciné par l’idée d’insularité, le cinéaste Patrick Viret arpente les rues, les chemins et l’histoire de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Si le film aurait gagné à être plus resserré, il n’en touche pas moins à une forme précieuse de mélancolie, celle d’une province presque imaginaire à force d’éloignement, et dessine à travers elle un territoire de rêverie où la dérive poétique redevient possible." data-slide-item-lie="" « Les Nouvelles Aventures d’Aladin », film français d’Arthur Benzaquen" data-slide-description="Vanessa Guide, Jean-Paul Rouve, Kev Adams et Nader Boussandel dans le film français d'Arthur Benzaquen, "Les Nouvelles Aventures d'Aladin", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas vu." data-slide-item-lie="" « Belles familles », film français de Jean-Paul Rappeneau" data-slide-description="Après douze ans d'absence au cinéma, Jean-Paul Rappeneau revient avec une comédie familiale au casting attractif - Mathieu Amalric, Karin Viard, André Dussolier, et Marine Vacth. Quiproquos, malentendus, jalousies... Des conventions boulevardières régissent les rapports entre personnages et l'on regrette l'élégance à laquelle le réalisateur de "Tout feu, tout flamme" nous avait jusqu'alors habitués."Lire aussi :« Belles Familles » : le retour de Jean-Paul Rappeneau dans le siècle" « Phantom Boy », film d’animation français et belge d'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli" data-slide-description="Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli signent ce film d'animation, produit par Folimage, aussi palpitant que sensible, auquel Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer prêtent leurs voix."Lire aussi :Une vie d’enfant suspendue à un trait" « Tête baissée », film français, bulgare et belge de Kamen Kalev" data-slide-description="Samy (Melvil Poupaud), un malfrat intercepté par la police française, est sommé d’infiltrer un réseau de proxénétisme bulgare et s’entiche de la prostituée qui lui sert de liaison. Le 3e film du bulgare Kamen Kalev pointe l’exploitation de l’humain dans les recoins les plus miséreux d’Europe de l’Est. Sa confusion narrative est largement compensée par la densité humaine que charrie la belle mobilité de sa mise en scène."Lire aussi :« Tête baissée » : un film noir sauvé par l’amour" « 7, rue de la Folie », film belge de Jawad Rhalib" data-slide-description="Une scène du film belge de Jawad Rhalib, "7, rue de la Folie", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015." data-slide-item-lie="" « L’Etape du papillon », documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux" data-slide-description="Une scène du film documentaire français de Jérôme Huguenin-Virchaux, "L'Etape du papillon", sorti en salles mercredi 14 octobre 2015, mais que nous n'avons pas pu voir." data-slide-item-lie="" Précedent1/16Suivant« Une jeunesse allemande », documentaire français de Jean-Gabriel Périot A l'aide d'images d'archives rares, assemblées sans l'appui d'une voix off, Jean-Gabriel Périot éclaire le processus de radicalisation suivi par les membres de la bande à Baader au sein de la Fraction armée rouge. De quoi comprendre le basculement d'une jeunesse idéaliste, en colère contre l'héritage nazi et le soutien du gouvernement aux dictatures lointaines, et qui passe de la protestation au déchaînement de violence.UFO DISTRIBUTIONLire aussi :« Une jeunesse allemande » : de la révolte à la terreur› Accéder au portfoliorequire(['lmd/ui/carousel', 'lmd/module/portfolio']);Les raisons de pavoiser sont rares. Profitons de celle-ci : il n’y a peut-être qu’en France qu’on peut voir, chaque semaine, des films si différents, embrassant le monde et le temps, l’imaginaire et l’actualité. Un montage d’archives brillantissime sur le groupe Fraction Armée rouge qui mit l’Allemagne à feu et à sang dans les années 1970. Le récit baroque et horrifique d’un des plus grands maîtres du cinéma fantastique américain. Un journal de cinq heures sur une famille irakienne à l’aube de la guerre, puis sous le déluge de feu qui allait désagréger son pays.LA BANDE A BAADER, UNE EXPLOSION QUI NAIT DE L’HISTOIRE : « Une jeunesse allemande » de Jean-Gabriel PériotDe 1970 à 1977, l’étudiant Andreas Baader, la journaliste Ulrike Meinhof et quelques autres camarades issus de l’extrême gauche allemande choisissent, après la répression violente du mouvement de protestation étudiante, la clandestinité et la lutte armée, rapidement le terrorisme, pour frapper l’Etat ouest-allemand. D’où viennent ces jeunes gens ? Qui sont-ils ? Quels comptent règlent-ils avec leurs pères et avec leur patrie ? Pourquoi ont-ils choisi de faire couler le sang ? En ces temps de terrorisme renaissant, une réponse intelligente, pesée, complexe, à ces questions peut-elle être entendue ? Eh bien oui, et ce subtil film de montage, dépourvu du moindre commentaire mais riche d’archives méconnues, en est la preuve.Documentaire français (1h33). UN MELO GOTHIQUE HYPERMNÉSIQUE ET FANTOMAL : « Crimson Peak » de Guillermo del Toro Le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est l’un des très rares artistes à apporter une sorte de virtuosité maladive, érudite et subtile au cinéma fantastique hollywoodien. Crimson Peak, son nouveau film, emporte une jeune New-yorkaise romantique dans un château en ruines de la lande anglaise, après qu’elle a épousé un nobliau inquiétant, qui entretient sur place des relations qui ne le sont pas moins avec sa propre sœur. Il n’en faut pas plus pour que les fantômes de la littérature, de la peinture, du cinéma et de l’art numérique se mettent à danser, sous la baguette imaginaire de Del Toro, le plus échevelé des ballets. Les réminiscences pleuvent, de Mary Shelley à Alfred Hitchcock jusqu’au « slasher » contemporain, transformant la minceur de l’intrigue et des personnages en ballet spectral d’une beauté évidemment fatale.Film américain. Avec Mia Wasikowska, Jessica Chastain, Tom Hiddleston (1 h 59). CHRONIQUE FAMILIALE DE LA DÉVASTATION IRAKIENNE : Homeland Cela se passe au festival de La Roche-Sur-Yon et c’est un événement plutôt rare. Un film de cinq heures qui se veut la chronique quotidienne d’une famille irakienne, pendant un an et demi, avant et après l’invasion américaine de 2003. L’auteur, Abbas Fahdel, né à Babylone, est installé en France depuis l’âge de dix-huit ans. A l’annonce de l’imminence d’une guerre dans son pays natal, il y retourne muni d’une caméra, et en ramène le matériau qui constituera in fine ce film-fleuve, tourné dans sa propre famille. Aussi loin que possible des images journalistiques « embarquées » ou des fictions de guerre hollywoodiennes, voici, filmé de l’intérieur, avec tendresse mais sans pathos excessif, le désastre universel de la guerre qui s’abat sur une famille qu’on pourrait prétendre comme toutes les autres, si elle n’avait pas subi le joug de la dictature d’un tyran durant des décennies, avant de devoir subir la désagrégation de son pays et la dévastation dans ses propres rangs. Le film a été montré dans de nombreux festivals. Il sortira en France en février 2016.6e Festival international du film de La-Roche-Sur-Yon. Du 12 au 18 octobre. Tél : 0251365021Projection du film : vendredi 16 octobre, 14 h 15, Cinéma Le Concorde.  Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet (avec AFP) Le 8 octobre était publiée la liste des 81 engagés dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Liste qui contenait une surprise de taille, puisque le film retenu pour représenter la Chine n’était pas celui qui avait été officiellement annoncé : exit, donc, Le Dernier Loup, du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, remplacé (à la dernière minute, apprendra-t-on quelques jours plus tard) par la comédie romantique Go Away Mr. Tumor, de Han Yan, succès de l’été en Chine.Jean-Jacques Annaud a réagi, lundi 12 octobre. Il dit avoir appris officiellement la nouvelle de la disqualification de son film le 9 octobre par une lettre « très charmante, mais dérangeante », qui lui a été adressée par Mark Johnson, le président du comité chargé de la recevabilité des films de cette catégorie.« Je suis stupéfait ! »Le comité américain de sélection a considéré que le film était insuffisamment chinois pour représenter la Chine. Une décision que le cinéaste juge « insupportable » : « On a fait notre film à partir d’un best-seller chinois, avec des acteurs entièrement chinois, dans des langues de la Chine – le mandarin et le mongol –, et c’est une histoire qui a un contenu chinois. Je suis stupéfait ! », a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.Lire aussi : « Le Dernier Loup » : une fable spectaculaire sur la fin du nomadisme mongolDotée d’un budget de 40 millions de dollars (35 millions d’euros), et financée à 80 % par la Chine, cette épopée animalière est le treizième long-métrage du réalisateur français, 71 ans. Adapté du livre Le Totem du loup, best-seller de l’écrivain Jiang Rong (2004) écoulé à plus de 20 millions d’exemplaires dans le pays, le film avait été un succès au box-office chinois lors de sa sortie, en février, rapportant quelque 110,5 millions de dollars à la production.Il avait été choisi au début de septembre par les autorités chinoises pour représenter le pays aux Oscars, non sans créer de polémique dans le milieu cinématographique chinois – le blockbuster avait notamment été préféré au film Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Déjà l’an passé, c’est un autre Français qui avait eu les faveurs de la Chine, Philippe Muyl, et son Promeneur d’oiseaux plutôt que Coming Home, de Zhang Yimou, pourtant pressenti.Lire aussi : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux Oscars« Mustang » retenuSelon le réalisateur français, le comité américain justifie son choix par le fait que la majorité de « l’apport artistique » du film ne vient pas de la Chine et qu’une partie de l’équipe technique – le réalisateur, deux scénaristes, un des producteurs, le directeur de la photographie et le compositeur – n’était pas chinoise. « Ils me font rigoler, ils me parlent d’une large équipe française, on était sept ! Et il y avait 600 Chinois sur mon plateau, sans parler des acteurs, et ensuite 2 000 personnes en postproduction, toutes en Chine ! », s’est indigné le réalisateur, qui a tourné dans les steppes de Mongolie-Intérieure, dans le nord du pays.Lire aussi : Annaud, entre Chine et loupsSi le Loup est insuffisamment chinois, on pouvait s’interroger sur le sort de deux autres films au pedigree hybride : le français, Mustang, de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven, tourné en Turquie et en turc, ou l’irlandais Viva, de Paddy Breathnach, lui entièrement tourné en espagnol, à Cuba. Mais les deux films sont, eux, bel et bien à leur place dans la liste.A la mi-décembre, l’Académie des Oscars publiera une première short list de neuf finalistes pour cette catégorie, avant l’annonce, le 14 janvier, des cinq nominés.Lire aussi :« Mustang » représentera la France aux OscarsEmmanuelle Jardonnet (avec AFP)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film sur Canal + cinéma à 20 h 50  Romain Duris devient Virginia sous le regard de François Ozon, qui signe un film au charme troublant.Une nouvelle amie commence au vert paradis des amitiés enfantines. Deux petites filles, Claire (qui prendra au bout de quelques plans les traits d’Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) sont inséparables. En un montage virtuose, Ozon survole le premier quart de siècle de leurs vies, fait d’émois, de compromis et de tragédie. A peine ont-elles eu le temps de se marier que Laura est frappée par la maladie et meurt, laissant un époux, David (Romain Duris), et une petite fille de quelques mois.Claire tombe alors dans une dépression dont son mari, un brave garçon un peu obtus (Raphaël Personnaz), tente de la sortir. Il lui conseille de rendre visite à David et au bébé. Elle pousse à l’improviste la porte de la maison cossue où le jeune veuf est censé pleurer son épouse et découvre le bébé dans les bras d’une femme blonde qui porte les vêtements de la défunte. David, qui a enfilé une robe de sa femme, lui confesse que ce stratagème a le double avantage de calmer le nourrisson et de satisfaire une très ancienne pulsion de travestissement, mise en sommeil pendant son mariage avec Laura.Désirs et vertigesCette transgression est l’acte inaugural d’une course vers la liberté que Claire entreprend d’abord avec réticence. La transformation de David en Virginia (c’est ainsi qu’il se rebaptise) est l’accomplissement de son destin, alors que la jeune femme remodèle le sien pour faire place aux désirs et vertiges que provoque cette transformation qui est aussi la résurrection de son amie morte.Ozon joue de toutes les ambiguïtés de la situation, mettant en scène avec une ironie chaleureuse une virée dans un centre commercial où Virginia parfait son apprentissage du shopping, où Claire fait celui de la fantaisie et de la transgression. Mais la relation ne peut être la simple remise en marche d’une amitié interrompue, le désir relève la tête, et la paire d’amies tend à se transformer en couple.La part de souffrance éludéeLe scénario de François Ozon (inspiré d’une nouvelle de Ruth Rendell) élude presque en permanence la part de souffrance, la violence sociale qui pourraient surgir de la situation. Le cinéaste préfère jouer avec la stupeur de Gilles, le mari, qui refuse de se laisser submerger par la vague érotique qui accompagne l’irruption de Virginia dans la vie de son couple. Pendant qu’Anaïs Demoustier prend un plaisir manifeste à l’épanouissement de son personnage, à en faire un être sensible et sensuel, Raphaël Personnaz sombre toujours un peu plus dans un conformisme simplement ridicule.Le troisième sommet du triangle est peut-être le plus frustrant. Les obstacles que la vie en société dresse sur le chemin des travestis sont épargnés à David/Virginia, qui peut ainsi consacrer toute son énergie à sa transformation, à la redéfinition de son existence. On peut y voir une célébration du désir. On peut aussi soupçonner Une nouvelle amie de ne pas être tout à fait le grand film qu’il aurait pu être, si l’exploration de toutes les conséquences de ce désir s’était avancée plus loin.Une nouvelle amie, de François Ozon. Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz (Fr., 2014, 107 min). Lundi 12 octobre sur Canal + Cinéma à 20 h 50.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel A la Cinémathèque à ParisMercredi 14 octobre à 19 heures, Martin Scorsese présentera lui-même Taxi Driver, après avoir inauguré l’exposition qui sera présentée rue de Bercy jusqu’à la Saint-Valentin suivante (date, dans cette mythologie-là, d’un des plus sombres exploits d’Al Capone, et non fête des amoureux). Exposition Martin Scorsese - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.L’exposition elle-même est adaptée de celle qu’a montée la Deutsche Kinemathek de Berlin. Photographies de plateau, éléments de storyboards (un composant essentiel de l’écriture d’un film pour le réalisateur), etc. Etape par étape, on suit les incarnations successives du cinéma de Scorsese, dans sa diversité (les méchantes rues des années 1970 et le Tibet des années 1950, la cruauté de la haute société du XIXe siècle et l’exubérance de l’après-seconde guerre mondiale) et sa cohérence (la foi impossible, la trahison, le passage à l’acte violent).Dans les salles de la Cinémathèque, on pourra voir l’intégralité de l’œuvre de Scorsese. Certes, la plupart de ses longs-métrages de fiction sont aisément accessibles, mais ses documentaires le sont moins, sans parler de ses courts-métrages de jeunesse (le très fellinien It’s not Just You, Murray, par exemple, qui date de 1964). On pourra ainsi découvrir Public Speaking (2010), consacré à la figure étonnante de Fran Lebowitz, figure de l’intelligentsia new-yorkaise qui n’a jamais écrit qu’un seul livre, ou voir sur grand écran Living in the Material Word (2011), le long et beau film consacré à George Harrison. Manque toujours, comme à chaque rétrospective, Street Scenes, seule incursion de Scorsese dans le cinéma militant, tourné en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam (cette précision pédante, pour que les complétistes ne se fassent pas d’illusions).Le catalogue de l’exposition réunit un entretien de Martin Scorsese avec Kent Jones, l’actuel directeur du Festival de New York, et des propos de certains de ses collaborateurs. Il est également nourri de planches de storyboards et de photos, pour certaines très rares.A l’Institut Lumière à LyonLe vendredi 16 octobre, Martin Scorsese recevra le prix Lumière des mains de Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, point d’orgue du festival du même nom. Le premier a dirigé le cinéaste américain, qui tenait un second rôle dans Autour de minuit. Le second a lancé la World Cinema Foundation, devenue depuis le World Cinema Project, avec Scorsese, à Cannes en 2007. Depuis la création du Festival Lumière en 2009, les deux hommes rêvaient de faire venir l’auteur de Casino à Lyon. Il y donnera une masterclass, dans l’après-midi du 16 octobre, au Théâtre des Célestins. La programmation du festival, du 12 au 18 octobre, propose à la fois une ample sélection d’œuvres de Scorsese, mais aussi, à travers une carte blanche, un aperçu du cinéma qui l’a nourri, celui de Kurosawa ou Hitchcock, bien sûr, mais aussi des raretés comme Law and Order, un western de 1932 dialogué par John Ford.La productrice Margaret Bodde, l’une des proches collaboratrices du cinéaste, présentera son travail de préservation du patrimoine mondial. La Noire de, de Sembène Ousmane ou La Momie, de l’Egyptien Chadi Abdel Salam seront projetés.Enfin, comme le veut la règle du jeu du Festival Lumière, les films de Scorsese seront présentés par d’autres artistes, provoquant ainsi des rapprochements imprévus ou irréfutables : Abd al Malik lancera la projection d’Italianamerican (1974), le formidable documentaire que Scorsese a consacré à ses parents, et Léa Drucker celle des Nerfs à vif (1991).En sallesCasino (1995) reste l’un des plus beaux films de Scorsese, un film d’automne qui met en scène la perte et le deuil dans les décors terrifiants de Las Vegas. C’est aussi l’un des rares grands rôles de femmes de la filmographie de Scorsese, confié à Sharon Stone qui n’a jamais atteint de tels sommets. Le film ressort le 14 octobre.La semaine suivante, double réédition des Nerfs à vif, le film original de Jack Lee Thompson (1962) avec Robert Mitchum et Gregory Peck et le remake réalisé par Scorsese en 1991 (le seul de sa carrière), dans lequel les rôles du juge et du criminel sont repris par Nick Nolte et Robert De Niro.Dans les bacs et sur les rayonsWarner, qui fut le dernier studio à produire un film de Martin Scorsese (Les Affranchis), propose deux coffrets. Le premier, en Blu-Ray, réunit neuf longs-métrages : Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Living in The Material World, Hugo Cabret et Le Loup de Wall Street. La version DVD de l’objet propose en outre Who’s that Knocking on my Door?, le premier long-métrage de Scorsese et Alice n’est plus ici.Enfin Universal Music édite un coffret de quatre CD qui offre un aperçu du paysage musical dans lequel s’est déployé le cinéma de Scorsese. On y trouvera aussi bien quelques-uns des titres utilisés par le cinéaste pour réinventer l’emploi de musiques préexistantes dans la mise en scène d’un film (voir Jumpin’ Jack Flash dans Mean Streets) que les partitions écrites pour lui, de Bernard Herrmann, le collaborateur de Hitchcock qui écrivit pour Taxi Driver ses dernières notes à Howard Shore (Les Infiltrés, Hugo Cabret) en passant par Peter Gabriel (La Dernière Tentation du Christ).Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Club La curie vaticane aux prises avec la diablerie ludique de Nanni Moretti. A l’opéra, on appelle ça une prise de rôle. Pour le cardinal Melville, jadis candidat malheureux au Conservatoire d’art dramatique, on dira élection pontificale. Et comme un baryton qui, s’apprêtant à chanter Don Giovanni, découvre qu’il manque quelques tons à son registre, le cardinal est saisi d’une étrange paralysie. A peine élu, sans même avoir pris la peine de choisir son nom pontifical, Melville (Michel Piccoli) saute les murs de la cité du Vatican et se perd dans la Rome séculière.Malgré son titre en latin, malgré le poids des rituels catholiques romains qui organisent les premières séquences, Habemus papam n’a que peu de chose à voir avec la religion et la foi.Il s’agit plutôt d’une complainte, écrite, mise en scène et interprétée par Nanni Moretti, homme de spectacle qui vit dans le regard des autres depuis quelques décennies, au point d’en avoir conçu une certaine lassitude, accrue par l’approche de la vieillesse.L’essentiel de ce film qui émeut souvent, sans qu’on s’y attende, est constitué d’une matière mélancolique, d’une réflexion poétique sur le devoir et le plaisir, la liberté et ses limites. La force de l’émotion émane d’abord d’un homme, Michel Piccoli. On ne le voit pas dans les premières séquences, qui montrent la mort du prédécesseur et la réunion du conclave.Nanni Moretti montre les cardinaux comme une bande de vieillards d’abord anxieux que le calice pontifical soit tenu éloigné de leurs lèvres. En un geste d’une perversité ludique, Moretti dénie aux membres de la curie la qualité d’êtres politiques. Ils ne sont que les gestionnaires d’une société à but non défini (il ne sera jamais question de théologie) qui voudraient résoudre la question de la direction à moindres frais.Angoisses et émerveillementsLe processus électoral est rendu encore plus dérisoire par l’intervention de pantins journalistiques que le metteur en scène a disposés à des instants-clés. En vingt minutes, la nature spectaculaire d’une élection papale est établie, et c’est à ce moment que la figure qui est censée tenir le premier plan revendique sa qualité d’homme libre. Au lieu de se présenter au balcon qui donne sur la place Saint-Pierre, le cardinal Melville pousse un hurlement à fendre l’âme.Michel Piccoli prend possession du film, entame alors une errance dans les rues de Rome, où son chemin croise celui d’une troupe de théâtre qui s’apprête à jouer La Mouette. La figure de proue de ce groupe est un acteur dément qui ne peut s’empêcher de dire tout le texte de la pièce, didascalies comprises.Cette folie, parfaitement symétrique de l’empêchement qui frappe Melville, réveille chez le cardinal le souvenir des aspirations dramatiques de sa jeunesse. Michel Piccoli pratique depuis plus d’une décennie le registre du grand âge et sait jouer aussi bien le sage omniscient que le vieillard qui a perdu l’usage de sa raison.Nanni Moretti lui a demandé de régresser, de retrouver les angoisses et les émerveillements du début de la vie, ce que Piccoli parvient à faire tout en conservant assez d’autorité et de prestance pour que l’on comprenne pourquoi les cardinaux ont fini par le choisir.Pendant que le vieux prélat va jusqu’au bout de ses doutes, le Vatican est le théâtre d’une série de mises en scène aussi dérisoires que virtuoses, par lesquelles le cinéaste se moque de la religion, du journalisme, de la psychanalyse du sport et, enfin et surtout, de lui-même. Habemus Papam est l’un des plus beaux films de Nanni Moretti, un spectacle d’une invention constante.Habemus papam, de Nanni Moretti. Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr (It.-Fr., 2011, 100 min). Vendredi 9 octobre, à 20 h 45, sur Ciné+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Johan Deschamps Certains établissements bancaires proposent d’investir dans le cinéma à travers des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), un placement qui assure certes une forte baisse d’impôt mais aux contreparties significatives et au rendement aléatoire.Les Sofica ont vu le jour en 1985, lors du lancement de Canal+, de l’arrivée de la VHS et des premiers « blockbusters » américains. Créées pour soutenir le cinéma français et pour promouvoir de jeunes auteurs, les Sofica doivent répondre à une charte stricte. Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui est chargé d’agréer les Sofica, s’assure que les sommes levées serviront à financer en priorité le cinéma indépendant, avec des premiers et des seconds films.Sans les Sofica, peut-être que Dheepan (Jacques Audiard, Palme d’or), Mon Roi (Maïwenn, prix d’interprétation), Trois Souvenirs de ma jeunesse (d’Arnaud Desplechin, prix SACD) ou Ni le ciel ni la terre (Clément Cogitore, prix d’aide à la diffusion de la fondation GAN) n’auraient vu le jour alors qu’ils ont été couronnés au Festival de Cannes 2015. Les Sofica peuvent aussi investir dans de plus gros budgets et ont ainsi contribué au financement de succès comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron) ou Babysitting (Philippe Lachau et Nicolas Benamou).Un placement peu rentableFinancer le septième art est un acte qui peut être flatteur quand on voit sa Sofica en bas du générique d’un film à succès mais ce n’est pas un placement rentable. « Le potentiel d’appréciation est quasi inexistant », précise José Fernandez, directeur de l’offre financière de l’UFF, organisme bancaire qui représente près du quart du marché des Sofica. « Au mieux, on peut espérer récupérer entre 80 % et 90 % de son investissement initial », précise-t-il. Et encore, il faut attendre que la Sofica soit liquidée. Cela prend six ans en moyenne (le temps de développer le projet du film, de le produire, de l’exploiter en salles et à la télévision et de revendre le catalogue) mais en cas d’impondérables (retards lors de la production et le montage d’un film, par exemple), la durée peut grimper à dix ans. Et comme il n’y a pas de marché secondaire, l’investisseur reste bloqué sur cette période. Or, plus la durée de détention est longue et plus la performance annualisée sera décevante.L’Association de représentation des Sofica (ARS) a beau jeu dans un communiqué du 6 octobre de mettre en avant des taux de rendement interne annuels qui ont pu atteindre entre 2 % et 6 %, mais ces chiffres ne présagent pas de la rentabilité des nouvelles Sofica. En effet, depuis 2010, les Sofica à valeur de rachat garantie n’existent plus (le risque de perte en capital est donc plus grand mais la perspective de gain aussi en cas de financement de plusieurs films à succès) et leur avantage fiscal a été rogné par les coups de rabot successifs. Or les premières n’ont que 5 ans et n’ont pas encore été liquidées. L’incertitude sur la rentabilité de ces produits est donc réelle.Avantage fiscalFace à cette double contrainte de temps et de rentabilité aléatoire, les Sofica disposent d’une arme redoutable : l’avantage fiscal. C’est tout l’attrait de ce type de produit. Il permet d’obtenir une réduction d’impôt représentant 36 % de son investissement lors de l’année de souscription. Attention toutefois, un contribuable ne peut investir que dans la double limite de 18 000 euros et de 25 % de son revenu net global, soit une réduction maximale de 6 480 euros par foyer fiscal (que l’on soit célibataire ou en couple). Mieux encore, les Sofica n’entrent pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros mais dans celui plus avantageux de 18 000 euros. Le gain fiscal est tel qu’il faudrait que la Sofica ne soit remboursée qu’à 64 % de son prix de souscription, pour annihiler la réduction d’impôt.Ces avantages fiscaux mais aussi la rareté du produit, organisée à la fois par le CNC, qui n’agrée qu’une douzaine de Sofica par an pour une enveloppe globale de 63 millions, et par les établissements bancaires qui rechignent à en créer (le produit étant peu rémunérateur pour eux et chronophage), contribuent au succès des Sofica. Cette année n’échappera pas à la règle. Alors que leur souscription est ouverte depuis le 5 octobre, 80 % des Sofica sont déjà préréservées.Johan DeschampsJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.10.2015 à 06h58 • Mis à jour le07.10.2015 à 07h12 | Isabelle Regnier Retour au sommet de Philippe Faucon avec Fatima, un des plus beaux films de l’automne, retour de forme de M. Night Shyamalan avec un petit film d’épouvante en found footage, retour de Robert De Niro au meilleur de sa veine comique. Cette semaine cinéma est placée sous le signe du come-back.LA DIGNITÉ LUMINEUSE D’UNE HÉROÏNE DE L’OMBRE : « Fatima », de Philippe FauconOn avait quitté Philippe Faucon avec La Désintégration, drame atrocement prémonitoire des attentats de janvier qui retraçait l’itinéraire d’une poignée de jeunes Français vers la radicalisation religieuse et le terrorisme. Le voici de retour avec Fatima, son parfait contrechamp, le portrait d’une femme de ménage marocaine immigrée en France qui élève seule ses deux filles adolescentes, se tuant au travail pour les nourrir et financer leurs études, mettant tout son cœur, toutes ses forces, dans l’espoir que leur vie puisse être plus douce et plus lumineuse que celle qu’elle aura elle-même vécue. D’une intelligence rare, ce beau film explore la condition de cette femme coupée du monde par son ignorance du français, par un travail qui la contraint de vivre sur un autre créneau horaire – celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit –, par le foulard dont elle recouvre ses cheveux.Film français de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche (1 h 19).ÉPOUVANTABLES GRANDS-PARENTS : « The Visit », de M. Night ShyamalanAprès l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus.Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34).GÉNIE COMIQUE DE DE NIRO : « Le Stagiaire », de Nancy MeyersAprès son apparition virtuose en père un peu indigne dans Happiness Therapy, de David O. Russell – un second rôle –, Robert De Niro trouve dans le personnage que lui offre Nancy Meyers, un cadre supérieur à la retraite qui cherche à tromper son ennui en acceptant un stage dans une start-up, l’occasion de faire autre chose que s’autoparodier, et de rappeler à quel point il peut être drôle. Avec Anne Hathaway dans le rôle de sa patronne, en pleine crise existentielle, une complicité s’installe tout de suite, étonnamment désincarnée. Projetant une chaleur rassurante, la même qui auréolait Spencer Tracy dans ses rôles de patriarche, De Niro apparaît comme un être surgi d’une autre dimension – ni amant ni père – pour aider la jeune femme à reprendre sa vie en main.Film américain de Nancy Meyers avec Robert De Niro, Anne Hathaway, Rene Russo (2  h  02).ET LA TENDRESSE BORDEL ! : « Asphalte », de Samuel BenchetritLe cinquième long-métrage de Samuel Benchetrit révèle une inflexion dans sa veine comique un peu nostalgique, synthèse étonnante entre farce policière à la française et comédie italienne, penchant plutôt du côté d’une certaine impavidité moderne, type Tati-Iosseliani-Kaurismaki. L’horizon, plutôt bas, est une barre de banlieue grisâtre et déglinguée, et le ressort dramaturgique, rouillé à tous points de vue, une panne d’ascenseur. L’intrigue proprement dite, la rencontre et la constitution fortuites de trois couples à l’intérieur de ladite barre, est servie par un casting épatant, où Isabelle Huppert et Valeria Bruni-Tedeschi donnent la réplique à Gustave Kervern et Michael Pitt. On voit d’ici le procès qui sera fait, dans le contexte aussi peu souriant que celui des banlieues françaises, à ce flagrant délit d’enjolivement de la réalité. Mais on réclamera pour ce film le passe-droit exceptionnel de la tendresse, qui devrait pouvoir s’exercer quand et où elle veut, nonobstant les meilleurs arguments de la raison.Film français de Samuel Benchetrit avec Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Valeria Bruni Tedeschi, Jules Benchetrit, Tassadit Mandi, Michaël Pitt (1 h 40).DANSES MACABRES OU JOYEUSES AU SUD DU RIO GRANDE : Viva Mexico, Festival de cinéma mexicain à Paris, Chelles, Condé-sur-Noireau, L’Isle-Jourdain, et Vichy.Pour la troisième fois, cette manifestation présente une sélection concise de la très riche production mexicaine. La tonalité des films est souvent sombre – comme le sont les deux longs-métrages découverts à Cannes, Les Elues, de David Pablos, et Chronic, de Michel Franco. Ce mercredi 7 octobre, on pourra découvrir Un monstruo de mil cabezas (un monstre à mille têtes), de Rodrigo Pla. Ce thriller compact (une heure et quart) fabrique de la tension à partir d’une situation qui inspire d’habitude plutôt les éditorialistes : la privatisation de la politique de santé (à 21 h 45, à l’Etoile Lilas). A voir aussi deux documentaires, Llevate mis amores, filmé le long de la voie ferrée qu’empruntent les migrants d’Amérique centrale, avec les femmes qui leur apportent de la nourriture, et La hora de la siesta, qui montre les conséquences de l’incendie qui tua les petits pensionnaires de la crèche d’Hermosillo en 2009. Sur le front de la comédie, Eddie Reynolds y los angeles de acero met en scène un groupe de vieux rockers.Viva Mexico, jusqu’au 13 octobre à l’Etoile Lilas, Paris 20e, également à Chelles (Seine-et-Marne), Condé-sur-Noireau (Calvados), L’Isle-Jourdain (Gers), Vichy (Allier).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Niels Arestrup est un tout jeune acteur de vingt-cinq ans, lorsqu’il tient son troisième rôle au cinéma dans Je, tu, il, elle, le premier long-métrage de fiction de Chantal Akerman réalisé en 1974. Le film met en scène une jeune femme cloîtrée chez elle, qui broie du noir après un chagrin d’amour, puis qui se met en route après avoir vidé toutes ses réserves de sucre. Montant dans un camion et nouant une brève relation avec son chauffeur, elle rejoint finalement l’amante qui l’a éconduite. Ce chauffeur est interprété par Niels Arestrup, qui a aimablement mobilisé des souvenirs vieux de quarante ans pour rendre hommage à la cinéaste. Son court récit donne sans doute la plus juste image de ce qu’était la liberté de créer dans les années 1970.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasive« Je jouais au théâtre à Bruxelles, lorsqu’un soir, une jeune femme est venue me trouver pour me demander de jouer dans son film. C’était Chantal Akerman. Je ne la connaissais pas. Elle n’avait ni argent, ni scénario, mais ses yeux étaient très pétillants, et sa détermination farouche. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je lui demande donc quand a lieu le tournage, elle me répond : “tout de suite”. Nous voilà partis en direction de l’autoroute, près de laquelle je découvre un poids lourd énorme, et quelques jeunes femmes qui composaient son équipe de tournage. Aucune ne savait comment démarrer ni conduire le camion, j’ai donc dû consulter la notice et j’ai finalement réussi à passer la première. Nous avons pris l’autoroute Bruxelles-Paris et le tournage a commencé. Ça a duré jusqu’à cinq heures du matin, avec quelques haltes, et une petite gentillesse que le personnage interprété par Chantal devait me faire. C’était évidemment simulé.Par ailleurs, le tournage de ces scènes a été très détendu, j’avais deux feuilles de texte que je n’avais évidemment pas eu le temps d’apprendre, et Chantal les avait collées au pare-brise. Je roulais, je lisais, je disais mon texte, et je savais à peine de quoi était fait le film par ailleurs. Je l’ai découvert à Paris quelques mois plus tard. C’est le seul film de Chantal Akerman que j’ai vu, je garde le souvenir de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait, qui était capable de vous entraîner avec elle, et qui fonçait quoi qu’il arrive. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Chantal Akerman s’est donné la mort, lundi 5 octobre au soir. Autrice d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, la cinéaste belge avait 65 ans.Lire la nécrologie (en édition abonnés) :Chantal Akerman, cinéaste abrasiveLe coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.Filmographie éclectiqueFortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.Lire aussi :Niels Arestrup à propos de Chantal Akerman : « Elle fonçait quoi qu’il arrive »Parmi ceux-ci, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975), chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe, dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère qui se prostitue pour assurer sa subsistance et celle de son fils, a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi.Sa trilogie documentaire – D’Est (1993), Sud (1998), De l’autre côté (2002) –, qui s’est déclinée sous forme d’installations un peu partout dans le monde, est un autre jalon majeur de son œuvre, ainsi que La Captive (2000), sublime adaptation de La Prisonnière, de Marcel Proust.Son dernier film, No Home Movie (2015), dont la sortie est prévue prochainement en France, a été présenté en compétition au dernier Festival de Locarno en août.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5615440211537'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Saute ma ville \u00bb, court-m\u00e9trage (1968)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":0,"position":1,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974) - \r\nCr\u00e9dits : CHANTAL AKERMAN\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":"\u00ab Je, tu, il, elle \u00bb (1974)","legende":"","source":"CHANTAL AKERMAN","index":1,"position":2,"total_count":12,"item_lie":null,"link":"\/cinema\/portfolio\/2015\/10\/06\/chantal-akerman-en-douze-films_4783600_3476_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 12\r\n \r\n \r\n\u00ab Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles \u00bb (1975) - 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Après le Canadien Guy Maddin (pionnier en la matière), le Français Michel Hazanavicius, le Portugais Miguel Gomes, voici le carnet de voyage de l’Espagnol Pablo Berger dans les premiers temps du cinéma.Blancanieves raconte une histoire familière, celle de la petite princesse tombée entre les griffes d’une marâtre sadique, puis sauvée par des nains. Mais le conte, né en Allemagne, prend racine cette fois sous le soleil d’Andalousie, aux derniers temps de la monarchie espagnole, aux premiers temps de l’électricité et du moteur à explosion.Cette greffe monstrueuse prend avec une vigueur inattendue. En noir et blanc, sans dialogues, Blancanieves est un exercice de style brillant qui, de surcroît, laisse peu à peu la place à un authentique mélodrame, paroxystique, servi par des acteurs étonnants et la partition d’Alfonso de Vilallonga.Carmencita (Sofia Oria) est née dans le sang : le jour de sa naissance, son père, Antonio Villalta (Daniel Giménez Cacho), a été grièvement blessé alors qu’il toréait à la Maestranza de Séville, et sa mère est morte en couches.ExubérantEncarna (Maribel Verdu), une infirmière cupide et sadique, a usurpé la place de la défunte auprès du blessé, désormais invalide, pendant que l’enfant est élevée par sa grand-mère (Angelina Molina). A la mort de celle-ci, Carmencita est recueillie par Encarna, qui en fait son souffre-douleur. Devenue Carmen (et désormais incarnée par Macarena Garcia) et adolescente, l’héroïne fuit la vengeance de sa belle-mère et est recueillie par la troupe de Los Enanitos Toreros (« les petits nains toreros »).On ressent le plaisir que Pablo Berger a pris à transposer délicatement les éléments du mythe, à les inscrire dans un univers qui leur était a priori hostile (la formule des frères Grimm nécessite de grands arbres, des brouillards, des nuits interminables…). Mais aussi à développer des personnages complexes, en donnant aux acteurs des instruments depuis longtemps abandonnés – les regards charbonneux, les grimaces de souffrance, les poses un peu outrées.Tout comme les acteurs savent faire preuve, quand il le faut, d’une retenue que leurs aînés du temps du muet ne connaissaient pas, Pablo Berger ne se contente pas de décalquer les façons des maîtres du muet.Là où Michel Hazanavicius avait puisé dans le répertoire du vieil Hollywood pour The Artist, le cinéaste espagnol revisite le Vieux Continent. Son penchant pour l’expressionnisme apparaît presque constamment, mais aussi pour un cinéma muet espagnol méconnu.Ce qui n’empêche pas Pablo Berger de recourir à des procédés inconnus dans les années 1920 – mouvements d’appareil acrobatiques, grand angle… Il le fait parce que son récit exubérant, qui multiplie les brèves digressions, les inventions visuelles et dramatiques, l’exige, parce qu’il a le souci de faire de l’orpheline devenue matador une héroïne de cinéma. Il y parvient avec brio.Blancanieves, de Pablo Berger. Avec Maribel Verdu, Daniel Giménez Cacho, Macarena Garcia (Espagne, 2012, 100 min). Lundi 5 octobre, à 22 h 30, sur Arte.Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Angot-Youssoupha : « Personne n’a envie d’être enfermé dans une identité » François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festivaltous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Bachir Ben Barka, 64 ans, maître de conférences en mathématiques appliquées à l’IUT de Belfort-Montbéliard, était présent au Festival des 3 continents de Nantes, samedi 28 novembre, pour participer à une table ronde sur la Conférence tricontinentale, qui s’est tenue en janvier 1966 à La Havane. Il y était invité, en tant que cofondateur de l’Institut Mehdi Ben Barka, parce que son père avait été l’un des principaux organisateurs de cette conférence.Lire aussi :Cinéma et politique : ils se sont tant aimésLeader de l’opposition marocaine, exilé de son pays où sa vie était sérieusement menacée par la justice et les services secrets du roi Hassan II, figure tiers-mondiste ciblée par les services secrets occidentaux, Mehdi Ben Barka n’a jamais assisté à cette conférence. Enlevé à Paris le 29 octobre 1965, où il avait été piégé au prétexte d’un film sur le colonialisme auquel il devait participer comme conseiller historique, il a été très probablement assassiné dans les jours qui ont suivi.Cinquante ans plus tard, nonobstant deux procès, son corps n’a toujours pas été retrouvé, les coupables toujours pas arrêtés, les responsabilités toujours pas établies. La raison d’Etat s’y est opposée, tant au Maroc qu’en France, deux Etats dont il y a lieu de penser qu’ils sont directement impliqués dans cette basse œuvre politique qui a attenté au plus impératif des devoirs humains : la possibilité pour une famille d’entrer en possession du corps de son défunt.Bachir Ben Barka, qui avait 19 ans à l’époque des faits, est un homme pondéré qui a appris à vivre avec sa peine et sa colère, mais qui relance aujourd’hui les activités, interrompues depuis les années 1970, d’un Comité de vérité, notamment rejoint par le magistrat Louis Joinet, l’avocat Guy Aurenche, l’homme politique Pierre Joxe, l’historien Gilles Manceron, le philosophe Régis Debray, l’actrice Josiane Balasko, le cinéaste Serge Le Péron.Vous venez de faire renaître le « Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka ». Pourquoi aujourd’hui ?Parce que cinquante ans, ça suffit. Le comité avait suspendu ses activités dans les années 1970, dans l’espoir que justice puisse être faite. Elle ne l’a jamais été. La famille de Mehdi Ben Barka, sa veuve, ses fils et ses filles, ses neveux ont estimé qu’il était temps de passer à une action plus large que la procédure judiciaire, plus médiatisée, plus directement adressée aux gouvernements.Après cinquante ans d’enterrement de l’affaire, avez-vous encore espoir que justice puisse être faite ?Nous estimons justement que cinquante ans sont un délai suffisant pour que la raison d’Etat cesse de nous être opposée. Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets. De Gaulle, à l’époque, avait parlé de responsabilités « vulgaires et subalternes » dans les services secrets. Nous avons tout lieu de croire qu’elles ne l’étaient pas tant que cela. On savait en plus haut lieu ce qui se passait, à la fois en amont et en aval de l’affaire.Le piège qui attire votre père à Paris est soi-disant la préparation d’un documentaire sur la décolonisation qui pourra être projeté à la Conférence tricontinentale, votre père étant sollicité comme conseiller historique…Oui. L’idée venait des services secrets marocains. Un agent répondant au pseudonyme de Chtouki a convaincu le journaliste Philippe Bernier, qui était un ami de mon père et qui a toujours protesté de sa bonne foi par la suite, de lui suggérer de participer à ce film. Un ancien malfrat, Georges Figon, qui a ses entrées dans le monde artistique, participe lui en pleine conscience à ce traquenard, en se présentant comme coproducteur et en entraînant dans l’histoire le réalisateur Georges Franju et la romancière Marguerite Duras.Le plan est machiavélique et témoigne indirectement de l’importance que prend le cinéma à l’époque dans le combat politique. Votre père ne s’est-il pas méfié de ce producteur inconnu ?Mon père était à cette époque très impliqué dans la préparation de la Conférence tricontinentale. C’était sa priorité. Il avait donc énormément de travail, et l’opportunité de pouvoir y présenter un documentaire sur le colonialisme, dont l’idée et les collaborateurs lui étaient présentés par un ami, l’a beaucoup séduit. Il était très averti du rôle que jouait alors le cinéma comme vecteur de mobilisation. Il a donc pris la proposition très au sérieux et n’a pas fait preuve de sa prudence habituelle. Il est venu à Paris car il tenait beaucoup à rencontrer Georges Franju, et il a amené à ce rendez-vous Thami El Azemmouri, un étudiant en histoire avec qui il collaborait sur ce projet. Azemmouri était donc présent lorsque mon père s’est fait interpeller en allant rejoindre Bernier, Franju et Figon pour déjeuner au drugstore Saint-Germain. Azemmouri a été le grain de sable. Sans lui, on n’aurait probablement rien su de cette affaire.Votre père était-il cinéphile ?Non, pas particulièrement. Mais nous allions au cinéma en famille. J’ai encore le souvenir du dernier film que nous avons vu ensemble, à Alexandrie où nous habitions : c’était My Fair Lady, de George Cukor.Comment l’orphelin que vous êtes vit-il depuis cinquante ans non seulement l’assassinat de son père, mais encore le déni de justice qui l’accompagne ? La colère vous habite-t-elle ?Oui, la colère m’habite depuis cinquante ans. Mais nous avons tous deux vies dans la famille. Une vie consacrée à notre père, et une vie que je qualifierais de normale. Il ne faut pas concéder aux bourreaux la perte de cette vie normale.Comment avez-vous ressenti, eu égard à l’histoire de votre famille, les attentats qui ont récemment frappé Paris ?Comme tout citoyen d’abord, avec horreur. Ensuite, on peut effectivement être tenté de les resituer dans une histoire longue. Regardez le sort qui est advenu aux principaux acteurs de la conférence tricontinentale. Beaucoup d’entre eux, qui étaient des catalyseurs, des hommes qui pouvaient faire basculer le monde vers un équilibre plus juste, ont été assassinés au nom d’un système qui a causé les principaux dégâts dont nous pâtissons aujourd’hui. Ces hommes constituaient une alternative viable et démocratique aux dictatures qu’on a mis en place ou qui ont perduré après leur mort dans le tiers-monde. Ces mêmes dictatures ont éradiqué toute opposition structurée. La nature ayant horreur du vide, c’est aujourd’hui l’intégrisme qui tire les marrons du feu, en manipulant notamment des jeunes gens déclassés. A cet égard, on ne peut pas être vraiment surpris de ce qui se passe aujourd’hui. Ce drame devrait nous inciter à reconsidérer la manière dont on a accueilli ces populations immigrées, dont l’accès à la citoyenneté et à l’égalité a été trop souvent barré. Il faut regarder notre histoire.Reproduction de la lettre adressée par Mehdi Ben Barka au cinéaste Georges Franju, peu avant son assassinat : Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Renaud Machart Documentaire sur Arte à 22 h 25Woody Allen, le cinéaste new-yorkais tant aimé des Français – un peu moins de ses compatriotes américains qui ont attendu Minuit à Paris (2011) pour aller voir en masse son travail –, revient, pour le documentaire que lui a consacré Robert B. Weide en 2011, sur ses années de formation, ses débuts d’auteur de blagues et de sketches pour les autres puis de comique de stand-up (« comedian ») dans les petites salles de Manhattan. Un article d’Arthur Gelb, dans le New York Times du 21 novembre 1962, le propulse de l’anonymat à la célébrité : le voici bientôt à la télévision, participant régulier à des talk shows fameux animés par Johnny Carson et Dick Cavett.Un producteur est amené par l’actrice Shirley McLaine là où Allen se produit, et le voici transporté dans le milieu du cinéma, comme scénariste de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965), de Clive Donner, où il joue de surcroît. Mais son scénario est considérablement modifié : dès lors, Woody Allen deviendra réalisateur afin d’avoir le contrôle entier sur son travail.Entre veine « bergmanienne » et comiqueRepéré et adoré comme auteur de films au ton burlesque, de Prends l’oseille et tire-toi (1969) à Guerre et amour (1975), Allen casse l’habitude trop ancrée de ses admirateurs en réalisant des comédies mélancoliques (Annie Hall, 1977), voire dramatiques (Intérieurs, 1978). Dès lors, l’œuvre du cinéaste balancera entre veine « bergmanienne » (September, 1987) ou comique (Coups de feu sur Broadway, 1994). Très souvent aussi, elle mêlera habilement les deux, comme dans le récent Blue Jasmine (2013). Mais Allen dit regretter avoir voulu un contrepoint léger au thème dramatique de Maris et femmes (1992) et n’avoir pas osé en faire un vrai film noir…Le documentaire filme le cinéaste sur les lieux de son enfance – son école, ou le cinéma majestueux de son quartier, devenu une clinique. Cependant, on n’apprend pas grand chose qu’on ne sache déjà et Allen se réfugie comme presque toujours derrière une pudeur qui le fait botter en touche ou faire de bons mots, asssez hilarants il est vrai. Dès le début du film, tourné dans sa chambre à coucher où il travaille depuis des lustres sur la même vieille machine à écrire, il raconte à son interlocuteur : « Écrire, c’est la belle vie. On se lève, on travaille dans sa chambre. Et bien sûr, dans sa chambre, tout ce qu’on invente est génial. On a l’impression d’écrire Citizen Kane. » Plus tard, quand un journaliste lui demande, lors d’une des rares conférences de presse auxquelles il ait accepté de participer, quel est son rapport avec la mort – une thématique qui hante sa filmographie –, Allen répond-t-il : « Je suis farouchement contre. » Questionné sur sa peut-être trop prolifique production – au rythme systématique d’un film annuel –, Allen rétorque qu’à rêver du chef-d’œuvre on finit par ne rien produire tandis que « dans le tas, peut-être que… » Le documentaire évoque le « trou » d’inventivité qui marque sa production entre Maudite Aphrodite (1995) et Melinda et Melinda (2005). Mais à ce sujet non plus, Woody Allen ne dit mot, laissant au spectateur la liberté de trier et d’aimer ce qu’il veut dans ce corpus où même les opus mineurs sont le plus souvent réjouissants et se laissent volontiers voir et revoir.Woody Allen : a documentary, documentaire de Robert B. Weide (États-Unis, 2011, 1h47mn, VF/VOSTF). Lundi 30 novembre, à 22 h 25, sur Arte.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin… Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Bertrand Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. » Avant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. » Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin...La bande-annonce de « Spectre »Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde 20.10.2015 à 07h51 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h53 | Hervé Morin Un astronaute-robinson pourrait-il réellement survivre seul sur Mars pendant de nombreux mois, dans l’attente de secours hypothétiques ? Le dernier film de Ridley Scott semble en attester, et le soutien affiché de la NASA pourrait faire croire au spectateur peu attentif qu’il est basé sur des faits réels. Disons-le tout net : Seul sur Mars n’est pas un documentaire, personne n’y est encore allé, et dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 8 octobre, l’agence spatiale américaine n’a livré ni date précise (les années 2030) ni budget. Ceci étant posé, examinons quelques-uns des éléments narratifs, à la lumière de ce que la science astronautique peut et veut. Mais attention, au-delà de cette limite, peut-être le lecteur en saura-t-il trop pour accompagner aveuglément Matt Damon dans son périple…Lire aussi :« Seul sur Mars » : feu de camp au clair de TerreTempête sous un casque. Le héros est laissé pour mort à la faveur scénaristique d’un ouragan. « La densité de l’atmosphère martienne est 80 fois plus faible que sur Terre, rappelle Alain Souchier, président de Planète Mars, antenne de la Mars Society américaine. Un vent de 300 km/h là-bas exercerait la même pression qu’un vent de 30 km/h sur Terre. » Pas de quoi menacer de renverser une fusée… Ce dont Andy Weir, l’auteur du roman qui a inspiré le film, convient volontiers. Mais, dit-il, il fallait bien trouver un moyen de laisser son héros seul sur Mars.Un mois de provisions. La mission qui tourne mal était prévue pour durer trente jours sur Mars. Dans les plans évoqués actuellement, cette durée-là n’est pas optimale. « Elle suppose de mettre neuf à dix mois pour revenir et de passer près de Vénus, plus près du Soleil, ce qui accroîtrait les risques liés aux rayonnements », indique Alain Souchier. Le scénario de référence, c’est six à huit mois aller, autant pour le retour, avec cinq cents jours sur place – durant lesquels il faut aussi se protéger des radiations. L’astronaute Mark Watney y aurait eu moins de souci alimentaire en profitant de la nourriture de ses lâcheurs de camarades. Corvée de patates. Le régime à base de pommes de terre est une garantie de carence vitaminiques à court terme – la Société américaine de plantes cultivées aurait une préférence pour les pois. Il faut, en outre, extraire les perchlorates présents dans le sol pour espérer y faire pousser le tubercule. Quant à la fumure humaine utilisée, c’est une bonne idée, mais « je sors d’un cours sur les toilettes dans la Station spatiale internationale, et je peux garantir qu’il n’y a aucun intérêt à packager des excréments humains dans des pochettes aluminium individuelles », note l’astronaute Thomas Pesquet, de l’Agence spatiale européenne.Lire aussi :De l’eau salée s’écoulerait sur la planète MarsUn relais bienvenu. Pour communiquer avec la Terre, Mark Watney ressuscite Pathfinder, un atterriseur de la NASA qui s’est vraiment posé en 1997 sur la Planète rouge. Alain Souchier doute qu’un demi-siècle plus tard, « ses circuits électroniques soient encore en mesure de servir ».Partir-revenir. Le vaisseau Terre-Mars et retour, plus spacieux que spatial, de l’avis général, aurait plus sa place dans Star Wars. Le film n’évoque pas l’atterrissage, la phase du vol la plus problématique, car l’atmosphère trop fine, encore elle, ne favorise pas le freinage des spationefs – les technologies restent à inventer. « En revanche, le décollage, avec une gravité qui n’est que d’un tiers de celle de la Terre, serait facilité », souligne Thomas Pesquet.Solitude ennemie. Mars, n’est pas côté, c’est au minimum 190 fois plus loin que la Lune. La perte de contact visuel et le temps de voyage peuvent faire vaciller les esprits les mieux équilibrés. « Cette distance est une épée de Damoclès. Une fois parti, on ne peut pas faire demi-tour, indique Thomas Pesquet. Imaginez qu’il faille faire une opération en apesanteur, on serait plutôt dans le domaine du film d’horreur. » Un équipage devrait comprendre un chirurgien, voire deux « si l’un tombe en panne », lâche l’astronaute dans un lapsus. Mark Watney peut donc remercier sa bonne constitution. « Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que j’aurais fait dans la même situation, de me dire à chaque péripétie que je serais déjà mort à ce moment-là, admet le Français. Nous suivons bien sûr des stages de survie, mais il fait vraiment un sans-faute. »Verdict : « Réaliste sur les technologies qui existent déjà, ou identifiées comme critiques pour aller sur Mars », le film constitue, comme Gravity avant lui, un bon véhicule pour la conquête spatiale, admet Thomas Pesquet. « Hors suspense et drame hollywoodiens, c’est à cela qu’on se prépare », assure ce trentenaire, qui aura 57 ans en 2035, et espère bien être du voyage.Lire aussi :La vie sur Mars, l’obsession payante de la NASAHervé MorinPôle Science et MédecineSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Que l’on veuille coucher au clair de Terre avec Matt Damon ou marcher dans les traces d’un jeune Dogon pris dans la tourmente de la guerre, il faut pousser la porte du cinéma pour voyager.Camping, version spatiale : « Seul sur Mars »A rebours de l’espace terrifiant d’Alien, dans lequel personne ne vous entendait crier, voici le cosmos comme terrain d’aventures. Sur la Planète rouge, où il a été abandonné par ses camarades, Mark Watney (Matt Damon, plus adolescent que lorsqu’il avait 13 ans), le botaniste de la mission, entreprend de synthétiser une atmosphère et de faire pousser des pommes de terre. Un film euphorisant, un chant (un peu scout) à la gloire de l’inventivité humaine.Film américain de Ridley Scott, avec Matt Damon, Jessica Chastain, Jeff Daniels (2 h 21).Enviables Açores : « Le Chant d’une île »Tourné il y a dix ans, ce documentaire réalisé par deux cinéastes portugais met en évidence la beauté d’un lieu, la petite île de Sao Miguel, aux Açores, et surtout celle de ceux qui la peuplaient à l’époque, des pêcheurs vivant dans une communion immédiate avec la mer. Les paysages terrestres et marins somptueux sont animés par l’énergie inépuisable de ces habitants, filmés avec amour.Documentaire portugais de Joaquim Pinto et Nuno Leonel (1 h 43).Des rives du Niger aux tranchées de Verdun : « Adama » Ce prodigieux dessin animé, qui suit le parcours d’un jeune Dogon, parti de son village à la recherche de son frère, échoué dans la tourmente de la première guerre mondiale, mêle avec virtuosité différentes techniques d’animation. L’une d’entre elles – et c’est bien normal puisque le jeune héros doit franchir le désert – recourt aux sables magnétisés, qui donnent aux explosions et aux tempêtes une réalité déconcertante. Un film de guerre qui est aussi un appel à la paix.Film d’animation français de Simon Rouby (1 h 22).Une journée avec Marty : exposition Scorsese à la Cinémathèque Pendant que les salles de la rue de Bercy projettent l’intégralité de l’œuvre de Martin Scorsese, un espace d’exposition lui est entièrement consacré. Des objets familiers qui ornaient l’appartement de la famille Scorsese sur Elizabeth Street, dans Little Italy, aux missives des grands cinéastes (Bresson, Resnais) qui remercient leur jeune confrère pour ses efforts en faveur de la préservation du patrimoine cinématographique, en passant par les costumes somptueux du Temps de l’innocence, on refait pas à pas ce cheminement prodigieux.Cinémathèque française, de 10 heures à 20 heures, sauf le mardi.Gary dans les marais : « Les Aventures du capitaine Wyatt » Classique du cinéma d’aventures hollywoodien, ce film, réalisé par Raoul Walsh en 1951, précipite Gary Cooper dans les marais de Floride, à la tête d’une unité de l’armée américaine poursuivie par les Séminoles. On est en 1840, et les hommes doivent se défier aussi bien des « Indiens » que des alligators. Le récit rectiligne est sans cesse dévoyé par une violence sèche et par l’érotisme du personnage féminin, incarné par Mari Aldon.Film américain de Raoul Walsh (1951), avec Gary Cooper, Mari Aldon (1 h 41), au cinéma Desperado, 23, rue des Ecoles, Paris 5e. Tél. : 01-43-25-72-07.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin… Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 25.11.2015 à 06h40 • Mis à jour le25.11.2015 à 11h36 | Jacques Mandelbaum, Mathieu Macheret et Olivier Clairouin Le nouveau film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu mélange enquête policière, dialogues grivois et fragrances fantastiques. Ils y racontent l’histoire de Caroline, Parisienne venue enterrer sa mère dans un village du sud de la France et qui, alors qu’elle fait la connaissance de Pattie – une femme à la sexualité libérée et plutôt prolixe en la matière –, découvre que le corps de la défunte a disparu. Avec cette trame aux frontières de l’étrange, les frères Larrieu explorent avec justesse les multiples facettes du désir, démontant la mécanique des fantasmes. L’avis des critiques du Monde, Mathieu Macheret et Jacques Mandelbaum. Lire aussi : - la critique : « 21 nuits avec Pattie », à corps et à cru - l’entretien avec les frères Larrieu : « A partir des mots, chacun peut se créer ses propres images » - l’analyse : Sur les écrans, une star est née, la femme de 40 ans, sexy et sexuelleMathieu MacheretJournaliste au MondeOlivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Un western filial et tragique sur la piste du djihad international. Une ode au désir, à la liberté de jouir et de penser dans un village de l’Aude. Une élégie à la culture maya sous l’ombre d’un volcan guatémaltèque. Enfin, un festival de cinéma consacré au Proche-Orient, qui veut croire qu’il est encore possible de dialoguer dans cette région dévastée par la guerre, la barbarie et la haine. Le cinéma, même aux jours les plus sombres, reste une fenêtre ouverte sur le monde, c’est peut-être pourquoi on continue de l’aimer.SUR LA PISTE D’UNE FILLE PERDUE DANS LE DJIHAD : « Les Cowboys », de Thomas BidegainLes années 1990, dans le centre de la France. Une famille qui occupe ses loisirs à fréquenter les rassemblements country voit sa fille disparaître du jour au lendemain. Fou de douleur et de rage, le père (interprété à contrepied par un François Damiens étonnant) sacrifiera sa vie de famille pour la retrouver, alors même que la jeune fille a fait savoir qu’elle partait, consentante, pour partager désormais la vie d’un islamiste radical. Le premier long-métrage de Thomas Bidegain est l’histoire de cette quête folle et désespérée sur les pistes redoutables du djihad international, mise en scène comme un western crépusculaire de notre temps, sur fond de globalisation et de vacillement des mythes nationaux dans un monde protégé par des frontières. Si les cinéphiles attendaient particulièrement ce film au motif que son auteur est le scénariste attitré de Jacques Audiard, les raisons de son actualité générale sont devenues aujourd’hui évidentes, sensibles, brûlantes. De par son sujet évidemment, mais aussi par son tournage, rattrapé par les attentats de janvier 2015 à Paris, et par sa sortie si délicate, une semaine après les attentats du 13 novembre.Film français de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne (1 h 44).UNE ODE AU DÉSIR : « 21 nuits avec Pattie », d’Arnaud et Jean-Marie LarrieuCaroline (Isabelle Carré), urbaine éteinte au désir en berne, vient enterrer sa mère, qu’elle a peu connue, dans un petit village perdu de l’Aude. Elle y rencontre par hasard une locale, la croustillante Zaza (Karin Viard), nymphomane altière au verbe libéré, qui l’entretient du matin au soir de ses exploits. Là-dessus, entre sources magiques, champignons phalliques et bals enchantés, d’étranges événements ont lieu et d’étranges personnages prennent corps, entraînant ce film parlé-sexué vers les rives du polar et du fantastique. Le corps de la mère disparaît sans crier gare, un romancier nécrophile et peut-être imposteur apparaît, un satyre excentrique passe et repasse tout en borborygmes évocateurs, un gendarme mène son enquête en poète philosophe, on en passe et des meilleures. Désarmé, déconcerté, intéressé, finalement enchanté, le spectateur finit par comprendre qu’il est en cure de jouvence avec l’un des tandems les plus insolites du cinéma français, les frères Larrieu, qui organisent depuis une vingtaine d’années l’improbable et panthéiste rencontre de la névrose urbaine, du cadre champêtre et du désir finalement triomphant. 21 nuits avec Pattie est, à cet égard, une manière de concentré poétique pour nos deux félibres, qui signent, entre jouissance et néant, une ode au plaisir joyeusement scandaleuse.Film français d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karin Viard, Isabelle Carré, André Dussollier, Denis Lavant (1 h 50).ÉLÉGIE ET ALIÉNATION INDIGÈNES AU GUATEMALA : « Ixcanul », de Jayro BustamanteCe n’est pas tous les jours qu’un film guatémaltèque arrive sur les écrans français. Le cinéma étant encore un peu une fenêtre ouverte sur le monde, une vraie curiosité existe donc pour les cinéphiles toujours avides de nouveaux regards et de nouveaux horizons. Cela est bel et beau sur le papier, raison nécessaire mais non suffisante pour recommander un film. Il faut donc ajouter qu’Ixcanul, premier long-métrage de Jayro Bustamante, est en soi un film remarquable. Sur le motif mille fois remis des amours contrariées, le film dépeint la rencontre d’une culture séculaire (celle des Mayas) et un drame moderne. Soit un couple de fermiers indigènes, qui compte marier sa fille Maria, beauté farouche, avec le représentant du propriétaire foncier dont ils sont les métayers. Maria, quant à elle, jette son dévolu sur un jeune homme qui lui promet l’Amérique. Cet affrontement donne lieu, en langue indienne, avec des acteurs non professionnels et à l’ombre du volcan Ixcanul, à une peinture contemplative et élégiaque d’un monde qui nous est proprement inconnu, mais que le cinéaste n’a pas la naïveté de soustraire pour autant au bruit et à la fureur du monde, ni à l’aliénation tragique dont il fut et dont il continue d’être l’objet.Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec Maria Mercedes Coroy, Maria Telon, Manuel Antun (1 h 31).AU CŒUR D’UNE RÉGION À FEU ET À SANG : « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » « La douleur et la sidération, mais aussi la solidarité avec tous les peuples qui souffrent, renforcent notre volonté à poursuivre quoi qu’il arrive. » C’est par ces mots que les organisateurs de ce festival parisien désormais bien implanté ont ouvert leur septième édition, qui se tiendra jusqu’au 29 novembre au cinéma Les 3 Luxembourg, à Paris. Au programme, comme à l’accoutumée, un grand nombre de films pour la plupart inédits (une quarantaine cette année), en majorité documentaires, en provenance d’Irak, de Libye, d’Israël, de Syrie, d’Egypte. Beaucoup de réalisateurs y accompagnent leurs films. L’ensemble constitue une sorte de sismographe extrêmement précis et d’autant plus précieux d’une région en proie aujourd’hui à la guerre généralisée, à la dislocation humaine et confessionnelle, à la souffrance et au malheur. Autre point fort de cette manifestation : la tenue de débats en compagnie de spécialistes à l’issue de certaines séances, dont les principaux cette année seront dédiés aux thèmes suivants : « le chaos libyen », « Irak, les racines de Daech », « Syrie, l’engrenage ». Ce que peut, à cet égard, le cinéma est incertain, mais vaut la peine d’être pris en compte.Proche-Orient : ce que peut le cinéma. Cinéma Les 3 Luxembourg, 67, rue Monsieur-le-Prince, Paris 6e. Jusqu’au 29 novembre. www.quepeutlecinema.comJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier The Last F**kable Day. Sous ce titre, que l’on pourrait traduire par « le dernier jour baisable », la comédienne Amy Schumer a réalisé un petit sketch où elle surprend ses aînées Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus, dans un parc, en train de festoyer autour d’une table de pique-nique. « Vous ne seriez pas cette fille de la télévision… celle qui parle tout le temps de sa chatte ? », lui lance la plus âgée des trois, dont on fête le « dernier jour baisable ». « Dans la vie d’une actrice, explique une autre, il y a ce moment où les médias décident que tu ne peux plus être considérée comme baisable. Personne ne te le dit, mais il y a des signes… On va te proposer une comédie romantique où tu te disputes avec une autre actrice le privilège de finir dans le lit de Jack Nicholson, par exemple… ».Les stéréotypes ont la vie dure, et Hollywood, comme toute l’industrie du cinéma, reste dominé par les hommes. Mais sous l’influence d’une nouvelle génération d’actrices, réalisatrices, scénaristes, productrices, dont le pouvoir s’affirme chaque jour un peu plus, les lignes bougent. L’arrivée sur les écrans d’une héroïne de type nouveau, la femme, âgée de 35 à 50 ans, professionnellement accomplie, désirable et sexuellement active, imposant une beauté nouvelle, sans botox ni Photoshop, en est un signe manifeste. Héroïnes décomplexéesPrenons Crazy Amy, de Judd Apatow, qui est sorti le 18 novembre en salles. Réalisée par un homme, mais scénarisée, interprétée et coproduite par Amy Schumer, cette comédie romantique est centrée sur une New-Yorkaise de 35 ans menant une vie de bâton de chaise, passant ses soirées à boire et à danser et ses nuits dans les lits d’inconnus qu’elle jette comme des Kleenex. Cet âge qui est le sien, comme ses défauts physiques, nourissent le burlesque de l’actrice qui évolue, moulée dans des minijupes outrageusement courtes, juchée sur des talons aiguilles qui se désolidarisent de son corps sitôt avalée sa troisième margarita. Egoïste, drôle, parlant de sexe avec un bagou et une frontalité irrésistibles, Amy s’inscrit dans la lignée des héroïnes décomplexées de la série « Sex and the City » et de leur petite sœur Lena Dunham, dont l’exhibitionnisme militant, dans « Girls », a porté un coup violent aux normes de la féminité telles que véhiculées par les médias.Lire aussi :« Crazy Amy  »: Amy Schumer en héroïne décomplexéeTout a commencé, de fait, à la télévision américaine. Le moment « Sex and the City » a non seulement ouvert la voie à « Girls », mais aussi à « Orange is the New Black », série centrée sur la sexualité des femmes derrière les murs d’une prison, et « Masters of Sex », qui retrace l’aventure scientifique et amoureuse de Bill Masters et Virginia Johnson, les pionniers de la sexologie. Dans l’Amérique puritaine des années 1950, Virginia Johnson y apparaît comme une mère de famille qui accorde autant d’importance à son développement intellectuel qu’à son épanouissement sexuel, une héroïne moderne qui annonce celle de Carol, de Todd Haynes, lesbienne lumineuse (Cate Blanchett) dont la sexualité est l’unique enjeu du film (sortie prévue le 3 janvier).Lire aussi :« Carol » : filmé par Todd Haynes, l’amour est le plus beau des crimesFéminisation du burlesqueC’est encore à la télévision qu’a éclos cette génération de comédiennes (Tina Fey, Kristen Wiig, Sarah Silverman, Amy Poehler, Melissa McCarthy, Lena Dunham, Amy Schumer…) qui, en s’imposant sur une scène comique historiquement monopolisée par les hommes, dynamitent depuis une bonne décennie les codes du féminin. Cette féminisation du burlesque n’a pas échappé à Judd Apatow, qui a vu là le moyen de relancer sa propre machine au moment où elle donnait des signes d’essoufflement, tout en coupant court aux accusation de misogynie dont il a longtemps fait l’objet. Coup sur coup, il a ainsi produit « Girls », de Lena Dunham, Mes Meilleures Amies, la comédie féministe de Paul Feig dont la réussite doit tant au génie de Kristen Wiig, et aujourd’hui Crazy Amy.Autant d’œuvres où les femmes s’affirment égales des hommes – sachant faire rire aussi bien qu’eux, ayant comme eux un corps doté de forces et de faiblesses, ayant comme eux de l’ambition professionnelle, étant comme eux capables d’être lamentablement régressives, consommant comme eux du porno… Difficile de ne pas faire le lien avec les récentes prises de paroles d’actrices, de Kate Winslet, qui vient d’interdire à L’Oréal de retoucher les photos qui la représentent, à Gwyneth Paltrow qui s’est réjouie de voir se dissiper chez ses consœurs cette angoisse liée à leur image qui a si longtemps assuré leur soumission au système.La performance de Patricia Arquette dans Boyhood, de Richard Linklater, qui vieillit de douze ans entre le début et la fin du film, en est un signe. Le coming out homosexuel d’Ellen Page, ou la revendication salariale de Jennifer Lawrence, l’actrice la mieux payée d’Hollywood qui exige d’être rémunérée aussi bien qu’un homme (et qui coécrit actuellement un scénario avec Amy Schumer !) en sont d’autres.Du côté françaisCôté français, les femmes ne sont pas en reste. En choisissant Emmanuelle Bercot, 47 ans, pour incarner l’héroïne de Mon roi, en filmant son corps athlétique sous toutes ses coutures, au travail comme dans la jouissance, la bouillonnante Maïwenn a fait un geste fort.Lire aussi :« Mon roi » : le mariage dissolu du « roi des connards »Dans le registre plus léger de la comédie, Julie Delpy lui fait écho avec Lolo. Sa mise en scène passe essentiellement par les dialogues, où s’affirme un rapport au sexe cru et ouvert, mais dans le rôle qu’elle interprète elle-même, d’une femme de 45 ans qui s’engage dans une relation amoureuse, elle se montre physiquement telle qu’elle est, que ce soit en maillot de bain ou au lit avec Dany Boon.Lire aussi :« Lolo » : Dany Boon en dindon de la farceChez les hommes, le courant passe aussi, du moins chez Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En faisant de Karin Viard l’héroïne quadra et sexuellement vorace de 21 nuits avec Pattie (sortie le 25 novembre), les deux frères ont accordé l’imaginaire libertin à la pulsation de l’Eve nouvelle.Lire aussi :« 21 nuits avec Pattie » : à corps et à cruIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Film sur Ciné + Club à 21 h 55Il aura fallu bien du temps à Philomena (Judi Dench) pour montrer sa grande blessure : devenue vieille dame, elle raconte un soir à sa fille l’histoire qu’elle a cachée à tous. Dans les années 1950, après une nuit sous les étoiles irlandaises avec un garçon au joli sourire, elle est tombée enceinte. Placée dans une institution tenue par des religieuses, elle a vu Anthony naître, grandir, et un beau jour… partir. Adopté par des étrangers et emmené vers une destination que l’on n’a jamais voulu lui révéler.Alors que tout espoir de retrouver Anthony semble perdu, Philomena croise le chemin de Martin Sixsmith (Steve Coogan), un journaliste qui, devinant la matière d’un article à succès, accepte de reprendre l’enquête avec elle…Un modèle d’équilibre, de finesseIdéalement incarné par les deux acteurs principaux, ce tandem donne son souffle au film, et sa saveur particulière. A aucun moment, le pathos n’y aura droit de cité. C’est dans un bar à salades populaire que Philomena, tout en remplissant avec délectation son bol, raconte pour la première fois son histoire à un Martin à demi convaincu, et en l’assaisonnant de commentaires satisfaits sur les qualités gustatives du repas. Lui qui a connu les hautes sphères du monde politique, le raffinement ampoulé des belles manières, est d’abord réticent à se laisser désarçonner par l’expérience unique à laquelle cette petite vieille dame si tranquille l’invite.Bien pensé, bien construit, très bien écrit, le scénario de Steve Coogan et de Jeff Pope est un modèle d’équilibre et de finesse, qui s’apprécie tout particulièrement dans son traitement des enjeux pourtant polémiques de l’histoire. Au-delà de la question des mots, ce sont les regards qui s’opposent. Etrangère à toute forme d’acharnement revanchard, Philomena conserve, à mesure que les découvertes se succèdent, une sérénité que Martin est incapable de comprendre. Il voudrait s’approprier le drame, faire dire à la Philomena transformée ces paroles de rancune et de jugement qui ne lui viennent jamais aux lèvres. Mais lentement, sans jamais faire autre chose que demeurer elle-même, avec toute sa finesse cachée et la force extraordinaire de sa tolérance, Philomena ouvre les yeux du journaliste à sa version de l’histoire, celle dont il voulait la priver et à laquelle elle a droit.Arpentés par deux acteurs extraordinaires, les chemins qui se croisent, de la jeunesse à la vieillesse, de la politique à l’intime et de la rancune au pardon, prennent une beauté saisissante.Philomena, de Stephen Frears. Avec Judi Dench et Steve Coogan (GB, 2014, 100 min). Mercredi 18 novembre, à 21 h 55, sur Ciné + ClubNoémie LucianiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Pour oublier les heures noires, invitez-vous dans le monde merveilleux d’Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette – treize heures de folie fictionnelle qui vous emporteront hors du monde. Plus court et plus simple, les frasques outrancières de la fabuleuse Amy, la nouvelle héroïne de Judd Apatow, feront aussi office d’antidépresseur.Dans le trou du lapin d’Alice : « Out 1 : Noli me tangere », de Jacques RivetteBloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Oubliez tout, c’est le moment. Et plongez dans la folie Out 1. La version intégrale du chef-d’œuvre de Jacques Rivette, 12 h 55 pas moins, sort en salles pour la première fois, et en DVD et Blu-Ray. Voir ce film, c’est dégringoler dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles, basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde.Avec Out 1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. S’opposer à l’injonction, dominante à l’époque, d’être « in », revendiquer au contraire le fait d’être « à part ». Isabelle RegnierFilm français de Jacques Rivette. Avec Jean-Pierre Léaud, Michèle Moretti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Françoise Fabian, Juliet Berto (12 h 55).Sex and the city : « Crazy Amy », de Judd ApatowCette nouvelle comédie de Judd Apatow est écrite, interprétée et coproduite par la comédienne de stand-up et vedette de la télévision américaine Amy Schumer, qui a construit son personnage public en parlant de sexe avec une frontalité candide, en alliant subtilement le geste à la parole. Elle y incarne une journaliste new-yorkaise qui enchaîne journées de travail harassantes et soirées alcoolisées, pour généralement finir dans le lit d’un inconnu qu’elle se fait un devoir de quitter avant l’aube, souvent dans un sale état, mais sans états d’âme. Un croisement entre Carrie Bradshaw, l’héroïne graphomane et glamour de « Sex and the City », et Hannah Horvath, l’héroïne hipster et décomplexée de « Girls ». La jeune femme enrichit l’univers du cinéaste en y introduisant un burlesque physique qui vient gentiment subvertir les normes sexuelles et les hiérarchies sociales. I. R.Film américain de Judd Apatow. Avec Amy Schumer, Bill Hader, Brie Larson (2 h 05).Au cœur des ténèbres : « El Club », de Pablo LarrainEntré en cinéma tardivement, le Chilien Pablo Larrain, 39 ans, a réalisé cinq longs-métrages ces neuf dernières années, qui sont autant de jalons d’une œuvre asphyxiante, marchant résolument vers vous avec le sourire de l’épouvante, rayonnant d’une élégance sardonique, imposant l’insidieux dérèglement de sa folle singularité. Trois de ces films (Tony Manero, 2008 ; Santiago 73, post-mortem, 2010 ; No, 2012) composent une fascinante trilogie dont le pivot est le régime fasciste et néolibéral du mal nommé Augusto.Tandis qu’on crédite ce surdoué du cinéma de la préparation, au Chili, d’un film consacré au poète Pablo Neruda, et de la réalisation, à Hollywood, d’une œuvre évoquant Jackie Kennedy après l’assassinat de son mari, nous parlerons aujourd’hui de son cinquième et nouveau long-métrage, El Club. Réalisé en quatrième vitesse, néanmoins cinglant et plus bizarre que jamais, ce film, disons-le tout net, tinte de toutes les breloques pendues ces dernières années au revers de certains dignitaires de la sainte Eglise apostolique et romaine, au premier chef celle de la pédophilie. Et, comme toujours chez Larrain, de la tenue dans le malaise, une atmosphère nimbée d’étrangeté, de la misère percluse d’humanité, une descente aveuglante dans la ouate affective de ceux qui se sont rendus coupables des pires forfaitures. Jacques MandelbaumFilm chilien de Pablo Larrain. Avec Alfredo Castro, Roberto Farias, Antonia Zegers, Jaime Vadell. (1 h 37).La Passion du Christ : « Maesta », d’Andy GuérifAu XIVe siècle, en Italie, le peintre Duccio di Buoninsegna peint un polyptyque monumental (5 mètres de haut) composé de vingt-six panneaux. Ils représentent les principaux épisodes de la Passion du Christ, la Maesta : un labyrinthe pictural, qui semble s’offrir à une lecture chronologique à l’horizontale, mais dont les décors s’ingénient si bien à multiplier portes ouvertes, escaliers et chemins, qu’il est très difficile de ne pas s’y inventer des chemins de traverse.Plus de sept cents ans plus tard, le plasticien et cinéaste Andy Guérif décide de recréer un à un, dans un atelier de 7 mètres de large, les vingt-six panneaux à échelle humaine, pour y filmer des figurants costumés comme les personnages de Duccio. Les personnages entrent, miment des gestes de circonstance jusqu’à se figer soudain tous ensemble, pour quelques secondes d’illusion picturale d’une précision extraordinaire, avant de repartir, pressés, comme l’observateur, de jouer avec la chronologie des Evangiles pour brûler les étapes ou revenir en arrière. Des sept années de ce tournage obsessionnel à tout petits moyens (décors faits à la main et figurants bénévoles), Andy Guérif parvient à tirer un tableau vivant et, mieux encore, un vrai film de cinéma, peignant en gloire et dans le temps la beauté du mouvement, des couleurs et des formes. Noémie LucianiFilm français d’Andy Guérif. Avec Jérôme Auger, Mathieu Bineau (1 heure).Les élucubrations d’un jeune menuisier de province : « La Coupe à 10 francs », de Philippe Condroyer En 1966, Les Elucubrations d’Antoine – protest song à la bonne franquette – portaient sur le devant de la scène un jeune étudiant de Centrale prénommé Antoine, qui s’affichait beatnik, brocardait les culs serrés de son époque et réclamait le droit de porter les cheveux longs. Ce coup juteux et scandale potache des sixties ressortissait de la provocation joyeuse et annonçait à sa manière Mai 1968. La Coupe à dix francs, film réalisé neuf ans après la chanson, à l’heure où Mai est enterré, et tout le reste rentré dans l’ordre, en est l’écho tragique. Oublié depuis sa sortie en 1975, en même temps que son réalisateur Philippe Condroyer (qui signa également Un homme à abattre en 1967), le film est une belle redécouverte.Tout y tient, en vérité, de l’épure. Son tournage, mené de haute lutte en un mois. Son format, super 16 millimètres, et son équipe, réduite. Sa musique improvisée à l’image, excusez du peu, par Anthony Braxton (figure du free jazz) et Antoine Duhamel (compositeur de François Truffaut et de Jean-Daniel Pollet). Sa forme, minimaliste et frontale. Son sujet, découpé à l’os. Inspirée par un fait divers survenu en 1970, l’histoire raconte le destin tragique d’un jeune menuisier travaillant dans une entreprise d’ameublement provinciale, dont le patron anime une féroce campagne de dénigrement et de menace contre ceux de ses employés qui portent les cheveux longs. Le film est l’histoire cruelle, et à peine imaginable, de cette lutte inégale, pied à pied, classe contre classe, où un petit notable local emploie tous les moyens à sa disposition pour faire plier ses jeunes employés récalcitrants. Ainsi poussé à la limite, le différend devient question de morale existentielle, affaire de dignité. J. Ma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan...Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Hélène Delye Douze documentaires inédits à l’antenne pour six jours de festival, ce n’est déjà pas si mal. Pour sa deuxième édition (du 15 au 20 novembre), le Festival du documentaire d’Arte entend mettre en avant l’ouverture sur le monde et l’éclectisme, autant en termes de regards que de formats, des films coproduits par la chaîne, dont plusieurs ont été primés lors des grands festivals internationaux.Parmi ces films documentaires dits « d’auteur », et malgré le caractère événementiel du festival, seuls deux auront les honneurs du prime time : Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2015, lundi 16 à 20 h 55); et La Maison de la radio (2012 ; mardi 17 à 20 h 55), pour lequel Nicolas Philibert s’immerge dans les coulisses du média radio afin de formuler une réflexion sur le son et l’écoute.« Sessions de rattrapage »Les dix autres documentaires de ce festival – dont le très marquant Austerlitz (2013 ; mardi 17 à 22 h 35), de Stan Neumann ; Les Yeux du silence (2014 ; jeudi 19 à 22 h 25), de Joshua Oppenheimer, ou encore, le captivant Killing Time – Entre deux fronts (2015 ; mercredi 18 à 22 h 25), de Lydie Wisshaupt-Claudel – sont tous relégués en deuxième, voire troisième partie de soirée.Martine Saada promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetéspar la chaîneUn regret récurrent auquel Martine Saada, directrice de l’unité société et culture d’Arte France, répond de façon pragmatique. « Le passage du prime vers la troisième partie de soirée des documentaires d’auteur de la case “Grand Format”a eu lieu bien avant les changements au sein des directions chez Arte », dit-elle, consciente de la nostalgie qui règne autour de l’époque, sans doute idéalisée, où Thierry Garrel dirigeait l’unité documentaires d’Arte. « Ce n’est pas une révolution de palais qui viendrait de nouvelles directions, c’est une évolution due au fait que ces films nécessitent une attention et une intention du téléspectateur. La consommation en matière de télévision a changé. On est beaucoup moins tributaires des grilles et des horaires. On se fabrique de plus en plus une grille soi-même grâce aux sessions de rattrapage. Et puis il ne faut pas se voiler la face, la télévision est aussi un média de divertissement, et il faut pouvoir offrir des choses différentes aux gens », poursuit la directrice.« Se repositionner dans un axe » Dans un contexte marqué par l’inquiétude des producteurs et des auteurs quant à la pérennité de l’engagement des diffuseurs, notamment d’Arte, auprès du documentaire d’auteur, Martine Saada tente de rasséréner : « La crainte n’est pas le meilleur des moteurs… La vigilance, oui. La crainte, non. » Ainsi répond-t-elle à la « lettre ouverte » publiée dans Le Monde (5 novembre) dans laquelle de nombreux réalisateurs exprimaient leurs craintes après le départ de Luciano Rigolini, pilier du cinéma documentaire à Arte et responsable de la case « La Lucarne » depuis sa création.Si elle admet qu’il sera difficile de remplacer cet homme de grande culture, au goût sûr et au tempérament vif, la directrice des documentaires société et culture d’Arte promet de ne rien changer au nombre de documentaires d’auteur coproduits ou rachetés par la chaîne. Mais elle affirme aussi sa volonté d’aller de l’avant. « Il faudra de la patience, laisser du temps au nouveau venu. Mais je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de nouveaux talents pour prendre la suite de Luciano Rigolini. Toute ma vie, je n’ai fait que des choses pour essayer d’installer de nouveaux talents, quels qu’ils soient », dit encore l’ancienne directrice du pôle littérature générale et documents du Seuil, mais aussi ancienne productrice de documentaires aux Films d’ici. « Je suis plutôt dans l’idée qu’il faut conforter les choses que dans une phase de chantier. Les événements de janvier nous ont tous bousculés dans nos certitudes. C’est quand vous tanguez qu’il faut rechercher du sens, pour se réancrer. Or, le moment où l’on recherche du sens n’est pas toujours celui où l’on est le plus créatif… C’est le moment où l’on se repositionne dans un axe, et il faut en passer par là », explique-t-elle avec franchise.« Eviter tout formatage »« Et n’oubliez pas qu’on ne commande pas ! Je lis ce que je reçois », dit-elle encore, anticipant une autre attaque récurrente selon laquelle on assisterait à une forme de nivellement vers le bas dans l’exigence et l’originalité des documentaires diffusés sur la chaîne franco-allemande. Pour Martine Saada, « c’est par la diversité des producteurs et des auteurs qu’on évitera tout formatage. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un d’assez fou dans une chaîne pour croire à un projet, même risqué, l’accompagner, le porter. Et j’espère être cette personne ». Une manière pour elle de responsabiliser et renvoyer certaines questions dans le camp des producteurs et des auteurs.Mais ces relations, souvent houleuses, entre Arte et les producteurs et réalisateurs avec lesquels elle travaille, sont aussi le signe de la vigueur du secteur cinéma documentaire, qui s’exprime, qui reste vigilant sur les évolutions qu’on tente de lui imposer, et qui, en râlant contre Arte, lui dit aussi son attachement. Car rappelons-le, aucune autre chaîne ne porte aussi haut le documentaire d’auteur, malgré tout.Hélène DelyeJournaliste au Monde Véronique Mortaigne DOCUMENTAIRE, À 23 H 20, SUR FRANCE 3 Philippe Kohly évoque la vie sentimentale de la chanteuse, de Montand à Moustaki ou encore Cerdan.Edith Piaf est morte le 10 octobre 1963, quelques heures avant son ami poète Jean Cocteau. « Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines, écrivait-il. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue… » Philippe Kohly commence son documentaire par des images extraites du film La Garçonne, de Jean de Limur, sorti en 1936, où Piaf interprète une chanson, Quand même : « Le bonheur quotidien/Vraiment ne me dit rien/La vertu n’est que faiblesse/Qui voit sa fin dans le ciel/Je préfère la promesse/Des paradis artificiels. »Elle a 21 ans, porte une frange rebelle, son œil a l’air poché sous le fard ; elle a la bouche de guingois, les yeux plissés, malins, éteints et soudain perçants. Enfant, elle a été aveuglée par une kératite mal soignée – elle aurait été guérie de cette cécité passagère grâce aux prières à sainte Thérèse de Lisieux de sa grand-mère, Louise Léontine, qui tenait une maison close à Bernay (Eure).« Un œil d’admiration »En 1936, Edith Piaf appartient encore à la rue, d’où l’avait tirée Louis Leplée, patron du Gerny’s, cabaret chic des Champs-Elysées – il fut assassiné en 1936, et Piaf placée en garde à vue. A cette femme finalement usée par la drogue et la morphine, personne ne résistait, parce qu’elle portait « un œil d’admiration sur celui qu’elle avait choisi d’aimer », explique Philippe Kohly, qui a choisi, parmi ses compagnons, douze hommes « éclairés » par la flamme Piaf.« L’amour révèle à soi-même », disait la fille de Louis-Alphonse Gassion, contorsionniste, saltimbanque, et de Line Marsa, chanteuse et mauvaise mère, elle-même fille d’Emma Saïd Ben Mohamed, Berbère marocaine, dresseuse de puces échouée à Ménilmontant. Edith Giovanna Gassion était née à l’hôpital Tenon en 1915, année de boucherie militaire. Elle devait s’en sortir, et ses amours, toujours liées à son art, l’y aidèrent.En 1937, le parolier Raymond Asso lui enseigne la langue française, le sens des mots, la tenue en scène. En 1939, il écrit Mon légionnaire (musique de Marguerite Monnot), elle devient vedette. Puis elle apprend la bourgeoisie avec le comédien Paul Meurisse, fils d’un directeur de banque, lui le « maître zen » et elle la « boule de feu ». Jean Cocteau écrit pour eux la pièce Le Bel Indifférent. Elle est insoumise, le « maître zen » finit par la gifler. Alors, elle aime Henri Contet, journaliste, poète, ingénieur, marié, qui lui écrit quarante chansons. Il dit : « Nous écrivons pour elle des balbutiements, elle en fait des cris, des appels, des prières. »UséeA la Libération, elle découvre Yves Montand, 23 ans. Elle lui apprend à chanter l’amour. Mais elle part à la conquête de l’Amérique avec Jean-Louis Jaubert et ses Compagnons de la chanson, neuf garçons qui la servent tout en forgeant leur célébrité. Aux Etats-Unis, il y a le bel acteur John Garfield. Puis le boxeur Marcel Cerdan, champion du monde des poids moyens en 1948, mort dans un accident d’avion en 1949. Brisée, elle épouse le chanteur Jacques Pills. Elle divorce. Puis il y a le fantaisiste Félix Marten, Georges Moustaki, Charles Dumont et le beau Théo Sarapo.A 45 ans, elle est usée. Pierre Desgraupes lui demande, sur l’ORTF, avant qu’elle ne s’effondre à Dreux, le 13 décembre 1960, victime d’un coma hépatique : « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? »« Ah, surtout pas ! », dit-elle, se tordant les doigts.« Edith Piaf amoureuse », de Philippe Kohly (Fr., 2013, 110 min). Vendredi 13 novembre, à 23 h 20, sur France 3.Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier De l’action, des poursuites et échanges de coups de feu, un méchant très méchant, des jolies filles en pagaille, dont au moins une sera du côté des gentils, des virées un peu partout sur la planète au gré de l’avancement de la mission, une séquence finale toute en explosions… Autant d’éléments qui constituent le minimum de ce à quoi l’amateur s’attend depuis Dr No (1962), le premier film de la série James Bond, agent 007 des services secrets du Royaume-Uni. Et, tout aussi nécessaire, la chanson-titre. Dernier en date de ses interprètes, Sam Smith, récente sensation pop britannique, avec Writing’s on the Wall, co-écrite et composée par Jimmy Napes pour le film 007 Spectre, vingt-quatrième de la série produite par Eon Productions et vingt-sixième si l’on compte deux dissidences, la parodie Casino Royale en 1967, avec David Niven et Peter Sellers, et Jamais plus jamais, avec Sean Connery, en 1983.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreSans préjuger de son futur impact international, elle est arrivée fin septembre, plus d’un mois avant la sortie du film, en tête des classements des meilleures ventes au Royaume-Uni. Tempo lent, avec un chanteur soprano, quand le ténor ou le baryton masculin est plutôt de rigueur chez Bond, relativement aride dans son traitement orchestral, elle ne correspond pas vraiment à ce qu’est supposée être la chanson-type pour le générique d’un James Bond. D’où un accueil critique mitigé.Voir aussi : Petite histoire du « gun barrel », la légendaire séquence d’ouverture des James BondUn archétype de départ très « soul »Les deux premiers films, Dr. No (1962) et Bons baisers de Russie (From Russia With Love, 1963), de Terence Young, avec Sean Connery, n’avaient pas eu recours à des chansons pour le générique. Quoique le passage vers la première séquence de Dr No était accompagné de Kingston Calypso, par Byron Lee and The Dragonaire, une adaptation ska du traditionnel Three Blind Mice. C’est avec Dr. No que l’on découvre le James Bond Theme, durant le générique graphique (autre élément indispensable à la saga), un instrumental composé par Monty Norman, avec son accroche de guitare (mi, fa#, sol). Il est joué par l’orchestre de John Barry, qui l’a partiellement arrangé en se souvenant de sa composition pour la chanson Poor Me, succès début 1960 d’Adam Faith. Avec Bons baisers de Russie, on découvre aussi une future figure obligée, celle de la séquence d’introduction avant le générique.« James Bond Theme » (1962), de Monty Norman, avec le générique du film « Dr. No » :C’est avec le troisième film, Goldfinger (1964), de Guy Hamilton, que la chanson-titre fait son apparition et que s’impose un modèle qui sera régulièrement mis à contribution et auquel il est fait régulièrement référence dès qu’il s’agit de comparer. Une voix puissante, en l’occurrence celle de Shirley Bassey, des orchestrations en accord, avec dramaturgie musicale emportée par une forte présence de vents et violons. La musique, de John Barry, qui composera les partitions de onze Bond, évoque le ou les principaux motifs mélodiques et harmoniques qui seront utilisés durant le film. Le texte, d’Anthony Newley et Leslie Bricusse, résume toute la vilenie de Goldfinger, l’homme au « baiser mortel ». Les grandes lignes sont posées.« Goldfinger » (1964), de John Barry, Anthony Newley et Leslie Bricusse, par Shirley Bassey :Dans le même esprit, Tom Jones (les chanteurs sont en minorité chez Bond) succède à Bassey pour Thunderball (Opération Tonnerre, 1965), de Terence Young. Barry et Bricusse sont aux manettes. Le méchant « observe ce monde/et veut le posséder ». Le chant se déploie tandis qu’à l’écran évoluent en ombre chinoise des silhouettes féminines, la marque visuelle des génériques que l’on doit à Maurice Binder. Shirley Bassey sera à nouveau choisie pour Les diamants sont éternels (Diamonds Are Forever, 1971), de Guy Hamilton, dans une interprétation certes fidèle aux codes, mais avec une composition de Barry et un texte de Don Black un rien en dessous. Puis une troisième fois avec la chanson Moonraker, toujours de Barry avec un texte d’Hal David, moins mémorable pour le film du même nom sorti en 1979 et réalisé par Hamilton.Cette approche spectaculaire trouvera encore avec Gladys Knight, Tina Turner et Adele d’efficaces interprètes. La première avec la chanson-titre Licence To Kill (Permis de tuer) pour le film de John Glen sorti en 1989, le deuxième et dernier avec Timothy Dalton dans le rôle de James Bond. Gladys Knight met toute son expertise de grande voix soul et sauve cette composition assez pataude de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff qui emprunte très officiellement à une ligne de cuivres tirée de la chanson Goldfinger.« Licence To Kill » (1989), de Narada Michael Walden, Jeffrey Cohen et Walter Afanasieff, par Gladys Knight :Six ans plus tard pour GoldenEye, de Martin Campbell et l’arrivée de Pierce Brosnan pour incarner Bond, il faut frapper fort. Tina Turner, Bono et The Edge sont convoqués. La chanteuse s’empare de la composition des deux membres du groupe U2 avec un savoir-faire évident. Presque trop. Adele, plus « sobre » en collaboration avec Paul Epworth, connaîtra un immense succès avec Skyfall en 2012 pour le film de Sam Mendes, le deuxième avec Daniel Craig. Dans ces trois cas, ce qui est peu commun dans la série, les compositeurs des chansons ne sont pas ceux à qui la partition de la musique du film a été confiée – Michael Kamen pour Permis de tuer, Eric Serra pour GoldenEye et Thomas Newman pour Skyfall.« Skyfall » (2012), d’Adele et Paul Epworth, par Adele :Dans le registre de la popA cet archétype très « soul » s’est progressivement ajouté un deuxième modèle, plus proche du registre qui a cours dans la pop, avec des chansons dont l’orchestration et les arrangements puisent plus clairement dans les modes en cours, faisant appel à des chanteuses moins dans l’emphase, certaines n’en ayant pas les moyens. Au générique, donc, Nancy Sinatra, Carly Simon, Rita Coolidge, Sheena Easton, Sheryl Crow ou K. D. Lang. Cette dernière avec Surrender, chanson du générique final du film Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997). Avoir une chanson différente de celle du générique de début – ici celle de Sheryl Crow bien moins intéressante que celle de sa consœur canadienne – reste une rareté dans la série et n’aura été, à ce jour, le cas qu’à quatre reprises entre 1987 et 1997.Nancy Sinatra et Sheena Easton auront ici notre préférence. En ce qui concerne Nancy Sinatra, elle aurait été, après son père Frank, le second choix de John Barry et Bricusse pour On ne vit que deux fois (1967, You Only Live Twice), le cinquième film de la série avec Sean Connery, réalisé par Lewis Gilbert. On ne sait pas ce que le crooner aurait fait de la chanson mais sa fille amène au catalogue des chansons bondiennes une légèreté caressante qui tranche par rapport à l’ensemble.« You Only Live Twice » (1967), de John Barry et Leslie Bricusse, par Nancy Sinatra :Comme d’ailleurs la musique d’un autre Bond, sorti en avril 1967, un mois plus tôt. Allègre et fantaisiste, elle accompagne, il est vrai, le film parodique Casino Royale, aux multiples réalisateurs, dont John Huston. S’il n’y a pas de chanson au générique de début, c’est l’oublié Michael Redway, sur un texte d’Hal David, qui interprète durant le générique de fin ce Casino Royale composé par Burt Bacharach. « Have no fear, Bond is here (…) He’s going to save the world at Casino Royale » (« N’ayez crainte, Bond est là, il va sauver le monde au Casino Royale »). Et puis, chanson idéale pour un Bond, c’est durant une scène de séduction pastiche que Peter Sellers et Ursula Andress sont accompagnés par la voix de Dusty Springfield sur The Look of Love. A l’origine, un instrumental de Bacharach pour lequel Hal David écrivit des paroles pour l’utilisation dans le film.Sheena Easton intervient pour l’un des films avec Roger Moore dans le rôle de James Bond, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), de John Glen, généralement considéré comme l’un des plus réussis de cette ère avec Vivre et laisser mourir (Live and Let Die, 1973). Composée par Bill Conti avec un texte de Michael Leeson, la chanson, en dépit d’éléments qui identifient l’époque (des sons de claviers, la batterie) reste une plaisante romance pop. Elle est aussi l’occasion, unique pour le moment, de montrer l’interprète de la chanson-titre durant le générique. Sheena Easton est filmée en gros plan, de face et de profil, chantant, tandis que des silhouettes évoluent autour d’elle.« For Your Eyes Only » (1981), de Bill Conti et Michael Leeson, par Sheena Easton :Le recours à un groupeLa troisième catégorie, la moins utilisée, consiste à faire appel à un groupe. Avec le risque que ce dernier ne s’efface pas derrière la chanson, ce que des interprètes qui ne sont pas leurs propres auteurs et compositeurs peuvent plus aisément réaliser. Et, de fait, ni les Britanniques Duran Duran pour A View to a Kill, le Dangereusement vôtre qui sera, en 1985, le dernier Bond avec Roger Moore, ni les Norvégiens de A-ha chargés de la chanson du premier Timothy Dalton, Tuer n’est pas jouer (The Living Daylights, 1987) ne feront autre chose que du Duran Duran et du A-ha, même avec John Barry comme co-compositeur. Un écueil moins sensible chez Garbage dans The World is not Enough (Le monde ne suffit pas, 1999), qui arrive après une scène d’introduction de près de quatorze minutes, la plus longue de la série. Le groupe se met clairement au service du compositeur de la chanson et de l’ensemble de la musique du film, David Arnold, et du parolier Don Black.Et puis il y a le cas Paul McCartney avec son groupe Wings. L’ancien chanteur des Beatles signe avec sa femme Linda ce qui constitue peut-être la chanson la plus réussie pour un film de James Bond, ce Live and Let Die qui emporte l’arrivée de Roger Moore sur la série avec le film réalisé par Guy Hamilton. C’est George Martin, le producteur des Beatles, qui arrange la chanson et compose le reste de la musique.Elle débute par du pur McCartney. Un piano, la voix, une jolie mélodie, des voix harmonisées. Et à une trentaine de secondes une première montée orchestrale, comme un accord de guitare rock. L’emballement ensuite, percussions mélodiques, flûtes, cordes, un contrechant à la guitare électrique, la rythmique rock pour un passage instrumental. Nouveau changement, retour de la voix sur une assise presque reggae, nouvel emballement, retour de la partie romance, emballement, jusqu’à un accord de résolution en suspension. Ouf ! En moins de trois minutes, avec ses rebondissements, ses climats différents, la chanson est presque comme un film dans le film. Elle existe d’ailleurs dans une autre version, sur un mode funk-soul, chantée par B. J. Arnau dans une séquence du film. Bond se rend dans un club de La Nouvelle-Orléans et prend le temps d’écouter la chanteuse, dans son propre rôle, qui se produit sur la scène.« Live and Let Die » (1973), de Paul et Linda McCartney, par Paul McCartney and Wings :On mentionnera enfin, hors-catégorie, le seul musicien de jazz à avoir rejoint musicalement la série des Bond, Louis Armstrong. Ni au générique de début, ni de fin, mais dont la voix se fait entendre durant une longue séquence de promenades amoureuses de Bond et celle qui deviendra sa femme, comme un intermède façon vidéo-clip, dans l’unique film avec George Lazenby, Au service secret de Sa Majesté (1969), de Peter R. Hunt. La chanson, écrite par John Barry et Hal David, s’intitule We Have all the Time in the World (Nous avons tout le temps devant nous), dernière phrase du film prononcée par Bond, qui tient dans ses bras Tracy (Diana Rigg), qui vient d’être tuée sous ses yeux.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 11.11.2015 à 06h44 • Mis à jour le11.11.2015 à 07h05 | Thomas Sotinel et Isabelle Regnier Cette semaine, un spectre hante les salles, celui de l’agent 007. Mais la sortie massive des dernières aventures de James Bond, par ailleurs décevantes, ne doit pas détourner de plaisirs moins largement partagés, mais sans doute plus durables : un nouvel exemple de la vitalité corrosive du cinéma roumain, L’Etage du dessous, la reprise d’un grand film aujourd’hui quinquagénaire, Le Bonheur, d’Agnès Varda ou, au Festival d’Amiens, un retour dans les années 1980 avec le cinéma de John Landis.LA CONTAGION DU MAL EST DANS L’ESCALIER : « L’Etage du dessous », de Radu MunteanPrésenté dans la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, cette chronique minutieuse suit le basculement d’un homme qui a eu le malheur de surprendre les échos d’une tragédie conjugale en gravissant les escaliers de son immeuble. Le réalisateur roumain Radu Muntean refuse les paroxysmes, préférant saisir les déplacements imperceptibles d’une conscience ordinaire.Film roumain de Radu Muntean avec Teodor Corban, Iulian Postelnicu, Oxana Moravec (1 h 33).LE GRAND BOND EN ARRIERE : « 007 Spectre », de Sam MendesAprès les sommets atteints par Skyfall, la déception était sans doute inévitable. Elle est cruelle. Tout est là : le regard glaciaire de Daniel Craig, la séquence d’ouverture virtuose, la James Bond Girl de l’année (Léa Seydoux). Et pourtant tout manque : l’émotion, qui avait fait une apparition remarquée dans le précédent épisode, la conviction. Il semblerait que l’heure de la relève ait sonné pour l’interprète et le réalisateur.Film britannique et américain de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz (2 h 30).L’AMOUR JETABLE : « Le Bonheur », d’Agnès Varda Incarné par un acteur dont les Français admiraient l’habileté à la fronde devant leurs téléviseurs tout neufs, Jean-Claude Drouot, interprète de « Thierry la fronde », le personnage principal du Bonheur est un père et un époux aimant. Si aimant qu’il tombe amoureux d’une autre femme, qui ressemble à la première. Si le film fit scandale en 1965, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce n’était pas à cause de l’adultère – matière première essentielle du cinéma français depuis sa naissance –, mais parce qu’une femme, Agnès Varda, se permettait de le mettre en scène dans toute sa cruauté et sa banalité.Film français d’Agnès Varda (1965) avec Jean-Claude, Claire, Olivier et Sandrine Drouot, Marie-France Boyer (1 h 19).L’ALCOOL, LA DROGUE, LE CINEMA : programmation « Addiction à l’œuvre », à Toulouse et à Paris La cinéphilie comme addiction, l’addiction comme thème de prédilection du cinéma. A partir de cette proposition dialectique, Philippe Bérard, figure phare de la cinéphilie marseillaise, a conçu une programmation monstre, étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première partie, la Cinémathèque de Toulouse propose du 12 au 15 novembre une sélection de films évoquant les stupéfiants et leurs effets : More, de Barbet Schroeder (1969), Le Festin nu, de David Cronenberg (1991), Marihuana (Haschisch/La Drogue qui tue), de Leon Klimovsky (1950), Chappaqua, de Conrad Rooks (1966). Le cycle se poursuivra dans une quarantaine de salles parisiennes, pendant un mois. Sans limitation de genre ni d’époque, le corpus rassemble de grandes œuvres classiques et d’autres beaucoup plus rares, issues du cinéma primitif, du cinéma expérimental ou des arts plastiques. La Fondation Jérôme Seydoux présentera des films prophylactiques du début du XXe siècle mettant en garde contre les effets de l’alcool.Addiction à l’œuvre : la programmation du cycle.CHICAGO SUR SOMME : Les Blues Brothers et le Festival d’Amiens fêtent leurs 35 ansFondé en 1980, l’année de la sortie de The Blues Brothers, le Festival international du film d’Amiens présente, en ouverture de sa 35e édition, le film de John Landis qui fit connaître Cab Calloway ou John Lee Hooker aux jeunes générations d’alors et ressortira en salles le 18 novembre. Le metteur en scène de Chicago sera l’un des invités d’honneur du festival, avec le chef opérateur portugais Rui Poças. Un hommage sera rendu à Albert Lewin, l’auteur de l’immortel Pandora (peut-être pas le meilleur film d’Ava Gardner, mais celui qui mit le plus luxurieusement en valeur sa beauté insensée). Et, bien sûr, une série de longs-métrages seront présentés dans le cadre de la compétition internationale.35e Festival international du film d’Amiens, du 13 au 21 novembre, à Amiens (Somme).Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier La James Bond mania bat son plein. Impossible de faire un pas dans la rue sans voir le visage de Daniel Craig associé à une marque de montre. Impossible d’ouvrir un ordinateur sans tomber sur la bande-annonce de 007 Spectre. Impossible d’aller au cinéma sans se voir bombardé de publicités pour l’une ou l’autre des marques partenaires du film. Comme l’air du temps, le 007 nouveau se fond dans le paysage. Il conditionne les esprits, impose son tempo, y compris au sein d’institutions que rien ne relie a priori à la machine James Bond, et qui se font pourtant spontanément le relais de sa promotion.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreVendredi 6 novembre, soit cinq jours avant la sortie officielle du film, s’est ainsi tenu à l’Institut d’étude des relations internationales (Ileri), à Paris, un colloque sur le thème « James Bond : héros géopolitique ? ». Devant un petit amphi plein à craquer, quatre invités se sont succédé au micro – l’historien et journaliste Alexandre Adler, la docteure en littérature Isabelle Safa, le docteur en sciences de l’information Pierre Fayard et l’historien David Vauclair –, pour évoquer le sous-texte géopolitique de ce mythe contemporain qui n’a eu de cesse, depuis un demi-siècle qu’il perdure, de se réinventer au gré des soubresauts de l’Histoire.Un « mythe compensatoire »Casino Royale, le premier roman de Ian Fleming mettant en scène James Bond, est publié en 1953. Le premier film, Dr No, sort sur les écrans neuf ans plus tard, en 1962, année de la crise des missiles à Cuba. Pur produit de la guerre froide, cette saga dans laquelle les enjeux internationaux sont réduits à des rapports d’individus (ou de groupes) en a longtemps reflété le climat de menace et de paranoïa. Elle s’inscrit également, et de plain-pied, dans le contexte de la dissolution de l’empire britannique et de ce point de vue, comme l’ont soutenu de concert les quatre intervenants, cet agent secret super-chic, séducteur imparable, tueur hors pair qu’est 007, a longtemps représenté, pour une Grande-Bretagne déboussolée, fraîchement éjectée de sa place au centre de l’échiquier mondial, un « mythe compensatoire ».James Bond évolue, en effet, dans un monde où l’empire paraît ne s’être jamais dilué. Où qu’il soit, il a des alliés qui le logent, lui fournissent des armes, des renseignements, des invitations à des fêtes, des relations… « L’empire lui fournit tout, soutient Pierre Fayard, parce que l’empire est omniprésent ». Si bien qu’il n’a jamais rien à faire, y compris avec les femmes, qui tombent sous son charme comme si elles étaient prédestinées (Bond, en anglais, veut dire à la fois « lien », et « obligation »).L’empire dans lequel évolue James Bond, est moins britannique, au fond, que « britannico-yankee » (les Etats-Unis étant représentés dans la saga par le personnage de Felix Leiter, l’ami américain de Bond). Mais si la puissance militaro-financière est américaine, les Britanniques conservent un magistère scientifique et technologique (qu’incarne exemplairement le personnage de Q), et un sens de l’honneur qui leur confère une supériorité morale sur les autres nationalités. Comme le résume David Vauclair, la saga offre une « représentation du “soft power” britannique avec lequel le public est appelé à communier – à grand renfort de parachutes aux couleurs de l’Union Jack, de jeux avec l’image de la reine… – dans un patriotisme bon enfant ».Héros conservateurHéros conservateur, qui ramène toujours la situation au statu quo, ce mâle absolu, qui « permet de rêver un monde qui n’est plus », comme le pose Alexandre Adler, incarne l’Occident triomphant. Cela lui a d’ailleurs valu quelques interdictions de séjour, que ce soit dans la Russie de Brejnev, dans l’Algérie de Boumédiène, en Chine, jusqu’en 2006, ou encore en Corée du Nord. Nasser lui-même avait dénoncé son caractère « impérialiste » devant ses députés.La chute du mur de Berlin a fait chanceler James Bond. Un black-out de six ans sépare ainsi Permis de tuer (1989) de GoldenEye (1995), le suivant, qui inaugura l’ère Pierce Brosnan. Mais cette saga qui avait anticipé la guerre des étoiles de Reagan (dans Moonraker, en 1979) a su s’adapter au nouvel ordre multipolaire, et aux nouvelles menaces dont il était porteur. Ainsi dans Demain ne meurt jamais, 007 se confronte-t-il au pouvoir des grands médias, dans Meurs un autre jour, à Cuba, vestige du bloc soviétique, dans Quantum of Solace, à la question de l’écologie.Le 11-Septembre a inauguré l’ère plus sombre, introspective et brutale de Daniel Craig, plus correcte politiquement aussi, plus modeste, plus autocritique. Tout en continuant d’incarner une Angleterre pacificatrice, et scientifiquement avancée, l’agent secret donne à voir le sale côté du métier – la torture, la laideur que recouvre l’idée du « permis de tuer »… Désormais, comme conclut Alexandre Adler, « il ne fait plus rêver ».Un Orient de carte postaleLe 11-Septembre, pour autant, n’a jamais été abordé de front. Pour ne pas se couper des marchés substantiels, en l’espèce de ceux du Moyen-Orient, les producteurs de James Bond éviteraient toujours les sujets clivants, affirme David Vauclair. Les pays désignés comme ennemis dans les films, poursuit-il, comme la Corée du Nord dans Meurs un autre jour, ne représentent jamais d’importants gisements de spectateurs. « Bond s’attaque plus aux fantasmes internationaux, de fait, qu’aux ennemis nationaux. Plutôt que s’aventurer sur un terrain glissant, les producteurs préfèrent revisiter le mythe (Casino Royale), ou désigner un ennemi intérieur (Quantum of Solace). »L’Orient de James Bond, en outre, n’a jamais rien été d’autre qu’un Orient de carte postale, stéréotypé, totalement dépolitisé. Un monde qui renverrait au paradigme d’Edward Saïd, affirme Isabelle Safa, selon lequel les clichés orientalistes servent la domination de l’Occident, si le recours aux clichés n’était pas si essentiellement ludique, si la mise en scène ne venait pas régulièrement souligner (dans L’Espion qui m’aimait par exemple, quand la musique de Lawrence d’Arabie jette un pont entre Roger Moore et Peter O’Toole, quand un spectacle de son et lumière sur le site de Gizeh devient le décor d’une bataille épique…) que cet Orient n’est rien d’autre qu’un décor de cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Philippe Bernard (Londres, correspondant) Y a-t-il une vie après Bond ? Y a-t-il un Bond après Craig ? Coup sur coup, ces deux questions existentielles ont surgi en pleine promotion de 007 Spectre au Royaume-Uni, peu avant sa sortie en salles outre-Manche, le 26 octobre.Interrogé, début octobre, par l’hebdomadaire Time Out sur son souhait de se lancer dans le tournage d’un autre James Bond, Daniel Craig a lancé : « Je préférerais casser ce verre et me trancher les veines avec. (…) J’ai eu ma dose. Tout ce que je veux, c’est passer à autre chose. » Un peu plus loin, il ajoutait : « Si je faisais un autre film de James Bond, ce serait seulement pour l’argent. » Habilement médiatisés, ces propos ont suscité un mélange de consternation et d’interrogations.Daniel Craig, 47 ans, qui incarne Bond pour la quatrième fois depuis Casino Royale (2006) et a redonné du souffle à la série, imaginerait-il poursuivre sa carrière sans 007 ? La question apparaît pertinente : si James Bond a propulsé vers le sommet le parcours d’un Sean Connery, il a totalement éclipsé le reste de la filmographie de Roger Moore ou de Pierce Brosnan. Le « permis de tuer » de Bond peut donc menacer celui-là même qui lui prête trop longtemps ses traits.Daniel Craig a d’ailleurs montré au public sa capacité à faire vivre bien d’autres personnages que l’agent secret au regard d’acier. Il a incarné le pionnier de l’Aéropostale Guillaumet dans Saint Ex (1996), mais aussi George Dyer, l’amant du peintre Francis Bacon dans Love is the Devil (1998). Il a tourné pour Steven Spielberg dans Munich (2006) et pour David Fincher dans Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011). Au théâtre, les New-Yorkais l’ont découvert en 2013 dans Trahisons, d’Harold Pinter, et le retrouveront à l’automne 2016 dans un Othello, de Shakespeare, avec David Oyelowo.Lire aussi :« 007 Spectre » : le grand Bond en arrièreQuinze prétendantsMais les déclarations iconoclastes de Daniel Craig ont surtout relancé la machine à spéculer sur le nom du futur 007. Dès août, le magazine Esquire avait recensé pas moins de quinze prétendants possibles, comme Tom Hardy (Mad Max : Fury Road, Inception), Henry Cavill (Superman) ou Michael Fassbender (Twelve Years a Slave, Steve Jobs). Depuis la « sortie » de Craig dans Time Out, le nom qui revient le plus souvent est celui d’Idris Elba, révélé par la série « Sur écoute » («  The Wire » en VO).Un James Bond noir ? Bond « devrait être anglais-anglais », avait objecté Roger Moore début 2015, suscitant la controverse. Belle polémique sur l’identité britannique en perspective à propos d’Elba, né à Londres d’une mère ghanéenne et d’un père sierra-léonais. En 2005, lorsqu’il avait été choisi, Daniel Craig, aujourd’hui considéré comme un impeccable Bond, avait été torpillé par les tabloïds britanniques : blond et pas assez grand (1,78 m).Mais il se pourrait, en fin de compte, que les médias britanniques aient fait dire à Daniel Craig beaucoup plus que ce qu’il pense vraiment. En réalité, l’acteur a déclaré qu’il préférerait « se trancher les veines » plutôt que de tourner un autre James Bond, « là, maintenant ». Mais le « pas pour le moment » a été gommé pour mieux faire monter la mayonnaise. Il affirme qu’après huit mois d’un tournage harassant, son premier souhait est de « débrancher [son] cerveau » et de « prendre des vacances ». Se préoccupe-t-il des acteurs qui pourraient jouer Bond après lui ? « Ecoutez, cingle-t-il, je n’en ai rien à foutre. Bonne chance à eux ! »L’acteur a d’ailleurs mis de l’eau dans son vin par la suite. Il continuera le rôle « aussi longtemps qu’il en sera physiquement capable », a-t-il déclaré au Mail on Sunday, rappelant qu’il avait signé « pour un [film] de plus ». A la BBC, il a admis qu’il avait sans doute parlé trop vite. « Je savais en acceptant le rôle qu’il bouleverserait ma vie et c’est arrivé. (…) J’aime le jouer plus que jamais parce que j’ai été impliqué dans tous les aspects de la production. »Barbara Broccoli, coproductrice de Spectre, a voulu clore la séquence sur « l’après-Craig » en déclarant, le 4 novembre, à la veille de la sortie américaine : « Daniel Craig est notre James Bond (…). Nous l’adorons et nous voulons le retenir. » Et d’expliquer la lassitude exprimée par l’acteur par une sorte de dépression post-partum : « Vous ne demandez pas à une femme qui vient d’accoucher : “Quand allez-vous recommencer ?”. »Philippe Bernard (Londres, correspondant)Correspondant au Royaume-UniSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Avec « Spectre », le réalisateur britannique s’attaque de nouveau au célèbre 007, pas si éloigné des héros de Shakespeare.Avant de s’atteler à la réalisation de 007 Spectre (sortie le 11 novembre), le nouveau volet de la saga de James Bond à l’écran, Sam Mendes mettait en scène, début 2014, Le Roi Lear au Royal National Theatre, à Londres. La différence de registre entre Shakespeare – qu’il met régulièrement en scène, sans prévoir de s’arrêter un jour – et l’énorme machinerie constituée par James Bond (sur Skyfall [2012] d’abord, puis sur Spectre) l’avait, sur le coup, troublé. Comment passer de l’austérité d’une pièce de théâtre au tournage dantesque d’une saga dont il est provisoirement le chef d’orchestre ? Cela s’était déjà produit quand il avait enchaîné Richard III au théâtre et Skyfall au cinéma : « A l’époque, je ne saisissais plus la logique de ma carrière. Il ne s’agissait pas seulement de James Bond, mais de tous mes choix au cinéma. J’ai quitté la Grande-Bretagne pour réaliser American Beauty aux Etats-Unis, un film qui se déroule dans une banlieue. Malgré l’Oscar qu’il a remporté, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu me retrouver sur un projet pareil. Aujourd’hui, je parviens à déceler une vague cohérence entre mes différents projets. Je ne trouve pas absurde, par exemple, d’avoir mis en scène, avec Jarhead, la fin de l’innocence, l’un des rares films consacrés à la première guerre du Golfe. Une histoire très beckettienne où il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est qu’un soldat est déstabilisé par une victoire américaine à laquelle il n’a, vu la brièveté du conflit, pas eu l’occasion de participer. »  Un Bond atteint par la limite d’âgeAvant de mettre en scène Skyfall, Sam Mendes s’imaginait hériter d’un scénario écrit et réécrit, devant lequel il tiendrait un rôle d’exécutant. En lieu et place d’un projet ficelé, il a hérité d’une dizaine de pages, vaguement élaborées, qu’il s’est empressé de jeter à la poubelle. A sa grande surprise, il a pu filmer l’histoire de son choix autour de l’un des personnages les plus âgés adaptés à l’écran. « Bond a plus de 50 ans. Quand est sorti le premier épisode de la saga, James Bond contre Dr. No, je n’étais pas né. »Lire aussi : Shakespeare made in HollywoodLe réalisateur anglais a alors façonné à son image l’agent secret imaginé par Ian Fleming : quadragénaire, hésitant sur la suite à donner à sa carrière, retournant en Grande-Bretagne après un long séjour à l’étranger. Sam Mendes pensait que ce James Bond mortel, guetté par le troisième âge, déplairait à la production.Ce fut exactement le contraire. « C’est tout de même curieux de se dire que Skyfall et Spectre sont les films pour lesquels il y a eu le moins d’intervention de la part des producteurs. Ils m’ont laissé tuer M dans Skyfall, où Bond apparaît presque mort ; dans Spectre, il prend de très larges distances avec les services secrets britanniques. Avant Casino Royale – le premier Bond avec Daniel Craig –, vous pouviez intervertir tous les Bond. Depuis, ce n’est plus le cas. Il y a ce sentiment, dans les premiers films avec Sean Connery, d’un temps qui passe, d’un personnage qui pourrait mourir. A partir de Moonraker, (1979), c’est fini. Il n’y a plus d’enjeu, juste des endroits glamour et des filles sexy. Au moins, Roger Moore n’a jamais prétendu autre chose, et il est d’ailleurs le premier à trouver Daniel Craig excellent. En gros, Moore vous disait : “Je n’ai jamais été un bon acteur, mais j’ai passé du bon temps à tourner ces films.” Ce qui est, somme toute, très sympathique. »  007 et le Roi Lear Depuis “Skyfall”, Sam Mendes a pris l’habitude de parsemer le scénario de phrases de son cru, relatives à la situation de James Bond dans le film ou à la sienne dans la vie. Sa préférée dans Spectre : « J’ai quelque chose de mieux à faire. » Mendes a, bien entendu, modelé le James Bond fatigué de Spectre d’après Le roi Lear de Shakespeare. L’obsession des yeux, la crainte de l’aveuglement, cette grande réunion, dans Spectre, où les membres d’une organisation se réunissent autour d’une table, rappellent à tous la scène où Lear divise son royaume, au début de la pièce de Shakespeare. Sam Mendes s’est souvenu des multiples avertissements reçus après Skyfall. En imaginant un Bond atteint par la limite d’âge, il a pris le risque de faire mourir l’agent secret. Un risque accru dans Spectre, où 007 ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre mondial et semble faire passer sa vie privée avant son rôle de sauveur de l’univers. « Ces considérations m’ont traversé l’esprit. Elles m’ont même tapé sur le système. Puis je me suis calmé. Bond est un mythe. Constamment réinterprété comme tel, ou abordé comme un classique au théâtre, puis interprété avec le temps. C’est une mythologie avec laquelle tout le monde se sent connecté. Bond est un dinosaure sexiste issu de la guerre froide, c’est un fait, mais il ne changera jamais. Il aurait pu disparaître, mais il ne disparaîtra jamais. »« 007 Spectre » (2 h 30), de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Ralph Fiennes, Léa Seydoux. En salles le 11 novembre.Lire aussi : « Skyfall » : à 50 ans, si t’as pas une Aston Martin…Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Laurent Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Gray à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 21.10.2015 à 12h07 • Mis à jour le21.10.2015 à 15h39 | Clarisse Fabre De la boue, à perte de vue : c’est la première image qui a marqué le documentariste Nicolas Philibert, quand il est arrivé dans la « jungle » de Calais, lundi 19 octobre, pour « témoigner » avec trois autres cinéastes, Ariane Doublet, Catherine Corsini et Christophe Ruggia, accompagnés d’un traducteur arabe.« Dans la “jungle” – quel mot horrible ! –, j’ai d’abord été frappé par la boue. Il pleuvait, il y avait toutes ces tentes, posées dans la boue. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont les pieds dans l’eau et l’humidité. Certaines installations ont pu être surélevées avec des bouts de bois. Les matelas pour dormir sont mouillés, quand les migrants ont la chance d’en avoir un… », explique le réalisateur des documentaires Etre et avoir (2012) et La Maison de la Radio (2012). Il est l’un des signataires de l’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, qui réunit des artistes, des intellectuels et diverses personnalités, de Jean-Luc Godard à Judith Butler.Lire aussi :Quand les artistes se mobilisent pour les réfugiésUne situation intenableIl faut mettre les pieds dans le plat, et le texte n’y va pas par quatre chemins, décrivant une situation intenable et pointant clairement les responsabilités : « Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ? », lit-on dans le texte de cet Appel.Ils dénoncent « le gouvernement de notre pays qui “a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés” ». « Ce désengagement de la puissance publique est une honte », poursuivent les auteurs du texte. Les initiateurs de cet appel sont un petit groupe de réalisateurs : Laurent Cantet, Catherine Corsini, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Christophe Ruggia, Céline Sciamma. Entre samedi 17 et dimanche 18 octobre à minuit, ils ont réuni autour d’eux plus de huit cents personnalités. D’autres signatures continuent « d’arriver ». « Une vie sans horizon »Sur place, à Calais, Nicolas Philibert avait des sentiments mêlés, saisi à la fois par le doute et la détermination : « On a toujours une appréhension. On se dit : “Qu’est-ce qu’on fait là ? Ce n’est pas un zoo. Quelle est ma légitimité ?” Je redoutais que les migrants refusent de nous parler ou de nous laisser les filmer… ». C’est tout le contraire qui s’est produit, raconte-t-il : « Les gens nous disaient “Welcome”, “Hello”, ils étaient souriants. Certains ont refusé d’être pris en photo ou filmés car ils redoutent des représailles pour leur famille restée dans leur pays », poursuit-il. Il a vu beaucoup de Soudanais, des Tchadiens, des Erythréens, des Irakiens…Entre autres, il a rencontré ce couple d’Iraniens « dont la femme va accoucher dans quelques jours. Ils nous ont fait comprendre qu’ils avaient fait une bonne partie du trajet à pied ». « Ce qui est affreux, c’est qu’ils ont une vie sans horizon », dit-il encore. Mardi 20 octobre, en fin de journée, Nicolas Philibert était en train de monter « les images de Calais », qu’il comptait montrer lors de la conférence de presse organisée au cinéma Le Louxor, à Paris, dans le quartier de Barbès, mercredi 21.Ariane Doublet faisait la même chose, mardi soir, depuis la région Haute-Normandie où elle réside. « Toute la journée de lundi, à Calais, nous avons été accompagnés par le son du marteau. On a rencontré des bénévoles de Jersey qui construisent des maisons », raconte la cinéaste. Elle a filmé, aussi, cette compagnie de théâtre anglaise qui « est arrivée il y a trois semaines », et mène un travail avec les migrants, sous « un petit chapiteau en forme d’igloo ». Une petite vie, ou plutôt survie, s’est organisée, avec des échoppes « comme celles que l’on voit dans des bidonvilles », une église, une mosquée, etc. « Les migrants nous ont parlé aussi de la dernière douche qu’ils ont prise, qui remonte à je ne sais quel jour… On a vu des gens désespérés, et calmes, même si la colère est là », conclut-elle.« Chaque jour, il se passera quelque chose »Pour Christophe Ruggia, mobilisé depuis plus de vingt ans auprès des personnes sans-papiers, Calais raconte « tout le reste », c’est-à-dire l’évolution inquiétante de la situation du pays, qui va au-delà de la politique migratoire et embrasse le débat sur l’intégration. « On est dix ans après les émeutes de l’automne 2005. Avant 2005, les émeutes émanaient de jeunes qui manifestaient leur envie d’appartenir à la République. “On est là, on existe !”, nous disaient-ils en substance. Depuis 2005, c’est un autre langage qui apparaît, chez les plus radicaux : “La République ne veut plus de nous ? Alors on va la détruire…” », souligne Christophe Ruggia, dans un café parisien, encore très éprouvé par ce qu’il a vu à Calais.Celui qui se mobilisait encore, il y a quelques jours, pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen, poursuit son analyse : « On a eu le 7 janvier. Et depuis l’attaque de Charlie Hebdo, on se réunit régulièrement, avec des cinéastes. On parle, on s’interroge. Puis il y a eu la prise de conscience sur la situation des migrants et des réfugiés. Mais on n’entend que la droite raciste s’exprimer. Le climat est délétère, pourri. On n’accepte pas qu’il n’y ait qu’une seule parole. A partir de maintenant, on va ne plus lâcher. Chaque jour, il se passera quelque chose. »L’appel de Calais, de Godard à Butler« Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve ». L’Appel de Calais, publié sur le site de Libération, mardi 20 octobre, réunit plus de huit cents artistes et intellectuels : beaucoup de cinéastes, de Matthieu Amalric à Rebecca Zlotowski, en passant par Catherine Corsini, Claire Denis, Jean-Luc Godard, Nicolas Philibert ; des comédiens (Jeanne Moreau, Reda Kateb, Mélanie Laurent) ; des metteurs en scène (Thomas Ostermeier, Marie-José Malis) ; des auteurs de BD (Blutch) ; des philosophes (Judith Butler, Jean-Luc Nancy, Toni Negri)… « Calais raconte tout le reste. Le gouvernement a annoncé la création d’un camp de 1 500 places mais aujourd’hui 6 000 personnes y survivent, et demain ? », résume le cinéaste Christophe Ruggia, l’un des initiateurs de l’Appel, qui était à Calais, lundi 19 octobre, avant une conférence de presse, le 21 octobre, au cinéma Le Louxor, à Paris.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Les Décodeurs et PixelsMercredi 21 octobre 2015, Marty Mc Fly débarque dans le futur. Celui imaginé dans les années 80 par les scénaristes de la trilogie culte Retour vers le futur, à grand renfort de skateboards volants, pizzas déshydratées et bars à robots. D’autres œuvres de science-fiction ont imaginé un futur bien plus sombre, marqué par des intelligences artificielles hostiles et des cataclysmes de toutes sortes. De 1974 à l’an 5 milliards, retour vers le futur imaginé par les romans, films, séries, jeux vidéo et mangas de science-fiction.Pour vous déplacer, déroulez la page et cliquez sur les titres ou les zones colorées pour « déplier » le résumé.#tab_grece { width: 100%;}.tab_ligne { clear: left; width: 100%; float: left; padding: 0; margin: 10px 0;}.tab_chevron:hover,.tab_date:hover,.tab_evenement:hover,.tab_texte:hover { cursor: pointer;}.tab_ligne.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2)}.tab_ligne.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2)}.tab_ligne.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2);}.tab_ligne.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2);}.tab_ligne.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2)}.tab_ligne.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2)} div { padding: 8px 0; float: left;}.tab_evenement { width: 50px; padding: 8px!important; vertical-align: middle;}.tab_evenement img { max-width: 50px; max-height: 50px; border:0!important;}.tab_date { width: 80px; text-align: center; border-right: 1px solid #fff; padding: 16px 0 0 0!important;}.tab_right { width: calc(100% - 160px); padding: 8px 10px!important;}.tab_texte { clear: left; float: left; width: 100%;}.tab_chevron { clear: left; float: left; width: 100%; height: 17.5px; background: url(//s1.lemde.fr/mmpub/edt/zip/20151020/154151/img/chevron.png) 50% 0px no-repeat; text-align: center; padding: 8px 0 0 160px!important; margin-bottom: 12px; cursor: pointer;}.tab_ligne:hover .tab_chevron { background-position: 50% -35px;}.deplie .tab_chevron { background-position: 50% -17.5px; margin-top: 7px;}.tab_ligne.deplie:hover .tab_chevron { background-position: 50% -52.5px;}.tab_chevron img { width: 40px;}.tab_detail { overflow: hidden; padding: 0 8px!important; background-color: white;}.deplie .tab_detail { padding: 8px!important;}.bleu { background: rgba(3, 134, 195, 0.2); padding: 2px;}.orange { background: rgba(241, 147, 0, 0.2); padding: 2px;}.vert { background: rgba(128, 185, 4, 0.2); padding: 2px;}.noir { background: rgba(0, 0, 0, 0.2); padding: 2px;}.rouge { background: rgba(156, 9, 15, 0.2); padding: 2px;}.violet { background: rgba(122, 55, 139, 0.2); padding: 2px;}@media all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 300px; }}@media not all and (min-width: 400px) { .photographie { width: 100%; height: 150px; } iframe { height: 150px!important; }} require(['jquery'], function($) { var data_accordion = [{ "Année": 1974, "Titre": "L'humanité détruite par les vampires", "Para": "La quasi-totalité de l'humanité a succombé à une épidémie de vampirisme. 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La population est placée sous surveillance, contrainte à l’usage du novlangue, un langage conçu pour empêcher la formulation d’idées rebelles.",1984, livre de George Orwell, 1949", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1284x857/4789429_6_3746_big-brother-vous-regarde_3aca500b33ebef8b42b0e301df524e42.jpg", "Video": "", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1984, "Titre": "Arrivée d’un Terminator venu du futur", "Para": "Un Terminator de 2029 est envoyé dans le passé pour empêcher la naissance du futur leader de la résistance contre les machines, John Connor.",Terminator, film de James Cameron, 1984", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1992, "Titre": "L’intelligence artificielle HAL 9000 devient opérationnelle",Discovery One qui, en 2001, se dirigera vers Jupiter.",2001 : l’odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick, 1968", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1995, "Titre": "Une expérience de voyage dans le temps dégénère",r Samuel Beckett, physicien, est envoyé dans une boucle temporelle sans fin après une expérience scientifique. Aidé par l'hologramme de son collègue et ami, Al, il est contraint à intervenir dans la vie des gens qu’il rencontre à différentes époques afin de poursuivre son voyage.",Code Quantum, série de Donald P. Bellisario, 1989", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/660x300/4789433_6_81c6_ill-4789433-fdbc-codequantum_c9fad02d0063e269c2909048bb3a0bbe.jpg", "Video": "", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "L’intelligence artificielle Skynet échappe au contrôle de l’homme", "Para": "Le réseau Skynet échappe au contrôle de l’homme, lance une attaque contre la Russie et déclare la troisième guerre mondiale.",Terminator 2 : le jugement dernier, film de James Cameron, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 1997, "Titre": "Manhattan devient une prison", "Para": "L’île de Manhattan a été transformée en prison, après une importante vague de criminalité.",New York 1997, John Carpenter, 1981", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Apocalypse du jour de Lavos", "Para": "L’apocalypse est déclenchée par l’arrivée de Lavos, un parasite extraterrestre qui détruit la planète.",Chrono Trigger, jeu vidéo, Square Enix, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1019x655/4789434_6_19f4_ill-4789434-f324-chrono2_8062e20bdf7f79cac5cb78052d53ede5.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 1999, "Titre": "Rationnement à New York", "Para": "New York est peuplée de près de 35 millions d’habitants, les ressources sont rationnées et la population est nourrie par du « soleil vert », officiellement composé de plancton.",Soleil vert, film de Richard Fleischer, 1973", "Photo": "",", "Picto": "Vie quotidienne", "classe": null }, { "Année": 2000, "Titre": "Cataclysme en Antarctique", "Para": "Le 13 septembre, une énorme explosion en Antarctique génère un cataclysme à l’échelle mondiale, que les humains baptiseront « Second impact ».",Neon Genesis Evangelion, série animée de Hideaki Anno, 1995", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1024x768/4789437_6_07ce_ill-4789437-1f0d-evasecond_5b6b329a2826002c30e5534b0cbc4a3e.jpg", "Video": "", "Picto": "Apocalypse", "classe": null }, { "Année": 2005, "Titre": "Rébellion de soldats génétiquement modifiés", "Para": "Un groupe de soldats génétiquement modifiés se rebelle et prend possession de la base nucléaire de Shadow Moses en Alaska.",Metal Gear Solid, jeu vidéo édité par Konami, 1998", "Photo": "http://s1.lemde.fr/image/2015/10/14/1280x720/4789438_6_6289_ill-4789438-c5a5-metalgearsolid_870be61616656c5a96ca6346dfe1bc64.jpg", "Video": "", "Picto": "Société", "classe": null }, { "Année": 2015, "Titre": "Marty McFly arrive du passé",e épisode des Dents de la mer, la généralisation du fax et des mini-pizzas qui doublent de volume une fois passées au micro-ondes.",Retour vers le futur 2, film de Robert Zemeckis, 1989", "Photo": "",", "Picto": "Voyage dans le temps", "classe": null }, { "Année": 2019, "Titre": "Les cyborgs se fondent dans la population", "Para": "Les cyborgs, quasiment impossibles à distinguer d’un être humain, se fondent dans la population. 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Un robot est mis au point pour déclencher la rébellion des ouvriers.",Metropolis, film de Fritz Lang, 1927", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2030, "Titre": "Des cyborgs dans la police", "Para": "Le corps spécial de la police est constitué de cyborgs doués de la pensée, de la parole, et d’un corps sexué.",Ghost in the Shell, manga de Mamasume Shirow, 1991", "Photo": "",", "Picto": "Robots", "classe": null }, { "Année": 2052, "Titre": "La peste grise menace", "Para": "Des groupes terroristes gangrènent les Etats-Unis et la France. 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",Dune, roman de Frank Herbert, 1965, adapté en film par David Lynch en 1984", "Photo": "",", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "Vers l’an 22 000", "Titre": "L’humanité a colonisé la Voie lactée", "Para": "Les humains ont quitté la Terre, devenue inhabitable, et colonisé la Voie lactée. Les hommes vivent sous l’autorité d’un Empire galactique. Le mathématicien Hari Seldon décide de créer une Fondation pour rassembler tous les savoirs de l’humanité.",Fondation, roman d'Isaac Asimov, 1942", "Photo": "", "Video": "", "Picto": "Espace", "classe": null }, { "Année": "An 5 milliards", "Titre": "Destruction de la Terre", "Para": "La Terre, abandonnée par les humains, est détruite par le Soleil. 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Une DeLorean volante apparaît subitement sous une pluie battante, dans le ciel de Hill Valley, en Californie. À son bord, le docteur Emmett Brown (Christopher Lloyd), le jeune Marty McFly (Michael J. Fox) et sa petite amie, Jennifer Parker (Elisabeth Shue). Partis de 1985, ils viennent de faire un bond de 30 ans dans cette machine à voyager dans le temps. Ainsi débute l’intrigue de Retour vers le futur 2, réalisé par Robert Zemeckis et sorti sur grand écran en 1989, avec à la clé des réactions parfois sceptiques. Parmi celles-ci, la critique du Monde, dans son édition du 26 décembre 1989, regrettait que le XXIe siècle décrit dans le film soit réduit à « une accumulation de gadgets », comparant même ce second opus à un « feuilleton tourné dans de vieux décors récupérés çà et là »…Ce rendez-vous anniversaire est pourtant attendu par les fans de la trilogie culte depuis 30 ans, notamment pour comparer le monde de 2015 fantasmé dans le film à notre présent. Nostalgiques du film comme futurologues s’accordent à dire que les coscénaristes, Bob Gale et Robert Zemeckis, étaient des visionnaires. Si Marty McFly débarque dans un futur où voitures et skateboards volent et les habitants de Hill Valley portent des tenues plutôt bizarres comme la double cravate, ou les poches « à l’envers », les réalisateurs n’étaient pas si « chokos » que ça, pour reprendre une célèbre expression issue de la version française du film. Beaucoup d’avancées technologiques dépeintes dans cette Amérique futuriste sont bel et bien devenues réalités.(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/sdk.js#xfbml=1&version=v2.3"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs);}(document, 'script', 'facebook-jssdk'));Back to The Future vs The Reality of 2015.Posté par Junkee sur dimanche 18 octobre 2015Faire du futur un endroit sympa Pourtant, à l’origine, les deux scénaristes pensaient plutôt baser l’intrigue dans les années 60. Dans les coulisses du tournage, Robert Zemeckis affirmait : « Je n’ai jamais vraiment voulu raconter l’avenir dans Retour vers le futur. Je n’aime pas voir le futur dans les films […]. Le problème avec la réalisation de films futuristes, c’est que vous vous plantez souvent. Vous sous-estimez le futur. Même Stanley Kubrick a toujours mal prédit l’avenir dans ses films. » Pour Rick Carter, directeur artistique et chef décorateur sur le film, il s’agissait de « faire oublier Blade Runner avec son futur sombre et ses volutes de fumées », un style dystopique commun aux films d’anticipation de l’époque.« Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %. Nous avons été plutôt bons. » Robert ZemeckisUne fois l’intrigue définitivement placée dans le futur, Gale et Zemeckis décident alors de fantasmer ce dernier avec humour. Tout ce qu’ils inventent doit déboucher sur une blague, un rebondissement comique. « On voulait faire du futur un endroit sympa », explique Bob Gale dans les bonus de la trilogie rééditée en 2002. « Si un événement mauvais survenait, c’était du fait de l’homme, non de la technologie ».Aujourd’hui, avec 30 ans de recul, l’équipe du film est moins sévère sur le résultat. « Je suis impressionné que nous ayons deviné à 50 %, confiait ainsi Zemeckis au site Nerdist. Ce n’est pas un mauvais pourcentage en matière de prédiction d’avenir. Nous avons été plutôt bons. »Science-fiction du quotidienIl faudra deux ans à l’équipe technique, le directeur des effets spéciaux John Bell en tête, pour concevoir et affiner les décors et les objets imaginés par les deux scénaristes. « Il fallait imaginer comment on s’habillerait, comment on écouterait de la musique… », se rappelle Linda DeScenna dans un documentaire diffusé sur TMC.« Le défi avec Retour vers le futur 2, c’est qu’il s’agit de science-fiction du quotidien. On devait utiliser ce qu’on avait déjà, prendre les repères et les modifier un peu », détaille Linda DeScenna, décoratrice qui avait par ailleurs travaillé sur Star Trek et Blade Runner. « Il nous fallait reprendre les éléments les plus connus de Hill Valley et les pousser plus loin », précise Bob Gale, qui a toujours clamé que la trilogie était fondée sur la capacité de nostalgie des spectateurs.NostalgieChacun des films de la trilogie tourne autour de la place centrale de la ville fictive de Hill Valley, où se dresse l’hôtel de ville, censé avoir été érigé en 1885, époque à laquelle se déroule le troisième opus de la série. En 2015, le bâtiment est toujours là. Il a simplement été réhabilité en centre commercial. Nulle trace donc d’immeubles hauts de centaines d’étage, même si les voitures volent. Le centre de la ville ne change que partiellement d’aspect, et certains commerces, qui existaient en 1955, semblent même avoir survécu en 2015, comme la station d’essence, ou le café Lou’s, devenu Café 80’s en 2015. Les références sociales restent les mêmes : les McFly, qui appartiennent à la classe moyenne, vivent toujours dans un pavillon de banlieue, même si le quartier a changé. Et surtout, la nécessité de préserver le patrimoine, représenté par l’horloge de l’hôtel de ville, qui s’est arrêtée le 5 novembre 1955, reste un élément du film. En 1985 comme en 2015, la place reste arpentée par des passionnés d’histoire qui récoltent des fonds pour la sauver de la destruction (ou plutôt du remplacement).Une partie importante de la représentation du futur dans le film repose en fait sur des références au « passé ». Marty s’amuse ainsi à discuter avec une antiquaire, qui, avant de lui vendre par hasard un livre susceptible de « briser le continuum espace-temps », lui explique comment s’utilisaient certains objets du passé, comme la jaquette d’un livre ou un aspirateur sans fil.Produits dérivésDe la même façon, le café 80’s, qui servait d’abord de repère narratif pour les spectateurs de l’époque, témoigne d’un certain goût pour le vintage… Dès que Marty pénètre dans l’établissement, c’est la chanson Beat it de Michael Jackson qui retentit. Au fond de la salle se dresse le jeu d’arcade Wild Gunman, sorti sur NES en 1984. Quant au service, il est assuré par des robots équipés d’un écran simulant une personnalité des années 1980. Ainsi, le visage du « King of Pop » confie ses secrets de cuisine à une cliente, tandis que des avatars de Ronald Reagan et de l’ayatollah Khomeini se disputent pour prendre la commande de Marty. Mais quand vient le moment de choisir sa consommation, en 1955, 1985 ou 2015, Marty prend toujours un Pepsi.Le concurrent de Coca-Cola a justement profité de cette date anniversaire pour distribuer 500 bouteilles de Pepsi Perfect, boisson en vogue dans le futur imaginaire du film, tout en diffusant une fausse publicité, à l’occasion d’une convention qui s’est déroulé à New York début octobre. Cinq mille bouteilles ont également été vendues, au prix de 20,15 dollars, mais il n’aura fallu attendre que quelques heures avant que la bouteille au look rétrofuturiste ne se retrouve sur les sites de vente aux enchères.De son côté, l’équipementier Nike annonçait début 2015 que le modèle de baskets autolaçantes qui apparaît dans le film serait commercialisé. En 2011, la marque à la virgule s’en amusait dans une vidéo. Cette année-là, Nike avait commercialisé 1 500 paires de « Air Mag », le modèle porté par Marty McFly mais sans dispositif de laçage automatique. Ces paires de chaussures s’arrachent depuis à des milliers de dollars sur les sites d’enchères.Le skateboard volant, ou « hoverboard », est le gadget phare de l’épisode 2 de Retour vers le futur. À l’époque du tournage, Robert Zemeckis s’amusait à raconter que ce n’était pas une invention : ces skateboards existaient depuis longtemps mais les associations de parents empêchaient leur commercialisation parce que trop dangereux… Ces derniers mois, plusieurs entreprises, à commencer par Google, ont bien tenté de mettre au point un prototype. L’un des modèles les plus aboutis a été dévoilé par Lexus en août, mais il n’est pas près d’être commercialisé.Lire aussi : Le hoverboard de « Retour vers le futur » n’est pas (encore) pour demainDe leur côté, les studios Universal ont saisi l’occasion de l’anniversaire pour produire une fausse bande-annonce du film Jaws 19, (qui se veut la suite de Jaws, Les Dents de la mer, en VF), dont l’affiche holographique effraie tant Marty. La précision de Retour vers le futur 2 va assez loin pour qu’une critique du film soit proposée à la « une » du journal USA Today datée du 22 octobre 2015 (acheté par Doc en voyageant dans le temps pour savoir ce qui doit se passer la veille). Le journal annonce pêle-mêle une menace terroriste venue de Suisse ou une visite prochaine… de la reine Diana. Le sujet qui fait la « une » est signé « Compu-Fax », un drone que l’on voit prendre des photos au cours du film. Dans le « vrai » 2015, il arrive que la presse ait recours à des drones pour prendre des photos, ou à des robots pour fournir certaines informations, comme ce fut le cas au Monde.fr pour les élections départementales.Pas loin de la réalitéD’autres « prédictions » se sont vérifiées, sans pour autant être le résultat d’une opération marketing liée à l’anniversaire du film. Marty s’étonne par exemple d’apprendre l’existence d’une équipe de baseball à Miami, qui devient d’ailleurs championne des World Series. Si, en 1989, Miami n’avait effectivement pas d’équipe pour ce sport, ce n’est plus le cas depuis 1993. Il s’agit des Florida Marlins, rebaptisés Miami Marlins en 2011.Le film aborde même les progrès médicaux. « Tu pardonneras ce déguisement, mais j’ai eu peur que tu ne me reconnaisses pas » confesse Doc à Marty, en s’arrachant du visage ce qui semble être un masque de latex. Précédant son jeune ami comme voyageur du futur, le professeur en a profité pour se rendre dans une « clinique de rajeunissement » pour gagner « trente ou quarante ans d’espérance de vie », en bénéficiant de greffes diverses et d’un lifting. Certes, aujourd’hui, des interventions aussi radicales sont inenvisageables, d’un point de vue technique et éthique. Mais il est désormais possible de greffer un cœur artificiel et l’espérance de vie moyenne est passée en 30 ans, aux Etats-Unis, de 74 à 78 ans.Lire aussi :Comment Withings connecte les malades et les chercheursvia GIPHYObjets connectésBob Gale énumère d’ailleurs les points communs entre le 2015 du film et la réalité dans une série de questions-réponses avec les internautes via CNN :« Nous avons pensé que les dispositifs biométriques existeraient (et nous avions raison), nous avons envisagé les téléviseurs à écran vidéoconférence dans la maison (et nous avions raison), nous ne nous attendions pas à ce que les drones arrivent (mais ils l’ont fait). Nous nous attendions à ce qu’il y ait beaucoup de technologie à commande vocale (nous avions raison) et nous nous attendions à ce que l’information médicale soit accessible par l’empreinte du doigt d’un patient (ce qui est presque la réalité). »Le film offre en effet une description assez précise de la vie quotidienne. Jennifer Parker entre chez elle en posant son pouce sur une plaque noire, qui clignote au moment du contact. Reconnaissant son empreinte digitale, la porte s’ouvre, et elle n’a qu’à prononcer le mot « lumière » pour que le salon sorte de la pénombre. Quelques instants plus tard, son fils, Marty Junior, s’installe dans le salon, allume le rétroprojecteur et regarde une dizaine de chaînes, comme on ouvre des onglets dans un navigateur. Pendant le dîner, l’adolescent continue ensuite de regarder la télévision sur un casque à réalité augmentée… Autant d’activités possibles aujourd’hui.Si l’on ne tient pas rigueur aux deux scénaristes d’avoir pu nous faire croire que Black & Decker concevrait un hydrateur de pizzas, un changement de taille, qui a bouleversé nos quotidiens, est en revanche totalement absent du film : Internet.Un grand absent : le smartphoneCertes, le 2015 de la famille McFly apparaît comme une époque très connectée, dans laquelle il est possible de recevoir des messages par fax dans toute la maison, téléphoner avec des lunettes ou encore tenir une téléconférence avec son patron depuis son salon. Mais il faut dire que le World Wide Web de Tim Berners Lee n’a été rendu public qu’après la sortie du film, en 1991. La démocratisation de l’usage des emails remonte également aux années 90. Quant aux réseaux sociaux, ils étaient inconcevables à l’époque où le film a été tourné, bien que le partage d’informations personnelles soit suggéré lorsque Marty, adulte, communique par visioconférence avec ses collègues.via GIPHY« Nous ne nous pouvions pas non plus prévoir les smartphones, et je dois dire que c’est l’appareil le plus incroyable que nous avons aujourd’hui − et qui a vraiment changé la société et comment les gens interagissent les uns avec les autres », expliquait Bob Gale à CNN. « Les smartphones font maintenant partie de nos vies, pourtant, le fait de naviguer sur Internet et d’avoir accès à toutes les informations de la planète aurait stupéfait les plus futuristes des années 1980 qui n’imaginaient pas qu’un téléphone puisse servir à autre chose que parler ou envoyer des SMS », répond Ross Dawson, futurologue basé à Sydney, interrogé par l’AFP. « Vu depuis l’année 1989, quand le film a été fait, ce que nous avons aujourd’hui à notre disposition en termes de connectivité, d’information, de divertissement est totalement ahurissant », ajoute-t-il.Une chose est sûre : la trilogie Retour vers le futur a marqué son époque en laissant une empreinte forte sur la réalité. Une influence qui se glissera jusque dans le discours sur l’état de l’Union du président Reagan, en 1986, ponctué par un fracassant : « là où l’on va, on n’a pas besoin de routes. » //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Pauline CroquetJournaliste au MondeGabriel CoutagneJournaliste (service photo)SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet « Amical et arborescent » : c’est par ces humbles objectifs que la cinéaste Pascale Ferran décrit le site de vidéo à la demande LaCinetek, lancé jeudi 5 novembre, et qui a donné lieu à une conférence de presse aux airs de Croisette, à la mi-journée à Paris, en présence d’une dizaine de cinéastes et de la ministre de la culture, Fleur Pellerin. Retrouver, à l’issue de cette présentation, Agnès Varda évoquer les Gremlins avec Céline Sciamma tout en mangeant du fromage, n’a en rien contredit cette approche du projet cinéphilique.LaCinetek, imaginée comme une cinémathèque idéale des cinéastes, est advenue par une simple discussion, il y a un peu plus d’un an sur un trottoir parisien, entre le producteur Alain Rocca, président d’UniversCiné (société spécialisée dans les plateformes de VoD), et les réalisateurs Bertrand Cantet, Cédric Klapisch et Pascale Ferran.« Pourquoi n’y a-t-il pas de site de référence en VoD permettant de voir des films devenus rares ou invisibles ? »A cette question du trio, le professionnel a répondu qu’il réfléchissait à un projet de ce type, mais que se posait la question de la ligne éditoriale : qui pouvait en élaborer le contenu, le faire vivre ? « Mais nous ! », ont répondu d’une seule voix les cinéastes.Lire aussi :Les rats de cinémathèque cliqueront-ils sur leur souris ?« Recréer de la transmission »C’est ainsi que le parti pris d’une prescription par des réalisateurs s’est imposé, avec la mise en avant des 50 films les plus décisifs de leur vie. Une façon de modeler une offre humaine, artisanale, qui se veut aussi une alternative aux algorithmes des recommandations automatiques, qui sont devenus la norme sur les services en vidéo à la demande.« Nous avons eu envie de recréer de la transmission, explique Pascale Ferran. Il n’y a plus aujourd’hui de grandes émissions de cinéma, hors promotion. Les ciné-clubs, où l’on pouvait échanger sur les films, sont en voie de disparition, les passeurs n’existent plus. » Le projet initial s’est ainsi élargi à la proposition de « bonus » conçus par les réalisateurs eux-mêmes. Des vidéos où ils partagent leur approche de certains films (il y en a déjà une vingtaine de disponibles). D’autres types de bonus sont fournis par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’un des partenaires du projet, qui propose de savoureuses images d’archives télévisuelles (une quarantaine pour le moment).Pour son lancement, le site propose les listes de 26 réalisateurs, en majorité français, mais aussi internationaux (de James Grey à Apichatpong Weerasethakul, Hirokazu Kore-eda ou encore Cristian Mungiu). Les listes sont consultables par réalisateur ou en « bobinant », c’est-à-dire en butinant numériquement d’une proposition de film à l’autre.Bergman, Hitchcock et Godard plébiscitésCe « rêve de cinéastes » se trouve être « la première plateforme mondiale de cinéma de patrimoine », selon Alain Rocca. Patrimoine car tous les films proposés doivent dater d’avant 2000. Une limitation au XXe siècle qui permet de retrouver les films qui ont formé et nourri les cinéastes d’aujourd’hui.Le site sera en continuelle évolution, avec chaque mois de nouvelles listes, de nouveaux bonus, de nouveaux films dont les droits auront pu être négociés. Sur les quelque 950 films cumulés déjà préconisés (et dont certains ne sont pas encore numérisés), environ 400 sont d’ores et déjà visibles (en VO sous-titrée en français), dont près d’un tiers d’inédits. Sueurs froides (Vertigo), d’Alfred Hitchcock, apparaît comme le film le plus influent, puisque le plus cité. Le réalisateur est d’ailleurs l’un des plus plébiscités en termes de nombre de films retenus, ex aequo avec Jean-Luc Godard, et juste derrière Ingmar Bergman (dix films).Comment chacun a-t-il constitué sa cinémathèque idéale ? « Il y a les classiques et la logique de nos plaisirs, de nos sentiments, confie Christophe Gans. Dans ce casse-tête, je me suis astreint de mettre un metteur en scène-un film. » « Au final, les films que j’ai gardés ne sont pas forcément des films supérieurs, mais ceux qui m’ont le plus plu, du cinoche », détaille, pour sa part, Michel Hazanavicius, qui a notamment retenu Les Galettes de Pont-Aven (1975), de Joël Seria.Céline Sciamma, qui assume son statut de « junior de la bande », propose, quant à elle, des films concentrés sur les années 1980-90, déjouant les standards de la cinéphilie. Une « liste générationnelle » qui intègre des films d’animation comme du « cinéma queer », avec deux bonus à la clé : l’un évoquant les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg, l’autre pour le film Bound, d’Andy et Lana Wachowski, « une histoire d’amour entre deux femmes » qu’elle qualifie de « film noir qui parodie le genre ».« C’est comme entrer dans une confiserie »Non sans en rire, Agnès Varda a, de son côté, opté pour la tristesse : « Beaucoup de films repassent à la télévision, mais j’ai remarqué que les films tristes passent moins souvent, alors j’ai favorisé ces films, plus fragiles. » La sémillante senior de la bande s’avoue, en tout cas, particulièrement intéressée par la liste de Céline Sciamma : « Je suis curieuse de sa curiosité. »Promesse de découvertes, la liste d’Audiard est citée par plusieurs cinéastes comme pleine de films dont ils n’ont « jamais entendu parler ». « Le cinéma a rapport au rituel, et ces listes permettent de reritualiser la façon de découvrir des films », analyse Céline Sciamma. Parmi ses propres envies de spectatrice, les films de genre recommandés par Bertrand Bonello, et ceux sélectionnés par Arnaud Desplechin, qui a concentré son choix sur des longs-métrages peu connus des années 1920 à 1950.Pour son lancement, LaCinetek est accessible sur ordinateurs, tablettes et smartphones, mais la possibilité d’ouvrir l’offre à certains bouquets numériques fera partie des enjeux de 2016. « Et on rêve déjà que LaCinetek puisse s’étendre à d’autres pays européens, à l’Asie et aux Etats-Unis », annonce déjà Pascale Ferran.Les films de LaCinetek sont proposés à la location (2,99 euros en format SD, 3,99 euros en HD), ou à l’achat (7,99 euros en SD, 9,99 euros en HD), avec la possibilité de les offrir.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Charles Gillibert (Producteur) Les tournages de films représentent une manne financière pour les États qui les accueillent, raison pour laquelle ils ont pour la plupart mis en place un système d’incitation fiscale souvent appelé « crédit d’impôt ».En France, ce système si nécessaire du fait du poids des charges sur les salaires présente un angle mort : les producteurs étrangers y ont accès sur notre territoire, mais pas les producteurs français à l’initiative de films en langue étrangère.Lire aussi :Le cinéma français, en anglais dans le texte, en millions dans le budgetLa première conséquence est qu’un cinéaste français ne peut pas réaliser un film en langue étrangère en France. Cette question ne doit pas être envisagée du seul point de vue économique, elle a de graves enjeux artistiques. En particulier l’incapacité pour notre cinéma de rendre compte des transformations du monde qui nous entoure, où les échanges entre les cultures sont de plus en plus rapides, de plus en plus fluides, et dont l’anglais est la langue véhiculaire.Selon une autre perspective, on ne peut pas non plus ignorer la réalité d’une société française multiculturelle où des communautés existent aussi selon une autonomie linguistique, le cinéma devrait-il être aveugle face à cette réalité ? Il est indispensable d’instituer un crédit d’impôt pour les films français justifiant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons ayant trait à leur thème ou tout simplement à la représentation véridique du réel.Leader d’une internationalisation du cinéma indépendantEn effet comment peut-on demander aux cinéastes français de s’extraire d’une histoire contemporaine dont l’Europe n’est plus qu’un moteur parmi d’autres, et pas forcément le plus dynamique, de renoncer aux flux d’une modernité transnationale qui depuis plusieurs décennies déjà transforme en profondeur le terrain même du cinéma ?Cela équivaudrait à interdire aux romanciers d’évoquer des pans entiers de la réalité où nous sommes immergés, de ne pas voyager, de ne décrire qu’un monde dont la francophonie serait la totalité. On pense aussi à l’histoire de la « french touch ». Quand à la fin des années 1990, les DJs et les musiciens français qui réinventaient la musique électronique avaient adopté l’anglais afin de dialoguer d’égal à égal avec la totalité de leurs contemporains et se voyaient de ce fait exclus des aides à la création, quotas radiophoniques ou encore télévisuels dans leur propre pays.Lire aussi :Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-FranceIls se sont pour la plupart installés aux Etats-Unis, base plus propice pour l’immense reconnaissance internationale que l’on sait. Aujourd’hui le cinéma français déborde largement de ses frontières et rayonne par sa puissance créatrice et économique. Il est même le leader d’une internationalisation du cinéma indépendant, au sens le plus bénéfique du terme – fidèle en cela à une idée ambitieuse, et généreuse, du Septième Art qu’il a toujours incarnée. Elle est déterminée par des valeurs d’exigence autant éthique qu’esthétique, et la seule véritable alternative à la logique brutalement commerciale de Hollywood.En dehors de l’accompagnement de ses auteurs, la France reste le symbole même du multiculturalisme, en plus d’être la capitale de la mode et du tourisme, elle est celle du cinéma international : faut-il énumérer les grands cinéastes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique Latine ayant trouvé à Paris les moyens de poursuivre librement leur œuvre quand leur industrie était ravagée par l’hégémonie hollywoodienne ?Liberté européenneEnfin, grâce à ses politiques de coproduction, le cinéma français permet à de jeunes auteurs d’éclore dans le monde entier, il doit pouvoir désormais tirer profit de cet engagement et ne plus se contenter de financer le développement de cinéastes que l’industrie américaine récupérera à moindres frais. Comme elle récupère les grands acteurs européens, reconnus par les prix les plus prestigieux, y compris les Oscars, et qui savent depuis longtemps combien le déploiement de leur talent dépend de leur capacité à circuler librement d’une langue à l’autre…Dans un mouvement inverse, combien de stars internationales, frustrées par le rétrécissement de l’industrie hollywoodienne où les acteurs ne servent plus que de faire-valoir aux effets spéciaux, rêvent de la liberté d’un cinéma européen fondé sur la richesse, la complexité de ses personnages.Se donner les moyens de prolonger à l’échelle mondiale un engagement au service d’une haute idée du cinéma, renouvelée génération après génération, défendue pied à pied dans un contexte où la doxa libérale le tient pour une industrie comme une autre, lui donner les moyens de mieux accueillir des artistes venus de toutes les cultures, d’accompagner ses grands auteurs sur des projets internationaux ambitieux, c’est aussi affirmer la montée en puissance d’un cinéma européen dont la France doit rester le modèle économique vertueux. Qui tout en préservant ses principes et sa singularité saura préserver toutes ses chances de s’imposer à l’échelle globale.Charles Gillibert est le producteur des films d’Olivier Assayas, de Mia Hansen-Love, Xavier Dolan ou ou Deniz Gamze Ergüven.Charles Gillibert (Producteur) 03.11.2015 à 19h41 • Mis à jour le04.11.2015 à 13h04 | Renaud Machart L’acteur et réalisateur Alexandre Astier a annoncé, lundi 2 novembre, le retour de « Kaamelott » sur les écrans. « Je me retrouve aujourd’hui avec “Kaamelott” dans la situation que j’avais désirée […] J’ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire », a-t-il déclaré dans « Le Nouveau Rendez-vous », l’émission de Laurent Goumarre sur France Inter.Cependant, ce retour ne se fera pas sur M6, où la série (constituée de plus de 600 épisodes de 3 à 52 minutes) a rencontré un immense succès d’audience, mais, ainsi qu’initialement annoncé, « plutôt dans un cinéma ».Cousine éloignée des Monty PythonCousine éloignée du film Monty Python : Sacré Graal (1975), réalisé par Terry Gilliam et Terry Jones, « Kaamelott » est une fantaisie burlesque déclinée en six « livres », ou saisons, diffusée sur M6 entre 2005 et 2009 (et actuellement rediffusée sur 6ter). Son auteur et comédien principal, Alexandre Astier, y narre les aventures hautement détournées et mises au goût du jour (quoiqu’en costumes d’époque) des personnages gravitant autour du roi Arthur (joué par Alexandre Astier) et des chevaliers de la Table ronde qui ont bien du mal à se maintenir au niveau des exigences de la quête qu’ils poursuivent.A l’hebdomadaire Télé 7 Jours, en juillet 2008, Alexandre Astier déclarait : « La saison 6 sera la dernière. J’ai toujours dit que “Kaamelott” se composerait de 7 saisons à la télévision et de 3 longs métrages, mais d’un commun accord avec M6, j’ai décidé de m’arrêter avant pour passer plus rapidement au cinéma. »Conflit entre ayants droitMais ce projet de film a été interrompu par un conflit entre ayants droit, au sein de la société de production CALT (acronyme de « C’est à la télé »), dont les actionnaires sont Jean-Yves Robin, cocréateur, avec M. Astier et Alain Kappauf, de « Kaamelott », et Bruno Solo. CALT a notamment produit une autre série télévisée à succès, « Caméra café », dont M. Solo était la vedette.Interrogé il y a un an sur ce litige par Le Figaro, Bruno Solo avait répondu : « Ce sont les problèmes entre Jean-Yves Robin qui dirige CALT et Alexandre Astier. Moi, je ne m’en mêle pas. Dans la société, je m’occupe surtout de la partie cinéma. Je ne suis associé qu’à 5 % pour la partie télé, donc je n’ai pas mon mot à dire. […] [Alexandre Astier et moi], on n’est pas des amis. Il ne paraît pas souhaiter être le mien, ni moi le sien. Me mêler de ses affaires est le dernier de mes soucis… » Ambiance.En début d’année, Pierre Robert, directeur général de Robin & Co, la société mère de CALT, avait annoncé que le conflit était sur le point de trouver une issue favorable et qu’il laisserait Alexandre Astier en annoncer la teneur. Ce que celui-ci a donc fait lundi.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour la première fois de son histoire, le Mobile Film Festival, créé en 2005 par Bruno Smadja, a donné un thème précis à son appel à films lancé de juin à septembre, tout en conservant sa marque de fabrique, résumée par le slogan : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ». Pour être dans l’air du temps, le thème choisi est le changement climatique, résultat d’un partenariat avec les Nations unies dans le cadre de la prochaine conférence pour le climat, COP21, qui se tient à Paris en décembre. Les apprentis cinéastes ont ainsi pu déposer leur candidature autour du mot d’ordre « Act on Climate Change ».Lire aussi :Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireCet appel à films largement diffusé à l’international a rencontré un vif succès puisque les organisateurs du Mobile Film Festival ont reçu, en quelques mois, 765 contributions, de 70 pays. Au terme d’un choix drastique, ils ont divulgué, mardi 3 novembre, la sélection officielle du festival composée de 75 films d’une minute provenant de 27 pays. Les internautes vont pouvoir désormais voter en ligne pour leur film préféré, jusqu’au 30 novembre. Pour faciliter la compréhension des œuvres sélectionnées à travers le monde, toutes sont sous-titrées en anglais, et en d’autres langues à la demande, grâce à un partenariat avec la société Dotsub.Un jury et six prixOutre ce prix du public, plusieurs autres récompenses seront attribuées, lundi 7 décembre, lors de la cérémonie de remise des prix organisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris : un Grand Prix (doté d’une bourse BNP Paribas de 30 000 euros) ; un prix du meilleur film français (doté d’une bourse BNP Paribas de 15 000 euros) ; des prix du meilleur scénario, d’interprétation féminine et masculine, ainsi qu’un prix des blogueurs remis par le lieu éphémère Place to B. Pour ce faire, un jury a été composé avec Fernando Meirelles, réalisateur brésilien (La Cité de Dieu, Blindness, The Constant Gardener…) ; Zabou Breitman, actrice et réalisatrice française (Se souvenir des belles choses, L’Homme de sa vie, Je l’aimais, No et moi) ; Yacine Aït Kaci (YAK), artiste, créateur du petit bonhomme dessiné Elyx et premier ambassadeur numérique de l’ONU ; Hicham Ayouch, réalisateur marocain (Fièvres, Fissures, Tizaoul) ; Jimmy Jean-Louis, acteur haïtien (séries « Heroes » et « Heroes : Reborn »).Cette sélection officielle de 75 films proposée par le Mobile Film Festival est un condensé de tous les thèmes liés au changement climatique : la pollution, le traitement des déchets, les ressources naturelles comme l’eau ou l’air, l’alimentation, le gaspillage, etc. Elle permet aussi de voyager depuis chez soi aux quatre coins de la planète, de Rio de Janeiro à New York, en passant par Téhéran ou Paris. En dépit de leur format très court (1 minute), ces films font appel à tous les genres cinématographiques, du thriller à la comédie romantique, du film d’humour au film d’horreur, du documentaire à la comédie musicale. Et comme il suffit seulement d’une petite heure et quart pour visionner l’ensemble de cette sélection, pourquoi s’en priver ?Lire aussi :Clap de fin pour le Mobile Film Festival 201575 films d’une minute sur le changement climatique à découvrir sur le site du Mobile Film Festival, sur YouTube ou sur FacebookCristina MarinoRédactrice – éditrice WebSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Dans « Le Mans », l’acteur exprimait sa passion pour la course. Son fils Chad revient sur le tournage mouvementé de ce film, objet du documentaire « The Man & Le Mans » en salles le 11 novembre. Vous participez au documentaire consacré à votre père et au tournage mouvementé du film « Le Mans ». Echec lors de sa sortie en 1971, il a changé radicalement la fin de carrière de votre père, qui ne s’en est jamais tout à fait remis. Pourquoi être revenu dessus ? Tout le monde s’en souvient comme d’un flop. Mais à sa sortie, Le Mans a attiré autant de spectateurs lors de sa première semaine en salles aux Etats-Unis que L’Inspecteur Harry avec Clint Eastwood. La carrière du film a été plus compliquée ensuite. Mon père avait des idées claires quand il travaillait et n’en faisait qu’à sa tête. J’ai une collection des scénarios qu’il a conservés. Quand vous les consultez, vous voyez plein de monologues qu’il a barrés en totalité au stylo. Il entoure parfois un seul mot, qui correspond à l’idée qu’il veut faire passer à l’écran. Il savait simplifier à l’extrême pour tout exprimer avec son visage. Et il s’est lancé dans Le Mans sans scénario. Mais ce n’était pas si incroyable que cela. Après tout, ils avaient un scénario à moitié terminé sur Bullitt (1968). Les producteurs faisaient des propositions à mon père sur le plateau. Il répondait par monosyllabes : « oui », « non », « oui », « non ». Votre père, au sommet de sa popularité, était le véritable maître de cette superproduction consacrée à sa passion : le sport automobile. Il tenait à ce que Le Mans devienne un documentaire sur la course automobile, pas un film de fiction. C’est pourquoi il n’y a pas de dialogues durant les vingt premières minutes. L’absence de scénario l’arrangeait sans doute car cela mettait tout le monde dans l’obligation de faire un documentaire. Mais ce ne fut pas le cas, et ça ne risquait pas de l’être, puisque le film a coûté dix millions de dollars. Mon père était un type compliqué, mais intelligent. Il savait manipuler les gens. Le film saisit l’essence de la course automobile, ce sont les images les plus spectaculaires jamais tournées dans le genre.  Sur le tournage du « Mans » avec Steve McQueen, en 1970   Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ?  Il faisait tout pour que je puisse, avec ma sœur, être présent lors de ses tournages. L’avantage d’avoir un père qui ne se comportait pas comme tel fut de pouvoir le regarder travailler. Il aurait très bien pu nous laisser avec des nourrices, mais non, nous avons voyagé avec lui. Que recherchait votre père dans la course automobile ? Il y a quelque chose, dans le pilotage d’une voiture de 700 chevaux, lorsque vous dépassez les 220 km/h, qui est impossible à décrire. Ce seuil dépassé, vous ne pensez plus à rien et trouvez une paix intérieure. Mon père recherchait cela au guidon d’une moto ou au volant d’une automobile : la roue qui tourne, le circuit dont le tracé se répète et, en même temps, l’expression d’une expérience singulière. Vous avez le contrôle d’un monstre, vous maintenez une vitesse sur des zones où vous ne devriez jamais la maintenir. Mon père tenait à ce que le spectateur capte cette sensation en regardant Le Mans. Les 24 heures du Mans étaient la plus grande course du monde, avec les 500 miles d’Indianapolis et le Grand Prix de Monaco en Formule 1. Et puis, les voitures qui concouraient au Mans, les Ferrari 512 et les Porsche 917, roulaient plus vite qu’une Formule 1. Quand êtes-vous monté pour la première fois à bord d’une voiture de course ? A 10 ans, sur ce circuit du Mans, en y arrivant en juin 1970, lors du tournage du film. Mon père m’a pris sur une ligne droite de plusieurs kilomètres avec un seul virage très vicieux – on y a ajouté depuis deux chicanes pour limiter la vitesse. Il a passé toutes les vitesses, a poussé l’engin à son maximum. Le choc était tel que je me suis retrouvé collé sur lui. Il était un peu dingue. Tout le monde s’en souvient comme le « King of cool ». Moi pas, je n’avais pas cette perception. Je pense qu’il voulait me dégoûter de la course automobile. Cela a produit l’effet inverse. J’ai fini par piloter une Porsche 917 trente ans plus tard. Vous n’avez pas idée du défi physique que pose un tel engin à un pilote.  Que sont devenues les voitures et les motos collectionnées par votre père ? Il avait 138 motos et 35 voitures. Quand il est mort, elles n’intéressaient plus personne. Je sais que Jerry Seinfeld a récupéré sa Porsche 917. J’en ai conservé quelques-unes. Le reste a été vendu aux enchères en 1984. J’avais songé à bâtir un musée à la mémoire de mon père avec ses engins, mais ce n’était pas possible, les taxes sont trop élevées aux Etats-Unis. Comment votre père gérait-il le risque létal de ce sport ? Mon père était un pilote à col bleu. Dans le monde aristocratique qu’était la course automobile, il permettait au spectateur de s’identifier à cet univers. Mais s’identifier signifie prendre en compte sa dimension la plus morbide. Mon père avait en tête les morts croisés sur les circuits. Lui et moi avons, par exemple, été très marqués plus tard par la mort de François Cevert, en 1973, lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. François est mort très salement, la tête sectionnée. Le pilote belge, Jacky Ickx, nous avait raconté la scène, quand il a vu sa tête avec son casque rouler sur le bas-côté. L’accident grave de David Piper sur le tournage du Mans, où il a perdu une partie de sa jambe, m’a terriblement marqué. Il y avait une tente près du circuit où nous avions l’habitude de manger. Ce jour-là, mon père était parti avant moi, une voiture est venue me chercher du château où nous résidions. Je prends un sandwich et je sens que quelque chose de grave s’est produit : le comportement de l’équipe avait changé. Mon père arrive alors à moto – il se déplaçait ainsi d’un endroit à l’autre du circuit –, me fait un signe de la main et me dit : « Viens là petit, je veux que tu voies ce qui peut arriver durant une course automobile. » J’ai vu la voiture fracassée. L’odeur était insupportable. Plus tard, un autre pilote, Derek Bell, a été brûlé. Après Le Mans, mon père n’a plus jamais pris le volant d’une voiture de course. Il était ainsi : quand il estimait maîtriser quelque chose, il le délaissait pour passer à autre chose. Il a ensuite commencé à collectionner les motos des années 1950, s’est laissé pousser la barbe, et nous nous sommes baladés à moto jusqu’à sa mort en 1980. La bande annonce du film « Steve McQueen : The Man & Le Mans » Steve McQueen : The Man & Le Mans, de Gabriel Clarke, John McKenna. En salles mercredi 11 novembre.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.10.2015 à 07h32 • Mis à jour le31.10.2015 à 20h12 | Alain Constant Documentaire sur Arte à 22 h 35 La folle aventure des cinémas de gare allemands, dont les programmations kitsch, trash ou sexy attirèrent les foules. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (pour Banhof Lichtspiele) où les projections ont lieu non-stop.A la fin des années 1940, ces salles aux entrées et sorties indépendantes et aux sièges espacés présentent des actualités et des divertissements. On y promet un tour du monde en cinquante minutes pour 50 pfennigs ! Petit à petit, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petits budgets, de l’horreur en carton. Au milieu des années 1960, alors que la télévision envahit les foyers, les Bali-Kino continuent à attirer une clientèle avec des films scandinaves et une programmation mélangeant films d’action de seconde zone et porno soft.Vision originale de la sociétéEn matinée, les retraités viennent se rincer l’œil. En soirée, les jeunes déboulent en bandes. Et les SDF y trouvent un refuge. Nouvelle étape dans les années 1970 avec du kung-fu, toujours du sexe et quelques productions américaines à petit budget. La décennie 1980, avec l’arrivée en masse des cassettes VHS, marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles existent encore aujourd’hui.Riche en témoignages et en images d’archives (municipales en provenance de Hambourg, Stuttgart, Cologne ou Fribourg), ce documentaire inédit plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. D’anciennes gloires comme René Weller, interprète de Macho Man, se rappellent le bon vieux temps. Gertrud Sonnenburg, employée à la caisse d’un Bali-Kino depuis 1959, énumère avec un sourire en coin les titres de certains films projetés dans ces salles, de L’Empire des fourmis géantes à Vendredi sanguinaire en passant par Samson contre le corsaire noir ou La Révolte des morts-vivants. Les extraits de ces œuvres improbables diffusés dans ce documentaire valent le détour. Comme certaines bandes-annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir.Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Samedi 31, à 22 h 35, sur Arte.Alain ConstantJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 28.10.2015 à 06h34 • Mis à jour le28.10.2015 à 07h06 | Isabelle Regnier Une semaine placée sous le signe du documentaire, avec un chef-d’œuvre du genre (Le Bouton de nacre, de Patricio Guzman), un film de montage passionnant qui démonte la doxa triomphaliste sur la guerre des Six-Jours (Censored Voices, de Mor Loushy), et un portrait sans concession du grand guitariste andalou Paco de Lucia, mort en 2014 (Paco de Lucia, légende du flamenco, de Curro Sanchez Varela).De l’autre côté du spectre cinématographique, une prouesse illusionniste tout en effets numériques reconstitue l’exploit du funambule français Philippe Petit en équilibre sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, le 7 août 1974 (The Walk, de Robert Zemeckis).LE COSMOS DANS UN PETIT BOUTON : « Le Bouton de nacre », de Patricio GuzmanAprès des années passées à travailler, dans ses documentaires, sur l’histoire de son pays, Patricio Guzman, cinéaste chilien exilé en France, semble aborder le monde sous un angle nouveau. Depuis le chef-d’œuvre Nostalgie de la lumière (2010), il filme non plus les choses en soi, dans leur supposée identité, mais entre elles, dans le rapport sinueux et invisible qu’elles entretiennent ensemble au monde. C’est donc toujours au Chili que filme Guzman, mais un Chili désormais référencé non plus seulement en termes politiques ou historiques, mais encore géographiques, anthropologiques, poétiques, cosmiques. Du cosmique au cosmologique, il n’y a qu’un pas, que Guzman franchit aujourd’hui avec son nouveau film, Le Bouton de nacre, qui se révèle aussi magnifique que le précédent.Ce bouton, objet dérisoire d’une fable documentaire dont le film retrouverait le fil tragiquement arraché, nous mène très loin vers le sud, en Patagonie. Là, à la pointe extrême de l’Amérique latine, se rencontrent les eaux de la mémoire indigène et de la puissance colonisatrice, deux conceptions du monde orientées l’une vers le respect du monde et de la vie, l’autre vers la conquête de la puissance et l’épuisement des ressources. C’est à leur croisée que le réalisateur met en scène un film fluide et concertant qui oppose une cosmogonie indienne oubliée à la violence de l’Occident marchant de destruction en destruction.Documentaire argentin de Patricio Guzman (1 h 22).OPÉRATION FRISSON : « The Walk », de Robert ZemeckisThe Walk relate un événement très précisément daté, chronométré : le 7 août 1974, le funambule français Philippe Petit a passé trois quarts d’heure sur un fil tendu entre les deux tours du World Trade Center, à New York, dont la construction était à peine achevée. De ces quarante-cinq minutes, le plus artificieux des cinéastes a fait un film que l’on n’attendait pas de lui. Un mélange de désuétude dramatique (grimer l’élocution d’un acteur américain d’un fort accent français, on pensait que ça ne se faisait plus depuis Casablanca) et de modernité technologique (la lecture du générique de fin est recommandée : un technicien s’est occupé du face replacement – du remplacement de visage), mélange qui prend grâce à l’énergie que fournit une nostalgie rageuse.Ce n’est pas seulement des tours jumelles disparues que Zemeckis chante le deuil. Il recrée de toutes pièces un temps où la transgression des lois et des règlements pouvait être féconde, où l’invention primait sur l’imitation. Projeté en relief, The Walk ramène encore plus loin dans le temps. A 400 mètres au-dessus de Lower Manhattan, on se retrouve dans la peau d’un spectateur s’écartant pour que le train entrant en gare de La Ciotat ne vous écrase pas. Selon qu’on est sujet au vertige ou pas, on est terrifié ou exalté.Film américain de Robert Zemeckis. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon (2 h 03).MAUSOLÉE POUR UN GUITARISTE : « Paco de Lucia, légende du flamenco », de Curro Sanchez VarelaCe documentaire au long cours, entrepris en 2010, s’est transformé en mausolée à la mort subite de son sujet, Paco de Lucia, le 25 février 2014, à 66 ans. Pour autant, le réalisateur Curro Sanchez Varela n’en a pas fait une simple hagiographie, proposant un portrait rigoureux du guitariste andalou, qui suit pas à pas le parcours tumultueux d’un enfant prodige, adulé dans le monde entier en même temps qu’il était mis au ban de sa communauté d’origine, celle du flamenco.Cette rigueur est d’autant plus méritoire que Curro Sanchez Varela est le fils de Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia. Devant sa caméra, le musicien revient sur son enfance dans un quartier pauvre d’Algésiras et sur sa conquête du monde de la musique, bien loin de l’Andalousie. Une série de documents passionnants montre la triple nature du flamenco, à la fois matériau exotique pour les télévisions étrangères, élément, dans une version domestiquée, d’une identité nationale espagnole à la mode franquiste, et expression pure de musiciens sauvages, surgis d’entre les plus pauvres de la région la plus pauvre du pays.Documentaire espagnol de Curro Sanchez Varela (1 h 32).ET TOUJOURS A L’AFFICHE : « Censored Voices », de Mor LoushyC’est un film d’une profonde intelligence politique, en même temps qu’un document exceptionnel, qui réunit, à travers la bande-image et la bande-son, deux sources de factures différentes. Fait rare, l’origine du film est la colonne sonore. Elle remonte à 1967. Quelques jours après la victoire éclair de la guerre des Six-Jours, un groupe de jeunes soldats issus des kibboutz se sent en porte-à-faux avec le triomphalisme médiatique et nationaliste qui salue la victoire. Ils décident de mener une série d’entretiens avec des conscrits issus des kibboutz et tout juste rentrés du front.Le réassemblage désynchronisé, par Mor Loushy, des images du conflit et du témoignage de certains de ses acteurs rétablit, d’une certaine manière, la véritable bande-son de la guerre, branchée sur la pensée des soldats qui l’exécutaient, en lieu et place du commentaire officiel qui n’a cessé depuis d’accompagner ces images en œuvrant à leur légende.Documentaire israélien de Mor Loushy (1 h 24).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre « Je ne comprends pas trop ce qui m’arrive. Pour l’instant, je suis libre. Est-ce que demain je vais être arrêté, ou bien le gouvernement va-t-il revenir sur ma condamnation, s’il y a une forte mobilisation internationale ? Je m’attends à tout », nous confie Keywan Karimi, depuis Téhéran. Joint par téléphone, samedi 24 octobre, le cinéaste iranien, âgé de 30 ans, a été condamné, le 14 octobre, à six ans de prison et à 223 coups de fouet par le régime iranien.Il est accusé, d’une part, « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et, d’autre part, de « propagande » contre le gouvernement. C’est son dernier film, Writing on the City (2015, visible sur Vimeo), un documentaire de soixante minutes sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran, depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009, qui est à l’origine de cette condamnation.« Cela fait dix ans que je fais des films. Je ne me pose jamais la question de l’interdiction. Je fais des films pour l’Histoire, pour témoigner sur mon pays, sur ma vie », explique Keywan Karimi. Ses précédents courts-métrages, Broken Border (2012) et The Adventure of Married Couple (2013), une fiction inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino, ont sillonné de nombreux festivals, où ils ont reçu des prix. The Adventure of married couple, Zan va Shohare Karegar from Keywan Karimi on Vimeo.« Une histoire kafkaïenne »A l’occasion du Festival de San Sebastian, en septembre 2013, Keywan Karimi avait mis en ligne une bande-annonce de son dernier documentaire, Writing on the City. Les ennuis ont commencé peu après son retour à Téhéran. « Quelque temps plus tard, le 14 décembre 2013, la police est arrivée chez moi. Mon disque dur a été emporté, contenant tout le matériel du film. J’ai été arrêté et détenu à la prison d’Evin, [à Téhéran], pendant deux semaines, avant d’être libéré sous caution », raconte-t-il.Dans Writing on the City, les juges ont découvert des images du soulèvement de juin 2009, au lendemain de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. « Les juges m’ont dit que j’avais filmé ce passage sur juin 2009. Or il s’agit d’une archive. J’ai obtenu une autorisation pour l’utiliser. J’ai montré tous les documents aux juges, mais ils n’ont pas voulu m’entendre », poursuit M. Karimi.Quant à l’autre chef d’accusation, le cinéaste a expliqué que cette scène de baiser n’existe pas : « L’actrice n’a pas accepté de la tourner. J’ai renoncé à la faire. » Les juges ont passé en revue sa vie privée, lui demandant des comptes. « Une histoire kafkaïenne », ajoute le réalisateur. Désormais, M. Karimi formule ce vœu : « Je souhaite que mon film soit vu dans un festival, afin d’apporter un soutien. »Le jeune réalisateur rejoint la liste des artistes iraniens condamnés ces dernières années pour leur travail jugé subversif. Parmi eux, Jafar Panahi, arrêté, en mars 2010, alors qu’il préparait un film sur le mouvement de juin 2009, et condamné, en 2011, à une interdiction de faire des films pendant vingt ans. Cela ne l’empêche pas de continuer à tourner. Clandestinement. Son dernier film, Taxi Téhéran, réalisé avec une caméra embarquée dans le véhicule, a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin, en février.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sambat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.Avec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.Bouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Laïcité et liberté d’expression : des armes idéologiques ? Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime » a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Hirokazu Kore-eda. Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le27.09.2015 à 11h07 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le12.09.2015 à 23h46 | Franck Nouchi Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long métrage Desde Alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Sans surprise, le Grand Prix est allé aux Américains Charlie Kaufman et Duke Johnson pour leur dessin animé Anomalisa. L’actrice italienne Valeria Golino a obtenu le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Per Amor Vostro de Giuseppe Gaudino. Pour sa part, Fabrice Lucchini, qui joue le rôle d’un président de cour d’assises dans L’Hermine de Christian Vincent, a obtenu le prix d’interprétation masculine (ce même film obtenant par ailleurs le prix du meilleur scénario).Un nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde Alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Lucchini fait du Lucchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.09.2015 à 06h23 • Mis à jour le30.09.2015 à 09h36 | Isabelle Regnier Disparitions (de soldats), apparitions (de fantômes), dissimulation (de fantasmes inavouables), transformation (de matière animée) : la sélection des films de la semaine illustre les fabuleux pouvoirs de prestidigitation qui sont ceux du cinéma.LA GUERRE QUI REND FOU : « Ni le ciel, ni la terre », de Clément CogitoreFormé au Fresnoy, travaillant aussi bien la photographie et la vidéo, l’installation que le cinéma, Clément Cogitore signe un premier long-métrage sensoriel et envoûtant, affranchi des schémas narratifs traditionnels. A travers l’histoire d’un bataillon de l’armée française posté en Afghanistan, confronté à la disparition mystérieuse de certains de ses soldats, ce film de guerre trempé dans un bain fantastique saisit avec acuité la sensation de perte de repères si intimement constitutive de l’individu postmoderne. Le territoire du conflit devient celui d’un big bang mental et spirituel, où plus rien de ce qui ne valait ne vaut. Et où tout, du même coup, devient possible.Film français de Clément Cogitore. Avec Jérémie Renier, Kevin Azaïs, Swann Arlaud, Finnegan Oldfield (1 h 40).DANSE AVEC LES FANTÔMES : « Vers l’autre rive », de Kiyoshi KurosawaGrande figure de l’épouvante japonaise, Kiyoshi Kurosawa signe ici un film magnifique, admirable d’épure, sur l’irréductible idéalité du couple. Une odyssée du souvenir habitée par la figure, si emblématique de son cinéma, du fantôme familier où une femme embarque pour retrouver son mari, mort trois ans plus tôt dans un accident en mer. Empruntant à la forme feuilletonesque qu’il avait si gracieusement investie dans son film précédent, Shokuzai (réalisé pour la télévision japonaise), le cinéaste prend le risque de presque s’effacer dans une banalité ténue, pour en arriver au cœur vibrant du mystère humain.Film japonais et français de Kiyoshi Kurosawa avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Masao Komatsu, Yu Aoi, Akira Emoto (2 h 07).LES SECRETS BIEN GARDÉS DES CAVES AUTRICHIENNES : « Sous-sols », d’Ulrich SeidlVoici déjà trente-cinq ans que l’auteur de Dog Days (2001), d’Import-export (2006), de la trilogie Paradis (2012), frappe son pays natal, l’Autriche, là où, naturellement, cela fait le plus mal. Dans ce nouveau documentaire, il sonde le rapport obscur des Autrichiens à leurs caves, avec en toile de fond des affaires de séquestration comme celles de Natascha Kampusch et d’Elisabeth Fritzl – ou, de manière plus lointaine, du choix de fin de vie en bunker sécurisé d’un des plus colossaux meurtriers de tous les temps, en la personne d’Adolf Hitler. Sous-sols est davantage une farce noire, un essai polémique, un exercice de détestation qu’un documentaire à proprement parler. Cette hypothèse est d’ailleurs la seule qui lui permettrait de tirer, sinon une cruelle complicité, du moins une souriante indulgence.Documentaire autrichien d’Ulrich Seidl (1 h 22).L’INVENTIVITÉ FABULEUSE D’UN GRAND MAÎTRE DE L’ANIMATION TCHÈQUE : « Le Voyage de Tom Pouce », de Bretislav PojarDécédé en 2012, l’animateur et marionnettiste de génie tchèque Bretislav Pojar aura, au long d’une carrière étonnante, multiplié les voyages au pays des contes. Le dernier de ses films, Le Voyage de Tom Pouce, est une véritable épopée stylistique mêlant l’animation traditionnelle des marionnettes au dessin, qui suit le parcours mouvementé de ce drôle de personnage doté d’un instinct de survie et d’une dose d’astuce inversement proportionnels à sa taille minuscule. Assez cruel sous son apparence bonhomme, ce conte traditionnel est, comme les deux histoires qui l’accompagnent – deux réjouissants petits contes sur le thème de l’automobile – un très bel exemple de l’expressivité unique de l’animation à la main.Programme de trois courts-métrages d’animation tchèques de Bretislav Pojar, Frantisek Vasa et Bara Dlouha (57 min).LE CRIME FONDATEUR DE LA BEAT GENERATION : « Kill Your Darlings », de John Krokidas (en DVD et Blu-ray)Avant qu’ils ne prennent la route, ils étaient sédentaires, à New York. Le jeune poète juif, le marin québécois, le gosse de riches du Midwest : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, William S. Burroughs. Kill Your Darlings veut saisir la rencontre, au moment où Ginsberg arrive à l’université Columbia, à New York, entre ces figures qui ont changé à jamais la littérature et la mythologie américaine, donnant naissance à la Beat Generation. Or cette génération fut conçue sous les auspices du meurtre et de la trahison. Le trio était en fait un quatuor, dont le d’Artagnan s’appelait Lucien Carr, autre gosse de riches, qui était poursuivi par un soupirant nommé David Kammerer. Une nuit d’août 1944, Carr poignarda Kammerer avant de le ligoter, et de le traîner, encore vivant, dans l’Hudson River. Inédit en France, le film de John Krokidas tente avec un panache intellectuel certain (mais un peu trop de conformisme esthétique) de donner un sens à cet acte insensé, en s’attardant sur l’effet qu’il eut sur Ginsberg.Film américain de John Krokidas (2013) avec Daniel Radcliffe, Dane DeHaan, Ben Foster. (1 h 44). DVD ou Blu-ray Metropolitan.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique François Hollande et Manuel Valls appellent les ministres à « maîtriser » leurs paroles Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festival Marathon culturel aux Bouffes du Nordtous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festival Marathon culturel aux Bouffes du Nord Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde »tous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sambat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.Avec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.Bouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Thomas Piketty : « C’est aux citoyens de faire pression sur leurs gouvernements » Jordi Savall, gambiste engagé Ray Kurzweil, le salarié de Google qui veut terrasser la morttous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime » a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Hirokazu Kore-eda. Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le25.09.2015 à 18h32 | Samuel Blumenfeld L'acteur et réalisateur français en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde 17.09.2015 à 13h33 • Mis à jour le17.09.2015 à 16h36 | William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld L'acteur et réalisateur français en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Michael Moore peut être agaçant. Il n’est certainement pas idiot. Son nouveau film, Where Should We Invade Next ? (Quel pays devrions nous envahir maintenant ?), dévoilé en première mondiale au Festival de Toronto le confirme, qui le voit rompre avec son style interventionniste habituel pour s’aventurer ouvertement sur le terrain de la comédie. Comme s’il prenait acte des critiques qui lui ont été adressées ces dernières années (sur sa propension à abuser des syllogismes, ses montages manipulateurs, son ego surdimensionné…), comme s’il s’était lassé lui-même de son personnage de redresseur de torts, le réalisateur de Bowling for Columbine continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais choisit pour la première fois de le faire avec bienveillance, et beaucoup d’autodérision.Moore continue de se pencher sur les maux de l’Amérique, mais le fait pour la première fois avec bienveillanceLe film commence en effet comme une blague. Michael Moore raconte qu’il a été approché par les dirigeants du Pentagone pour mettre un terme à la désastreuse spirale de défaites militaires dans laquelle les Etats-Unis sont enferrés depuis la guerre de Corée. Pour les aider, il imagine de mener, tout seul, une campagne européenne qui ne viserait pas à asservir les peuples mais à s’approprier leurs acquis sociaux en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Changeant de ton, photos d’actualité à l’appui, il désigne alors crûment l’ennemi : violences policières, pauvreté endémique, système éducatif défaillant, grossesses précoces, racisme institutionnel…ImpuissanceIl embarque alors sur un navire de guerre en direction de l’Europe, drapeau américain à la main, à la conquête d’une dizaine de pays européens – plus la Tunisie –, qu’il présente, tel un Woody Allen en goguette, comme autant de royaumes enchantés. L’Italie d’abord est ce pays du soleil, dont « tous les habitants donnent l’impression qu’ils viennent de faire l’amour ». Pourquoi ?, demande alors le documentariste va-t-en-guerre. En guise de réponse, il utilise celles que lui ont faites les personnes qu’il a interrogées sur leurs conditions de travail, lesquelles lui ont appris que la durée légale des vacances en Italie était près de quatre fois plus longue que celle à laquelle ont droit les Américains les plus chanceux.Chez les Français, Michael Moore dégote une cantine scolaire idyllique, dirigée par un chef passionné, où les enfants apprennent à manger équilibré et à bien se tenir en même temps, et une prof d’éducation sexuelle semblant tout droit sortie d’un conte de fées. Michael Moore sait bien que l’Europe n’est pas un paradis, et il l’assume. Mais, comme il l’a dit devant le public de Toronto, « il cherchait la fleur, pas la racine ».Le film alterne ainsi la comédie de la croisade européenne (avec à l’appui des extraits de Ricky Bobby : Roi du circuit, comédie d’Adam McKay avec Will Ferrell et Sacha Baron Cohen, et du Magicien d’Oz), qui permet de faire passer des situations exceptionnelles pour des règles absolues, et un amer constat de l’état de l’Amérique. Assumant ainsi pour la première fois son impuissance, Michael Moore revendique, avec ces situations exceptionnelles, mais non moins réelles, le droit de rêver d’un monde meilleur. Et par là, la possibilité de le changer.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde 26.09.2015 à 13h18 • Mis à jour le27.09.2015 à 19h35 | Isabelle Regnier Sorti du métro Marcel Sembat, à Boulogne, on s’est engouffré jeudi (et à nouveau vendredi) sous le porche des laboratoires Technicolor pour rejoindre la petite assemblée réunie pour découvrir la version restaurée d’Out1, le film fleuve, mythique, de Jacques Rivette, jamais sorti en salles jusqu’à ce jour dans sa version intégrale. Les convives, peu nombreux, qu’on aurait pu confondre avec les membres d’une société secrète (quelques proches du cinéaste, quelques membres de l’équipe du film, quelques représentants de Carlotta Films et de Technicolor qui ont joint leurs forces pour cette restauration hors norme, 4 ou 5 journalistes, dont deux japonaises…), très excités, savaient la mesure de l’événement. « Le Graal de tout cinéphile », comme le résumait cette citation du New York Times affichée sur l’écran avant le début de la projection. Certains avaient déjà vu la version intégrale, Out1 : Noli me tangere, 12h55 de film réparties en 8 épisodes, dans une des rares projections qui en ont été faites, ou en VHS. D’autres sa version courte - 4h30 quand même, sous-titrée Spectres. Beaucoup n’en avaient vue aucune. Personne ne fut déçu. Voir Out1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice aux Pays des Merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un autre monde. Un monde fou, où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16 mm splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste géant, aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde. On vit le film autant qu’on le voit.L’Amour fouAvec Out1, Rivette voulait porter au plus loin l’expérimentation commencée avec L’Amour fou (1967), son film précédent. Jeter au feu toutes les règles de narration, de production. Faire un film entièrement improvisé, y compris par les techniciens, s’en remettre au hasard, à l’imprévu. Lancer quelques idées aux acteurs, des points de départ, à charge pour eux de les développer comme bon leur semble. Trouver - avec le concours de Suzanne Shiffman, scénariste créditée ici comme co-réalisatrice, et de Jean-François Stévenin, son assistant metteur en scène - les cheminements secrets qui permettront à leurs personnages de se rencontrer pour écrire leur histoire, troquer le statut de maître de marionnettes pour celui d’alchimiste aiguilleur. Out1 est une expérience de la durée, née, comme l’a rappelé entre deux séances Bernard Eisenschitz, critique, historien et encyclopédie vivante du cinéma (qui joue un petit rôle dans le film), de questions qui animaient les critiques des Cahiers du cinéma à l’époque - sur la narration, sur la durée, et plus spécifiquement sur le travail de Jean Rouch qui fabriquait, avec les moyens du cinéma direct, de la fiction pure. Rivette voulait faire un serial, à la manière des Vampires de Louis Feuillade. Il y avait aussi en tête L’Histoire des Treize, de Balzac. Aucun des acteurs ne l’aurait lu. Mais la liberté « jamais égalée », dont ils parlent tous, innerve leur présence d’une vibration magique, que Juliet Berto, dans un rôle de pie voleuse facétieuse, charnelle, androgyne, enfantine, lutine, porte à un point d’incandescence stupéfiant. Son personnage, et celui de Jean-Pierre Léaud, un sourd-muet gagnant sa vie en distribuant des « messages du destin » et qui torture les mauvais payeurs à grands coups de salves d’harmonica, découvrent par hasard l’existence d’une société secrète dormante, laquelle, sous leur influence, reprend de l’activité. L’intrigue met longtemps à se dévoiler, le premier épisode faisant en quelque sorte office de sas - ou de trou du lapin d’Alice. Construit autour de longues séquences arides, restituant des sessions de travail de deux troupes de théâtre influencées par les expérimentations du Living theatre, ou de Peter Brook, il conditionne les spectateurs pour la suite en les plongeant dans une forme de transe - au risque de décourager les moins motivés. Selon le principe énoncé par un exquis homme d’affaires interprété par Jacques Doniol-Valcroze - « c’est le soupçon qui crée le délit » -, la fiction prend le dessus dès l’épisode suivant, à mesure que s’imbriquent intrigues amoureuses, filatures, disparitions mystérieuses, vols spectaculaires, scandales obscurs, traques dans Paris, et même un assassinat.La bande des quatreBouillonnant de vitalité, et d’une forme d’optimisme propre à l’époque, Out1 (qu’on a longtemps prononcé « Out One », mais qu’il faut désormais, conformément aux directives de Rivette, appeler « Out Un ») annonce en même temps, déjà, l’échec des utopies. C’est un film de deuil, porteur d’une profonde nostalgie pour la Nouvelle Vague, pour la bande des quatre que formaient, à son origine, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette, et le compagnonnage avec Eric Rohmer. Et un film de renouveau, qui se donne a voir, a posteriori, comme la matrice de tout un pan du cinéma français des années 1970, à commencer par celui de Jean Eustache. Alors qu’un trio amoureux avec Bernadette Laffont, et Jean-Pierre Léaud en embuscade, annonce celui de La Maman et la Putain, les racines d’Une Sale Histoire se dévoilent à travers la personnalité de Michael Lonsdale ou le petit rôle de pornographe que joue Pierre Cottrell, le futur producteur d’Eustache, et plus généralement le motif du dédoublement qui sous-tend l’ensemble du film. Au fil des débats et conversations qui ont accompagné ces deux journées de projection hors du temps, la mémoire trouée de ce film fantôme remontait à la surface, se recomposant partiellement au fil des témoignages - de Stéphane Tchalgadjieff, le producteur, de Pierre-William Glenn, le chef opérateur, de René-Jean Bouyer, l’ingénieur du son, de Bulle Ogier… Comme un puzzle dont plusieurs pièces manquent encore, dont certaines resteront à jamais prisonnières des secrets du grand absent qu’était l’auteur, trop affaibli aujourd’hui pour en accompagner la renaissance. Out1 sera visible par tous à partir du 18 novembre, disponible dans un coffret DVD, mais surtout, pendant une quinzaine de jours, en salle - à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, et aux États-Unis. Bloquez votre week-end comme si vous deviez quitter la ville. Et plongez-y.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Riss, Astro Teller, Matthieu Ricard ou Youssoupha, retour sur des rencontres du « Monde » Festival Marathon culturel aux Bouffes du Nord Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde »tous les articles de la thématique Le 4 novembre 1995, le monde a changé. Ce soir-là, sur la place des Rois d’Israël de Tel Aviv, le premier ministre Itzhak Rabin fut assassiné par Yigal Amir, militant de l’extrême droite religieuse, assassinat qui précéda de quelque mois l’accession de Benyamin Nétanyahou et l’arrêt du processus de paix israélo-palestinien. Puisque la thématique retenue pour la seconde édition du Monde Festival est « changer le monde », il convenait que sa soirée d’ouverture, vendredi 25 septembre, soit consacrée à la projection de Rabin, the Last Day (« Rabin, le dernier jour »), le film du cinéaste israélien Amos Gitaï qui relate ce séisme. Un débat qui réunissait, autour du directeur éditorial du Monde Alain Frachon, le réalisateur ainsi que l’historien et diplomate Elie Barnavi.« Rabin, The Last Day » déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentairePrésenté aux festivals de Venise et de Toronto, Rabin, the Last Day sortira en Israël le jour du vingtième anniversaire de la mort d’Itzhak Rabin et le 9 décembre en France. Amos Gitaï a demandé au public parisien de « laisser travailler le film », de ne pas en tirer des conclusions définitives, se défendant d’avoir fait œuvre militante ou nostalgique. S’appuyant sur des blocs d’images d’archives, et sur les archives de la commission d’enquête réunie pour établir d’éventuels manquements à la sécurité du premier ministre, Rabin, the Last Day déploie sur deux heures et demie une dramaturgie dont la précision minutieuse se rapproche du documentaire, un matériau idéal pour la discussion qui allait suivre.Amère conclusionElie Barnavi, qui était au côté d’Itzhak Rabin le 4 novembre 1995, a souligné la part de responsabilité de la droite parlementaire dans la mort du dirigeant travailliste. « Pour qu’un assassinat soit vraiment politique, il faut qu’un parti souhaite la mort de la victime », a-t-il martelé, rappelant la campagne de haine (que détaille également le film de Gitaï) qui s’est développée dans les mois qui précédèrent le crime d’Yigal Amir. Si les points de vue d’Amos Gitaï et Elie Barnavi ont parfois divergé – sur le rôle de Shimon Peres que le second juge avec une extrême sévérité alors que le premier lui a donné une place d’honneur dans son film –, ils se sont retrouvés dans une analyse pessimiste de la situation actuelle en Israël et dans la région. « Les religieux des deux côtés vont danser ensemble jusqu’à l’Apocalypse », a soupiré le cinéaste, pendant que l’historien regrettait que la gauche israélienne n’ait pas su « bâtir sa victoire et le processus de paix sur l’assassinat de Rabin ». L’amère conclusion, implicite, de la soirée reste que l’assassin a mieux réussi à changer le monde que sa victime. Par Thomas Sotinel Thomas Sotinel Si l’équipe cinéma du Monde a pu sans difficultés accéder à la projection du film Everest, elle n’a pas été conviée à voir avant leur sortie les films qui ont pris les deuxième et troisième places du classement des meilleures entrées, mercredi 23 septembre, avec une vingtaine de milliers de spectateurs chacun : Boomerang, de François Favrat et Premiers crus, de Jérôme Le Maire pourtant situés respectivement sur l’île de Noirmoutier et en Bourgogne. Ils ont été vus en salle, à Paris, vendredi 25 septembre. « Boomerang »L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Toutes les familles ont un secret », clame l’affiche de Boomerang. Titre + accroche = certitude que le secret reviendra avec une vélocité accrue aussi bien à la face de ceux qui le détiennent que de ceux qu’on en a trop longtemps préservés. On a fait d’excellents films sur ce thème. D’ailleurs, la traduction anglaise de « chaque famille a son secret » a servi à vendre aussi bien Tetro de Francis Ford Coppola que Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (et non de Kore-eda comme indiqué dans une précédente version). Encore faut-il s’écarter un peu du programme qu’impose la figure dramatique du dévoilement. Ici, de trouvaille d’objet oublié en lecture de lettre cachée, il est respecté à la lettre sur un rythme que l’on aimerait qualifier d’ample, mais qui tend plutôt vers la mollesse. Antoine (Laurent Lafitte) et Agathe (Mélanie Laurent) Rey ont très jeunes perdu leur mère, noyée dans les eaux de Noirmoutier. Trente ans plus tard, la vie d’Antoine est en panne et il entreprend d’établir les circonstances de cette mort. Alors que sa sœur est rétive, sa grand-mère (Bulle Ogier) obstructrice et son père (Vladimir Yordanoff) mutique, il trouve secours auprès de fidèles serviteurs et d’une jolie thanatopractrice (Audrey Dana) qui a choisi ce métier parce que elle aussi a perdu un proche dans des circonstances hors du commun.Mise à part cette dernière invention, qui sort le film des filières professionnelles chères au cinéma français, Boomerang manie très mal la surprise et l’inattendu, prenant un temps infini à mettre en place la surenchère de révélations finales, laissant les comédiens se débattre dans un no man’s land dramatique fait de paysages vendéens et d’intérieurs impeccablement agencés.On sent bien que Laurent Laffite a quelques idées sur ce qu’Antoine pourrait être, un vrai blessé de la vie, pas quelqu’un que l’ouverture d’une enveloppe suffirait à guérir. Mais on est ici dans un cinéma qui ne doit pas laisser d’autres traces qu’une impression plus ou moins plaisante (entendu à la sortie : « c’est bien mais il y a quelques longueurs »). Et, éventuellement, un peu de noir dans les livres de compte. « Premiers crus »L’avis du « Monde » – on peut éviter Il est difficile d’expliquer aux jeunes générations que Gérard Lanvin fut un acteur comique, de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, de Coluche, à Marche à l’ombre, de Michel Blanc. Les générations en question ne connaissent qu’un sexagénaire qui a porté la bougonnerie au rang de superpouvoir.Le voici vigneron dans Premiers Crus, un vigneron désabusé qui laisse péricliter son domaine bourguignon dont quelques parcelles produisent de l’Aloxe Corton. Ce n’est pas qu’il soit paresseux – il construit un voilier dans son chai – Jacques Maréchal, mais voilà, sa femme l’a quitté, et son fils Charles (Jalil Lespert) a abandonné la Bourgogne pour Paris où il est devenu l’auteur craint et respecté d’un guide des vins.Etant donné que le domaine périclite, que le père et le fils sont fâchés (ce qui permet donc à Gérard Lanvin de bougonner intensément), que l’héritière du domaine voisin est incarnée par Alice Taglioni, combien de temps faudra-t-il pour que le domaine Maréchal regagne le respect des œnophiles, que la famille se reconstitue et que les conditions de sa perpétuation soient rassemblées ? Questions subsidiaires : combien de mouvements de grue au-dessus d’une croix gothique surplombant les coteaux faut-il pour établir une fois pour toutes que la terre, il n’y a que ça de vrai ? Combien de montages de dégustations entre père et fils, voisin et voisine, sur fond musical (signé Jean-Claude Petit) faut-il pour faire admettre la primauté de l’entre-nous ?Sans doute inquiet de ne pas avoir fait passer son message, le réalisateur et scénariste fait réitérer à plusieurs reprises à ses personnages que « la vigne pour soi tout seul ça ne veut rien dire ». Comme par ailleurs il est établi que la transmission d’un domaine hors de la lignée familiale est une catastrophe, on ne sera pas surpris de constater que l’épilogue laisse la Bourgogne aux Bourguignons. Enfin, presque, parce qu’aucun des acteurs n’a songé à infléchir son accent parisien.Boomerang : film français de François Favrat, avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana. (1 h 41).Premiers crus : film français de Jérôme Le Maire, avec Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni. (1 h 36).Thomas SotinelJournaliste au Monde 25.09.2015 à 18h01 • Mis à jour le28.09.2015 à 07h12 | Samuel Blumenfeld Mathieu Kassovitz en Bonaparte ? La BBC vient de faire ce choix audacieux. Mais qu'importe l'interprète, incarner ce personnage à l'écran semble être une éternelle gageure. Rétrospective. La BBC vient d'annoncer que Mathieu Kassovitz incarnera Napoléon dans une nouvelle adaptation de Guerre et Paix, de Tolstoï, produite par la chaîne britannique. Un tel choix de casting peut faire sourire tant l'acteur apparaît comme un contre-emploi flagrant — grand au lieu d'être petit, terne alors qu'il faudrait être souverain, un visage moderne impensable dans un film en costumes. A la limite, le réalisateur de La Haine aurait pu autrefois prendre les habits de Napoléon dans Guerre et Amour (1975), de Woody Allen, la version parodique du roman de Tolstoï, mais la minisérie de la BBC n'est pas une comédie. Il existe une malédiction Napoléon au cinéma, l'un des personnages historiques, avec Jésus et Hitler, les plus mis en scène au cinéma, et, de loin, le plus desservi. C'est comme si l'interprétation séminale d'Albert Dieudonné dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, avait rendu impossible celles qui suivraient. Napoléon au cinéma est devenu une barrière infranchissable. Un écueil sur lequel s'échouent les médiocres comme les meilleurs : Marlon Brando dans Desiree (1954), incarnant selon les époques un Napoléon bohème, taquin ou autoritaire — « la plupart du temps, je me contentais de laisser le maquillage jouer le rôle », a expliqué Brando, qui aurait mieux fait de surveiller ledit maquillage ; Pierre Mondy dans Austerlitz (1960), d'Abel Gance, en empereur paternel et patriarcal, donnant le sentiment d'avoir passé la journée devant un ballon de blanc ; Raymond Pellegrin dans le Napoléon (1955) de Sacha Guitry, s'efforçant de ressembler à une statue du Commandeur .Kubrick avait refusé l'obstacleOu encore Rod Steiger dans Waterloo (1970), de Serguei Bondartchouk, un sommet du genre. Steiger, par ailleurs excellent comédien dans Sur les quais, d'Elia Kazan, ou Dans la chaleur de la nuit, se prend la tête entre les mains, se perd dans des monologues, s'interroge sur sa grandeur, le sens de sa bataille et l'avenir du monde. Ce Napoléon version dégénérée de l'Actors Studio s'adresse au spectateur comme on parle à un thérapeute. Rod Steiger est effroyable, mais inoubliable. Stanley Kubrick aussi avait failli tourner un Napoléon au début des années 1970. Jack Nicholson faisait partie des acteurs envisagés pour le rôle. Mais le réalisateur de 2001 : l'Odyssée de l'espace avait alors expliqué qu'il ne parvenait pas à trouver le bon comédien. Napoléon était devenu un film impossible. Pour lui. Hélas, pas pour les autres !Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si le cinéma façonne les représentations du monde, il sert aussi à les dynamiter. Cette semaine, plusieurs films s’y attellent : The Look of Silence, documentaire qui ravive la mémoire effacée du génocide indonésien qui a coûté la vie, dans les années 1960, à pas moins de 800 000 personnes ; Knock Knock, farce morale vacharde sur les passions et les phobies minables engendrées par l’American Way of Life ; L’Audience, de Marco Ferreri (1971), fable outrancière sur le Vatican entre les plans de laquelle se profile une Italie gangrenée par la menace et le déchaînement de violence des années de plomb ; Tampopo, de Juzo Itami, où les codes du western, du film de yakuzas et de la comédie potache se retrouvent fondus, pour le plus grand plaisir du spectateur, dans un grand bol de nouilles ramen.LE GÉNOCIDE INDONÉSIEN DU CÔTÉ DES VICTIMES : « The Look of Silence », de Joshua OppenheimerEntre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, environ un million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, ne soient seulement inquiétés. De cette abomination redoublée – le crime et le déni de justice –, le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes. Résolument du côté des victimes, The Look of Silence en est le nécessaire, et remarquable, pendant.Documentaire américain de Joshua Oppenheimer (1 h 43).L’HORREUR DE LA GUERRE DE 1914 AU CŒUR D’UN BEAU MÉLO ANGLAIS : « Mémoires de jeunesse », de James KentC’est un mélodrame situé pendant la guerre de 1914, un film qui ressemble souvent à une série télévisée de qualité, comme la Grande-Bretagne en fournit depuis des décennies. De ces histoires où l’on se dispute poliment au coin du feu, dans une grande demeure qu’on imagine pleine de courants d’air. De fait, Mémoires de jeunesse a été dirigé par un pilier de la télévision britannique, James Kent. Mais en dépit de ces augures qui annonçaient les larmes faciles vite oubliées, Mémoires de jeunesse ébranle vigoureusement les émotions et l’intellect en ramenant, par un chemin détourné, à l’essence même de l’horreur de la guerre.Film britannique de James Kent. Avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton, Dominic West (2 h 09).L’ENFER DE L’« AMERICAN WAY OF LIFE » DYNAMITÉ : « Knock Knock », d’Eli RothEli Roth n’est pas homme à s’embarrasser de subtilités rhétoriques pour exprimer ce qui ressemble à une certaine colère. A partir d’une situation de départ où un architecte de Los Angeles, seul chez lui alors que sa femme et ses enfants sont partis en week-end, ouvre la porte à deux jeunes filles apparemment égarées en pleine nuit, l’auteur du passionnant diptyque Hostel et Hostel Chapitre II, joue à dénuder, tel un garnement, les passions et les phobies minables de ses contemporains. Les jeunes filles séduisent le père de famille puis s’incrustent chez lui, finissent par le torturer et menacent de le dénoncer pour détournement de mineures puis, tout bonnement, de l’assassiner. Saccages, détournements obscènes et destruction littérale du décor d’un American Way of Life marqué par le narcissisme tout autant que par la culpabilité, caractérisent une évolution du récit que le jeu de Keanu Reeves transforme parfois un peu trop en guignolade effrontée.Film américain d’Eli Roth. Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas (1 h 35).« LE CHÂTEAU » DE KAFKA DANS LES CAVES DU VATICAN : « L’Audience », de Marco Ferreri Film méconnu de Marco Ferreri, le plus furieux, féroce et foutraque empêcheur de tourner en rond du cinéma italien moderne, L’Audience (1971) délocalise Le Château, de Franz Kafka, au Vatican. Soit la quête perpétuellement déçue, cruelle, et essentiellement absurde d’un jeune citoyen romain, qui veut à toute force rencontrer le pape. Interprété, à dessein sans doute, par un acteur amateur (le musicien Enzo Jannacci), ce héros va être contrecarré par une délégation de la hiérarchie vaticane d’autant plus impressionnante qu’elle est, elle, interprétée par de véritables stars : dans le rôle du chef de la police vaticane, adepte de la surveillance permanente, de la menace insidieuse et de la matraque en réserve, un Ugo Tognazzi en grande forme ; dans celui d’un prince décadent, fornicateur et animateur de milices paramilitaires chrétiennes, un impérial Vittorio Gassman ; dans celui d’un prélat moderne, mais non moins cauteleux que ses aînés, un excellent Michel Piccoli ; et enfin, sous les soieries d’une prostituée dont les charmes sont mis au service de la cause vaticane, une Claudia Cardinale ultrasensuelle.Film italien de Marco Ferreri. Avec Enzo Jannacci, Claudia Cardinale, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Alain Cuny (1 h 52).APRÈS LE WESTERN SPAGHETTI, GOÛTEZ LE WESTERN RAMEN : « Tampopo », de Juzo Itami Une comédie érotico-culinaire dont le sujet serait la soupe de nouilles. Avec un zeste de western, un peu de violence, quelques yakuzas qui traînent, de l’espionnage industriel, une histoire d’amitié, saupoudrée d’un humour pince-sans-rire brindezingue. Le tout filmé avec style, dans des plans-séquences parfaitement composés, avec des acteurs qui donnent tout pour leur personnage, un sens du rythme fantastique, un art consommé du contrepoint musical. A l’époque où il est sorti, en 1985, la bande-annonce promettait un « western ramen », et le terme résume bien ce film, léger mais sérieux, qui mélange tout un tas d’ingrédients en les traitant avec le maximum de soin et d’amour. Comme on fait une bonne soupe japonaise. Tampopo est le deuxième long-métrage de Juzo Itami, acteur et cinéaste qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 64 ans. Des dix films qu’il a réalisés, c’est le seul à être sorti en France.Film japonais de Juzo Itami. Avec Nobuko Miyamoto, Tsutomu Yamazaki, Ken Watanabe. (1 h 54)Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier On donnait Dheepan, la Palme d’or, gagnant. C’est Mustang, l’outsider, qui a décroché la timbale. Lancé en mai à la Quinzaine des réalisateurs, sorti le 17 juin dans les salles hexagonales, où il a rassemblé 450 000 spectateurs, vendu depuis un peu partout dans le monde, le premier long-métrage de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger.Avec ses actrices ultrasexy, son image laiteuse, son rythme trépidant, et son histoire qui confronte cinq jeunes filles délurées aux puissances rétrogrades du patriarcat turc, il a certainement de quoi plaire à un public occidental.Lire aussi :« Mustang » : face au patriarcat, cinq Grâces indomptablesTourné en turc et en TurquieEn Turquie, où la réalisatrice et son producteur Charles Gillibert pensaient initialement le présenter, c’est autre chose. Selon celui-ci, son propos contrarierait les autorités : « Il y a des allusions à l’actualité politique turque dans le film, en particulier, jugées inacceptables. » Mais Mustang compte aussi des adversaires dans les milieux artistiques et intellectuels turcs. Critique free-lance et militante féministe, Alin Tasciyan, par exemple, ne cache pas le malaise qu’il lui a procuré : « C’est un film dépourvu d’authenticité, soutient-elle, qui exploite opportunément des éléments orientalistes. »Lire aussi :Deniz Gamze Ergüven, impatiente inflexibleLorsqu’il a compris que son film n’était plus dans la course – c’est Sivas, de Kaan Mujdeci, prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2014, qui a été choisi pour la Turquie –, le producteur s’est replié sur la France.Le 16 septembre, la commission chargée de désigner le représentant français pour les Oscars – qui réunit cette année Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, Jean-Paul Salomé, président d’Unifrance, Alain Terzian, président de l’académie des Césars, Serge Toubiana, président de la commission d’avance sur recettes, le réalisateur Michel Hazanavicius et les actrices Nathalie Baye et Mélanie Laurent – a annoncé que ce film intégralement tourné en turc, et en Turquie, figurait, aux côtés de Dheepan, de Jacques Audiard, de La Belle Saison, de Catherine Corsini, de Marguerite, de Xavier Giannoli, et de La Loi du marché, de Stéphane Brizé, parmi les cinq finalistes.Lire aussi :« Mustang » : cinq filles au galopVéhiculer « les valeurs de la France »Attribuant sa défaite à un acte de censure déguisé (hypothèse difficile à vérifier, les membres de la commission turque ayant interdiction de s’exprimer sur les débats, sauf pour dire que la candidature du film a bien été étudiée), Charles Gillibert en a fait, devant le jury français, un argument politique. Il a axé son discours sur « les valeurs que la France veut véhiculer, celle d’une terre d’accueil favorable à la liberté d’expression », dont Mustang pourrait être l’étendard. Le producteur a ajouté que la langue turque pourrait être un argument en faveur du rayonnement du cinéma français, ou encore que les bénéfices d’une sélection rejailliraient sur la réputation de La Fémis, où se sont rencontrées Deniz Gamze Ergüven et sa coscénariste, Alice Winocour.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Avec Grégoire Melin, le vendeur international du film, surtout, il a insisté sur leurs chances d’emporter l’Oscar : « Mustang obtient des prix partout, des “standings ovations” à Toronto, il est soutenu par un excellent distributeur américain, entouré des meilleurs attachés de presse… Les studios considèrent Deniz comme une grande réalisatrice, les agents se l’arrachent. Elle a reçu des propositions de films à gros casting de la part d’Universal, de la Fox, de la Warner… » Parmi ses concurrents, Mustang affrontera d’autres films au pedigree hybride : Le Dernier Loup, du Français Jean-Jacques Annaud, représentera la Chine, tandis que l’Irlande défendra Viva, entièrement tourné en espagnol, à Cuba.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.09.2015 à 13h33 Le réalisateur Claude Lelouch a annoncé le lancement, pour le début de 2016, des Ateliers du cinéma, à Beaune (Côte-d’Or), qui formera chaque année treize « apprentis », dont le recrutement débute.« Notre ambition est de trouver le grand cinéaste de demain », a-t-il dit lors de la présentation de cette école, qui sera inaugurée le 13 novembre avec la projection en avant-première de son prochain film, « Un + une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. Ce centre de formation doit devenir « une passerelle pour qu’un amateur doué devienne professionnel » : chaque année, il accueillera un metteur en scène reconnu afin qu’il tourne un film dans les environs, avec l’aide des apprentis des Ateliers. Claude Lelouch ouvrira le bal à compter de janvier, pour tourner un long-métrage intitulé Très intime conviction. Devraient lui succéder des réalisateurs comme Costa-Gavras, qui a « donné son accord ».La vente des films ainsi produits devrait financer l’école, dans laquelle la société de production de Claude Lelouch, Films 13, a investi 5 millions d’euros sur trois ans pour le lancement. « Ces Ateliers du cinéma vont être avant tout une maison de production », a-t-il précisé.Les apprentis suivront ainsi « toute la chaîne » de fabrication d’un film, de l’écriture à l’étalonnage, en passant par le tournage et le montage. Et chacun d’eux réalisera un court-métrage durant cette année de formation. « C’est une fabrique de cinéastes, car un cinéaste doit savoir tout faire », a expliqué Claude Lelouch. Ce projet d’école à Beaune, ville qui accueille le Festival international du film policier, était dans l’air depuis que Claude Lelouch y a tourné, en 2007, Roman de gare. Il s’agit pour lui, par ce lieu de formation, de « bien finir [s]on histoire d’amour avec le cinéma ». Pour être sélectionnés, les candidats apprentis doivent réaliser avec un téléphone portable un film de six minutes sur le thème « Le premier et le dernier jour d’un couple » et envoyer leur candidature avant le 13 décembre à l’adresse selectionacb@lesfilms13.com William Audureau « Ramassez 300 pièces de ferraille ». L’ordre de mission sonne comme une injonction humiliante, d’autant qu’elle arrive tard. Cela fait déjà quinze jours (dans le présent) et près de trente heures (dans le futur post-apocalyptique) que j’arpente ce gigantesque mouroir aride que sont les Wasteland, les terres désolées où se situe l’action de Mad Max. Le jeu n’en a que faire : Max, le héros, et à travers lui le joueur, est un personnage corvéable à merci, et son calvaire a pour théâtre un vaste désert déchiré de carcasses d’avions et de cimetières de voitures.Mad Max, le jeu vidéo sorti le 1er septembre dernier sur PlayStation 4, Xbox One et PC, n’est pas l’adaptation du film Mad Max : Fury Road, qui par ses cadrages fous, ses visages burinés, son rythme haletant et ses personnages féminins investis, avait fait sensation au printemps dernier.Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteur A la place, les Suédois d’Avalanche Studios se sont librement inspirés de l’univers du réalisateur George Miller pour reconstituer un vaste désert parsemé de références aux véhicules et lieux cultes de la saga, de l’angoissante Pétroville, cité-raffinerie à l’atmosphère mortifère, aux bolides cultes comme la V8 Interceptor ou la Peacemaker, véritables divinités mécaniques des terres désolées.Terrain de jeu codifié mais sidérantLa première chose qui surprend, pourtant, lorsque l’on joue à Mad Max, c’est l’omniprésence des codes du jeu vidéo, et les emprunts massifs à nombre de blockbusters vidéoludiques récents.La carte du monde divisée en région, avec des camps à conquérir, un niveau de menace à faire descendre ? Du Far Cry tout craché. Les combats à main nue, sous forme d’une chorégraphie de parades et de coups à l’impact insistant ? Introduit par les Batman Arkham. Le GPS qui propose à tout moment la route à suivre pour rejoindre le prochain objectif, au risque de l’anachronisme ? Un classique de Grand Theft Auto, déjà repris par Red Dead Redemption dans un univers de Far West comparable. Seules les joutes véhiculées, à coups de pare-chocs dans les flancs, sonnent moins familières.Les premières parties donnent ainsi à découvrir cet étrange assemblage entre un jeu vidéo codifié jusqu’à l’extrême, mais qui prend pour scène l’un des paysages les plus sidérants de force et de beauté de ces derniers mois. Car ce désert-là, loin d’être homogène, promène le joueur des dunes infinies à des dépotoirs pollués, de lacs asséchés caressés par la lueur de la lune à des cordillères sombres et arides et aux routes escarpées fusillées par les vents. Le jeu réserve quelques séquences estomaquantes, comme la découverte de l’écrasante Pétroville, l’exploration d’un vestige d’aéroport enfoui sous les dunes, ou la traversée chaotique d’un orage de sable.Lire aussi :George Miller : « Mon cinéma est organique, primitif, viscéral »Structure répétitive et personnages creuxEt puis, il y a tous ces moments où oubliant toute tension, se délestant même de toute envie sérieuse de divertir le joueur, Mad Max se mue – presque littéralement – en bac à sable géant et vide, peuplé de personnages secondaires mal joués et de missions répétitives et risibles. Collecter de la ferraille. Trouver un ornement de capot. Acheter une nouvelle peinture de véhicule. Démanteler un énième camp, abattre un énième épouvantail en tôle, lâcher un énième coup de poing. Max, réduit aux tâches de bas étage, n’est même plus l’antihéros sanguin des films, mais un agent de maintenance perdu dans une mauvaise partie de « Jacques a dit ». Dans ses pires moments, Mad Max tient plus de la corvée de ménage que du jeu : il faut nettoyer, nettoyer, nettoyer, cette carte que l’on passe finalement plus de temps à regarder que les paysages eux-mêmes. Le jeu n’a dès lors plus rien d’organique, de primitif, de viscéral : c’est un système aux ficelles voyantes et à la prévisibilité déprimante.Résultat, l’histoire, faible et diluée, passe vite au second plan. Les missions et la structure répétitive donnent vite à cette aventure postapocalyptique des allures de train-train quotidien. Et puis Max sonne creux, écartelé entre ses lignes de dialogue viriloïdes et clichés d’un côté, et sa soumission complète au mou tempo du jeu de l’autre. Bref, si Fury Road est le film coup de poing de la première moitié de l’année, le jeu vidéo est un château de sable rempli de G.I. Joe mal articulés.Envoûtant et obsédantPourtant, tout n’est pas à jeter dans l’œuvre des Suédois d’Avalanche Studio. Mad Max vaut aussi, outre son désert, pour le sympathique personnage de Chum, être difforme, pieux et faible d’esprit. Dans le silence des Gorges de sable, dans l’atonie de la plaine du Brasier, dans la morosité des Gueules noires, c’est lui, lui, et encore lui qui impulse à Mad Max un peu de la folie dérangée des films, de leur religiosité décadente, de leur déchéance morale. Quinze jours et trente heures plus tard, le scénario n’est toujours pas fini, et l’habitude a occulté depuis longtemps l’entrain de la découverte. Au bout du désert, la fin de l’histoire paraît encore trop lointaine, comme si le jeu, semblable à ses dunes, refusait de se finir sans réaliser qu’il était trop grand et trop long pour son propre bien.Il reste, malgré tout, la surprise d’une attaque de convoi au son énervé des cors, les couchers de soleil rosés aux envoûtantes teintes de pellicule des années 1970, ou tout simplement la mission désormais obsédante de finir à 100 % le jeu, qui me tractent mollement chaque soir jusqu’à la manette. Récolter tous ces coffres de ferraille, abattre tous ces pylônes idiots, soumettre tous ces camps sortis de nulle part. Loin des hauteurs de Metal Gear Solid V, loin des folies créatives de Super Mario Maker. Juste, seul, tout seul dans le désert, à ramasser ces foutues pièces de ferraille.William AudureauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Film sur Ciné+ Premier à 23 h 35 Woody Allen réalise son film le plus réussi depuis « Match Point »Pour Blue Jasmine, l’ami Woody interrompait sa tournée européenne – Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (Londres) ; Vicky Cristina Barcelona (Barcelone) ; Minuit à Paris (Paris) ; To Rome with Love (Rome) et remet les pieds dans ses pantoufles new-yorkaises. Car il y avait dégoté une Jasmine (Cate Blanchett), blonde, snob et totalement « blue » qu’il emmena au soleil de la Californie.Excellente idée, qui fait signer au plus chronophobique des réalisateurs juifs du Nouveau Monde son meilleur opus depuis le grinçant Match Point (2005). Blue Jasmine est une tragédie du rire brossée sur fond de faillite financière, avec descriptif aux petits oignons du complexe mental névrotique qui explique l’une et l’autre. En gros, du Molière, avec des téléphones, des voitures et une place financière mondiale, le tout écrit dans une version transatlantique de la langue de Shakespeare.Jasmine, donc. Epouse d’un businessman jonglant avec les millions, membre distinguée de l’élite new-yorkaise, femme au foyer irréprochable, familière des cercles les plus huppés, elle a plané longtemps au-dessus des contingences. Et puis son mari, qui trompait son monde et elle avec, s’est retrouvé un jour derrière les barreaux, tous ses biens étant saisis.Talent plus vrai que natureLa voici donc qui débarque un beau matin à San Francisco avec sa grosse valise à la main, la superbe un peu en berne, donnant pourtant, par sa beauté et son maintien, encore largement le change. Elle rejoint dans cette belle ville sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), caissière de supermarché.Certes, les deux sœurs, adoptées par les mêmes parents dans leur enfance, ne sont pas vraiment sœurs. Certes, Jasmine fut d’emblée puis toujours préférée à Ginger. Certes, du temps de la splendeur de Jasmine, Ginger fut sinon rayée de ses carnets, du moins reçue, avec son mari, avec une politesse si écœurée qu’elle la dissuada de revenir.C’est pourtant elle, la prolo de San Francisco, qui lui ouvre sa porte aujourd’hui. Elle n’a pas de rancune, mais surtout bien du mérite. On touche ici à la plus grande réussite du film : le personnage de Jasmine, tel qu’Allen le portraiture avec un flair de fin limier et tel que Cate Blanchett le campe avec un talent plus vrai que nature. Soit une femme complètement à côté de la plaque, enfermée dans la bulle qui pourtant vient de lui éclater au nez, incapable d’admettre sa déchéance et plus encore de se confronter au monde réel.Une sorte de grande invalide tombée en route de sa berline et qui, le cul crotté, se croit encore embarquée sur la roue de la fortune. Si une des définitions du comique tient dans la distance qui sépare un désir de sa réalisation, Jasmine se révèle une source intarissable de drôlerie.Bourrée d’antidépresseurs, capable de raconter toute sa vie à des inconnus, elle s’invente au jour le jour un manuel de survie en milieu hostile (la vraie vie), fait d’accommodements qui la crucifient et de mensonges pathologiques à répétition.Lamentable catastrophePar-dessus tout, forte d’une expérience conjugale qui devrait pourtant l’encourager au silence éternel, l’ex-dame patronnesse de Manhattan se met en devoir de régenter la vie sentimentale de sa sœur. Chili, l’actuel boyfriend de Ginger qui la traite certes cavalièrement, mais l’aime d’un amour pur, n’a pas l’heur de plaire à Jasmine.En même temps qu’elle lui conseille de rompre avec ce garagiste, elle l’encourage à de nouvelles rencontres (ce sera un ingénieur du son interprété à contre-emploi par le plus grand comique américain du moment : Louis C. K.). Mais Jasmine travaille aussi pour sa propre cause et met le grappin sur un jeune veuf, diplomate et riche héritier. Laissons le spectateur jouir librement de la lamentable catastrophe qui s’ensuivra.Deux formidables atouts restent à porter au crédit du film. D’abord la soustraction du personnage de Jasmine à la caricature qu’il pourrait inspirer. On ne sait par quel mystère cela se produit, mais Jasmine est une femme dont le goût invétéré pour la mondanité et la crétinerie sentimentale éveillent une certaine tendresse, à l’instar de son lointain modèle français, Emma Bovary.Ensuite, la mise en scène dans son ensemble, pleine de finesse et d’à-propos. Car les événements de ce film ne se situent surtout pas dans un continuum. Ils se juxtaposent en permanence dans un jeu d’allers-retours entre le présent (San Francisco) et le passé (New York), qui donne sa profondeur au récit en même temps que son ironie savoureuse, puisque chaque réminiscence du passé révèle l’écart entre la cruelle vérité des faits et la manière dont Jasmine les délire.Car ce personnage délire bel et bien et ne se sent que très peu concerné par le sort commun, tant au regard de ses obligations que de ses afflictions. Voici, en un mot, quelqu’un qui semble habiter une autre planète. Telle est la contribution tragi-comique de Woody Allen à la compréhension du système responsable de la crise actuelle : montrer que la rupture qui sépare les super-riches de leurs semblables devient quasiment anthropologique.Blue Jasmine, de Woody Allen. Avec Cate Blanchett, Alec Baldwin, Sally Hawkins, Louis C. K. (EU, 2013, 98 min). Jeudi 17 septembre, à 23 h 35, sur Ciné+ Premier.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Kurt Russell et Bruce Dern (et pas Christoph Waltz comme indiqué par erreur dans une précédente version), s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue) En matière de titres, de Reservoir Dogs (1992) à Django Unchained (2012) en passant par Pulp Fiction (1994) ou Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino (ou, plus exactement, les distributeurs français de ses films) a fait preuve d’une forte intolérance à la langue française. Si bien que l’annonce, mercredi 16 septembre, par la société SND – la filiale du groupe M6 qui a acquis, pour très cher, les droits français du film – de la sortie de son prochain western sous le titre Les 8 Salopards doit être saluée, aussi peu châtiée que soit l’expression.En version originale, le film, interprété, entre autres, par Samuel L. Jackson, Christoph Waltz et Bruce Dern, s’appellera The Hateful Eight, sa sortie aux Etats-Unis est prévue pour le 8 janvier 2016. La date à laquelle les spectateurs français pourront le découvrir n’est pas encore fixée.Le titre original se traduit littéralement par Les Huit Odieux, ce qui n’est pas très heureux et, de plus, fait perdre l’allitération. Autant donc rendre hommage à Robert Aldrich, dont The Dirty Dozen était sorti en France sous le titre Les Douze Salopards (il s’agit d’un film de guerre, pas d’un western) et aux Sept Mercenaires, de John Sturges qui étaient magnifiques (The Magnificent Seven) dans la version originale de ce remake sur le mode western des Sept Samouraïs, d’Akira Kurosawa (1954).Finalement, cette traduction est très rigoureuse si on la compare aux libertés que s’autorisaient les distributeurs de films français à l’âge d’or du western. En voici un florilège, que vous êtes invités à compléter dans les commentaires de cet article :- Une aventure de Buffalo Bill, de Cecil B. DeMille (1936), avec Gary Cooper = The Plainsman (l’homme des plaines)- La Charge fantastique, de Raoul Walsh (1941), avec Errol Flynn = They Died With Their Boots On (ils sont morts les bottes au pied)- La Charge héroïque, de John Ford (1949), avec John Wayne = She Wore a Yellow Ribbon (elle portait un ruban jaune)- La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952), avec Kirk Douglas = The Big Sky (le grand ciel)- Le Train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann (1952), avec Gary Cooper = High Noon (en plein midi)- L’Ange des maudits, de Fritz Lang (1952), avec Marlene Dietrich = Rancho Notorious (le ranch mal famé)- L’Homme des vallées perdues, de George Stevens (1953), avec Alan Ladd = Shane (du nom de son personnage principal)- Du sang dans le désert, d’Anthony Mann (1957), avec Henry Fonda = The Tin Star (l’étoile en fer blanc)- 100 dollars pour un shérif, de Henry Hathaway (1969), avec John Wayne = True Grit (un vrai cran, le remake du film par les frères Coen est sorti sous ce titre)- Sierra torride, de Don Siegel (1970), avec Clint Eastwood = Two Mules For Sister Sara (deux mules pour la sœur Sara).Thomas Sotinel (avec Pauline Forgue)Journaliste au Monde Thomas Sotinel Certes, Marguerite, de Xavier Giannoli est revenu bredouille de la Mostra de Venise, sans prix d’interprétation pour la formidable Catherine Frot, il n’empêche, le film est à l’avant-garde de l’impressionnant contingent de sorties de la semaine, auquel il faut ajouter une rétrospective coréenne au Forum des images et la présence de Mathieu Amalric à la Cinémathèque française.AH ! JE RIS DE ME VOIR SI BELLE : « Marguerite », de Xavier GiannoliDu destin d'une femme très riche qui se prenait pour une diva (qui fut celui de la millionnaire américaine Florence Foster Jenkins), le réalisateur français a fait un brillant portrait de femme qui cherche désespérément à échapper à sa condition (pourtant considérée comme enviable). A ce personnage, Catherine Frot prête, outre sa force comique, une grandeur inattendue.Film français de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Denis Mpunga. (2 h 07).FEMMES DES RUES DE MARRAKECH : « Much Loved », de Nabil AyouchInterdit au Maroc avant même que les censeurs du royaume ne l’aient vu, le film de Nabil Ayouch vaut bien plus que le scandale qui l’entoure. Bien sûr, en traitant de la condition des prostituées, le cinéaste marocain dénonce l’hypocrisie morale de son pays, mais il s’attache surtout à décrire avec chaleur la vie commune de trois femmes qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face aux clients, aux policiers corrompus et aux pharisiens.Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (1 h 44).RETOUR À FACHODA : « Nous venons en amis », d’Hubert SauperDans un petit avion fragile, le documentariste autrichien auteur du Cauchemar de Darwin a parcouru le Soudan du Sud, au moment de l’indépendance du pays. Faisant escale dans la bourgade où la France dut reconnaître la suprématie britannique sur l’Afrique centrale et orientale, il dénonce l’emprise des puissances postcoloniales sur le continent, tout en peignant un tableau apocalyptique de la nouvelle nation.Documentaire autrichien d’Hubert Sauper (1 h 44).UNE SUPERPUISSANCE CINÉMATOGRAPHIQUE : « Séoul hypnotique » au Forum des imagesPendant six semaines, le Forum des images se fait coréen, proposant un portrait cinématographique encyclopédique de la capitale de Corée du Sud. De la naissance de l’industrie du cinéma dans les années 1950 (avec des œuvres de Shin Sang-ok ou de Kim Ki-duk) aux dernières productions de l’inépuisable Hong Sang-soo, on mesurera la vitalité d’une industrie littéralement née dans les ruines. Plusieurs artistes s’enfonceront dans le ventre de Paris pour accompagner cette impressionnante rétrospective, dont le méconnu Jang Jin, qui présentera trois longs-métrages inédits du 15 au 17 septembre.« Séoul hypnotique » Forum des images, impasse Saint-Eustache, Paris 1er , jusqu’au 1er novembre.MATHIEU AMALRIC, C’EST SA TOURNÉE : rétrospective à la Cinémathèque Le jeune prodige du cinéma français, qui collectionne les Césars d’interprétation en affirmant qu’il n’est pas acteur, tourne avec Spielberg ou affronte James Bond en réalisant des films qui non seulement ne ressemblent pas aux autres, mais ne se ressemblent pas entre eux, est devenu un notable. D’ailleurs, on le verra bientôt en fils de médecin de province dans Belles Familles, de Jean-Paul Rappeneau (sortie le 14 novembre). En attendant, en cinéaste célèbre, il montre les films qu’il a réalisés et ceux dans lesquels il a tourné à la Cinémathèque, multipliant les rencontres avec le public. Cette semaine, il présentera Le Stade de Wimbledon avec Jeanne Balibar (le 17 septembre à 18 h 30) et Trois Ponts sur la rivière, film rare de feu Jean-Claude Biette, en compagnie du producteur Paulo Branco (le 18 septembre à 21 h 30).Rétrospective Mathieu Amalric, jusqu’au 25 octobre, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris 12e .Thomas SotinelJournaliste au Monde Stéphane Mandard Armstrong is back. Le 16 juillet, le banni du peloton s’était invité sur le Tour de France pour donner quelques coups de pédale entre Muret et Rodez sur le tracé de la 13e étape, vingt-quatre heures avant Christopher Froome et ses poursuivants, au bénéfice d’une association contre le cancer et devant une nuée de caméras et d’objectifs. Deux mois après, mercredi 16 septembre, le septuple vainqueur déchu de la Grande Boucle débarque cette fois dans les salles obscures sous les traits de son compatriote comédien Ben Foster.Réalisé par le Britannique Stephen Frears, The Program promet au spectateur de lui faire découvrir « toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage qui a fait de Lance Armstrong une légende ». Le public qui ignorerait encore la saga Armstrong fera donc connaissance avec son préparateur Michele Ferrari (Guillaume Canet), son mentor Johan Bruyneel (Denis Ménochet), son coéquipier Floyd Landis (Jesse Plemons) ou encore son assureur (Dustin Hoffman). Il retiendra surtout le nom de David Walsh, journaliste irlandais du Sunday Times incarné à l’écran par Chris O’Dowd et dépeint comme celui dont l’enquête solitaire a conduit à la chute de l’ex-coureur texan.Lire aussi :« The Program » : Frears perdant dans la course au biopic sur Lance ArmstrongLe dossier de presse comme le générique du film insiste : « The Program. D’après le livre “Seven Deadly Sins : My pursuit of Lance Armstrong” de David Walsh ». Sauf que dans sa poursuite de Lance Armstrong, David Walsh n’était pas seul. Il formait un duo avec un autre journaliste, le Français Pierre Ballester. Walsh et Ballester ont publié ensemble aux éditions La Martinière deux livres-enquêtes sur l’Américain : L.A. Confidentiel (2004) et L.A. Officiel (2006) dont certaines séquences du film (la scène de l’hôpital ou avec la masseuse Emma O’Reilly) sont tirées.« Révisionnisme historique »« Ils peuvent scénariser comme ils l’entendent et faire de David le journaliste contre le reste du monde mais ils ne peuvent pas maquiller ou travestir la réalité des faits : nous étions deux, à 50-50, dans l’écriture comme dans les emmerdements », explique Pierre Ballester, qui a également publié avec David Walsh Le Sale Tour (Seuil) en 2009, soit bien avant la sortie de Seven Deadly Sins en 2012.« C’est huit ans de partenariat piétiné », dénonce Pierre Ballester qui, avec les éditions La Martinière, a décidé de demander des comptes à Studio Canal, le producteur et distributeur français du film de Stephen Frears. Vendredi 11 septembre, leur avocat Thibault de Montbrial a adressé une lettre de mise en demeure à Studio Canal « pour leur demander dans quelles conditions ils entendaient dédommager le grave préjudice subi » par ses clients.« Les éditions La Martinière, auxquelles les auteurs avaient cédé leurs droits de reproduction audiovisuelle, se retrouvent totalement dépossédées d’une enquête qu’elles ont financée et Pierre Ballester est victime d’une forme de révisionnisme historique qui rappelle l’époque où le Politburo faisait disparaître des photos les opposants au régime soviétique », tonne Thibault de Montbrial.Sollicité par Le Monde, Studio Canal n’a pas souhaité faire de commentaire. « J’attends une réponse rapide et constructive sinon je prendrai toutes les mesures judiciaires appropriées », menace Me de Montbrial.L’avocat connaît parfaitement le dossier Armstrong pour avoir défendu Walsh, Ballester et La Martinière lorsque Lance Armstrong avait intenté un procès en référé à Paris en juillet 2004 pour empêcher la sortie de L.A. Confidentiel avant le départ du Tour de France. C’est également Thibault de Montbrial qui avait représenté les intérêts en France de la compagnie d’assurance SCA Promotion. En 2005, sur la base des révélations contenus dans L.A. Confidentiel, son patron Bob Hamman (joué par Dustin Hoffman) avait décidé d’attaquer Lance Armstrong pour obtenir le remboursement d’une prime de 5 millions d’euros versée pour ses 5e et 6e Tours victorieux.« Ils ont gommé d’un trait toute la composante française de l’enquête », résume Me de Montbrial. Pas de référence au travail du Monde qui avait révélé le contrôle positif d’Armstrong aux corticoïdes dès son premier Tour victorieux en 1999 ni d’allusion à la fameuse « une » de L’Equipe sur « Le mensonge Armstrong » qui apportait les preuves de son recours à l’EPO lors de cette même édition.« Ni l’éditeur ni moi-même n’avons été avertis par le producteur, le réalisateur, le distributeur ou quiconque. David m’avait juste appelé pour… que je cède gratuitement mes droits, se souvient Pierre Ballester. Ma réponse, négative, est restée sans suite. »L’ancien coureur Christophe Bassons, qui avait subi les foudres d’Armstrong lors du Tour 1999 pour ses positions contre le dopage, a également été contacté par la production du film. « Il y a deux ans, j’ai reçu un contrat tout en anglais me demandant de céder les droits sur toute ma vie pour un dollar, explique Christophe Bassons. J’ai répondu via mon avocat que c’était hors de question. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. » Les amateurs de cyclisme reconnaîtront dans The Program l’ancien coureur à son maillot de La Française des Jeux. Mais contrairement aux autres protagonistes, son nom n’apparaît pas.Stéphane MandardJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard Un an après son arrivée en France, c’est l’heure du bilan d’étape pour Netflix. Mais un défi se cache derrière la simple comptabilité du nombre d’abonnés conquis dans l’hexagone par le service de vidéo à la demande : atteindre la rentabilité.Pour l’heure, savoir précisément la quantité de Français séduits par Netflix n’est pas facile. Les estimations varient entre 250 000 fin décembre et 750 000 en août, et certains estiment le chiffre autour de 500 000 abonnés, une fois retranchés les comptes « gratuits » d’essai. Toutefois, les observateurs s’accordent pour dire que la première année de Netflix en France, si elle n’a pas suscité un tsunami, n’est pas un échec.La question qui se pose ensuite est suggérée par certains concurrents : ceux-ci soulignent que Netflix a fait beaucoup de publicité pour annoncer ses nouvelles séries et soutenir sa croissance en France. Un investissement qui s’ajoute à celui réalisé dans les achats de droits et dans les créations originales, toujours plus nombreuses et désormais étendues aux domaines des films et des documentaires.Cet effort se traduit dans les comptes de Netflix, qui en fait une stratégie délibérée : la société américaine a attiré au deuxième trimestre 3,3 millions de nouveaux abonnés, dont 72 % hors des Etats-Unis. En un an, il a recruté 15,51 millions de clients supplémentaires, portant le total à 65 millions. Et ses investissements à l’international vont se poursuivre car Netflix cherche à être disponible dans le monde entier dès fin 2016.Un bénéfice limitéEn raison des investissements dans les contenus et dans son expansion internationale, le bénéfice de Netflix reste très limité et plutôt en baisse : 26 millions de dollars au deuxième trimestre, pour un chiffre d’affaires de 1,64 milliard de dollars, en hausse de 23 %.Une des clés pour Netflix est de réussir deux paris sur les droits des contenus : parvenir à payer de plus en plus de programmes au niveau d’une région ou même du monde entier. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car les droits sont jusqu’ici une addition de marchés nationaux, ce qui oblige à renégocier pays par pays et limite les potentielles économies d’échelle. A terme, Netflix espère acheter tous ses droits de façon globale et bénéficier ainsi d’un poids de négociation rare. Mais les studios et sociétés de production ont elles intérêt à continuer à vendre certains bons produits cher à des diffuseurs nationaux.Enfin, pour amortir au mieux les contenus achetés, il faut aussi trouver des programmes visionnables par le plus grand nombre, idéalement dans le monde entier. C’est le cas des meilleurs blockbusters américains. Mais beaucoup des contenus télévisuels qui plaisent dans un pays sont assez locaux. L’enjeu est donc de créer des séries ou des films à la fois locaux et globaux, dont l’intrigue et le style ne soient pas trop aseptisés et qui puissent s’exporter. C’est ce que Netflix tente de faire avec des productions comme Marseille (avec Benoît Magimel et Gérard Depardieu). C’est une des conditions de sa réussite. Un défi que Netflix partage toutefois avec d’autres, comme Canal + ou France Télévisions, qui cherchent, avec des coproductions internationales comme Versailles, à atteindre ce Graal télévisuel.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale) Sacré mythe vivant au début des années 1980, grâce à Alien et Blade Runner, Ridley Scott a depuis troqué son identité de cinéaste visionnaire pour celle d’usine à produire des blockbusters plus ou moins digestes. Mais il faut bien avouer que l’annonce de son nouveau projet, Seul sur Mars, récit de voyage spatial avec Matt Damon en tête d’affiche, donnait envie d’y croire à nouveau.Gros morceau du Festival international du film de Toronto (TIFF), qui lui offrait sa première mondiale, ce « survival » (récit de survie en milieu hostile), délocalisé dans un désert de la planète rouge, n’a malheureusement pas tenu ses promesses, n’offrant en guise de divertissement que la possibilité de vérifier, pendant deux heures qui en paraissaient quatre, les attendus de son argument accrocheur.Un scénario laborieuxMark (Matt Damon), astronaute de la NASA, est abandonné sur Mars pendant une terrible tempête, par ses camarades de mission qui le tiennent pour mort. Comprenant, à son réveil, qu’il est désormais plus seul qu’aucun être humain ne l’a jamais été, qu’il n’a aucune chance de revoir âme qui vive avant quatre ans, durée minimale d’un voyage de la Terre à Mars, planète stérile sur laquelle il est impossible de cultiver quoi que ce soit, il se laisse aller trois minutes au désespoir. Puis se ressaisit. Tel un Robinson de l’espace, il organise, depuis sa base, un plan de survie dont il commente les étapes à haute voix – pour bien donner la mesure de l’exploit que chacune représente. Pendant ce temps, sur terre, la NASA comprend qu’il est encore en vie, et échafaude un plan pour l’exfiltrer.Cette histoire abracadabrante aurait pu donner un film à grand spectacle distrayant, voire haletant, d’autant qu’elle est servie par un casting où se croisent Jessica Chastain, Kristen Wiig, Kate Mara, Chiwetel Ejiofor (l’interprète de 12 Years a Slave) ou encore l’excellente Mackenzie Davis (l’héroïne geek-punk de la série « Halt and Catch Fire »). Mais c’est tout le contraire.Malgré un ton badin, blagueur, même, qui rattache le film à la veine de Space Cowboys, de Clint Eastwood plus qu’à celle de Gravity, d’Alfonso Cuaron, Scott s’enferre dans un scénario laborieux dont les dialogues semblent avoir été pensés pour apporter une caution – scientifique ou géostratégique, c’est selon – au moindre de ses développements. Et pour masquer tant bien que mal le fait qu’il ne repose sur rien d’autre, en réalité, qu’un présupposé selon lequel Matt Damon ne peut pas mourir. De l’ironie chez Lelouch ?Dans un autre tout autre genre, mais venant d’un cinéaste né la même année que Ridley Scott, 1937, et qui continue, comme lui, à faire fructifier la rente symbolique de ses jeunes années, Un + Une, de Claude Lelouch aura au moins eu le mérite de faire rire. Avec Jean Dujardin dans le rôle d’un compositeur de musique de films, Christophe Lambert, dans celui de l’ambassadeur de France en Inde, Elsa Zylberstein dans celui de son épouse, « sur le chemin de la fertilité », et une palanquée de sponsors que la mise en scène traite avec le respect qui leur est dû, l’auteur d’Un homme et une femme trouve, dans les eaux du Gange, le carburant pour relancer, à partir d’un matériau romanesque foisonnant d’idées plus abracadabrantes les unes que les autres, son éternel motif du tourbillon de la vie, de la mort et de l’amour.On s’interroge, de fait, sur le degré d’ironie du film, la collusion entre l’habitus de ce tombeur ringard qu’interprète Jean Dujardin et les leçons de vie, trempées dans une vulgate hindouiste, que dispense Elsa Zylberstein à longueur de dialogues, évoque parfois l’esprit d’OSS 117. Quelques blagues bien senties, lancées par Jean Dujardin, achèvent de brouiller les pistes sur la tournure que Claude Lelouch est en train de donner à son cinéma.Isabelle Regnier (Toronto, envoyée spéciale)Journaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale) Quatre voitures de police sont garées devant un cinéma à Paramount, dans la banlieue est de Los Angeles. Pour les habitants de Compton ou de Watts, quartiers pauvres au sud de l’agglomération californienne, cette salle est la plus proche, à dix minutes en voiture. Après une semaine d’intense couverture médiatique, Straight Outta Compton sort enfin le 14 août. Mais le biopic sur l’histoire des NWA, «  le groupe le plus dangereux du monde » comme le clame son affiche, ne peut être projeté dans les quartiers qui l’ont vu naître, faute d’équipements culturels. Alors, ses habitants viennent en famille dans les complexes alentour. Universal Studios a annoncé, la veille, le 13 août, qu’ils rembourseraient les frais pour l’emploi d’agents de sécurité supplémentaires.Véritable tube de l’été, numéro un au box-office devant Mission : Impossible Rogue Nation pendant plusieurs semaines, le film est sorti dans un contexte tendu aux Etats-Unis. Début août, l’état d’urgence est décrété à Ferguson dans le Missouri, où un jeune homme de 18 ans a été tué dans les manifestations pour commémorer la mort de Michael Brown, mort sous les balles d’un policier, un an plus tôt. Des portiques métalliques accueillent, ce soir-là, les invités. Sur le tapis rouge, les membres du groupe NWA encore en vie (Dr. Dre, Ice Cube, MC Ren, DJ Yella) – Eazy-E est mort du sida en 1995 –, suivis des acteurs qui les incarnent à l’écran, savent que leur film, rythmé par leur hymne Fuck The Police (« nique la police »), est une caisse de résonance, après les multiples homicides d’Afro-Américains par des policiers.Lire aussi :« Straight Outta Compton » : un tableau du rap dans ses différents âgesCoups tordus, coups de pressionPlus loin, près de Compton, les spectateurs latinos et noirs sont plus détendus, rient, entonnent les textes de leur groupe emblématique, qui a imposé, en 1988, les codes du gangsta rap californien face aux pionniers new-yorkais. Même les scènes les plus effrayantes, comme celle où un Blood (membre d’un gang rival, les Bloods) armé monte dans un bus scolaire et menace des ados qui lui ont adressé les signes de ses rivaux (les Crips), les font hurler de rire. Un spectateur, ancien membre de ces fameux gangs, analyse à la sortie : « A l’époque, cela nous arrivait souvent d’être arrêtés par une voiture pleine de mecs armés et que l’on soit obligé de leur dire à quelle clique on appartenait. C’est la routine, ici. » Le public est en revanche silencieux, figé, à chaque fois qu’un personnage est violemment plaqué contre un capot de voiture de police.A la fin des années 1980, les NWA ont à peine 21 ans de moyenne d’âge, quand ils secouent le puritanisme américain avec leur rap. Ils y racontent sans fioritures leur quotidien à Compton, détaillent le style des dealers, des gangbangers (membres des gangs) et hurlent leur ras-le-bol du harcèlement policier sur un tempo accéléré dans Fuck The Police. Leur compositeur, Dr. Dre, le ralentit vite pour imposer son G-funk (gangsta funk) à la planète entière. En 1989, en pleine tournée, les gangsta rappeurs s’attirent les foudres du FBI, qui les met en demeure de ne pas chanter ce morceau pendant leurs concerts. Au bout d’une heure de film, qui énumère les arrestations abusives subies par les personnages, ils sont à nouveau menottés et tabassés à Detroit (Michigan) lors d’un show. Le scénariste et les producteurs, Dr. Dre et Ice Cube, se sont, en fait, un peu arrangés avec la réalité. Ce ne sera pas la seule fois.D’après la fiction, les rappeurs sont arrêtés pas la police à l’issue du concert époustouflant au Joe Louis Arena. Dans son livre publié en France en 2007, Gangsta Rap Attitude (Scali), sous-titré Les Impitoyables Mémoires d’un juif blanc devenu le plus grand manager du rap noir de Californie, Jerry Heller, l’agent de NWA, raconte une tout autre version. Le groupe n’a pas été arrêté devant une foule électrisée. Des policiers en civil, joués dans le film par de vrais officiers du département de police de Los Angeles, se sont bien frayés un chemin jusqu’à la scène pour les arrêter, mais leur tourneur a réussi à les faire sortir de la salle avant que la police leur mette la main dessus. Jerry Heller leur avait donné la consigne de rester dans leurs chambres d’hôtel, leur expliquant que «  les flics n’auraient jamais de mandats de perquisition ». Mais les vedettes, sollicitées par leurs groupies, sont descendues à la réception, où la police les attendait, et ont été embarquées.Véritable plongée dans les débuts du gangsta rap, Straight Outta Compton évoque aussi l’industrie du disque, ses coups tordus, ses coups de pression, sans trop de rapport avec la vraie histoire. Eazy-E n’a, par exemple, jamais été ruiné. Une de ses signatures sur le label Ruthless, Bone-Thugs-N-Harmony, vendait des millions d’albums en 1994, quand le film le montre prêt à se séparer de sa maison. Il n’a pas non plus été tabassé par l’ancien videur et magnat du rap, Suge Knight, pour signer un document qui libère Dr. Dre de son contrat. Le costaud «  l’a juste menacé » de détenir sa mère et son manageur.« Des menaces de mort »Le lendemain de la sortie de Straight Outta Compton en salles, les membres de l’Académie des Oscars, intrigués par le succès populaire, sont venus se faire une idée par eux-mêmes au Samuel Goldwyn Theater à Beverly Hills. The Hollywood Reporter, qui pronostique déjà une nomination aux Oscars, s’étonne alors de l’affluence à cette projection, et surtout des applaudissements nourris à la fin de la première scène du film, où Eazy-E, alors dealer, échappe à une intervention de la brigade antidrogue en courant sur les toits de Compton.Ce soir-là, l’équipe du film, menée par le réalisateur, F. Gary Gray, et le producteur, Ice Cube, fait son numéro de charme : « Notre but, affirme le rappeur, n’était pas d’expliquer dans le détail quand, comment et où, mais pourquoi nous avions écrit ces chansons. Nous ne voulions pas faire un film sur l’histoire du rap, mais montrer une tranche de vie américaine. » Le réalisateur F. Gary Gray, qui a grandi à South Central, rappelle combien le film a été difficile à produire à Compton, « véritable sixième membre du groupe ». « Il a fallu beaucoup de courage aux équipes aussi, renchérit Ice Cube. Nous avions reçu des menaces de mort. »Dans une communication alors aussi huilée que leurs provocations rapologiques, Ice Cube et Dr. Dre demandent par voie de justice d’être retirés de l’instruction d’un procès qui les accuse de négligence. En janvier, alors qu’ils sont sur le tournage d’une publicité pour le film, Suge Knight, leur ancien rival, furieux du portrait qu’on fait de lui, vient demander des explications au réalisateur. Il est alors renvoyé du tournage par leur technicien de postproduction, Cle Sloan, ancien membre des Bloods lui-même, acteur dans Training Day (2001) et réalisateur de documentaires. Sloan retrouvera Knight quelques minutes plus tard sur le parking d’un fast-food accompagné d’un homme d’affaires local, Terry Carter, et volontaire dans des associations antigangs. Au volant de son 4 × 4, Suge Knight renversera les deux hommes, tuant le second. Il attend d’être jugé pour meurtre et tentative de meurtre.Deux jours plus tard, Dr. Dre, lui, est contraint de publier un communiqué de presse pour s’excuser auprès de son ancienne petite amie, la chanteuse Michel’le, et d’une journaliste, Dee Barnes, qu’il avait agressées et violentées. Toutes deux s’étaient émues de voir ces agressions passées sous silence dans le long-métrage.MisogynieEn effet, si le film montre sans ambiguïté la misogynie du groupe pendant les tournées, en insistant lourdement sur une orgie dans une chambre d’hôtel, il tait le passé violent de Dr. Dre avec les femmes. Le producteur, qui venait de sortir un nouvel album, Compton, inspiré du film, après quinze ans de silence musical, annulera toutes ses interviews, et sa venue en France. C’est Ice Cube et deux des acteurs qui répondront aux interrogations du Monde. Sur la misogynie, le producteur dit avoir essayé d’être «  le plus brutalement honnête, de montrer les bons côtés du groupe, les mauvais et les très moches : voilà comment se comporte un groupe − aussi jeune − quand le succès leur tombe dessus aussi vite ».Quant à sa relation conflictuelle avec Jerry Heller, le manageur du groupe, ami d’Eazy-E, fondateur du label Ruthless, qu’il fait passer pour un escroc dans son film, il reconnaît : « Jerry Heller était notre champion, il nous a toujours défendus devant la police, devant les médias, devant le FBI. Lui et Eazy avaient une relation père-fils, nous ne pouvions pas l’ignorer. Moi, je ne l’aimais pas, parce qu’il a essayé de me faire signer un document sans consulter un avocat. Je ne le hais pas, mais je ne lui pardonnerai pas de m’avoir fait passer pour un antisémite. »Pourtant, le rappeur, proche un temps de la Nation of Islam, organisation politico-religieuse américaine, consacre dans le film une longue séquence à son morceau d’insultes No Vaseline. Ice Cube s’emporte, s’adressant à Eazy-E : « Tu ne peux pas être de [l’équipe] des Niggas 4 Life avec un juif blanc qui te dicte tes actes. » Dans ses Mémoires publiés en 2007, Jerry Heller rappelle que Juifs et Noirs ont grandi dans les mêmes ghettos aux Etats-Unis. Ice Cube incite, aujourd’hui, les critiques du film à sortir leur propre version de leur histoire. Une suite tirée du livre de Jerry Heller serait la bienvenue.Stéphanie Binet (Los Angeles, envoyée spéciale)Journaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pas« Le rap n’est pas un art », assène un incrédule dans Straight Outta Compton, le film que F. Gary Gray consacre au groupe fondateur NWA. Personne ne prend vraiment la peine de lui répondre. Straight Outta Compton et ses rappeurs ont mieux à faire que rendre des comptes à quelqu’un qui n’y comprend manifestement rien. Le rap n’est pas un art, ni même de la musique : c’est au-delà d’un son. Une combinaison compliquée de voix, de vrai, de faux, de rimes, de prose, de fric, de poses, de galères anciennes ou vivaces, qui change d’airs et de visages au fil de ces 2 h 27 dont on peut supposer que, si elles n’avaient eu pour les rythmer que la musique, on les aurait senties plus difficilement passer.Lire aussi :La longue marche de NWA, de Compton à HollywoodComme dans tous les bons récits de genèse, le rap naît du chaos. De Compton, près de Los Angeles, qui n’est alors que drogue, corruption, guerre des gangs et violences policières, émerge à la fin des années 1980 la voix du reality rap, que l’on surnommera gangsta rap, autour de Eazy-E, Dr. Dre, Ice Cube, DJ Yella et MC Ren. Mais surtout de Compton, dans tout son prosaïsme et le marasme désabusé auquel elle incite. La première fois que la musique s’invite à l’image, c’est à travers la sono disproportionnée d’une voiture « tunée ». Une grosse sono dans une voiture, c’est un effet d’annonce, un héraut en tête de cortège, le premier regard de défi qui déclenche une bagarre : précisément ce que deviendra NWA pour une génération née et bousculée dans les cités, ou qui a pu faire semblant de l’être depuis les banlieues chics, pour occuper son indolence. Sans fiorituresNWA n’est d’abord qu’un jeu communautaire sérieux, mais partagé sans trop de façons (Eazy-E devient rappeur à l’improviste, en remplacement) par une poignée de post-adolescents que le film n’héroïse pas plus qu’il ne les accable. Venu à la réalisation par le clip (pour Ice Cube, notamment), F. Gary Gray dispense avec une économie surprenante les grands effets du genre. A quelques ralentis près, un peu de grandiloquence dans les scènes de concert, il brosse ses personnages comme il réalise : sans fioritures. Mais de manière générale, au-delà d’un casting très juste et d’un va-et-vient scénaristique classique entre prosaïsme des scènes familiales et exaltation de l’essor artistique et commercial, Straight Outta Compton, pourtant produit par Dr. Dre, Ice Cube et la veuve d’Eazy-E, ne se donne pas autant à ses héros qu’on aurait pu l’attendre. Son énergie – et sa finesse – va au tableau du rap dans ses différents âges.De jeu communautaire, le rap devient combat personnel contre la répression policière. Avec le succès vient la guerre, de la rue à la scène, de la scène à la rue : la police charge en plein concert. C’est encore l’adolescence et déjà l’apogée. Elle laisse à l’ère de la maturité qui suit un goût amer, un doute qui la poursuit jusqu’à ce générique de fin incongru dans ses velléités d’éloge, durant lequel les poulains de l’écurie Dre, Eminem, 50 Cents, martèlent tout ce qu’ils doivent à leur mentor, comme s’ils anticipaient son oraison funèbre. Les légendes vivantes ont la vieillesse précoce.Cachant sous les chaînes en or et les grosses cylindrées le souvenir obsédant de la rue, lerap et ses grandes gueules semblent n’avoir donné naissance à ce film que pour cette scène de concert guerrier, où la nature profonde de la musique s’inverse : née dans le sillage du réel, elle l’entraîne dans le sien. Sur scène, c’est le fils d’Ice Cube, O’Shea Jackson, qui incarne son père. Dans la fosse, des fans jouent les figurants. Ce n’est plus une reconstitution, c’est une renaissance, telle celle de Tupac, en hologramme, qui stupéfiait Coachella en 2012. Et il y a dans cette renaissance une fièvre, presque une rage, qui va au-delà du souvenir des exactions policières – comme la conscience douloureuse d’un temps qui a passé depuis l’âge d’or du reality rap, et peut-être laissé la réalité en arrière.Film américain de F. Gary Gray avec O’Shea Jackson Jr., Corey Hawkins, Jason Mitchell (2 h 27). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/straight-outta-compton et www.straightouttacompton.comNoémie LucianiJournaliste au Monde 12.09.2015 à 20h56 • Mis à jour le14.09.2015 à 08h46 | Franck Nouchi (Venise, envoyé spécial) Lion d’or au réalisateur vénézuélien Lorenzo Vigas pour son premier long-métrage Desde alla ; Lion d’argent du meilleur metteur en scène à El Clan du cinéaste argentin Pablo Trapero : à la veille de l’ouverture de la Mostra, Alberto Barbera, le directeur du festival de cinéma de Venise, nous avait confié que l’Amérique latine lui semblait aujourd’hui « le continent des plus grandes promesses cinématographiques ». Le jury présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron a visiblement fait sienne cette appréciation.Lire aussi :La Mostra de Venise redresse la têteUn nouveau malentenduDire que ce palmarès nous comble serait pour le moins exagéré. Mis à part El Clan, la quasi-totalité des films les plus passionnants de cette compétition en sont malheureusement absents. Beixi Moshuo du Chinois Zhao Liang, Rabin, The Last Day de l’Israélien Amos Gitai, Sangue Del Moi Sangue de Marco Bellochio ou encore Francofonia d’Alexandre Sokourov auraient largement mérité d’être couronnés samedi soir. Peut-être la présence, au sein du jury, de réalisateurs aussi chevronnés que Nuri Bilge Ceylan, Hou Hsiao-hsien ou encore Pawel Pawlikowski a-t-elle été en définitive contre-productive.Le fait est là en tout cas : après le Lion d’Or 2014 attribué au très décevant Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence du Suédois Roy Andersson, la compétition vénitienne, pourtant riche en excellents films, se termine sur un nouveau malentendu.Tourné à Caracas, Desde alla décrit les relations tumultueuses entre un jeune garçon des rues et un prothésiste dentaire d’âge mûr. Désir et rapports de classe : ainsi pourrait-on résumer brièvement la thématique de ce film aussi enlevé dans sa mise en scène qu’il est lourd dans son propos. Retenons néanmoins la performance de ses deux acteurs principaux, Luis Siva qui joue le rôle du jeune garçon, et surtout le Chilien Alfredo Castro, remarquable en prothésiste à la fois refoulé et humain. Observant que c’est la première fois qu’un film vénézuélien participait à la compétition vénitienne, Lorenzo Vigas a dédié son film à son pays et à son père, le peintre Oswaldo Vigas.Foisonnement du cinéma argentinNous ne ferons aucune réserve, en revanche, à propos de la présence d’El Clan au palmarès. Remportant un énorme succès public en Argentine où il est sorti depuis quelques semaines, ce film raconte l’histoire vraie d’une famille apparemment sans histoire qui, durant les premières années de la toute jeune démocratie argentine, s’était « spécialisée » dans les enlèvements avec demandes de rançons et assassinat des personnes enlevées. Filmé avec une extraordinaire énergie, parfois très drôle, El Clan témoigne de l’extraordinaire foisonnement du cinéma argentin actuel.Un mot sur l’étonnant Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson. On y retrouve dans ce dessin animé (pas vraiment destiné aux enfants) tout le savoir faire de Kaufman, l’un des scénaristes plus réputés aux Etats-Unis (Dans la peau de John Malkovich, Human Nature, Confession d’un homme dangereux, Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Il y a quelque chose de Michel Houellebecq dans ce film qui raconte la rencontre entre un auteur à succès et une jeune fille dotée d’une jolie voix dans un hôtel de Cincinnati : même approche quasi-clinique des détails de la vie quotidienne, même importance donnée à la misère sexuelle. A la fois drôle et corrosif, Anomalisa pourrait rencontrer un joli succès public lors de sa sortie en salle.Pas grand-chose à dire en revanche sur les deux prix d’interprétation. Luchini fait du Luchini et Golino du Golino. Le jury voulait certainement récompenser deux acteurs archi-confirmés. C’est fait.Lire :La Mostra de Venise saisie par la radicalitéFranck Nouchi (Venise, envoyé spécial)Journaliste au Monde Martine Delahaye Comment en êtes-vous venu à créer une chaîne de télévision, en 1996 ?Cela fait en gros trente ans que j’ai créé l’Institut Sundance pour donner vie à des films indépendants, et vingt ans que j’ai monté Sundance Channel. J’ai voulu créer cette chaîne de télévision parce que je constatais que de nombreux artistes passaient du cinéma à la télévision  : scénaristes, réalisateurs, producteurs. La télévision accordait plus d’argent, offrait plus d’opportunités, alors que les possibilités de faire des longs-métrages diminuaient en raison des exigences commerciales, de rentabilité et de succès, que l’on attendait dans le cinéma. J’en suis venu à me dire que pour que nos films soient vus par le plus grand nombre possible, il fallait lancer sa propre chaîne, ce qui m’a amené à la création de Sundance Channel. Aux Etats-Unis d’abord, puis ailleurs et notamment en France.N’est-il pas plus difficile de faire un film indépendant, aujourd’hui, que lorsque vous avez créé l’Institut et le festival Sundance ?Il a toujours été très difficile de faire des films, que ce soit au cinéma ou à la télévision, et cela reste encore le cas. L’idée, avec Sundance, c’était l’indépendance  : pour qu’existent des films indépendants, sachant que le circuit traditionnel du cinéma ne leur accordait pas de place. Il s’agissait de se focaliser sur ce type de films, et de tenter d’offrir plus d’opportunités aux scénaristes, aux réalisateurs, aux acteurs qui souhaitaient prendre cette voie. Pour que le public ait un plus large choix. Sur ce point, je pense que ça a été positif.C’était plus difficile il y a vingt ans. A l’époque, la télévision commençait tout juste à prendre le dessus. Aujourd’hui, elle compte beaucoup, de par sa valeur, sa distribution, les possibilités de création qu’elle offre. Et Sundance Channel y a participé en mettant en avant des films indépendants sur les écrans de télévision. Que pensez-vous des plates-formes accessibles via Internet comme Netflix ou Amazon ?Netflix, Amazon ou Hulu ont permis aux cinéastes de faire plus de films, vus par davantage de monde, et ont augmenté le nombre de sources de distribution. C’est très bénéfique. Ces plates-formes distribuent des films, et en viennent même à en financer, maintenant, ce qui augmente les opportunités pour les artistes.Grâce à Internet, d’autres ouvertures ont vu le jour  : la plate-forme de financement participatif Kick­starter, par exemple. Avec ce mécanisme de levée de fonds, les cinéastes peuvent maintenant se financer d’une tout autre manière, ce qui est très positif.Nous sommes dans une époque de transition pour financer des films indépendants. Il a toujours été difficile de faire des films indépendants, et ce sera toujours ainsi puisque l’argent est sous le contrôle de grands groupes.Après l’attentat contre « Charlie Hebdo », les télévisions américaines n’ont pas montré de « unes » du journal, pour ne pas heurter, ne pas blasphémer. Liberté d’expression mais interdiction de blasphémer  : quel est votre sentiment ?Je ne sais rien d’autre, à ce propos, que ce que j’ai pu en lire, ce qui ne suffit pas pour se faire une opinion. La seule chose que je puisse dire, c’est que je défends la liberté d’expression. C’est une des choses que j’apprécie aux Etats-Unis  : la liberté. La liberté d’expression. Même si cela va parfois à l’encontre de ce que vous ressentez, il est important qu’on puisse entendre la voix de chacun.Ce qui me chagrine, ce sont les gens étroits d’esprit, communautaristes, trop religieux, qui estiment qu’il faut penser de telle ou telle manière. La liberté d’expression suppose que l’on puisse entendre différents points de vue.Martine DelahayeJournaliste au Monde Isabelle Regnier Cette semaine, au cinéma, des femmes dans tous leurs états : Elisabeth Moss en dépressive borderline dans Queen of Earth, d’Alex Ross Perry ; Margita Gosheva en enseignante bulgare en proie à un violent dilemme moral dans The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov ; Jashaun St. John en jeune Indienne résistant aux puissances mortifères qui minent sa communauté dans Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao ; Dyan Cannon, en épouse découvrant les infidélités de son mari dans Des Amis comme les miens, un mélo ultradécadent signé Otto Preminger.UN SI BEAU VISAGE : « Queen of Earth », d’Alex Ross PerryAprès Listen Up Philip (2014), où le visage fascinant d’Elisabeth Moss apportait aux séquences où il apparaissait une forme de plénitude, une densité émotionnelle qui faisait défaut dans le reste du film, le jeune réalisateur new-yorkais retrouve son actrice pour lui donner le rôle principal de ce nouveau film, celui d’une jeune femme dépressive proche de la démence. A la lisière du drame psychologique et de l’horreur métaphysique, ce huis clos inventif et inspiré marque une étape considérable dans sa filmographie.Film américain d’Alex Ross Perry. Avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit, Kentucker Audley (1 h 30).GOÛT BULGARE : « The Lesson », de Kristina Grozeva et Petar ValchanovInspiré du cinéma des frères Dardenne, ce premier long-métrage mêle réalisme social, parabole morale, héroïne aimantant la caméra de bout en bout… Belle brune déterminée, mère de famille et enseignante d’anglais dans un lycée d’une petite ville bulgare, Nadia met tout en œuvre pour retrouver le coupable d’un larcin commis dans son établissement, qui ne se dénoncera jamais. Alors que le film revient régulièrement sur cette inlassable exigence de justice, sa vie personnelle tourne au cauchemar, l’extension de la question morale à cette sphère intime contredisant, non sans cruauté ni ironie, son expression publique.Film bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1 h 45).SIOUX JUSQU’AU BOUT : « Les Chansons que mes frères m’ont apprises », de Chloé ZhaoTourné dans la réserve sioux de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, le premier film de cette jeune cinéaste transcende la faiblesse de son scénario – un jeune homme aspire à fuir vers la Californie avec sa petite amie – par l’inspiration poétique qui nourrit les images et les situations. Centré sur une jeune fille d’une grande beauté, qui touche de sa grâce tous ceux qu’elle croise, il conjugue une chronique de la misère et de l’alcoolisme qui minent la communauté Oglala avec la célébration d’une culture qui a su traverser la guerre et la menace de l’extermination.Film américain de Chloé Zhao. Avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard, Travis Lone Hill (1 h 41).MÉLO FÉMININ, STADE TERMINAL : « Des Amis comme les miens », d’Otto Preminger Le cinéma d’Otto Preminger se caractérisa, à la fin de la carrière du réalisateur, par une trivialité qui a pu surprendre ses admirateurs. Des amis comme les miens appartient à cette période controversée. Adapté d’un roman de Lois Gould, c’est une satire grinçante et volontiers scabreuse. Une New-Yorkaise découvre les infidélités de son mari alors que celui-ci est plongé dans le coma après une opération chirurgicale. L’univers décrit est pourri jusqu’à la moelle, guidé par l’égoïsme et la frivolité, l’indifférence et la lubricité. Pourtant, le grotesque et la vulgarité n’empêchent pas, grâce au sens quasi musical de la mise en scène de celui qui fut le plus pervers des cinéastes hollywoodiens, une forme de mélancolie paradoxale mais authentique. Des amis comme les miens incarne exemplairement, et avec génie, le stade terminal d’un mélo féminin décadent et comateux.Film américain (1971) d’Otto Preminger. Avec William Redfield, Dyan Cannon, James Coco, Ken Howard (1 h 41).LE FEU POLLET : « La Ligne de mire », de Jean-Daniel Pollet Aux yeux de tout cinéphile qui se respecte, l’exhumation de La Ligne de mire – premier long-métrage de Jean-Daniel Pollet, réalisé en 1959, jamais montré en public, présumé détruit – est un événement de première importance. L’éditeur POM Films, qui divulgue petit à petit l’œuvre si rare de Pollet, sort aujourd’hui le film en DVD. Pollet s’y révèle : petits moyens, absence de scénario, tournage illégal, coup de force stylistique. Alors que la Nouvelle Vague s’apprête à déferler, ce premier long-métrage regarde plutôt du côté de la recherche sérielle et du nouveau roman, en un mot, d’Alain Resnais, dont il semble préfigurer, en un peu plus loufoque, le hiératique L’Année dernière à Marienbad. Soit un château lugubre, un personnage-narrateur-guitariste annonçant Pierre Vassiliu, une intrigue étique qui tourne en boucle, des airs lancinants façon « easy listening », des changements de saison à vue, des travellings dans la nuit parisienne, un vague trafic d’armes, une atmosphère de complot et de terrible solitude, une parabole kafkaïenne sur les arcanes de la création.Film français (1959) de Jean-Daniel Pollet. Avec Claude Melki, Michèle Mercier, Edith Scob (1 h 14). 1 DVD POM Films.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde Franck Nouchi Lundi 7 septembre sur Canal+ cinéma à 13 h 35Pas de doute : Yves Saint Laurent valait bien un film. Mais pour cela, il fallait qu’un cinéaste, un vrai, ayant un véritable rapport avec le cinéma, s’empare de cette vie à nulle autre pareille ; ose aller au plus près de ce que furent à la fois le génie créatif de cet homme et sa névrose autodestructrice que personne ne put vraiment apaiser. Ce cinéaste, c’est donc Bertrand Bonello. Son film s’appelle Saint Laurent, à ne pas confondre avec Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert.On pourrait consacrer l’essentiel de cette critique à comparer les deux ; expliquer pourquoi le film de Bonello surpasse celui de Lespert. On pourrait, mais ce serait dommage de ne pas se concentrer sur ce seul et passionnant Saint Laurent. Un mot, tout de même, pour résumer le « match » : dans le film de Lespert, l’histoire était racontée du point de vue de son compagnon Pierre Bergé (actionnaire à titre individuel du Monde), faisant de ce dernier le metteur en scène de la vie et de la carrière d’Yves Saint Laurent. Tandis que, dans Saint Laurent, c’est le réalisateur qui met en scène l’histoire qu’il entreprend de raconter.On a tout dit d’Yves Saint Laurent, qui, par son seul coup de crayon, parvint à changer l’image de la femme. Cela, évidemment, Bonello l’observe, mais c’est un tout autre Saint Laurent qui le passionne, résumé d’une formule par Andy Warhol : « Toi et moi sommes les deux plus grands artistes d’aujourd’hui. » Et bien plus qu’un biopic, c’est le portrait d’un créateur qu’il propose.Un hommage aux petites mains« Mondrian », « Libération », « Ballets russes » : les collections défilent devant nos yeux. Tout près du maître, tendres et attentives, se tiennent les deux muses qui l’accompagnèrent une bonne partie de sa vie, Betty Catroux (Aymeline Valade) et Loulou de la Falaise (Léa Seydoux). Dessiner un vêtement, le fabriquer, l’essayer : le film rend un bel hommage à toutes ces petites mains – couturières, brodeuses, retoucheuses… – sans le travail desquelles rien ne serait possible.Nulle volonté de reconstitution « à l’identique » : Bonello est un styliste, convaincu que les formes cinématographiques qu’il invente rendront justice au talent créateur de Saint Laurent. Un exemple, à la fin du film, lorsqu’il filme le défilé « Ballets russes ». Avec son monteur (Fabrice Rouaud), Bonello invente ce que l’on pourrait appeler « le montage Mondrian », une manière inédite de découper l’écran en plusieurs surfaces de tailles inégales qui fait irrésistiblement penser à ce peintre que Saint Laurent chérissait tant.Et puis, il y a les deux acteurs qui interprètent Saint Laurent : Gaspard Ulliel et Helmut Berger. Pour le premier, le défi était d’autant plus grand qu’il passait après Pierre Niney, qui parvenait, dans le film de Jalil Lespert, de façon assez hallucinante, à retrouver la gestuelle de Saint Laurent. Ulliel réussit lui aussi, en particulier par un travail sur la voix, à évoquer le couturier. Quant à l’acteur viscontien Helmut Berger, il incarne le Yves Saint Laurent de 1989, cet homme qui savait tout des femmes et qui mena avec génie le combat de l’élégance et de la beauté.Saint Laurent, de Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux (Fr., 2014, 150 min). (Lundi 7 septembre à 13 h 35 sur Canal+ cinéma)Franck NouchiJournaliste au Monde 02.09.2015 à 21h30 • Mis à jour le03.09.2015 à 08h50 S’achemine-t-on vers un divorce entre Dreamworks, le studio dirigé par Steven Spielberg, et le groupe Walt Disney ? L’Agence France-Presse rapporte mercredi 2 septembre que le contrat liant les deux sociétés, signé en 2009 et qui expire dans un an, et ne devrait pas être prolongé.Cette décision intervient alors que DreamWorks, dont le réalisateur Steven Spielberg est l’un des cofondateurs, traverse une passe difficile. Malgré le succès de son dernier film d’animation, Home, qui a rapporté plus de 380 millions de dollars (338,76 millions d’euros), la société de production et de distribution spécialisée dans le cinéma, la musique et les programmes télévisés a enregistré au deuxième trimestre une perte de 38,6 millions de dollars. Des mauvais résultats qui ont obligé le groupe, créé en 1994 et racheté en 2005 par la Paramount, de supprimer 500 postes.L’évolution du modèle Disney, qui a acquis ces dernières années Lucasfilm, Marvel et Pixar, n’irait pas non plus dans le sens des films que Dreamworks veut produire, selon plusieurs sources. Avec ses filiales, Walt Disney Pictures met en effet l’accent sur les films comme Star Wars ou Vice-Versa, dont les personnages et l’univers peuvent être déclinés en produits pour ses autres divisions : jeux vidéos, parcs d’attraction, produits dérivés, figurines et autres déguisements. Un modèle qui correspond peu aux films du studio de Spielberg, qui a récemment produit Les Recettes du bonheur, avec Helen Mirren.Pour la suite, DreamWorks serait en négociation avec Universal Studios, qui « se réjouirait de l’opportunité de devenir le partenaire de distribution de DreamWorks », a indiqué une source au sein d’Universal citée par Hollywood Reporter, tout en précisant qu’il est prématuré d’évoquer un accord.Le dernier film de Dreamworks distribué par Disney devrait être The BFG (Le Bon Gros Géant), adapté d’une nouvelle de Roald Dahl et qui doit sortir le 1er juillet. Thomas Sotinel et Isabelle Regnier En cette semaine de rentrée, riche et éclectique, les sorties en salles offrent leur lot d’enchantement exotique (Cemetery of Splendour, d’Apichatpong Weerasethakul), de fiction brûlante d’actualité (Mediterranea, de Jonas Carpignano), d’animation à haute valeur ajoutée culturelle et artistique (Miss Hokusai, de Keiichi Hara). Les amateurs de sensations fortes pourront se ruer à la Cinémathèque française où commence la rétrospective Sam Peckinpah, ou bien sur le troisième coffret de l’intégrale DVD de Werner Herzog.ENCHANTEMENT GARANTI : « Cemetery of Splendour », d’Apichatpong WeerasethakulAprès Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Palme d’or en 2010, ce nouveau film du cinéaste thaïlandais a été présenté à Cannes en mai dernier, dans la section Un certain regard. Sur ce territoire où il revient inlassablement, à la lisière de la jungle thaïlandaise et d’une petite ville provinciale, il puise la sève d’un récit, peuplé comme toujours chez lui de personnages sans histoires, de gentils fantômes et de créatures légendaires. La magie naît ici dans un hôpital de fortune, sous lequel ont été enterrés, il y a des siècles, des rois qui continuent à se livrer bataille. Enchantement garanti pour tous ceux qui aiment rêver les yeux ouverts.Film thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul. Avec Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram (2 h 02)LE DUR ROMAN DES MIGRANTS : « Mediterranea », de Jonas CarpignanoCette fiction percutante retrace le parcours semé d’embûches de deux migrants partis de leur Burkina Faso natal, Ayiva et Abas, pour rejoindre l’Italie. Elle s’inspire d’histoires vécues par des cueilleurs d’agrumes africains installés en Italie du Sud, à Rosarno, en Calabre, que le réalisateur a rencontrés à la suite des premières émeutes qui ont éclaté dans des campements de migrants près de la ville. Agé de 31 ans, cet Italien a pour sa part grandi des deux côtés de l’Atlantique, partagé entre la banlieue de Rome, où vivait son père, et le Bronx, à New York, où était installée sa mère.Film italien de Jonas Carpignano. Avec Koudous Seihon, Alassane Sy (1 h 47).LE GRAND ART, DE PÈRE EN FILLE : « Miss Hokusai », de Keiichi HaraRécompensé du prix du jury au Festival d’Annecy 2015, ce film d’animation est une adaptation à l’écran de « Sarusuberi », l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteure de mangas Hinako Sugiura. A travers la relation entre le peintre Hokusai et sa fille O-Ei, qui travailla toute sa vie à ses côtés, il dresse, dans une superbe harmonie de clairs-obscurs, un fascinant tableau de caractères, mais aussi de la ville qui les abrite à la période Edo, immense et fourmillante, riche de détails quotidiens nettoyés du vernis romanesque.Film d’animation japonais de Keiichi Hara (1 h 30).MANIAQUE GLOBE-TROTTEUR : Werner Herzog - volume III : 1984-2000 Dans la carrière épique de Werner Herzog, les années 1984 à 2000 sont celles d’une longue traversée du désert, bornée en amont par le désastre de Fitzcarraldo, et en aval par le génial et non moins modeste Grizzly Man. Consignée dans le 3e des quatre coffrets de l’intégrale DVD que lui consacrent Potemkine et agnès b., cette période méconnue de son œuvre a vu fleurir une douzaine de films qui incarnent jusqu’au vertige la fièvre globe-trotteuse de ce grand marcheur devant l’éternel qu’est le cinéaste allemand. Tournés dans 12 pays différents, ils esquissent une trajectoire cohérente, marquée en son début par la mort de Klaus Kinski, son alter ego démoniaque, et à sa fin par une sidérante trilogie documentaire où la folie et la mort se livrent à un tango endiablé.6 DVD + 1 livret. Potemkine et agnès b.SENSATIONS FORTES : Les hordes de Sam Peckinpah déferlent sur la France Il y a les mercenaires fatigués de La Horde Sauvage, les paysans des Cornouailles qui terrorisent Dustin Hoffman dans Les Chiens de paille, les fantassins de la Wehrmacht qui livrent un combat sans honneur ni espoir dans Croix de fer, les cavaliers nordistes égarés au Mexique de Major Dundee. Il ne fait pas bon être un homme dans les films de Sam Peckinpah (une femme non plus, mais c’est une autre histoire). Mais quel plaisir de redécouvrir un cinéma à la fois précis et flamboyant, qui filtre son analyse de la violence américaine à travers un montage précis. On peut s’immerger dans cet univers à la Cinémathèque, à partir du 2 septembre, en salles dans les semaines qui suivront, à la Cinémathèque de Toulouse en octobre. Thomas SotinelJournaliste au MondeIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel On comprend maintenant que la Suisse n’était que la première étape d’une invasion. Les hordes de Sam Peckinpah, de la plus connue – La Horde Sauvage – aux plus obscures – les fantassins allemands de Croix de fer – en passant par les paysans corniques des Chiens de paille, s’apprêtent à s’abattre sur la France. La rétrospective présentée en août au Festival de Locarno est montrée dans toute son exhaustivité à la Cinémathèque française du 2 au 28 septembre.Lire aussi :Festival de Locarno : Sam Peckinpah, cinéaste du chaosClassiques et films mauditsRue de Bercy, on pourra réviser les classiques de l’anatomiste de la violence américaine – Guet-apens ou Major Dundee – et ses films maudits – Pat Garrett et Billy le Kid ou Le Convoi – avec, en plus, toute sa production pour la télévision, de nombreux épisodes de la série « L’Homme à la carabine » diffusée en France au temps de l’ORTF en noir et blanc, et d’autres de « The Westerner », restée inédite chez nous.Deux rencontres consacrées au cinéma de Peckinpah sont organisées, animées par Fernando Ganzo, le 10 septembre, et par notre collaborateur Jean-François Rauger, le 24.Du 13 au 29 octobre, la Cinémathèque de Toulouse prendra le relais, montrant tous les longs-métrages du cinéaste, des premiers westerns à Osterman Weekend (1983), adapté de Robert Ludlum, son ultime œuvre. Pendant ce temps, les distributeurs de films de patrimoine ne restent pas inactifs : sortiront successivement en salles La Horde Sauvage (le 9 septembre), Le Guet-apens (le 16 septembre), Croix de fer et Pat Garrett et Billy le Kid (le 23 septembre).Enfin, les éditions Capricci publient un ouvrage collectif sur le cinéma de Peckinpah qui mêle entretiens avec le cinéaste et ses collaborateurs et textes critiques (de Chris Fujiwara, Emmanuel Burdeau, Christoph Huber et Jean-François Rauger).Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart La soirée du dimanche 30 août, sur Arte, était un hommage à la comédienne suédoise Ingrid Bergman, née en 1915 et disparue en 1982 des suites d’un cancer dont elle souffrait depuis presque dix ans déjà.On aurait souhaité qu’Arte préfère à l’archiconnu Casablanca (1942), de Michael Curtiz, un film moins vu à la télévision, tel Anastasia (1956), d’Anatole Litvak, qui valut à Ingrid Bergman son second Oscar. Mais suivait, à 22 h 15, le documentaire Je suis Ingrid (2014), de Stig Björkman, un long (1 h 47) et passionnant hommage à la carrière et à la vie étonnantes de l’actrice, qui fit scandale aux Etats-Unis quand elle décida de rompre avec son premier mari, le neurochirurgien suédois Petter Lindström, alors qu’elle était tombée amoureuse du cinéaste italien Roberto Rossellini lors du tournage du film Stromboli (1950), leur première collaboration.Ingrid Bergman était doublement fautive aux yeux de l’Amérique puritaine d’alors. Elle avait d’abord quitté Hollywood – qu’elle qualifiait d’« usine à rêve » à son arrivée en 1939 mais dont les usages avaient fini par la lasser – pour poursuivre une carrière dans le cinéma européen, plus inventif à ses yeux. Mais elle avait aussi laissé outre-Atlantique sa première fille, Pia. A ce double scandale s’ajoutait un troisième : Ingrid Bergman devait s’afficher enceinte au moment de son mariage avec l’Italien, donnant naissance en 1950 à Roberto Ingmar Rossellini puis, en 1952, aux jumelles Isabella et Isotta. Hollywood le lui fera payer, la bannissant de ses studios pendant de longues années.C’est Isabella Rossellini, devenue à son tour actrice, qui suggéra à Stig Björkman de réaliser ce documentaire, mettant à sa disposition une manne de films et de photographies privés pris par Ingrid Bergman. Car, tout comme Grace Kelly, la Suédoise ne cessera de fixer sur pellicule la vie de sa famille ou, plus exactement, de ses familles.« Je réinvente ma vie tous les dix ans »A cela s’ajoute la matière fournie par un journal intime de la comédienne, ainsi que par une foule de documents accumulés, transportés d’un pays et d’une maison à l’autre, au fil des pérégrinations de cette femme polyglotte (elle joua en suédois, en anglais, en français, en allemand et en italien) et suprêmement libre.Elle avait aimé le reporter de guerre Robert Capa, le cinéaste Victor Fleming. Lassée de l’emprise trop jugulante de Rossellini, qui ne voulait pas qu’elle tournât avec d’autres réalisateurs, elle le quitte et épouse un Suédois, le producteur de théâtre Lars Schmidt.Ingrid Bergman était une mère aimante, mais sa carrière passait avant toute autre chose. Elle sera, de l’aveu même de ses enfants, qui témoignent de manière pudiquement poignante au cours du documentaire, « davantage une amie qu’une mère ». En famille, elle se lassait vite : rien ne valait la joie de tourner ou de jouer au théâtre, la camaraderie des acteurs, avec lesquels elle entretenait des relations affectueuses et parfois protectrices. « La grande perche que j’étais a trouvé formateur de travailler avec cette femme si affable et si à l’aise dans ce grand corps », témoigne la comédienne Sigourney Weaver, qui débuta sur les planches de Broadway en 1975 au côté d’Ingrid Bergman.Aux documents personnels inédits, Stig Björkman a ajouté de nombreux extraits d’archives d’entretiens télévisés, en plusieurs langues, où l’œil franc et le front haut de la Suédoise, ainsi que son humour, témoignent de son implacable lucidité, de son indomptable liberté personnelle. Celle qui dira à un journaliste inquisiteur « je réinvente ma vie tous les dix ans » n’avait-elle écrit dans son journal : « J’étais la créature la plus timide qui soit, mais j’avais en moi un lion qui ne voulait pas se taire. » « Je suis Ingrid », de Stig Björkman (Suède, 2014, 107 min), prochaine diffusion dimanche 6 septembre à 1 h 45 et en visionnage sur Arte +7.TCM Cinéma propose, en septembre, 19 films avec Ingrid Bergman et une interview inédite de sa fille, Isabella Rossellini, rencontrée dans le cadre de la rétrospective Ingrid Bergman à la Cinémathèque française.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget. Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre L’information est presque passée inaperçue. Le Festival du film de Vendôme (Loir-et-Cher), l’un des spots du court-métrage avec Clermont-Ferrand, Brives ou Pantin, n’aura plus lieu. La vingt-troisième édition s’est tenue du 5 au 12 décembre 2014, rassemblant plus de onze mille spectateurs et couronnant du Grand Prix le court-métrage de Davy Shou, Cambodia 2099 (dévoilé à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2014) : au Cambodge, à Phnom Penh, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille. Le Prix spécial du jury est allé à Jean-Gabriel Périot, et à son film au titre évocateur : Si jamais nous devons disparaître, ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu’à la fin. C’est l’inverse qui s’est produit, à Vendôme : l’arrêt du festival du film n’a pas fait de vagues, du moins dans les médias, mais l’annonce a eu un effet anxiogène dans la profession…L’équipe, elle, a compris qu’une page se tournait. Le festival était piloté par l’agence Ciclic, un établissement public de coopération culturelle (EPCC) dédié au livre, à l’image et à la culture numérique. L’agence a été créée en 1991 par Jean-Raymond Garcia et Philippe Germain, deux pionniers persuadés – à juste titre – que les régions seraient appelées à jouer un rôle important dans la production des films « courts ». La Haute-Normandie et la Bretagne avaient ouvert la voie. Aujourd’hui, presque toutes les régions soutiennent ces formats, qui révèlent (entre autres) les nouveaux talents.Un arbitrage budgétaireLe Festival du film de Vendôme ne fait pas les frais de la réforme territoriale, car la région Centre n’est pas appelée à fusionner en 2016, à l’inverse de Rhône-Alpes ou de l’Aquitaine. Sa suppression relève d’un choix stratégique, doublé d’un arbitrage budgétaire : la région Centre a décidé d’orienter son soutien en direction du cinéma d’animation, en finançant à 80 % un lieu de résidence, Image Image, qui sera piloté par Ciclic et ouvrira ses portes à l’automne. Après quinze d’années d’expérience, les résidences d’animation à Ciclic déménagent dans les anciennes écuries militaires du quartier Rochambeau, à Vendôme : deux plateaux de tournage de 40 mètres carré chacun, des bureaux de production, des espaces d’hébergement…L’ancienne maire de Vendôme, la socialiste Catherine Lockhart, avait soutenu ce projet, en vue de « spécialiser la politique culturelle sur l’image et l’animation », explique-t-elle au Monde. « Une vingtaine d’équipes artistiques seront accueillies chaque année. Et nous soutiendrons la production d’une quinzaine de courts-métrages d’animation par an, contre six ou sept aujourd’hui », détaille le patron de Ciclic, Olivier Meneux. L’arrêt du festival est également lié à des difficultés budgétaires : il y a deux ans, le conseil général du Loir-et-Cher s’était retiré du financement. Et la ville de Vendôme avait manifesté dernièrement des difficultés… Sollicité à hauteur de 100 000 euros, pour l’année 2015, le nouveau maire UMP, Pascal Brindeau, n’a engagé que 54 000 euros.« Le festival devenait trop lourd à porter pour la région. Nous avons considéré que la manifestation avait vécu, du point de vue du financement. Mais je ne dis pas que l’arrêt du festival n’est pas un problème », nuance Olivier Meneux. L’agence Ciclic va augmenter son soutien aux courts-métrages, ajoute-t-il, en privilégiant l’animation plutôt que la fiction. Parmi ses trophées, Ciclic cite La Petite Casserole d’Anatole, d’Eric Montchaud : l’auteur y avait été accueilli en résidence et voilà que son court est sélectionné aux Césars 2015.« Ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles »Emilie Parey, la déléguée générale du festival, qui assurait la programmation, encaisse « la triste nouvelle » mais croit en l’avenir. « Les deux permanents du festival ne sont pas licenciés. Il va falloir réinventer avec les moyens qui sont les nôtres, continuer d’accompagner l’émergence. Notre envie a toujours été de ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles. » Sous-entendu, l’équipe va continuer à défricher. Il reste l’empreinte des cinéastes sélectionnés au festival, ou primés, tels Alain Guiraudie, Joachim Lafosse, Bouli Lanners, Sophie Letourneur, les frères Larrieu, Yolande Moreau…Ou encore Momoko Seto, la jeune réalisatrice née à Tokyo, qui avait été accueillie à Ciclic pour le tournage de Planet Z, et faisait partie du jury de l’édition 2014. « J’ai un lien fort avec le festival et Vendôme, j’y ai même rencontré mon mari, vous pouvez l’écrire ! », raconte-t-elle, lundi 9 février, avant de s’envoler pour la Berlinale, où elle accompagne son dernier court en compétition, Planet Sigma.Les bons souvenirs donnent envie de continuer. Entre autres, celui-ci : « Vendôme est la ville natale d’Alain Cavalier. Un jour, le cinéaste a fait un beau cadeau aux jeunes festivaliers. Il est venu leur parler de cinéma, les a filmés. Puis le film a été projeté en soirée de clôture », raconte Anne Berrou, l’attachée de presse du festival. L’éducation à l’image va continuer, et le critique des Cahiers du Cinéma, Thierry Méranger, y est très attaché ! Enseignant au lycée Rotrou, à Dreux, il accompagnait ses élèves en option cinéma au Festival du film de Vendôme. « Les jeunes sont très investis. Le festival, c’était aussi cinquante jeunes à plein temps pendant huit jours. Vendôme a aussi popularisé les ateliers de programmation : les lycéens visionnent quinze ou vingt courts en amont et concoctent une programmation officielle d’une heure et trente minutes. » Mais il s’interroge : « En se privant de son vaisseau amiral, Vendôme ne va-t-elle pas perdre en visibilité ? »Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le11.02.2015 à 18h27 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence du jury au grand complet.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Le palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre L’information est presque passée inaperçue. Le Festival du film de Vendôme (Loir-et-Cher), l’un des spots du court-métrage avec Clermont-Ferrand, Brives ou Pantin, n’aura plus lieu. La vingt-troisième édition s’est tenue du 5 au 12 décembre 2014, rassemblant plus de onze mille spectateurs et couronnant du Grand Prix le court-métrage de Davy Shou, Cambodia 2099 (dévoilé à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2014) : au Cambodge, à Phnom Penh, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille. Le Prix spécial du jury est allé à Jean-Gabriel Périot, et à son film au titre évocateur : Si jamais nous devons disparaître, ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu’à la fin. C’est l’inverse qui s’est produit, à Vendôme : l’arrêt du festival du film n’a pas fait de vagues, du moins dans les médias, mais l’annonce a eu un effet anxiogène dans la profession…L’équipe, elle, a compris qu’une page se tournait. Le festival était piloté par l’agence Ciclic, un établissement public de coopération culturelle (EPCC) dédié au livre, à l’image et à la culture numérique. L’agence a été créée en 1991 par Jean-Raymond Garcia et Philippe Germain, deux pionniers persuadés – à juste titre – que les régions seraient appelées à jouer un rôle important dans la production des films « courts ». La Haute-Normandie et la Bretagne avaient ouvert la voie. Aujourd’hui, presque toutes les régions soutiennent ces formats, qui révèlent (entre autres) les nouveaux talents.Un arbitrage budgétaireLe Festival du film de Vendôme ne fait pas les frais de la réforme territoriale, car la région Centre n’est pas appelée à fusionner en 2016, à l’inverse de Rhône-Alpes ou de l’Aquitaine. Sa suppression relève d’un choix stratégique, doublé d’un arbitrage budgétaire : la région Centre a décidé d’orienter son soutien en direction du cinéma d’animation, en finançant à 80 % un lieu de résidence, Image Image, qui sera piloté par Ciclic et ouvrira ses portes à l’automne. Après quinze d’années d’expérience, les résidences d’animation à Ciclic déménagent dans les anciennes écuries militaires du quartier Rochambeau, à Vendôme : deux plateaux de tournage de 40 mètres carré chacun, des bureaux de production, des espaces d’hébergement…L’ancienne maire de Vendôme, la socialiste Catherine Lockhart, avait soutenu ce projet, en vue de « spécialiser la politique culturelle sur l’image et l’animation », explique-t-elle au Monde. « Une vingtaine d’équipes artistiques seront accueillies chaque année. Et nous soutiendrons la production d’une quinzaine de courts-métrages d’animation par an, contre six ou sept aujourd’hui », détaille le patron de Ciclic, Olivier Meneux. L’arrêt du festival est également lié à des difficultés budgétaires : il y a deux ans, le conseil général du Loir-et-Cher s’était retiré du financement. Et la ville de Vendôme avait manifesté dernièrement des difficultés… Sollicité à hauteur de 100 000 euros, pour l’année 2015, le nouveau maire UMP, Pascal Brindeau, n’a engagé que 54 000 euros.« Le festival devenait trop lourd à porter pour la région. Nous avons considéré que la manifestation avait vécu, du point de vue du financement. Mais je ne dis pas que l’arrêt du festival n’est pas un problème », nuance Olivier Meneux. L’agence Ciclic va augmenter son soutien aux courts-métrages, ajoute-t-il, en privilégiant l’animation plutôt que la fiction. Parmi ses trophées, Ciclic cite La Petite Casserole d’Anatole, d’Eric Montchaud : l’auteur y avait été accueilli en résidence et voilà que son court est sélectionné aux Césars 2015.« Ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles »Emilie Parey, la déléguée générale du festival, qui assurait la programmation, encaisse « la triste nouvelle » mais croit en l’avenir. « Les deux permanents du festival ne sont pas licenciés. Il va falloir réinventer avec les moyens qui sont les nôtres, continuer d’accompagner l’émergence. Notre envie a toujours été de ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles. » Sous-entendu, l’équipe va continuer à défricher. Il reste l’empreinte des cinéastes sélectionnés au festival, ou primés, tels Alain Guiraudie, Joachim Lafosse, Bouli Lanners, Sophie Letourneur, les frères Larrieu, Yolande Moreau…Ou encore Momoko Seto, la jeune réalisatrice née à Tokyo, qui avait été accueillie à Ciclic pour le tournage de Planet Z, et faisait partie du jury de l’édition 2014. « J’ai un lien fort avec le festival et Vendôme, j’y ai même rencontré mon mari, vous pouvez l’écrire ! », raconte-t-elle, lundi 9 février, avant de s’envoler pour la Berlinale, où elle accompagne son dernier court en compétition, Planet Sigma.Les bons souvenirs donnent envie de continuer. Entre autres, celui-ci : « Vendôme est la ville natale d’Alain Cavalier. Un jour, le cinéaste a fait un beau cadeau aux jeunes festivaliers. Il est venu leur parler de cinéma, les a filmés. Puis le film a été projeté en soirée de clôture », raconte Anne Berrou, l’attachée de presse du festival. L’éducation à l’image va continuer, et le critique des Cahiers du Cinéma, Thierry Méranger, y est très attaché ! Enseignant au lycée Rotrou, à Dreux, il accompagnait ses élèves en option cinéma au Festival du film de Vendôme. « Les jeunes sont très investis. Le festival, c’était aussi cinquante jeunes à plein temps pendant huit jours. Vendôme a aussi popularisé les ateliers de programmation : les lycéens visionnent quinze ou vingt courts en amont et concoctent une programmation officielle d’une heure et trente minutes. » Mais il s’interroge : « En se privant de son vaisseau amiral, Vendôme ne va-t-elle pas perdre en visibilité ? »Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial)) Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.Lumière naturelleL’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial))Journaliste au Monde Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 27.02.2015 à 18h17 • Mis à jour le28.02.2015 à 16h38 | Benjamin Benoit Il avait déjà fait pleurer les fans de « Star Trek » lorsque le personnage qui l’a rendu célèbre, Spock, s’était sacrifié pour sauver le vaisseau Enterprise. Leonard Nimoy est décédé vendredi 27 février, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme au New York Times. Il avait été hospitalisé en début de semaine pour des douleurs à la poitrine. Marié pendant trente-trois ans à l’actrice Sandra Zober, dont il a divorcé en 1987, il avait épousée le Jour de l’an 1989 Susan Bay, cousine du réalisateur de films d’action Michael Bay.Né le 26 mars 1931 à Boston, Leonard Nimoy est le fils d’un couple de juifs orthodoxes ukrainiens. Encouragé par son grand-père, il fait ses premiers pas d’acteur à 8 ans, et, neuf ans plus tard, décroche un rôle dans une production amateur. Il entre à l’université de Boston, mais ne termine pas son cursus de théâtre. Passé professionnnel, il accumule une cinquantaine d’apparitions dans des films de séries B, dont Perry Mason, Bonanza ou Two Faces West.Sur l’un de ces tournages, en 1954, il rencontre William Shatner, alias capitaine Kirk dans « Star Trek ». Les deux hommes rejoignent, en 1966, le casting de cette petite série produite par un studio en déclin, Desilu (bientôt Paramount), dont les trois premières saisons sont diffusées de 1966 à 1969. Nimoy y campe Spock, un métis mi-homme mi-Vulcain, une race caractérisée par sa logique et son premier degré excessif. Ses racines humaines, plus émotives, ressurgissent parfois et font tout le sel de ce personnage extraterrestre, torturé et souvent... 26.02.2015 à 11h18 • Mis à jour le26.02.2015 à 15h00  « J'aimerais faire sortir Ripley de son orbite spatiale et donner une fin digne de ce nom à une si bonne histoire. » Dans une interview à la chaîne Sky Movies, l'actrice américaine Sigourney Weaver, 65 ans, a annoncé reprendre le rôle du lieutenant Ripley dans une suite directe du second film de la tétralogie, Aliens, le retour. « Je veux faire en sorte que ce film soit littéralement le frère génétique d'Aliens. Il y aura Alien, Aliens, et ce film », confirme dans cette même vidéo celui qui en sera le réalisateur, le Sud-Africain Neill Blomkamp (District 9, Elysium).« C'est une sorte de cauchemar freudien, a-t-il précisé à propos de son amour pour le film de James Cameron. C'est cet aspect qui m'intéresse le plus, essayer d'accrocher le spectateur à son siège pendant toute la séance avec un mélange de couloirs sombres et de monstre traqueur. Mixez ça avec le cycle de vie et le design de l'Alien, et pour moi vous avez une mine de créativité explosive. »Aucune référence à « Alien 3 » et « Alien, la résurrection »La tétralogie « Alien » se compose de quatre films, tous réalisés par des metteurs en scène différents, Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979), James Cameron (Aliens, le retour, 1986), David Fincher (Alien 3) et Jean-Pierre Jeunet (Alien, la résurrection, 1997), qui ont chacun leurs amateurs – et leurs détracteurs – respectifs.James Cameron a plusieurs fois renié Alien 3, qui commence par dilapider l'héritage de son film en montrant dès la scène d'introduction la mort d'un des personnages centraux d'Aliens, le retour. Le souhait de Sigourney Weaver de « clore » l'histoire du second film a suscité de nombreux commentaires tantôt enthousiastes ou inquiets quant à la cohérence de la saga. Interrogé par le quotidien anglais The Guardian, Neill Blomkamp a confirmé qu'il voulait « catégoriquement » éliminer toute référence aux épisodes suivants.Le réalisateur sud-africain et Sigourney Weaver ont déjà collaboré ensemble sur Chappie, un film de science-fiction à l'affiche mercredi 4 mars. La suite d'Aliens, le retour n'a, quant à elle, ni titre ni date de sortie en salles pour l'instant. 25.02.2015 à 15h58 • Mis à jour le25.02.2015 à 16h25 | Clarisse Fabre Ce n’est pas vraiment un coup de tonnerre dans le milieu du cinéma français. L’annulation, par le Conseil d’Etat, mardi 24 février, de l’arrêté d’extension de la convention collective de la production cinématographique, était plus ou moins attendue. En effet, la haute juridiction n’a fait que suivre les conclusions de son rapporteur public, Alexandre Lallet, lequel proposait fin janvier d’annuler l’arrêté d’extension au motif que l’un des signataires de ce texte, paraphé le 19 janvier 2012, n’était pas représentatif dans le secteur.La convention collective du cinéma menacée d’annulationSignée en janvier 2012, au terme de sept années de rudes négociations, la convention collective fixe les minima salariaux pour les ouvriers et les techniciens du cinéma, et encadre la durée du travail. Elle a été paraphée par tous les syndicats de salariés, sauf la CFDT, et par la seule organisation patronale, l’Association des producteurs indépendants (API), qui rassemble Pathé, Gaumont, UGC et MK2.Ses opposants, parmi lesquels les producteurs de films à petit budget, de documentaires, etc., estimaient que les nouvelles règles allaient alourdir les budgets des productions et risquaient de compromettre l’existence de tout un pan du cinéma d’auteur. Ils contestaient ensuite la représentativité de l’API, regroupant les seuls « gros » du secteur – et à ce titre capables de supporter la nouvelle grille des salaires.Lire aussi : Films d'auteur : le Conseil d'Etat veilleMais le ministre du travail d’alors, Michel Sapin, avait donné son agrément à ce texte, et l’avait étendu à toute la profession par un arrêté du 1er juillet 2013. Divers syndicats de producteurs (APC, SPI…) avaient alors attaqué cet arrêté devant le Conseil d’Etat.C’est ce recours qu’a examiné la haute juridiction administrative. A l’instar de son rapporteur public, le Conseil d'Etat souligne, dans sa décision du 24 février, que l’API n’est pas représentative du secteur, eu égard au nombre de films produits, au nombre de salariés concernés, etc.Un faible impactPour autant, le Conseil d’Etat ne prononce pas l’annulation de la convention collective elle-même. Par ailleurs, et surtout, le Conseil d’Etat n’a pas pu tenir compte, dans sa décision, de faits intervenus ultérieurement à la date du 1er juillet 2013. En effet, pour tenir compte des films à petit budget, un avenant avait été ajouté au texte initial, ce qui avait permis de rallier à la convention collective, par la suite, la plupart des syndicats de producteurs. Ces derniers s’étaient alors retirés du recours en annulation devant le Conseil d’Etat.L’annulation prononcée le 24 février n’a donc qu'un faible impact, sur un plan pratique. La convention collective du cinéma continue de s’appliquer aux organisations signataires, lesquelles couvrent une grande partie du secteur.Diversité du cinéma françaisMais, symboliquement, les producteurs de films à petit budget ont gagné une bataille. Leur cri d’alerte est enfin reconnu : si elle avait été signée sans avenant, la convention collective du 19 janvier 2012 aurait bel et bien pu porter atteinte à la diversité du cinéma français, laquelle contribue largement à son rayonnement dans le monde.De son côté, dans un communiqué, le 24 février, le gouvernement « prend acte » de la décision et des motifs de la haute juridiction administrative. Mais il rappelle que des faits nouveaux sont « intervenus depuis l’arrêté du 1er juillet 2013, en particulier l’adhésion à la convention de nombreuses organisations professionnelles représentatives dans le secteur ». Et le gouvernement s’apprête à lancer une nouvelle procédure d’extension de la convention collective. « L’arrêté sera publié dans le courant du mois de mars », lit-on dans le communiqué. Surtout, ne pas laisser flotter le vide juridique.Pour l'heure, personne n’élève la voix. Sans doute les professionnels préfèrent-ils faire profil bas dans un contexte économique difficile pour le cinéma français. Cela ne signifie pas que les divisions ont pris fin. Les discussions ne sont pas tout à fait closes, notamment sur la question des films à petit budget. Chacun prépare ses armes pour la suite.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 23.02.2015 à 12h02 • Mis à jour le 23.02.2015 à 17h13Abonnez-vousà partir de 1 €data-url="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html"data-title="Un film de fin d'études français sélectionné par l'Académie des Oscars"data-picture="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/20/400x300/4580752_7_c876_l-affiche-du-film-sweet-cocoon_47a50a1ab951839955ea39f4de87fb23.jpg" Partager data-href="http://campus.lemonde.fr/vie-etudiante/article/2015/02/23/un-film-de-fin-d-etudes-francais-selectionne-par-l-academie-des-oscars_4580746_4401467.html" data-layout="standard" data-action="recommend" data-show-faces="false"Cinq étudiants fraîchement diplômés de l'Ecole supérieure des métiers artisitiques (ESMA), à Montpellier, ont vu leur court métrage d'animation de fin d'études sélectionné par l'Académie des Oscars, fin janvier. Sweet cocoon ne fait certes pas partie des cinq nominés dans cette catégorie pour la cérémonie des Oscars, dimanche 22 février. Mais ce bijou sans paroles de 6 minutes, sur la métamorphose d'une chenille en papillon, est diffusé avec les nominés depuis plusieurs semaines dans plus de 400 salles de cinéma aux Etats-Unis, avant d'être proposé sur le site shorts.tv, puis sur les plus grandes plateformes de VOD américaines.Ses cinq auteurs, Matéo Bernard, Matthias Bruget, Jonathan Duret, Manon Marco et Quentin Puiraveau se sont envolés pour Los Angeles cette semaine où ils doivent visiter plusieurs studios d'animation. width="314" height="157" alt="Les lauréats 2014 de l'Institut du service civique." src="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/26/314x157/4584273_3_56b2_les-laureats-2014-de-l-institut-du-service_bd0d003f699999264591bb6e60038cb8.jpg" « L'Institut du service civique m'a apporté une aide qui n'a pas de prix » Le point sur la procédure de recrutement et les chances de réussite. width="314" height="157" alt="Une manifestation de l'Unef en 2011 pour protester contre les mesures d'austérité." src="http://s2.lemde.fr/image/2013/10/23/314x157/3501233_3_80dc_une-manifestation-de-l-unef-en-2011-pour_fcbd3e5fa90bc7c3977b2638ac5ca9f3.jpg" Professeurs et étudiants se mobilisent contre la pénurie budgétaire à l'université Les Journées européennes des écoles de photographie permettent de faire voir son book, de tirer ses œuvres grand format et de nouer des contacts avec des professionnels. width="314" height="157" alt="" src="http://s2.lemde.fr/image/2015/02/26/314x157/4584117_3_8914_2015-02-26-17b77ff-14514-zzd9u0_511cc4ff06e37109717a32ff4d3d4af7.jpg" L’agriculture, un secteur qui recrute 23.02.2015 à 09h56 • Mis à jour le23.02.2015 à 17h53 | Thomas Sotinel Le palmarès de la 87e cérémonie des Oscars, célébrée au Dolby Theatre de Hollywood, le 22 février, est pauvre en surprises. Comme l’avaient prédit bookmakers et pronostiqueurs, Birdman, du réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Iñarritu, a triomphé, remportant quatre trophées (meilleurs film, réalisateur, scénario original et photographie). Une soirée qui marquera les esprits grâce aux discours des lauréats et non par l’originalité des choix de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, dont les quelque 5 000 membres attribuent les Oscars.Voir aussi le portfolio : Les lauréats de la 87e cérémonie des OscarsChaque film primé a été l’occasion de défendre une cause : égalité hommes-femmes (Boyhood), incarcération des jeunes Afro-Américains (Selma), surveillance généralisée (Citizenfour), discriminations à l’encontre des adolescents gays (Imitation Game), traitement des Mexicains aux Etats-Unis (Birdman). Les sujets de conversation étaient aussi sérieux que les intermèdes musicaux ou comiques qu’a interprétés ou présentés l’animateur Neil Patrick Harris (star de Broadway, connue en France pour son rôle de don Juan dans la série « How I Met Your Mother ») étaient légers, voire insignifiants.Lire aussi : Le compte-rendu de la soirée sur le blog Césars, Oscars & Cie Les comédiens Eddie Redmayne et Julianne Moore, qui incarnaient tous deux des patients atteints respectivement de sclérose latérale amyotrophique (dans Une merveilleuse histoire du temps) et d’un alzheimer précoce (dans Still Alice), sont repartis avec la statuette que leur prédisaient les pronostiqueurs, tout comme leurs collègues seconds rôles Patricia Arquette (Boyhood) et J. K. Simmons (Whiplash).The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, a remporté quatre Oscars, dans des catégories « au-dessous du titre » (du film sur l’affiche), selon la terminologie hollywoodienne. Les trois premiers récompensaient l’atmosphère propre aux films du réalisateur – maquillage et coiffure, décors, costumes. Le quatrième a permis au compositeur français Alexandre Desplat de remporter enfin un Oscar au bout de huit nominations, dont deux cette année (il doit la seconde à sa partition pour Imitation Game). L’Oscar du meilleur film étranger a été décerné à Ida, du Polonais Pawel Pawlikowski, aux dépens de Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, qui vient de triompher aux Césars.« Timbuktu » et Sissako, grands triomphateurs des Césars 2015 Sans consistance ni drôlerieCôté spectacle, Neil Patrick Harris s’est révélé un hôte gracieux, desservi par des textes sans consistance ni drôlerie. La soirée a été marquée par deux numéros musicaux : d’abord la performance impressionnante de Lady Gaga transformée en reine de Broadway. La diva techno a interprété très classiquement un medley des airs de La Mélodie du bonheur, dont on célèbre le demi-siècle, avant d’être rejointe sur scène par la Maria von Trapp d’origine, Julie Andrews.Un peu plus tard, le chanteur John Legend et le rappeur Common ont été ovationnés après avoir interprété Glory, la chanson (qui a remporté l’Oscar dans sa catégorie) du film Selma, d’Ava DuVernay.Lire aussi le post de blog : Cinq choses à retenir de la cérémonie des OscarsCette évocation d’une campagne, en Alabama, menée par le révérend Martin Luther King, en 1965, a pris une actualité brûlante aux Etats-Unis, avec la série de morts de jeunes Afro-Américains aux mains de la police, ce que les musiciens n’ont pas manqué de rappeler dans leur discours.Egalité des salairesPatricia Arquette a, la première, sorti la soirée de sa torpeur. Distinguée pour un personnage de mère seule qui lutte pour élever ses enfants (dans Boyhood, de Richard Linklater, le grand perdant de la soirée, avec un seul Oscar), elle a appelé, à la fin de son discours de remerciements, à l’égalité des salaires entre hommes et femmes – les actrices n’étant pas mieux loties que les autres.Laura Poitras, la réalisatrice de Citizenfour, Oscar du documentaire, a rappelé que les intrusions gouvernementales dans la vie privée, dénoncées par Edward Snowden, personnage central de son film, sont toujours d’actualité.Imitation Game, qui met en scène Alan Turing, mathématicien, père de l’informatique, victime de persécution antihomosexuelle au Royaume-Uni, où il s’est suicidé en 1954, n’a remporté qu’un Oscar, celui de l’adaptation. Le scénariste du film, Graham Moore, n’a pas manqué cette occasion pour dédier sa récompense aux adolescents « qui ne se sentent pas à leur place », leur enjoignant de « rester bizarre, de rester différent ».Enfin, le grand vainqueur de la soirée, Alejandro Gonzalez Iñarritu – que Sean Penn a présenté en demandant « qui a donné sa carte de séjour à ce fils de pute ? » (un second degré qui n’a pas été perçu par tous les spectateurs) –, s’est d’abord demandé si les autorités n’allaient pas trouver bizarre que l’Oscar du meilleur réalisateur aille deux années de suite à un Mexicain (il est allé en 2014 à Alfonso Cuaron pour Gravity). Plus sérieusement, le réalisateur de Birdman a appelé à un meilleur traitement des immigrés mexicains aux Etats-Unis, et à l’établissement d’un gouvernement « digne [d’eux] » au Mexique.« Birdman » sort le 25 février en France, « Citizenfour » le 4 mars et « Still Alice » le 18 mars.Thomas SotinelJournaliste au Monde Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial)) Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.Lumière naturelleL’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial))Journaliste au Monde Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 08h06 | Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.Rodolphe dans « Madame Bovary »Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.Franck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.02.2015 à 20h31 • Mis à jour le15.02.2015 à 18h01 Le film « Taxi », du réalisateur iranien Jafar Panahi, remporte samedi l'Ours d'or de la 65e Berlinale. L'ours d'argent du meilleur réalisateur est partagé par le Roumain Radu Jude, pour « Aferimi », et par la Polonaise Magorzata Szumowska, pour « Cialo » (Corps).Charlotte Rampling reçoit l'ours d'argent de la meilleure actrice pour son rôle dans « 45 Years », d'Andrew Haigh, et Tom Courtenay reçoit celui du meilleur acteur pour son rôle dans le même film.Le jury était présidé cette année par le réalisateur et producteur Daniel Aronofsky. Plus de 400 films, dont 19 en compétition pour l'Ours d'or, ont été projetés lors de cette 65e édition, qui s'est échelonnée sur onze jours.Le précédent film de Jafar Panahi, Pardé, avait reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario en 2013 au festival de cinéma de Berlin. Jafar Panahi, âgé de 54 ans, a maille à partir de longue date avec les autorités de son pays, qui l'ont frappé d'une interdiction de travailler. En son absence à Berlin, c'est sa nièce qui a reçu samedi le trophée de l'Ours d'or. Panahi a obtenu, en 2012, le prix Sakharov décerné par le parlement européen. Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.01.2015 à 08h06 | Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre L’information est presque passée inaperçue. Le Festival du film de Vendôme (Loir-et-Cher), l’un des spots du court-métrage avec Clermont-Ferrand, Brives ou Pantin, n’aura plus lieu. La vingt-troisième édition s’est tenue du 5 au 12 décembre 2014, rassemblant plus de onze mille spectateurs et couronnant du Grand Prix le court-métrage de Davy Shou, Cambodia 2099 (dévoilé à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2014) : au Cambodge, à Phnom Penh, deux amis se racontent les rêves qu’ils ont faits la veille. Le Prix spécial du jury est allé à Jean-Gabriel Périot, et à son film au titre évocateur : Si jamais nous devons disparaître, ce sera sans inquiétude mais en combattant jusqu’à la fin. C’est l’inverse qui s’est produit, à Vendôme : l’arrêt du festival du film n’a pas fait de vagues, du moins dans les médias, mais l’annonce a eu un effet anxiogène dans la profession…L’équipe, elle, a compris qu’une page se tournait. Le festival était piloté par l’agence Ciclic, un établissement public de coopération culturelle (EPCC) dédié au livre, à l’image et à la culture numérique. L’agence a été créée en 1991 par Jean-Raymond Garcia et Philippe Germain, deux pionniers persuadés – à juste titre – que les régions seraient appelées à jouer un rôle important dans la production des films « courts ». La Haute-Normandie et la Bretagne avaient ouvert la voie. Aujourd’hui, presque toutes les régions soutiennent ces formats, qui révèlent (entre autres) les nouveaux talents.Un arbitrage budgétaireLe Festival du film de Vendôme ne fait pas les frais de la réforme territoriale, car la région Centre n’est pas appelée à fusionner en 2016, à l’inverse de Rhône-Alpes ou de l’Aquitaine. Sa suppression relève d’un choix stratégique, doublé d’un arbitrage budgétaire : la région Centre a décidé d’orienter son soutien en direction du cinéma d’animation, en finançant à 80 % un lieu de résidence, Image Image, qui sera piloté par Ciclic et ouvrira ses portes à l’automne. Après quinze d’années d’expérience, les résidences d’animation à Ciclic déménagent dans les anciennes écuries militaires du quartier Rochambeau, à Vendôme : deux plateaux de tournage de 40 mètres carré chacun, des bureaux de production, des espaces d’hébergement…L’ancienne maire de Vendôme, la socialiste Catherine Lockhart, avait soutenu ce projet, en vue de « spécialiser la politique culturelle sur l’image et l’animation », explique-t-elle au Monde. « Une vingtaine d’équipes artistiques seront accueillies chaque année. Et nous soutiendrons la production d’une quinzaine de courts-métrages d’animation par an, contre six ou sept aujourd’hui », détaille le patron de Ciclic, Olivier Meneux. L’arrêt du festival est également lié à des difficultés budgétaires : il y a deux ans, le conseil général du Loir-et-Cher s’était retiré du financement. Et la ville de Vendôme avait manifesté dernièrement des difficultés… Sollicité à hauteur de 100 000 euros, pour l’année 2015, le nouveau maire UMP, Pascal Brindeau, n’a engagé que 54 000 euros.« Le festival devenait trop lourd à porter pour la région. Nous avons considéré que la manifestation avait vécu, du point de vue du financement. Mais je ne dis pas que l’arrêt du festival n’est pas un problème », nuance Olivier Meneux. L’agence Ciclic va augmenter son soutien aux courts-métrages, ajoute-t-il, en privilégiant l’animation plutôt que la fiction. Parmi ses trophées, Ciclic cite La Petite Casserole d’Anatole, d’Eric Montchaud : l’auteur y avait été accueilli en résidence et voilà que son court est sélectionné aux Césars 2015.« Ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles »Emilie Parey, la déléguée générale du festival, qui assurait la programmation, encaisse « la triste nouvelle » mais croit en l’avenir. « Les deux permanents du festival ne sont pas licenciés. Il va falloir réinventer avec les moyens qui sont les nôtres, continuer d’accompagner l’émergence. Notre envie a toujours été de ne pas laisser le cinéma et l’image tranquilles. » Sous-entendu, l’équipe va continuer à défricher. Il reste l’empreinte des cinéastes sélectionnés au festival, ou primés, tels Alain Guiraudie, Joachim Lafosse, Bouli Lanners, Sophie Letourneur, les frères Larrieu, Yolande Moreau…Ou encore Momoko Seto, la jeune réalisatrice née à Tokyo, qui avait été accueillie à Ciclic pour le tournage de Planet Z, et faisait partie du jury de l’édition 2014. « J’ai un lien fort avec le festival et Vendôme, j’y ai même rencontré mon mari, vous pouvez l’écrire ! », raconte-t-elle, lundi 9 février, avant de s’envoler pour la Berlinale, où elle accompagne son dernier court en compétition, Planet Sigma.Les bons souvenirs donnent envie de continuer. Entre autres, celui-ci : « Vendôme est la ville natale d’Alain Cavalier. Un jour, le cinéaste a fait un beau cadeau aux jeunes festivaliers. Il est venu leur parler de cinéma, les a filmés. Puis le film a été projeté en soirée de clôture », raconte Anne Berrou, l’attachée de presse du festival. L’éducation à l’image va continuer, et le critique des Cahiers du Cinéma, Thierry Méranger, y est très attaché ! Enseignant au lycée Rotrou, à Dreux, il accompagnait ses élèves en option cinéma au Festival du film de Vendôme. « Les jeunes sont très investis. Le festival, c’était aussi cinquante jeunes à plein temps pendant huit jours. Vendôme a aussi popularisé les ateliers de programmation : les lycéens visionnent quinze ou vingt courts en amont et concoctent une programmation officielle d’une heure et trente minutes. » Mais il s’interroge : « En se privant de son vaisseau amiral, Vendôme ne va-t-elle pas perdre en visibilité ? »Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial)) Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.Lumière naturelleL’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.Franck Nouchi (Berlin (envoyé spécial))Journaliste au Monde Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial) « La Reine de la Berlinale » titrait ce samedi matin en une le quotidien berlinois Der Tagesspiegel. A en juger par le nombre de photographes et de cameramen qui entourent Nicole Kidman, ce titre n’est guère usurpé. Reste à savoir s’il est mérité au vu de sa prestation dans Queen of the Desert, le nouveau film de Werner Herzog.Quelle mouche du désert arabo-persan a bien pu piquer le « père » d’Aguirre, de Kaspar Hauser, de Nosferatu et autre Fitzcarraldo pour s’être laissé entraîner dans une pareille histoire ? Une histoire qui, ne serait-ce qu’à cause du sujet – la vie de l’aventurière, photographe et espionne Gertrude Bell (1868-1926) – le confronte inévitablement au célébrissime Lawrence d’Arabie de David Lean.Se débrouillant comme il peut d’un casting digne d’une superproduction hollywoodienne (Nicole Kidman, James Franco, Damian Lewis ou Robert Pattinson, impayable en T. E. Lawrence), Werner Herzog s’en tient à un académisme de bonne facture. Quant à Nicole Kidman, gageons qu’elle ne rejoindra pas Aguirre et les autres au chapitre des grands marginaux solitaires de Werner Herzog.Aléas et imprévusPour dénicher une perle rare en ce premier week-end berlinois, il fallait aller fureter du côté du cinéma… guatémaltèque. Présenté en compétition, Ixcanul, a été réalisé par Jayro Bustamante. Né en 1977 au Guatemala, ce cinéaste avait fait (un tout petit peu) parler de lui lorsqu’il avait présenté il y a deux ans Cuandu Sea Grande au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et aujourd’hui ce premier long-métrage, applaudi à l’issue de la projection de presse.  Maria, l’héroïne du film, est une jeune fille de 17 ans. Elle vit avec ses parents dans une petite maison sans eau ni électricitéE et travaille avec eux dans une plantation de café. Son idée fixe : partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. En attendant, il faut survivre. Déjouer les projets de ses parents qui aimeraient bien la voir épouser Ignacio, le propriétaire de la plantation. Convaincre son ami Pepe de partir avec elle aux Etats-Unis.Mais rien ne se passera comme elle l’aurait souhaité. Elle tombe enceinte de Pepe, mais ce jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre avant d’être transportée en urgence par Ignacio à l’hôpital de la ville. Il faudra en définitive que Maria touche du doigt le fond de l’horreur - son bébé a tout simplement « disparu » - pour qu’elle aperçoive, enfin, une lueur d’espoir. Aussi imparfaite, aussi injuste soit-elle, sa vie vaut tout de même d’être vécue.Audace formellePour son premier long-métrage, Jayro Bustamante fait preuve d’une audace formelle assez stupéfiante. Sa science du plan séquence, en particulier, ferait pâlir de jalousie bien des cinéastes chevronnés. Qu’il s’agisse de cette scène où l’on voit une truie gravide prendre une cuite au rhum, ou de ces magnifiques séquences à flanc de volcan, sa maîtrise du cadre est impressionnante. Une maîtrise que l’on retrouve également dans le long plan nocturne qui voit Maria se donner à Pepe contre une balustrade en bois. Ou encore dans ces scènes de bains de vapeur que Maria et sa mère prennent ensemble, nues, lovées l’une contre l’autre.La plupart des acteurs parlent la langue des Cakchiquel, ces Mayas vivant dans les montagnes de l’ouest de Guatemala. C’est peu dire qu’ils sont remarquables, à commencer par Maria Mercedes Coroy (Maria).Par-delà son propos éminemment politique, Ixcanul est un film d’une universalité bouleversante. Dans les deux plans serrés face caméra qui ouvrent et terminent le film, Maria nous observe, avec un regard fixe qui dit nous vivons tous au-dessous du volcan.En attendant la présentation attendue, dimanche 8 février, du nouvel opus de Terrence Malick, a été aussi projetée une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, tournée par Benoît Jacquot (sortie le 1er avril). Un ton en dessous de l’extraordinaire livre d’Octave Mirbeau, en dépit d’une jolie performance de Léa Seydoux.Parmi les film notables, il faut noter Victoria, du réalisateur allemand Sebastian Schipper. Une « fureur de vivre » à la mode berlinoise mettant aux prises une jeune Espagnole arrivée dans la capitale allemande trois mois auparavant et quatre gaillards désœuvrés. C’est un peu long, usant parfois un peu trop de la caméra à l’épaule, mais il y a là une énergie assez incroyable.Franck Nouchi (Berlin, envoyé spécial)Journaliste au Monde 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Cristina Marino Pour sa cinquième édition, le festival de cinéma français en ligne, MyFrenchFilmFestival, organisé du 16 janvier au 16 février par Unifrance Films, l'organisme chargé de la promotion de la production cinématographique hexagonale à l'étranger, a dû faire face à une contrainte extérieure de taille : la censure mise en place au début de l’année par les autorités sur la diffusion d'œuvres étrangères sur les plateformes de VOD en Chine.Comme l'explique Xavier Lardoux, directeur général adjoint d'Unifrance Films : « Nous avions noué, comme l'année dernière, un partenariat renforcé avec la plus grande plateforme de VOD en Chine, Youku Tudou, mais la réglementation chinoise a brutalement évolué, non pas au 1er mars 2015 comme initialement prévu, mais dès janvier, avant même le début du festival en ligne. Les autorités de Pékin ont décidé d'étendre à la diffusion des films étrangers sur Internet les mêmes règles de contingentement que dans les salles. Du coup, les spectateurs chinois, frustrés de ne pas pouvoir voir facilement des films français en salles, qui se tournaient jusque là vers Internet, n'ont pas pu le faire cette année. »Ainsi, les chiffres de visionnage, qui avaient été considérablement boostés par les internautes chinois en 2014 (3, 5 millions de visionnages), sont retombés à un niveau moindre pour cette édition. Mais si l'on retire la Chine des statistiques de connexion, les résultats du 5e MyFrenchFilmFestival.com sont plutôt bons et en hausse par rapport à l'année précédente avec un total de 560 000 visionnages sur un mois (contre 380 000 en 2014, sans compter la Chine) pour le site du festival lui-même et les 26 plateformes partenaires à travers le monde.Lire aussi : Quatre millions de spectateurs en ligne pour le quatrième MyFrenchFilmFestivalAmérique latine et Europe de l’Est en têteFace à la défection de la Chine, ce sont les pays d'Amérique latine (Mexique et Brésil en première et deuxième positions, Colombie en cinquième place) et ceux d'Europe de l'Est, en particulier la Pologne (en quatrième position avec 150 000 visionnages), la Russie et l'Ukraine (avec 100 000 visionnages), qui ont le plus ardemment participé à la manifestation. Du coup, logiquement, parmi les 13 langues proposées pour le visionnage des films, l'espagnol arrive en premier, suivi de l'anglais, du portugais et du français. Pour Xavier Lardoux, « le multilinguisme constitue l’un des investissements importants de MyFrenchFilmFestival. Et c’est une bonne chose qu’il n’y ait pas seulement l’anglais parmi les langues de visionnage des films ».La plateforme MyFrenchFilmFestival.com a enregistré, quant à elle, 730 000 visites en provenance de 207 pays (contre 205 en 2014) et près de 3 millions de pages vues. 137 000 internautes se sont inscrits directement sur cette plateforme (pour 250 000 visionnages), 272 000 sont devenus fans de la page Facebook du festival, soit 50 % de plus qu'en 2014. La bande-annonce du festival réalisée cette année par le président du jury, Michel Gondry, a cumulé, à elle seule, 2,2 millions de visionnages.Au-delà du simple événementiel, à savoir la diffusion en ligne pendant un mois de vingt films (dix longs et dix courts) avec, à la clé, la remise de trois prix (voir le palmarès en fin d’article), Xavier Lardoux tient à souligner l’objectif du festival sur le long terme: « renforcer durablement la présence des films français sur les plateformes de VOD à travers le monde et permettre ainsi à tous les spectateurs qui n’ont pas accès à ces films en salles, même dans des grandes villes comme Houston au Texas, de pouvoir les voir sur Internet. » Et d’évoquer l’idée de voir s’installer sur toutes les grandes plateformes de VOD un « French Corner », un espace permanent dédié à la production cinématographique hexagonale.Des royalties pour les exportateursPour les films les plus visionnés durant cette 5e édition, notamment Hippocrate, de Thomas Lilti, Respire, de Mélanie Laurent, Eastern Boys, de Robin Campillo et Une place sur la Terre, de Fabienne Godet, les retombées du festival sont doubles. Tout d’abord, cela leur offre « une visibilité à l’étranger », un « rayonnement culturel » plus important, notamment pour des longs-métrages qui n’avaient pas encore été achetés à l’étranger (et ce pour diverses raisons, premier ou deuxième film, réalisateur et casting peu ou pas connus, etc.). Mais la diffusion pendant un mois sur le site du festival et les plateformes partenaires génère aussi des recettes pour les exportateurs de ces films, entre 10 000 et 20 000 euros.Par ailleurs, l’achat des droits de diffusion des cinq films primés (trois longs et deux courts) par trois compagnies aériennes partenaires de MyFrenchFilmFestival, Air France, Air Canada et ANA (compagnie japonaise), constitue une source supplémentaire de revenus. Et au-delà de l’aspect purement économique, tout cela concourt à un seul et même objectif, selon Xavier Lardoux, « accroître le nombre des spectateurs pour ces films francais, que ce soit sur les plateformes de VOD sur Internet ou à bord des avions ».MyFrenchFilmFestival souffle ses cinq bougies Le palmarès de MyFrenchFilmFestival 2015 :Prix Chopard du jury des cinéastes, présidé par Michel Gondry avec Joachim Lafosse (Belgique) et Nadav Lapid (Israël) : Hippocrate, de Thomas Lilti (la critique du Monde)Avec une dotation de 15 000 euros pour le réalisateur, l'exportateur et le producteur du film.Prix Lacoste du public (plus de 15 000 votes comptabilisés) : - Long-métrage : Une place sur la Terre, de Fabienne Godet (la critique du Monde) - Court-métrage : La Bûche de Noël, de Stéphane Aubier et Vincent Patar (coproduction belge)  Prix de la presse internationale (décerné par six journalistes cinéma étrangers) : - Long-métrage : Respire, de Mélanie Laurent (la critique du Monde) - Court-métrage : Extrasystole, d'Alice DouardL'ensemble des cinq films primés seront diffusés à bord des avions Air France pour une durée de six mois dès l'été 2015.« Le Monde » partenaire de MyFrenchFilmFestivalComme les années précédentes, Le Monde est partenaire de l’édition 2015 de MyFrenchFilmFestival et les internautes du Monde.fr ont eu la possibilité de gagner des codes d'accès à la manifestation en ligne.Cristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Corine Lesnes (San Francisco, correspondante) Son dernier film en date, American Sniper, s'annonce comme le plus grand succès de sa carrière, avec près de 300 millions de dollars de recettes sur le marché américain. A 84 ans, Clint Eastwood a réussi à faire un film commercial (quatre nominations aux oscars) sur la guerre en Irak. Basé sur la véritable histoire du soldat d'élite Chris Kyle, dont le tableau de chasse s'élève à plus de 255 Irakiens, le film est porté aux nues par le camp « patriotique » qui avait soutenu l'invasion de 2003. La mort du « sniper », abattu à 38 ans par un soldat atteint de stress post-traumatique, a donné une aura à celui que ses camarades appelaient déjà « Légende » de son vivant.Lire aussi la critique (en éditions abonnés) : « American Sniper » : voir le monde à travers la lunette d’un fusilClint Eastwood a reçu Le Monde au club-house du golf près de chez lui à Carmel, villégiature huppée de Californie du Nord. Le metteur en scène assure que son film a des aspects anti-guerre. Les critiques lui reprochent de glorifier le soldat Kyle, sinon la guerre. Et d'éviter la question des responsabilités de ceux qui l'ont engagée.Lire aussi (en éditions abonnés) : Droits civiques, Irak : les Oscars secoués par les polémiquesVous êtes surpris par le succès du film ?Quand on se lance dans un film, on ne sait jamais comment ça va tourner. A la fin, la seule chose que l'on puisse dire est : cela correspond à ce que je voulais faire. Il n'y a pas de règles, et je crois qu'il n'y a pas non plus d'experts capables de prédire ce qui va plaire ou pas. Ce qui m'a attiré dans cette histoire est que ce n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier. Il y a aussi un aspect anti-guerre. Le scénario autorise le doute : sur le bien-fondé de notre présence en Irak et sur le fait de risquer des vies. J'aime bien avoir différents points de vue dans une histoire. Les gens peuvent en retirer ce qu'ils veulent. Pourquoi ce film résonne-t-il autant actuellement ?Ce qui joue probablement, c'est l'inquiétude dans le monde entier par rapport au terrorisme, y compris les événements récents à Paris. Les gens réalisent que le monde est de plus en plus dangereux. Le gouvernement américain, à commencer par le président, se fait des illusions. Ils ont l'air de penser que c'est juste un accident, un petit groupe de gens. Mais ils sont plus nombreux qu'ils ne le pensent.Il y a eu pas mal de films sur la guerre en Irak ou en Afghanistan. Mais c'était seulement sur la guerre. Ici, ce n'est pas seulement un film de guerre. C'est aussi sur la famille du soldat, ses doutes, l'angoisse de ne jamais savoir s'il va revenir ou pas. Quand on tourne une histoire de guerre, c'est toujours spectaculaire. Combattre entraîne des émotions intenses. Ce film montre les deux aspects : la bataille, et la difficulté de revenir à la maison voir la famille, les enfants… Ce sont ces conflits intérieurs qui rendent les histoires intéressantes. Pas les histoires où les personnages sont héroïques de la première à la dernière minute. Le film a relancé l'affrontement entre le camp anti-guerre et les « patriotes » qui défendent les actions de Chris Kyle, le sniper aux 255 morts irakiens. La virulence des réactions ne montre-t-elle pas que les leçons de la guerre n'ont pas été tirées aux Etats-Unis ?Je n'étais pas un grand partisan de la guerre en Irak. A l'époque, je me disais, « Saddam Hussein est un type horrible mais il y a tellement de pays qui sont dirigés par un bad guy : on sait quand on commence mais quand est-ce qu'on s'arrête ? » C'était pareil pour l'Afghanistan : les Britanniques ont essayé d'intervenir il y a longtemps et ils n'ont pas réussi. Les Russes l'ont tenté pendant dix ans, et ça n'a pas marché non plus. Et eux, ils avaient moins de problèmes d'accès que nous, qui avons dû payer un pays qui ne nous aime pas comme le Pakistan 1 milliard de dollars par an pour transiter par son territoire. Tout cela n'a pas de sens. Et maintenant ? Est-ce que la guerre en valait la peine ?Si c'est pour y aller pendant peu de temps et se retirer aussitôt pour faire autre chose, c'est sacrifier beaucoup de vies pour pas grand-chose. Il me semble qu'il y a toujours des gens qui sont pour et des gens qui sont contre. Même pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de gens étaient opposés à ce que les Etats-Unis se mêlent d'aller aider l'Europe puisque, nous, nous vivons ici. C'était une vision simpliste. Il y a un grand retour de bâton maintenant aux Etats-Unis par rapport à la guerre. Les gens sont préoccupés par le fait que les soldats de retour du conflit ne sont pas bien traités ou sont mal soignés ou incompris. Dans le film, Bradley Cooper voit les gens qui regardent le sport à la télé, et il se dit : « Il y a une guerre là-bas et tout le monde s'en fiche. » Ce n'est pas que les gens s'en fichent délibérément, mais ils sont occupés ; la guerre dure depuis trop longtemps.Chris Kyle est rentré d'Irak en 2009. La semaine dernière, Barack Obama a demandé au Congrès l'autorisation de recourir à la force contre l'Etat islamique. Voilà les Etats-Unis de retour en Irak. A quoi ont servi les faits d'armes du sniper ?J'apprécie les hommes et les femmes qui sont volontaires pour aller faire ce travail. J'espère juste qu'ils ne sont pas exposés au danger pour des raisons de politique politicienne ou d'ambitions personnelles.Les critiques vous reprochent de glorifier le tireur sans aborder la question des responsabilités. Qui les envoie ces soldats ?Je ne sais pas qui les envoie. Je ne blâme personne. Chacun pense qu'il agit pour des raisons humanitaires. J'ai toujours eu des doutes sur l'idée d'apporter la démocratie dans les autres pays. Ce n'est peut-être pas le système qu'ils veulent ou qui leur convient. Je ne pense pas que nous devrions prendre des décisions pour le monde entier. J'ai toujours penché du côté libertarien : pour un gouvernement plus petit et qui laisse les gens en paix.Lire l'intégralité de l'entretien (en édition abonnés) : Clint Eastwood : « “American Sniper” n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier »Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San FranciscoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.Rodolphe dans « Madame Bovary »Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.Franck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.02.2015 à 20h31 • Mis à jour le15.02.2015 à 18h01 Le film « Taxi », du réalisateur iranien Jafar Panahi, remporte samedi l'Ours d'or de la 65e Berlinale. L'ours d'argent du meilleur réalisateur est partagé par le Roumain Radu Jude, pour « Aferimi », et par la Polonaise Magorzata Szumowska, pour « Cialo » (Corps).Charlotte Rampling reçoit l'ours d'argent de la meilleure actrice pour son rôle dans « 45 Years », d'Andrew Haigh, et Tom Courtenay reçoit celui du meilleur acteur pour son rôle dans le même film.Le jury était présidé cette année par le réalisateur et producteur Daniel Aronofsky. Plus de 400 films, dont 19 en compétition pour l'Ours d'or, ont été projetés lors de cette 65e édition, qui s'est échelonnée sur onze jours.Le précédent film de Jafar Panahi, Pardé, avait reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario en 2013 au festival de cinéma de Berlin. Jafar Panahi, âgé de 54 ans, a maille à partir de longue date avec les autorités de son pays, qui l'ont frappé d'une interdiction de travailler. En son absence à Berlin, c'est sa nièce qui a reçu samedi le trophée de l'Ours d'or. Panahi a obtenu, en 2012, le prix Sakharov décerné par le parlement européen. Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 14.02.2015 à 20h31 • Mis à jour le15.02.2015 à 18h01 Le film « Taxi », du réalisateur iranien Jafar Panahi, remporte samedi l'Ours d'or de la 65e Berlinale. L'ours d'argent du meilleur réalisateur est partagé par le Roumain Radu Jude, pour « Aferimi », et par la Polonaise Magorzata Szumowska, pour « Cialo » (Corps).Charlotte Rampling reçoit l'ours d'argent de la meilleure actrice pour son rôle dans « 45 Years », d'Andrew Haigh, et Tom Courtenay reçoit celui du meilleur acteur pour son rôle dans le même film.Le jury était présidé cette année par le réalisateur et producteur Daniel Aronofsky. Plus de 400 films, dont 19 en compétition pour l'Ours d'or, ont été projetés lors de cette 65e édition, qui s'est échelonnée sur onze jours.Le précédent film de Jafar Panahi, Pardé, avait reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario en 2013 au festival de cinéma de Berlin. Jafar Panahi, âgé de 54 ans, a maille à partir de longue date avec les autorités de son pays, qui l'ont frappé d'une interdiction de travailler. En son absence à Berlin, c'est sa nièce qui a reçu samedi le trophée de l'Ours d'or. Panahi a obtenu, en 2012, le prix Sakharov décerné par le parlement européen. Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Christine Rousseau Après « Viol, elles se manifestent », la journaliste de Capa propose un film manifeste percutant pour dénoncer le harcèlement scolaire (mardi 10 février à 22 h 26 sur France 2).Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser ce sujet ?Tout est parti, en 2014, du témoignage à la radio de Nora Fraisse. J’étais en train d’habiller ma fille quand ses propos m’ont glacée. Je me suis aussitôt identifiée à cette femme, à la fois digne et anéantie par le suicide de sa fille, qui prenait la parole pour elle et tous les enfants victimes de harcèlement scolaire. Arrivée à Capa, j’en ai aussitôt parlé à ma productrice qui avait également entendu ce témoignage. Nous sommes convenues d’enquêter. Et là, très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un décalage entre le chiffre inouï des victimes – 1,2 million d’enfants – et la méconnaissance de ce phénomène, voire son déni. Face à cela, j’ai souhaité faire entendre la parole de tous ces jeunes qui s’étaient tus pendant si longtemps, par honte, par peur des représailles, par peur d’être incompris.La forme de ce film-manifeste – celle d’un combat collectif – a permis à nombre d’entre eux d’accepter de parler à visage découvert, tête haute, regard droit pour dénoncer le harcèlement qu’ils avaient vécu.Comment s’est opérée la rencontre avec ces adolescents ?L’idée, avec Alix Mounou qui a travaillé avec moi, était de faire connaître au plus grand nombre qu’un documentaire était en cours d’élaboration afin que ceux qui le souhaitent prennent contact avec nous. Ensuite, nous avons rencontré une centaine d’adolescents avec lesquels nous avons parlé. Nous leur avons proposé soit de témoigner à visage découvert, soit de se montrer seulement au début du film. S’ils n’étaient pas encore prêts à cela, ils pouvaient également prolonger le combat en signant le manifeste que nous avons mis en ligne.Lors de ce travail, j’ai fait particulièrement attention aux mineurs. En effet, je me suis assurée qu’il s’agissait d’un combat familial – d’où la présence de leurs parents dans le film. Et auprès du personnel médical, pour ceux qui étaient suivis, que cette exposition ne leur soit pas préjudiciable, mais au contraire puisse les aider.Pourquoi avoir choisi pour décor un lycée parisien un peu désuet ? Nous voulions un lieu unique pour montrer que nous sommes tous égaux devant le harcèlement scolaire. Cet établissement nous a plu par la grandeur qu’il dégage et, en même temps, dans les salles de classe, on voit que les murs sont dégradés… Je trouvais cela symbolique de ce que raconte ce film : à la fois un endroit merveilleux qui doit le demeurer et non devenir parfois, comme le racontent les enfants, un lieu abandonné.Quelle fut la plus grande difficulté lors de la réalisation ?Ma priorité était qu’ils soient entendus non comme des victimes mais comme des acteurs d’un problème de santé publique qu’il faut combattre. M’assurer que cette prise de parole ne les fragilise pas davantage était mon souci majeur. Je ne vous cache pas que ce fut lourd et difficile sur le tournage, mais nous avons pris le temps, afin de ne pas les bousculer. Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. On s’arrêtait quand il y avait trop d’émotion. L’objectif étant de les mettre en valeur et que leur parole soit la plus simple, la plus percutante possible. Ce film, nous l’avons fait, main dans la main.Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?C’est en parlant avec tous ces jeunes que se sont dessinés les chapitres du film. Si chaque histoire est individuelle, les mécanismes ainsi que les conséquences sont les mêmes. J’avais envie que cela sonne comme une sorte de chœur.En quoi « Viol, elles se manifestent » et « Souffre-douleurs, ils se manifestent » diffèrent-ils de vos autres documentaires ?Le côté militant, certainement. J’ai la chance de faire un métier qui me permet de m’indigner et d’en faire quelque chose d’utile. Dans ces films, je propose à ceux que j’interviewe de devenir davantage acteurs du documentaire.Est-il prévu que votre film soit projeté dans les écoles ?Pour l’instant non, mais je le souhaite vivement, afin qu’il devienne un outil pédagogique. Ce film a pour ambition de nommer les choses pour que les victimes puissent enfin parler ; de sensibiliser les familles de victimes, les bourreaux de manière à ce qu’ils se rendent compte de leur acte et des conséquences, mais aussi tous les responsables des réseaux sociaux. Le harcèlement, c’est l’affaire de tous. Ce film est là pour interpeller tout le monde. L’agence Capa a d’ailleurs accepté que le film soit visible sur Francetv-Pluzz, pendant un mois. Ce qui montre bien notre désir que ce documentaire vive bien au-delà de sa diffusion. Ce n’est pas un aboutissement, mais le début de quelque chose.Quel est votre prochain film-combat ?Je suis encore tellement habitée par celui-ci qu’il m’est difficile de me projeter dans un autre. Pour l’heure, il est important de l’accompagner. Bien sûr, j’ai plein de sujets d’indignation, mais je ne sais pas si cela prendra la forme d’un film-manifeste, car je ne voudrais pas banaliser cette forme.Le harcèlement scolaire par ceux qui l’ont subiFrance Télévisions a mis en ligne une plateforme comportant, outre un manifeste, un appel à témoignages ainsi que des informations pratiques. www.francetv.fr/temoignages/harcelement-scolaire/Christine RousseauJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Harold Thibault (Shanghaï, correspondance) Wang Jianlin, magnat de l’immobilier chinois, est venu au secteur du divertissement presque par hasard. Il fallait des cinémas au dernier étage de ses centres commerciaux pour y attirer les clients, il décida donc de se lancer dans la gestion de salles obscures. Il devint le premier exploitant de salles de la planète en acquérant, en 2012, pour 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros), les cinémas américains AMC.C’est désormais le net ralentissement du marché immobilier en Chine qui le pousse à s’intéresser au marché du divertissement en Europe. Mardi 10 février, son groupe, Wanda, a annoncé l’acquisition, pour 1,05 milliard d’euros, d’un géant suisse du marketing sportif : Infront, 500 employés, gère les droits médiatiques de quantité de clubs de football, dont ceux de Lille OSC, de Milan AC ou de la sélection nationale allemande, ainsi que de la fédération italienne.Infront se charge également de la diffusion de la Coupe du monde en Asie, coopère avec la Fédération internationale de ski, ainsi qu’avec de nombreuses courses cyclistes. Le suisse est présent en Chine dans la diffusion du basket-ball, sport le plus populaire auprès des jeunes.« La société pourra notamment aider la Chine à se positionner mieux lors des appels d’offres pour les événements sportifs majeurs, car elle est déjà impliquée dans le calendrier, l’organisation, le marketing et les prestations de service d’un large éventail d’événements internationaux », a commenté Wang Jianlin, mardi matin à Pékin.Infront, créé en 2003 par Robert Louis-Dreyfus et devenu le deuxième acteur mondial du marketing sportif, avait été acquis en 2011 pour environ 550 millions d’euros par le fonds Bridgepoint, qui réalise donc une belle plus-value. Par cette opération, a justifié Wang Jianlin, Wanda « sera en position d’accroître son influence dans l’industrie du sport mondiale et d’aider à relever le niveau de compétitivité dans le sport chinois ».M. Wang, qui fut en 2013 l’homme le plus riche de Chine mais n’est plus aujourd’hui qu’au quatrième rang, du fait du ralentissement du marché immobilier, est lui-même un passionné de football. Il a été propriétaire, de 1994 à 2000, du club Shide de Dalian, ville du nord-est chinois où ont débuté ses affaires avant qu’il ne s’installe à Pékin. En janvier 2015, M. Wang avait racheté 20 % du club Atletico Madrid, une opération à 45 millions d’euros.Accueil mitigé à la Bourse de HongKong pour le chinois WandaWang Jianlin, 60 ans, a indiqué à plusieurs reprises son intention de ne plus se contenter de gérer centres commerciaux et hôtels de luxe en Chine, un marché saturé ces derniers trimestres. Il s’intéresse désormais à l’immobilier à l’étranger, notamment en Europe où les coûts de financement sont plus faibles qu’en Chine.Projets immobiliers en AustralieIl a ainsi acquis à la banque Santander un gratte-ciel de Madrid pour 265 millions d’euros en 2014. A Londres, il développe un important projet d’hôtel de luxe associé à une galerie commerçante et a fait part à David Cameron, le premier ministre britannique, de son ambition d’investir jusqu’à 3 milliards de livres dans la capitale britannique à l’avenir.Il a déjà annoncé son intention de dépenser l’équivalent de 1,4 milliard d’euros dans des projets immobiliers en Australie, dont un important complexe hôtelier. En 2013, il évoquait également un projet d’hôtel et de centre commercial à Paris mais celui-ci ne s’est pas encore matérialisé. Il compte au cours de la décennie disposer d’hôtels de luxe dans les plus grandes métropoles du monde, s’appuyant notamment sur la venue de touristes chinois.Son autre ambition est de devenir un acteur incontournable du divertissement, à l’heure où les familles chinoises commencent à en consommer davantage. Il fait construire des studios de cinéma géants dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), où il s’était offert en septembre 2013 la venue de stars de Hollywood, de Leonard Di Caprio à Nicole Kidman.Silence, on tourne à Chinawood !M. Wang entend aussi prendre l’aval en matière de parcs à thèmes, en ouvrant treize parcs au cours des trois prochaines années, alors que Pékin insiste sur la nécessité de développer la consommation intérieure.L’ouverture d’un premier parc Disneyland en Chine continentale a récemment été repoussée au premier trimestre 2016 mais Wanda est de son côté parvenu à inaugurer dès le début décembre 2014, dans la ville de Wuhan (centre), son spectacle Han Show, un théâtre mêlant acrobaties et nouvelles technologies, auquel il a associé le directeur artistique Franco Dragone, qui a longtemps travaillé avec le Cirque du Soleil.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Cristina Marino Pour sa cinquième édition, le festival de cinéma français en ligne, MyFrenchFilmFestival, organisé du 16 janvier au 16 février par Unifrance Films, l'organisme chargé de la promotion de la production cinématographique hexagonale à l'étranger, a dû faire face à une contrainte extérieure de taille : la censure mise en place au début de l’année par les autorités sur la diffusion d'œuvres étrangères sur les plateformes de VOD en Chine.Comme l'explique Xavier Lardoux, directeur général adjoint d'Unifrance Films : « Nous avions noué, comme l'année dernière, un partenariat renforcé avec la plus grande plateforme de VOD en Chine, Youku Tudou, mais la réglementation chinoise a brutalement évolué, non pas au 1er mars 2015 comme initialement prévu, mais dès janvier, avant même le début du festival en ligne. Les autorités de Pékin ont décidé d'étendre à la diffusion des films étrangers sur Internet les mêmes règles de contingentement que dans les salles. Du coup, les spectateurs chinois, frustrés de ne pas pouvoir voir facilement des films français en salles, qui se tournaient jusque là vers Internet, n'ont pas pu le faire cette année. »Ainsi, les chiffres de visionnage, qui avaient été considérablement boostés par les internautes chinois en 2014 (3, 5 millions de visionnages), sont retombés à un niveau moindre pour cette édition. Mais si l'on retire la Chine des statistiques de connexion, les résultats du 5e MyFrenchFilmFestival.com sont plutôt bons et en hausse par rapport à l'année précédente avec un total de 560 000 visionnages sur un mois (contre 380 000 en 2014, sans compter la Chine) pour le site du festival lui-même et les 26 plateformes partenaires à travers le monde.Lire aussi : Quatre millions de spectateurs en ligne pour le quatrième MyFrenchFilmFestivalAmérique latine et Europe de l’Est en têteFace à la défection de la Chine, ce sont les pays d'Amérique latine (Mexique et Brésil en première et deuxième positions, Colombie en cinquième place) et ceux d'Europe de l'Est, en particulier la Pologne (en quatrième position avec 150 000 visionnages), la Russie et l'Ukraine (avec 100 000 visionnages), qui ont le plus ardemment participé à la manifestation. Du coup, logiquement, parmi les 13 langues proposées pour le visionnage des films, l'espagnol arrive en premier, suivi de l'anglais, du portugais et du français. Pour Xavier Lardoux, « le multilinguisme constitue l’un des investissements importants de MyFrenchFilmFestival. Et c’est une bonne chose qu’il n’y ait pas seulement l’anglais parmi les langues de visionnage des films ».La plateforme MyFrenchFilmFestival.com a enregistré, quant à elle, 730 000 visites en provenance de 207 pays (contre 205 en 2014) et près de 3 millions de pages vues. 137 000 internautes se sont inscrits directement sur cette plateforme (pour 250 000 visionnages), 272 000 sont devenus fans de la page Facebook du festival, soit 50 % de plus qu'en 2014. La bande-annonce du festival réalisée cette année par le président du jury, Michel Gondry, a cumulé, à elle seule, 2,2 millions de visionnages.Au-delà du simple événementiel, à savoir la diffusion en ligne pendant un mois de vingt films (dix longs et dix courts) avec, à la clé, la remise de trois prix (voir le palmarès en fin d’article), Xavier Lardoux tient à souligner l’objectif du festival sur le long terme: « renforcer durablement la présence des films français sur les plateformes de VOD à travers le monde et permettre ainsi à tous les spectateurs qui n’ont pas accès à ces films en salles, même dans des grandes villes comme Houston au Texas, de pouvoir les voir sur Internet. » Et d’évoquer l’idée de voir s’installer sur toutes les grandes plateformes de VOD un « French Corner », un espace permanent dédié à la production cinématographique hexagonale.Des royalties pour les exportateursPour les films les plus visionnés durant cette 5e édition, notamment Hippocrate, de Thomas Lilti, Respire, de Mélanie Laurent, Eastern Boys, de Robin Campillo et Une place sur la Terre, de Fabienne Godet, les retombées du festival sont doubles. Tout d’abord, cela leur offre « une visibilité à l’étranger », un « rayonnement culturel » plus important, notamment pour des longs-métrages qui n’avaient pas encore été achetés à l’étranger (et ce pour diverses raisons, premier ou deuxième film, réalisateur et casting peu ou pas connus, etc.). Mais la diffusion pendant un mois sur le site du festival et les plateformes partenaires génère aussi des recettes pour les exportateurs de ces films, entre 10 000 et 20 000 euros.Par ailleurs, l’achat des droits de diffusion des cinq films primés (trois longs et deux courts) par trois compagnies aériennes partenaires de MyFrenchFilmFestival, Air France, Air Canada et ANA (compagnie japonaise), constitue une source supplémentaire de revenus. Et au-delà de l’aspect purement économique, tout cela concourt à un seul et même objectif, selon Xavier Lardoux, « accroître le nombre des spectateurs pour ces films francais, que ce soit sur les plateformes de VOD sur Internet ou à bord des avions ».MyFrenchFilmFestival souffle ses cinq bougies Le palmarès de MyFrenchFilmFestival 2015 :Prix Chopard du jury des cinéastes, présidé par Michel Gondry avec Joachim Lafosse (Belgique) et Nadav Lapid (Israël) : Hippocrate, de Thomas Lilti (la critique du Monde)Avec une dotation de 15 000 euros pour le réalisateur, l'exportateur et le producteur du film.Prix Lacoste du public (plus de 15 000 votes comptabilisés) : - Long-métrage : Une place sur la Terre, de Fabienne Godet (la critique du Monde) - Court-métrage : La Bûche de Noël, de Stéphane Aubier et Vincent Patar (coproduction belge)  Prix de la presse internationale (décerné par six journalistes cinéma étrangers) : - Long-métrage : Respire, de Mélanie Laurent (la critique du Monde) - Court-métrage : Extrasystole, d'Alice DouardL'ensemble des cinq films primés seront diffusés à bord des avions Air France pour une durée de six mois dès l'été 2015.« Le Monde » partenaire de MyFrenchFilmFestivalComme les années précédentes, Le Monde est partenaire de l’édition 2015 de MyFrenchFilmFestival et les internautes du Monde.fr ont eu la possibilité de gagner des codes d'accès à la manifestation en ligne.Cristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Corine Lesnes (San Francisco, correspondante) Son dernier film en date, American Sniper, s'annonce comme le plus grand succès de sa carrière, avec près de 300 millions de dollars de recettes sur le marché américain. A 84 ans, Clint Eastwood a réussi à faire un film commercial (quatre nominations aux oscars) sur la guerre en Irak. Basé sur la véritable histoire du soldat d'élite Chris Kyle, dont le tableau de chasse s'élève à plus de 255 Irakiens, le film est porté aux nues par le camp « patriotique » qui avait soutenu l'invasion de 2003. La mort du « sniper », abattu à 38 ans par un soldat atteint de stress post-traumatique, a donné une aura à celui que ses camarades appelaient déjà « Légende » de son vivant.Lire aussi la critique (en éditions abonnés) : « American Sniper » : voir le monde à travers la lunette d’un fusilClint Eastwood a reçu Le Monde au club-house du golf près de chez lui à Carmel, villégiature huppée de Californie du Nord. Le metteur en scène assure que son film a des aspects anti-guerre. Les critiques lui reprochent de glorifier le soldat Kyle, sinon la guerre. Et d'éviter la question des responsabilités de ceux qui l'ont engagée.Lire aussi (en éditions abonnés) : Droits civiques, Irak : les Oscars secoués par les polémiquesVous êtes surpris par le succès du film ?Quand on se lance dans un film, on ne sait jamais comment ça va tourner. A la fin, la seule chose que l'on puisse dire est : cela correspond à ce que je voulais faire. Il n'y a pas de règles, et je crois qu'il n'y a pas non plus d'experts capables de prédire ce qui va plaire ou pas. Ce qui m'a attiré dans cette histoire est que ce n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier. Il y a aussi un aspect anti-guerre. Le scénario autorise le doute : sur le bien-fondé de notre présence en Irak et sur le fait de risquer des vies. J'aime bien avoir différents points de vue dans une histoire. Les gens peuvent en retirer ce qu'ils veulent. Pourquoi ce film résonne-t-il autant actuellement ?Ce qui joue probablement, c'est l'inquiétude dans le monde entier par rapport au terrorisme, y compris les événements récents à Paris. Les gens réalisent que le monde est de plus en plus dangereux. Le gouvernement américain, à commencer par le président, se fait des illusions. Ils ont l'air de penser que c'est juste un accident, un petit groupe de gens. Mais ils sont plus nombreux qu'ils ne le pensent.Il y a eu pas mal de films sur la guerre en Irak ou en Afghanistan. Mais c'était seulement sur la guerre. Ici, ce n'est pas seulement un film de guerre. C'est aussi sur la famille du soldat, ses doutes, l'angoisse de ne jamais savoir s'il va revenir ou pas. Quand on tourne une histoire de guerre, c'est toujours spectaculaire. Combattre entraîne des émotions intenses. Ce film montre les deux aspects : la bataille, et la difficulté de revenir à la maison voir la famille, les enfants… Ce sont ces conflits intérieurs qui rendent les histoires intéressantes. Pas les histoires où les personnages sont héroïques de la première à la dernière minute. Le film a relancé l'affrontement entre le camp anti-guerre et les « patriotes » qui défendent les actions de Chris Kyle, le sniper aux 255 morts irakiens. La virulence des réactions ne montre-t-elle pas que les leçons de la guerre n'ont pas été tirées aux Etats-Unis ?Je n'étais pas un grand partisan de la guerre en Irak. A l'époque, je me disais, « Saddam Hussein est un type horrible mais il y a tellement de pays qui sont dirigés par un bad guy : on sait quand on commence mais quand est-ce qu'on s'arrête ? » C'était pareil pour l'Afghanistan : les Britanniques ont essayé d'intervenir il y a longtemps et ils n'ont pas réussi. Les Russes l'ont tenté pendant dix ans, et ça n'a pas marché non plus. Et eux, ils avaient moins de problèmes d'accès que nous, qui avons dû payer un pays qui ne nous aime pas comme le Pakistan 1 milliard de dollars par an pour transiter par son territoire. Tout cela n'a pas de sens. Et maintenant ? Est-ce que la guerre en valait la peine ?Si c'est pour y aller pendant peu de temps et se retirer aussitôt pour faire autre chose, c'est sacrifier beaucoup de vies pour pas grand-chose. Il me semble qu'il y a toujours des gens qui sont pour et des gens qui sont contre. Même pendant la seconde guerre mondiale, beaucoup de gens étaient opposés à ce que les Etats-Unis se mêlent d'aller aider l'Europe puisque, nous, nous vivons ici. C'était une vision simpliste. Il y a un grand retour de bâton maintenant aux Etats-Unis par rapport à la guerre. Les gens sont préoccupés par le fait que les soldats de retour du conflit ne sont pas bien traités ou sont mal soignés ou incompris. Dans le film, Bradley Cooper voit les gens qui regardent le sport à la télé, et il se dit : « Il y a une guerre là-bas et tout le monde s'en fiche. » Ce n'est pas que les gens s'en fichent délibérément, mais ils sont occupés ; la guerre dure depuis trop longtemps.Chris Kyle est rentré d'Irak en 2009. La semaine dernière, Barack Obama a demandé au Congrès l'autorisation de recourir à la force contre l'Etat islamique. Voilà les Etats-Unis de retour en Irak. A quoi ont servi les faits d'armes du sniper ?J'apprécie les hommes et les femmes qui sont volontaires pour aller faire ce travail. J'espère juste qu'ils ne sont pas exposés au danger pour des raisons de politique politicienne ou d'ambitions personnelles.Les critiques vous reprochent de glorifier le tireur sans aborder la question des responsabilités. Qui les envoie ces soldats ?Je ne sais pas qui les envoie. Je ne blâme personne. Chacun pense qu'il agit pour des raisons humanitaires. J'ai toujours eu des doutes sur l'idée d'apporter la démocratie dans les autres pays. Ce n'est peut-être pas le système qu'ils veulent ou qui leur convient. Je ne pense pas que nous devrions prendre des décisions pour le monde entier. J'ai toujours penché du côté libertarien : pour un gouvernement plus petit et qui laisse les gens en paix.Lire l'intégralité de l'entretien (en édition abonnés) : Clint Eastwood : « “American Sniper” n'est pas seulement l'histoire d'un guerrier »Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San FranciscoSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Marc Allégret, Alfred Hitchcock, Vincente Minnelli, Jacques Tourneur, Jacques Becker, Charles Vidor, Claude Autant-Lara, Edouard Molinaro… : Louis Jourdan pouvait s’enorgueillir d’avoir tourné avec tous ces metteurs en scène, et bien d’autres encore. Plus connu aux Etats-Unis qu’en France, cet éternel jeune premier – version beau ténébreux – est mort, vendredi 13 février à son domicile californien de Beverly Hills, à l’âge de 93 ans.Louis Gendre – son vrai nom – était né à Marseille le 19 juin 1921. Avant de monter à Paris, en 1938, et d’y intégrer le Cours Simon, il avait passé le plus clair de son temps à Cannes, où son père fut le propriétaire du Grand Hôtel. Quelques rôles au théâtre ici et là, et le voilà, un an plus tard, décrochant son premier rôle au cinéma, aux côtés de Charles Boyer, dans Le Corsaire, un film inachevé de Marc Allégret.Pendant l’Occupation, Louis Jourdan gagne la zone sud, joue dans une dizaine de films de peu d’importance et s’engage la Résistance (son père fut arrêté par la Gestapo).Peu après la Libération, de retour à Paris, il reçoit une lettre. L’agent du grand producteur hollywoodien David O. Selznick désire le voir. A la clé, un rôle dans Le Procès Paradine, un film que s’apprête à tourner Alfred Hitchcock.Jourdan ne sait évidemment pas qu’Hitchcock avait en tête un tout autre casting. Non seulement, il aurait préféré Laurence Olivier à Gregory Peck, mais, dira-t-il plus tard à Truffaut, cette idée de confier à Louis Jourdan le rôle de ce domestique misogyne aimé jusqu’à la mort par la femme de son patron était « la pire erreur de la distribution ». « Malheureusement, ajouta « Hitch », Selznick avait pris sous contrat Alida Valli dont il croyait qu’elle serait une seconde Ingrid Bergman, et il avait également sous contrat Louis Jourdan, alors il a fallu que je les utilise. Tout cela a considérablement affadi l’histoire. » Il n’empêche : Le Procès Paradine valut à Louis Jourdan une popularité immédiate auprès du public américain.Rodolphe dans « Madame Bovary »Son film suivant, peut-être le plus beau qu’il ait tourné, fut Lettre d’une inconnue, de Max Ophuls. Dans les décors somptueux de la Vienne impériale, il interprétait le rôle d’un pianiste virtuose, Stefan Brand, dont tombait amoureuse la belle Liza Berndle (Joan Fontaine).Partageant son temps entre Paris et Hollywood, celui qui représente désormais le « french lover » aux Etats-Unis tourne ensuite énormément. Une curiosité : en 1949, dans Madame Bovary, de Vincente Minnelli, il joue le rôle de Rodolphe, aux côtés de James Mason et de Van Heflin.La véritable consécration, ce sera presque dix ans plus tard, en 1958, lorsque Louis Jourdan joue le rôle de Gaston Lachaille dans Gigi, un autre film de Vincente Minnelli. Ses partenaires sont Leslie Caron et Maurice Chevalier. Neuf Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, seront décernés à cette merveilleuse adaptation de la nouvelle éponyme de Colette.Lorsqu’il revient travailler en France, Louis Jourdan tourne avec Jacques Becker (Rue de l’Estrapade, 1953) ou encore avec Claude Autant-Lara (Le comte de Monte-Cristo, 1961). Dans ce dernier film, souvent diffusé à la télévision, il est un Edmond Dantès tout à fait convainquant.Chevelure brune, menton volontaire, un air vaguement mélancolique et mystérieux rehaussé par une élégance vestimentaire jamais prise en défaut, Louis Jourdan a aussi bien joué des personnages sympathiques que des méchants. En 1954, à Broadway, il avait interprété au théâtre une adaptation de L’Immoraliste, d’André Gide. Parmi les autres interprètes de cette pièce, outre Géraldine Page, figurait un jeune acteur débutant : James Dean.Vers la fin de sa carrière, en 1982, Louis Jourdan tourna avec Wes Craven dans La créature du marais (Swamp Thing). Un an plus tard, il était au générique d’Octopussy, le 13e opus de la série des James Bond, réalisé par John Glen. Il y interprète Kamal Kahn, cet homme richissime qui fait l’acquisition du très convoité œuf de Fabergé…A la télévision, Louis Jourdan fit, en 1978, une apparition dans « Columbo ». Un an auparavant, à la BBC, sous la direction de Philip Saville, il avait été un formidable Count Dracula.Signe de sa renommée aux Etats-Unis, Louis Jourdan est un des rares acteurs à avoir deux étoiles à son nom sur le « Walk of Fame » d’Hollywood Boulevard.Franck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.02.2015 à 20h31 • Mis à jour le15.02.2015 à 18h01 Le film « Taxi », du réalisateur iranien Jafar Panahi, remporte samedi l'Ours d'or de la 65e Berlinale. L'ours d'argent du meilleur réalisateur est partagé par le Roumain Radu Jude, pour « Aferimi », et par la Polonaise Magorzata Szumowska, pour « Cialo » (Corps).Charlotte Rampling reçoit l'ours d'argent de la meilleure actrice pour son rôle dans « 45 Years », d'Andrew Haigh, et Tom Courtenay reçoit celui du meilleur acteur pour son rôle dans le même film.Le jury était présidé cette année par le réalisateur et producteur Daniel Aronofsky. Plus de 400 films, dont 19 en compétition pour l'Ours d'or, ont été projetés lors de cette 65e édition, qui s'est échelonnée sur onze jours.Le précédent film de Jafar Panahi, Pardé, avait reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario en 2013 au festival de cinéma de Berlin. Jafar Panahi, âgé de 54 ans, a maille à partir de longue date avec les autorités de son pays, qui l'ont frappé d'une interdiction de travailler. En son absence à Berlin, c'est sa nièce qui a reçu samedi le trophée de l'Ours d'or. Panahi a obtenu, en 2012, le prix Sakharov décerné par le parlement européen. Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum Thomas Sotinel Drôle d’année pour le cinéma français. Les investisseurs ont été prudents, frileux, même : trois films d’un budget supérieur à 15 millions d’euros en 2014 contre 12 et 18 en 2013 et 2012, 36 longs-métrages qui ont coûté plus de 10 millions contre 48 l’année précédente. En revanche, on a compté 61 films d’un budget compris entre deux et quatre millions, contre 47 et 46 les deux années précédentes.Cette extrême prudence a payé. La part de marché des films français a grimpé à 44 % et la rentabilité des films en salles s’est améliorée. L’hebdomadaire professionnel Le Film français, qui publie ces statistiques dans son édition du 13 février a calculé que 42 films avaient atteint un taux d’amortissement de 25 % après leur exploitation en salles, contre 30 en moyenne ces dernières années.Au terme de leur carrière en salles, cinq films ont rapporté plus à leurs producteurs que ce qu’ils y avaient investi : trois comédies – Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron, qui a engrangé 300 % des 12,79 millions d’euros de son budget ; La Famille Bélier, d’Eric Lartigau (231 %, 7,55 millions) ; Babysitting, de Philippe Lachau et Nicolas Benamou (211 %, 3,48 millions) – suivies de deux documentaires – La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (148 %, 400 000 euros) et Résistance naturelle, de Jonathan Nossiter (113 %, 50 000 euros). Ce groupe de tête réunit donc des films qui ont compté leurs spectateurs par millions (12 pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?) et par milliers (18 pour le film de Nossiter). « Lucy », production française la plus rentable en 2014La méthode retenue par nos confrères du Film français consiste à déduire des recettes en salles la part revenant aux exploitants et aux distributeurs pour obtenir les sommes revenant aux producteurs. Il faut rappeler que les ventes de tickets ne représentent qu’une partie des revenus de l’industrie cinématographique. Les films prévendus aux chaînes (l’immense majorité des productions françaises) peuvent compter sur la somme versée par celles-ci pour la diffusion sur petit écran, ventes de DVD (de moins en moins), et VàD (de plus en plus) doivent aussi être prises en compte.Enfin, les ventes à l’étranger sont une source de recettes indispensables. Dans le classement du Film français, le plus gros budget de l’année (49 millions d’euros), Lucy n’affiche que 33 % de taux d’amortissement mais le succès du film de Luc Besson dans le monde entier en a fait la production française la plus rentable de l’année.70 films avec un amortissement inférieur à 5 %Dans l’ensemble, les professionnels estiment qu’il faut que les recettes en salles se situent entre un quart et un tiers du budget d’un film pour que les producteurs puissent espérer recouvrer finalement leur investissement. C’est loin d’être le cas de tous les films. Soixante-dix longs-métrages ont un taux d’amortissement inférieur à 5 %, ce qui, là encore, recouvre des réalités très différentes.Avec moins de 70 000 spectateurs, The Search, de Michel Hazanavicius n’a rapporté que 1,06 % des 20,6 millions d’euros de son budget, pendant que les 12 000 spectateurs du Gaby Baby Doll, de Sophie Letourneur, qui avait coûté 1,56 million, ont porté son taux d’amortissement à 2,41 %.Parmi les grosses productions qui ont raté de loin le seuil de rentabilité, on compte aussi Benoît Brisefer, de Manuel Pradal, 8,3 millions d’euros de budget, 4,6 % de taux d’amortissement, Un illustre inconnu, de Mathieu Delaporte, (12,74 millions d’euros, 2,52 %) ou Grace de Monaco, d’Olivier Dahan, (25,2 millions, 3,68 %).Belle performance pour « Timbuktu »En haut de ce tableau, le succès n’est pas forcément allé aux plus grosses productions. Outre les documentaires déjà cités, on remarque la très belle performance du Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, 2,32 millions de budget et 95,13 % de taux d’amortissement, alors que l’exploitation du film est toujours en cours. Hippocrate, de Thomas Lilti, Lulu femme nue, de Solveig Anspach ou Les Combattants, de Thomas Calley peuvent aussi se prévaloir d’un taux supérieur à 50 %.Les trois millions d’entrées de Samba, d’Olivier Nakache et Eric Toledano ont permis au film de se classer quatrième de ce classement, avec un taux d’amortissement de 63 %. C’est dix fois moins que les 600 % d’Intouchables.Thomas SotinelJournaliste au Monde 14.02.2015 à 20h31 • Mis à jour le15.02.2015 à 18h01 Le film « Taxi », du réalisateur iranien Jafar Panahi, remporte samedi l'Ours d'or de la 65e Berlinale. L'ours d'argent du meilleur réalisateur est partagé par le Roumain Radu Jude, pour « Aferimi », et par la Polonaise Magorzata Szumowska, pour « Cialo » (Corps).Charlotte Rampling reçoit l'ours d'argent de la meilleure actrice pour son rôle dans « 45 Years », d'Andrew Haigh, et Tom Courtenay reçoit celui du meilleur acteur pour son rôle dans le même film.Le jury était présidé cette année par le réalisateur et producteur Daniel Aronofsky. Plus de 400 films, dont 19 en compétition pour l'Ours d'or, ont été projetés lors de cette 65e édition, qui s'est échelonnée sur onze jours.Le précédent film de Jafar Panahi, Pardé, avait reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario en 2013 au festival de cinéma de Berlin. Jafar Panahi, âgé de 54 ans, a maille à partir de longue date avec les autorités de son pays, qui l'ont frappé d'une interdiction de travailler. En son absence à Berlin, c'est sa nièce qui a reçu samedi le trophée de l'Ours d'or. Panahi a obtenu, en 2012, le prix Sakharov décerné par le parlement européen. Isabelle Regnier Il faut trouver le temps, à Berlin, de quitter l’autoroute de la sélection officielle, pour prendre les chemins accidentés des sections parallèles, où prospère généralement un cinéma plus audacieux formellement, et plus vibrant. La programmation du Forum avait cette année très bonne presse, et les quelques films qu’on a trouvé le temps d’y voir ont validé la rumeur. La Vallée d’abord, marquait le retour, en pleine forme, de Ghassan Salhab, chef de file de la génération de cinéastes libanais éclose au début des années 1990.D’une beauté plastique saisissante, ce film qui puise sa force politique dans une poésie aussi désespérée que ses couleurs sont éclatantes et sa lumière radieuse, provoque la rencontre entre un homme (Carlos Chahine) qui revient à lui, amnésique, après un accident de voiture, et un groupe d’individus qui cohabitent dans une grande maison perdue au milieu de la vallée de la Bekaa.Métastases du communautarismeLe film est situé dans un Liban imaginaire, mystérieux, sorte d’extrapolation du pays actuel, où l’on croise des hommes en armes sur des routes désertes, où la radio crachouille les mauvaises nouvelles (« réfugiés… », « Al-Qaida »), où les métastases du communautarisme viennent gangréner la moindre conversation, où tout semble annoncer l’imminence de la catastrophe – qui finit par arriver. Dans ce climat délétère, paranoïaque, en équilibre précaire, que l’auteur exacerbe par un travail sophistiqué sur le son, une sensualité débordante se distille, qui passe par la musique, les jeux cristallins de surimpressions, la texture et les couleurs des paysages qui défilent, l’érotisme de la danse, une étrange présence animale…Manière, dérangeante, sans doute, parce que complexe, contradictoire, de sonder l’inconscient d’un pays dont l’amnésie n’est pas le moindre des maux, et dans lequel la violence ne cesse de faire retour. Mais dont la puissance expressive est le signe de la terrible justesse. Un film-rêveAutre splendeur découverte au Forum, Exotica, Erotica, etc. d’Evangelia Kranioti. Photographe et plasticienne à l’origine, cette jeune réalisatrice grecque, récemment sortie du Fresnoy, est aussi marin diplômé. Son film est l’aboutissement de quatre années passées sur des cargos et dans les ports, à filmer ces vaisseaux géants, recueillir les paroles de leurs occupants, et des filles auprès de qui ils se réchauffent dans les ports.Le récit d’une ancienne prostituée chilienne, personnage magique, amoureuse de l’amour, et des marins grecs, distille sa généreuse folie dans un montage feuilleté, scintillant, où les images majestueuses, extraordinaires, de ces puissants vaisseaux, dansent avec des plans de visages, de corps, de peau, filmés avec amour et sensualité. Un film-rêve, qui fait affleurer tout l’imaginaire romanesque de la mer, de ses héros tragiques, de ses amoureuses oubliées.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino « J’aimerais pouvoir accompagner pendant de nombreuses années encore ce petit frère du Festival de Clermont-Ferrand », c’est ainsi que le délégué général de ce rendez-vous annuel du court-métrage, Eric Wojcik, a présenté le Nikon Film Festival, l’un des derniers nés des festivals en ligne dédiés à ce format. Avec cinq éditions à son actif, il peut effectivement faire figure de jeunot dans la cour des grands. Mais il s’est quand même offert un final en beauté avec la traditionnelle remise de prix, jeudi 12 février, au MK2 Bibliothèque (Paris 13e). Le jury présidé cette année par le réalisateur Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, la série des OSS 117) s’est réuni au grand complet pour l’occasion.Tous les professionnels du cinéma présents lors de cette cérémonie de clôture ont tenu à souligner la qualité remarquable des courts-métrages proposés pour cette 5e édition, au total 1 091 films (pour 1 282 participants), dont cinquante ont plus particulièrement retenu l’attention du jury et du public sur Internet. C’est le cas notamment de Pascale Faure, directrice de l’unité des programmes courts et créations de Canal+, nouveau partenaire du Nikon Film Festival. Venue « repérer de nouveaux talents », elle s’est dite « admirative de la très grande qualité artistique » des courts sélectionnés. Ils feront d’ailleurs l’objet d’une diffusion le 8 mars dans le cadre de « Mickrociné », le magazine hebdomadaire des courts-métrages. Ils seront également projetés dans les salles MK2, autre partenaire du festival représenté par Elisha Karmitz, directeur de MK2 Agency, qui a fait office de maître de cérémonie pour la remise des prix. Un film « à la fois drôle et original »Cinq prix et une mention spéciale, créée pour l’édition 2015, ont été décernés au fil de la soirée. Grand vainqueur, le lauréat du Grand Prix du jury : David Merlin-Dufey avec son court intitulé Je suis l’ombre de mes envies – le thème imposé cette année était « Je suis un choix » (en moins de 140 secondes). Le président du jury, Michel Hazanavicius, n’a pas tari d’éloges sur ce film « à la fois très drôle et original, mystérieux et extrêmement maîtrisé », qui « ne mendie pas le rire » et fait preuve d’« une excellente gestion du temps ».Le lauréat 2015 est venu sur scène avec toute sa « troupe » comme il appelle l’équipe de « potes » qui travaille à ses côtés depuis ses débuts, en particulier son complice de toujours, Olivier Riche (qui présentait aussi un film en compétition cette année, Je suis orientée). Ils ont réalisé plusieurs courts-métrages, dont deux déjà en lice dans des éditions précédentes du Nikon Film Festival, Je suis gravé et Je suis fan de mon voisin. David Merlin-Dufey espère que ce prix va « leur ouvrir des portes » et leur permettre de mener à bien plusieurs nouveaux projets, dont une série de quinze épisodes de cinq minutes chacun sur le thème de la quête du plaisir féminin. Les « Guillaume Gallienne de la soirée »Autre gagnant de la soirée, le court-métrage d’Isabelle Quintard et Fabien Motte, Je suis à l’heure, qui s’est payé le luxe de décrocher deux récompenses : le prix du public et le prix de la meilleure réalisation, ce qui leur a valu le surnom de « Guillaume Gallienne de la soirée ». Sur un sujet particulièrement délicat, le viol, et surtout aussi la lâcheté ordinaire, ils parviennent, en un tout petit plus de deux minutes, à faire entrer le spectateur dans la peau du témoin – passif – d’une agression dans le RER. En suggérant plutôt qu’en montrant les choses de façon directe.Comme souvent dans ces festivals, les courts-métrages sélectionnés offrent un panorama très large de la société contemporaine et de ses maux, parfois dans un registre réaliste et tragique (comme Je suis un migrant, de David Bouttin, mention spéciale du jury) mais aussi parfois avec une bonne dose d’humour et de second degré (comme Je suis une moustache, de Vincent Liveira (prix Canal+) et Je suis tambour battant, d’Antoine Martin (prix des écoles), les deux autres lauréats de la cérémonie). Un seul regret peut-être : ne pas avoir pu découvrir, lors de cette cérémonie de clôture, plus de courts-métrages en compétition. Seule une douzaine de films ont été projetés – les cinq primés, bien sûr, mais aussi les nommés dans différentes catégories –, pour éviter que la soirée ne s’éternise jusque tard dans la nuit (contrairement au Mobile Film Festival qui, vu le format très court des films, 1 minute, peut se permettre d’en diffuser cinquante d’affilée). Mais la plateforme de diffusion en ligne du Nikon Film Festival permet des séances de rattrapage à l’infini, le catalogue intégral des 1 091 films proposés étant toujours accessible sur Ie Web. Un grand patchwork d’images dans lequel l’internaute peut piocher en fonction de ses envies de cinéma.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Nikon Film Festival 2015 en images :Grand Prix du jury (doté de 3 000 euros et une diffusion dans les salles MK2 et sur Canal+) : David Merlin-Dufey pour Je suis l’ombre de mes enviesPrix Canal+ : Vincent Liveira pour Je suis une moustachePrix de la meilleure réalisation (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heurePrix des écoles (doté de 1 000 euros et une diffusion sur Canal+) : Antoine Martin pour Je suis tambour battantPrix du public (déterminé par les votes sur le site du festival et doté de 1 000 euros de financement sur la plateforme de financement participatif Ulule) : Isabelle Quintard et Fabien Motte pour Je suis à l’heureMention spéciale (spécialement créée pour l’édition 2015) : David Bouttin pour Je suis un migrantCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 13.02.2015 à 08h46 • Mis à jour le13.02.2015 à 10h58 | Isabelle Regnier Né en 1977, Radu Jude est un des plus jeunes cinéastes de la scène roumaine contemporaine. Avec La Fille la plus heureuse du monde (2009) et Papa vient dimanche (2012), il a commencé par creuser le même sillon, absurde et corrosif, que ses contemporains Cristi Puiu ou Corneliu Porumboiu, offrant de la Roumanie actuelle une peinture au vitriol.Le voici qui revient, en compétition à Berlin, avec Aferim !, un film d’époque, en noir et blanc, situé dans la Roumanie du XIXe siècle. L’initiative est aussi surprenante que bienvenue, à un moment où cette veine roumaine pourrait bien avoir épuisé son réservoir de fictions (Match retour, le dernier film de Porumboiu, était un documentaire tourné dans le salon de l’auteur, avec son père, devant sa télévision). D’autant qu’Aferim ! allie une beauté formelle, un mordant et un humour noir qui le rattachent aux précédents films de l’auteur, avec un sujet inédit au cinéma, qui résonne avec le climat politique et social actuel. Une noirceur sans appelNous sommes en 1834. Un représentant de la loi et son fils traversent la campagne à cheval. Le premier enchaîne les anecdotes historiques abracadabrantes, les aphorismes sur le sens de la vie et un chapelet coloré de considérations racistes et xénophobes teintées de religiosité de bazar et de superstition. Le second, pas encore déniaisé, l’écoute en silence. Ils sont à la recherche d’un Rom accusé d’avoir couché avec la femme du potentat local. Dans une campagne orthodoxe, inculte, mal dégrossie, violemment antisémite et anti-Rom, le film suit la traque de ces Don Quichotte et Sancho Panza du côté du manche, de village en village. C’est drôle, savoureux et dérangeant…Alternant des scènes d’action et les scènes de dialogue surréalistes, ce western à la roumaine repose sur une belle symétrie entre l’aller, où la cible, insaisissable, cristallise tous les fantasmes, et le retour, où les deux cavaliers ramènent le pauvre bougre et comprennent vite qu’il est innocent. La fin est d’une noirceur sans appel, qui rappelle à point nommé la logique mortifère des préjugés racistes. En dépouillant l’autre de son humanité, ils justifient tous les passages à l’acte.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Ce n’est un secret pour personne, Cannes commence à Berlin. Chaque année, c’est là que la tension monte d’un coup, dans les coursives du Martin-Gropius-Bau où bouillonne le marché du film. Dans le contexte d’une édition 2015 « un peu molle », polarisée entre des professionnels américains stimulés par le décollage de la VOD sur leur territoire, et des Russes plombés par la chute du rouble, vendeurs, acheteurs, programmateurs de festivals ont déjà leurs antennes braquées sur la Croisette. Les DVD circulent de main en main, les « promo reels » (super bandes-annonces destinées aux distributeurs) passent en boucle sur les écrans, ça pitche à tout va, les enchères montent très vite, les spéculateurs guettent l’outsider qui pourrait faire sensation…Tout est encore mouvant, la seule certitude étant que Thierry Frémaux, Edouard Waintrop et Charles Tesson, qui programment respectivement la sélection officielle (compétition, hors compétition et Un certain regard), la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, n’ont encore pratiquement arrêté aucun choix définitif. Il se murmure certes qu’Apichatpong Weerasethakul serait assuré d’une place en compétition – on voit mal, de fait, comment son nouveau long-métrage qui vient après Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, la Palme d’or 2010, pourrait atterrir ailleurs. Nanni Moretti y serait aussi, avec un film, Mia madre, dans lequel John Turturro a le rôle principal.Lire aussi : La jungle vue par le cinéaste Apichatpong WeerasethakulDes Français particulièrement nombreuxPour le reste, la bataille s’annonce rude, comme chaque année. Et plus rude encore pour les Français, particulièrement nombreux sur les rangs, comme chaque année encore. Parmi les habitués de la Croisette, Arnaud Desplechin, de retour à domicile après son escapade américaine Jimmy P., retrouve son héros récurrent Paul Dédalus (Mathieu Amalric) qu’il replonge dans le souvenir de son premier amour. Philippe Garrel est aussi de la partie, avec un film qui réunit Stanislas Merhar et la princesse Clotilde Courau. Prêts également : Maïwenn, Xavier Giannoli, Bruno Podalydès, Jean-Paul Rappeneau, Lucile Hadzihalilovic, Guillaume Nicloux (qui a tourné avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu), et Nicolas Saada, avec Taj Mahal, une histoire de terrorisme islamiste tournée en Inde.Chez les plus jeunes, on sait que Louis Garrel a terminé son premier long-métrage, Benoît Forgeard aussi, ainsi qu’Olivier Loustau, fidèle acteur d’Abdellatif Kechiche qui passe de l’autre côté de la caméra, et Eva Husson, dont le Bang Gang au parfum de scandale (une histoire de sexe extrême entre ados en groupe), en fait déjà saliver plus d’un.Quelques mastodontes cannoisL’Italie a beaucoup de candidats également, à commencer par ses mastodontes cannois que sont, outre Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui présentent l’un et l’autre des films en anglais, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly au générique du film du premier, Harvey Keitel et Michael Caine à celui du second. Marco Bellocchio serait lui aussi dans la course.Pour le reste de l’Europe, on évoque pour l’heure le Grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui a réuni, lui aussi, un casting international impressionnant (John C. Reilly, Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux…), le Roumain Corneliu Porumboiu (12 h 08 à l’est de Bucarest, Policier, adjectif, Match retour…), l’inusable Britannique Stephen Frears, ou encore le jeune Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août).Scorsese, Van Sant et Kawase pressentisDe grands noms américains circulent aussi, celui de Gus Van Sant notamment, qui a terminé The Sea of Trees, avec Matthew McConaughey. Sean Penn est aussi sur les rangs, ainsi que Cary Fukunaga, récemment remarqué pour son travail de réalisateur et producteur de la série « True Detective », qui vient de réaliser un film sur un enfant soldat, Beasts of No Nation, avec Idris Elba dans le rôle principal. D’Asie, outre Apichatpong Weerasethakul, on parle sérieusement de Kore-eda (qui a tourné deux films à la suite, dont on ne sait pas encore lequel sera terminé le premier), Naomi Kawase et Kiyoshi Kurosawa.Il y a encore le cas des auteurs loin d’avoir fini, dont on dit qu’ils ne pensent pas du tout à Cannes, mais qui pourraient arriver in extremis sur la ligne d’arrivée, pour peu que les astres veuillent bien adopter la bonne configuration. Jacques Audiard est de ceux-là, qui a tourné l’essentiel de son film au Sri Lanka, monté au fur et à mesure, mais doit encore faire quelques prises en Inde. Ainsi que Hou Hsiao-hsien, Gaspar Noé et Jia Zhangke. Certains pensent même que Martin Scorsese pourrait avoir terminé Silence, ce projet sur la persécution des jésuites dans le Japon du XVIe siècle qu’il porte depuis plus de deux décennies alors que le tournage vient juste de commencer à Taïwan.Une seule chose est sûre : le jeu des pronostics est officiellement ouvert.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Partenaire de Kirk Douglas et de Humphrey Bogart, mais aussi d’Elvis Presley, l’actrice américaine Lizabeth Scott est morte le 31 janvier à Los Angeles. Elle avait 92 ans.Blonde aux yeux clairs, la voix un peu rauque, elle pouvait prétendre au rang de ses consœurs Veronica Lake ou Lauren Bacall. Malgré les efforts de la Paramount, le studio qui lui fit faire ses débuts au cinéma en 1945, Lizabeth Scott n’atteignit jamais les sommets de la gloire. D’autant que sa carrière ne se remit jamais d’une de ces attaques dont la presse à scandale hollywoodienne était coutumière.Lizabeth Scott est née Emma Matzo, le 29 septembre 1922, à Scranton (Pennsylvanie), dans une famille d’origine ukraininienne. Mannequin à New York, doublure de Tallulah Bankhead sur Broadway, elle est remarquée par le producteur Hal B. Wallis qui l’emmène à Hollywood où la Paramount la prend sous contrat. On la voit en 1946, dans L’Emprise du crime, de Lewis Milestone. Elle y tient un second rôle aux côtés de Kirk Douglas et Barbara Stanwyck. Son physique de femme fatale lui donne accès au sommet de l’affiche dès l’année suivante avec En marge de l’enquête, de John Cromwell, avec Humphrey Bogart.Lizabeth Scott enchaîne plusieurs films noirs, réalisés par Byron Haskin (L’Homme aux abois, en 1948, La Tigresse, en 1949) ou William Dieterle (La Main qui venge, 1950, avec Charlton Heston). Mais le genre est en déclin et la jeune actrice qui clame haut et fort son désir d’être « respectée pour son talent » plutôt que d’être « classée parmi les “personnalités” » s’essaie aussi bien au mélodrame (La Rue de traverse, de Dieterle, avec Robert Cummings, en 1950) qu’au western (La Montagne rouge, toujours de Dieterle, avec Alan Ladd).En 1954, Howard Rushmore, ancien critique du quotidien communiste The Daily Worker passé dans le camp du sénateur Joe McCarthy, consacre à Lizabeth Scott un article dans la feuille à scandales Confidential. Les allusions à son célibat, à ses « pyjamas pour hommes » et à son appartenance au clan des « pépées à voix de baryton » visent clairement à dénoncer une homosexualité qui, à l’époque, est toujours synonyme d’infamie. L’actrice porte plainte et finit par trouver un accord avec Rushmore. Elle ne tournera presque plus pour le cinéma, se consacrant essentiellement à la télévision. Tout juste la voit-on en 1957 dans Amour frénétique, de Hal Kanter, aux côtés du tout jeune Elvis Presley, dont elle incarne l’agent.Thomas SotinelJournaliste au Monde Ania Nussbaum Cinquante nuances de Grey sort aujourd'hui en salles. Entre érotisme et « soft porn », le roman à succès d'E.L. James met en scène les ébats d'un jeune milliardaire et d'une timide étudiante. Son adaptation au cinéma a été interdite aux mineurs de moins de 17 ans non accompagnés aux Etats-Unis. En France, le Centre national du cinéma recommande de réserver le visionnage du film aux plus de 12 ans.Fifty Shades, « dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils », a donc été jugé plutôt sage par le CNC. Sur quels critères ? Se sont-ils assouplis ces dernières années, sous l'effet de la banalisation des images de sexe dans la vie quotidienne ?Les classifications du CNC en fonction de l'âgePour être diffusés en salle, les films doivent obtenir un visa d'exploitation du ministère de la culture. Ce visa est assorti d'une classification qui détermine les catégories d'âge auxquelles le film est destiné :tous publicsmoins de 12 ansmoins de 16 ansmoins de 18 ansclassification X (le classement en film X ne permet pas la sortie de l'œuvre en salles, hors cinéma X – il n'en reste qu'un en France)Chaque catégorie peut être assortie d'un avertissement (par exemple, American Sniper de Clint Eastwood est assorti de la mention « des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »).Le classement pourrait être amené à évoluer. Dans son dernier rapport d'activité, la commission de classification des œuvres cinématographiques du CNC propose de supprimer la catégorie « moins de 12 ans » pour la remplacer par deux nouvelles catégories, moins de 10 et 13 ans.Au total :2 000 longs-métrages ont été visionnés par la commission du CNC entre 2010 et 2012 128 longs-métrages ont été interdits aux mois de 12 ans, contre 34 aux moins de 16 ans Comment est prise la décision ?En premier lieu, le film est visionné par une sous-commission de classification. Elle est composée de représentants associatifs, d'enseignants, d'étudiants, de retraités de l'audiovisuel, de « mères de famille » (sic). Ils sont nommés par le président de la commission.Tous les jours, six personnes en moyenne se réunissent pour regarder les films. A la fin de la projection, un rapport est rédigé. S'il conclut à une qualification « tous publics » (90 % des cas) à la majorité, les films ne sont pas visionnés par la commission complète. Au total, grâce aux procédures simplifiées, seuls 4 % des films sont vus par la commission.En cas d'absence d'unanimité, la commission de classification du CNC doit visionner le film durant l'une de ses deux séances hebdomadaires. La plupart du temps, elle suit l'avis majoritaire de la sous-commission. Le ministre de la culture valide ensuite son avis.Ces différentes étapes ont été mises en place par un décret de 1990.Qui a le dernier mot ?La décision finale appartient au ministre de la culture, qui émet un « décret de classification ». En général, il se range à l'avis de la commission de classification du CNC. Exceptionnellement, il peut décider de ne pas le suivre. En 2009, la productrice de Le Début de l'hiver, un court-métrage réalisé par Eric Guirado, saisit le ministre. Le film, qui aborde la pédophilie, passe d'« interdit aux moins de 12 ans » à un simple avertissement, de sorte qu'il puisse être diffusé dans le cadre d'actions de prévention à l'école.Qui sont les membres de la commission ?La commission de classification des œuvres cinématographiques est présidée par un conseiller d'Etat et un président suppléant, nommés par décret du premier ministre. Ses 28 membres sont répartis dans quatre collèges :Le collège des représentants des ministres de l'intérieur, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé et des affaires sociales, de la jeunesseLe collège des professionnels du cinéma (producteurs, réalisateurs, distributeurs, exploitants, critiques), choisis par le ministre de la culture après consultation d'organisations et d'associations professionnellesLe collège de représentants du monde médical ou de spécialistes des sciences humaines, proposés par les ministres de la santé et des affaires sociales, ainsi que la justiceLe collège des jeunes (de 18 à 24 ans) proposés par le ministre de la culture, choisis sur une liste candidatures dressée par le CNC. Quels sont les critères de classement ?Il n'existe pas de grille d'évaluation précise, ce qui laisse une grande flexibilité à la commission. Elle fait preuve d'une « vigilance particulière » en ce qui concerne la violence (physique ou psychologique), les comportements dangereux ou délinquants s'ils sont banalisés ou valorisés, l'atteinte à l'image de la femme, à la dignité humaine, les scènes sexuelles crues et l'exhibitionnisme. Sur la forme, elle examine la durée et la fréquence des scènes « critiques », leur charge émotionnelle, leur caractère traumatisant.Pour autant, « lorsqu'un film intelligent, pudique, juste aborde des sujets graves (inceste, humiliation, etc.), il faut certes avertir le public, mais l'interdiction aux mineurs de moins de 12 ans ne doit pas être systématique en raison de l'intérêt pour la jeunesse à réfléchir à ces questions », selon le rapport de la commission.La démarche créatrice de l'auteur est donc prise en compte, ainsi que l'aptitude des plus jeunes à la saisir. Un film qui traite d'un sujet important, qui délivre un message social ou politique dans une réalisation de qualité pourra donc être jugé « tous publics » même s'il contient des scènes violentes.Les films d'horreur sont ainsi les plus faciles à classer, alors que ceux qui illustrent des scènes de violence psychologique réaliste (comme le film australien Sleeping Beauty en 2011) ou de soumission sexuelle consentie (comme le japonais Guilty of Romance en 2012) donnent lieu à plus de débats.En revanche, les critères sont plus précis pour les films interdits aux moins de 18 ans. Ils contiennent des scènes de sexe non simulées ou de grande violence, mais qui « par la manière dont ils sont filmés et la nature du thème traité, ne justifient pas un classement X ».Quel est l'impact économique de cette décision ?Lorsqu'un film est assorti d'une interdiction pour certaines classes d'âges, son public et son nombre d'entrées en salle se réduisent mécaniquement. Les cinémas ont l'obligation d'afficher les interdictions, ce qui peut engendrer des surcoûts pour les salles, qui doivent contrôler l'accès du public. Ainsi, entre 2010 et 2012, aucun film ayant obtenu une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans n'a dépassé 100 000 entrées, à l'exception du film américain Le Dernier Exorcisme.A la télévision, certaines plages horaires sont réservées aux films tous publics. Par exemple, les films interdits aux moins de 12 ans ne sont pas diffusés avant 22 heures sur les grandes chaînes. Les longs-métrages qui sont réservés aux plus de 18 ans sont visibles sur les chaînes cryptées uniquement, entre minuit et 5 heures du matin. Cela limite le prix de vente potentiel du film aux chaînes de télévision.Peut-on contester les catégories d'âge d'un film ?La décision de classement peut avoir des conséquences économiques lourdes. C'est pourquoi il existe des procédures d'appel pour la contester. Si la commission ne peut pas couper ou modifier un film, le producteur ou le distributeur peuvent opérer des changements en vue d'un réexamen de l'œuvre.In fine, en cas de refus du ministre, les visas d'exploitation peuvent être contestés devant le juge administratif. Les spectateurs peuvent également s'adresser à la justice. Ce fut le cas en 2009 pour Antichrist de Lars Von Trier, que certaines associations auraient voulu voir classé « moins de 18 ans » ou « X », au lieu de « moins de 16 ans ».Les critères du CNC se sont-ils assouplis avec le temps ?Entre 2010 et 2012, les interdictions de moins de 12 ans à moins de 16 ans avec avertissement ont diminué par rapport aux années précédentes, « sans que cette diminution puisse être vraiment significative », écrit un groupe de travail de la commission.En revanche, entre 2007 et 2009, le nombre d'interdictions baisse. Dès lors, « certains au sein de la commission s'interrogent sur le fait de savoir si la jurisprudence de la sous-commission n'a pas évolué dans un sens progressivement plus libéral ».Ce derniers se demande aussi si la commission plénière n'est pas, elle aussi, « plus souple » du fait d'une « accoutumance aux images difficiles » et « d'un certain scepticisme à l'égard des missions exercées». Son rapport d'activité résume ainsi cette idée : « A quoi bon restreindre l'accès aux films quand toutes les images sont aujourd'hui en libre accès ? »Le document met le doigt sur une possible « autocensure » pour les œuvres françaises, liée au « au poids de la télévision dans l'économie du cinéma». Les films soumis à des restrictions d'âge auraient plus de difficultés à trouver des financements de la part des chaînes de télévision, et seraient tout simplement moins nombreux.Le phénomène se retrouve dans tous les pays : moins le public potentiel du film est large, moins il a de potentiel de générer des bénéfices, que ce soit au cinéma ou à la télévision.Ania Nussbaum 11.02.2015 à 11h48 • Mis à jour le12.02.2015 à 11h21 | Thomas Sotinel Roger Hanin, acteur français, interprète du commissaire éponyme de la série télévisée « Navarro », s'est éteint à l'âge de 89 ans, selon son entourage. L'acteur est mort dans la matinée du 11 février des suites d'une détresse respiratoire. Il « était hospitalisé depuis plusieurs jours », a précisé le réalisateur Alexandre Arcady, mercredi matin.Roger Hanin aura beau avoir été comédien, romancier, réalisateur et directeur de festival, il restera dans la mémoire des Français le « beau-frère » et le commissaire. Epoux de la productrice Christine Gouze-Rénal, sœur aînée de Danielle Mitterrand, il devient beau-frère du président de la République de 1981 à 1995. Pour le bicentenaire de la Révolution française, TF1, qui venait d'être privatisée, fit de Roger Hanin son commissaire d'élection : figure paternelle d'une France pluriethnique, le commissaire Navarro sera de 1989 à 2009 l'un des personnages de fiction favoris des téléspectateurs français.ENFANCE ALGÉRIENNERoger Lévy, de son vrai nom, est né le 20 octobre 1925 à Alger. Petit-fils de rabbin, fils d'un employé des postes communiste, il a souvent évoqué son enfance dans la basse casbah, ses amitiés avec les prostituées du quartier, le mélange des nationalités et des religions. Après s'être engagé dans l'aviation en 1944, il arrive à Paris la guerre finie pour y suivre des études de pharmacie.Il se tourne vite vers le métier d'acteur, tenant des petits rôles au théâtre et, à partir de 1952, au cinéma, prenant pour nom de scène celui de sa mère. On le reconnaît dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960) ou, la même année, dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti. Il est Ravaillac dans Vive Henri IV, Vive l'amour, de Claude Autant-Lara (1960) et Charles le Téméraire dans Le Miracle des loups, de Bernard Borderie (1961).En 1959, il épouse la productrice Christine Gouze-Rénal. Celle-ci s'est lancée dans la série des Gorilles, films d'espionnage inspirés des romans de Dominique Ponchardier. Lino Ventura a tenu le rôle dans le premier long-métrage, puis y renonce. Roger Hanin en hérite pour deux films, La Valse du Gorille (1959) et Le Gorille a mordu l'archevêque (1962). Un peu plus tard, Claude Chabrol en fait « Le Tigre », pour deux films parodiques Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite l'année suivante.IL QUALIFIE LE PEN DE « NAZI »Jusqu'en 1979, Roger Hanin travaille très régulièrement en France et en Italie, tenant souvent des rôles de policier, croisant le chemin de cinéastes aussi divers que Dino Risi (La Marche sur Rome, 1961), Guy Gilles (Le Clair de Terre, 1970) ou Edouard Molinaro (Les Aveux les plus doux, 1971). Il s'essaie à la réalisation avec Le Protecteur (1974) et Le Faux-Cul (1975). En 1977, il fonde le festival de théâtre de Pau, afin, de son propre aveu, de tenir les rôles — dans Shakespeare ou Pirandello — qu'on ne lui propose jamais.C'est donc en 1979 qu'un jeune cinéaste né en Algérie, Alexandre Arcady, lui propose un rôle de père rapatrié d'Algérie dans Le Coup de sirocco. Roger Hanin a trouvé sa place dans le cinéma français, et il la consolide en 1982, en devenant un parrain juif pied-noir dans Le Grand Pardon. Cette acclimatation de la mythologie mafieuse à l'histoire contemporaine française rencontre un vif succès (une suite sera réalisée en 1992). Roger Hanin et Alexandre Arcady collaborent à nouveau pour Le Grand Carnaval (1983), qui évoque le débarquement alliée en Afrique du Nord.Elément important et voyant de l'entourage de François Mitterrand, le comédien s'engage dans les campagnes de son beau-frère, qu'elles soient électorales ou politiques. En 1985, il réalise Train d'enfer, film d'un antiracisme militant inspiré d'un fait divers. Cinq ans plus tard, il gagne un procès en diffamation que lui a intenté Jean-Marie Le Pen après que l'acteur eut qualifié le président du Front national de « nazi ».ORDRE BON ENFANTDepuis 1989, Roger Hanin était devenu le commissaire Navarro, héros d'une série télévisée qui rencontre, dès la diffusion de son premier épisode, sur TF1, un succès colossal. La chaîne privée veut prouver qu'elle peut faire jeu égal avec les fictions américaines qui dominent à l'époque, et réussit sa démonstration.A Barbès ou en banlieue, le commissaire fait régner un ordre bon enfant dans une France où toutes les communautés trouvent leur place.Désormais, l'essentiel de la carrière de Roger Hanin se passe sur le petit écran. C'est pour la télévision qu'il marche sur les brisées de Raimu, reprenant d'abord le rôle du mari de La Femme du boulanger avant de s'attaquer à César dans une reprise de la trilogie marseillaise, pour le service public, succès d'audience, fort mal accueilli par la critique, tout comme son dernier long métrage Soleil, d'inspiration autobiographique, sorti en 1997.Lire : Roger Hanin, « de la même trempe que Gabin et Belmondo »Après la mort de François Mitterrand, en 1996, Roger Hanin devient l'un des gardiens de la mémoire du président, publiant un recueil de souvenirs en 2000 (Lettre à un ami mystérieux, chez Grasset, qui a également publié plusieurs de ses romans), reprochant violemment au Parti socialiste d'exercer son « droit d'inventaire » et se rapprochant par là même du Parti communiste pour l'élection présidentielle de 2002, avant d'appeler à voter Nicolas Sarkozy au second tour en 2007.En 2008, à l'occasion du tournage et de la diffusion du dernier épisode de Navarro, Roger Hanin avait annoncé sa retraite d'acteur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : on peut éviterEntre Vancouver et Seattle vivait une jeune fille modeste, étudiante en littérature anglaise du nom d’Anastasia Steele. Un jour, sa colocataire, étudiante en journalisme, l’envoya interviewer à sa place un milliardaire de 27 ans, roi des télécoms et de la lutte contre la faim dans le monde du nom de Christian. Autant prévenir ceux et – surtout celles – qui n’ont pas lu Cinquante nuances de Grey, le premier tome de la trilogie écrite (en tout cas consignée sur papier) d’E. L. James, quand ce film s’achèvera, au bout de deux heures, on sera encore loin du mariage, des enfants et du bonheur prolongé.Lire aussi le post de blog : Ceci n’est pas une critique de « Cinquante nuances de Grey »Christian Grey (l’acteur irlandais Jamie Dornan) n’aime pas qu’on le touche. « I don’t do romance » (« fleur bleue, ce n’est pas mon truc »), prévient-il la jeune fille venue se jeter dans sa gueule, vêtue d’un chemisier à fleurs. Son truc, et c’est pour ça que la salle de projection de presse était aussi emplie et émoustillée que le seront les salles commerciales, c’est la domination – il récuse le terme « sadique ». Son jardin secret a été baptisé « la chambre rouge », une pièce entre club anglais et gymnase, avec des cordes, des poulies, et une grande variété de cravaches, martinets, chats à neuf queues et autres badines. Monsieur Seguin et Barbe-BleueEn face de lui, Anastasia (l’Américaine, comme son nom l’indique, Dakota Johnson), arrivée vierge à la veille de l’obtention de son diplôme, hésite entre deux modèles : la Chèvre de monsieur Seguin et la Fiancée de Barbe-Bleue. Elle résiste du mieux qu’elle le peut. Mais que peut-on contre un homme qui vous offre successivement une édition originale de Tess d’Uberville et un cabriolet rose ?, nous demandent les auteures, la romancière et la cinéaste Sam Taylor-Wood(-Johnson).La réponse qu’elles apportent prend bien sûr en compte l’esprit du temps. Anastasia refuse (pour l’instant, car il reste encore deux longs-métrages à venir) d’entrer dans le rituel que lui propose son maître. A la volonté de dépersonnalisation du milliardaire, elle répond par l’amour et l’humour, touchant un cœur qui se révèle moins sec que ce que son propriétaire aurait voulu faire croire. Voilà pour la romance. Il faut en absorber quarante minutes avant que la liaison ne soit consommée, puis laisser passer plusieurs séquences avant que Mr Grey ne mette en pratique ses penchants autoritaires.Règles de l’hygiène et du savoir-vivreAux Etats-Unis, Cinquante nuances de Grey a décroché une classification « R », ce qui permet aux mineurs de 17 ans de voir le film, à condition d’être accompagnés d’un adulte. Il n’est même pas sûr que la situation ainsi créée soit embarrassante tant la mise en scène des ébats de Christian et Anastasia respecte les règles de l’hygiène et du savoir-vivre. Le stupre est ici dépourvu de souffrance, de sécrétions, de poils. Dans des décors neutres qui évoquent les hôtels les plus chers des zones aéroportuaires, les amants négocient les termes de leur liaison. Il veut le droit de l’attacher et de lui donner la fessée, elle veut un engagement à long terme.« Cinquante nuances de Grey » : « Le fantasme se satisfait du symbole » On avait découvert Jamie Dornan dans la série britannique « The Fall », où il incarnait un serial killer imperturbable. Ici encore la passion laisse son joli visage figé – le bel en bois Dornan. Il revient à Dakota Johnson de donner un peu de chair à cette romance aseptisée. A travers ses hésitations, ses mouvements d’indépendance, joués avec une sincérité qui détonne sur l’ensemble, le film s’achète une conduite qui devrait lui éviter les foudres des féministes. Comme la sagesse de l’image et du scénario devrait garantir au moins la neutralité bienveillante des puritains, il ne sera pas besoin de se cacher pour aller voir Cinquante nuances de Grey.Film américain de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan (2 h 05). Sur le Web : www.cinquantenuancesdegrey-lefilm.fr et www.facebook.com/cinquantenuancesdegrey.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier « Je découvre avec vous le deuxième épisode, je n’avais vu que le premier. Il est top ! », exultait l’acteur Bob Odenkirk, mardi 10 février au soir, au Haus der Berliner Festspiele, à l’issue de la projection de « Better Call Saul », la nouvelle série de Vince Gilligan qui avait battu la veille, lors de sa première américaine sur la chaîne AMC, tous les records d’audience de l’histoire de la télé câblée américaine. Difficile de savoir qui, de lui ou du public de la Berlinale qui venait de passer deux heures les yeux écarquillés devant ce qui ressemblait à un mash-up hallucinant de « Breaking Bad », de cartoon de Tex Avery, et de Paranoid Park, de Gus Van Sant, était le plus enthousiaste.« Better Call Saul », une série dévoilée à la BerlinaleDes « séries des années 1980 »On retrouve Saul Goodman à un stade antérieur de sa vie, quand sa carrière d’avocat est encore au point mort, qu’il ne s’appelle pas encore Saul Goodman mais Jimmy McGill, qu’il travaille comme commis d’office dans un réduit miteux planqué à l’arrière d’un salon de beauté chinois, défendant pour des clopinettes des jeunes accusés d’avoir eu des rapports sexuels avec une tête décapitée, répétant ses plaidoiries dans les toilettes du palais de justice d’Albuquerque, face aux pissotières, se lançant à lui-même, « It’s showtime, folks », pour se donner du courage, montant le reste du temps des arnaques si mal ficelées qu’elles le conduisent, manque de bol, dans l’antre de caïds psychopathes.« “Better Call Saul” a quelque chose de très simple, d’un peu primitif, qui rappelle certaines séries des années 1980, dont Vince était friand ; elle n’a pas l’ampleur romanesque des séries d’aujourd’hui, avec tous ces personnages, a ajouté Bob Odenkirk. Pendant la séance, j’ai repensé à cette série britannique que j’adorais, “The Royal Family”, l’histoire d’une famille dont les membres étaient extraordinairement méchants les uns avec les autres. Ils se détruisaient, mais ils s’aimaient, et ça marchait ! Le ton était très sec… Pour y entrer, il fallait leur donner le temps… Mais une fois qu’on était installé, c’était à hurler de rire ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Cristina Marino A l’heure où certains festivals qui privilégient les courts-métrages comme le Festival du film de Vendôme se voient contraints de mettre la clé sous la porte pour cause de restrictions budgétaires, d’autres essaient de continuer à promouvoir sur Internet ce format particulièrement propice à l’émergence de nouveaux talents. C’est le cas notamment du Mobile Film Festival qui fêtait cette année ses dix ans d’existence. Il n’a pas dérogé, pour cette 10e édition, à la traditionnelle cérémonie de clôture avec remise des prix en présence d’une partie des membres du jury 2015.C’est dans la grande salle du cinéma L’Arlequin, rue de Rennes (Paris 6e) – qui, comme l’a rappelé Bertrand Cizeau, directeur de la communication de BNP Paribas, l’un des partenaires du festival, a été sauvé en 1962 par Jacques Tati des projets immobiliers de la Ville de Paris qui souhaitait le transformer en centrale électrique – que s’est déroulée, mardi 10 février au soir, cette cérémonie dans une ambiance plutôt bon enfant. La moyenne d’âge du public était jeune à l’image des lauréats et lauréates de la soirée qui avaient presque tous entre vingt et trente ans. « 52 vrais films »Mais en dépit de leur jeunesse, ces apprentis cinéastes ont fait preuve dans leurs courts-métrages (réalisés en une minute avec un téléphone portable) d’une très grande créativité et d’une maturité cinématographique impressionnante, que n’ont pas manqué de souligner, tout au long de la cérémonie, les différents intervenants, en particulier Bruno Smadja, fondateur du Mobile Film Festival, Gérard Krawczyk, réalisateur (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce et la série des Taxi) et président du jury, Juan Massenya, journaliste, documentariste et coanimateur de la soirée. Comme l’a souligné Gérard Krawczyk, en guise de préambule, le jury a visionné une sélection de 52 films (sur les 742 reçus par les organisateurs, en provenance de 13 pays différents) et il s’agissait de « 52 vrais films, tous réalisés par de vrais cinéastes », qui méritent « un grand respect » car « faire un film en une minute, c’est un exercice particulièrement difficile ».Le prix du meilleur film mobile, doté d’une bourse de 15 000 euros, est allé à Lionel Nakache, pour son court-métrage intitulé J’ai grandi ou l’histoire d’une fillette brutalement confrontée aux difficultés financières de son père. Pour sa deuxième participation au Mobile Film Festival (lors de l’édition 2014, il avait présenté Monsieur Souvenir, réalisé dans l’urgence quelques jours seulement avant la clôture des inscriptions), il a pris son temps (pratiquement une année de préparation) pour « raconter quelque chose qui lui tenait à cœur », une « histoire toute simple que l’on peut résumer en une phrase ». Il se félicite de l’existence d’un tel festival « très ouvert et démocratique » qui permet à tous de participer sans gros moyens matériels et financiers, puisqu’il suffit d’un téléphone portable. Aide à la production d’un courtAgréablement surpris par cette récompense à laquelle il ne s’attendait vraiment pas, à l’instar de son comédien, Guillaume Chapet (qui tient le rôle du père), Lionel Nakache déclare avoir déjà « quelques idées pour la suite », notamment plusieurs projets de courts-métrages. Ce qui tombe plutôt bien puisqu’en plus de la somme de 15 000 euros, son prix s’accompagne également d’une aide à la production et à la distribution d’un court-métrage, notamment la recherche d’une société partenaire.Rendez-vous à la 11e édition du Mobile Film Festival en février 2016 pour découvrir le court-métrage du lauréat 2015. Reste à espérer que Lionel Nakache transformera aussi bien l’essai que Sylvain Certain, lauréat de l’édition 2014 avec Cercle vicieux, qui a enthousiasmé le public de L’Arlequin avec son court-métrage Première nuit, projeté en avant-première mardi soir. Et d’ici là, tous les courts-métrages en lice cette année sont encore visibles sur le site du Mobile Film Festival, avec leurs manières très variées d’aborder les réalités économiques, sociales et religieuses du monde actuel, de l’humour le plus léger à la violence la plus sombre.Mobile et Nikon Film Festivals : le très court chemin vers la gloireLe palmarès du Mobile Film Festival 2015 en images :Prix du meilleur film mobile (bourse BNP Paribas de 15 000 euros et aide à la production d'un court-métrage) : J’ai grandi, de Lionel NakachePrix du jury : Inseulite, de Michael SellesMention spéciale du jury (décernée spécialement pour l'édition 2015) : Skaf Lebhar, d’Adrien PaviePrix de la mise en scène : L’Acte, d'Alexandre Perez (film récompensé par Franceinter.fr)Prix du meilleur scénario : Carton d’invitation, de et avec Fabienne Galula (en partenariat avec France Ô)Prix de la meilleure actrice : Marion Ducamp pour son interprétation dans Pyjama Party, de Gaël Lorleac'hPrix du meilleur acteur : Mathieu Garnault pour son interprétation dans L’Art du selfie, de Mathieu GarnaultPrix des blogueurs (nouveauté de l’édition 2015) : Les Petits, de Nelson RodrigoPrix du public (attribué par les internautes avec plus de 24 000 votes et doté d'une bourse Ulule de 3 000 euros) : Toi et/ou moi, d’Armand RobinCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 11h04 • Mis à jour le31.01.2015 à 06h46 CINÉMAToute la mémoire du mondeFrancis Ford Coppola, invité d’honneur de la Cinémathèque française Associé, par le biais de sa société Zoetrope, à la restauration du Napoléon, d’Abel Gance, Francis Ford Coppola est l’invité d’honneur du Festival international du film restauré, intitulé Toute la mémoire du monde, qui se tient jusqu’au dimanche 1er février à la Cinémathèque française. Le cinéaste américain présentera Peggy Sue s’est mariée, Tucker et Coup de cœur, trois films qu’il a réalisés durant les années 1980, ainsi qu’une nuit spéciale consacrée à la saga du Parrain. Des dizaines de films signés Allan Dwan, Friedrich W. Murnau, ou encore Marco Ferreri, restaurés en 2014, sont également au programme. Les enjeux de la restauration numérique, l’avenir de la projection sur pellicule et l’histoire épique du Napoléon, d’Abel Gance feront l’objet de conférences.Cinémathèque française, Paris 12e.Coppola : « Avoir des rêves, et les faire vivre »ARTSDessins des studios GhibliAux origines de Chihiro et de ses amis, à Art Ludique Les (très nombreux) fans de ces bijoux d’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro ou Le Tombeau des Lucioles doivent se précipiter au Musée Art Ludique, à Paris, qui présente, au fil d’une exposition consacrée au Studio Ghibli, 1 300 dessins originaux issus de cette grande maison japonaise fondée il y a trente-cinq ans par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. L’occasion, au moment où le studio, en difficulté, a annoncé qu’il suspendait ses productions et que ses fondateurs ont déclaré vouloir partir à la retraite, pour prendre la mesure de leur immense talent.Art Ludique – Le Musée, Paris 13e.Aux origines de Chihiro et Totoro, créatures du Studio GhibliPHOTOGRAPHIEGarry WinograndLe flot d’images du photographe américain, au Jeu de paume Il ne reste plus que quelques jours pour voir les images de Garry Winogrand au Jeu de paume à Paris. Pour à la fois se souvenir (l’artiste a photographié les Etats-Unis pendant la seconde moitié du XXe siècle) et découvrir un flot d’images qui refusent le symbole, le commentaire et pourtant donnent à voir une société et les êtres qui la composent dans toute sa complexité.Jeu de paume, Paris 8e.Garry Winogrand en équilibre instableMUSIQUESMiossecLe Brestois à Aurillac Le chanteur Miossec a eu 50 ans et le Brestois les fête en tournée où il présente son dernier album, Ici-bas, ici même, marqué par un dépouillement acoustique, qui tranche avec son précédent disque, Chansons ordinaires (2011), au rock abrasif. Mais les thèmes restent toujours les mêmes, la noirceur se mariant à un humour, une pudeur, une économie de mots et de notes qui sont la marque du chanteur.Théâtre d’Aurillac, festival Hibernarock, samedi 31 janvier à 20 h 45.Lire aussi : Miossec, touché mais pas couléCIRQUE« Azimut »Sensations acrobatiques avec Aurélien Bory, à Caen Entre cirque, théâtre et musique live, Azimut, mis en scène par Aurélien Bory pour le Groupe acrobatique de Tanger, composé de neuf hommes et une femme, mêle mystère, émotion et invention. Une grille métallique, quadrillage hypnotique suspendu en fond de scène, pose le cadre de ce spectacle où les corps chutent puis remontent, apparaissent puis disparaissent, suscitant une multitude de sensations.Lire aussi : Aurélien Bory se met en TangerThéâtre de Caen, samedi 31 janvier à 20 heures.THÉÂTRE« Oh boy ! »Familles, je vous recompose !, à Fontenay-sous-Bois Quand Barthélémy Morlevent, 26 ans, homosexuel, reçoit une convocation de la juge des tutelles, il se demande quelle peut bien en être la raison. Quand il y retrouve sa demi-sœur Josiane, il se demande de quoi elle va bien pouvoir l’accuser. Il découvre qu’il a également un demi-frère, Siméon, et deux autres demi-sœurs, tous orphelins, et dont il va devoir devenir le tuteur… Adaptée du livre de Marie-Aude Murail, couronné de nombreux prix, cette pièce pour enfants, mise en scène par Olivier Letellier et interpretée par la troupe du théâtre du Phare, a subi les foudres des militants anti mariage pour tous. Malgré quelques annulations, le spectacle, distingué en 2010 par le Molière jeune public, continue de tourner à travers la France avec succès.Salle Jacques-Brel, Fontenay-sous-Bois, samedi 31 janvier à 18 heures.Lire aussi : Le boycott, aubaine pour « Oh boy ! » et « Ce n’est pas un film de cow-boys »CINÉMA« 108 Rois-Démons »Une épopée dans la Chine impérialeIl faut aller voir ce film d’animation, sorti dans un nombre réduit de salles, avant qu’il ne disparaisse des écrans. Adapté d’un très ancien récit chinois, Au bord de l’eau, 108 Rois-Démons nous transporte au XIIe siècle, où une armée d’invincibles terrorise l'Empire de Chine. Après l’assassinat de son père, le jeune prince Duan veut ramener la paix. Guidé par le vieux sage Zhang-le-Parfait, il croise une bande de renégats aussi sympathiques que farfelus, aux pouvoirs inouïs, qui vont l’aider dans sa mission. Mêlant images réelles (les corps, vêtements et objets) et dessins en 2 et 3D (visages et décors), ce film signé de Pascal Morelli se distingue par sa grande originalité plastique.Film d'animation français, belge, luxembourgeois de Pascal Morelli avec Sylvain Mounier, Mélissa Cornu, Hugues Hausman (1 h 44).« 108 Rois-Démons » : une épopée animée, tirée de la littérature chinoiseARTSErróUn regard pop sur la société de consommation, à Lyon Le Musée d'art contemporain de Lyon propose une rétrospective de l'œuvre du peintre pop, cet art de la société de consommation et des loisirs, de la publicité et des images. Spécialiste des collages et des superpositions, mêlant super-héros et objets de la vie quotidienne, Erró, né en Islande en 1932, a passé une bonne partie de sa vie à découper journaux et magazines dans le but de leur donner une seconde vie en les intégrant à ses œuvres. A la fois anthropologue et historien de l'art, Erró porte un regard critique sur la société de consommation, sa source d'inspiration .Musée d’art contemporain de Lyon.Super-Erró s’expose à LyonPHOTOGRAPHIE« Un moment si doux »Toutes les couleurs de Depardon, à Marseille Présentée au Grand Palais à Paris en 2013-2014, l’exposition de photos de Raymond Depardon, « Un moment si doux », est un vagabondage à travers l’œuvre et la vie du photographe, depuis les années 1950 – il avait alors 20 ans – jusqu’aux reportages pour Gamma ou Magnum dans les années 1980. Bien que la majorité de son travail photographique ait été réalisé en noir et blanc, la couleur domine dans cette sélection. Y figurent aussi des images d’aujourd’hui dont des photographies inédites de Marseille, « une ville douce par sa lumière si particulière et les couleurs que l'on ne trouve qu'ici ».Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), Marseille.Lire aussi : Raymond Depardon, objectif humainTHÉÂTRE« Martyr »La mécanique de la radicalisation, à Strasbourg Comment un jeune homme d’aujourd’hui, d’apparence ordinaire, peut-il basculer dans le fanatisme religieux ? Ecrite en 2012, Martyr, pièce de l’auteur allemand Marius Von Mayenburg, pose avec beaucoup d’intelligence les mécanisme de la radicalisation et ses conséquences sur la société. Le metteur en scène Matthieu Roy l’avait lue au moment de l’affaire Mehrah, à Toulouse, et a éprouvé le besoin de la monter en France. Trois semaines après les attentats à Paris et en région parisienne, la pièce prend une résonance particulière.Théâtre national de Strasbourg (TNS).Le fanatisme religieux monte sur scène Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 09h34 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h01 Boyhood a été sacré meilleur film dramatique aux Golden Globes dimanche 11 janvier lors d'une cérémonie marquée par de vibrants hommages aux victimes des attentats de Paris. Certaines stars, comme George Clooney, arboraient des badges « Je suis Charlie ». Beaucoup d'autres ont brandi ces trois mots imprimés sur fond noir devant les photographes, à leur arrivée sur le tapis rouge des Golden Globes Awards.Les attentats de Paris « nous ont rappelé à tous qu'il faut veiller à la liberté d'expression, qu'il est très difficile d'entretenir cet idéal mais qu'il faut s'y efforcer », a déclaré la comédienne Helen Mirren, qui portait un stylo bleu éclatant sur le rouge de sa robe. Tout au long de la soirée, de vibrants hommages ont été rendus aux 17 victimes des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Casher de la porte de Vincennes. « Aujourd'hui était une journée extraordinaire, il y avait des millions de personnes dans la rue pas seulement à Paris mais aussi dans le monde entier », a déclaré la star hollywoodienne George Clooney en recevant le prix Cecil DeMille, honorant sa carrière et son engagement humanitaire. « Nous ne marcherons pas dans la peur. Nous ne le ferons pas... Alors,  je suis Charlie », a-t-il dit en français. Dans la salle de presse, il a aussi espéré que les attentats en France ne vont pas alimenter un sentiment antimusulman.« Nous devons être unis face à quiconque voudrait réprimer la liberté d'expression, partout, de la Corée du Nord à Paris », a déclaré en début de soirée, Theo Kingma, président de l'HFPA (la Hollywood Foreign Press Association), suscitant une ovation debout. Une allusion à l'attaque informatique subie par Sony Pictures pour faire annuler la sortie du film parodique The Interview (L'interview qui tue !), attribuée par les Etats-Unis à Pyongyang.« NOUS CÉLÉBRONS LES FILMS APPROUVÉS PAR LA CORÉE DU NORD »Le promu Boyhood rivalisait notamment avec Une merveilleuse histoire du temps, Imitation Game, Foxcatcher et Selma. Dans la catégorie comédie, c'est Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, qui a reçu le principal prix, battant ainsi le favori Birdman, d'Alejandro Iñárritu, reparti avec deux prix, dont celui du meilleur scénario. Son acteur principal, Michael Keaton, a été sacré meilleur acteur dans une comédie pour le rôle d'un ex-comédien de films de super-héros qui tente de renouer avec la gloire au théâtre.Parmi les multiples prix remis dimanche, le Britannique Eddie Redmayne a été sacré meilleur acteur dans un film dramatique pour Une merveilleuse histoire du temps, sur le cosmologue de génie paralysé Stephen Hawking. Julianne Moore a, quant à elle, été primée pour son interprétation dans Still Alice d'une femme malade d'Alzheimer.Les comédiennes Tina Fey et Amy Poehler, maîtresses de cérémonie pour la troisième et dernière fois, n'ont cessé lors de la soirée de faire allusion à l'attaque informatique de Sony Pictures. « Aujourd'hui, nous célébrons tous les films de cinéma et télévision qui ont été approuvés par la Corée du Nord », ont-elles lancé, tandis qu'une pseudo-militaire nord-coréenne s'est levée pour faire un selfie avec Meryl Streep avant de monter sur scène faire un prétendu discours.Parmi les autres lauréats, J.K. Simmons a gagné le Globe du meilleur second rôle masculin pour Whiplash, le long-métrage russe Leviathan celui du meilleur film étranger. En télévision, Transparent d'Amazon a été sacré meilleure série comique, un premier Globe pour le géant du commerce en ligne. Quant à The Affair, l'histoire d'une liaison extramaritale torride, elle a reçu le prix équivalent pour une série dramatique. Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde 30.01.2015 à 08h06 | Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 30.01.2015 à 08h06 | Clémentine Gallot Ces derniers mois ont été moroses pour la comédie populaire made in France, entre le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? et celui de Samba. Mais voilà qu'entre en scène Martin Bourboulon, 35 ans, dont le premier long-métrage régressif, Papa ou maman, constitue la bonne surprise de ce début d'année. Génial, les parents divorcent… jusqu'à ce que chaque géniteur fasse tout pour ne pas avoir la garde des bambins.Cet enfant de parents séparés « sur le tard » travaille en bande avec son producteur, Dimitri Rassam, et les scénaristes du Prénom, Alexandre de la Patelière et Mathieu Delaporte. Ancien pubard, il prône une image léchée, « trop souvent négligée dans les comédies », et un style affûté hérité de ses années passées aux « Guignols de l'info ». Sa comédie familiale vacharde « n'est pas une farce, mais plutôt une comédie du remariage comme La Dame du vendredi, de Howard Hawks, bref, une histoire de couple ». Ce fils de producteur estime que « malgré l'efficacité du marketing, rien ne remplace un bon scénario ».Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld A Hard Day's Night, de Richard Lester (Quatre garçons dans le vent à sa sortie en France, en 1964), peut difficilement passer pour un grand film. Mais sa signification porte bien au-delà de son acte fondateur : les premiers pas cinématographiques des Beatles. A la fois cinéma vérité et cinéma distancié, A Hard Day's Night met en scène une journée et demie dans la vie du groupe anglais alors que ses musiciens, John, Paul, George et Ringo sont attendus à Londres pour jouer dans une émission de radio. On est alors en pleine « beatlemania », ce phénomène culturel d'une ampleur jamais constatée, auquel seuls Charlot et Mickey Mouse pourraient être comparés.Lire aussi : Beatlemania, autopsie d'une idolâtrieA Hard Day's Night fait apparaître une dynamique étonnante, à rebours des fondamentaux des Beatles. Le groupe anglais fonctionne sur une formule mathématique de 3 + 1 : trois musiciens de génie, Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, et un batteur ignare, Ringo Starr, véritable boulet au sein de cette formation et regardé comme tel par ses partenaires. Au cinéma, la formule mathématique du groupe est inversée. Elle devient 1 + 3. Une star prend toute la lumière – le bien nommé Ringo Starr – et s'impose comme le leader du groupe. Ses trois comparses, ternes, invisibles, ressemblent à des flaques d'eau.Ringo est l'homme qui parvient à donner un visage aux Beatles sur grand écran, dans A Hard Day's Night mais aussi, plus tard, dans Help !, du même Richard Lester. C'est sur lui que se concentrent les plus impressionnants gros plans du film. C'est toujours Ringo qui énonce ses célèbres néologismes, jeux de mots et jeux sur la langue, qui définissent son emploi de clown à défaut d'asseoir son statut de musicien. Le batteur fait sortir les Beatles des salles de concert, radios et magasins de disques pour les imposer sur les écrans de la planète. Acteur de la Nouvelle VagueLe cerveau derrière A Hard Day's Night s'appelle George Ornstein, un producteur qui avait orchestré les sorties anglaises et américaines des premiers James Bond et avait compris que la Grande-Bretagne, après avoir perdu son empire, pouvait encore promouvoir un art de vivre. A ce moment-là, la « beatlemania » restait circonscrite à la Grande-Bretagne. Lorsque A Hard Day's Night entre en production, juste après la tournée américaine triomphale du groupe, en mars 1964, il s'agit de vendre un phénomène. Rien à voir avec la carrière pathétique d'Elvis Presley, qui jouait, au gré des circonstances, un Indien ou un rockeur dans une prison 5-étoiles. Le premier film des Beatles est conçu sur mesure.Il est frappant d'observer, avec le recul, comment Ringo Starr s'impose en acteur de la Nouvelle Vague. A l'image des personnages incarnés par Belmondo dans A bout de souffle et Aznavour dans Tirez sur le pianiste, le batteur vit dans un film. Jamais dans la vie. Sentiment renforcé par les moniteurs, écrans et caméras omniprésents dans le film de Lester. Même le nom Ringo Starr participe de cette mise en scène et semble prédestiné au cinéma et surtout pas de la musique.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera quant à lui Caricaturistes, les fantassins de la démocratie, le film de Radhu Mihaelanu sur les dessinateurs de presse, présenté au dernier festival de Cannes et qui est par ailleurs diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence de l'auteur, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris. Forum des Images, 2, rue du cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Hommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 17h54 • Mis à jour le05.01.2015 à 15h22 |Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel L’avis du « Monde »: pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19). Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le31.12.2014 à 14h58 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elise Barthet « Tout ça pour ça » ? Disponible sur Internet en VOD et bientôt en salle, The Interview, le film de Seth Rogen menacé de non-diffusion après l'attaque informatique contre Sony Pictures, n'a pas enthousiasmé les critiques. A les lire, les aventures des deux journalistes crétins mandatés par la CIA pour tuer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un tiennent moins de la satire politique que de la comédie potache ratée.« On est loin du Dictateur de Chaplin ou même du Team America des créateurs de South Park », autrement plus corrosifs, estime Philippe Berry sur le site 20 minutes. Et si « personne ne s'attendait à du grand art », insiste le Wall Street Journal, la piètre qualité du film est assez « remarquable ».Un temps privé de sortie, The Interview avait pourtant bénéficié d'un large soutien des médias et du public, s'adjugeant, avant visionnage, 96 % d'opinion favorables sur le site d'agrégation de critiques cinéma Rotten Tomatoes. Le taux de satisfaction est nettement plus bas une fois le film diffusé : 50 % des professionnels disent avoir aimé et ils ne sont que 32 % parmi les « top critics » – la « crème de la crème » – à partager cet avis.« BLAGUES NULLES »La palme de la charge dévastatrice revient sans doute à Scott Foundas, de Variety. Pour le journaliste, « la Corée du Nord a eu raison d'objecter : la farce sur l'assassinat de Kim Jong-un signée Seth Rogen et Evan Goldberg est une attaque terroriste en règle... contre le genre comique ». Le film est « aussi drôle qu'une pénurie de nourriture au temps du communisme ». A déconseiller aux spectateurs dotés « d'une tolérance limitée pour les blagues à base de pénétration anale ».Dans le même registre, Slate se montre plus indulgent. « Il faut avouer que les premières minutes sont assez géniales », écrit la journaliste Aisha Harris. « Mais à l'issue de cette ouverture amusante, le film empile des blagues nulles sur les Asiatiques (...) et beaucoup trop de diffusions de Firework, de Katy Perry (dont Kim Jong-un est secrètement fan) ».« Ça m'ennuie de dire ça, mais ce n'est pas la moitié de la satire que ça aurait pu être », regrette la critique du New York Post. La comparaison avec le film d'animation Team America, qui mettait en scène des agents engagés pour faire échouer un complot orchestré par feu Kim Jong-il (le père de l'actuel dirigeant nord-coréen), pèse en effet sur le film. « The Interview a l'épaisseur comique d'un sketch moyen voire médiocre de Saturday Night Live » (une émission comique américaine), tranche le Hollywood Reporter.Les internautes semblent toutefois apprécier le saillie. Sur Twitter, ils sont nombreux à saluer la performance d'Eminem, qui fait une apparition, et celle du duo comique formé par Seth Rogen et James Franco.Tweets sur #TheInterview lang:en!function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+"://platform.twitter.com/widgets.js";fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document,"script","twitter-wjs");Elise BarthetJournalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.12.2014 à 23h49 • Mis à jour le24.12.2014 à 10h04 |Isabelle Regnier La comédie de Seth Rogen, L’Interview qui tue !, sortira bien le jeudi 25 décembre aux Etats-Unis, comme initialement prévu, ou presque. Le film sera distribué dans plusieurs centaines de salles, mais pas dans les grands circuits qui, mercredi matin, n’étaient pas revenus sur leur refus de le mettre à l’affiche depuis que le groupe de hackeurs Guardians of Peace, qui a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de Sony Pictures, a menacé de représailles les salles qui le diffuseraient.Dans une conférence de presse, le 23 décembre, Michael Lynton, le directeur général de Sony Entertainment, a affirmé : « Nous n’avons jamais renoncé à sortir L’Interview qui tue ! et nous sommes très excités à l’idée que notre film soit montré dans de nombreuses salles le jour de Noël. En même temps, nous poursuivons nos efforts pour nous assurer plus de plateformes de distribution et plus de salles de cinéma, afin de pouvoir atteindre le public le plus large possible. » Barack Obama a « applaudi la décision de Sony », a dit Eric Schultz, porte-parole de la présidence dans un communiqué.C’est le dernier rebondissement d’un feuilleton commencé au printemps, quand le gouvernement nord-coréen a émis ses premières menaces à l’encontre de cette satire dans laquelle deux journalistes américains, joués par Seth Rogen et James Franco, sont mandatés par la CIA pour tuer le dictateur Kim Jong-un. Il marque un énième revirement de la major qui annonçait, il y a une semaine, n’avoir « plus aucun projet pour sortir le film ». Selon CNN, Amy Pascal, Michael Lynton et d’autres cadres dirigeants de Sony auraient alors reçu un mail des hackeurs prenant acte de cette déclaration : « C’est très sage que vous ayez pris la décision d’annuler la sortie de L’Interview qui tue !. (…) Nous vous garantissons la sécurité de vos données, du moins si vous ne créez pas de troubles supplémentaires. »Sous la menace, « The Interview », le film « nord-coréen » de Sony est retiré de milliers de sallesVendredi 19 décembre, lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président Obama avait déploré que les dirigeants de Sony aient cédé aux pressions de ceux qu’il appelle des « cyber-vandals » et dont il assure avoir la conviction qu’ils sont à la solde de la Corée du Nord. « Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis », a-t-il déclaré. Moyens de diffusion alternatifsSe défendant de « s’être couché devant les hackeurs », Michael Lynton avait alors rétorqué que le retrait des circuits de salles ne lui laissait pas le choix, mais qu’il étudiait des moyens de diffusion alternatifs, sur Internet notamment. Sa réponse n’a pas plu à Barack Obama, qui, estimant qu’il aurait dû être mis au courant de cette situation, a affirmé qu’il aurait alors lui-même appelé les responsables des circuits pour les pousser à prendre le film. Elle a, par ailleurs, froissé bon nombre d’exploitants qui ont eu le sentiment que Sony se défaussait sur eux.Dans une lettre ouverte postée lundi 22 décembre sur Change.org, Russell Collins, le directeur de l’association d’exploitants de cinéma d’art et d’essai Art House Convergence, a appelé Sony à rendre L’Interview qui tue ! accessible aux cinémas qui souhaitaient le projeter, érigeant le film au rang de nouveau totem de la liberté d’expression et de la résistance à l’oppression : « Nous sommes à un carrefour important, avec une occasion de réaffirmer clairement notre engagement envers la liberté et la nécessité absolue de protéger notre industrie cinématographique contre toute forme de restriction, de censure et d’intimidation par la violence. Nous demandons à nos confrères exploitants, et aux spectateurs, de se mobiliser pour la liberté d’expression et d’expression artistique, qui sont vitales non seulement pour l’industrie du divertissement, mais aussi pour l’art et le commerce mondial. »Comme le rapporte le L.A. Times, de nombreux exploitants se disaient prêts, dès lundi, à diffuser le film, à l’instar de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, qui est aussi propriétaire du cinéma Jean Cocteau à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Déplorant la réaction initiale de Sony, qu’il a qualifiée d’« ahurissante démonstration de lâcheté d’entreprise », George R.R. Martin a affirmé que « des milliers de petites salles indépendantes à travers le pays, comme la mienne, seraient ravies de projeter L’Interview qui tue !, nonobstant les menaces de la Corée du Nord ».Depuis le communiqué de Michael Lynton annonçant la décision de Sony de finalement sortir le film, plusieurs centaines de salles se sont déclarées partantes pour le montrer, après que le Plaza Atlanta, à Atlanta, en Géorgie, ou le réseau Alamo Drafthouse Cinemas, basé à Austin, au Texas, ont fait acte de candidature pour sa diffusion. L’Interview qui tue ! a coûté à 44 millions de dollars (36,13 millions d’euros) à produire, et 35 millions en promotion.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 30.12.2014 à 16h38 • Mis à jour le30.12.2014 à 16h59 |Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elise Barthet « Tout ça pour ça » ? Disponible sur Internet en VOD et bientôt en salle, The Interview, le film de Seth Rogen menacé de non-diffusion après l'attaque informatique contre Sony Pictures, n'a pas enthousiasmé les critiques. A les lire, les aventures des deux journalistes crétins mandatés par la CIA pour tuer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un tiennent moins de la satire politique que de la comédie potache ratée.« On est loin du Dictateur de Chaplin ou même du Team America des créateurs de South Park », autrement plus corrosifs, estime Philippe Berry sur le site 20 minutes. Et si « personne ne s'attendait à du grand art », insiste le Wall Street Journal, la piètre qualité du film est assez « remarquable ».Un temps privé de sortie, The Interview avait pourtant bénéficié d'un large soutien des médias et du public, s'adjugeant, avant visionnage, 96 % d'opinion favorables sur le site d'agrégation de critiques cinéma Rotten Tomatoes. Le taux de satisfaction est nettement plus bas une fois le film diffusé : 50 % des professionnels disent avoir aimé et ils ne sont que 32 % parmi les « top critics » – la « crème de la crème » – à partager cet avis.« BLAGUES NULLES »La palme de la charge dévastatrice revient sans doute à Scott Foundas, de Variety. Pour le journaliste, « la Corée du Nord a eu raison d'objecter : la farce sur l'assassinat de Kim Jong-un signée Seth Rogen et Evan Goldberg est une attaque terroriste en règle... contre le genre comique ». Le film est « aussi drôle qu'une pénurie de nourriture au temps du communisme ». A déconseiller aux spectateurs dotés « d'une tolérance limitée pour les blagues à base de pénétration anale ».Dans le même registre, Slate se montre plus indulgent. « Il faut avouer que les premières minutes sont assez géniales », écrit la journaliste Aisha Harris. « Mais à l'issue de cette ouverture amusante, le film empile des blagues nulles sur les Asiatiques (...) et beaucoup trop de diffusions de Firework, de Katy Perry (dont Kim Jong-un est secrètement fan) ».« Ça m'ennuie de dire ça, mais ce n'est pas la moitié de la satire que ça aurait pu être », regrette la critique du New York Post. La comparaison avec le film d'animation Team America, qui mettait en scène des agents engagés pour faire échouer un complot orchestré par feu Kim Jong-il (le père de l'actuel dirigeant nord-coréen), pèse en effet sur le film. « The Interview a l'épaisseur comique d'un sketch moyen voire médiocre de Saturday Night Live » (une émission comique américaine), tranche le Hollywood Reporter.Les internautes semblent toutefois apprécier le saillie. Sur Twitter, ils sont nombreux à saluer la performance d'Eminem, qui fait une apparition, et celle du duo comique formé par Seth Rogen et James Franco.Tweets sur #TheInterview lang:en!function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+"://platform.twitter.com/widgets.js";fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document,"script","twitter-wjs");Elise BarthetJournalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.12.2014 à 23h49 • Mis à jour le24.12.2014 à 10h04 |Isabelle Regnier La comédie de Seth Rogen, L’Interview qui tue !, sortira bien le jeudi 25 décembre aux Etats-Unis, comme initialement prévu, ou presque. Le film sera distribué dans plusieurs centaines de salles, mais pas dans les grands circuits qui, mercredi matin, n’étaient pas revenus sur leur refus de le mettre à l’affiche depuis que le groupe de hackeurs Guardians of Peace, qui a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de Sony Pictures, a menacé de représailles les salles qui le diffuseraient.Dans une conférence de presse, le 23 décembre, Michael Lynton, le directeur général de Sony Entertainment, a affirmé : « Nous n’avons jamais renoncé à sortir L’Interview qui tue ! et nous sommes très excités à l’idée que notre film soit montré dans de nombreuses salles le jour de Noël. En même temps, nous poursuivons nos efforts pour nous assurer plus de plateformes de distribution et plus de salles de cinéma, afin de pouvoir atteindre le public le plus large possible. » Barack Obama a « applaudi la décision de Sony », a dit Eric Schultz, porte-parole de la présidence dans un communiqué.C’est le dernier rebondissement d’un feuilleton commencé au printemps, quand le gouvernement nord-coréen a émis ses premières menaces à l’encontre de cette satire dans laquelle deux journalistes américains, joués par Seth Rogen et James Franco, sont mandatés par la CIA pour tuer le dictateur Kim Jong-un. Il marque un énième revirement de la major qui annonçait, il y a une semaine, n’avoir « plus aucun projet pour sortir le film ». Selon CNN, Amy Pascal, Michael Lynton et d’autres cadres dirigeants de Sony auraient alors reçu un mail des hackeurs prenant acte de cette déclaration : « C’est très sage que vous ayez pris la décision d’annuler la sortie de L’Interview qui tue !. (…) Nous vous garantissons la sécurité de vos données, du moins si vous ne créez pas de troubles supplémentaires. »Sous la menace, « The Interview », le film « nord-coréen » de Sony est retiré de milliers de sallesVendredi 19 décembre, lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président Obama avait déploré que les dirigeants de Sony aient cédé aux pressions de ceux qu’il appelle des « cyber-vandals » et dont il assure avoir la conviction qu’ils sont à la solde de la Corée du Nord. « Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis », a-t-il déclaré. Moyens de diffusion alternatifsSe défendant de « s’être couché devant les hackeurs », Michael Lynton avait alors rétorqué que le retrait des circuits de salles ne lui laissait pas le choix, mais qu’il étudiait des moyens de diffusion alternatifs, sur Internet notamment. Sa réponse n’a pas plu à Barack Obama, qui, estimant qu’il aurait dû être mis au courant de cette situation, a affirmé qu’il aurait alors lui-même appelé les responsables des circuits pour les pousser à prendre le film. Elle a, par ailleurs, froissé bon nombre d’exploitants qui ont eu le sentiment que Sony se défaussait sur eux.Dans une lettre ouverte postée lundi 22 décembre sur Change.org, Russell Collins, le directeur de l’association d’exploitants de cinéma d’art et d’essai Art House Convergence, a appelé Sony à rendre L’Interview qui tue ! accessible aux cinémas qui souhaitaient le projeter, érigeant le film au rang de nouveau totem de la liberté d’expression et de la résistance à l’oppression : « Nous sommes à un carrefour important, avec une occasion de réaffirmer clairement notre engagement envers la liberté et la nécessité absolue de protéger notre industrie cinématographique contre toute forme de restriction, de censure et d’intimidation par la violence. Nous demandons à nos confrères exploitants, et aux spectateurs, de se mobiliser pour la liberté d’expression et d’expression artistique, qui sont vitales non seulement pour l’industrie du divertissement, mais aussi pour l’art et le commerce mondial. »Comme le rapporte le L.A. Times, de nombreux exploitants se disaient prêts, dès lundi, à diffuser le film, à l’instar de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, qui est aussi propriétaire du cinéma Jean Cocteau à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Déplorant la réaction initiale de Sony, qu’il a qualifiée d’« ahurissante démonstration de lâcheté d’entreprise », George R.R. Martin a affirmé que « des milliers de petites salles indépendantes à travers le pays, comme la mienne, seraient ravies de projeter L’Interview qui tue !, nonobstant les menaces de la Corée du Nord ».Depuis le communiqué de Michael Lynton annonçant la décision de Sony de finalement sortir le film, plusieurs centaines de salles se sont déclarées partantes pour le montrer, après que le Plaza Atlanta, à Atlanta, en Géorgie, ou le réseau Alamo Drafthouse Cinemas, basé à Austin, au Texas, ont fait acte de candidature pour sa diffusion. L’Interview qui tue ! a coûté à 44 millions de dollars (36,13 millions d’euros) à produire, et 35 millions en promotion.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Romain Geoffroy On pourrait se croire dans le dépôt d'un prêteur sur gage. Bureaux, chaises, tapis, télévisions, et flippers en tous genres et de toutes époques sont entreposés dans l'un des quatre immenses hangars de décor des studios de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). Si l'on a l'impression d'un immense désordre ; chaque objet est pourtant à sa place.« Lorsque l'on a besoin d'une cabine téléphonique des années 1960 pour un film dont l'intrigue a lieu à cette époque, on vient dans telle allée du "stock" et on est à peu près sûr de trouver ce qu'on cherche », assure Valérie Valero, chef décoratrice et membre du bureau de l'Association des chefs décorateurs de cinéma (ADC). Ces objets accumulés pendant des dizaines d'années par plusieurs centaines de tournages forment une véritable collection d'archives du cinéma français. Des détails de mise en scène qui se retrouvent aujourd'hui dans un entrepôt du Val-de-Marne : la chaise de Peau d'âne, les statues d'un Astérix, ou un rideau de la chambre de Marie-Antoinette dans le film de Sofia Coppola.Un patrimoine pour lequel se battent Valérie Valero, l'ADC et treize autres associations de professionnels du cinéma. Depuis quelques mois, ils font tout pour empêcher la fermeture des studios de Bry-sur-Marne. « Hollywood-sur-Marne »Avec huit plateaux et une surface de 20 000 mètres carrés, ils comptent parmi les plus grands studios de France. Construits par la Société française de production (la SFP) en 1987, à proximité de l'INA, ils ont d'abord servi de studios de télévision, pour des émissions et des fictions. A l'époque, tout est pensé à l'anglo-saxonne, l'ensemble des compétences et des structures nécessaires à l'élaboration d'un tournage est intégré : post-production, décoration, lumière, matériels de fiction, espace de stockage des décors, loges, bureaux, parking, restaurant et bar. Mais en 2001, l'Etat revend le site de 13 hectares au groupe Euro Media, qui promet d'en faire un « Hollywood-sur-Marne ».Onze ans plus tard, en 2012, Euro Media, qui renonce à une partie de ses activités de fiction, revend pourtant le site à l'entreprise Nemoa, un promoteur immobilier, tout en restant locataire des lieux. Un bail dont le terme est fixé au 15 avril 2015, ce qui laisse craindre un sort similaire à celui des studios d'Arpajon, fermés en 2012 par Euro Media.Si la reprise d'activité des studios est mise en péril, c'est surtout à cause d'une clause de non-concurrence présente dans le contrat de vente entre Euro Media et Nemoa. Celle-ci précise que « l'acquéreur s'interdit d'exploiter directement ou indirectement des biens pour toute activité liée directement ou indirectement à l'audiovisuel, y compris studio, cinéma ou à la post-production pendant une durée de huit ans ». « Tout ici a été pensé par les gens du métier »Aucun des 320 salariés d'Euro Media ne devrait être licencié du fait de la probable fermeture – le groupe parle d'un transfert de ses activités dans ses studios de la Plaine Saint-Denis –, mais ce sont les centaines de techniciens et d'artisans intermittents qui craignent de perdre un outil de travail unique, et de voir les tournages partir hors de France. Sur les 20 000 mètres carrés de plateaux, 15 000 sont effectivement des « annexes », c'est-à-dire réservés aux ateliers de construction des décors.Lire (en édition abonnés) : Les intermittents, ces êtres hyperflexiblesDans un hangar attenant aux plateaux de tournage, l'odeur de sciure et le bruit des meuleuses remplacent les caméras. François Combastel et son équipe travaillent sur la construction des décors d'une série historique. Ce chef constructeur voit en ce lieu quelque chose d'unique, « sans structures équivalentes en France ».Un avis partagé du côté de l'atelier peinture, un endroit spacieux et lumineux qui permet de donner toute leur couleur aux décors, à l'inverse des studios de la Cité du cinéma (construite et inaugurée par Luc Besson en 2012), décrits comme sombres et peu agréables par les ouvriers. « Tout ici a été pensé par des gens du métier, c'est ce qui rend l'endroit si unique et pratique, assure Guy-Michel Morin, peintre décorateur depuis 1969. J'en aurai un peu gros sur le cœur qu'on ferme ces studios, habituellement on ne tient jamais compte des outils des ouvriers, et pour une fois qu'on l'avait fait, on voudrait fermer un si bel endroit. » Polanski et Klapisch engagés contre la fermetureLes lieux auraient besoin d'un sérieux rafraîchissement, les toits fuient par endroit et l'on voit bien que l'entretien n'a pas été fait depuis longtemps sur ces bâtiments datant des années 1980. Des chats errent parmi les ouvriers et les acteurs qui se déplacent d'un plateau à l'autre. Les miaulements n'ont pas fait fuir l'équipe d'Hunger Games, qui est venue y tourner plusieurs scènes du dernier volet de la saga américaine (La révolte, partie 1). François Ozon (Dans la maison) ou Roman Polanski (Carnage) avaient eux aussi dirigé leurs acteurs dans ces hangars.Le réalisateur franco-polonais, signataire de la pétition contre la fermeture des studios, fait d'ailleurs remarquer que l'une des particularités du site reste son « backlot », une rue parisienne fictive permettant de tourner des scènes en extérieur. Unique en France, il en existe aussi dans la Cinecitta de Rome ou dans les studios de Pinewood, près de Londres. Dans une lettre ouverte, Polanski explique : « Si les Studios de Bry-sur-Marne disparaissaient, nous serions obligés de tourner en dehors de la France chaque fois que l'on aurait besoin de faire des constructions en plein air. » La crainte de voir disparaître toutes les particularités offertes par ces studios pour leurs tournages a conduit de nombreux réalisateurs et producteurs à rejoindre le mouvement de mobilisation. L'Association des auteurs réalisateurs et producteurs (ARP) s'est jointe à la pétition signée par quatorze associations. Dante Desarthe, coprésident de l'association avec Michel Hazanavicius, pointe du doigt le côté contre-productif qu'aurait une telle mesure : « On irait à l'encontre de la politique de relocalisation des tournages en France voulue par le gouvernement. » Début décembre, un vote des députés lors du projet de budget rectificatif 2014 a en effet renforcé les crédits d'impôt pour le financement des films tournés en France afin de faire face à la concurrence mondiale et attirer les tournages.Lire notre décryptage : Comment le CNC finance le cinéma françaisCédric Klapisch, réalisateur de L'Auberge espagnole et de Casse-tête chinois, s'étonne aussi d'une éventuelle fermeture du site de Bry-sur-Marne : « C'est un peu absurde, on cherche toujours des studios pour tourner et j'ai l'impression qu'il y a tellement de demande qu'ils sont toujours tous plus ou moins pleins. » Pour lui, « ces studios font partie des meilleurs studios dont on dispose en France », il y a d'ailleurs tourné les scènes intérieures de l'appartement de Romain Duris dans le film Paris. Des négociations en cours pour trouver un nouvel exploitantL'appel quasi-unanime de la profession semble avoir été entendu par Rudy Marzouk, le gérant de la société Nemoa, qui affirme au Monde avoir lancé des négociations avec Euro Media dans l'objectif de trouver un nouvel exploitant pour les studios de cinéma présents sur le site. Autrement dit, il chercherait à casser la clause de non-concurrence pour relouer les studios à de nouveaux exploitants. « Cela fait des années qu'Euro Media ne fait plus d'entretien là-bas, alors s'il y a des nouveaux exploitants il va y avoir des réhabilitations importantes à faire, lâche l'homme d'affaires, d'un ton assuré. On les fera, parce que le but, c'est de trouver un exploitant qui reste le plus longtemps possible, on ne cherche pas du court terme. » Lire : Comment se fabrique un film en FranceFigure de proue de la mobilisation, le vice-président de l'ADC, Michel Barthélémy, reconnaît le début d'une sortie de crise. Chef décorateur de Jacques Audiard, récompensé par un César du meilleur décor pour Un prophète en 2010, il a mobilisé, avec l'association, les élus locaux et le ministère de la culture pour conserver les studios de Bry. « Les récentes déclarations du propriétaire sont pour nous une vraie avancée par rapport au point de départ, mais on veut être sûrs que ces studios soient entretenus. On espère que le projet de reprise [des studios] ne sera pas juste un maintien de l'activité mais plutôt un développement, avec une vraie ambition d'en faire quelque chose de viable. »En attendant que la coulisse cesse d'être secouée par le bruit des négociations, les studios de Bry-sur-Marne continuent d'accueillir films et séries, qui se tournent tous les jours sur le site, et ce jusqu'à la fin du bail d'Euro Media. Dans les frimas du mois de décembre, ils sont une centaine d'intermittents à s'affairer autour des décors somptueux de la série historique Versailles, produite par Canal +, et dont les deux premiers épisodes seront réalisés par Jalil Lespert. L'équipe reviendra peut-être pour une deuxième saison, si les studios restent sur pied d'ici là.Romain GeoffroyJournaliste au Monde Brice Pedroletti (Pékin, correspondant) La filiale grands magasins du groupe Wanda, l’empire chinois du divertissement et de l’immobilier, a fait des débuts mitigés (– 7 % dans l’après-midi) à la Bourse de Hongkong mardi 23 décembre, lors de sa première cotation, après avoir levé l’équivalent de 3 milliards d’euros lors de son introduction en Bourse la semaine dernière. Le groupe a placé 13 % de son capital.Si l’offre publique de vente – « Initial Public Offering » (IPO) – de Dalian Wanda Commercial Properties est un record pour une société immobilière, elle a été révisée à la baisse : le milliardaire chinois Wang Jianlin, principal actionnaire du groupe Wanda, lancé il y a 26 ans dans la métropole de Dalian, dans le nord-est de la Chine, comptait à l’origine lever l’équivalent de 5 milliards d’euros.Fléchissement de l’immobilierCette déception relative reflète le passage à vide du secteur immobilier en Chine, sur fonds de fléchissement des prix. Tirées vers le bas par l’immobilier résidentiel, les ventes de Dalian Wanda ont baissé de 27 % au premier semestre 2014 par rapport à la même période en 2013. En outre, le groupe Wanda affichait avant l’IPO de sa filiale immobilière un taux d’endettement sur fonds propres de 88 %, contre 53 % il y a moins d’un an. Il devrait aujourd’hui être revenu autour des 60 %.Connu à travers la Chine pour ses 71 « Wanda Plaza », des centres commerciaux de prestige dotés de multiplexes et d’hôtels de luxe, Dalian Wanda Commercial Properties a dans ses cartons 150 projets de ce type. Sa maison mère, le groupe Wanda, s’est également lancée dans une vaste expansion internationale, acquérant en 2012 pour 2,6 milliards de dollars l’exploitant de salles de cinéma américain AMC, ainsi que plusieurs sites immobiliers de prestige à Madrid (Edificio Espana), à Londres et à Beverly Hills. Le groupe a été pressenti pour entrer dans le capital des studios américains Lions Gate Entertainment.Wang Jianlin, qui dispute cette année à Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, le titre d’homme le plus riche de Chine, fait partie des patrons chinois les plus hauts en couleur de ces dernières années. Il n’a pas semblé affecté par la chute en 2012 de Bo Xilai, le « prince rouge » condamné pour corruption et dont la ville de Dalian avait été le fief politique au cours des années 1990 et 2000. Au contraire, la bonne fortune de Wang Jianlin semble avoir redoublé : cet ancien militaire, qui commande ses troupes de managers comme s’il s’agissait d’un régiment, semble affectionner les coups médiatiques, malgré un climat politique qui valorise désormais la frugalité et le profil bas.Il s’est porté acquéreur l’an dernier d’un tableau de Picasso pour 28 millions de dollars, et a fait venir en septembre 2013 – à prix d’or – plusieurs stars hollywoodiennes (dont Leonardo DiCaprio) pour son projet de complexe de studios de cinéma dans la ville côtière de Qingdao. Il faut dire que le cinéma semble en meilleure santé que l’immobilier : la filiale cinéma du groupe, Wanda Cinema Line, exploite 1 315 écrans à travers la Chine, soit 14,5 % de part de marché. Elle a d’ailleurs reçu début décembre le feu vert pour une introduction en Bourse en Chine d’ici la fin de l’année.Le chinois Wanda rêve de s’offrir les studios Lions Gate, producteur des « Hunger Games »Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 02.01.2015 à 17h54 • Mis à jour le05.01.2015 à 15h22 |Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elise Barthet « Tout ça pour ça » ? Disponible sur Internet en VOD et bientôt en salle, The Interview, le film de Seth Rogen menacé de non-diffusion après l'attaque informatique contre Sony Pictures, n'a pas enthousiasmé les critiques. A les lire, les aventures des deux journalistes crétins mandatés par la CIA pour tuer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un tiennent moins de la satire politique que de la comédie potache ratée.« On est loin du Dictateur de Chaplin ou même du Team America des créateurs de South Park », autrement plus corrosifs, estime Philippe Berry sur le site 20 minutes. Et si « personne ne s'attendait à du grand art », insiste le Wall Street Journal, la piètre qualité du film est assez « remarquable ».Un temps privé de sortie, The Interview avait pourtant bénéficié d'un large soutien des médias et du public, s'adjugeant, avant visionnage, 96 % d'opinion favorables sur le site d'agrégation de critiques cinéma Rotten Tomatoes. Le taux de satisfaction est nettement plus bas une fois le film diffusé : 50 % des professionnels disent avoir aimé et ils ne sont que 32 % parmi les « top critics » – la « crème de la crème » – à partager cet avis.« BLAGUES NULLES »La palme de la charge dévastatrice revient sans doute à Scott Foundas, de Variety. Pour le journaliste, « la Corée du Nord a eu raison d'objecter : la farce sur l'assassinat de Kim Jong-un signée Seth Rogen et Evan Goldberg est une attaque terroriste en règle... contre le genre comique ». Le film est « aussi drôle qu'une pénurie de nourriture au temps du communisme ». A déconseiller aux spectateurs dotés « d'une tolérance limitée pour les blagues à base de pénétration anale ».Dans le même registre, Slate se montre plus indulgent. « Il faut avouer que les premières minutes sont assez géniales », écrit la journaliste Aisha Harris. « Mais à l'issue de cette ouverture amusante, le film empile des blagues nulles sur les Asiatiques (...) et beaucoup trop de diffusions de Firework, de Katy Perry (dont Kim Jong-un est secrètement fan) ».« Ça m'ennuie de dire ça, mais ce n'est pas la moitié de la satire que ça aurait pu être », regrette la critique du New York Post. La comparaison avec le film d'animation Team America, qui mettait en scène des agents engagés pour faire échouer un complot orchestré par feu Kim Jong-il (le père de l'actuel dirigeant nord-coréen), pèse en effet sur le film. « The Interview a l'épaisseur comique d'un sketch moyen voire médiocre de Saturday Night Live » (une émission comique américaine), tranche le Hollywood Reporter.Les internautes semblent toutefois apprécier le saillie. Sur Twitter, ils sont nombreux à saluer la performance d'Eminem, qui fait une apparition, et celle du duo comique formé par Seth Rogen et James Franco.Tweets sur #TheInterview lang:en!function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+"://platform.twitter.com/widgets.js";fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document,"script","twitter-wjs");Elise BarthetJournalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd).  Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Joint par Le Monde, le jeune cinéaste algérien, auteur du remarquable moyen-métrage Les Jours d’avant (en salles le 4 février), réagit aux attentats de Paris.« Charlie est dans son droit de publier ce qu’il a envie de publier. En tant que citoyen d’un pays musulman, je comprends, je partage l’humour de Charlie. Je ne lui reproche rien.S’agissant de ma responsabilité de cinéaste, j’ai à faire un choix : soit je m’affirme moi-même, et pour moi-même, en tant que créateur et en ce cas, je dis tout ce que j’ai envie de dire – mais avec le risque de rendre une partie de mon discours inaudible, en tout cas pour une bonne partie de mes concitoyens ; soit je fais en sorte que mon discours soit audible de manière à ce que puisse s’instaurer un dialogue avec celui qui le reçoit.Très clairement, mon choix est de veiller à ce que le dialogue avec l’autre soit possible. C’est avec lui, qui est différent de moi, que je parviendrai à trouver à la fois mon humanité et la sienne. Certes, c’est une manière de compromis, mais c’est la seule manière d’arriver à la possibilité d’un dialogue. En Algérie, je suis souvent confronté à ce genre de situation. Essayer de trouver un terrain d’entente qui puisse permettre d’engager le dialogue. »Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Plasticiens et cinéastes, auteurs notamment des longs-métrages Je veux voir et Lebanese Rocket Society, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont grandi au Liban et vivent aujourd’hui en France. La guerre, ses traces, la violence politique, sont au cœur de leur travail. Joints par Le Monde, ils réagissent aux attentats.« La tristesse énorme qu’on a ressentie après les attentats, nous la vivons, d’une autre façon, depuis un moment. Cette tristesse est liée à ce qu’il se passe dans notre région, ce que l’on voit aussi au Nigeria et ailleurs… C’est ce moment où il y a cette chose qui explose, terriblement meurtrière… Que faire après ? Que faire de cette déferlante émotionnelle énorme ?Une situation comme celle que nous vivons actuellement permet de repenser toute la société. Tous les mécanismes. Le risque, c’est que, avec le temps, la complexité devienne trop difficile à vivre, que les gens se redéfinissent selon un certain nombre de critères et se réfugient encore plus derrière des appartenances ou des solutions faciles. C’est fatiguant, c’est difficile de vivre dans cet état de questionnement, de doutes, et c’est pourtant nécessaire.Nous n’allons pas faire de traité politique, mais nos images peuvent politiquement réfléchir ce que l’on traverse. L’été où les daeshites ont commencé à égorger des gens au Liban, c’était extrêmement dur. Nous nous sommes dits : “Qu’est-ce qu’on peut opposer à cela ?” Après la guerre de 2006, dans Je veux voir, nous avions opposé à la guerre avec Israël, la possibilité de la fiction. Dans un monde de plus en plus noir, qu’est-ce qui peut te faire tenir ? Ce sont des étincelles, des oasis, au sens où Hannah Arendt parlait d’“oasis dans le désert”. Ces oasis, nous avons pensé que ce pouvaient être la poésie, des œuvres qui induisent une forme d’émotion, de beauté, d’interrogation de soi, de pensée. C’est le sens de la vidéo que nous avons faite, dans le cadre d’une proposition autour des 80 ans de la mort de Constantin Cavafy, qui s’appelle En attendant les barbares.Cavafy est un des plus grands poètes grecs mais il n’a jamais vécu en Grèce. Il a vécu en Égypte à Alexandrie, à une époque où il était beaucoup question de cosmopolitanisme. Une des questions que cela nous pose c’est : comment se référer à une culture sans être défini par des notions de nationalisme, ou de communautarisme. Cette notion de cosmopolitanisme, c’est l’idée de faire partie d’un monde qui est “contemporain”, de partager le même temps, mais pas forcément la même géographie.En se plongeant dans son œuvre, on est tombé sur ce poème, En attendant les barbares, qui nous a semblé très fort, très actuel même s’il prend pour cadre l’empire grec. A l’époque, le barbare n’était pas forcément celui qui était d’une autre ethnie – l’empire rassemblait différentes ethnies. Le barbare, c’est celui avec qui on ne pouvait pas parler, celui qui ne partageait pas la même langue. Cette idée est très intéressante aujourd’hui. Le barbare, c’est celui avec qui tu ne peux pas parler. Tu parles, il ne répond pas à cette parole, il réagit autrement, à un autre niveau. Cette opposition introduit le chaos dans le cosmos, donne naissance à une confusion de temporalités, des soleils multiples.Le poème met en scène l’attente des barbares, tout le monde se prépare à leur arrivée. “Les barbares vont arriver, les barbares vont arriver…”, et finalement il y a quelqu’un qui va aux frontières et qui dit “mais il n’y a pas de barbares…”. Alors ils sont très embêtés. “Qu’est-ce qu’on va devenir sans barbares, c’est gens-là c’était quand même une solution”…C’est au cœur de ce que l’on vit aujourd’hui. Qui sont les barbares ? Ce sont les autres ? Ce que le poème dit, c’est que le barbare n’est pas forcément celui qui est aux frontières. Face à cette situation, il faut un ennemi, et c’est évidemment plus pratique de le trouver hors de soi. Bien sûr, c’est beaucoup plus facile de dire qu’ils ne sont pas nous, qu’on va les tuer, mettre en place une politique de répression à long terme, que de dire : “C’est aussi, quelque part, nous, il y a du barbare en moi.”C’est ce que l’on voit dans l’évolution du cinéma d’horreur où l’ennemi a longtemps été un alien, jusqu’à ce que ce soit nous-mêmes, nos propres morts qui reviennent nous hanter. L’ennemi est de dedans, nous sommes peut-être nos propres ennemis, une société qui génère son propre barbarisme. La grande question, aujourd’hui, ça va être cela : est-ce que les barbares, ce sont les autres, des êtres exogènes, qu’il faut exterminer, ou est-ce qu’il nous faut remettre en question notre société de façon profonde, et nous-mêmes ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances d’artistes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques pour questionner les codes de la fête : dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre.Pour cette édition anniversaire, le centre Pompidou a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde »: pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19). Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le31.12.2014 à 14h58 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elise Barthet « Tout ça pour ça » ? Disponible sur Internet en VOD et bientôt en salle, The Interview, le film de Seth Rogen menacé de non-diffusion après l'attaque informatique contre Sony Pictures, n'a pas enthousiasmé les critiques. A les lire, les aventures des deux journalistes crétins mandatés par la CIA pour tuer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un tiennent moins de la satire politique que de la comédie potache ratée.« On est loin du Dictateur de Chaplin ou même du Team America des créateurs de South Park », autrement plus corrosifs, estime Philippe Berry sur le site 20 minutes. Et si « personne ne s'attendait à du grand art », insiste le Wall Street Journal, la piètre qualité du film est assez « remarquable ».Un temps privé de sortie, The Interview avait pourtant bénéficié d'un large soutien des médias et du public, s'adjugeant, avant visionnage, 96 % d'opinion favorables sur le site d'agrégation de critiques cinéma Rotten Tomatoes. Le taux de satisfaction est nettement plus bas une fois le film diffusé : 50 % des professionnels disent avoir aimé et ils ne sont que 32 % parmi les « top critics » – la « crème de la crème » – à partager cet avis.« BLAGUES NULLES »La palme de la charge dévastatrice revient sans doute à Scott Foundas, de Variety. Pour le journaliste, « la Corée du Nord a eu raison d'objecter : la farce sur l'assassinat de Kim Jong-un signée Seth Rogen et Evan Goldberg est une attaque terroriste en règle... contre le genre comique ». Le film est « aussi drôle qu'une pénurie de nourriture au temps du communisme ». A déconseiller aux spectateurs dotés « d'une tolérance limitée pour les blagues à base de pénétration anale ».Dans le même registre, Slate se montre plus indulgent. « Il faut avouer que les premières minutes sont assez géniales », écrit la journaliste Aisha Harris. « Mais à l'issue de cette ouverture amusante, le film empile des blagues nulles sur les Asiatiques (...) et beaucoup trop de diffusions de Firework, de Katy Perry (dont Kim Jong-un est secrètement fan) ».« Ça m'ennuie de dire ça, mais ce n'est pas la moitié de la satire que ça aurait pu être », regrette la critique du New York Post. La comparaison avec le film d'animation Team America, qui mettait en scène des agents engagés pour faire échouer un complot orchestré par feu Kim Jong-il (le père de l'actuel dirigeant nord-coréen), pèse en effet sur le film. « The Interview a l'épaisseur comique d'un sketch moyen voire médiocre de Saturday Night Live » (une émission comique américaine), tranche le Hollywood Reporter.Les internautes semblent toutefois apprécier le saillie. Sur Twitter, ils sont nombreux à saluer la performance d'Eminem, qui fait une apparition, et celle du duo comique formé par Seth Rogen et James Franco.Tweets sur #TheInterview lang:en!function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+"://platform.twitter.com/widgets.js";fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document,"script","twitter-wjs");Elise BarthetJournalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.12.2014 à 23h49 • Mis à jour le24.12.2014 à 10h04 |Isabelle Regnier La comédie de Seth Rogen, L’Interview qui tue !, sortira bien le jeudi 25 décembre aux Etats-Unis, comme initialement prévu, ou presque. Le film sera distribué dans plusieurs centaines de salles, mais pas dans les grands circuits qui, mercredi matin, n’étaient pas revenus sur leur refus de le mettre à l’affiche depuis que le groupe de hackeurs Guardians of Peace, qui a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de Sony Pictures, a menacé de représailles les salles qui le diffuseraient.Dans une conférence de presse, le 23 décembre, Michael Lynton, le directeur général de Sony Entertainment, a affirmé : « Nous n’avons jamais renoncé à sortir L’Interview qui tue ! et nous sommes très excités à l’idée que notre film soit montré dans de nombreuses salles le jour de Noël. En même temps, nous poursuivons nos efforts pour nous assurer plus de plateformes de distribution et plus de salles de cinéma, afin de pouvoir atteindre le public le plus large possible. » Barack Obama a « applaudi la décision de Sony », a dit Eric Schultz, porte-parole de la présidence dans un communiqué.C’est le dernier rebondissement d’un feuilleton commencé au printemps, quand le gouvernement nord-coréen a émis ses premières menaces à l’encontre de cette satire dans laquelle deux journalistes américains, joués par Seth Rogen et James Franco, sont mandatés par la CIA pour tuer le dictateur Kim Jong-un. Il marque un énième revirement de la major qui annonçait, il y a une semaine, n’avoir « plus aucun projet pour sortir le film ». Selon CNN, Amy Pascal, Michael Lynton et d’autres cadres dirigeants de Sony auraient alors reçu un mail des hackeurs prenant acte de cette déclaration : « C’est très sage que vous ayez pris la décision d’annuler la sortie de L’Interview qui tue !. (…) Nous vous garantissons la sécurité de vos données, du moins si vous ne créez pas de troubles supplémentaires. »Sous la menace, « The Interview », le film « nord-coréen » de Sony est retiré de milliers de sallesVendredi 19 décembre, lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président Obama avait déploré que les dirigeants de Sony aient cédé aux pressions de ceux qu’il appelle des « cyber-vandals » et dont il assure avoir la conviction qu’ils sont à la solde de la Corée du Nord. « Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis », a-t-il déclaré. Moyens de diffusion alternatifsSe défendant de « s’être couché devant les hackeurs », Michael Lynton avait alors rétorqué que le retrait des circuits de salles ne lui laissait pas le choix, mais qu’il étudiait des moyens de diffusion alternatifs, sur Internet notamment. Sa réponse n’a pas plu à Barack Obama, qui, estimant qu’il aurait dû être mis au courant de cette situation, a affirmé qu’il aurait alors lui-même appelé les responsables des circuits pour les pousser à prendre le film. Elle a, par ailleurs, froissé bon nombre d’exploitants qui ont eu le sentiment que Sony se défaussait sur eux.Dans une lettre ouverte postée lundi 22 décembre sur Change.org, Russell Collins, le directeur de l’association d’exploitants de cinéma d’art et d’essai Art House Convergence, a appelé Sony à rendre L’Interview qui tue ! accessible aux cinémas qui souhaitaient le projeter, érigeant le film au rang de nouveau totem de la liberté d’expression et de la résistance à l’oppression : « Nous sommes à un carrefour important, avec une occasion de réaffirmer clairement notre engagement envers la liberté et la nécessité absolue de protéger notre industrie cinématographique contre toute forme de restriction, de censure et d’intimidation par la violence. Nous demandons à nos confrères exploitants, et aux spectateurs, de se mobiliser pour la liberté d’expression et d’expression artistique, qui sont vitales non seulement pour l’industrie du divertissement, mais aussi pour l’art et le commerce mondial. »Comme le rapporte le L.A. Times, de nombreux exploitants se disaient prêts, dès lundi, à diffuser le film, à l’instar de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, qui est aussi propriétaire du cinéma Jean Cocteau à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Déplorant la réaction initiale de Sony, qu’il a qualifiée d’« ahurissante démonstration de lâcheté d’entreprise », George R.R. Martin a affirmé que « des milliers de petites salles indépendantes à travers le pays, comme la mienne, seraient ravies de projeter L’Interview qui tue !, nonobstant les menaces de la Corée du Nord ».Depuis le communiqué de Michael Lynton annonçant la décision de Sony de finalement sortir le film, plusieurs centaines de salles se sont déclarées partantes pour le montrer, après que le Plaza Atlanta, à Atlanta, en Géorgie, ou le réseau Alamo Drafthouse Cinemas, basé à Austin, au Texas, ont fait acte de candidature pour sa diffusion. L’Interview qui tue ! a coûté à 44 millions de dollars (36,13 millions d’euros) à produire, et 35 millions en promotion.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 09.01.2015 à 18h19 • Mis à jour le09.01.2015 à 21h14 | Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd).  Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington. Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Joint par Le Monde, le jeune cinéaste algérien, auteur du remarquable moyen-métrage Les Jours d’avant (en salles le 4 février), réagit aux attentats de Paris.« Charlie est dans son droit de publier ce qu’il a envie de publier. En tant que citoyen d’un pays musulman, je comprends, je partage l’humour de Charlie. Je ne lui reproche rien.S’agissant de ma responsabilité de cinéaste, j’ai à faire un choix : soit je m’affirme moi-même, et pour moi-même, en tant que créateur et en ce cas, je dis tout ce que j’ai envie de dire – mais avec le risque de rendre une partie de mon discours inaudible, en tout cas pour une bonne partie de mes concitoyens ; soit je fais en sorte que mon discours soit audible de manière à ce que puisse s’instaurer un dialogue avec celui qui le reçoit.Très clairement, mon choix est de veiller à ce que le dialogue avec l’autre soit possible. C’est avec lui, qui est différent de moi, que je parviendrai à trouver à la fois mon humanité et la sienne. Certes, c’est une manière de compromis, mais c’est la seule manière d’arriver à la possibilité d’un dialogue. En Algérie, je suis souvent confronté à ce genre de situation. Essayer de trouver un terrain d’entente qui puisse permettre d’engager le dialogue. »Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Plasticiens et cinéastes, auteurs notamment des longs-métrages Je veux voir et Lebanese Rocket Society, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont grandi au Liban et vivent aujourd’hui en France. La guerre, ses traces, la violence politique, sont au cœur de leur travail. Joints par Le Monde, ils réagissent aux attentats.« La tristesse énorme qu’on a ressentie après les attentats, nous la vivons, d’une autre façon, depuis un moment. Cette tristesse est liée à ce qu’il se passe dans notre région, ce que l’on voit aussi au Nigeria et ailleurs… C’est ce moment où il y a cette chose qui explose, terriblement meurtrière… Que faire après ? Que faire de cette déferlante émotionnelle énorme ?Une situation comme celle que nous vivons actuellement permet de repenser toute la société. Tous les mécanismes. Le risque, c’est que, avec le temps, la complexité devienne trop difficile à vivre, que les gens se redéfinissent selon un certain nombre de critères et se réfugient encore plus derrière des appartenances ou des solutions faciles. C’est fatiguant, c’est difficile de vivre dans cet état de questionnement, de doutes, et c’est pourtant nécessaire.Nous n’allons pas faire de traité politique, mais nos images peuvent politiquement réfléchir ce que l’on traverse. L’été où les daeshites ont commencé à égorger des gens au Liban, c’était extrêmement dur. Nous nous sommes dits : “Qu’est-ce qu’on peut opposer à cela ?” Après la guerre de 2006, dans Je veux voir, nous avions opposé à la guerre avec Israël, la possibilité de la fiction. Dans un monde de plus en plus noir, qu’est-ce qui peut te faire tenir ? Ce sont des étincelles, des oasis, au sens où Hannah Arendt parlait d’“oasis dans le désert”. Ces oasis, nous avons pensé que ce pouvaient être la poésie, des œuvres qui induisent une forme d’émotion, de beauté, d’interrogation de soi, de pensée. C’est le sens de la vidéo que nous avons faite, dans le cadre d’une proposition autour des 80 ans de la mort de Constantin Cavafy, qui s’appelle En attendant les barbares.Cavafy est un des plus grands poètes grecs mais il n’a jamais vécu en Grèce. Il a vécu en Égypte à Alexandrie, à une époque où il était beaucoup question de cosmopolitanisme. Une des questions que cela nous pose c’est : comment se référer à une culture sans être défini par des notions de nationalisme, ou de communautarisme. Cette notion de cosmopolitanisme, c’est l’idée de faire partie d’un monde qui est “contemporain”, de partager le même temps, mais pas forcément la même géographie.En se plongeant dans son œuvre, on est tombé sur ce poème, En attendant les barbares, qui nous a semblé très fort, très actuel même s’il prend pour cadre l’empire grec. A l’époque, le barbare n’était pas forcément celui qui était d’une autre ethnie – l’empire rassemblait différentes ethnies. Le barbare, c’est celui avec qui on ne pouvait pas parler, celui qui ne partageait pas la même langue. Cette idée est très intéressante aujourd’hui. Le barbare, c’est celui avec qui tu ne peux pas parler. Tu parles, il ne répond pas à cette parole, il réagit autrement, à un autre niveau. Cette opposition introduit le chaos dans le cosmos, donne naissance à une confusion de temporalités, des soleils multiples.Le poème met en scène l’attente des barbares, tout le monde se prépare à leur arrivée. “Les barbares vont arriver, les barbares vont arriver…”, et finalement il y a quelqu’un qui va aux frontières et qui dit “mais il n’y a pas de barbares…”. Alors ils sont très embêtés. “Qu’est-ce qu’on va devenir sans barbares, c’est gens-là c’était quand même une solution”…C’est au cœur de ce que l’on vit aujourd’hui. Qui sont les barbares ? Ce sont les autres ? Ce que le poème dit, c’est que le barbare n’est pas forcément celui qui est aux frontières. Face à cette situation, il faut un ennemi, et c’est évidemment plus pratique de le trouver hors de soi. Bien sûr, c’est beaucoup plus facile de dire qu’ils ne sont pas nous, qu’on va les tuer, mettre en place une politique de répression à long terme, que de dire : “C’est aussi, quelque part, nous, il y a du barbare en moi.”C’est ce que l’on voit dans l’évolution du cinéma d’horreur où l’ennemi a longtemps été un alien, jusqu’à ce que ce soit nous-mêmes, nos propres morts qui reviennent nous hanter. L’ennemi est de dedans, nous sommes peut-être nos propres ennemis, une société qui génère son propre barbarisme. La grande question, aujourd’hui, ça va être cela : est-ce que les barbares, ce sont les autres, des êtres exogènes, qu’il faut exterminer, ou est-ce qu’il nous faut remettre en question notre société de façon profonde, et nous-mêmes ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Joint par Le Monde, le jeune cinéaste algérien, auteur du remarquable moyen-métrage Les Jours d’avant (en salles le 4 février), réagit aux attentats de Paris.« Charlie est dans son droit de publier ce qu’il a envie de publier. En tant que citoyen d’un pays musulman, je comprends, je partage l’humour de Charlie. Je ne lui reproche rien.S’agissant de ma responsabilité de cinéaste, j’ai à faire un choix : soit je m’affirme moi-même, et pour moi-même, en tant que créateur et en ce cas, je dis tout ce que j’ai envie de dire – mais avec le risque de rendre une partie de mon discours inaudible, en tout cas pour une bonne partie de mes concitoyens ; soit je fais en sorte que mon discours soit audible de manière à ce que puisse s’instaurer un dialogue avec celui qui le reçoit.Très clairement, mon choix est de veiller à ce que le dialogue avec l’autre soit possible. C’est avec lui, qui est différent de moi, que je parviendrai à trouver à la fois mon humanité et la sienne. Certes, c’est une manière de compromis, mais c’est la seule manière d’arriver à la possibilité d’un dialogue. En Algérie, je suis souvent confronté à ce genre de situation. Essayer de trouver un terrain d’entente qui puisse permettre d’engager le dialogue. »Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Plasticiens et cinéastes, auteurs notamment des longs-métrages Je veux voir et Lebanese Rocket Society, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont grandi au Liban et vivent aujourd’hui en France. La guerre, ses traces, la violence politique, sont au cœur de leur travail. Joints par Le Monde, ils réagissent aux attentats.« La tristesse énorme qu’on a ressentie après les attentats, nous la vivons, d’une autre façon, depuis un moment. Cette tristesse est liée à ce qu’il se passe dans notre région, ce que l’on voit aussi au Nigeria et ailleurs… C’est ce moment où il y a cette chose qui explose, terriblement meurtrière… Que faire après ? Que faire de cette déferlante émotionnelle énorme ?Une situation comme celle que nous vivons actuellement permet de repenser toute la société. Tous les mécanismes. Le risque, c’est que, avec le temps, la complexité devienne trop difficile à vivre, que les gens se redéfinissent selon un certain nombre de critères et se réfugient encore plus derrière des appartenances ou des solutions faciles. C’est fatiguant, c’est difficile de vivre dans cet état de questionnement, de doutes, et c’est pourtant nécessaire.Nous n’allons pas faire de traité politique, mais nos images peuvent politiquement réfléchir ce que l’on traverse. L’été où les daeshites ont commencé à égorger des gens au Liban, c’était extrêmement dur. Nous nous sommes dits : “Qu’est-ce qu’on peut opposer à cela ?” Après la guerre de 2006, dans Je veux voir, nous avions opposé à la guerre avec Israël, la possibilité de la fiction. Dans un monde de plus en plus noir, qu’est-ce qui peut te faire tenir ? Ce sont des étincelles, des oasis, au sens où Hannah Arendt parlait d’“oasis dans le désert”. Ces oasis, nous avons pensé que ce pouvaient être la poésie, des œuvres qui induisent une forme d’émotion, de beauté, d’interrogation de soi, de pensée. C’est le sens de la vidéo que nous avons faite, dans le cadre d’une proposition autour des 80 ans de la mort de Constantin Cavafy, qui s’appelle En attendant les barbares.Cavafy est un des plus grands poètes grecs mais il n’a jamais vécu en Grèce. Il a vécu en Égypte à Alexandrie, à une époque où il était beaucoup question de cosmopolitanisme. Une des questions que cela nous pose c’est : comment se référer à une culture sans être défini par des notions de nationalisme, ou de communautarisme. Cette notion de cosmopolitanisme, c’est l’idée de faire partie d’un monde qui est “contemporain”, de partager le même temps, mais pas forcément la même géographie.En se plongeant dans son œuvre, on est tombé sur ce poème, En attendant les barbares, qui nous a semblé très fort, très actuel même s’il prend pour cadre l’empire grec. A l’époque, le barbare n’était pas forcément celui qui était d’une autre ethnie – l’empire rassemblait différentes ethnies. Le barbare, c’est celui avec qui on ne pouvait pas parler, celui qui ne partageait pas la même langue. Cette idée est très intéressante aujourd’hui. Le barbare, c’est celui avec qui tu ne peux pas parler. Tu parles, il ne répond pas à cette parole, il réagit autrement, à un autre niveau. Cette opposition introduit le chaos dans le cosmos, donne naissance à une confusion de temporalités, des soleils multiples.Le poème met en scène l’attente des barbares, tout le monde se prépare à leur arrivée. “Les barbares vont arriver, les barbares vont arriver…”, et finalement il y a quelqu’un qui va aux frontières et qui dit “mais il n’y a pas de barbares…”. Alors ils sont très embêtés. “Qu’est-ce qu’on va devenir sans barbares, c’est gens-là c’était quand même une solution”…C’est au cœur de ce que l’on vit aujourd’hui. Qui sont les barbares ? Ce sont les autres ? Ce que le poème dit, c’est que le barbare n’est pas forcément celui qui est aux frontières. Face à cette situation, il faut un ennemi, et c’est évidemment plus pratique de le trouver hors de soi. Bien sûr, c’est beaucoup plus facile de dire qu’ils ne sont pas nous, qu’on va les tuer, mettre en place une politique de répression à long terme, que de dire : “C’est aussi, quelque part, nous, il y a du barbare en moi.”C’est ce que l’on voit dans l’évolution du cinéma d’horreur où l’ennemi a longtemps été un alien, jusqu’à ce que ce soit nous-mêmes, nos propres morts qui reviennent nous hanter. L’ennemi est de dedans, nous sommes peut-être nos propres ennemis, une société qui génère son propre barbarisme. La grande question, aujourd’hui, ça va être cela : est-ce que les barbares, ce sont les autres, des êtres exogènes, qu’il faut exterminer, ou est-ce qu’il nous faut remettre en question notre société de façon profonde, et nous-mêmes ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen Up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances d’artistes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques pour questionner les codes de la fête : dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre.Pour cette édition anniversaire, le centre Pompidou a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmatrices : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 19.01.2015 à 17h37 • Mis à jour le19.01.2015 à 18h06 La 65e Berlinale, qui aura lieu du 5 au 15 février, accueillera les nouveaux films de Wim Wenders et des Chiliens Pablo Larrain et Patricio Guzman, ont annoncé les organisateurs, lundi 19 janvier. La liste des 23 films de la sélection officielle, dont 19 concourront pour l’Ours d’or, est désormais complète. Le jury de cette édition sera présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky.Wim Wenders présentera, hors compétition, une fiction en relief, Everything Will Be Fine, avec James Franco, Charlotte Gainsbourg et Rachel McAdams. Un autre Allemand montrera son film hors compétition, Oliver Hirschbiegel (auteur en 2004 de La Chute), qui revient sur la période hitlérienne avec Elser, qui évoque la figure du résistant antinazi Georg Elser.Patricio Guzman poursuit son exploration du passé chilien avec Le Bouton de nacre. On ignorait jusqu’à l’existence de The Club, le nouveau film de son compatriote Pablo Larrain, avant l’annonce de sa sélection à Berlin.Les autres films retenus en compétition sont Aferim!, du Roumain Radu Jude, Le Voyage de Chasuke, de Sabu (Japon), et La Vierge jurée, de Laura Bispuri (Suisse/Italie).Dans la section Panorama, on pourra découvrir, entre autres, les nouveaux films de Sebastian Silva (Nasty Baby) ou Rosa von Praunheim (Härte), pendant que le Forum, l’autre section parallèle, accueillera Ghassan Salab (La Vallée), Alex Ross Perry (Queen of Earth) ou Guy Maddin (The Forbidden Room). Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Catherine Pacary ARTSLes affichistes « déchirent » à Bâle Leur point commun est d’avoir utilisé l’affiche comme matière première. Parfois ensemble, comme Raymond Hains et Jacques Villeglé, auteurs, dès 1949, de la première affiche lacérée ; parfois ignorant du travail parallèle des autres, comme Mimmo Rotella, qui publiait cette même année son premier ouvrage alliant recherche phonétique et musicale, et dont plusieurs courts films fort drôles sont présentés au musée Tinguely ; là encore, certains, comme Vostell, préfèrent au terme d’« affichiste » celui de « décolleur ». Des dénominations floues, multiples, pour une réalité finalement très structurée : c’est le dernier week-end pour apprécier leur « Poésie de métropole » exposée au musée bâlois, décidément toujours novateur.Musée Tinguely, Paul Sacher-Anlage 2, Bâle (Suisse). Tél. : (+41) 61-681-93-20. Tarifs : 12 et 18 FCH (10 et 15 euros), gratuits pour les moins de 16 ans. Du mardi au dimanche de 11 à 18 heures. Jusqu’au 11 janvier.Laissez parler les petits bouts de papierDANSESara Baras enfièvre les Champs-Elysées Sa passion, son exubérance, la danseuse flamenca Sara Baras non seulement sait l’exprimer par les gestes, sa présence, la danse, mais surtout sait le transmettre, le faire partager, l’insuffler à un public au fur et à mesure chauffé à blanc. Fière, ondulante, pratiquant son zapateado (art de la percussion des pieds) sans retenue, offerte aux spectateurs – et tant pis si un bout de volant reste sur le parquet. Voces, son nouveau spectacle, enthousiasme le Théâtre des Champs-Elysées chaque soir, sur les voix enregistrées des stars du flamenco, du guitariste Paco de Lucia au chanteur Camaron de la Isla.Théâtre des Champs-Elysées, 15, av. Montaigne, Paris 8e. Tarifs : de 30 à 68 euros. Tél. : 01-49-52-50-50. Vendredi, samedi et dimanche à 20 heures, dimanche à 17 heures.Sara Baras enflamme le flamencoMINÉRALOGIEUn « Trésor » qui vaut le déplacement Même rouverte que partiellement la galerie de minéralogie, sise dans le Jardin des Plantes parisien, vaut le déplacement ! Première salle − immense –, premier choc : une vingtaine de cristaux géants trônent, parmi lesquels plusieurs dépassent les 2 tonnes. « Trésors de la Terre » se poursuit par l’origine des minéraux, leur diversité et propriétés, leurs relations avec l’homme. Adulées, achetées, convoitées, offertes tels les gemmes royaux exposés. L’aventure se prolonge par l’évocation des minéraux extraterrestres et la présentation en images des plus belles pièces de la collection de 1 400 météorites du muséum.Galerie de minéralogie, Jardin des Plantes, 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 5e. Tél. : 01-40-79-54-79. Tarifs : 4 et 6 euros, gratuit pour les moins de 26 ans. Du mercredi au lundi, de 10 à 17 heures.Le monde riche des minérauxMUSIQUESUne journée à la Maison Ronde La musique ludique du pianiste François Raulin est un appel constant au jeu, auquel répond, également au piano, Stéphan Oliva dans un Duo de correspondances, qui marque, samedi après-midi, le retour du jazz à la Maison de la radio, à Paris. Ils précèdent le trio Olivier Ker Ourio (harmonica) Emmanuel Bex (orgue) Matthieu Chazarenc (batterie), de bout en bout attirant et solide. Quitte à se déplacer, pourquoi ne pas en profiter pour aller dès 11 heures, assister au concert du Nouvel An joué par l’Orchestre national de France, et faire découvrir, entre autres, aux plus jeunes La Chauve-Souris, de Johann Strauss fils, Casse-noisette, de Tchaïkovski, ou… la Valse à mille temps, de Jacques Brel. Entre-temps ? La Maison Ronde se visite également…Maison de la radio, 116, av. du président Kennedy, Paris 16e. Tarifs : 10 euros pour le jazz, 7 et 12 euros le concert famille.Un nouvel écrin musical pour Radio FrancePOP-ARTPremière rétrospective Monory à Landerneau Costume clair, panama et lunettes noires, neuf décennies au compteur. Ce n’est pas un gangster new-yorkais en vacances aux Bermudes, mais Jacques Monory, artiste de la figuration narrative des années 1960-1970, qui parcourt la première rétrospective qui lui soit enfin dédiée à Landerneau, en Bretagne. Les tableaux aux tons bleutés, peuplés de truands à mitraillettes et de filles en déshabillé de satin, scènes arrangées d’après des films noirs, des romans policiers et des nus d’actrices, c’est ce que l’on connaît le plus du peintre. Cette exposition vaut aussi et surtout pour l’autre Monory qui y est présenté, celui qui, entre 1972 et 1974, réalise une série peu montrée alors qu’on la tient pour l’une de ses plus importantes : Les premiers numéros du catalogue mondial des images incurables.Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, les Capucins, Landerneau (Finistère). Tél. : 02-29-62-47-78. Tarifs : 6 euros. Tous les jours de 10 à 18 heures. Jusqu’au 17 mai.Le bleu MonoryCINÉMAFilms-hommages à « Charlie » A Paris, plusieurs salles de cinéma montrent des films en lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Luminor programme ainsi C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire réalisé en 2008 par Daniel Leconte sur le procès de Charlie Hebdo lié à l'affaire des caricatures de Mahomet. Les séances auront lieu vendredi à 20 heures, samedi à 11 h 30 et 20 heures, dimanche à 13 h 30 et 20 heures, lundi à 18 heures et mardi à 13 h 30. Le Forum des images montrera, quant à lui, Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le documentaire de Stéphanie Valloatto sur les dessinateurs de presse, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, et qui est, par ailleurs, diffusé le 9 janvier sur France 3 à 22 h 45. Ouverte à toute, gratuitement, la séance aura lieu dimanche à 18 heures, en présence du producteur du film, Radhu Mihaileanu, et (peut-être) de Plantu.Le Luminor Hôtel de Ville, 20, rue du Temple, Paris 4e. Forum des Images, 2, rue du Cinéma, Paris 1er. Tél. 01-44-76-63-00.Lire aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons », l’affaire des caricatures à gros traitsHommage à « Charlie » : France 3 diffuse « Caricaturistes, fantassins de la démocratie »COMÉDIE MUSICALEAu « Contact » de Philippe Decouflé Des chansons, des sketches, des numéros de cirque, un peu de danse, beaucoup de vidéo (la spécialité du metteur en scène, sa marque de fabrique) et d’effets spéciaux : c’est Contact, la comédie musicale pléthorique écrite par le chorégraphe et metteur en scène Philippe Decouflé pour 14 comédiens, dont son ami Christophe Salengro, et les musiciens Nosfell et Pierre Le Bourgeois. Après avoir emporté l’adhésion du public du Théâtre national de Bretagne, où il a été créé le 30 septembre, puis à Lyon, ce poids lourd du spectacle, écrit à partir du Faust de Gœthe et traduit par Gérard de Nerval, s’installe à Paris.Théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tél. : 01-53-65-30-00. Tarifs : de 15 à 39 euros. Les 9, 10, 13, 14… à 20 h 30. Jusqu’au 6 février.Reprise : Philippe Decouflé à ChaillotARCHITECTUREViollet-le-Duc, en expo et en château « Restaurer un édifice, écrivait Viollet-le-Duc, c’est le rétablir dans un état complet, qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Découvrir l’artiste derrière le bâtisseur, c’est ce que propose l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, riche de magnifiques dessins. Mais pour apprécier pleinement l’extravagance et la démesure dont était capable l’architecte-rêveur, rien ne vaut la visite du château de Pierrefonds, qu’il a totalement recréé au XIXe siècle en une extraordinaire interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance. Ou tout aussi bien celle de la basilique de Vézelay, la collégiale de Clamecy, Notre-Dame de Paris, la basilique Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, en Suisse.Cité de l’architecture et du patrimoine, place du Trocadéro, Paris 16e. Du mercredi au lundi de 11 à 19 heures (21 heures jeudi). Tarifs : 6 et 9 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Jusqu’au 9 mars.Château de Pierrefonds (Oise). Tél. : 03-44-42-72-72. Tarifs : 4,50 et 7,50 euros, gratuit pour les moins de 18 ans. Du mardi au dimanche, de 10 à 13 heures et de 14 heures à 17 h 30.Viollet-le-Duc, bâtisseur de rêvesJAZZJacques Vidal évoque Charles Mingus au SunsetAprès le guitariste Wes Montgomery, le saxophoniste Charlie Parker ou le contrebassiste Charles Mingus, à qui il a par ailleurs consacré plusieurs disques, le contrebassiste Jacques Vidal va évoquer un autre géant du jazz lors de l’un de ses « concerts thématiques » au Sunset-Sunside, à Paris, le saxophoniste Sonny Rollins. Un concert en même temps qu’un récit puisque cet « Hommage » sera accompagné d’un retour sur la vie et la carrière de Rollins, présenté par le journaliste, critique musical et producteur de radio Lionel Eskenazi. Au côté de Jacques Vidal, qui a sélectionné et arrangé les compositions de Rollins, sont présents le saxophoniste Eric Barret, le pianiste Olivier Hutman et le batteur Philippe Soirat.Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Tél. : 01-40-26-46-60. Tarif : 15 euros. Dimanche 11 janvier, à 16 heures.Jacques Vidal et Charles Mingus, un duo gagnantCINÉMALes « Règles » de l’insertion professionnelle Après les demandeurs d’asiles en 2010, Claudine Bories et Patrice Chagnard s’intéressent, dans Les Règles du jeu, aux jeunes gens « en réinsertion ». Au plus près de la réalité de Lolita, Kevin, Hamid et Thierry, sans manichéisme, à la rencontre de deux mondes : celui des formateurs, plein de bonne volonté et convaincus qu’ils doivent transmettre à ces jeunes les « règles » de la culture d’entreprise, antichambre d’un monde de l’emploi dévolu à la rentabilité ; celui des impétrants, qui, eux, n’y croient pas. Il s’ensuit un merveilleux moment de révélation cinématographique : les détenteurs théoriques du savoir semblent agir en aliénés quand les ignorants, qui ne savent ni ne veulent se vendre, semblent touchés par la grâce – et nous montrent la voie.Documentaire français de Claudine Bories et Patrice Chagnard (1 h 46).« Les Règles du jeu » : quatre personnages en quête d'emploiCatherine PacaryJournaliste au Monde Michel Guerrin Nous retrouvons Plantu, jeudi 8 janvier, dans son bureau, au Monde. Voix ferme, regard direct, débit rapide. Le dessinateur coupe nos questions. Ses confrères Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré sont morts la veille. « Leurs assassins m’ont mis des boosters au bout des doigts. » Pour lui, c’est clair, « la guerre est ouverte entre démocratie et barbarie. Il faut s’y préparer, et ne pas baisser le crayon. Jamais ». Il ajoute : « Les dessinateurs de presse ne font pas des croquis dans une arrière-salle d’un bistrot de Saint-Germain-des-Prés. Ils sont branchés sur la planète, et on veut les juguler. Mais ces tueurs ne savent pas que les créateurs sont plus forts qu’eux. »Plantu a perdu des amis qu’il aime et connaît depuis vingt ou trente ans. Il en parle au présent, comme s’ils étaient là. Sans donner dans l’émotion, plutôt l’admiration. Wolinski ? « J’ai fait mon éducation sexuelle avec lui. » Cabu ? « Il est le plus grand caricaturiste de France, il rentre dans les yeux, les naseaux, la lèvre, les cheveux, les dents, de son personnage pour en tirer une charge qui évoque Daumier, dont il est le fils spirituel. » Tignous ? « Un style inimitable. » Charb ? « Ses aventures de Maurice le chien bisexuel et Patapon le chat ultralibéral, c’est génial, et très drôle. » Honoré ? « Un immense graveur impertinent. » Il raconte cette anecdote : « J’étais avec Charb quand il a raconté pour la première fois qu’il était protégé par la police, et que ça lui faisait bizarre. Il a fait remarquer à ses protecteurs qu’il roulait à vélo. Ils lui ont répondu : “Qu’à cela ne tienne, on prendra aussi un vélo.” »  Et puis ceci à propos de Cabu : « Un jour, tout en parlant, il triturait quelque chose dans sa poche. Il en a sorti un dessin superbe, qu’il crayonnait sans regarder. Je croyais qu’il se branlait. Il m’a répondu : “Normal, je suis un branleur.” »« Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire »L’époque est dure. De plus en plus de dessinateurs de la planète confient à Plantu qu’ils ont un garde du corps. « Ça, c’est nouveau. » Ce qui n’est pas nouveau, c’est la vie au quotidien, depuis 2005, du dessinateur danois Kurt Westergaard. Ce dernier est l’auteur d’un croquis parmi les onze publiés le même jour dans le Jyllands-Posten. On les appelle depuis, et un peu vite, les « caricatures de Mahomet ». « Ce dessinateur roule dans une voiture qui pèse 20 tonnes, raconte Plantu. Il a toujours des policiers autour de lui, avec mitraillettes et chiens. Sa salle de bains a été transformée en bunker. Trois fois on a essayé de le tuer. Je n’ai jamais réussi à lui parler en tête à tête, tant il est protégé. » Et de commenter : « Le problème est que les fondamentalistes ont tout le temps devant eux, ils n’ont que ça à faire. » Se sent-il menacé ? « Je n’ai pas à me poser la question. »Plantu rappelle que « la connerie » n’est pas réservée aux djihadistes. Il cite le dessinateur libyen Kais, tué en 2011 par les sbires de Kadhafi. Ou le Syrien Ali Ferzat, dont chaque phalange des deux mains a été brisée par des soldats de Bachar Al-Assad. « Le dictateur a bien fait arracher les cordes vocales d’un chanteur… » Des drames comme ceux-là, des destins plus joyeux aussi, Plantu en cite beaucoup. Car il a fondé, en 2006, avec Kofi Annan, l’association Cartooning for Peace qui réunit cent trente dessinateurs du monde entier. On en retrouve certains dans le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, de Radu Mihaileanu, qui vient de sortir en DVD.Pour Plantu, l’enjeu est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants »Pour Plantu, le dessinateur est un artiste qui doit pouvoir tout dessiner. Mais il a aussi une responsabilité envers son journal, ses lecteurs. L’enjeu, dit-il, est de « continuer à être décapant, à déranger, mais sans humilier les lecteurs ni les croyants ». La voie à creuser est fragile. « On doit arriver à dépasser les interdits, contourner les censures, mais en ne lâchant rien, en étant plus malins que les connards qui nous attendent au coin de la rue. » En 2005, il a publié, dans le journal égyptien Akhbar Alladab, un dessin nommé « Le choc des cultures », qui montre comment le string qui dépasse du pantalon taille basse de la jeune fille se transforme visuellement en burqa. Pourrait-il publier aujourd’hui ce dessin dans la presse du Caire ? « Faut voir… »Dans une vidéo passionnante de cinq minutes, réalisée en février 2006 par Jérôme Lambert et Philippe Picard (à retrouver sur Vimeo.com/116180416), on voit comment, lors d’une conférence de rédaction à Charlie, se construit l’idée du dessin de Cabu montrant Mahomet dire « C’est dur d’être aimé par des cons ». La caricature a fait la « une » de l’hebdomadaire, qui a gagné son procès intenté par la Mosquée de Paris en 2008. Des journaux, dont Le Monde, ont publié cette « une », hier, en hommage à Charlie. Mais nombre de médias, notamment aux Etats-Unis (agence Associated Press, New York Times, CNN, NBC), s’y refusent afin de ne pas heurter des sensibilités religieuses.Plantu aurait-il signé ce dessin ? Il répond, du tac au tac : « Ce qui compte, c’est que Cabu avait le droit de faire ce dessin. Et j’étais à ses côtés lors de son procès. » Lui avait préféré dessiner en « une » un « barbu » à partir de la même phrase répétée des milliers de fois : « Je ne dois pas dessiner Mahomet. » Il commente aujourd’hui : « J’ai le droit de dire que j’ai dessiné un barbu, et non Mahomet, parce que c’est le fondamentalisme musulman que je dénonce, pas le Prophète. » En fait, ce qui compte, pour Plantu, ce n’est pas de caricaturer Mahomet, mais de trouver comment être « pertinent » face aux exactions contre la liberté de penser, de dessiner, de s’éduquer, de créer. Montrer, dans un croquis, si les garçons et les filles peuvent continuer à aller à l’école au Pakistan. Il a dessiné contre le port de la burqa en France. « Le Monde me laisse libre alors que, sur cette question, la ligne éditoriale du journal est différente. C’est ma chance. » Son combat aussi.Voir aussi le visuel interactif : Dessinateurs du monde entier, tous « Charlie »Michel GuerrinJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, France 3 a décidé de modifier ses programmes, en diffusant le documentaire Caricaturistes, fantassins de la démocratie vendredi 9 janvier à 22 h 45. Ce film de Stéphanie Valloatto, présenté au Festival de Cannes en mai 2014, en séance spéciale (hors compétition), met en scène douze caricaturistes de différents pays (dont le Français Plantu), filmés dans leur quotidien.Une « Internationale du dessin de presse »C’était il y a quelques mois, le 23 mai 2014, place de la République, à Paris. Malgré la pluie, plusieurs centaines de personnes étaient venues assister à la projection publique de Caricaturistes, fantassins de la démocratie, le film de Stéphanie Valloatto qui, quelques jours auparavant, avait été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes.Parmi la douzaine de dessinateurs du monde entier, tous membres de l’association Cartooning for Peace, venus présenter le film, se trouvait la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, la créatrice du fameux chat Willis from Tunis. Evoquant ces hommes et ces femmes qui se servent de leurs crayons comme d’une arme au service de la liberté, elle était heureuse, ce jour-là, d’affirmer son appartenance à cette étonnante « Internationale du dessin de presse ». Un peu plus de sept mois plus tard, sur cette même place de la République, les sourires ont fait place aux larmes. Quelques heures plus tôt, dans les locaux de Charlie Hebdo, des dessinateurs de presse, parmi les plus talentueux de la planète, ont été assassinés. Avec eux, la démocratie vient de perdre non seulement d’immenses artistes, mais aussi quelques-uns de ses plus valeureux « fantassins ».« Ayons une pensée pour tous les dessinateurs du monde qui risquent leur vie pour un tout petit coup de crayon » avait dit, avant la projection de Caricaturistes, le dessinateur d’origine cubaine, Angel Boligan. Il pensait évidemment à Ali Ferzat, ce dessinateur syrien dont les doigts furent brisés à la demande d’Assad. En revanche, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, en cette douce soirée de printemps, ni Boligan ni personne n’imaginait que cela fut possible…Peur de la « peur des autres »Impossible aujourd’hui de revoir Caricaturistes, fantassins de la démocratie – le film sort ces jours-ci en DVD – sans penser à eux. Certains propos entendus dans le film prennent un relief différent, notamment, par exemple, lorsque, à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet, l’ex-ambassadeur des Droits de l’Homme, François Zimeray, parle de la tentative répétée de certains pays, aux Nations-Unies, « d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international ». « Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égales importances, estime l’un des fondateurs de Cartooning for Peace, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui ». En guise de réponse à l’interdit, muni de son seul crayon, Plantu dessina une fameuse caricature faite de cette seule phrase : « Je ne dois pas dessiner Mahomet ».Avec simplicité et courage, ces dessinateurs, travaillant aussi bien en Russie (Mikhail Zlatkovsky) qu’en Palestine (Baha Boukhari), au Venezuela (Rayma Suprani) ou encore en Algérie (Slim), évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et les menaces dont ils font sans arrêt l’objet.On écoute Angel Boligan fustiger ce qu’il appelle « la narco-politique », c’est-à-dire la collusion de plus en plus étroite, au Mexique où il travaille désormais, entre politiques et narcotrafiquants ; on regarde ses dessins tout comme ceux, également géniaux, de Zlatkovsky s’en prenant à Poutine, et l’on se dit que, finalement, dans le monde d’aujourd’hui, la religion demeure « le » sujet qui ne supporte pas la caricature.Travaillant, lui, au pays de Voltaire, Plantu dit n’avoir peur que de la « peur des autres ». Dans nos sociétés européennes, ajoute-t-il, s’installent « de plus en plus des peurs injustifiées ».Mercredi 7 janvier au soir, place de la République, une immense banderole lumineuse proclamait « Not Afraid » (pas peur).Caricaturistes, fantassins de la démocratie, film français de Stéphanie Valloatto (1 h 46), 1 DVD Orange Studio. Diffusion sur France 3 vendredi 9 janvier à 22 h 45. Sur le Web : fr-fr.facebook.com/caricaturistes et www.europacorp.comFranck NouchiJournaliste au Monde Clémentine Gallot Larry Clark est l'homme d'un seul sujet : l'adolescence déviante, obsession qui travaille depuis quarante ans ses longs-métrages de fiction et ses photographies. Jusque dans son dernier film, The Smell of Us, tourné cette fois à Paris.Conçu à la suite de la sulfureuse rétrospective de son œuvre au Musée d'art moderne en 2010, son huitième film a connu un tournage mouvementé dans la capitale, au cours duquel le cinéaste aurait évincé sans ménagement une partie du casting. Dans cette plongée au sein de la jeunesse dorée du 16e arrondissement, il s'intéresse à la sous-culture des skateurs du Trocadéro : lycéens le jour, escort boys la nuit. Chantre de l'underground, Larry Clark continue à 71 ans de faire sienne cette jeunesse d'esprit qui l'a poussé, dès ses débuts dans son Oklahoma natal, à capter sur le vif son groupe d'amis dans l'intimité, seringues d'héroïne plantées dans le bras. Il en a tiré Tulsa, une belle et éprouvante monographie, en 1971. De New York (le tonitruant Kids) à L.A. (les latinos de Wassup Rockers), il a tissé une chronique de la violence ordinaire de l'Amérique profonde, jamais doublée de discours sentencieux. Soucieux de se renouveler, Larry Clark – qui avait distribué son précédent film, Marfa Girl, directement sur Internet – n'a eu de cesse avec The Smell of Us de scruter le modus operandi des nouvelles générations, saturées d'outils technologiques. Ici, la circulation d'un flot ininterrompu d'images et de corps compose une vénéneuse mélopée.Lire aussi : Larry Clark : le coup de MarfaEt le post de blog : Larry Clark : « J'ai envie de dire à Hollywood d'aller se faire foutre »Clémentine GallotJournaliste au Monde 19.01.2015 à 08h53 | Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste franco-algérien réagit aux attentats et à leurs suites.« Les scènes que j’ai vues à Paris, autour de la place de la République, ce 11 janvier 2015, ne cessent de me rappeler la Marche pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, place de la Bastille, où, à peine âgé de 18 ans, j’étais allé fièrement et naïvement manifester. Comme dimanche, il y avait un élan civique, une ferveur républicaine, un espoir de France ouverte et décomplexée. Mais les trente années suivantes ont vu grandir les Kouachi, Merah, et autre Nemmouche. Que s’est-il passé ? Etions-nous bercés d’illusions ?Je ne peux même pas poser la question à un des leaders de la “marche des beurs” : aucun à ma connaissance n’a poursuivi de carrière publique. A l’époque, dans les médias, on interviewait des militants associatifs, et non pas les imams d’aujourd’hui. “Je suis Charlie, je suis policier, je suis juif” : ce 11 janvier, je ne pouvais non plus m’empêcher de penser aux Algériens – journalistes, policiers, moines, laïcs, artistes – assassinés à partir de 1993 dans les rues d’Alger. L’islam politique a prospéré partout où le ressentiment et la frustration peuvent être attisés dans un vide politique.Que fera l’Etat maintenant face aux “défis” de l’après-11-janvier ? Va-t-il renforcer un peu plus les mesures de sécurité, réduire le tube de dentifrice autorisé à 50 ml au lieu de 100 ml, nous faire porter notre pièce d’identité autour du coup ? Je n’ai évidemment pas de solution en poche, mais la réflexion devrait peut-être commencer par constater l’ampleur de l’échec.J’ai cependant peur que l’instrumentalisation partisane – comme à l’époque Mitterrand – empêche toute analyse collective sérieuse. Je refuse de céder le terrain aux islamistes et aux bien-pensants. J’ai toujours blasphémé dans mes films, et je continuerai. Le prochain, Lola Pater, parle de Zinedine, un Parigot, né de père algérien, immigré et transsexuel. Pour, justement, ne pas perdre mes illusions. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Né au Maroc, Abdellah Taïa, 41 ans, est écrivain (L’Armée du Salut, 2006, Le Jour du roi, 2010, tous deux parus au Seuil) et cinéaste (L’Armée du Salut, 2013). Joint par Le Monde, il réagit aux attentats.« Au-delà de l’attaque, condamnable, abjecte – cela va de soi –, et maintenant qu’a eu lieu cette séquence d’émotion réjouissante de dimanche 11 janvier, où quelque chose de l’ordre de la fraternité s’est exprimé, traversant les différents courants et contradictions de la société française, un réel débat est nécessaire.La première partie du débat concerne la France : il va falloir se demander d’où viennent ces individus qui ont commis les attentats, qu’est-ce qui les a produits. Ils sont nés en France. Ils sont le résultat d’une certaine politique pratiquée en France. Cela pose la question de l’intégration de l’immigration, de comment on a traité une population immigrée, ce à quoi on lui a donné accès ou pas. Ca ne veut évidemment pas dire qu’il y a un effet de cause à effet direct.La seconde question, plus importante pour moi qui suis arabe et musulman, attaché à l’islam, c’est de savoir comment les musulmans vont réussir, ou pas, à sortir de ce piège que leur tend le terrorisme islamiste, qui agit en leur nom depuis des décennies. Jusqu’à présent, les musulmans ont toujours répondu : “L’islam, c’est pas ça ! Ca, c’est les terroristes.” Ce leitmotiv devient vide de sens. C’est presque un behaviourisme, répété pour tranquilliser je ne sais quoi chez l’autre. Et, du coup, le problème n’est pas traité.Je dis cela en faisant abstraction de ce que toute une société peut imposer de dire ou de faire aux musulmans. Il faut que d’eux-mêmes, ils acceptent qu’il est temps de révolutionner l’islam – on est en 2015, bordel de merde ! –, de remettre en cause cette idéologie imposée par je ne sais qui, qui vient du wahhabisme du XVIIIe siècle… Et cela quelle que soit la responsabilité, énorme, de l’Occident, et de la colonisation. Ces questions sont évidemment d’une très grande importance, et il est indispensable qu’elles soient traitées très sérieusement.Mais moi, en tant que musulman, en tant qu’homosexuel musulman, je dis que les musulmans ne peuvent plus se cacher derrière la simplification et la dénégation. Bien sûr, des gens peuvent récupérer ce que j’exprime ainsi, mais il ne faut pas s’en soucier. Il n’y a que comme cela que les musulmans pourront se sauver.Même dans la situation où ils sont en France, en Occident, où ils sont terriblement stigmatisés, les musulmans n’ont pas le luxe de rester dans le coin qu’on leur réserve et de se complaire dans une logique victimaire. A un moment, ils doivent être courageux et se regarder nus. Il y a un rapport à la question religieuse, qui est de l’ordre de l’autocensure, dans ces petits interdits de pensée, qui contribuent au terrorisme ordinaire. Il y a des rapports de cause à effet. On est responsables. Je suis responsable. Moi-même, j’ai dû me soumettre. Peut-être que je n’ai pas été courageux, et c’est honteux de devoir l’avouer.Il y a quelque chose de l’ordre de l’intimidation permanente : “C’est comme ça l’islam, t’as pas le droit de faire ça, de dire ça, sinon t’es un mécréant.” De l’autre côté, il y a tout ce qui est véhiculé autour de l’islam en France, l’islamophobie, qui ne peut s’apprécier indépendamment du contexte politique. Acculer des immigrés, qui à la base ne sont pas très bien traités, c’est jouer avec le feu. Tout cela est d’une complexité vertigineuse… Mais il faut que les musulmans se ressaisissent. Ils ne peuvent plus se permettre de se taire, de se résigner.Souvent, on pense que dans la civilisation musulmane, il n’y a jamais eu de moment de réelle rébellion, de liberté. Mais c’est faux. Lisez Les Mille et Une Nuits, qui est rempli de transgression, de liberté, de sexualités de toutes sortes, et de résistance à des menaces de mort… Pourquoi un peuple qui a fait de ce livre le rival du Coran se comporte-t-il comme s’il ne l’avait pas lu ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le cinéaste a choisi de réagir aux attentats par le biais d’un texte accompagné d’images extraites de sa série pour Arte, « P’tit Quinquin ».« C'est au cinéma où tout cela aurait dû se passer. Pourquoi non ? (Pourtant oui !!!)C'est une catastrophe culturelle, une faille, quand le réel devient le théâtre de la violence et de la mort dont les arts auraient été les remparts, tous à l'œuvre de la civilisation.La religion reste la plus haute fiction de l'esprit humain.Seule la culture nous émanciperait. » Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Joint par Le Monde, le réalisateur de L’Afrance réagit aux attentats.« Je lis les réactions, les articles, les analyses… pertinents parfois… Mais j’ai le sentiment que tout a déjà été dit, mille fois. Et les auteurs des massacres eux-mêmes, bien avant les faits, interviewés, reçus à l’Elysée – pour l’un d’entre eux –, étudiés par des sociologues, des psychiatres… Des bibliothèques entières… Essais, romans, films… 20 ans, 60… Césaire, Baldwin, Fanon… Dénonciations des mécanismes, des mensonges, des valeurs bafouées… Violence du mépris… Une sensation de grande fatigue et d’affliction.Oui, enfin, certains commencent à reconnaître que ces crimes ont été commis par des enfants de ce pays. C’est, je crois, nouveau, nécessaire, et cela peut faire du bien. Mais la ligne d’arrivée semble toujours s’éloigner. Il faut sans cesse prouver, faire amende honorable, et maintenant il le faudra plus encore. Alors que dans le même temps, rien n’est donné. Les petites victoires s’arrachent au prix de longues luttes, et font grincer des dents.Tout a déjà été dit, alors que nous reste-t-il à faire, si ce n’est à essayer de protéger nos enfants des sentiments – justifiés ou non – d’humiliations, d’injustices, de négations, d’amalgames, dont nous savons qu’ils nous détruisent, et détruisent nos familles en premier lieu. Retourner au combat, et les aider à se tourner vers la paix partout où elle se trouve. Leur dire que c’est l’histoire de chacun d’entre nous. Ouvrir…Et croire à nouveau en une capacité d’échange, d’écoute réelle ? Espérons qu’ils n’aient pas trop à fermer les yeux ou à se boucher les oreilles. Et espérons que nous aurons été capables de vaincre notre colère avant de risquer de la leur transmettre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum En réaction aux attentats de Paris, le réalisateur syrien, auteur notamment du film Eau argentée, Syrie autoportrait, nous a envoyé un texte intitulé L’Arche de Noé, accompagné d’images, que nous reproduisons tels quels.« Sans image, on ne peut pas saisir la vérité.La manifestation, le tueur, la violence et la beauté.Des millions d’hommes et de femmes sortent des tripes du moment pour panser les plaies du “talent”.Sans talent, le monde vacille.Le talent individuel est l’aboutissement de la culture, le summum de l’histoire de la culture et de l’intelligence collective.Chaque fois que nous tuons “la question”, nous tuons l’avenir et une part de nous-mêmes.L’homme est le sacré, mais depuis qu’il a mangé son frère l’homme pour survivre et expérimenter, il est en quête de son humanité.Quand on tue la liberté, on tue la vie en soi-même.La vie n’a pas d’âge, même si elle peut être éternelle,Son âge serait sa profondeur, sa diversité et la liberté.Sans sa liberté, la vie deviendrait plate comme une dictature.Comme le paradis dans l’imaginaire de ceux qui ne croient pas à la liberté.Comme une image statique, ses rivières figées et ses femmes sans sourire.Ne pas croire à la liberté c’est être hérétique.La liberté, seul synonyme de la vie, et l’espoir de liberté donne un sens à la vie.La liberté a sublimé l’image de la Syrie en 2011, alors que le tyran, sacre des ténèbres, la considérait comme une hérésie.La liberté, c’est ce qui a poussé les Syriens à sortir de leur maison pour finir exilés dans les contrées les plus lointaines du monde… et à Nation et République.La liberté est la capitale du monde et la Syrie fut la capitale du monde et de la liberté.Nulle nation n’a chanté ce mot autant que les Syriens le 1er juillet 2011…“Que tu es belle liberté” Le 13 avril 2012, des Syriens ont soulevé cette banderole : “Je suis druze, alaouite, sunnite, kurde, ismaélite, chrétien, juif, assyrien. Je suis le révolté syrien et j’en suis fier.” Le 11 janvier 2015, la même banderole, cette fois à la place de la République à Paris.Le régime en Syrie a démoli les fondations de la société, son auto immunité et vidé les rues de sa diversité. Il a émietté les banderoles en fragments de mots isolés qui ne peuvent pas survivre seuls, tel un champ-contre-champ.Champ-contre-champ.À l’image d’un film hollywoodien, à grand budget, Hayat Boumediene, la supposée complice des auteurs du crime de Paris, n’avait aucune chance de se cacher dans la Syrie de cette banderole.Mais voilà, selon ce film de fiction, en ce moment même, elle est peut-être dans la même rue où cette banderole a vu le jour, là où le régime a vidé les lieux de la liberté, elle occupe le vide.Et peut-être elle va tomber sur cette banderole dans une maison bombardée qu’elle occupera… La maison d’un Syrien devenu Charlie à Paris. L’ironie aussi a été la signature des Syriens quand ils ont emprunté le chemin de la liberté.L’ironie était le rire et l’espoir, les questions sur le sacré, le fascisme, l’interdit et sur le Dieu corrompu.… SOS à la FIFA : les stades ont été transformés en prisons, nous réclamons une intervention footballistique. Qu’est-ce un homme sans liberté ; o Mariana ?Comment puis-je t’aimer sans être libreComment t’offrir un cœur que je ne possède pasLorca. Je ne veux pas qu’un obus nous tombe dessus avant d’embrasser ma voisine.Un jeune homme de Deir Ezzour. Nord-est de la Syrie. “Pourquoi pas une femme chrétienne pour la Syrie ?”Les Chrétiens de Daria.Le 11 septembre aurait pu être un virage révolutionnaire, l’image des gens qui sautent des fenêtres des tours fait voir la vérité d’un crime immonde, fait voir le sens de la vie.Les femmes et les hommes qui ont prolongé leur chute libre quelques secondes ont terminé dans nos consciences et nous ont déposé leurs testaments.Le 11 septembre aurait pu bâtir les fondations de la justice, là où les “questions” vaincront le « pouvoir ».Mais l’esprit de vengeance américain a fondé un autre crime.Abou Ghraib n’est pas le fruit du hasard, c’est une culture et un racisme.Il est impossible de saisir la vérité sans l’image.La manifestation de Paris est une révolution d’un peuple.Dans les rues, j’ai vu une Arche de Noé échapper au déluge.La manifestation du 11 janvier 2015 est cette arche de Noé.Noé, c’était la liberté, c’était Charlie.Certains n’arrivaient plus à marcher, d’autres avançaient péniblement vers la République.Et puis j’ai vu une banderole “Je suis syrien, je suis Charlie”.C’était un jeune Syrien réfugié à Paris, qui avait manifesté en Syrie, il a été emprisonné et torturé, il a échappé à la chimie pour retrouver son âme sœur à la manif.Il était excité comme pour un rendez-vous amoureux.Je me suis rappelé de la Syrie, de la tentative des Syriens pour sauver l’histoire par l’image, d’écrire l’histoire par l’image.Les images disent ce que rien d’autre ne peut dire.Première scène :On tire sur un policier blessé devant Charlie Hebdo.Dans le premier plan en haut tout près de l’objectif, il y a une plante sur une terrasse, puis dans le fond en bas… Feu.Même image à la quarantième minute dans mon film Eau argentée.Si le policier avait fait le mort d’emblée, il serait peut-être aujourd’hui vivant.Alors pour quelle raison a-t-il levé sa main ?Est-ce pour demander à Dieu de sauver les autres ?Ou peut-être espérait-il que les tueurs opèrent un retour vers l’humanité ?Peut-être ne voulait-il pas croire ?Ou peut-être avec l’intelligence des prophètes, demandait-il au tueur de l’achever pour protéger les Français musulmans d’une punition raciste collective.Le racisme, tout racisme, est un crime de guerre prémédité. Il n’y a pas de compétition entre les racismes, pas de meilleurs rôles ni de Palme d’or, toute tentative de préférer un racisme à un autre est une hypocrisie qui prépare un futur crime.Tout racisme est crime de guerre. Quoiqu’il soit minime.Le fanatisme ressemble à des cellules aveugles endormies.Seule l’image peut dire, lorsqu’on a remonté les stores du magasin cacher, comment le cadavre est apparu au fur et à mesure.L’image relie le passé à l’avenir et à la peur.Tapis rougeLa manifestation est une révolution et une contre-révolution,Le mot “défilé” m’a transporté dans Fellini Roma et son sublime défilé au Vatican.Défilé du pouvoir et du narcissisme, dont seule l’image témoigne.Que faisait le garde du corps de Netanyahou dans la première rangée avec les présidents des Etats ? Le langage des corps et de l’image assassine la cérémonie de deuil.Quel message visuel ?Imaginez un défilé de gardes du corps…Le garde du corps fait de Netanyahou une victime, vole l’émotion républicaine du moment et perce l’arche de Noé.Quelle ironie ? Est-ce que Netanyahou avait peur que Mahmoud Abbas démontre son talent au Kung Fu ?Qu’il vole vers lui pour arrêter la construction des colonies ?Ou peut-être a-t-il eu peur qu’il l’embrasse de manière à lui faire perdre les élections ?Est-ce qu’une révolution dans un seul pays peut réussir ?Le chauvinisme russe à l’époque du communisme était fier de la supériorité de Lénine, théoricien de la révolution dans un seul pays, sur Marx. Est-ce possible ?Peut-être quelque temps.Les prophètes sont de grands artistes.Les artistes sont de grands prophètes.Et “la question” est Dieu.Rien ne limite l’énergie de Dieu… Rien ne limite les questions.L’hypocrisie est une contre-révolution.Nul n’est censé ignorer que l’injustice prolongée crée la poésie, le désespoir, et la violence.L’injustice est l’usine de la violence.Interpeller l’horrible assassin ne dispense pas d’interpeller l’injustice.La violence est la fondation des tueries et nul n’a le droit d’éprouver la tolérance des humains à la cruauté.“Alléger les cœurs heure après heure, si les cœurs s’épuisent, ils deviennent aveugles à l’amour”, dit le prophète Mohammad.Dans l’espace temporel entre le crime et la manifestation, une violente tempête a balayé le Moyen-Orient…Onze enfants ont péri gelés, comme le tombeau du poète Mahmoud Darwish, qui l’attend toujours dans son petit village. »« Eau argentée, Syrie autoportrait » : requiem pour une révolution défunteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Depuis le début de la révolution syrienne, un collectif de résistants, acteurs de la défunte société civile, artistes, universitaires, penseurs, cinéastes, poste à raison d’une vidéo hebdomadaire, chaque vendredi, de petits films en tous points hérétiques sur le site de partage Vimeo. Son nom est Abounaddara.Ces vignettes, qui sont aujourd’hui au nombre de bientôt trois cents, lèvent l’étendard de l’esprit, de la pensée et de l’humour contre la rage des fanatiques de tous bords, contre le spectacle cynique et simplificateur de l’horreur tel qu’il s’exhibe sur les chaînes de télévision ou sur YouTube.Leurs interventions, souvent grinçantes et salutaires, parfois limites, prônent une hygiène morale respectueuse de la complexité des choses, comme en atteste cette récente tribune publiée dans Libération. Voici encore, sous le choc des attentats en France, deux de leurs récentes manifestations. Ce dessin a été posté sur la page Facebook d’Abounaddara, dimanche 11 janvier, jour de la grande manifestation, en signe d’hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo.Cette vidéo a été diffusée, vendredi 16 janvier, sur Vimeo, accompagnée de la phrase suivante : « An eye for an eye will only make the whole world blind ». Elle sample un extrait de l’émission juridique animée par la juge Jeanine Pirro sur la chaîne Fox News, dans lequel, en date du 10 janvier, elle appelle violemment à une croisade contre le terrorisme.Pour Charif Kiwan, porte-parole d’Abounaddara, joint par Le Monde, il s’agit « de mettre les pieds dans le plat et de dénoncer, pendant qu’il en est encore temps, chaque occasion où une communauté de langage se fait jour entre les deux camps. Nous pensons qu’il est de notre devoir de dénoncer cette logique mortifère ».Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Joint par Le Monde, le jeune cinéaste algérien, auteur du remarquable moyen-métrage Les Jours d’avant (en salles le 4 février), réagit aux attentats de Paris.« Charlie est dans son droit de publier ce qu’il a envie de publier. En tant que citoyen d’un pays musulman, je comprends, je partage l’humour de Charlie. Je ne lui reproche rien.S’agissant de ma responsabilité de cinéaste, j’ai à faire un choix : soit je m’affirme moi-même, et pour moi-même, en tant que créateur et en ce cas, je dis tout ce que j’ai envie de dire – mais avec le risque de rendre une partie de mon discours inaudible, en tout cas pour une bonne partie de mes concitoyens ; soit je fais en sorte que mon discours soit audible de manière à ce que puisse s’instaurer un dialogue avec celui qui le reçoit.Très clairement, mon choix est de veiller à ce que le dialogue avec l’autre soit possible. C’est avec lui, qui est différent de moi, que je parviendrai à trouver à la fois mon humanité et la sienne. Certes, c’est une manière de compromis, mais c’est la seule manière d’arriver à la possibilité d’un dialogue. En Algérie, je suis souvent confronté à ce genre de situation. Essayer de trouver un terrain d’entente qui puisse permettre d’engager le dialogue. »Franck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Plasticiens et cinéastes, auteurs notamment des longs-métrages Je veux voir et Lebanese Rocket Society, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont grandi au Liban et vivent aujourd’hui en France. La guerre, ses traces, la violence politique, sont au cœur de leur travail. Joints par Le Monde, ils réagissent aux attentats.« La tristesse énorme qu’on a ressentie après les attentats, nous la vivons, d’une autre façon, depuis un moment. Cette tristesse est liée à ce qu’il se passe dans notre région, ce que l’on voit aussi au Nigeria et ailleurs… C’est ce moment où il y a cette chose qui explose, terriblement meurtrière… Que faire après ? Que faire de cette déferlante émotionnelle énorme ?Une situation comme celle que nous vivons actuellement permet de repenser toute la société. Tous les mécanismes. Le risque, c’est que, avec le temps, la complexité devienne trop difficile à vivre, que les gens se redéfinissent selon un certain nombre de critères et se réfugient encore plus derrière des appartenances ou des solutions faciles. C’est fatiguant, c’est difficile de vivre dans cet état de questionnement, de doutes, et c’est pourtant nécessaire.Nous n’allons pas faire de traité politique, mais nos images peuvent politiquement réfléchir ce que l’on traverse. L’été où les daeshites ont commencé à égorger des gens au Liban, c’était extrêmement dur. Nous nous sommes dits : “Qu’est-ce qu’on peut opposer à cela ?” Après la guerre de 2006, dans Je veux voir, nous avions opposé à la guerre avec Israël, la possibilité de la fiction. Dans un monde de plus en plus noir, qu’est-ce qui peut te faire tenir ? Ce sont des étincelles, des oasis, au sens où Hannah Arendt parlait d’“oasis dans le désert”. Ces oasis, nous avons pensé que ce pouvaient être la poésie, des œuvres qui induisent une forme d’émotion, de beauté, d’interrogation de soi, de pensée. C’est le sens de la vidéo que nous avons faite, dans le cadre d’une proposition autour des 80 ans de la mort de Constantin Cavafy, qui s’appelle En attendant les barbares.Cavafy est un des plus grands poètes grecs mais il n’a jamais vécu en Grèce. Il a vécu en Égypte à Alexandrie, à une époque où il était beaucoup question de cosmopolitanisme. Une des questions que cela nous pose c’est : comment se référer à une culture sans être défini par des notions de nationalisme, ou de communautarisme. Cette notion de cosmopolitanisme, c’est l’idée de faire partie d’un monde qui est “contemporain”, de partager le même temps, mais pas forcément la même géographie.En se plongeant dans son œuvre, on est tombé sur ce poème, En attendant les barbares, qui nous a semblé très fort, très actuel même s’il prend pour cadre l’empire grec. A l’époque, le barbare n’était pas forcément celui qui était d’une autre ethnie – l’empire rassemblait différentes ethnies. Le barbare, c’est celui avec qui on ne pouvait pas parler, celui qui ne partageait pas la même langue. Cette idée est très intéressante aujourd’hui. Le barbare, c’est celui avec qui tu ne peux pas parler. Tu parles, il ne répond pas à cette parole, il réagit autrement, à un autre niveau. Cette opposition introduit le chaos dans le cosmos, donne naissance à une confusion de temporalités, des soleils multiples.Le poème met en scène l’attente des barbares, tout le monde se prépare à leur arrivée. “Les barbares vont arriver, les barbares vont arriver…”, et finalement il y a quelqu’un qui va aux frontières et qui dit “mais il n’y a pas de barbares…”. Alors ils sont très embêtés. “Qu’est-ce qu’on va devenir sans barbares, c’est gens-là c’était quand même une solution”…C’est au cœur de ce que l’on vit aujourd’hui. Qui sont les barbares ? Ce sont les autres ? Ce que le poème dit, c’est que le barbare n’est pas forcément celui qui est aux frontières. Face à cette situation, il faut un ennemi, et c’est évidemment plus pratique de le trouver hors de soi. Bien sûr, c’est beaucoup plus facile de dire qu’ils ne sont pas nous, qu’on va les tuer, mettre en place une politique de répression à long terme, que de dire : “C’est aussi, quelque part, nous, il y a du barbare en moi.”C’est ce que l’on voit dans l’évolution du cinéma d’horreur où l’ennemi a longtemps été un alien, jusqu’à ce que ce soit nous-mêmes, nos propres morts qui reviennent nous hanter. L’ennemi est de dedans, nous sommes peut-être nos propres ennemis, une société qui génère son propre barbarisme. La grande question, aujourd’hui, ça va être cela : est-ce que les barbares, ce sont les autres, des êtres exogènes, qu’il faut exterminer, ou est-ce qu’il nous faut remettre en question notre société de façon profonde, et nous-mêmes ? »Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Alexandre Piquard   Quand un ministère fait le vœu de promouvoir l’offre légale de films, de séries ou de musique, l’internaute ou le journaliste peuvent être un peu sceptiques. Leur reste en mémoire le souvenir d’initiatives passées – des portails ou des labels – dont le succès d’audience ne fut pas à la hauteur de l’ambition affichée : faire reculer le « piratage ».Bien conscients de ce travers, le ministère de la culture de Fleur Pellerin et le Centre national du cinéma (CNC) ont à leur tour dévoilé, mercredi 28 janvier, un dispositif qui se veut bien plus « pragmatique », puisqu’il se fonde sur les usages des internautes.Des sites partenaires plutôt qu’un « portail »Quand un internaute cherche à regarder un film en ligne, il est peu probable qu’il aille sur des sites comme http://www.offre-légale.fr, la base de données montée par la Hadopi, a estimé Julien Neutres, du CNC, chargé de ce projet. L’utilisateur va plutôt taper La Reine des neiges ou Gone Girl dans un moteur de recherche… le plus souvent Google. Et trouver en résultats l’annuaire Allociné (en première position quasiment tout le temps, selon la Culture), l’encyclopédie Wikipedia, des sites d’information comme Télérama.fr ou Première.fr et aussi… des sites de téléchargement illégal.L’idée du CNC et du ministère est de prendre acte de cette réalité du référencement et de nouer des partenariats avec des sites puissants pour y placer la liste des plateformes qui proposent le film en vidéo à la demande (à l’achat en téléchargement ou en location ou encore par abonnement). Allociné (9 millions de visiteurs uniques par mois selon Nielsen/Net Ratings), Premiere (3 millions), Télérama (2 millions) et Sens critique (2 millions) sont les quatre premiers partenaires. D’autres sont souhaités. 12 services référencés… Concrètement, sur la fiche d’un film, ces sites ont intégré un bouton « Voir ce film en ligne » et un espace sous la fiche. Si l’on clique dessus, on obtient la liste des éditeurs qui proposent l’œuvre. Et son prix, pour 10 des 12 éditeurs qui participent à l’initiative, soit la plupart des grandes plateformes légales de France : Canalplay, France Télévisions Pluzz VàD, MyTF1VOD, Orange Vidéo à la demande et Orange cinéma séries, Arte, Vidéofutur, Filmotv, Montparnasse VOD, Wuaki.tv et Imineo. Ils sont présentés « dans un ordre aléatoire », précise-t-on.… mais pas Netflix ou iTunesPrécision importante : Netflix, le fameux service américain de vidéo à la demande par abonnement, et iTunes, la plateforme de vidéo à l’achat d’Apple, ne sont pas référencés.Car Fleur Pellerin et le CNC ont fait le choix politique de ne promouvoir que les services qui respectent le système français de soutien à la création, en se soumettant au décret Smad : celui-ci les oblige notamment à promouvoir dans leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres françaises, et surtout à consacrer 15 % de leur chiffre d’affaires à des œuvres fabriquées par des producteurs européens. Question « d’exemplarité », pour la ministre : « cliquer, c’est aider à créer », a-t-elle lancé mercredi.Outre le déploiement sur des sites partenaires, le dispositif est disponible sous la forme d’un « widget », une petite application qui permet à tout éditeur ou blogueur d’insérer sur son site les informations pour son site, comme il « embedderait » une vidéo de Youtube ou Dailymotion. Enfin, la base de données est disponible sous une forme plus classique à l’adresse vod.cnc.fr.Les séries télé intégrées « dans quelques semaines »Aujourd’hui, 10 000 films sont disponibles en vidéo à la demande, sur les 25 000 recensés dans la base créée par le CNC. Ce recensement se veut exhaustif et sera complété au fur et à mesure.Surtout, le dispositif devrait intégrer les séries télé « dans les prochaines semaines », puis les documentaires voire les courts-métrages, selon le ministère.Le budget de développement est de « quelques dizaines de milliers d’euros », selon la Rue de Valois. De plus, les sites partenaires ont reçu une « compensation » financière correspondant aux frais de développement technique et à une forme d’achat d’espace non publicitaire sur leur plateforme, à fort trafic. Son montant est bien inférieur au prix du marché, précise-t-on, sans toutefois donner de chiffres.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvie Kerviel Les adolescents qui ont grandi avec Totoro, Pompoko, Kiki, Chihiro ou Ponyo pour compagnons de rêveries, et les adultes qui ont conservé une part d’enfance, pousseront avec émerveillement les portes du Musée Art Ludique à Paris. Jusqu’au 1er mars, le lieu, situé en bord de Seine, présente, sur 1 200 mètres carrés, 1 300 dessins originaux issus du studio japonais Ghibli, d’où sont sorties ces merveilles de l’animation que sont Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, Le Tombeau des Lucioles ou Mon Voisin Totoro, pour ne citer que les plus connus des films de Hayao Miyazaki ou de son partenaire Isao Takahata.C’est la première fois que ces documents originaux, pour la plupart dessinés de la main même des deux fondateurs du studio tokyoïte, sont exposés en Europe. L’occasion pour les fans de ces deux maîtres de l’animation, et pour tous les passionnés d’un genre cinématographique trop souvent cantonné au public enfantin, de s’immerger dans leur univers et d’en découvrir les coulisses. Mais aussi de mesurer, en s’approchant au plus près du processus créatif, la virtuosité des deux artistes, dont chaque dessin, conjuguant encre, mine, crayon, gouache et aquarelle, constitue une œuvre en soi. Des indications manuscritesLe concepteur de l’exposition, Kazuyoshi Tanaka, a imaginé un parcours promenant le visiteur de film en film, chaque salle rassemblant, autour de l’un des longs-métrages produits par la maison Ghibli depuis sa fondation, en 1985, une sélection de dessins. Plus précisément des « layouts », feuilles de papier format 17,2 × 32 cm, à la bordure perforée et réunissant, pour chaque plan du film, les indications nécessaires à la mise en scène : dessins du décor, des personnages, des accessoires, et indications manuscrites du réalisateur à destination de ses collaborateurs (traduites en français et en anglais pour l’exposition).Quels types de mouvement les personnages devront-ils accomplir ? Comment évoluent leurs expressions ? Comment la caméra doit-elle se déplacer ? Le souci du détail et le perfectionnisme de Miyazaki se devinent à travers les remarques qu’il appose sur les dessins : « Pigeon grillé, avec de nombreuses épices, doré au four, brillant d’huile, a l’air délicieux », indique ainsi Miyazaki dans le coin d’un layout représentant une scène de repas du Voyage de Chihiro. Parfois, le commentaire frise le reproche : « Le trait n’est pas assez précis, le visage du personnage est trop grand, merci de l’ajuster », écrit-il sur un autre carton. Ou encore : « On dirait un dessin abstrait ! »Lire aussi : La dernière prophétie de Miazaki Amoureux de la natureDans chaque salle, un écran diffuse en boucle, sur fond musical, un extrait du film auquel se rapportent les layouts qui couvrent les murs parfois jusqu’au plafond. Les cartons ayant servi à la réalisation de la séquence sont rassemblés en regard de celle-ci, dans un souci pédagogique efficace. Pouvoir examiner les dessins en s’en approchant au plus près, comme le permet l’accrochage, est à chaque fois un ravissement : les paysages et les décors conçus par ces deux amoureux de la nature foisonnent de détails, les expressions des personnages – humains, animaux ou yokaïs, créatures imaginaires du folklore japonais – sont d’une subtilité étonnante, les jeux d’ombres et de perspective, le soin apporté aux mouvements des nuages comme aux dégradés des couchers de soleil, impressionnent.Cette exposition marque-t-elle la fin d’une très belle aventure ? Ghibli, qui emploie 300 personnes, a annoncé, en octobre 2014, qu’il suspendait ses productions en raison des difficultés économiques que connaît la société d’animation. Dessiner à la main revient, en effet, beaucoup plus cher que de travailler sur ordinateur ; et le studio ne produit pas de séries pour la télévision, grâce auxquelles nombre d’entreprises du secteur réussissent à équilibrer leurs budgets. Parallèlement, les deux fondateurs, tous deux septuagénaires, ont déclaré vouloir prendre leur retraite, au grand désarroi de millions d’admirateurs. Actuellement sur les écrans, Souvenir de Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi, pourrait être la dernière production d’une maison qui aura marqué, de son empreinte délicate, l’histoire du film d’animation.« Souvenirs de Marnie » : le Studio Ghibli fait ses adieux et passe de l'autre côté du miroir« Dessins du Studio Ghibli », Art Ludique – Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, Paris 13e. Jusqu’au 1er mars. artludique.comSylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : à voirCet exode se finira au bord de l’eau, parce qu’il faut traverser la mer pour arriver en Europe. Pour l’instant, Léonard, qui vient du Cameroun, et Hope, qui est partie du Nigeria, sont en plein désert, à la frontière algérienne. Boris Lojkine, documentariste qui réalise ici son premier film de fiction, les suivra à travers l’Afrique du Nord, l’Algérie puis le Maroc, dans ce no man’s land où les Africains du sud du Sahara sont aussi mal accueillis qu’en Europe mais où ils peuvent rester moyennant quelques accommodements qui rendent leur voyage encore plus cruel.Lire aussi : « Hope » et ses amours errantesDes dizaines de cinéastes européens et nord-américains ont retracé ces parcours qui mènent d’Afrique de l’Ouest en Espagne, de Kandahar à Londres, du Guatemala à la Californie. Ils peuvent le faire sur le mode de la commisération, de la dénonciation ou du suspense. Sans doute parce qu’il vient du cinéma du réel, Boris Lojkine, qui avait jusqu’ici travaillé en Asie du Sud-Est, préfère analyser, le plus finement possible, les mécanismes d’un système solidement installé – son économie, sa structure politique.De « ghetto » en « ghetto »Hope (Endurance Newton) et Léonard (Justin Wang) sont tous deux isolés et décident d’unir leurs destins le temps du voyage. Celui-ci ne se fait pas à l’aveuglette en progressant vers le Nord. Les migrants subsahariens vont de « ghetto » en « ghetto ». Il faut prendre le terme dans son acception ouest-africaine. Au cinéma, on a vu des « ghettos » ivoiriens dans les films d’Eliane de Latour, Bronx-Barbès ou Après l’océan. Plutôt que des quartiers dans lesquels sont parquées des minorités, ce sont des espaces réduits, à la marge des villes, où se regroupent des populations liées par un rapport commun à la transgression de la loi. Dans Hope, il s’agit de faire circuler des êtres humains qui n’en ont pas le droit.Boris Lojkine montre des ghettos camerounais, nigérians, à Tamanrasset ou à Rabat, régis par des lois précises, que font appliquer les plus forts. La peinture précise, analytique de ces univers parallèles, brutaux, injustes, mais indispensables à la survie de leurs habitants, fait la singularité de Hope. La prostitution, la contrebande, la corruption des autorités des pays traversés font la trame quotidienne de ces existences.Une réalité ignoréeLe film a été tourné au Maroc et le metteur en scène a recruté ses acteurs dans la population de ces ghettos. L’assurance avec laquelle ils tiennent leurs rôles, si répréhensibles qu’ils puissent paraître, montre que le film a pour premier mérite de mettre au jour une réalité ignorée. Le second est de donner à ce monde caché la faculté de produire de la fiction. Le courage des migrants, l’ingéniosité des passeurs, la violence des affrontements entre bandes, entre communautés nationales, valent bien les meilleures histoires du crime organisé italo-américain, des apaches parisiens, des sociétés secrètes chinoises. Ces possibilités de cinéma ne sont ici qu’effleurées (ce qui suffit à donner au film un dynamisme qui manque à nombre de ses homologues), le metteur en scène préférant peindre un tableau le plus complet possible du phénomène qu’il met en scène.Le parcours de Hope et Léonard les mène jusqu’à la forêt de Gourougou, à la lisière de l’enclave espagnole de Melilla. Là, des centaines de migrants vivent entre les arbres, dans la crainte de l’armée marocaine, revenus à la condition d’hommes des bois qui ne peuvent vivre qu’au jour le jour.La fiction, on la trouve dans l’idylle hésitante qui se noue entre les deux principaux personnages. On l’a vu, la jeune Nigériane qui tient le rôle de Hope se prénomme Endurance, ce que confirment son physique puissant, son énergie. Justin Wang tient, avec peut-être un peu plus de mal, le registre de la débrouillardise, du compromis perpétuel.En les suivant, pendant à peine deux heures, on est forcé de se rappeler que – pour le meilleur – ceux des migrants qui terminent leur parcours ont accompli, qu’ils l’aient voulu ou non, un exploit presque surhumain. Et que – pour le pire – les épreuves qu’ils ont traversées leur auront laissé des marques que rien n’effacera.Film français de Boris Lojkine avec Endurance Newton, Justin Wang (1 h 31). Sur le Web : distrib.pyramidefilms.com/content/hope-0Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Evidemment, à Hors Pistes, un anniversaire se fête autrement qu’avec « un gâteau, des bougies et une chanson », pour reprendre les mots d’Alain Seban, le président du Centre Pompidou, lors de la soirée de lancement de l’événement, vendredi 23 janvier à Paris. Car après la miniature et le biopic, thèmes des deux précédentes éditions, c’est l’esprit de l’anniversaire qui a guidé l’élaboration de la mouture 2015, 10e édition de la manifestation. Comme chaque année au cœur de l’hiver, l’équipe de ce singulier festival maison a donc commencé à déployer son attirail de pépites de la création artistique actuelle à la croisée des genres et des disciplines, entre arts visuels et arts vivants, dans son QG « underground » : le niveau -1 de Beaubourg.« Teasers » de films en devenirVingt-et-un « solo shows » déclineront chaque soir dans les salles de cinéma du Centre Pompidou des conceptions très diverses de la notion de célébration et des formes qu’elle peut adopter. Le public de curieux pourra notamment participer au tournage d’un film d’heroïc fantasy (Arnaud Dezoteux, le 30 janvier) ou assister à celui d’une séquence d’un film en préparation tourné avec un drone (Agnès de Cayeux, le 31). Découvrir deux solo shows autour de l’hypnose (Catherine Plumet le 28, et Gurwann Tran Van Gie le 7 février). Ou encore se plonger dans la reconstitution minutée du massacre norvégien d’Utoya, entre images virtuelles et performance collective (Joachim Olender, le 14). En dix éditions, les règles du jeu de Hors Piste ont sans cesse évolué, souligne Géraldine Gomez, l’instigatrice de ce rendez-vous atypique. Lieu d’expérimentations hybrides, la manifestation a pris un tournant décisif en 2014 : « De diffuseur, nous sommes passés à producteur » ; ainsi les solo shows offrent désormais des versions performatives de films en devenir, dont ils servent en quelque sorte de « teasers ».« Fragilité »Les « solo shows » ont aussi la particularité de montrer des vidéos d’artistes n’ayant jamais fait de film, ou a contrario des performances de vidéastes qui ne pratiquent habituellement pas le live. Des dispositifs dont Géraldine Gomez revendique la « fragilité » : « Ils offrent des moments uniques, ultra privilégiés, où le public est en lien direct avec les artistes. Tout est toujours sur le fil, et c’est ce risque-là qui est intéressant, avec parfois des accidents d’une poésie extraordinaire. »Au milieu de ces rendez-vous, ponctués de nombreuses projections « classiques », l’espace ouvert du sous-sol est par ailleurs le lieu d’une exposition évolutive par deux duos d’artistes, Hippolyte Hengten et John John, qui croisent leurs pratiques – dessin et sculpture d’une part, performance et théâtre de l’autre – pour questionner les codes de la fête.Pour cette édition anniversaire, Beaubourg a par ailleurs fait un « cadeau » à Hors Pistes : l’octroi d’une semaine supplémentaire, soit une durée totale de trois semaines plutôt que deux. Manifestation ouverte sur le monde, le festival continue au-delà à déployer son réseau dans une petite dizaine de villes à l’étranger, de Tokyo à La Havane, avec une première édition à Malaga, où le Centre Pompidou ouvrira une antenne au printemps.Hors Piste, jusqu’au 15 février. Solo shows : 6 € (4 € tarif réduit, gratuit pour les détenteurs de laissez-passer), projections 4 € ou 3 €. Toute la programmation sur le site du Centre Pompidou ou à imprimer. Programmation : Géraldine Gomez et Charlène Dinhut.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet La Fondation Prada n’est pas une nouvelle venue dans la galaxie des fondations des grandes maisons du luxe dédiées à l’art contemporain. Miuccia Prada et Patrizio Bertelli l’ont créée en 1993, avec l’ouverture d’un premier espace à Milan. Depuis 2011, elle s’est doublée d’une antenne à Venise, le Ca’ Corner della Regina, dans un palazzo du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Mais le couple à la tête du groupe italien a décidé de voir les choses en encore plus grand, et son nouveau projet, annoncé depuis des années, a désormais une date officielle d’inauguration : le 9 mai.A quatre mois de l’ouverture, les informations sont délivrées au compte-gouttes. Impossible donc de révéler toutes les facettes du futur complexe milanais, qui s’annonce spectaculaire. Le détail du bâtiment lui-même, imaginé sur le site d’une ancienne distillerie du sud de la ville par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son agence OMA, reste secret.Un bar imaginé par Wes AndersonCe que l’on sait, c’est que le bâtiment remanié, qui offrira une surface totale de près de 19 000 m2, avec au total plus de 11 000 m2 d’espaces d’exposition, se veut un « répertoire » d’espaces architecturaux. Du site industriel, datant des années 1910, seront conservés les bâtiments d’origine (anciens bureaux, laboratoires, silos ou entrepôts de l’usine), auxquels s’ajouteront trois nouveaux bâtiments, dont une tour et un grand cinéma-auditorium. Deux précisions sur l’organisation du site sont pour l’instant révélées par la fondation, et concernent le grand bâtiment par lequel se fera l’entrée des visiteurs. Un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson y recréera l’atmosphère typique des vieux cafés milanais. Et les enfants disposeront d’un espace conçu spécialement pour eux par des étudiants de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles (ENSA-V).Le nouveau centre d’art siglé révèle également une partie de sa programmation inaugurale, avec deux expositions jumelles : « Serial Classic » (« classiques en série », de mai à août) à Milan, et « Portable Classic » (« classiques à emporter ») à Venise. Ces deux projets, proposés par l’archéologue et historien de l’art italien Salvatore Settis, s’intéresseront d’un côté à l’usage de la copie des chef-d’œuvre dans l’art classique, de l’autre à la question des reproductions miniatures des plus prestigieuses sculptures grecques et romaines et de leur diffusion de la Renaissance à l’époque néoclassique. La scénographie de ces deux expositions sera assurée par l’agence OMA.Une programmation cinéma de Roman PolanskiLe choix de ces deux expositions d’art ancien peut surprendre pour le lancement d’un espace consacré à l’art contemporain. Il s’agit en quelque sorte d’une entrée en matière sur les origines de l’art occidental, alors même que les thèmes de l’appropriation, de l’édition limitée et de la reproduction sont très présents dans l’art actuel.La Fondation Prada, qui se veut avant tout une plateforme d’analyse de la culture contemporaine, insiste, par ailleurs, sur sa vocation pluridisciplinaire. Elle se présente comme « une structure ouverte et flexible », avec des commissaires d’exposition, des écrivains, des cinéastes, des architectes et des philosophes invités à  « réinventer constamment le programme » et mettre en place une large gamme d’activités, à Milan, Venise ou hors des murs de la fondation.Pour le lancement, le sculpteur américain Robert Gober et le photographe et artiste allemand Thomas Demand réaliseront des installations en dialogue avec l’architecture du site, et une sélection d’œuvres de la collection Prada sera présentée à travers plusieurs expositions thématiques.Côté cinéma, c’est le réalisateur Roman Polanski qui inaugurera la programmation, en proposant de parcourir les films qui ont inspiré son travail, avec la projection d’un documentaire et d’une série de longs-métrages.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.01.2015 à 08h20 • Mis à jour le23.01.2015 à 10h16 | Thomas Sotinel Dans sa première fiction, le documentariste retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe.Dans Hope, son premier film de fiction, le documentariste Boris Lojkine retrace l'itinéraire d'une Nigériane et d'un Camerounais en route pour l'Europe. Une histoire d'amour singulière avec pour toile de fond les « ghettos », ces camps clandestins par lesquels transitent les migrants. Le 13 décembre 2014, Endurance Newton foulait le tapis rouge du Colisée, à Marrakech, comme l'avaient fait, quelques jours avant elle, Clotilde Hesme et Isabelle Huppert. Depuis, les actrices françaises ont regagné Paris. La Nigériane, qui tient le rôle-titre de Hope, présenté au Festival international du film de Marrakech, est, elle, retournée dans son bidonville de Casablanca. C'est là qu'elle vit depuis trois ans, coincée à mi-parcours entre le delta du Niger, où elle a grandi, et l'Europe où elle voulait aller.Dans le film de Boris Lojkine, premier long-métrage de fiction de ce documentariste français, présenté en mai 2014 à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique, on rencontre Hope, seule, en plein Sahara, près de Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie. Elle vient du Nigeria et veut gagner l'Europe, son chemin croise celui de Léonard, un Camerounais, qu'incarne Justin Wang. Les deux jeunes gens s'attachent l'un à l'autre, comme des naufragés qui décideraient de flotter ensemble. Ils progressent lentement vers le nord du Maroc, de « ghetto » en « ghetto ».Il faut prendre ce terme dans son acception africaine : il s'agit de lieux exigus – immeubles abandonnés, friches industrielles – où se regroupent des personnes hors la loi. Au Maroc, en Algérie, les ghettos regroupent par nationalité les migrants d'Afrique subsaharienne qui se soumettent à la loi des chairmen (présidents), qui prélèvent l'impôt, organisent les passages clandestins, prostituent les femmes, mettent les hommes au travail.Parce qu'il est fondé sur cette réalité souvent ignorée, le film de Boris Lojkine ne ressemble pas à ceux qui l'ont précédé sur le même sujet. « Si l'itinéraire reste la seule trame du film, il ressemblera à un parcours d'obstacles », observe le réalisateur, qui voulait raconter « la relation entre un homme et une femme, sur la route ». Le monde parallèle des ghettosDe cette route, il ne savait rien. Boris Lojkine avait réalisé deux documentaires au Vietnam sans avoir jamais mis les pieds en Afrique. Après avoir beaucoup écouté et lu (notamment Les Routes clandestines, l'ouvrage du journaliste Serge Daniel, correspondant de RFI au Mali), puis écrit un scénario qui lui permet de trouver ses premiers financements. Le réalisateur est parti pour le Maroc, qu'il a parcouru d'Oujda, à la frontière avec l'Algérie, jusqu'à la forêt de Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla.Il a alors réécrit son scénario – particulièrement bien ficelé – pour ne pas « rater l'essentiel », c'est-à-dire ce monde parallèle des ghettos, cet archipel de micronations clandestines qui constitue le tissu vivant de Hope. Boris Lojkine est intarissable sur ce système brutal et efficace mis en place au début du XXIe siècle à l'issue de très violents affrontements entre communautés nationales et ethniques.Il lui a fallu ensuite trouver les hommes et la femme qui incarneraient ses personnages. « J'ai travaillé avec Amine Louadni, le directeur de casting de Nabil Ayouch [le réalisateur marocain]. C'est lui qui avait trouvé les acteurs des Chevaux de Dieu, dans un bidonville de Casablanca. Le gars qui avait fait ce casting pouvait tout faire. » Deux castings organisésIl n'a pas été simple de pénétrer dans ces communautés forcément fermées, méfiantes. Deux castings ont été organisés, l'un dans le ghetto camerounais, l'autre dans le nigérian. Si le premier a été seulement rocambolesque (un assistant a été retenu quelques heures en otage par un chairman, avant d'être relâché contre un Coca-Cola), le second a été très laborieux, d'autant qu'il s'agissait de trouver une actrice, donc une femme, alors que la quasi-totalité des migrantes empruntant cette route seraient acheminées par des réseaux organisés qui les destinent à la prostitution. Endurance Newton avait échappé à ce destin en épousant le chairman du ghetto nigérian de Maghnia, en Algérie, puis en partant s'installer avec leur bébé à Casablanca.Au printemps 2013, pendant le tournage, le réalisateur a fourni des efforts herculéens pour concilier son désir de raconter l'histoire de presque amour entre les deux naufragés et sa volonté de respecter la réalité qu'il avait découverte. Boris Lojkine raconte comment les figurants, tous issus des communautés clandestines, se sont improvisés décorateurs pour couvrir les murs d'une pièce de graffitis qu'ils auraient pu laisser aux parois d'un ghetto, pour attacher les bidons d'eau aux ridelles d'un pick-up, comme on le fait, dans l'espoir de ne pas mourir de soif dans le Sahara.Au moment du Festival de Cannes, Endurance Newton et Justin Wang n'ont pu venir à Cannes. Avec son cachet, le jeune Camerounais avait regagné son pays dans l'intention de se faire établir un vrai passeport. Aujourd'hui, il veut exporter des bananes plantain vers le Maroc, il est bien placé pour savoir que le marché existe, même si les clients n'ont que peu de ressources. Endurance, elle, a envoyé de l'argent à sa famille, au Nigeria. Son enfant a aujourd'hui 2 ans, et elle espère toujours l'amener un jour en Europe.Thomas SotinelJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Un flic infiltré dans un gang de yakuzas voit sa tête écrasée sur une vitre tandis que des gangsters lui enfoncent un couteau à l'intérieur de chaque ongle. Une femme fatale est fouettée à mort. Un homme de main doit avaler la lame d'un couteau. Nous ne sommes pas dans le cabinet des horreurs. Mais dans La Jeunesse de la bête, de Seijun Suzuki, tourné en 1963. L'un des films emblématiques de la nouvelle vague japonaise, l'équivalent asiatique d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard.La même année, Seijun Suzuki a connu un succès fulgurant avec Détective Bureau 2-3. En 1967, La Marque du tueur, un chef-d'œuvre, va révolutionner le film policier et marquer l'effacement du réalisateur, renvoyé par ses producteurs, qui ne comprenaient rien au film. Lequel est, au minimum, crypté. Seijun Suzuki développe une violence sauvage, absurde, abstraite, proche de l'Apocalypse, à l'opposé des films policiers d'Akira Kurosawa réalisés à la même époque – Les salauds dorment en paix et Entre le ciel et l'enfer.Joe Shishido, son Jean-Paul BelmondoSuzuki a trouvé son Jean-Paul Belmondo en la personne de Joe Shishido, un brun ténébreux et joufflu, qui a fait remodeler ses pommettes afin de se donner, assurait-il, un air plus ambigu. Shishido se balade souvent dans les films de Suzuki avec des lunettes noires qu'il met et enlève en permanence, adressant à l'occasion des clins d'œil au spectateur, pour rendre hommage, selon les plans, à Sean Connery dans Bons baisers de Russie, ou à l'agent secret maladroit incarné par Michael Caine dans Ipcress, danger immédiat, de Sydney Furie.L'acteur japonais occupe une fonction particulière chez son metteur en scène fétiche. Soit il se trouve torturé, éprouvé dans ses dernières limites par la violence que lui impose son metteur en scène. Soit il donne l'impression de regarder sa propre histoire avec des jumelles, en simple spectateur. L'intrigue de La Jeunesse de la bête est donc incompréhensible. L'atmosphère baigne dans le swinging Tokyo : bars à cocktails, robes pastel, stripteaseuses, grosses cylindrées. Dès le premier plan du film (une rose rouge apparaît au milieu d'une pièce monochrome, où un couple venant de faire l'amour est découvert mort), on comprend que Seijun Suzuki vise une stylisation extrême et une expérimentation plastique.Intrigue épuréeLa Marque du tueur (1967) possède une intrigue encore plus épurée. Il n'y a plus aucun code narratif. Joe Shishido incarne un tueur qui, après avoir raté sa cible car un papillon s'est posé sur le canon de son fusil à lunette, devient la proie d'un autre mystérieux tueur. Le film, qui se déroule dans un Tokyo fantomatique, composé de rues désertes et d'appartements vides, apparaît comme un collage surréaliste fonctionnant par associations d'images – un moineau traversé par une aiguille et accroché au rétroviseur d'une voiture de sport.Joe Shishido se souvient avoir vu La Marque du tueur dans une salle presque vide devant des spectateurs dubitatifs. Il faudra plus de vingt ans pour que le film trouve ses héritiers : Quentin Tarantino, d'abord, avec les assassins anonymes de Reservoir Dogs, puis Jim Jarmush, qui réalise Ghost Dog (1999), un remake presque plan par plan de La Marque du tueur. Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, nous reproduisons un entretien – remanié pour ce supplément « The Beatles » – publié dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012).Il n’est pas le seul à s’être vu conférer le titre de cinquième Beatles. Le cinéaste Richard Lester peut y prétendre plus que d’autres, tant il a contribué à établir de par le monde l’identité des quatre garçons de Liverpool à travers les deux longs-métrages dans lesquels il les a dirigés, A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Cet apport décisif à la culture britannique est le fait d’un Américain, né à Philadelphie en 1932. Enfant prodige (il est entré à l’université à l’âge de 15 ans), pianiste amateur plutôt doué, Richard Lester a commencé par travailler dans une station de télévision de sa ville natale avant de partir pour l’Europe. Etabli au Royaume-Uni à la fin des années 1950, il se rapproche très vite de la scène musicale à travers les documentaires qu’il tourne pour la télévision. Son premier long-métrage, It’s Trad, Dad ! (1962) met en scène aussi bien les musiciens de la scène trad et skiffle (des genres musicaux inspirés des débuts du jazz) que des rockers comme Del Shannon. Après sa période Beatles, il tourne en Angleterre (The Knack… and How to Get It, 1965, How I won the War, 1967) et aux Etats-Unis (Superman II, 1980, et III, 1983, Finders Keepers, 1984). Richard Lester avait annoncé sa retraite en 1989, après le tournage du Retour des mousquetaires. Deux ans plus tard, il en est exceptionnellement sorti pour tourner, à la demande de Paul McCartney, un documentaire sur la tournée de ce dernier, Get Back. Richard Lester vit aujourd’hui entre l’Angleterre et l’Espagne.Vous êtes arrivé en Europe au milieu des années 1950, à quel point étiez-vous conscient de l’émergence du rock’n’roll ?Ni plus ni moins que quiconque. Au début des années 1950, je travaillais dans une station de télévision CBS, je connaissais les artistes les plus connus, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait ailleurs. Ma culture musicale reposait plus sur le jazz, je jouais du piano dans les clubs de Philadelphie, je m’intéressais surtout au jazz West Coast. J’étais conscient de l’existence du rock’n’roll dans la mesure où Bill Haley était programmé de temps à autre au Ed Sullivan Show.Votre premier long-métrage était un film musical, « It’s Trad, Dad ! », que je n’ai pas réussi à voir…Vous pouvez vivre en paix le reste de vos jours. L’essentiel de la musique était du jazz traditionnel, mais j’ai ajouté quelques rockers. C’est aussi la première fois qu’on a entendu une chanson de Burt Bacharach au cinéma et j’ai filmé Chubby Checker [l’inventeur du twist].Le film était produit par Milton Subotsky, qui avait déjà produit des films d’exploitation sur le thème du rock’n’roll aux Etats-Unis…Oui, il s’intéressait à la musique. Moins qu’à la façon de dépenser le moins d’argent possible en faisant jouer des artistes inconnus. Quand il m’a proposé It’s Trad, Dad !, il m’a envoyé un synopsis de vingt et une pages. Je lui ai dit que ça me plaisait bien et qu’il pouvait m’envoyer le scénario. Il m’a répondu que le synopsis était le scénario. Le budget était ridiculement bas, mais les Beatles l’ont vu. Par ailleurs, ils connaissaient mon travail avec les Goons [le groupe comique de Spike Milligan]. Ils pensaient qu’ils pouvaient travailler avec moi.Et vous aviez déjà travaillé avec le producteur Walter Shenson…Oui. United Artists lui avait confié la tâche de produire un film avec les Beatles. Le studio avait exigé que le tournage commence en mars 1964 et que le film sorte début juillet 1964, parce qu’ils étaient persuadés que la popularité des Beatles ne passerait pas l’été. Entre la fin du tournage et la sortie, nous avons eu trois semaines et demie pour monter, mixer, obtenir la copie.Vous connaissiez déjà les Beatles ?Par hasard. J’avais des amis qui travaillaient comme graphistes ou directeurs artistiques dans un studio de télévision à Manchester. Nous jouions du jazz ensemble et, très tôt, ils ont rapporté les premiers disques des Beatles que nous passions dans les fêtes où nous allions. Si bien que quand Shenson m’a demandé si je savais qui étaient les Beatles, j’ai pu répondre par l’affirmative. Je les ai rencontrés en 1963, lors d’une émission de radio. Nous avons parlé et j’ai eu l’impression qu’ils m’acceptaient parce que j’appréciais l’humour du « Goon Show » et que je jouais d’un instrument. Comment envisagiez-vous la perspective de travailler avec quatre jeunes gens qui n’étaient pas des acteurs ?J’avais déjà dirigé It’s Trad, Dad ! dans lequel aucun des personnages n’était interprété par un acteur, et j’avais mené une carrière plutôt active dans le documentaire. Il fallait qu’ils se comportent avec naturel. Si on m’avait proposé de les diriger dans Les Trois Mousquetaires, je suppose que j’aurais dit non. En janvier 1964, quand ils sont passés à l’Olympia, je suis allé à Paris. Ils avaient tout un étage du George V. Je les ai observés et l’intrigue de A Hard Day’s Night m’est apparue : cette sensation d’être piégé, d’être soumis à des ordres – il faut sortir, rentrer – d’être comme des prisonniers, et leur capacité à se soutenir mutuellement face au monde extérieur.Ensuite vous avez travaillé avec le scénariste Alun Owens ?Je l’avais dirigé comme acteur à la télévision. Même s’il est gallois, il a passé plusieurs années de sa vie à Liverpool [ville d’origine des Beatles], il saisissait bien le parler de la ville. L’idée était moins de produire un scénario qu’une attitude. Nous avons décidé de commencer le film dans des espaces confinés, bas de plafond, et de les faire passer dans un espace plus ouvert où une chanson signifierait leur libération, et ensuite de les remettre en prison. Nous savions à quels moments du film il faudrait des chansons ; ils nous en ont proposé une dizaine, assez pour un album, et nous en avons retenu sept ou huit.Est ce que le rock fonctionne comme tous les autres genres quand on s’en sert comme musique de film ?Je ne veux pas être condescendant, mais le rock, surtout au début des années 1960, était plutôt monocorde. Une fois qu’on a établi le rythme et l’humeur, on est parti pour deux minutes trente. Ce ne sont pas des inflexions modales à la Rodgers et Hammerstein qui sont plus faciles à utiliser pour souligner les émotions.« A Hard Day’s Night » est en noir et blanc. Est-ce que la question de le tourner en couleur s’est posée ?Nous n’avions pas assez d’argent pour la couleur. Mais c’est un noir et blanc très particulier. J’ai travaillé avec le même directeur de la photo que pour It’s Trad, Dad !, Gilbert Taylor, qui était un technicien accompli. Le budget d’It’s Trad, Dad ! était tellement ridicule qu’il nous permettait d’expérimenter, de tourner face à la lumière. Des procédés que nous avons repris pour A Hard Day’s Night.Vous étiez influencé par la Nouvelle Vague française ?Avant d’arriver en Europe, je ne savais rien du cinéma. J’ai grandi dans un endroit où il n’était pas facile de voir des films. J’ai d’abord passé trois ou quatre mois à Paris, c’est là que j’ai commencé à aller au cinéma. Je voyais des films de Truffaut, Godard, Resnais, Bergman, Fellini.Est-ce que les Beatles étaient conscients des enjeux cinématographiques ?Ils s’en moquaient un peu. Ils avaient une faculté extraordinaire pour juger les gens : s’ils estimaient qu’ils pouvaient travailler avec eux sans risquer de dommages, ils les laissaient faire ce qu’ils avaient à faire. C’était vrai de moi, comme, je suppose, de George Martin [leur producteur] ou de Brian Epstein [leur manager, mort le 27 août 1967]. Ils nous laissaient à nos soucis techniques.Sur le plateau, est ce que l’un ou l’autre des Beatles s’est révélé meilleur comédien que les autres ?Paul s’intéressait plus au côté artistique. Des quatre, c’est lui qui suivait le plus attentivement la scène artistique londonienne, le cinéma. George s’est révélé un acteur qui trouvait tout de suite ce qu’il fallait faire. John aurait pu être un grand acteur. Un jour, sur le tournage de How I Won the War, je lui ai dit que ce qu’il venait de faire était impressionnant et il m’a répondu : « Oui, mais c’est complètement crétin, non ? » Quant à Ringo, il était adorable parce qu’il était Ringo, c’est un talent limité, mais c’est un talent. Ils pouvaient tous faire ce qu’ils avaient à faire. Je crois que ça a marché parce qu’ils l’ont pris à la légère, je ne suis pas sûr de ce que ça aurait donné s’ils avaient pris l’affaire trop au sérieux.Vous avez été surpris du succès de « A Hard Day’s Night » ?Au fond de moi, je savais qu’ils dureraient, qu’ils passeraient l’été. Ils me semblaient uniques.Et il a fallu répéter ce succès…Oui, mais comment ? Ils s’étaient engagés pour trois films. Je voulais faire quelque chose de très différent, mais j’étais le seul à m’en soucier. Le studio voulait une version plus opulente, plus colorée de A Hard Day’s Night. J’étais résolu à ne pas le faire. Dans leurs vies privées, les Beatles étaient désormais classés X. On ne pouvait pas reprendre l’approche documentaire. La seule solution était de superposer des éléments complètement étrangers à leur histoire. C’est que nous avons fait pour Help !. Mais comme John l’a fait très charitablement remarquer, « il [Richard Lester] a fait de nous des figurants dans notre propre film ».Cela tient aussi au fait qu’ils se sont moins impliqués dans ce film, non ?Oui, ils s’intéressaient à d’autres choses. La musique leur prenait plus de temps, les drogues récréatives aussi. Je ne le dirais pas s’ils ne l’avaient pas admis depuis longtemps.Est-il exact que c’est sur le plateau de « Help ! » que George Harrison a commencé à s’intéresser à la musique indienne ?Oui. D’abord pendant la première semaine de tournage, aux Bahamas, un vieil Indien est arrivé à bicyclette sur le plateau et il a distribué un exemplaire du livre du Maharishi [Mahesh Yogi, le gourou qui devait devenir le maître à penser des Beatles quelque temps plus tard] à chacun. J’ai tout de suite perdu le mien. Quand nous sommes rentrés à Londres en studio, j’ai eu l’idée, pour la scène dans le restaurant indien, de demander au directeur musical de trouver un joueur de sitar et un joueur de tablas et de noter A Hard Day’s Night pour ces instruments. Pendant qu’ils répétaient, George est allé les voir et a essayé de jouer du sitar.C’est un moment décisif…Oui, il y en a eu plusieurs. Ils devaient se déguiser pour une séquence et je les ai envoyés au maquillage pour qu’ils choisissent les postiches dont ils avaient envie. Quand ils sont ressortis, ils avaient exactement la tête qu’ils auraient deux ans et demi plus tard.Avez-vous été impliqué dans les divers projets qui ont été envisagés pour le troisième film de leur contrat avec United Artists, comme « Les Trois Mousquetaires » ?Non pas du tout. Il me semblait qu’ils avaient gagné le droit de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient envie de tourner Magical Mystery Tour [film pour la télévision diffusé par la BBC le 26 décembre 1967]. J’en étais heureux, ni jaloux ni vexé. J’étais en train de faire d’autres films. La seule continuité a été la nomination de Dennis O’Dell, qui était mon producteur associé, à la tête d’Apple Films.Et quelle continuité y a-t-il entre les deux films avec les Beatles et les deux films que vous avez tournés à cette période, « The Knack… » et « How I Won the War » ?J’aimais bien dire, même si cela peut paraître un peu désinvolte, que The Knack est un film sur quatre personnages qui se parlent beaucoup mais ne communiquent pas, alors que A Hard Day’s Night est un film sur des gens qui n’ont pas besoin de parler pour communiquer. The Knack est animé d’une énergie semblable à celle de A Hard Day’s Night mais sur un scénario beaucoup plus structuré. Ces deux films mettent en scène une espèce d’innocence. De toute façon, je n’ai jamais été un metteur en scène des passions érotiques.Si The Knack est une peinture de quatre personnages qui sont restés à la traîne de la révolution sexuelle, How I Won The War (dans lequel John Lennon tient le rôle d’un soldat antimilitariste) reflète très bien l’atmosphère politique de la période. Oui, on sortait d’une série de commémorations des différents désastres et triomphes qu’avait connu le Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Chaque semaine, la BBC produisait un documentaire sur les états d’âme de tel ou tel général. L’histoire de cette patrouille allait à l’encontre de tout ça. J’ai choisi la voie de la distanciation brechtienne, dont l’inconvénient est qu’elle laisse les spectateurs à distance.Comment s’est passée la participation de John Lennon au film ?Je lui en ai parlé. Il ne savait pas comment s’occuper. Les Beatles avaient arrêté de se produire sur scène et il n’écrivait pas beaucoup. Je lui ai fait lire le script, qu’il a compris, et il s’est engagé. Le problème est que vous aurez beau faire ce que vous voudrez en matière de communication, si John Lennon joue dans un film, on s’attend à ce qu’il prenne une guitare à la troisième bobine.Comment avez-vous accueilli tous les films qui sont nés dans la foulée de « A Hard Day’s Night », comme « Catch Us If You Can », de John Boorman ?Comme des compliments. J’ai eu la chance de travailler avec des musiciens qui étaient capables de chanter en play-back avec une totale exactitude. Si bien que sur Help ! en particulier nous sommes arrivés à une combinaison entre prise de vues, montage et musique qui donnait un sens aux chansons. J’ai eu plus de chance que j’en aurais eu avec le Dave Clark Five ou les Monkees. Les Beatles étaient capables de communiquer leur plaisir, d’improviser sans rompre le play-back.Vous avez ensuite tourné le dos à la musique dans votre cinéma…Je n’ai jamais été tenté d’y revenir, pourtant les offres n’ont pas manqué. La dernière en date venait des Spice Girls.Vous avez quand même accepté de reprendre votre caméra pour le documentaire « Get Back », sur la tournée de 1991 de Paul McCartney…Oui, en 1989, il m’a demandé un quart d’heure de film, qui reprendrait les chansons majeures de sa carrière, des Beatles, des Wings, en solo. Ensuite il a disparu et je me suis débrouillé pour faire un film sur trois écrans, qui reprenait des images d’actualité, l’homme face aux chars sur la place Tiananmen, la chute du mur de Berlin. Ce film a été projeté en ouverture des concerts et ça tellement plu à Paul qu’il m’a proposé de filmer la tournée, qu’il annonçait comme sa dernière. J’ai accepté en me disant que si j’avais été là au début, je ne laisserais personne d’autre mettre ses pattes sur la fin. J’ai eu tellement de chance d’être là à ce moment-là !L’intégralité de cet entretien, remanié pour ce supplément « Beatles », a été publiée dans Rock et cinéma, de Thomas Sotinel, préface d’Olivier Assayas (La Martinière, 2012). Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier En 2013, le Festival de Berlin avait dévoilé sur grand écran les deux premiers épisodes de « Top of the Lake », la mini-série de la cinéaste australienne Jane Campion. Deux ans plus tard, voilà que ses organisateurs annoncent la création d’une section spécialement dédiée à ces formats télé. Excroissance de la section Berlin Special, Berlin Special Series présentera cette année huit nouvelles séries, dont la plus attendue est sans conteste « Better Call Saul », le spin-off de « Breaking Bad », réalisé par Vince Gilligan, autour du personnage de Saul Goodman, l’avocat véreux de Walter White, qu’interprète Bob Odenkirk.Parmi les autres séries, on en compte une en provenance des Etats-Unis, « Bloodline », avec Sissy Spacek et Sam Shephard ; une italienne, « 1992 », avec Stefano Accorsi ; deux allemandes (« Bloching - The Living and the Dead » et « Deutschland 83 ») ; une suédoise (« Blue Eyes ») ; une danoise (« Follow the Money ») et une israélienne (« False Flag »).Pour expliquer cette incursion hors du strict champ du cinéma, le communiqué de presse de la Berlinale souligne le succès phénoménal des séries télé ces dernières années, l’effet d’entraînement qu’il a naturellement sur le marché de l’audiovisuel. Les conditions de développement et de production n’ont plus rien à envier, est-il avancé par ailleurs, à celles qui prévalent dans le cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier Le Monde lance une collection de 25 albums et DVD du groupe anglais. A cette occasion, une sélection de quelques ouvrages et films sur les Fab Four.L’histoire officielle supervisée par les Beatles pour la collection multi-média Anthology, publiée entre 1995 et 2000 (série télévisée reprise en DVD, CD et livre) est à retrouver dans l’édition française de The Beatles Anthology (Seuil, 2000) avec de nombreux entretiens. The Beatles 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde regroupe, sous la direction de Paul Trynka, les articles publiés par le magazine britannique Mojo, dont de longues études de chaque album (Tournon, 2013).Dans Les Beatles. Les Secrets de toutes leurs chansons, 1962-1966 et 1967-1970, Steve Turner présente faits, anecdotes, interprétations variées, etc. (Hors Collection, 2010). Pour rester dans les secrets de fabrication, En studio avec les Beatles. Les Mémoires de leur ingénieur du son, de Geoff Emerick avec Howard Massey, s’impose (Le Mot et le reste, 2009). Les Beatles. La Discographie définitive, de Daniel Lesueur, est l’une des grandes références en langue française (Alternatives & Parallèles, 1997). Enfin, Les Beatles pour les nuls, de Pierre Mikaïloff et Jean-Eric Perrin sous la direction de Gilles Verlant (First Editions, 2013), constitue un résumé érudit et précis. Face cachéeLa face cachée des Beatles (brouilles, finances, jalousies, tragédies…) est à retrouver dans Come Together, de Peter Doggett, qui s’intéresse aussi à l’après-Beatles (Sonatine, 2012). A compléter par les carrières de George Harrison (1943-2001), John Lennon (1940-1980), Paul McCartney et Ringo Starr dans le récent coffret de quatre livres Les Beatles en solo, de Mat Snow (Editions de La Martinière, 2014).Le corpus cinématographique des Beatles est aujourd’hui quasi complètement disponible sur support DVD et Blu-ray. A Hard Day’s Night (1964), de Richard Lester, vient de bénéficier d’une édition restaurée avec des bonus différents d’une précédente édition en 2000 (2 DVD et 1 Blu-ray Carlotta Films). D’abord restauré pour DVD en 2007, Help ! (1965), de Richard Lester, a connu ensuite une édition Blu-ray (2 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd/Capitol). Réalisé par les Beatles avec Bernard Knowles pour la BBC, The Magical Mystery Tour (1967) est ressorti en coffret 1 DVD et 1 Blu-ray en 2012 (Apple Corps Ltd). Le film d’animation Yellow Submarine, de George Dunning (1968) a été largement restauré pour une édition en 2012 (1 DVD et 1 Blu-ray Apple Corps Ltd). Let It Be (1970), film de Michael Lindsay-Hogg, avec notamment l’ultime concert du groupe sur un toit londonien, a connu une éphémère sortie en salles en mai 1970, alors que la séparation des Beatles avait été annoncée à la mi-avril, et n’a toujours pas été publié officiellement sur support DVD ou Blu-ray. A voir aussi The First US Visit, chronique du premier séjour des Beatles aux Etats-Unis en février 1964 (1 DVD Apple Corps Ltd.) avec leurs trois participations au « Ed Sullivan Show » et le concert au Coliseum de Washington.Sylvain SiclierJournaliste au service Culture du "Monde", rubrique Musiques (jazz, pop, rock, soul, chanson...) SuivreAller sur la page de ce journaliste 16.01.2015 à 12h04 • Mis à jour le16.01.2015 à 13h37 | Isabelle Regnier Jacques-Alain Bénisti, le maire (UMP) de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) corrige le tir. Après avoir annoncé, vendredi 16 janvier, qu’il retirait de l’affiche du cinéma municipal Le Casino, Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, il a déclaré, à midi, que sa projection est simplement repoussée.« Compte tenu des événements, et du fait que Hayat Boumeddiene [la compagne d’Amedy Coulibaly, le responsable de la tuerie de l’Hyper Casher et de l’assassinat de la policière de Montrouge] soit originaire de Villiers, je ne voulais pas que le sujet du film soit dévoyé et que les jeunes puissent prendre comme modèle les djihadistes. Nous allons reprogrammer le film dans une quinzaine de jours, et organiser un débat, avec des responsables de trois grandes religions, des représentants d’associations, et pourquoi pas, s’ils le souhaitent, des membres de l’équipe du film ».« Apologie du terrorisme »Le film, dont M. Bénisti avait d’abord affirmé, dans Le Parisien, qu’il pouvait « faire l’apologie du terrorisme », a été encensé par la presse au Festival de Cannes, où il était en compétition en mai 2014, puis en décembre 2014, au moment de sa sortie. Il figure dans la liste des nommés pour l’Oscar du meilleur film étranger, annoncée jeudi 15. Ode à l’art, à l’amour, à la résistance, il raconte la vie d’un petit village du Nord Mali tombé sous la coupe d’une secte de djihadistes, et se confronte les yeux grand ouverts à la folie meurtrière de ces nouveaux barbares.Lire aussi : la critique de TimbuktuLe rétropédalage du maire de Villiers-sur-Marne fait suite aux protestations, largement relayées par les réseaux sociaux, du chef de l’opposition, Frédéric Massot (PS) :L'affiche de la ville annonçant la déprogrammation de Timbuktu #onattendladiffusionavilliers pic.twitter.com/hZkXYq8gKQ— Frederic Massot (@fredericmassot) January 16, 2015Joint par téléphone, il expliquait vendredi matin :« Suite aux attentats, nous nous sommes rassemblés à plusieurs reprises. Le maire avait décidé de maintenir ses vœux, avec l’idée, à laquelle j’adhère entièrement, qu’il ne fallait céder sur rien. Lorsque j’ai appris que le film Timbuktu était déprogrammé, j’ai tout de suite exigé qu’il revienne sur cette décision, qui n’est pas une démonstration de courage à l’égard de ce qui nous menace, de ce djihadisme qui menace en premier lieu les musulmans. Or ce film délivre, justement, un message d’union ». Précisant qu’il est fier de l’unité nationale qui se manifeste aujourd’hui, l’élu PS disait regretter « ce genre de gestes qui brisent l’union ».« Un islam tolérant »Jean Labadie, le distributeur du film, se félicite de la décision de la mairie. « La responsable de la communication de la mairie m’a appelé pour me dire que le maire et son équipe vont voir Timbuktu ce week-end. Ils vont bien voir ce que c’est, et ils le reprogrammeront ensuite. C’est une toute petite affaire qui, étant donné les circonstances, gonfle énormément. Ce qui m’importe, c’est que ce film, qui présente un islam tolérant, un islam de paix, soit montré au maximum, et en particulier aux lycéens et aux collégiens ». Timbuktu, dit-il, est déjà passé dans plus de 1 500 villes en France, « sans jamais causer, bien évidemment, le moindre incident ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clémentine Gallot Acteur, scénariste, musicien, Jason Schwartzman est l'enfant chéri du cinéma indépendant américain. A 34 ans, il incarne un écrivain acariâtre dans Listen up Philip, d'Alex Ross Perry. Ce personnage d'écrivain atrabilaire, Philip, est-il très éloigné de vous ?Ce n'est rien de le dire. A tel point qu'en lisant le scénario, j'ai été choqué : « Comment peut-on traiter les gens ainsi ? » Philip prend toutes les mauvaises décisions et dit tout ce qu'il ne faut pas. C'est un personnage qui rappelle, entre autres, celui de Jean dans Nous ne vieillirons pas ensemble, de Maurice Pialat, un récit de disputes et de la lente désintégration d'une passion.D'où vient votre prédisposition à la comédie ?J'ai grandi en regardant les comédies de Steve Martin et Bill Murray, comme SOS Fantômes, Trois Amigos. Nous allions au cinéma le week-end, mes parents nous déposaient et, sur le chemin du retour, chacun rejouait ses scènes préférées. A partir du moment où nous avons eu le câble, j'ai eu accès à des films très bizarres. J'aimais aussi Amadeus, de Milos Forman, où Mozart a les cheveux roses : pour la première fois, un film historique me parlait.En tant que comédien, vous êtes-vous inspiré des idoles de votre enfance ? Il m'arrive de lire des interviews d'acteurs qui disent s'inspirer d'autres comédiens mais ce n'est pas mon cas. D'ailleurs, bien qu'ayant grandi à Los Angeles, ce métier ne m'a jamais fait rêver. Quand j'étais petit, j'allais chez le coiffeur des enfants stars : sur les murs s'étalaient des photos de ces gamins habillés en astronautes ou en cow-boys et je me disais, « ces gars vivent sur une autre planète ».Vous destiniez-vous logiquement à une carrière d'artiste ?Ma mère [l'actrice italienne Talia Shire, Ndlr] regardait beaucoup de films en noir et blanc, mais sa culture cinématographique s'arrêtait à 1972… Adolescent, je suis devenu copain avec un garçon qui organisait un petit ciné-club dans son salon : il montrait des films très atypiques de Ken Russell ou de Neil Young, ce qui m'a sans doute sensibilisé au cinéma. Mais Hollywood m'a toujours paru trop grand, trop impressionnant : je me suis donc plutôt lancé dans la musique [avec son groupe Phantom Planet, Ndlr], que l'on pouvait pratiquer à la maison. C'était une activité plus intime. Je regardais les clips sur MTV, je trouvais que les musiciens étaient les gens les plus cool.Quels rapports entretenez-vous avec Wes Anderson, qui vous a découvert et avec lequel vous travaillez régulièrement ? Wes est mon meilleur ami, mon frère et mon mentor. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Il est très cinéphile, c'est un lecteur vorace. Lorsqu'il m'a choisi pour jouer dans son film Rushmore [1998, avec Bill Murray, Ndlr], il avait 28 ans et moi 17. Je l'ai retrouvé à Houston, au Texas, où il m'a montré la série des Antoine Doinel, Les 400 Coups, Baisers volés, de François Truffaut. Jean-Pierre Léaud est resté mon acteur préféré, alors que je ne parle pas français. J'aime son charisme, son langage corporel dans Masculin féminin, de Jean-Luc Godard, et dans La Maman et la Putain, de Jean Eustache.Vous avez coécrit avec votre cousin Roman Coppola une série pour Amazon, « Mozart in the Jungle », un récit initiatique.La musique classique me fascine car je la connais mal, c'est un environnement très intimidant ! Notre série propose une porte d'entrée dans ce monde à travers le point de vue d'une jeune hautboïste. Nous voulions raconter le quotidien des musiciens à notre manière, qui est à la fois réaliste, absurde, et invraisemblable.La musique est-elle toujours votre premier amour ?J'ai eu un enfant récemment, j'ai donc moins de temps à y consacrer. Mais je continue de composer des chansons tous les jours. Cela fait partie de mon quotidien, comme d'autres font la cuisine.Clémentine GallotJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Devant la caméra de Fritz Lang, dans Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), l'un des derniers grands films américains du réalisateur allemand, une tache. Nommément, Glenn Ford, un comédien sous contrat avec le studio Columbia. Une vedette au rabais allouée aux productions les moins prestigieuses de la compagnie. Un piètre acteur qui avait pourtant trouvé le moyen d'atterrir, à son insu, dans plusieurs chefs-d'œuvre : Gilda, de Charles Vidor, dans un rôle d'homosexuel refoulé, face à Rita Hayworth et son légendaire strip-tease, 3 h 10 pour Yuma, de Delmer Daves et, donc, Règlement de comptes.Le physique même de Glenn Ford participe de ce paradoxe d'un homme sans talent à la carrière hors normes : un nez en trompette, presque porcin et, pourtant, une indéniable allure de beau gosse. Ford accrochait l'œil, alors qu'on aurait dû tourner la tête. D'ailleurs, dans Règlement de comptes, lorsque Gloria Graham lâche au comédien qu'il est à peu près « aussi romantique qu'une paire de menottes », le spectateur ne peut qu'opiner de la tête. Pourtant, Glenn Ford est l'acteur idéal. Il est à ce point sans aspérités qu'il facilite l'identification du spectateur.Pouvoir manipulateurDans ce film décrivant la collusion entre le chef d'une organisation criminelle, les autorités municipales et la police, Lang prolonge sa réflexion obsessionnelle sur le pouvoir manipulateur. Une démarche qui fait écho à l'Amérique des années 1950. Pas seulement celle du maccarthysme, mais aussi du comité Kefauver, qui avait lancé au Sénat une grande enquête sur le crime organisé. De quoi nourrir la vision paranoïaque d'un pays menacé de contagion par le gangstérisme. Hantise qui complétait celle du fameux péril rouge.Pour décrire un système de corruption généralisée contre lequel un flic en rupture de ban décide de se dresser, seul, le réalisateur s'appuie sur l'iconographie habituelle du genre. Mais l'idée d'un personnage en lutte contre le mal, lancé dans un combat moral et philosophique, place ce film de gangsters du côté de la métaphysique. Il est alors d'autant plus frappant que cette croisade soit menée par ce comédien ordinaire. Fritz Lang prétendait s'identifier à ce rôle : son combat contre la terre entière rappelait au metteur en scène la manière dont il avait dû, en 1933, quitter l'Allemagne nazie du jour au lendemain. En fait, le modèle le plus vraisemblable du réalisateur dans Règlement de comptes serait l'homme de main incarné par Lee Marvin. Notamment la manière dont il balance une tasse de café brûlant au visage de Gloria Graham dans la scène la plus célèbre du film. Loin de l'image d'intellectuel allemand à monocle, Fritz Lang était un cinéaste impulsif. Ses personnages obéissent d'abord à leurs pulsions. Or la violence de Règlement de comptes – dès l'explosion qui coûte la vie à l'épouse de Glenn Ford – relève de l'humeur, du geste énervé, jamais réfléchi, ce qui la rend d'autant plus choquante. Le spectateur a l'impression de recevoir à chaque plan une tasse de café en pleine figure.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.01.2015 à 18h39 • Mis à jour le13.01.2015 à 19h35 | Thomas Sotinel Les candidats aux OscarsFoxcatcher, de Bennett Miller (21 janvier)Un millionnaire (Steve Carrell), deux frères champions olympiques de lutte (Channing Tatum et Mark Ruffalo), un fait divers qui force le rire et glace le sang. Cette variation en mode psychotique sur le thème du rêve américain a fasciné le Festival de Cannes en mai 2014.American Sniper, de Clint Eastwood (18 février)Inspiré de la trajectoire sanglante de Chris Kyle, soldat américain qui revendiquait la mort de 265 « hostiles », qu’il avait abattus en Irak, American Sniper devrait permettre à Eastwood de creuser un peu plus le sillon de sa fascination/répulsion à l’égard de la violence qui a construit son pays.Birdman, d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (25 février)Des acteurs en surrégime (Michael Keaton, Emma Stone, Edward Norton), un scénario en trompe-l’œil (un acteur déclinant tente d’échapper à un personnage de superhéros en montant sur scène), une mise en scène virtuose… Iñarritu reste fidèle à sa vocation de monsieur Plus du cinéma.Inherent Vice, de Paul Thomas Anderson (4 mars) Le réalisateur et l’interprète de The Master se retrouvent en un autre temps, les années 1970, pour un thriller d’une complication digne du Grand Sommeil, noyé dans une brume de THC. Avec, encore une fois, une partition de Jonny Greenwood.Selma, d’Ava DuVernay (11 mars)Pour mettre en scène cet épisode de la lutte pour les droits civiques qu’a conduite Martin Luther King, Ava DuVernay, réalisatrice afro-américaine, a choisi un interprète britannique d’origine nigériane (David Oyelowo). Aux Etats-Unis, le film a suscité un grand enthousiasme et une énorme polémique historique, autour du rôle qu’il prête au président Lyndon B. Johnson.Big Eyes, de Tim Burton (25 mars)Walter Keane, qui représentait des enfants aux immenses yeux tristes, est un peu à la peinture ce qu’Ed Wood était au cinéma. A ceci près, qu’il avait usurpé l’identité de l’auteur de ses tableaux, sa femme Margaret. Une histoire pour Tim Burton, avec dans les rôles des époux Keane, Christoph Waltz et Amy Adams.Les films venus des festivalsListen Up Philip, d’Alex Ross Perry (21 janvier) – LocarnoPhilip est un romancier insupportable, une créature littéraire et cinématographique qui prend vie grâce à Jason Schwartzman. Mais Alex Ross Perry a aussi pris le soin de peupler son deuxième film de personnages qui n’ont rien de secondaires, incarnés par Jonathan Pryce et Elisabeth Moss.Phoenix, de Christian Petzold (28 janvier) – TorontoUn mélodrame paroxystique, situé dans les ruines de Berlin au lendemain de la victoire des Alliés. La relation entre le metteur en scène et son interprète d’élection, Nina Hoss, se déplace sur le terrain qu’occupaient jadis Josef von Sternberg et Marlene Dietrich.Nuits blanches sur la jetée, de Paul Vecchiali (28 janvier) – LocarnoA 83 ans, le metteur en scène de Femmes femmes a bouleversé le festival suisse avec ce film pour deux acteurs (Astrid Adverbe et Pascal Cervo), inspiré de Dostoïevski.Les Jours d’avant, de Karim Moussaoui (4 février) – AngersEn moins d’une heure, un jeune cinéaste algérien impose un ton, mieux, une musique, avec cette chronique délicate et cruelle des temps qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile.Hungry Hearts, de Saverio Costanzo (25 février) – VeniseIls (Adam Driver et Alba Rohrwacher) s’aiment, se marient, ont un enfant. De cette idylle, Saverio Costanzo fait un film de terreur, sans même recourir au fantastique.Les blockbustersCinquante nuances de Grey, de Sam Taylor Johnson (11 février)Bien sûr, la possibilité réelle existe que le film ne vaille pas plus que les romans. Mais une curiosité subsiste : qu’est allée faire une artiste renommée, qui n’avait pas raté ses débuts dans la fiction au cinéma (Nowhere Boy), dans cette galère ?Vincent n’a pas d’écailles, de Thomas Salvador (18 février)La présence de ce premier long-métrage dans la catégorie « blockbusters » relève des vœux de début d’année et repose sur son slogan : « le premier film français de superhéros, garanti sans effets spéciaux numériques ». Comment résister à cette invitation ?Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud (25 février)Ce loup vit dans l’Ouest de la Chine, au temps de la Révolution culturelle. Qu’en fera l’homme qui a filmé L’Ours ?Hacker, de Michael Mann (18 mars) Pionnier du tournage en numérique, Michael Mann semble fait pour le monde virtuel. Le metteur en scène du Dernier des Mohicans a chargé Chris Thor Hemsworth de le mettre à feu et à sang.Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.01.2015 à 15h12 • Mis à jour le13.01.2015 à 15h20 | Cristina Marino Dix ans déjà pour le Mobile Film Festival, cinq ans pour le Nikon Film Festival, ces deux manifestations, qui se déroulent principalement en ligne, présentent de nombreuses similitudes, à commencer par leurs dates : un appel à candidatures entre le 1er septembre 2014 et le 15 janvier 2015 pour le Nikon Film Festival, entre novembre 2014 et le 5 janvier 2015 pour le Mobile Film Festival ; une sélection de 50 courts-métrages annoncée à la mi-janvier et visible sur Internet ; une cérémonie de clôture avec remise de prix début février.Au-delà de cette simple simultanéité chronologique, ces festivals partagent une philosophie identique : permettre à des cinéastes venus de tous les horizons, étudiants, amateurs, parfois même professionnels, de laisser libre cours à leur créativité et leur offrir une vitrine virtuelle pour montrer leurs œuvres au plus large public possible. Avec à la clef, pour les lauréats des différents prix, une aide financière et/ou technique (montage, diffusion, formation, etc.) substantielle.Parmi les autres points communs entre ces deux événements, citons également des jurys composés de personnalités appartenant à des secteurs d’activité variés (journalistes, acteurs et actrices, professionnels du cinéma, etc.) et présidés par des réalisateurs de renom, Michel Hazanavicius (The Search, The Artist, OSS 117) pour le Nikon Film Festival et Gérard Krawczyk (Je hais les acteurs, L’Eté en pente douce, la série des Taxi, Wasabi) pour le Mobile Film Festival.Des prix bien dotés financièrementMais aussi la présence de grands groupes derrière l’organisation de ces festivals : BNP Paribas (pour le Mobile Film Festival) et Nikon, ainsi que de partenaires dans les médias comme 20 minutes, Canal+, MK2 ou sur Internet comme Ulule, Dailymotion, Allociné… Ce qui permet notamment de doter les prix décernés mi-février d’une enveloppe financière parfois conséquente, comme le Prix du meilleur film mobile associé à une Bourse BNP Paribas de 15 000 euros ou le Grand Prix du jury avec ses 3 000 euros (et aussi une diffusion en salles par MK2 et à la télévision par Canal+).Une autre dimension présente dans les deux manifestations est de prolonger au-delà de la simple remise de prix l’aide apportée aux lauréats des différentes éditions. Le Nikon Film Festival offre ainsi des formations vidéo à la Nikon School à tous les primés. Et parmi les nouveautés de sa dixième édition, le Mobile Film Festival a lancé une Mobile Film Academy qui rassemble les 29 artistes récompensés lors des quatre dernières éditions (de 2011 à 2014). Les membres de cette Academy se verront, entre autres, proposer des ateliers de formation et des master classes avec des professionnels du cinéma, de la télévision et du Web.Enfin, dernière similitude mais non des moindres, la volonté d’impliquer les spectateurs, en particulier les internautes, au choix des lauréats, notamment à travers un prix du public décerné à partir des votes en ligne sur les plateformes de diffusion des 50 films sélectionnés. Et autre nouveauté pour les dix ans du Mobile Film Festival, un prix spécial des blogueurs mis en place en partenariat avec le collectif How I Met Your Blogger qui fera l’objet d’une soirée spéciale de projection des films en compétition dans un cinéma parisien le 15 janvier.Quelques différencesAu-delà de tout ce qui les rapproche, ces deux festivals divergent sur un point principal : la durée maximale autorisée pour les courts-métrages proposés, 1 minute pour le Mobile Film Festival (dont le slogan est resté le même depuis 2005, date de sa création : « 1 mobile, 1 minute, 1 film ») contre 140 secondes (soit 2 minutes 20, à savoir la durée moyenne de visionnage d’une vidéo sur Internet) pour le Nikon Film Festival. Et si pour ce dernier, le thème est imposé par les organisateurs : « Je suis un choix » pour l’édition 2015, la thématique est totalement laissée au libre arbitre des candidats du côté du Mobile Film Festival.Autre différence : les moyens techniques utilisés pour réaliser les films. Comme son nom même l’indique, le Mobile Film Festival impose l’usage du téléphone portable comme support de tournage, tandis que le Nikon Film Festival ne donne aucune précision dans son règlement sur le choix des outils. Mais par contre, chacun des cinq prix décernés à la fin du festival est doté d’un kit cinéma… de la marque Nikon, bien sûr. 10e Mobile Film Festival, de novembre 2014 jusqu’au 10 février 2015. fr.mobilefilmfestival.com. Avec une sélection de 50 courts-métrages en compétition : fr.mobilefilmfestival.com/videos5e Nikon Film Festival, du 1er septembre 2014 jusqu’au 11 février 2015. www.festivalnikon.fr. Avec tous les films en compétition : www.festivalnikon.fr/filmsCristina MarinoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 12.01.2015 à 10h51 • Mis à jour le12.01.2015 à 15h26 Le film d'action français, Taken 3, produit par le groupe EuropaCorp, maison fondée par Luc Besson, a pris dès sa sortie la tête du box-office nord-américain en récoltant 40,4 millions de dollars.Réalisé par le français Olivier Megaton, qui avait déjà mis en scène Taken 2, le film reprend l'acteur Liam Neeson pour raconter l'histoire d'un ex-agent spécial qui est accusé à tort du meurtre de son ex-femme et devra prouver son innocence. « Il s'agit du deuxième meilleur démarrage de tous les temps pour un film sorti en janvier, à [100 000] dollar du record, établi à 40,5 millions de dollars », souligne EuropaCorp dans un communiqué lundi. Le coût de production du film, sorti ce week-end dans plus de trente pays, s'élève à 48 millions de dollars, selon EuropaCorp. Au début de novembre, UniFrance, l'organisme chargé de promouvoir le cinéma français à l'étranger indiquait que Lucy de Luc Besson, avec Scarlett Johansson, a été le plus gros succès à l'international du cinéma français depuis 1994, avec 52,1 millions d'entrées. Le précédent record était détenu par Taken 2 (47,8 millions d'entrées), devant Le Cinquième Elément (35,7 millions d'entrées) et devant Intouchables (31,9 millions). 11.01.2015 à 21h08 • Mis à jour le11.01.2015 à 22h04 | Franck Nouchi Le cinéaste Tony Gatlif était encore en train de manifester dimanche vers 20 heures, boulevard Voltaire à Paris, lorsque nous l’avons joint au téléphone. Réalisateur de nombreux films mettant en scène des Roms (Les Princes, Latcho Drom, Gadjo Dilo, Vengo, Exils…), il est lui-même né en 1948 à Alger d’un père kabyle et d’une mère gitane.« Là, au milieu de cette foule, je ressens une émotion très forte. J’ai la chair de poule ! Enfin le peuple est descendu dans la rue ! Le peuple de France a enfin dit non. Non à une France où l’on refuse l’enterrement d’un bébé rom. Non à une France où l’on assassine des journalistes, où l’on tue des gens parce qu’ils sont juifs. Enfin !Maintenant, reste à dire à tous les gens qui ne sont pas là, avec nous, à tous ces jeunes qui sont restés aujourd’hui dans les banlieues, qu’ils font eux aussi partie de la République. Que cette France-là, c’est aussi la leur. J’aimerais que François Hollande trouve les mots pour le leur dire. Qu’il dise tout simplement : « Musulmans de France, on vous aime ! »Il faut parler à tous ces jeunes qui se sentent aujourd’hui rejetés, en dehors de la République. Il faut leur proposer autre chose que l’environnement désespérant dans lequel ils vivent, ces HLM horribles, ces cités où l’on ne trouve plus rien d’ouvert le soir venu. Eux aussi ont des rêves plein la tête. Eux aussi veulent se construire un avenir, gagner de l’argent !Jusqu’à ce que cette tragédie arrive, la France était molle. Indifférente. A présent que le peuple de France s’est enfin réveillé, profitons-en, parlons à ces jeunes avec amour. Disons-leur qu’ils ne sont pas des ennemis. Trouvons les mots. Et surtout, et je m’adresse là aux politiques, arrêtez de jouer avec le feu avec le Front national ! Arrêtez de n’avoir en tête que de sordides calculs électoraux.Je suis né en Algérie. Je connais bien les cités et ceux qui y vivent, mes frères. Et moi qui suis un Français, amoureux de la République, je vous le dis : il faut cesser de diaboliser les cités ! Cesser, pour glaner des voix, de s’en prendre aux Roms.Et puis aussi une dernière chose, dans ce pays où chacun évidemment est libre de s’exprimer comme il l’entend : j’ai envie de dire à un mec comme Dieudonné : « Ferme ta gueule ! Lâche-nous ! » Pareil à Houellebecq : « Ton livre est un mauvais scénario ! Arrête avec tes conneries ! » Maintenant que le peuple s’est réveillé, ne lâchons rien. Plus jamais ! »Franck NouchiJournaliste au Monde Franck Nouchi Il aura suffi du génie de Federico Fellini et d’un bain nocturne dans la fontaine de Trevi, à Rome, pour qu’une actrice suédoise quasi-inconnue jusqu’alors entre dans l’histoire du cinéma. Anita Ekberg est morte le 11 janvier 2015 à Rocca di Papa en Italie, à l’âge de 83 ans.Anita Ekberg était née à Malmö le 29 septembre 1931. Dotée d’une plastique souvent qualifiée d’« exceptionnelle », elle est élue Miss Suède en 1950. Peu de temps après, elle signe aux Etats-Unis un contrat de mannequin avant de débuter une carrière d’actrice à Hollywood. C’est peu dire que ses formes et la blondeur de sa chevelure lui valent très vite une certaine notoriété. Frank Sinatra la surnomme « L’Iceberg », autant pour ses origines nordiques pour sa capacité à faire fondre les hommes.Joue son propre personnageAu cinéma, producteurs et metteurs en scène ne tardent pas à lui donner des petits rôles. On la retrouve ainsi dans deux films de Frank Tashlin (Artistes et modèles et Un vrai cinglé de cinéma), jouant à chaque fois un personnage appelé Anita aux côtés de Dean Martin et de Jerry Lewis. Plus tard, un critique américain écrira qu’Anita Ekberg était la seule personne capable de jouer son personnage.Parmi les autres réalisateurs américains qui la firent tourner durant les cinq années qu’elle passa à Hollywood, mentionnons William Wellman dans L’année sanglante (avec John Wayne et Lauren Bacall) ou encore King Vidor dans Guerre et Paix (avec Audrey Hepburn et Henry Fonda). L’humoriste Bob Hope a bien résumé ce qui plaisait tant aux Américains chez Anita Ekberg en regrettant que ses parents n’aient pas reçu le prix Nobel d’architecture. Bob Hope et tous ses confrères d’Hollywood n’avaient encore rien vu. Déjà très connu pour avoir réalisé des films comme I vitelloni, La Strada, Il Bidone et Les nuits de Cabiria, Federico Fellini propulse Anita Ekberg au firmament du cinéma mondial en un chef-d’œuvre : La Dolce Vita. Aux côtés de Marcello Mastroianni, elle interprète le rôle de Sylvia, une star américaine qui débarque à l’aéroport de Rome. Après une interview et un arrêt au Vatican, elle entreprend une visite nocturne dans la Ville éternelle qui se terminera par un bain mythique dans la fontaine de Trevi. Et tandis que l’aube dissipe le rêve de la vie douce et inimitable, la photo d’Anita Ekberg, en robe de soirée dans la fontaine, fait la une des magazines du monde entier.Baignade jugée scandaleuseSous le titre « Basta ! », l’Osservatore Romano dénonce cette « vie sale » comme une indécente insulte au caractère sacré de Rome. Le journal du Saint-Siège va même jusqu’à menacer les spectateurs italiens d’excommunication. Quelques mois plus tard, le jury du festival de Cannes présidé par Georges Simenon décerne, à l’unanimité, la Palme d’or à La Dolce Vita. Les organisateurs du Festival n’ayant pas souhaité qu’Anita Ekberg vienne à Cannes avec un acteur italien de seconde zone qui était son boyfriend d’alors, l’actrice bouda la Croisette.Sex-symbol planétaire, presque aussi célèbre que Marilyn Monroe ou que Brigitte Bardot, Anita Ekberg ne sera la star que d’un seul grand film. On l’apercevra deux ans plus tard, le temps d’un sketch réalisé par Federico Fellini et intitulé “Les tentations du docteur Antoine”, dans Boccace 70. Le scénario de ce sketch en dit long sur l’image d’Anita Ekberg en ce début des années 1960 : fervent défenseur de la vertu, le docteur Antonio Mazzuolo passe son temps à traquer les amoureux des bancs publics jusqu’au jour où il aperçoit, en face de chez lui, un énorme panneau publicitaire sur lequel apparaît Anita Ekberg. Poitrine opulente, pause lascive, la star de La Dolce Vita vante les bienfaits du lait : « Bevete più latte » (Buvez plus de lait !). Dès lors, Anita Ekberg deviendra l’unique obsession de cet homme qu’il faudra aller chercher un jour tout en haut de ce panneau où il s’était juché…Après de nombreux films italiens sans le moindre intérêt, Anita Ekberg interprétera son propre rôle dans Intervista de Federico Fellini. Retrouvant pour l’occasion Marcello Mastroianni, elle revoit avec lui la fameuse scène de la fontaine de Trevi.Collectionnant mariages et aventures sentimentales ratés, Anita Ekberg finira sa vie à quelques dizaines de kilomètres de Rome dans une maison de retraite. En 2011, à Noël, le quotidien italien La Stampa lança un véritable SOS, expliquant que l’actrice n’avait plus de quoi subvenir à ses besoins. Quelques mois plus tôt, à l’occasion de ses 80 ans, Anita Ekberg avait déclaré au Corriere de la Serra qu’elle « se sentait un peu seule ».Franck NouchiJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La Terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville, en 1963, puis L’Affaire Mattei, en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le nord et le sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La Classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les Hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italiennes dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trêve (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Francesco Rosi, cinéaste italien, auteur notamment de L’Affaire Mattei et de Main basse sur la ville, est mort dans son lit, samedi 10 janvier, à Rome, à l’âge de 92 ans. Avec lui disparaît un maître du cinéma italien, partisan d’un cinéma à la fois politiquement engagé et populaire. Partant, c’est un grand témoin de la richesse et de la diversité extrêmes de cette cinématographie – aujourd’hui hélas révolues – qui s’en va.Il était né le 15 novembre 1922, à Naples. Une partie de sa jeunesse se déroule durant la seconde guerre mondiale, et sa vocation pour le cinéma – contrariée par son père – le mène à exercer divers talents : étudiant en droit, illustrateur de livres pour enfants, marionnettiste, animateur de radio, metteur en scène de théâtre. Il faut attendre la rencontre avec Luchino Visconti, dont il devient l’assistant sur La terre tremble (1948), chef-d’œuvre du néoréalisme, pour qu’il renoue avec son désir originel.Entre l’assistanat à la réalisation et l’écriture de scénario, Francesco Rosi n’en tarde pas moins à s’affirmer comme réalisateur. En 1958, il signe son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de « camorra » qui se déroule dans sa ville natale, Naples. Le film, qui mêle cinéma de genre et grand dossier socio-politique, pose les prémices de la manière de Rosi. Même s’il est loin d’être le seul à l’adopter (Luigi Zampa, Pietro Germi, Luigi Comencini se sont frottés au film noir sociologique), elle le distinguera de plus en plus dans le cinéma italien d’après-guerre, lequel conquiert son droit à la postérité par les voies royales du néoréalisme et de la comédie.Inventeur du « film-dossier »Rosi, quand bien même il lui arrive de s’aventurer sur d’autres terrains, restera durant toute sa carrière le grand inventeur et artisan du « film-dossier » italien. Ses fondements sont posés avec Salvatore Giuliano (1960). Le film s’ouvre sur la mort, en 1950, d’un bandit sicilien, et propose au spectateur d’en comprendre les soubassements économiques et politiques, notamment les collusions entre pouvoir politique et mafia, sur fond de revendication indépendantiste. Une succession fragmentaire de retours en arrière documentent l’histoire sicilienne de l’après-guerre et s’applique à en saper les mythes, à commencer par la légendaire figure du bandit d’honneur.Cette manière de mêler le film d’enquête à la réalité historique sera la marque de fabrique de Rosi, et atteindra ses sommets dans Main basse sur la ville en 1963, puis L’Affaire Mattei en 1971. Le premier de ces films, qui remporte le Lion d’or de la Mostra de Venise, est centré autour de l’entrepreneur Nottola (interprété par l’acteur américain Rod Steiger), principal artisan de la vente de terrains agricoles par la municipalité de Naples à des spéculateurs immobiliers irresponsables. L’écroulement d’une maison et la mort de dizaines de personnes conduisent à la tenue d’une enquête destinée à faire le jour sur les responsabilités de cet accident. Rosi montre les pressions politiques et la corruption qui s’exercent sur la commission d’enquête avec une efficacité redoutable, rejoignant à sa manière bon nombre de ses confrères (de Pasolini à Antonioni, en passant par Bertolucci et Fellini) qui évoquent la face d’ombre du miracle économique italien, séparant le Nord et le Sud du pays en deux entités devenues comme étrangères l’une à l’autre.Dans L’Affaire Mattei, dont le rôle-titre est interprété par l’intense Gian Maria Volontè, c’est la mort mystérieuse, aux commandes de son jet privé, en 1962, du patron de la pétrochimie italienne, véritable symbole du boom économique, qui lance le récit. Démocrate chrétien de gauche, homme d’ambition et franc-tireur, Enrique Mattei ne joue pas le jeu des instances économiques internationales. Il le paiera de sa vie. La manière dont Rosi se lance à la recherche des raisons, en vérité jamais élucidées, de la mort de son héros, lui vaut la Palme d’or au Festival de Cannes, partagée cette année-là avec l’explosif La classe ouvrière va au paradis de son compatriote Elio Petri, également interprété par Gian Maria Volontè.Recherche d’une vérité impossible à atteindreRosi restera fidèle à cette veine engagée, à cette prospection inlassable de l’Histoire de son pays, à cette recherche infatigable d’une vérité le plus souvent impossible à atteindre. Les hommes contre (1970) est une dénonciation au vitriol de la conduite de l’état-major italien lors des combats de la première guerre mondiale. Cadavres exquis (1975), fruit de ces coproductions franco-italienne dont Rosi aura beaucoup profité, lance Lino Ventura, Marcel Bozuffi, Alain Cuny et Tina Aumont dans une exploration étouffante de la stratégie de la tension menée par l’Etat italien durant les années de plomb.Le Christ s’est arrêté à Eboli (1979), adapté du roman homonyme et autobiographique de Carlo Levi paru en 1948, évoque la figure d’un médecin et peintre anti-fasciste, placé en résidence surveillée par le régime à la campagne. La fin de carrière du cinéaste est plus erratique, cédant à une certaine monumentalité culturelle. Ce sera la transposition à l’écran du Carmen de Bizet (1984), l’adaptation de Chronique d’une mort annoncée (1986), chef-d’œuvre du romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, ou encore, ultime film du cinéaste, celle de La Trève (1997), d’après l’écrasant récit de retour des camps de Primo Levi, ultime film du cinéaste.Rien qui n’efface, toutefois, la belle croyance du réalisateur en son art, telle qu’il l’énonça en 1995, à l’université de Padoue : « J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel L’avis du « Monde »: pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19). Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne, par un système de quotas, le nombre de films étrangers distribués sur son territoire.Ce quota, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’astérisques) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros ***2 - Breakup Buddies : 156 M€ ***3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ ***7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ ***9 - The Breakup Guru : 88 M€ ***10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ ***13 - Back in Time : 77,5 M€ ***14 - The Man from Macau : 70 M€ ***15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ ***17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ ***19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le31.12.2014 à 14h58 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu 25.12.2014 à 19h27 • Mis à jour le25.12.2014 à 22h57 |Isabelle Regnier Seth Rogen a beau rappeler à ses followers sur Twitter qu’on apprécie mieux une comédie en salles que sur son ordinateur, la décision prise par Sony de mettre le film en ligne, après avoir successivement annoncé qu’il ne serait montré nulle part, puis qu’il sortirait dans quelques centaines de cinémas indépendants aux Etats-Unis, devrait attirer du monde sur les sites de téléchargement et de streaming. Le film n’est pas encore sous-titré en français, mais il est visible sur Internet.Malheureusement, il déçoit. Sans doute était-il voué à le faire, tant l’attente à son égard, aiguisée par une invraisemblable crise politique entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, et par les menaces de censure qui en ont découlé, était démesurée. S’il était impossible à quiconque d’anticiper l’ampleur de l’affaire, on ne peut s’empêcher toutefois, en voyant le film, de penser que le buzz était en partie recherché.I need to say that a comedy is best viewed in a theater full of people, so if you can, I'd watch it like that. Or call some friends over.— Sethrogen (@Seth Rogen)require(["twitter/widgets"]);Une comédie de potesEn tant que producteur, réalisateur, scénariste et acteur du film, Seth Rogen en est le grand ordonnateur, mais cette comédie de potes (« bromance », pour reprendre l’expression américaine) est aussi bien l’œuvre du trio qu’il forme avec Evan Goldberg, son coscénariste, et James Franco, son vieux complice qui partage l’affiche avec lui. A eux trois, ils ont notamment collaboré, chacun à des postes divers, à Délire express (2008) et C’est la fin (2013), des comédies qui ont en commun de muscler la musique régressive et sentimentale des films de Judd Apatow (producteur de la première) par les effets d’une puissance spectaculaire exogène — une drogue surpuissante pour Délire express, un scénario apocalyptique dans C’est la fin —, doublés d’un casting explosif rassemblant, dans leur propre rôle, tout le gratin de la nouvelle comédie américaine, et dans The Interview la Corée du Nord et son leader, Kim Jong-un.Mais d’un film à l’autre, la qualité baisse. L’impression est forte de reconnaître une même recette, exécutée chaque fois avec un peu plus de paresse, que viendraient compenser des effets toujours plus tapageurs. Dans The Interview, James Franco et Seth Rogen, amis depuis qu’ils se sont rencontrés en école de journalisme, sont respectivement un présentateur décérébré et célébrissime de télévision poubelle, et son producteur, qui traverse une crise de conscience (pourquoi est-il tombé si bas alors qu’il avait les moyens de devenir un bon journaliste ?). Lorsqu’ils apprennent que Kim Jong-un adore leur émission, ils décident de partir l’interviewer. La CIA leur met alors le grappin dessus et les mandate pour tuer le leader nord-coréen.Eminem dans son propre rôleLe film commence plutôt bien, avec une interview d’Eminem, dans son propre rôle, qui fait un coming out gay à l’antenne face à un James Franco excellent en journaliste de caniveau heureux de se rouler dans la fange. Mais il évolue vite vers un pudding insipide, où la spécificité de la Corée du Nord sert de prétexte à une crise de couple entre les deux protagonistes (le premier tombe sous le charme de Kim Jong-un, avec qui il partage une même passion pour la chanteuse Katy Perry, le second a un coup de foudre pour la directrice de la propagande, qui subit, comme lui, les caprices de son boss), qui se résoudra, comme il est désormais de notoriété publique, dans le grand feu d’artifice réconciliateur de la mise à mort du tyran. Les références à la culture pop, les blagues scatologiques, l’idiotie des personnages… tous les traits saillants de cette école qu’on a appelée la « nouvelle comédie américaine », et qui commence à sentir le sapin (voir les ratages récents de Nos pires voisins, également avec Seth Rogen, Dumb & Dumber De…), abondent, mais tombent à plat, suscitant au mieux l’ennui, au pire le soupçon de cynisme.Célébration de la liberté d’expressionCar s’ils en viennent à détruire physiquement Kim Jong-un, sous les applaudissements de la CIA et de l’Amérique entière, les deux compères auront obtenu leur véritable victoire dans la scène précédente, lors d’une interview télé où le personnage de James Franco le confronte à ses crimes et à ses mensonges en direct, alors que son peuple le regarde à la télévision, accomplissant ainsi dans un même geste son devoir de journaliste, pour la première fois de sa vie, et la victoire de la démocratie.On imagine mal qu’avec un tel scénario entre les mains, Sony n’ait pas envisagé la possibilité d’une réaction de la part de la Corée du Nord. De ce point de vue, les échos entre la célébration que fait le film de la liberté d’expression, et les centaines de voix de stars, d’exploitants de salle, d’hommes politiques, à commencer par Barack Obama, qui ont résonné de concert pour crier ce même message quand Sony a finalement annoncé que le film serait diffusé, sont quelque peu troublants.Lire aussi la revue de presse : « The Interview » plombé par la critiqueIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Elise Barthet « Tout ça pour ça » ? Disponible sur Internet en VOD et bientôt en salle, The Interview, le film de Seth Rogen menacé de non-diffusion après l'attaque informatique contre Sony Pictures, n'a pas enthousiasmé les critiques. A les lire, les aventures des deux journalistes crétins mandatés par la CIA pour tuer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un tiennent moins de la satire politique que de la comédie potache ratée.« On est loin du Dictateur de Chaplin ou même du Team America des créateurs de South Park », autrement plus corrosifs, estime Philippe Berry sur le site 20 minutes. Et si « personne ne s'attendait à du grand art », insiste le Wall Street Journal, la piètre qualité du film est assez « remarquable ».Un temps privé de sortie, The Interview avait pourtant bénéficié d'un large soutien des médias et du public, s'adjugeant, avant visionnage, 96 % d'opinion favorables sur le site d'agrégation de critiques cinéma Rotten Tomatoes. Le taux de satisfaction est nettement plus bas une fois le film diffusé : 50 % des professionnels disent avoir aimé et ils ne sont que 32 % parmi les « top critics » – la « crème de la crème » – à partager cet avis.« BLAGUES NULLES »La palme de la charge dévastatrice revient sans doute à Scott Foundas, de Variety. Pour le journaliste, « la Corée du Nord a eu raison d'objecter : la farce sur l'assassinat de Kim Jong-un signée Seth Rogen et Evan Goldberg est une attaque terroriste en règle... contre le genre comique ». Le film est « aussi drôle qu'une pénurie de nourriture au temps du communisme ». A déconseiller aux spectateurs dotés « d'une tolérance limitée pour les blagues à base de pénétration anale ».Dans le même registre, Slate se montre plus indulgent. « Il faut avouer que les premières minutes sont assez géniales », écrit la journaliste Aisha Harris. « Mais à l'issue de cette ouverture amusante, le film empile des blagues nulles sur les Asiatiques (...) et beaucoup trop de diffusions de Firework, de Katy Perry (dont Kim Jong-un est secrètement fan) ».« Ça m'ennuie de dire ça, mais ce n'est pas la moitié de la satire que ça aurait pu être », regrette la critique du New York Post. La comparaison avec le film d'animation Team America, qui mettait en scène des agents engagés pour faire échouer un complot orchestré par feu Kim Jong-il (le père de l'actuel dirigeant nord-coréen), pèse en effet sur le film. « The Interview a l'épaisseur comique d'un sketch moyen voire médiocre de Saturday Night Live » (une émission comique américaine), tranche le Hollywood Reporter.Les internautes semblent toutefois apprécier le saillie. Sur Twitter, ils sont nombreux à saluer la performance d'Eminem, qui fait une apparition, et celle du duo comique formé par Seth Rogen et James Franco.Tweets sur #TheInterview lang:en!function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+"://platform.twitter.com/widgets.js";fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document,"script","twitter-wjs");Elise BarthetJournalisteSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.12.2014 à 23h49 • Mis à jour le24.12.2014 à 10h04 |Isabelle Regnier La comédie de Seth Rogen, L’Interview qui tue !, sortira bien le jeudi 25 décembre aux Etats-Unis, comme initialement prévu, ou presque. Le film sera distribué dans plusieurs centaines de salles, mais pas dans les grands circuits qui, mercredi matin, n’étaient pas revenus sur leur refus de le mettre à l’affiche depuis que le groupe de hackeurs Guardians of Peace, qui a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de Sony Pictures, a menacé de représailles les salles qui le diffuseraient.Dans une conférence de presse, le 23 décembre, Michael Lynton, le directeur général de Sony Entertainment, a affirmé : « Nous n’avons jamais renoncé à sortir L’Interview qui tue ! et nous sommes très excités à l’idée que notre film soit montré dans de nombreuses salles le jour de Noël. En même temps, nous poursuivons nos efforts pour nous assurer plus de plateformes de distribution et plus de salles de cinéma, afin de pouvoir atteindre le public le plus large possible. » Barack Obama a « applaudi la décision de Sony », a dit Eric Schultz, porte-parole de la présidence dans un communiqué.C’est le dernier rebondissement d’un feuilleton commencé au printemps, quand le gouvernement nord-coréen a émis ses premières menaces à l’encontre de cette satire dans laquelle deux journalistes américains, joués par Seth Rogen et James Franco, sont mandatés par la CIA pour tuer le dictateur Kim Jong-un. Il marque un énième revirement de la major qui annonçait, il y a une semaine, n’avoir « plus aucun projet pour sortir le film ». Selon CNN, Amy Pascal, Michael Lynton et d’autres cadres dirigeants de Sony auraient alors reçu un mail des hackeurs prenant acte de cette déclaration : « C’est très sage que vous ayez pris la décision d’annuler la sortie de L’Interview qui tue !. (…) Nous vous garantissons la sécurité de vos données, du moins si vous ne créez pas de troubles supplémentaires. »Sous la menace, « The Interview », le film « nord-coréen » de Sony est retiré de milliers de sallesVendredi 19 décembre, lors de sa dernière conférence de presse de l’année, le président Obama avait déploré que les dirigeants de Sony aient cédé aux pressions de ceux qu’il appelle des « cyber-vandals » et dont il assure avoir la conviction qu’ils sont à la solde de la Corée du Nord. « Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle un dictateur peut commencer à imposer une censure ici aux Etats-Unis », a-t-il déclaré. Moyens de diffusion alternatifsSe défendant de « s’être couché devant les hackeurs », Michael Lynton avait alors rétorqué que le retrait des circuits de salles ne lui laissait pas le choix, mais qu’il étudiait des moyens de diffusion alternatifs, sur Internet notamment. Sa réponse n’a pas plu à Barack Obama, qui, estimant qu’il aurait dû être mis au courant de cette situation, a affirmé qu’il aurait alors lui-même appelé les responsables des circuits pour les pousser à prendre le film. Elle a, par ailleurs, froissé bon nombre d’exploitants qui ont eu le sentiment que Sony se défaussait sur eux.Dans une lettre ouverte postée lundi 22 décembre sur Change.org, Russell Collins, le directeur de l’association d’exploitants de cinéma d’art et d’essai Art House Convergence, a appelé Sony à rendre L’Interview qui tue ! accessible aux cinémas qui souhaitaient le projeter, érigeant le film au rang de nouveau totem de la liberté d’expression et de la résistance à l’oppression : « Nous sommes à un carrefour important, avec une occasion de réaffirmer clairement notre engagement envers la liberté et la nécessité absolue de protéger notre industrie cinématographique contre toute forme de restriction, de censure et d’intimidation par la violence. Nous demandons à nos confrères exploitants, et aux spectateurs, de se mobiliser pour la liberté d’expression et d’expression artistique, qui sont vitales non seulement pour l’industrie du divertissement, mais aussi pour l’art et le commerce mondial. »Comme le rapporte le L.A. Times, de nombreux exploitants se disaient prêts, dès lundi, à diffuser le film, à l’instar de George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones, qui est aussi propriétaire du cinéma Jean Cocteau à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Déplorant la réaction initiale de Sony, qu’il a qualifiée d’« ahurissante démonstration de lâcheté d’entreprise », George R.R. Martin a affirmé que « des milliers de petites salles indépendantes à travers le pays, comme la mienne, seraient ravies de projeter L’Interview qui tue !, nonobstant les menaces de la Corée du Nord ».Depuis le communiqué de Michael Lynton annonçant la décision de Sony de finalement sortir le film, plusieurs centaines de salles se sont déclarées partantes pour le montrer, après que le Plaza Atlanta, à Atlanta, en Géorgie, ou le réseau Alamo Drafthouse Cinemas, basé à Austin, au Texas, ont fait acte de candidature pour sa diffusion. L’Interview qui tue ! a coûté à 44 millions de dollars (36,13 millions d’euros) à produire, et 35 millions en promotion.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 05.01.2015 à 15h46 • Mis à jour le06.01.2015 à 16h18 Merci pour ce moment, version salle obscure. Le livre de Valérie Trierweiler dans lequel elle raconte sa vie au côté du chef de l'Etat sera prochainement adapté au cinéma, a annoncé lundi 5 janvier l'actrice et productrice Saïda Jawad.Mme Jawad a déclaré, dans une interview au magazine Gala :« Romarin films, ma société de production, en accord avec Valérie [Trierweiler], développe actuellement l'adaptation cinématographique du best-seller et envisage des coproductions avec des sociétés françaises et internationales. »L'ancienne compagne de François Hollande aura un droit de regard sur le film, précise la réalisatrice, qui se définit par ailleurs comme une amie « inséparable » de Valérie Trierweiler.Merci pour ce moment a été tiré à plus de 730 000 exemplaires. Le livre a également été publié en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, où Mme Trierweiler a effectué une tournée de promotion remarquée en novembre.Lire aussi la critique (édition abonnés) : Un livre où tout est emmêlé, le public et le privé, l'intime et la politique Thomas Sotinel L’avis du « Monde » : pourquoi pasEn 1999, Patrice Leconte suggérait que les critiques défavorables aux films sortant le mercredi soient publiées le jeudi suivant. En 2015, il met sa suggestion en pratique. Une heure de tranquillité, en salles depuis le 31 décembre, n’a pas été montré à la presse, ce qui prévient les commentaires négatifs – mais aussi les louanges. Peut-être le metteur en scène de Tandem n’en attendait-il pas.Ce pas très long (1 h 19) métrage est adapté, par l’auteur, d’une pièce de Florian Zeller, créée par Fabrice Luchini en 2013. Un samedi, aux Puces de Clignancourt, Michel Leproux découvre un exemplaire de l’album Me, Myself and I (moi, moi-même et je), enregistré par le clarinettiste fictif Neil Youart (nihil you are, tu n’es rien). De quoi être fixé de suite quant à l’égotisme de ce dentiste qui regagne son appartement haussmannien, décidé à écouter immédiatement ce trente centimètres qu’il cherche depuis des décennies.Ce désir se heurte à celui des autres : sa femme tient à lui révéler une infidélité ancienne, son fils veut installer une famille de sans-papiers philippins dans la chambre de bonne, sa maîtresse veut le quitter, l’ouvrier polonais qui refait la chambre du fond est d’une maladresse catastrophique et l’occupant de l’appartement du dessous est résolu à impliquer le docteur Leproux dans l’organisation de la fête des voisins.L’accumulation frénétique de ces contrariétés procède d’une mécanique boulevardière plus que centenaire. D’ailleurs les machines appelées à la rescousse pour tendre le ressort comique existaient toutes en 1900 : ascenseur, téléphone fixe, canalisation, gramophone. Le scénario a beau y introduire des fragments contemporains (les immigrés clandestins, l’altermondialisme du fils, l’élargissement de l’Europe), la recette est assez traditionnelle pour que le plat servi convienne aux palais les plus conservateurs.Voisin associatifL’interprète principal n’est pas pour rien dans le respect des coutumes ancestrales du rire à la française. Fabrice Luchini n’a pas voulu reprendre à l’écran le personnage du dentiste Leproux. Patrice Leconte et les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier se sont retournés vers Christian Clavier. Qui a repris la petite entreprise de production de colères paroxystiques qui fit la fortune de Louis de Funès. A la rage bouillonnante et souvent impuissante de l’interprète du Gendarme, le créateur du rôle de Jacquouille ajoute une fourberie lâche qui flatte le sentiment de supériorité du spectateur. Pendant une heure et quart, Michel Leproux commence chacune de ses répliques par un bégaiement exaspéré, regarde en coin ses interlocuteurs pour jauger leurs réactions. Ce qu’on attendait déjà de maître Verneuil, le notaire de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, le dentiste d’Une heure de tranquillité le fournit en abondance.Mais le tabellion était entouré d’une galerie de stéréotypes très détaillés qui servaient à jouer avec le feu des préjugés. Le dentiste, lui, vit dans un monde de silhouettes de papier découpé sans consistance, quel que soit le talent des partenaires de Christian Clavier. Stéphane de Groodt, par exemple, doit se débrouiller avec un rôle de voisin associatif dont on se demande comment il a échoué dans un aussi beau quartier, sans que le scénario apporte un début de réponse. Quitte à faire tourner la mécanique du boulevard, autant y injecter le lubrifiant de la réalité. Comme dans les Bronzés, par exemple.Film français de Patrice Leconte, avec Christian Clavier, Carole Bouquet, Valérie Bonneton, Stéphane de Groodt. (1 h 19).Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet L’explosion du box-office en Chine s’est poursuivie en 2014, avec une hausse de 36 % des ventes de billets d’accès aux salles de cinéma, a rapporté jeudi 1er janvier l’agence Chine nouvelle. Avec des recettes d’entrée dans les salles atteignant 29,6 milliards de yuans (3,94 milliards d’euros), la Chine confirme ainsi sa place de deuxième marché du cinéma derrière les Etats-Unis.Cet essor se fonde d’abord sur l’apparition de nombreux nouveaux cinémas dans la deuxième économie mondiale : plus de mille cinémas et près de 5 400 nouvelles salles ont ouvert dans le pays en 2014, portant le nombre total des grands écrans à 23 600. « En moyenne, quinze nouveaux écrans se sont ouverts chaque jour en 2014 », a déclaré Zhang Hongsen, patron de l’Administration d’Etat de la radio, du cinéma et de la télévision, cité par Chine nouvelle.Quota de 34 films étrangersLes productions nationales ont représenté la majeure partie (54,5 %) des recettes, et gagnent des parts de marché. Mais rappelons que la Chine protège son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime (le plus intéressant financièrement) du partage des recettes.Le quota actuel, qui s’élève à 34 films par an, a finalement été amputé d’un film cette année : la sortie de Hunger Games : La Révolte, partie 1 a en effet été repoussée à février 2015 pour laisser de la place aux productions nationales. Parmi ces films, un seul français : Eyjafjallajokull, qui se place en avant-dernière position en termes de fréquentation, juste devant Mandela : Un long chemin vers la liberté, production britannico-sud-africaine.Pourtant, si l’on observe ci-dessous le Top 20 du box-office chinois (le site Box Office Mojo publie le top 100), on s’aperçoit que la moitié des films sont des blockbusters américains. De son côté, la Chine peine par ailleurs à exporter ses propres œuvres. L’un des films chinois de l’année ayant bénéficié d’une sortie internationale, Coming Home, de Zhang Yimou, ne se place qu’en 35e position sur son propre marché (avec 38 millions d’euros de recettes) du top 100.A lire : Pourquoi « Coming Home » ne représentera pas la Chine aux OscarsA noter que le film le plus vu en salles en 2014 en Chine, Transformers : L’Age de l’extinction, était taillé sur mesure pour le marché chinois, avec des stars chinoises au casting et des scènes se déroulant dans le pays – même si celles-ci ont finalement été tournées aux Etats-Unis.Un public jeuneAu total, 618 films chinois ont été produits en 2014, soit un peu moins qu’en 2013 (638), avec une volonté d’accentuer la qualité plutôt que la quantité des films, souligne le Hollywood Reporter. Et jamais le pays n’avait connu autant de spectateurs, avec 860 millions d’entrées (+ 34,5 % par rapport à 2013), selon les chiffres officiels. Enfin, 66 films ont dépassé le seuil symbolique des 100 millions de yuans (13,4 millions d’euros), dont 36 productions chinoises, contre 60 films en 2013.Le 7e Art est en pleine effervescence en Chine, offrant les perspectives les plus prometteuses du monde. Ce développement est soutenu par la croissance rapide de la classe moyenne, qui aime sortir le week-end dans les multiplexes des nouveaux centres commerciaux.Selon Zhang Huijun, le président de la Beijing Film Academy, le public chinois est porté par la jeunesse. « Nous sommes ravis que les jeunes aillent davantage au cinéma. Ils plébiscitent les grands écrans et les dispositifs sonores, mais considèrent également que c’est une façon de socialiser. »Ci-dessous, le top 20 du box-office chinois (les films chinois sont précédés d’une astérisque) :1 - Transformers : L’Age de l’extinction : 249,5 millions d’euros *2 - Breakup Buddies : 156 M€ *3 - The Monkey King : 139 M€ 4 - Interstellar : 101 M€ 5 - X-Men : Days of Future Past : 96,5 M€ 6 - Captain America : The Winter Soldier : 96 M€ *7 - Dad, Where Are We Going ? : 93 M€ 8 - La Planète des singes : L’Affrontement : 89 M€ *9 - The Breakup Guru : 88 M€ *10 - The Continent : 83 M€ 11 - Les Gardiens de la galaxie : 80 M€ 12 - The Amazing Spider-Man 2 : Le Destin d’un héros : 78 M€ *13 - Back in Time : 77,5 M€ *14 - The Man from Macau : 70 M€ *15 - Tiny Times 3 : 68 M€ 16 - Godzilla : 64,5 M€ *17 - Gone with the Bullets : 62,5 M€ 18 - Le Hobbit : La Désolation de Smaug : 62 M€ *19 - My Old Classmate : 60,5 M€ 20 - Expendables 3 : 60,5 M€A lire : En Chine, le pop-corn accompagne le boom du cinémaEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 31.12.2014 à 11h59 • Mis à jour le05.01.2015 à 07h38 Les choix de Noémie Luciani2014, cru délicieux dans les mondes animés. Tandis que les ordinateurs donnent vie à tous les monstres, les modestes pastels, les bons vieux modelages, les cent madeleines de Proust du fait-main n’ont jamais paru si jeunes. Les « petits » moyens trouvent de grands effets. Le Garçon et le monde annexe à ses crayonnades naïves l’éden d’une enfance heureuse et les laideurs de l’industrialisation. Les étonnants Boxtrolls semblent revendiquer contre les reines des neiges une poésie du vilain et de la crasse, de laquelle émane un fumet vivifiant de vrai. De l’autre côté du miroir, l’animation par ordinateur est toujours plus belle dans les petitesses de l’univers et l’intimité des cœurs : les héros de l’un des meilleurs films d’aventures de l’année sont des insectes (Minuscule) et les chevauchées à dos de dragon ont pour destination les bras d’une mère. Entre les splendeurs travaillées de l’image de synthèse et les marques de doigts sur les figurines modelées, Hayao Miyazaki offre en cadeau d’adieu une œuvre inoubliable qui fait s’envoler la petite histoire avec la grande, dans un élan lyrique où les avions de mort portent les rêves d’enfant vers une dimension étrangère à la guerre, peut-être la même que celle où règnent les dragons. 1-Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki2- Dragons 2, de Dean DeBlois3- Le Garçon et le monde, d’Alé Abreu4- Minuscule. La vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud5- Les Boxtrolls, de Graham Annable et Anthony Stacchi Les choix de Mathieu MacheretEtrange parcours que ceux des films dans nos mémoires et dans nos cœurs. Les plus fortes images qui nous restent de 2014 ne sont pas issues de prises de vues réelles, mais bien du fusain emporté de Takahata (Le Conte de la princesse Kaguya), ou de bourrasques soufflant la vie et la mort chez Miyazaki (Le vent se lève). Deux maîtres de l’animation, deux grands réalisateurs ayant réaffirmé le cinéma comme un art plastique. Les plus beaux films de 2014 ont raconté l’envol, le décollage, le transport au-delà de notre Terre et de ses turpitudes. Chez Takahata comme dans Under the Skin, de Jonathan Glazer, le regard extraterrestre, celui d’une princesse quittant la Terre pour sa Lune originelle ou d’un alien traquant ses proies dans les rues de Glasgow, invente une nouvelle subjectivité. Dans l’incroyable Real, de Kiyoshi Kurosawa, la psyché mêlée de deux amants provoque la dissolution de la réalité même, tandis que, chez Godard, la sombre élégie du XXe siècle se régénère dans le regard d’un chien (Adieu au langage). Par foyers épars s’annonce la reconquête de l’idéal, non plus compris comme perfection inaccessible, mais comme point de vue à part entière, c’est-à-dire primauté de l’idée sur la matière et promesse de modeler un monde nouveau. 1- Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata2- Le vent se lève, d’Hayao Miyazaki3- Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Real, de Kiyoshi Kurosawa5- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard Les choix de Jacques Mandelbaum Nous voici rattrapés par la nuit, et nous avons besoin de lumière. Désespérément. Intensément. C’est cela que nous disent, nous hurlent ces films, les plus beaux, les plus fous, les plus courageux, les plus lumineux en somme, de cette année 2014, qui aura bientôt vécu. La mystique flamboyante et déchirée par le montage du Syrien Ossama Mohammed face à la nuit baasiste (Eau argentée). La grâce, l’élégance et l’humour du Mauritanien Abderrahmane Sissako face à la nuit djihadiste (Timbuktu). La poésie prophétique, solaire, irréconciliable de l’Israélien Nadav Lapid face à la nuit sioniste (L’Institutrice). La révolte furtive, automnale, mélancolique de l’Américaine Kelly Reichardt face à la nuit capitaliste (Night Moves). L’engloutissement enfin des hommes dans la nuit profonde et silencieuse de leur propre désir, tel que l’Anglais Jonathan Glazer l’incarne devant une Scarlett Johansson transformée en Moloch (Under the skin). Nuit, jour. Vieille dialectique, qui convient bien au cinéma, seul parmi les arts à rayonner dans la nuit. Avenir du cinéma.1- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan2- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako3- L’Institutrice, de Nadav Lapid4- Night Moves, de Kelly Reichardt5-Under the Skin, de Jonathan Glazer Les choix de Franck NouchiIl y eut, parmi les films sortis en 2014, quelques séquences à jamais gravées dans la mémoire cinéphilique : la partie de foot sans ballon de Timbuktu ; la mort d’une mère dans Still the Water ; un homme et une femme immobiles, vingt minutes durant, devant une peinture murale, dernier plan sublime des Chiens errants de maître Tsai Ming-liang. Il y eut aussi, de la part de deux des cinéastes majeurs de notre temps, Abderrahmane Sissako et Andreï Zviaguintsev, l’envie de dénoncer les dévoiements religieux, qu’ils soient le fait des djihadistes ou des potentats russes corrompus. En guise de cadeau de départ, Alain Resnais nous laissa son merveilleux Aimer, boire et chanter. Et, pour finir, Naomi Kawase et Bruno Dumont eurent tous les deux la même idée de cinéma : un jeune garçon et une jeune fille à vélo sur une route de campagne. De l’île d’Amami au Boulonnais, une même envie de s’évader, une même envie de liberté. Il était une fois 2014, l’année qui vit aussi Netflix débarquer en France et Sony Pictures Entertainment envisager d’annuler la sortie d’un film, The Interview, sous la pression de pirates informatiques. Fiction, réalité, tout se mélangeait.1- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako2- Still the Water, de Naomi Kawase3- Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev4- Les Chiens errants, de Tsai Ming-liang5- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont, et Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais Les choix de Sandrine Marques Des célébrités dévoyées (Maps to the Stars) aux simulacres vénéneux imaginés par une épouse, malade d’idéalité (Gone Girl), les plus beaux films de 2014 ont travesti les apparences et érigé les chimères en vérités. Parée des atours irrésistibles du désir, l’extraterrestre fatale, modelée par Jonathan Glazer, plonge, sous notre regard hypnotisé, ses proies dans la nuit éternelle de leur solitude (Under the Skin). Entre Detroit et Tanger, des vampires romantiques (Only Lovers Left Alive), infiltrés eux aussi parmi le commun des mortels, promènent leur spleen dandy dans un monde déliquescent. Chez Abderrahmane Sissako (Timbuktu), il y a la solarité du Mali. Sous le joug de djihadistes pathétiques, peinant à dissimuler leur vraie nature pulsionnelle, le pays suffoque. Qu’opposer à l’obscurantisme et à ces forces nihilistes, hormis la beauté ?, nous dit Sissako. Et dans le sillage tortueux des images, façonnées par des auteurs qui jouent avec les faux-semblants pour mieux les dénuder, une inquiétude commune point. Quelle part d’humanité nous reste-t-il, à l’heure où le chaos et le spectacle dominent ? Les réponses contenues dans chacun de ces cinq films splendides se révèlent d’ensorcelantes vérités.1- Gone Girl, de David Fincher2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch5- Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako Les choix de Jean-François Rauger Comme tous les ans, il y a forcément un film d’Hong Sang-soo dans la liste des meilleurs films de l’année, preuve à la fois du caractère prolifique du cinéaste coréen, mais surtout de sa manière de plus en plus lucide et, en même temps, de plus en plus poétique de tracer des portraits de jeunes femmes, tout en décrivant avec une indépassable justesse les rapports entre les sexes. D’ailleurs, de ce point de vue là, constatons que ça ne s’arrange pas. Avec Saint Laurent, Bertrand Bonello rejoint les cinéastes (il y en a peu) qui savent mêler réalisme et visions fantasmatiques et surtout méditer avec intensité sur le passage du temps. On peut considérer Nymph()maniac comme la troisième partie d’une trilogie sur l’identité féminine. Lars von Trier y détrompe tous les ordres symboliques et tous les discours positivistes dominants pour proposer un véritable traité de sorcellerie moderne. Maps to the Stars est la preuve, une fois de plus, de la redoutable intelligence de son auteur. Au-delà de la satire sanglante du monde hollywoodien, la volonté accomplie de réaliser un objet théorique d’une effrayante précision, remettant en question, là aussi, diverses catégories de la pensée. Enfin, l’animal, la 3D, l’histoire, le couple, la vie, Godard quoi.1- Adieu au langage, de Jean-Luc Godard2- Maps to the Stars, de David Cronenberg3- Nymph()maniac, de Lars von Trier4- Saint Laurent, de Bertrand Bonello5- Sunhi, d’Hong Sang-soo Les choix d’Isabelle Regnier Année transitionnelle, parions-le, 2014 aura révélé un désir de donner forme à des réalités prégnantes qui n’en avaient pas encore trouvé sur grand écran. En tirant leur style vers l’abstraction, avec la répétition de la demande que fait Marion Cotillard à ses collègues, les frères Dardenne ont mis à plat, dans Deux jours, une nuit, l’éclatement de la classe ouvrière, et à nu les stratégies de domination du patronat. Avec La Belle Jeunesse et Mercuriales, Jaime Rosales et Virgil Vernier auront chacun donné un visage à la jeunesse actuelle, tellement reléguée dans les marges que le cinéma, jusqu’à présent, ne s’en n’était guère préoccupé. Signe des temps, 2014 aura vu ressurgir la question du mal, qui travaille en profondeur les trois films chocs de l’année : P’tit Quinquin, folle série criminelle de Bruno Dumont dont l’enquête aura balayé toute la misère, matérielle et morale, de la terre du Nord ; Eau argentée, chant d’amour au peuple syrien en lutte et chant du cygne de sa révolution, monté avec les images de cette guerre atroce qui échouent comme des bouteilles à la mer dans l’océan du Net ; Under the skin, humanisation avortée d’un agent extraterrestre infiltré dans le corps de Scarlett Johansson pour dissoudre dans une fascinante marée noire la part damnée de l’humanité.1- P’tit Quinquin, de Bruno Dumont2- Eau argentée, d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan3-Under the Skin, de Jonathan Glazer4- Deux jours une nuit, de Luc et Jean-Pierre Dardenne5- La Belle Jeunesse, de Jaime Rosales, et Mercuriales, de Virgil Vernier Les choix de Thomas Sotinel Trouvés dans un pays longtemps vilipendé par les critiques (enfin, par François Truffaut), les deux plus beaux films de l’année : le poème érotique de Jonathan Glazer qui raconte l’exquis supplice d’une incarnation (dans le corps de Scarlett Johansson) et le portrait de William Mallard Turner que Mike Leigh a déployé dans le temps (les début de l’ère victorienne) et l’espace (cet auguste trône des rois…), en s’appuyant sur l’immense Timothy Spall. Trouvés au service des films oubliés (ou presque), à Cannes, le très spirituel Sils Maria, qui doit autant à Mankiewicz qu’à Bergman, à YouTube qu’à la MGM, et la mère terrible de Xavier Dolan, surgie d’un futur proche, capturée dans une image au format de téléphone portable. Et trouvé sur un petit écran, plus de huit heures de cinéma d’auteur déguisées en série médicale : Steven Soderbergh a réalisé, filmé et monté tous les épisodes de la série « The Knick », mélodrame qui prend par la vigueur de ce geste athlétique toutes les caractéristiques d’un film radical et violent.1- Under the Skin, de Jonathan Glazer2- Mr Turner, de Mike Leigh3- Sils Maria, d’Olivier Assayas4-Mommy, de Xavier Dolan5- The Knick, de Steven Soderbergh Les choix d’Aureliano Tonet Une citerne fuyant de toutes parts : ainsi s’est écoulée l’année. C’est du moins ce que suggère le dernier plan de A Most Violent Year, le thriller de J. C. Chandor, qui clôt élégamment 2014. De fait, la séquence résume assez bien les périls qui cernent Hollywood – et, plus largement, la fabrique d’images animées. Après avoir effeuillé ses actrices (fuites dites du « Celebrity Leaks »), les pirates ont mis à nu tout un studio lors du « Sony Hack », sur fond de baisse du box-office. Raccords avec cette hémorragie, les meilleurs cinéastes ont fugué. Fuite d’un cerveau détraqué, laissant dans son sillage une traînée d’images brûlantes, comme autant de signes d’un système en déroute (Gone Girl). A la lisière de ce système, cavale aveugle de résistants ne sachant plus qui est l’ennemi, ni où il se niche (Night Moves). Cavalcades, encore, du côté du jeune cinéma français, qui rehausse l’inquiétude ambiante d’une drôlerie bienvenue (Tonnerre, Les Combattants). Frissons, enfin, provoqués par deux cinéastes, Jonathan Glazer et Joaquim Pinto, logeant au creux des épidermes leurs courses-poursuites. Camouflée en star (Scarlett Johansson), une alien fait fondre de désir tous les hommes à la ronde, dont les tissus se désagrègent sous son empire (Under the Skin). Face à la fuite en avant du monde et de ses habitants, ne reste qu’à filmer nos peaux, pour mieux les sauver (Et maintenant ?) : ici, les cellules malades du cinéaste se confondent avec les halliers en feu, les écailles d’un reptile, les feuilles d’un livre et, finalement, avec le film lui-même – cette fine pellicule de vie filant droit devant, dans l’espoir, vain sans doute, mais si beau, de semer la mort aux trousses. 1- Et maintenant ?, de Joaquim Pinto2- Under the Skin, de Jonathan Glazer3- Night Moves, de Kelly Reichardt4- Gone Girl, de David Fincher5- Les Combattants, de Thomas Cailley, et Tonnerre, de Guillaume Brac   Thomas Sotinel Plus que centenaire, ancienne élève du grand homme de théâtre autrichien Max Reinhardt, vedette en Allemagne et star à Hollywood, deux fois lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice, l’actrice Luise Rainer est morte d’une pneumonie, à Londres, le mardi 30 décembre. Elle était jusqu’à ce jour la plus ancienne titulaire d’un Oscar, joignant à cette distinction celle d’être l’une des quatre récipiendaires à avoir reçu cette récompense deux années de suite, en 1936 et 1937.Luise Rainer naît le 12 janvier 1910 à Düsseldorf dans une famille de la bourgeoisie juive, qui s’établit bientôt à Vienne. A 16 ans, elle commence son apprentissage du théâtre sous la direction de Max Reinhardt et se produit sur les scènes berlinoises. Elle trouve bientôt le chemin des studios de cinéma. Dans son premier long-métrage, Sehnsucht 202 (1932), une comédie musicale viennoise, elle a pour partenaire Magda Schneider, future mère de Romy. Son physique presque enfantin, son intensité lui valent d’être repérée par un « talent scout » de la Metro Goldwyn Mayer chargé de repérer en Europe les futures Greta Garbo ou Marlene Dietrich.Elle arrive à Hollywood en 1935 et signe un contrat de sept ans avec le studio. Le producteur Irving Thalberg, qui y prend les grandes décisions artistiques, lui confie dès 1936 le rôle d’Anna Held dans Le Grand Ziegfeld, de Robert Z. Leonard, biographie filmée d’un des pères fondateurs du show-business américain, incarné par William Powell. La capacité lacrymale de la jeune comédienne (elle pleure au téléphone, dans une séquence restée fameuse) impressionne les foules et les votants de l’Académie des arts et sciences du cinéma. Ces derniers lui décernent un premier Oscar. Luise Rainer se voit ensuite proposer le rôle d’O-lan, paysanne chinoise, héroïne de La Terre chinoise de Sidney Franklin, adapté d’un best-seller de Pearl Buck. En ces temps où il est tout à fait admis que les départements maquillage s’emploient à brider les yeux de vedettes venues du Kansas ou d’Autriche, sa performance dans ce mélodrame à grand spectacle lui vaut un second Oscar.Triomphe sans lendemainMais ce triomphe est presque sans lendemain. Le reste de la filmographie de Luise Rainer ne compte que six titres, parmi lesquels on distingue La Grande Ville, de Frank Borzage (1937), et Toute la ville danse (1938), biographie de Johann Strauss réalisé par Julien Duvivier pendant son exil hollywoodien. Un peu à la manière de Louise Brooks, qui elle aussi a connu le cinéma des deux côtés de l’Atlantique, la femme aux deux Oscars supporte mal la Californie et ses mœurs.Luise Rainer est rétive au système des studios hollywoodiens, et la mort de Thalberg en 1936 l’a laissée seule face à Louis B. Mayer, patron tyrannique. Elle a d’autre part épousé le dramaturge Clifford Odets. Si ce mariage lui permet de fréquenter l’intelligentsia de gauche du Broadway de l’époque (Elia Kazan, John Garfield…), elle l’éloigne encore plus du cinéma. Après son divorce d’Odets, elle ne tournera plus qu’un film, Otages, de Frank Tuttle, en 1943.On la verra encore parfois sur scène en Europe, après 1945, et à la télévision. Elle est Nina dans une adaptation de La Mouette pour la BBC en 1950 et tient un petit rôle, trente-quatre ans plus tard, dans un épisode de « La Croisière s’amuse ». Luise Rainer vivait à Londres où elle avait célébré son centième anniversaire en compagnie, entre autres, de sir Ian McKellen. L’une de ses dernières apparitions publiques remonte à 2011. La ville de Berlin lui avait consacré une étoile sur son « boulevard des stars ».Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Trois pays – le Maroc, Egypte et Emirats arabes unis – ont désormais interdit la fresque biblique de Ridley Scott Exodus : Gods and Kings, sur la fuite des juifs d’Egypte sous les Pharaons. Les arguments avancés pour justifier cette censure ne sont en revanche pas les mêmes.Le Maroc dénonce la « représentation de Dieu »L’interdiction du film au Maroc a donné lieu à un « grand cafouillage », pour reprendre les termes du site d’information marocain Medias24. Le film avait bien obtenu le visa d’exploitation, avant d’être déprogrammé le jour de sa sortie, le 24 décembre. Les exploitants de salles de cinéma avaient alors reçu un ordre « oral » ou la visite de « délégations » du Centre cinématographique marocain (CCM) leur intimant de le retirer de l’affiche. Sans plus d’explications.Des explications, ces mêmes exploitants en ont demandé aux autorités. « Si c’est politique, dites-nous que c’est politique, si c’est religieux, dites-nous que c’est religieux », déclarait sur RFI Hassan Belkady, propriétaire de plusieurs salles à Casablanca, le 26 décembre. Ce jour-là, seule une salle marocaine diffusait encore Exodus dans le pays : Le Colisée, à Marrakech, persistant à attendre une interdiction officielle écrite, avant une intervention des autorités locales dans la soirée, a rapporté le site Goud.La position officielle a finalement été dévoilée le samedi 27 décembre et mise en ligne par divers titres. Les exploitants de salle et le distributeur du film ont ainsi reçu un message écrit de la part du CCM, annonçant une interdiction du film par la commission de visionnage décidée « à l’unanimité » : « Parce qu’il représente Dieu en la personne d’un enfant au moment de la révélation divine faite au prophète Moïse. Cette représentation physique est une erreur, Dieu ne se représente pas dans toutes les religions célestes. »« Je déplore cette censure », avait alors déclaré à l’AFP la distributrice du film et exploitante du cinéma Le Colisée, Mounia Layadi Benkirane, affirmant « ne pas comprendre » une telle décision. « L’enfant par lequel Moïse reçoit la révélation dans le film ne dit à aucun moment qu’il est Dieu », estime-t-elle, soulignant que la déprogrammation d’un film est un fait « très rare » au Maroc. Selon elle, la polémique sera profitable « aux vendeurs pirates, qui eux continuent à écouler le film » dans un contexte de désertification des salles de cinéma au Maroc.A lire : En marge du Festival de Marrakech, des cinémas à l’abandonLe site Goud fait remarquer que Sarim Fassi Fihri, le nouveau directeur du Centre cinématographique marocain (depuis le 2 octobre), producteur à la carrière internationale, a toujours été « un grand défenseur de la liberté artistique », lui qui a notamment produit le film Marie de Nazareth, en 1995, « qui représentait physiquement Marie et le Messie ». Sollicité par l’AFP, le directeur du CCM n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, expliquant qu’il s’agit d’une décision de la « commission de contrôle » des films.Des contre-vérités historiques et religieuses en EgypteEn Egypte, le ministre de la culture, Gaber Asfour, a tenu une conférence de presse le 26 décembre pour indiquer qu’il avait présidé la commission spéciale composée du directeur de la censure et d’historiens qui a refusé le film à l’unanimité. Le réalisateur britannique Ridley Scott « fait de Moïse et des juifs les bâtisseurs des pyramides, ce qui est en contradiction avec les faits historiques avérés », a expliqué M. Asfour. « Ce film est un film sioniste par excellence », a-t-il par ailleurs affirmé à l’AFP : « Il présente l’histoire d’un point de vue sioniste et contient une falsification des faits historiques. » A la fin des années 1970, un incident diplomatique avait opposé Le Caire à Tel Aviv quand le premier ministre israélien de l’époque, Menahem Begin, en visite en Egypte, avait affirmé que les pyramides avaient été construites par les juifs, rappelle RFI.Le comité de censure égyptien vise également la scène de la Mer Rouge. « Dans le film, Moïse tient une épée et non un bâton », comme mentionné dans l’Exode et le Coran, et la division des eaux est expliquée par « le phénomène des marées », et non une intervention divine, a critiqué Mohamed Afifi, le chef du Conseil suprême pour la culture et membre du comité ayant recommandé l’interdiction.Les Emirats condamnent les « erreurs » et les représentationsLe film ne sera pas non plus projeté dans les cinémas des Emirats arabes unis, ont annoncé les autorités le 30 décembre. « Nous avons des réserves sur le film parce qu’il contient des erreurs religieuses et historiques », a affirmé à l’AFP Juma Obaid Al-Leem, directeur au National Media Council, autorité chargée d’approuver la sortie des films. « Le film montre que Moïse n’est pas un prophète, mais seulement un prédicateur de la paix », a dit ce responsable émirati. Il déplore que l’histoire du long-métrage contredise celle de la Bible et « personnifie [par ailleurs] des prophètes et Dieu ».« Nous ne permettons pas la distorsion des religions (…) Lorsqu’il s’agit de films religieux ou historiques, nous faisons attention au récit, qui doit être correct, et prenons soin de ne pas heurter les sentiments des autres », a souligné M. Leem. Selon lui, cependant, la censure aux Emirats n’est pas sévère, de nombreux films étrangers étant autorisés. « Il est normal que nous exprimions des réserves concernant un film sur 1 000. »Lire la critique du film : « Exodus : Gods and Kings » : Moïse noyé sous la démiurgie numériqueEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Emmanuelle Jardonnet Avant la cyberattaque et les menaces dont il a fait l’objet, Sony Pictures projetait de sortir son film The Interview sur 3 000 écrans. Après avoir annulé sa sortie, puis être revenu sa décision en le proposant dans à peu près 300 salles, le studio l’a même mis en ligne en VOD dès le 24 décembre. Sans surprise les premiers résultats de cette exploitation simultanée, dite « day and date » dans le jargon hollywoodien, sont excellents.Sony a annoncé le chiffre de 15 millions de dollars (12,3 millions d’euros), vente et location confondues, pour les quatre premiers jours. En tout, le film – proposé à 14,99 dollars (12,30 euros) à l’achat, et à 5,99 dollars (4,90 euros) à la location, avec des versions en HD dans les deux cas – a été téléchargé 2 millions de fois. Selon le site spécialisé Deadline, plus de la moitié des recettes proviennent de Google, où le film était en tête des ventes dès le jour de sa mise en ligne. A cela s’ajoutent 2,8 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de recettes en salles.Lire la critique du film : On a vu « The Interview » et on est un peu déçuLe « box-office américain » en baisseLe succès en ligne de The Interview peut relancer, aux Etats-Unis, le débat sur la sortie simultanée des films en salles et en VOD – un principe qui est pour le moment rejeté par les grandes chaînes de salles –, alors qu’Hollywood fait le bilan de l’année écoulée. Le « box office » a perdu 5 % par rapport à 2013, ce qui représente la plus forte baisse annuelle en neuf ans, rapporte le Hollywood Reporter. Le chiffre de 10,4 milliards de dollars (8,55 milliards d’euros) est attendu au 31 décembre, contre le record de 10,9 milliards en 2013.L’année a connu de beaux succès avec Les Gardiens de la Galaxie et Hunger Games : la révolte, 1re partie, mais aussi La Grande Aventure Lego, Captain America : Le Soldat de l’hiver, Gone Girl, Interstellar, ou encore Le Hobbit 3 : la Bataille des Cinq Armées – des films qui ont boosté une année marquée par un été très décevant en termes de fréquentation des salles (- 15 % par rapport à 2013).Avec la sortie d’une série de blockbusters très attendus, de Star Wars : épisode VII - Le Réveil de la Force, à Fifty Shades of Grey, en passant par Fast and Furious 7, Les Minions, Jurassic World ou Avengers : l’Ere d’Ultron, les studios s’attendent en revanche à une bonne année 2015.A lire : Ce que révèlent les milliers de documents confidentiels volés à Sony PicturesEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 26.12.2014 à 20h52 • Mis à jour le26.12.2014 à 22h58 The Interview, la comédie sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a engrangé 1 million de dollars le jour de sa première, jeudi 25 décembre, aux Etats-Unis, a annoncé vendredi 26 décembre le studio Sony.Quelque 300 cinémas aux Etats-Unis  (« moins de 10 % que prévu », selon Sony) avaient finalement consenti à projeter cette comédie parodique le jour de Noël après avoir renoncé dans un premier temps.Les grandes chaînes de cinéma américaines avaient en effet annoncé la semaine dernière qu'elles ne projetteraient pas le film à la suite des menaces proférées par des hackeurs qui ont revendiqué le piratage des studios Sony.Mardi, Sony était finalement revenu sur sa décision et avait autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finance, sur plusieurs plates-formes Internet et un site dédié.Lire : On a vu « The Interview » et on est un peu déçu Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Cine+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à déchifrer.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 • Mis à jour le10.08.2015 à 15h45 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre (Lussas, Ardèche) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas, Ardèche)Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 • Mis à jour le10.08.2015 à 15h45 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Imaginer le monde de demain, par Glenna Gordon Noëlla Morantin, ses ceps bio en 2 CV Le platane : « massacre à la tronçonneuse » sur le canal du Miditous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Thomas Sotinel En brouillant la frontière entre les cauchemars et la réalité dans Les Griffes de la nuit, en inventant la figure de Freddy Krueger, l’homme adulte aux monstrueuses griffes d’aciers qui hante la vie et le sommeil des adolescents, Wes Craven a inventé, au milieu des années 1980 une figure mythique qui a pris place au panthéon du film d’horreur. Une décennie plus tard, avec la série des Scream, le metteur en scène a systématiquement démonté les mécanismes du genre, sur le mode de la comédie. Mais sans jamais cesser de faire peur. Ce virtuose ironique, qui a su jouer des angoisses et des pulsions des teenagers américains pour leur donner une portée universelle, est mort le 30 août à Los Angeles d’un cancer du cerveau, a annoncé sa famille. Il avait 76 ans.Wesley Earl Craven est né le 2 août 1939 à Cleveland, dans l’Ohio, dans une famille baptiste rigoriste qui interdisait le cinéma. C’est à l’université, où il étudie la littérature, qu’il voit ses premiers films. Devenu enseignant, il commence à réaliser des courts-métrages avec ses étudiants. « Touché par le virus », comme il l’a raconté, il démissionne pour partir à New York où il se forme au montage. Au tout début des années 1970, il travaille pour l’industrie naissante du cinéma pornographique. Au fil des interviews, Wes Craven a donné des versions contradictoires de l’importance de sa contribution à ce mouvement.En 1972, il rencontre un jeune cinéaste, Sean Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13. Celui-ci devient le producteur de Wes Craven qui réalise sous sa tutelle son premier long-métrage, La Dernière Maison sur la gauche. Le réalisateur a déclaré « qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de réaliser un film d’horreur » sans l’influence de Cunningham, mais qu’après cette expérience, il a découvert sa vocation. Avec ses héroïnes adolescentes pourchassées par des criminels monstrueux, La Dernière Maison sur la gauche est un honnête succès commercial, compte tenu de son très modeste budget.Peur de la sauvegerie primitiveWes Craven attend pourtant cinq ans pour réaliser son film suivant, La colline a des yeux, qui joue sur la peur – commune à bien des films américains – du retour à la sauvagerie primitive. Suivent La Ferme de la terreur (1981) et La Créature du marais (1982), qui sont des échecs artistiques, de l’aveu de l’auteur, et commerciaux.En 1984, avec l’appui du producteur Robert Shaye, qui dirige le studio indépendant New Line, et de Sean Cunningham, qui vient de connaître le succès avec Vendredi 13, Wes Craven réussit à mettre sur pied la production des Griffes de la nuit. Le choix de Robert Englund pour interpréter Freddy Krueger, le mélange de rêve et de réalité, tous les éléments qui avaient effrayé les financiers, s’avèrent des idées de génie et le film triomphe au box-office. Il ouvre la voie à une série de films (on ne dit pas encore une franchise) dont Wes Craven ne réalisera que le sixième, Freddy sort de la nuit, en 1994.Entre la sortie des Griffes de la nuit et celle de Scream, en 1996, Wes Craven réalise plusieurs épisodes de la série télévisée « La Cinquième Dimension » et une demi-douzaine de longs-métrages dont certains, comme Le Sous-Sol de la peur (1991), sont de gros succès commerciaux, tout en divisant profondément la critique entre les tenants du style Craven – fait de violence, d’onirisme et d’humour provocateur – et ceux qui ne voient dans ce cinéma que l’exploitation systématique de clichés.Succès planétaireLa polémique s’apaise avec la sortie de Scream, qui fait l’unanimité. Le film reprend le schéma du « slasher movie » (film qui a pour personnage un tueur à l’arme blanche) tout en en déconstruisant tous les éléments. Les personnages font sans cesse référence aux clichés du genre, les uns déconseillant aux autres de s’éloigner du groupe, les héros se référant à la filmographie des maîtres de l’horreur pour maîtriser l’assassin. Ajoutez à cela un casting malicieux, qui place aux premiers rangs Courteney Cox (alors au sommet de la célébrité grâce à la série « Friends ») et quelques vedettes en devenir, comme Neve Campbell ou Drew Barrymore (qui subit le sort de Janet Leigh dans Psychose), ainsi que le fameux masque du tueur, inspiré d’un tableau d’Edvard Munch, Le Cri : vous avez là les ingrédients d’un succès planétaire, que Craven déclinera en quatre films, dont le dernier date de 2011 et reste son ultime long-métrage.Entre-temps, il s’est écarté de son genre d’élection pour réaliser La Musique de mon cœur (1999), un mélodrame dans lequel Meryl Streep interprète une virtuose du violon devenue enseignante. Ce détour ne réussit guère au cinéaste qui s’essaie ensuite, avec plus de réussite, au thriller classique avec Red Eye (2005), dans lequel il dirige Cillian Murphy et Rachel McAdams, duo infernal enfermé dans un gros-porteur en plein vol. Juste avant sa mort, Wes Craven avait écrit une série de comics intitulée Coming of Rage, qui mêlait zombies, loups-garou et vampires. La peur était son métier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pascal Chaumeil, le réalisateur de L’Arnacœur et d’Un plan parfait est mort le 27 août à 54 ans. Son décès, dont les causes sont encore inconnues a été annoncé par un tweet du journaliste Christophe Carrière, de l’Express et suivi de nombreux hommages sur le réseau social, dont celui de Gad Elmaleh.Tres triste d'apprendre la mort de Pascal Chaumeil réalisateur de "L'arnacoeur"entre autres.Un super mec.La comédie perd un trésor.#blues— gadelmaleh (@Gad Elmaleh)require(["twitter/widgets"]);Après une longue carrière d’assistant et de réalisateur pour la télévision, Pascal Chaumeil avait connu le succès dès son premier long métrage pour le cinéma, L’Arnacœur, une comédie romantique sophistiquée sortie en 2010, avec pour premiers rôles Romain Duris et Vanessa Paradis. Ce coup d’essai avait remporté un grand succès public (3 798 089 entrées rappelle l’hebdomadaire Le Film français sur son site) et critique avant de glaner cinq nominations au César et d’en remporter deux, pour les seconds rôles Julie Ferrier et François Damiens. Les deux films suivant de Pascal Chaumeil n’avaient pas connu la même réussite. Le cinéaste venait de retrouver Romain Duris sur le plateau d’Un petit boulot, dont le tournage a eu lieu cet été et dont le sort est désormais incertain.Né en 1961 à Paris, Pascal Chaumeil a d’abord été l’assistant de Régis Wargnier pour Je suis le seigneur du château (1988) avant d’entamer une longue collaboration avec Luc Besson qu’il assiste sur Léon et dont il dirige la deuxième équipe pour Le Cinquième Elément et Jeanne d’Arc. A partir des années 2000, il travaille régulièrement pour la télévision réalisant entre autres la mini-série « L’Etat de grâce », avec Anne Consigny et des épisodes d’« Engrenages », de « Fais pas ci, fais pas ça ».En 2010, il passe donc au long métrage avec le succès déjà évoqué, mêlant avec sûreté la séduction romantique du couple principal Duris-Paradis et le burlesque des comparses Damiens-Ferrier. Cette assurance semble lui manquer pour son film suivant, Un plan parfait qui jette Danny Boon dans les bras de Diane Kruger. Malgré un budget de 27 millions d’euros, cette comédie peine à dépasser le million d’entrées et reste l’un des plus gros échecs commerciaux de l’année 2012.Présenté lors de l’édition 2014 du festival de Berlin, le troisième long métrage de Pascal Chaumeil, A Long Way Down, est tourné en anglais. Adapté d’un roman de Nick Hornsby, le film, interprété par Pierce Brosnan et Toni Collette est pour l’instant resté inédit en France. Le réalisateur revient alors à la télévision, réalisant les premiers épisodes de la série « Spotless » pour Canal+. Produit par la Gaumont, Un petit boulot, l’ultime film de Pascal Chaumeil était aussi adapté, par Michel Blanc, d’un roman anglo-saxon signé Iain Levinson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Huang Nubo, le « marchand lettré » To be ort not to be... Shakespeare A la conquête de l’Ouest (de l’Afrique) : les rubans coupés de Cotonoutous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Les Bouffes du Nord, l’espace vide idéal Le juge thé Jiang Shanqing, l’insatiabletous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Huang Nubo, le « marchand lettré » To be ort not to be... Shakespeare A la conquête de l’Ouest (de l’Afrique) : les rubans coupés de Cotonoutous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre (Lussas, Ardèche) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas, Ardèche)Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Cine+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à déchifrer.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 • Mis à jour le10.08.2015 à 15h45 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Imaginer le monde de demain Lalou Bize-Leroy, une grande dame du vin L’olivier entre en guerre dans les Pouillestous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 18.08.2015 à 08h22 | Jérôme Badie « Ce couteau fait partie de la famille depuis soixante ans. C’est l’ustensile le plus utilisé de la cuisine dans la maison de ma mère, à Ibiza, au bord de la mer, où je vis également. C’est là que j’ai tourné mon premier film More et là aussi que se déroule l’histoire d’Amnesia. Ma mère y a vécu seule pendant de nombreuses années, presque en autarcie, sans réfrigérateur ni lumière électrique. Ce couteau lui était absolument essentiel, il lui servait à tout. Pour couper le pain autant que le poisson.On a rafistolé son manche de nombreuses fois et on l’aiguise toujours pour lui redonner son tranchant redoutable. Quand on ne s’en sert pas, il y a un bouchon piqué au bout, comme un signal de danger pour les enfants. A l’origine, il appartenait à Juanito, un pêcheur d’Ibiza. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, Juanito fut une figure paternelle et initiatique pour moi, il m’a transmis bien plus que ce couteau. J’ai beaucoup appris de son humour, de sa bonne humeur communicative, mais aussi de sa sagesse acquise au cours de la vie. C’était un sacré personnage. Une sorte de bandit repenti qui avait perdu sa main lors d’une pêche à la dynamite. Il avait été marin dans le monde entier.C’est lui qui nous a offert ce couteau. Il est très ordinaire, un simple couteau de paysan. Pourtant, je lui trouve la beauté de ces objets de la vie quotidienne qui vieillissent. Tout l’inverse de celui que mon père avait acheté en Iran et que je conserve dans ma collection. Une antiquité qui date de 3 000 ans avant J.-C. Une véritable arme de guerre. Une merveille ! Autre couteau important pour moi : mon couteau suisse. Je ne voyage jamais sans. Même si je me sers plus régulièrement des outils que de la lame elle-même. Toutes ces pièces symbolisent un peu mes origines ou affections : la Suisse dont je porte la nationalité, l’Iran où je suis né. Et Ibiza que j’aime tant. Je ne me séparerai jamais de ce couteau. Je veux continuer à l’utiliser… A moins qu’un jour je finisse par le mettre sous verre ! »A voir : Amnesia, de Barbet Schroeder, en salles mercredi 19 août 2015.Jérôme Badie 15.08.2015 à 21h22 • Mis à jour le17.08.2015 à 08h10 Le Léopard d’or, récompense suprême du Festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long-métrage (cinq heures) japonais Happy Hour, de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h55 • Mis à jour le13.08.2015 à 08h56 Kylo Ren, general Hux, captain Phasma… de nouvelles images des méchants du prochain Star Wars, le très attendu Le Réveil de la force, ont été publiées par le site du magazine américain Entertainment Weekly.On y apprend que Kylo Ren (interprété par Adam Driver) et une armée du Premier Ordre, issue de l’Empire, vont mettre à sac un village paisible de la planète Jakku dans ce nouvel opus de la saga intergalactique, qui sortira le 18 décembre.Kylo Ren, révèle le réalisateur J. J. Abrams, n’est pas le « vrai » nom de ce personnage maléfique : il l’a adopté lorsqu’il a intégré l’ordre des Chevaliers de Ren.Lire notre reportage :« Star Wars Celebration » : entre fans costumés et grand-messe marketingUn Dark Vador « plein d’émotions »Le magazine laisse entendre que les parents du personnage pourraient être des visages bien connus de l’épopée. Lawrence Kasdan, le scénariste, fait aussi valoir que Kylo Ren, masqué et habillé d’un long habit noir à capuche évoquant l’allure du mythique Dark Vador, n’est pas un méchant comme les autres : « il est plein d’émotions ».#StarWarsTheForceAwakens photos show C-3PO's new look, Adam Driver's Vader-inspired Kylo Ren http://t.co/BtMIVva01v http://t.co/uNgotSmOgl— Variety (@Variety)require(["twitter/widgets"]);Le site du magazine montre aussi dans son portfolio une image de general Hux, vêtu d’un costume noir ceinturé et d’un long manteau à galons militaire. Il est décrit comme « un chef du Premier Ordre qui veut montrer la mesure de son pouvoir dans la galaxie ».Enfin, une autre image montre aussi captain Phasma, un combattant du Premier Ordre dissimulé par une massive armure métallique… ou bien une combattante ? Derrière cette silhouette massive au visage masqué se cache une actrice : la blonde Gwendoline Christie, l’une des stars de la série à succès Game of Thrones.Le studio Lucasfilm et sa maison-mère Disney ne divulguent qu’au compte-gouttes les informations sur le prochain épisode de la Guerre des étoiles. Les millions de fans de l’épopée spatiale espèrent en savoir un peu plus ce week-end lors de la convention Disney D23 à Anaheim, même si l’équipe du film, J. J. Abrams en tête, veut garder l’essentiel du secret intact.Lire : « Star Wars VII » : J.J. Abrams ou l'art de faire languir les fans 12.08.2015 à 14h48 • Mis à jour le12.08.2015 à 15h44 Uggie, le terrier Jack Russell qui avait (presque) volé la vedette à Jean Dujardin dans The Artist, est mort la semaine dernière à l’âge de 13 ans, révèle le site d’informations people TMZ, mercredi 12 août. Uggie, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a été euthanasié vendredi, écrit TMZ.Le terrier a joué dans une douzaine de films, ainsi que dans plusieurs publicités, mais c’est son rôle dans The Artist qui lui a valu la gloire. Lauréat de la Palme Dog à Cannes en 2011 et des Colliers d’or à Beverly Hills en février 2012, Uggie avait été l’un des personnages clés de la campagne de séduction de The Artist à Hollywood, où ce film français, muet et en noir et blanc, a remporté cinq Oscars en 2012, dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur pour Jean Dujardin.Empreinte sur le « Walk of Fame » et biographieL’engouement pour ce terrier Jack Russel né en 2002 était allé jusqu’à le laisser poser son empreinte sur le « Walk of Fame » de Los Angeles, le fameux trottoir des célébrités à Hollywood.Il avait ensuite été le représentant de la marque Nintendo pour le jeu vidéo Nintendogs + Cats. Uggie avait pris sa retraite en 2012 en pleine gloire, alors qu’il souffrait d’une maladie neurologique qui le faisait trembler. Son maître, Omar Von Muller, le décrivait alors comme « très fatigué ». Un livre de Wendy Holdena, publié en 2012, retraçait sa « carrière ». Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Documentaire à la demande sur OCS GoOCS Go et Vimeo.com donnent à voir deux versions de « Trespassing Bergman », passionnant et singulier hommage au cinéaste suédois.Le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman (1918-2007) possédait, dans sa salle de télévision, une collection de 1 711 cassettes VHS, méticuleusement classées par ordre alphabétique, quel qu’en fût le genre. La maison, moderne et austère, légèrement fantomatique mais magnifique, où cet ermite a passé les dernières quarante années de sa vie, sur l’île de Faro, en pleine mer baltique, est conservée en l’état.Six cinéastes ont été invités à la visiter par Jane Magnusson et Hynek Pallas, dans le cadre d’un passionnant documentaire en six parties, « Trespassing Bergman » (2013), que diffuse Orange sur son site de visionnage à la demande OCS Go : Tomas Alfredson, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Daniel Espinosa, Claire Denis, Michael Haneke et John Landis.Le principe est invariable : au moins un des films du réalisateur choisi doit faire partie de la collection de Bergman – en particulier quand celui-ci est agrémenté d’une note, de une à cinq étoiles. C’est le cas de La Pianiste (2001), de Michael Haneke, qui récolte quatre macarons – quand Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder, atteint le maximum.Cinéphilie gourmandeLe réalisateur suédois regardait tout : des Blues Brothers (1980), de John Landis, à Thirteen (2003), de Catherine Hardwicke, d’Alien (1979), de Ridley Scott, aux films de Woody Allen (avec qui Bergman s’entretenait fréquemment au téléphone), en passant par Emmanuelle (1974), de Just Jaeckin, la comédie musicale ou les films d’horreur des studios Hammer.Chaque numéro est agrémenté d’entretiens avec d’autres cinéastes et acteurs au générique des films de la collection de Bergman. Le tout est passionnant, de par la cinéphilie gourmande et l’émotion que suscite chez presque tous l’évocation de celui qui fut l’un des génies du septième art.On ne s’étonnera pas de propos violemment irrévérencieux de la part de Lars von Trier qui termine son entretien en disant « Fuck Bergman ! », mais ajoute : « Il n’a répondu à aucune de mes lettres, mais je l’adorais. » Claire Denis se sent presque mal et doit quitter l’intérieur de la maison du maître pour poursuivre l’entretien au soleil, devant les pins et la mer. Tomas Alfredson dit deux ou trois choses un peu « limite » mais on sent que son humour pinçant est un garde-fou à l’émotion.John Landis, affectueusement rigolard, ne cesse de relever les incongruités de cette demeure. Mais à la fin de l’entretien de ce sixième numéro – qui est peut-être le plus beau de tous, parce que consacré au cinéaste a priori le plus éloigné de l’univers de Bergman (qui adorait The Blues Brothers) –, il ne parvient pas à retenir ses larmes.Il faut signaler qu’un documentaire homonyme de près de deux heures a été réalisé en 2015 à partir du matériau tourné pour ces six épisodes. Les curieux auront intérêt à le consulter sur le site Vimeo.com : non seulement il ne suit pas la même dramaturgie que celle des six numéros séparés (qui ont chacun un thème : la comédie, la mort, la peur, etc.), mais il donne à voir d’autres extraits d’entretiens et informe davantage sur le cinéaste et son œuvre.« Trespassing Bergman », de Jane Magnusson et Hynek Pallas (Suède, 2013, 6 x 43 min). OCS Go à la demande. Version de 1 h4 7 sur Vimeo.com. Location : 4,52 € (visionnage pendant 48 heures).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Le métier d’historien du cinéma ne prédispose pas particulièrement à la reconnaissance du grand public. Leur panthéon n’en existe pas moins, parmi cette communauté un peu secrète qu’ont toujours formée les cinéphiles. Raymond Chirat, mort mercredi 26 août à Lyon, à l’âge de 93 ans, y entre aujourd’hui par la grande porte, pour y rejoindre le légendaire Georges Sadoul.Ajoutons, s’agissant de Chirat, l’origine lyonnaise (il y aura habité toute sa vie le même appartement, boulevard de Saxe), qui nourrit une fierté locale dont Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et délégué général du Festival de Cannes, a témoigné en lui rendant un hommage vibrant (« C’était le plus grand des historiens du cinéma français »).Erudit discret et passionnéLa raison de cet hommage dépasse évidemment la question des origines. On doit, en effet, à cet érudit discret et néanmoins passionné une Histoire du cinéma français – encyclopédie des films en sept volumes (Editions Pygmalion), coécrite avec Maurice Bessy (qui fut délégué général du festival de Cannes) et André Bernard (collectionneur et écrivain de cinéma invétéré), qui fait date, ne serait-ce qu’en réunissant tous les films français réalisés entre 1929 et 1970.Autant dire que Raymond Chirat a pour ainsi dire vu tous les films français, et la chair qu’il en tirait n’était pas triste pour autant. En témoigne la pléthore d’ouvrages qu’il a consacrés à sa spécialité, bon nombre étant cosignés avec Olivier Barrot, depuis la monographie (Julien Duvivier, Henri Decoin, Sacha Guitry, Louis Jouvet) jusqu’à l’ouvrage thématique (Les Excentriques du cinéma français), cela pour ne rien dire du rôle de passeur qui fut le sien auprès d’autres chercheurs et étudiants. Il avait fondé la bibliothèque de l’Institut Lumière, qui porte aujourd’hui son nom, et où tout chercheur qui y consulte désormais un livre lui rend un hommage mérité.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Film, à 20 h 45, sur Ciné+ Premier Un film personnel sur les guerres irlandaises du début des années 1920, Palme d’or à Cannes en 2006.Les premières séquences montrent la famille O’Donovan en butte à la brutalité des troupes britanniques, et une réalité vieille de bientôt un siècle reprend vie. En 1922, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a pris les armes contre l’empire, dans l’espoir de mener l’ultime bataille d’une guerre qui a commencé au XIIe siècle. Pour garder l’Irlande dans le giron du royaume, Londres a envoyé des troupes dont l’armature est faite d’anciens combattants de la première guerre mondiale.Dès le prologue, Ken Loach met, donc, en scène les forces d’occupation à l’œuvre dans une ferme irlandaise : insultes racistes, brutalités qui dissimulent à peine la panique latente de militaires en milieu hostile, et la conclusion logique de cette histoire que l’humanité aime à répéter : l’exécution d’un innocent – sommaire, ignoble, mais presque involontaire.Le jeune Damien O’Donovan (Cillian Murphy) y assiste. Il s’apprête à regagner l’Angleterre pour commencer sa carrière de médecin. Cette atrocité et la bêtise d’un militaire chargé de surveiller le train qui doit l’emmener le font basculer : après un séjour en prison, Damien rejoint l’IRA, où il retrouve son frère Teddy (Padraic Delaney), qui monte dans la hiérarchie de l’organisation.Fureur froideAu fil du scénario de Paul Laverty, toutes les figures du film de résistance (l’initiation du jeune combattant à la cruauté, les choix difficiles entre la protection des populations et l’offensive contre l’ennemi…), tel qu’il s’est pratiqué depuis l’invention du cinéma, s’accomplissent. Et pourtant, Le vent se lève est un film profondément personnel.Ken Loach est d’une génération et d’une école de pensée qui le poussent à porter sur les événements d’Irlande un regard tranché. Il ne faudra pas chercher dans son film des excuses ou de bonnes raisons à la politique britannique, et la dernière partie est empreinte d’une fureur froide à l’encontre des traîtres qui préférèrent signer un compromis avec Londres plutôt que de mener jusqu’au bout le combat pour une Irlande unifiée et socialiste.Le titre original du film est celui d’une complainte irlandaise : The Wind that Shakes the Barley – « le vent qui agite l’orge ». Il convient mieux au film que l’épique Le vent se lève. Pour Loach, le vent de l’histoire souffle et agite les hommes sans plus d’égards qu’il n’en témoigne pour les épis. A chaque fois qu’il a mis en scène ce spectacle, Loach a pris parti. Il continue de le faire, mais il y met une sérénité, une compassion, qui en font l’un de ses films les plus émouvants.Le vent se lève, de Ken Loach. Avec Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham (Irl.-GB, 2006, 125 min). Jeudi 27 août, à 20 h 45 sur Cine+ Premier.Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Des treize films réalisés par Stanley Kubrick, Orange mécanique fut celui, qui, dès sa sortie en 1971, obtint le plus grand succès public. Après le retentissement provoqué par 2001, l'Odyssée de l'espace (1968), Kubrick travailla pendant plusieurs années sur une biographie de Napoléon qu'il n'arriva pas à finaliser. Il se rabattit alors sur un roman d'Anthony Burgess, A Clockwork Orange, publié en 1962, qui relate, dans un avenir proche, le quotidien d'« une jeunesse insatisfaite, dans l'incapacité de créer, qui éprouve le besoin de détruire », dixit l'auteur.A l'exception de la fin, Kubrick respecta à la lettre le roman de Burgess et s'attacha à reproduire dans les dialogues la langue inventée par l'écrivain, le nadsat, mélange de cockney et d'argot russe. De cette histoire d'un « droog » qui viole la femme d'un écrivain en chantant Singing in the Rain et s'envoie en l'air en écoutant la Neuvième symphonie de Beethoven, Kubrick tira une comédie noire et pessimiste, qui sonnait le glas des illusions de liberté et de désir post-Mai 1968.Utilisation baroque de la musique de BeethovenObsédé par la conception du Bien et du Mal, Kubrick reprend ici le message de toute son œuvre, à savoir que l'homme est un pion dans une organisation sociale et politique qui le dépasse. Lors de la sortie du film, ce propos fut hélas occulté par l'émoi suscité par les scènes très esthétisées d'ultra-violence et de sexe. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'on en perçoit toute la volonté de satire sociale et de réflexion autour de la folie et du conditionnement psychologique qu'un gouvernement peut imposer à ses citoyens.De ce film magnifique, qui joue sur une violence expressionniste et une théâtralité de la mort, on retiendra, bien sûr, la silhouette, en chapeau melon et canne, à contre-jour dans un tunnel londonien, d'Alex, magistralement interprété par Malcolm McDowell. Mais aussi l'utilisation baroque de la musique de Beethoven, de Rossini ou de Purcell par Walter Carlos (devenu Wendy Carlos), qui, en l'interprétant sur un synthétiseur Moog, confère une étrangeté presque surréelle aux scènes qu'elle accompagne.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Ciné+ Club à 20 h 45 Haifaa Al-Mansour signe avec « Wadjda » le premier long-métrage saoudien. Un pays où tout est à défricher.Que peut-on attendre d’un film surgi du désert ? Cent neuf ans après le premier long-métrage de l’histoire du cinéma (The Story ofThe Kelly Gang, réalisé en Australie), en 1906, Wadjda arrive d’un pays, l’Arabie saoudite, qui n’avait jamais produit de film, pas plus qu’on ne les y regarde.Que pouvait-on attendre en fait de ce premier film ? Une expérience brute ? Une vision distancée, produite par un exilé ? Une œuvre de propagande à la gloire du régime ? Wadjda n’est rien de cela. C’est une comédie teintée d’amertume, qui raconte le choc entre une petite fille rebelle, sur le point de devenir femme, et un ordre établi qui n’a pas prévu d’autre place pour elle que celle d’épouse et mère.Ironie rageuseOn découvre Wadjda (Waad Mohammed) à l’école dans un groupe de fillettes vêtues de longues robes noires, la tête découverte. Elles sont chaussées de souliers vernis, sauf Wadjda, qui est en baskets. Elle se heurte une première fois à l’institutrice. Sur le chemin entre l’école et la maison, son regard est attiré par une bicyclette, dont l’usage est interdit aux filles. Les efforts désespérés de la fillette pour en faire l’acquisition sont mis en scène avec un humour dans lequel on peut sans doute discerner une ironie rageuse.Pour réunir l’argent nécessaire à l’achat du vélo, Wadjda décide ainsi de participer à un concours de récitation et de commentaire du Coran, qu’elle prépare avec un sérieux déconcertant.On découvre la vie quotidienne de la mère de l’enfant (Reem Abdullah), qui affronte tant bien que mal l’annonce du second mariage de son époux. On voit aussi, en arrière-plan, une campagne électorale locale, la vie quotidienne des boutiquiers, des employés de la capitale saoudienne.Wadjda montre l’intimité du foyer, le mélange entre les vestiges d’une vie dont on ne veut pas s’avouer qu’elle a disparu à jamais et la normalité moderne (télévision, consommation…). Et si l’existence même du film, sa réussite et le plaisir qu’il procure sont un sujet d’optimisme, Haifaa Al-Mansour mène son récit jusqu’au bout. Sa conclusion rappelle que l’optimisme est pour l’instant réservé aux observateurs, interdit aux femmes ou aux petites filles qui n’ont pas d’autre perspective que de passer le reste de leur existence dans ce royaume qui produit quelque 10 millions de barils de pétrole par jour et un film par siècle.Wadjda, de Haifaa Al-Mansour. Avec Reem Abdullah, Waad Mohammed, Ahd (Arabie saoudite, 2013, 100 min). Mercredi 26 août, à 20 h 45, sur Cine+ Club.Thomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier Tandis que le dernier volet de la saga portugaise fantastico-légendaire de Miguel Gomes, Les Mille et Une Nuits, vient clore en beauté la saison estivale, Dheepan, la Palme d’or signée Jacques Audiard, annonce la rentrée en fanfare. Deux événements qui ne doivent pas occulter les délicats Ventos de agosto, de Gabriel Mascaro et Derrière le mur, la Californie, de Marten Persiel, ni la ressortie du toujours glaçant Scum, d’Alan Clarke.PALME DE BRUIT ET DE FUREUR : « Dheepan », de Jacques AudiardVoilà quelques années qu’ils se tournaient autour, Jacques Audiard et la Palme d’or, récompense suprême du Festival de Cannes, notamment depuis le succès d’Un prophète (2009), film incisif et charmeur. Le cinéaste l’a enfin décrochée en mai avec son septième long-métrage, consacré au destin d’une famille de réfugiés sri-lankais officiant comme gardiens dans une cité chaude de la banlieue parisienne.Film français de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby (1 h 55).CLAP DE FIN : « Les Mille et Une Nuits - L’Enchanté », de Miguel Gomes Ce troisième volet du feuilleton cinématographique estival, qui constitue l’une des expériences les plus singulières de l’histoire du cinéma, donne à voir, comme les deux précédents opus, la réalité d’un Portugal confronté à la crise économique et à une dure politique d’austérité. Il calque son principe sur celui des Mille et Une Nuits, soit un enchevêtrement de récits narrés, guidé par l’urgence et la survie.Film portugais de Miguel Gomes, avec Crista Alfaiate, Carloto Cotta, Guo Jinglin (2 h 05).SENSUEL ET ATMOSPHÉRIQUE : « Ventos de agosto », de Gabriel MascaroPour son premier long-métrage de fiction, Gabriel Mascaro, un jeune réalisateur venu du documentaire, né en 1983 à Recife (Brésil), offre une parabole sensuelle sur le cycle de la vie. Avec ces Vents d’août (en français), il privilégie l’atmosphère par rapport à la narration, le concept par rapport à la dramaturgie.Film brésilien de Gabriel Mascaro, avec Dandara de Morais, Geova Manoel dos Santos, Maria Salvino dos Santos (1 h 17).SKATEBOARD BLUES EN RDA : « Derrière le mur, la Californie », de Marten PersielMêlant documentaire et fiction, ce film fait un portrait à peine mélancolique des jeunes skateurs nés dans les années 1970 en RDA. Le tissage des formes et des modes de narration auquel il se livre est parfois hasardeux, mais plus souvent poétique. Son exubérance offre en tout cas un bel écho au besoin fou de liberté de la génération qu’il peint.Film allemand de Marten Persiel, avec David Nathan, Anneke Schwabe, Zaneta Fuchsova (1 h 30).CAUCHEMAR CARCÉRAL DANS L’ANGLETERRE DE THATCHER : « Scum », d’Alan ClarkeLa nouvelle sortie de Scum, long-métrage réalisé par Alan Clarke en 1979, ravive le souvenir des borstals, ces établissements pénitentiaires britanniques où l’on enfermait les jeunes délinquants pour les « redresser », selon la terminologie française. Avec ce film de prison, glacial et terriblement élégant, l’auteur rend compte de la mécanique à la fois simple et folle, qui se nourrit de la chair humaine que le système judiciaire lui fournit. Nul besoin d’une imagination débordante pour y voir une représentation de l’Angleterre de la fin des années 1970, celle qui vit à la fois l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, les émeutes urbaines et l’explosion punk.Film britannique en version restaurée d’Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (1 h 38).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Il est rare de pouvoir affirmer sans passer pour un godelureau qu'un film est un pur chef-d'œuvre. C'est pourtant le cas de The Last Waltz, de Martin Scorsese. Sorti en 1978, il appartient à la fois à l'histoire du cinéma et à celle de la musique. Il s'agit d'un des meilleurs films consacrés au rock. Nous sommes le 25 novembre 1976 au Winterland Ballroom, une salle de concert de San Francisco. Après seize ans sur la route, The Band, groupe mythique composé de Robbie Robertson, Richard Manuel, Rick Danko, Garth Hudson et Levon Helm, tire sa révérence en donnant un dernier concert.Quelques amis s'y sont invités : Bob Dylan bien sûr, que les Canadiens ont accompagné lors de sa conversion à la musique électrique, Joni Mitchell, Muddy Waters, Eric Clapton, Van Morrison, Ringo Starr, et tant d'autres. Robbie Robertson, le guitariste, contacte Martin Scorsese qui vient d'achever New York, New York. Ces deux-là se sont rencontrés à Woodstock, en 1971, où le réalisateur était alors cadreur du film tourné pendant le festival. Le groupe, de son côté, vit dans le village de Woodstock où il travaille avec Dylan à l'album le plus secret de l'histoire du rock, The Basement Tapes.« La crème du rock » De plus, Tom Taplin, le manageur de The Band, est le producteur de Mean Streets et de Taxi Driver, les premiers films de Scorsese. Bref, tout le monde se connaît. Interrogé par Yves Bigot dans son livre Plus célèbres que le Christ (2004), Robertson raconte : « C'était la fin d'un cycle, d'une ère musicale, d'une époque. La crème du rock et de la musique américaine était là, dans toute sa diversité. Il fallait tout saisir sur le champ, il n'y avait pas de seconde chance. Tous les ingrédients étaient réunis pour quelque chose de magique, mais sans garantie : ça passe ou ça casse. » Et cela fait bien plus que passer...Dans un décor emprunté à l'Opéra de San Francisco, Scorsese filme plus qu'un concert d'amis. Ses caméras caressent la musique et lui donnent une élégance classique. En chantant Forever Young, Dylan sourit. Et Muddy Waters, en psalmodiant Mannish Boy, prouve que tout vient de là, du blues. The Last Waltz est une sorte de miracle, un instant magique, avant que le rock ne bascule dans le barnum commercial et médiatique actuel.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Film sur Canal+ à 21 heures Recourant à un format inédit, Xavier Dolan traduit avec une justesse absolue les sentiments.Xavier Dolan, dont on sait depuis huit ans, depuis ses 18 ans, qu’il ne s’embarrasse pas de ce qui est venu avant lui, a choisi de raconter une histoire dans un carré. Le carré, dit-il, est favorable au portrait, à la communication des sentiments. De sentiments, Mommy en est saturé, des meilleurs aux pires, de l’amour à la destruction, de la solidarité à la haine. Mais le carré, c’est aussi le format des cases, des cellules, des espaces où l’on enferme. Et Mommy est aussi une tragédie, qui sépare des personnages par les moyens mêmes qui devraient les unir – amour, amitié, solidarité.Il a beau s’en défendre, Xavier Dolan est obsédé par les ravages que peut exercer l’amour maternel sur une existence. C’était le thème central de J’ai tué ma mère (2009)et l’un des ressorts dramatiques de Laurence Anyways (2012) et de Tom à la ferme (2014).Diane Després, dite « Die » (Anne Dorval), est un peu à la ramasse. Du genre à ne pouvoir passer un carrefour en voiture sans se faire accrocher. Au début du film, son fils Steve (Antoine Olivier Pilon) est interné dans un centre un peu thérapeutique, un peu carcéral, dont il se fait renvoyer pour avoir incendié la cafétéria (et l’un de ses codétenus). Désormais affligée à plein temps de cet adolescent, Die se débat puis se bat avec lui. Cet affrontement terrifiant provoque l’intervention de la voisine d’en face.Trois êtres abîmésDie vit dans un lotissement cossu, souvenir du temps où le père de Steve était encore de ce monde. Et la femme d’en face, Kyla (Suzanne Clément), n’est pas une pauvresse un peu vulgaire qui parle en joual comme Die. C’est une enseignante, mariée à un cadre supérieur, qui fut la mère de deux enfants avant que l’un disparaisse. Ce traumatisme, ou un autre, l’a frappée d’un trouble de l’élocution, qui la fait parler comme d’autres défèquent. « Pousse », lui dit Steve, que rien ne peut empêcher de nommer les choses.Entre ces trois êtres abîmés, enfermés chacun dans son carré, Xavier Dolan esquisse la construction d’une utopie. Die y contribuerait par son énergie, sa sensualité ; Kyla son savoir, son obstination raisonnée ; et Steve représenterait l’espoir d’un autre ordre, qui ferait sa place au désir et à la déraison. Dans ces images qui ressemblent à des Polaroid saisis dans l’instant, aux visions d’un voyeur pénétrant dans les intimités les plus secrètes, ou à des cartes postales, les trois comédiens révèlent tout de leur personnage, forçant le spectateur à sortir de sa position de témoin pour devenir le quatrième protagoniste de la tragédie.Car quoi qu’en dise Xavier Dolan, Mommy est une tragédie. Son scénario, d’une précision quasi maniaque, dispose les agents du destin sous des formes anodines (un facteur, un huissier au maintien ridicule…), mais inexorables. Car, dès le début, une série de cartons nous a prévenus : Mommy ne se passe pas dans le monde réel, mais dans un Canada où une loi, dite « S-14 », autorise les parents à abandonner leurs enfants récalcitrants aux bons soins d’un système psychiatrico-pénitentiaire.Cette histoire d’amour, comme les autres, finira mal. Pourtant, le goût qu’elle laisse n’est pas amer. Die, Steve et Kyla n’ont pas démérité. On ne leur tiendra pas rigueur de leurs faiblesses, de leurs lâchetés, de leurs défauts constitutifs. Enfant de son temps, Xavier Dolan met en scène des existences bornées par toutes les contraintes, mais réussit à convaincre qu’elles valent la peine d’être vécues.« Mommy », de Xavier Dolan. Avec Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément (Can., 2014, 135 min). Mardi 25 août sur Canal+ à 21 heures.Thomas SotinelJournaliste au Monde 22.08.2015 à 13h19 • Mis à jour le24.08.2015 à 08h19 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) La nuit est encore plus belle à Lussas (Ardèche), sur les écrans et lors des projections à la belle étoile… Alors que la 27e édition des Etats généraux du film documentaire, organisée du 16 au 22 août, se termine, citons deux pépites nocturnes, choc esthétique et émotionnel de cette manifestation non-compétitive : tout d’abord La Nuit et l’enfant de David Yon, tourné en Algérie sans autorisation, donc à la lumière des ombres de la notte ; ensuite J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd, de Laetitia Carton, découvert en plein air à 22 heures, commenté jusqu’à point d’heure aux terrasses de café, avec un public qui n’était pas tout à fait le même que d’habitude : il y avait quelques personnes sourdes, et une autre, autiste, qui a lancé des cris déchirants dans le ciel étoilé, à des moments forts du film. Ces deux documentaires, très différents, dans leur forme et leur propos, ont en commun d’être une histoire d’amitié. La Nuit et l’enfant, sélectionné au Festival de Berlin, était projeté, vendredi 21 août, dans le cadre d’un atelier passionnant sur la fable documentaire. Ou comment fabrique-t-on des œuvres à la lisière de la fiction et du réel – dans l’esprit des 1001 nuits de Miguel Gomes, à l’affiche de Lussas également. Né en 1979, David Yon se rend régulièrement à Djelfa, en Algérie, depuis 2006, pour voir ses amis. Ils lui avaient déjà inspiré un précédent film, Les Oiseaux d’Arabie (2009). La Nuit et l’enfant est une traversée, dont chaque plan est un tableau en clair-obscur, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Tariq Teguia. Nul besoin de faire le récit, il faut se laisser emmener par les fragments, les sensations que procurent ces images en forme de peurs enfouies, ou de rêves toujours présents. Le jeune homme Lamine peut avoir peur, il n’est pas seul : l’enfant, Aness, qui n’a pas connu les traumatismes de la guerre, a l’énergie pour le soutenir…Documentaire, fiction ? Après la séance, David Yon, pesant chaque mot, et aussi lunaire que réfléchi, raconte le tournage très particulier. Il connaît tellement bien ses acteurs qu’il leur a laissé dire ce qu’ils voulaient devant la caméra. Quand ses amis parlent arabe, il ne les comprend pas. « Cela a créé d’heureux malentendus », sourit le réalisateur. Et comme il connaît bien leurs gestes, leurs attitudes, il leur a demandé de s’exprimer avec leur corps. Ainsi, Aness adore fouetter les arbustes piquants… Il y a de la peinture là-dedans, du découpage, du rythme, et beaucoup de signes. On croit sans peine David Yon, par ailleurs animateur de la revue Dérives, lorsqu’il explique qu’il est particulièrement attentif à l’image, et au cadrage.Certaines scènes sont tournées avec un appareil photo et une lampe de poche… « C’est en voyant les rushes, qu’un autre ami algérien m’a traduits, que le récit a pu se construire. Lamine et Aness nous sont apparus comme les deux acteurs qui tenaient le film. Entre autres, ils parlent de leur enfance, ou de celle qu’ils n’ont pas eue… On a tressé une histoire entre eux », raconte-t-il, le plus simplement du monde. Donner une telle prise au hasard pourrait laisser perplexe, mais David Yon sait tellement quel genre de cinéma il veut produire que ce lâcher-prise est surtout le signe qu’un cinéaste passionnant est en train de nous arriver.Avec « J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd », Laetitia Carton, a fait exploser un cri de joie à Lussas, en faisant découvrir aux festivaliers le pays des sourds. Au point que l’équipe du festival s’est dit prête à examiner la possibilité d’une résidence d’écriture avec des réalisateurs sourds, dès 2016. Car il y en a, mais qui le sait ? Les sourds se mobilisent aussi, ne sont pas dans la plainte. Sur place, durant le festival, ils n’ont pas hésité à rencontrer l’équipe qui est en train de monter la plateforme de documentaires de création sur abonnement. Il faut sous-titrer les films, et on vous donne les contacts pour trouver l’argent… J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd est le récit de quinze ans de militance et de complicité avec des amis sourds, en forme de lettre envoyée à un ami sourd qui s’est donné la mort. La cinéaste n’emploie jamais le mot « malentendant », synonyme de handicap. « Les personnes sourdes ne sont pas des handicapées. Ils sont comme nous, ils ont leur vie, et surtout ils ont cette langue des signes dans laquelle ils se sentent bien. Le problème, c’est qu’ils sont invisibles aux yeux de la société qui les néglige. Il est là, le scandale », résume-t-elle. Laetitia Carton a réussi à transformer la colère qu’elle avait emmagasinée en un film poétique, subversif et « réjouissif » : cela donne même envie d’inventer un mot, puisqu’il est question de langage… Le spectateur suit le parcours de différents groupes : une famille, parents sourds et enfants sourds, qui, après des galères, finit par découvrir une oasis, l’école de Ramonville, toute proche de Toulouse, dotée du personnel nécessaire et compétent pour accueillir des élèves sourds, ou pas d’ailleurs.Il y a aussi ces marcheurs du silence qui parcourent des centaines de kilomètres dans l’espoir que les médias – aie, aie, aie… – finiront bien un jour par s’intéresser à eux. Le film dénonce ceux qui, dans le corps médical, estiment qu’il faut appareiller les sourds, afin qu’ils entendent comme les gens normaux. Mais c’est qui, les gens normaux, interroge le film ? La langue des signes apparaît comme une chorégraphie, un langage du corps. La jeune cinéaste l’a apprise, et signe à l’écran pour tendre une passerelle entre les deux mondes. Le verbe « signer » a pris un autre sens pour beaucoup de spectateurs. La scène finale, en présence de la chanteuse Camille, atteint des sommets de grâce chorale. Disons juste qu’elle nous donne envie d’un dernier jeu de mot : « I am signing in the rain ! »…Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 20.08.2015 à 18h39 • Mis à jour le20.08.2015 à 18h43 | Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche)) C’est l’un des films événement des Etats généraux du film documentaire de Lussas, organisés du 16 au 22 août : Homeland (Irak année zéro), d’Abbas Fahdel. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur, avant et après l’intervention américaine de 2003. La caméra est à l’affût de tout, comme s’il y avait urgence à conserver une mémoire avant destruction. Le documentaire fleuve de 5 heures et 34 minutes, découpé en deux parties – l’avant et l’après –, a obtenu le prix du meilleur long-métrage (Sesterce d’or) au festival Visions du Réel, à Nyons (Suisse), et vient d’être primé à Locarno (Doc Alliance Selection Award).Lire aussi :Dans un paysage hostile, Lussas se réinventeLa projection de Homeland à Lussas commencée à 14 h 30, mardi 18 août, s’est achevée vers 22 heures, à l’issue d’un débat. Pendant la pause, vers 17 heures, le réalisateur recevait un message d’un distributeur américain, désireux de sortir le film aux Etats-Unis. Homeland est déjà programmé au New York Film Festival (du 25 septembre au 11 octobre), nous dit-il. En France, le documentaire sortira au printemps 2016.Citant Godard, selon lequel « un grand film documentaire tend toujours vers une fiction », Abbas Fahdel a choisi ses « personnages » de Homeland, des membres de sa famille. Son beau-frère, ancien ingénieur de la radio irakienne, dont le bâtiment a été détruit ; sa nièce, étudiante, et tout particulièrement son neveu, Haidar, tout jeune adolescent qui devient vite le moteur du film, tant il est vif, drôle, et curieux de la terrible actualité de son pays. Dès le premier volet, le spectateur apprend sa mort prochaine. Il décédera après l’intervention américaine, dans un pays en plein chaos, victime de tireurs inconnus. « Il m’a fallu dix ans pour faire le deuil de Haidar, et replonger dans les rushes », explique sobrement Abbas Fahdel. « Ce film, c’est ma vie »« Ce film, c’est ma vie », ajoute le réalisateur, auteur de Nous les Irakiens (2004) – un 52 minutes coproduit par Agat Films – et d’une fiction, A l’aube du monde (2008). Né en Irak, à Babylone, à une centaine de kilomètres de Bagdad, Abbas Fahdel a quitté le pays à 18 ans pour étudier le cinéma, à Paris. « C’était dans les années 1980. J’ai eu pour professeurs Eric Rohmer, Jean Rouch, Serge Daney. J’ai forgé ma vocation de cinéaste pendant mon adolescence, en Irak. Il y avait une trentaine de salles rien qu’à Bagdad ! J’ai découvert les films de Buñuel, de Hitchcock, d’Antonioni, sous-titrés en arabe. Le Mépris de Godard a été une révélation », dit-il.Quand, en 2002, la perspective d’une intervention américaine se profile, Abbas Fahdel décide de retourner dans son pays. Il avait toujours gardé un vague sentiment de culpabilité depuis son départ. « Tout le monde savait que Bush allait déclencher les hostilités, mais on ne savait pas la date. J’avais peur pour ma famille, et je voulais documenter ce moment historique. »Le volet 1 du film est une chronique de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…« C’est comme des paysans qui s’attendent à un hiver rigoureux. Ils savent faire », résume Abbas Fahdel. Les Irakiens sont abonnés aux privations depuis plus de trente ans : « Il y a eu la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988, puis, après un court répit, l’intervention américaine de 1991, avec la coalition internationale. Ont suivi les douze ans d’embargo, qui sont peut-être pire que la guerre, et génèrent de la rancœur… Les gens de Daesh, aujourd’hui, c’est aussi la génération de l’embargo. » Entre 2002 et 2003, Abbas Fahdel tournait, tournait, et toujours pas d’invasion américaine. « Je suis reparti à Paris en mars 2003. Trois jours plus tard, l’intervention américaine avait lieu ! Le temps que je m’organise, je suis revenu quelques semaines plus tard. La ville de Bagdad était déjà tombée… » « Un bon antidote à “American Sniper” »Dans le volet 2, la famille du réalisateur témoigne de cette guerre qui aboutit très vite, après l’invasion du 20 mars 2003, à la défaite de l’armée irakienne. Mais cette fois-ci, il faut sortir de la maison, aller sur le terrain, filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées. Le cinéaste embarque sa caméra dans la voiture de son beau-frère, qui fait le chauffeur et accompagne ses enfants à l’école, à l’université…Son ami, le comédien et metteur en scène Sami Kaftan, « aussi connu en Irak que Robert De Niro aux Etats-Unis », lui sert de « couverture » pour filmer à l’extérieur. Il lui permet aussi d’accéder aux studios de cinéma de Bagdad, dont on peut constater l’état de ruine, avec des tables de montage hors d’usage, et des montagnes de pellicules abandonnées.Malgré le désastre, le film garde une certaine énergie, et toujours cette élégance de ne pas montrer l’hystérie ambiante. Le cinéaste fait part de ses sentiments mêlés : « Ce film est contaminé par mon bonheur d’être avec les miens. Et pourtant, l’Irak est invivable. Quand je suis en France, je deviens pessimiste sur mon pays. Tous les jours, on compte une dizaine de morts, mais plus personne n’en parle. C’est devenu la routine. Mais quand j’y retourne, je retrouve un peu d’espoir », dit-il, en évoquant les manifestations de ces dernières semaines : « Une nouvelle génération ose brandir ses slogans : “Ni sunnites, ni chiites. On veut un Etat laïque”. »Enfin, Abbas Fahdel n’est pas peu fier de citer ce commentaire du réalisateur américain engagé Jonathan Nossiter : « Sur sa page Facebook, il dit que Homeland est un bon antidote à American Sniper », le récent film de Clint Eastwood, sur un tireur d’élite envoyé en Irak.Clarisse Fabre (Lussas (Ardèche))Reporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Si l’été est devenu une saison cinématographique presque comme les autres, la troisième quinzaine d’août semble encore faire figure d’épouvantail pour les distributeurs. Seuls sept nouveaux films arrivent cette semaine sur les écrans, parmi lesquels la rédaction du « Monde » vous en recommande deux : « Amnesia » de Barbet Schroeder, et « La Belle Saison » de Catherine Corsini. Et en bonus, la reprise d’« Indiscret », comédie sentimentale de Stanley Donen avec, en vedette, le couple hitchcockien Ingrid Bergman et Cary Grant.RETOUR À LA MAISON : « Amnesia », de Barbet SchroederQuarante-six ans après son premier long-métrage, « More » (sorti en 1969), Barbet Schroeder est revenu tourner dans la maison d’Ibiza qui lui servait de décor, la maison de sa mère dont la blancheur semblait alors cruelle, indifférente au mal de vivre des junkies. Film d’apaisement et de réconciliation, regorgeant de souvenirs, « Amnesia » se déroule en 1990, juste après la chute du Mur. Une belle ermite interprétée par Marthe Keller vit réfugiée dans ces lieux, loin de son Allemagne natale dont elle refuse de parler la langue, de conserver la mémoire. Elle fait la connaissance d’un jeune DJ électro, qui rêve de mixer un jour sur la scène du club mythique de L’Amnesia.AMOURS LIBRES : « La Belle Saison », de Catherine CorsiniA travers les personnages de Delphine et de Carole, deux femmes qui s’aiment dans la France des années 1970, la réalisatrice des « Amoureux » (1993) et de « La Répétition » (2001) a souhaité rendre hommage aux mouvements d’émancipation de l’époque, aux luttes féministes, et en particulier à deux grandes figures de ce mouvement, l’actrice Delphine Seyrig et la vidéaste Carole Roussopoulos. Un film qui doit beaucoup à la formidable interprétation de ses deux actrices, Izïa Higelin et Cécile de France.LA ROMANCE DE LA DERNIÈRE CHANCE : « Indiscret » de Stanley DonenLongtemps réputé pour ses comédies musicales (Un jour à New York, Chantons sous la pluie), Stanley Donen a aussi signé, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, de brillantes comédies sentimentales. Réalisé en 1958, Indiscret reconstitue un couple mythique, celui qu’Hitchcock avait créé, douze ans plus tôt, pour Les Enchaînés, avec Cary Grant et Ingrid Bergman. S’il y eut, deux décennies plus tôt, une vogue de ce que le philosophe américain Stanley Cavell appelait « la comédie de remariage » (un couple se défait pour mieux se reconstituer in fine), Indiscret relèverait plutôt d’une comédie « de la dernière chance. En effet, sans que rien ne soit souligné, grâce au charisme des acteurs, s’exprime, dans les stratégies amoureuses adoptées, un certain sentiment d’urgence. Il faut se dépêcher avant que tout ne prenne fin.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.08.2015 à 21h22 Le Léopard d’or, récompense suprême du festival de Locarno, en Suisse, dont la 68e édition était organisée du 12 au 15 août, a été attribué à Jigeumeun matgo geuttaeneun teullida (Raison aujourd’hui, tort hier), du cinéaste coréen Hong Sang-soo. L’interprète masculin du film, Jung Jae-Young, a été également distingué par le jury qui comptait parmi ses membres les réalisateurs Jerry Schatzberg et Nadav Lapid.Le prix d’interprétation féminine a été collectivement attribué aux interprètes du très long métrage (cinq heures) japonais Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi. Cosmos, le premier film d’Andrzej Zulawski depuis quinze ans, a remporté le prix de la réalisation pendant que Tikkun, de l’Israélien Avishai Shivan, se voyait attribuer le prix spécial du jury. Dans la section Cinéastes du présent, Tithi, de l’Indien Raam Reddy, a reçu le grand prix ainsi que le prix du premier film.Lire aussi :A Locarno, grosses machines et œuvres « radicales » 13.08.2015 à 06h45 • Mis à jour le13.08.2015 à 07h24 12.08.2015 à 06h50 • Mis à jour le12.08.2015 à 07h36 | Thomas Sotinel Ce mercredi, que la logique de la liturgie mariale, des congés payés et de la météo aurait dû condamner à la disette, propose un choix difficile à qui voudra remplacer la lumière solaire par celle des lampes de projecteur. Et puisque les journées sont longues et souvent libres, pourquoi ne pas refuser de choisir et voir quatre ou cinq de ces sorties quasi miraculeuses.Dans le labyrinthe d’un esprit qui s’en va : « Floride », avec Jean Rochefort De l’origine théâtrale du scénario (la pièce Le Père, de Florian Zeller, créée par Robert Hirsch), on ne devine plus rien dans le beau film de Philippe Le Guay (Alceste à bicyclette). Il met en scène le dérèglement de l’esprit d’un homme qui fut un bon patron, un mauvais époux. Incarné par Jean Rochefort, ce personnage passe du statut de représentant des légions de vieillards atteint de démence sénile, à la singularité des plus beaux héros de la fiction.Film français de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain. (1 h 50)Une fille de glace met l’Espagne en crise à sang et à feu : « La niña de fuego »Salué par Pedro Almodovar, ce second long-métrage d’un jeune cinéaste construit un puzzle sanglant dans lequel se heurtent les destins d’une femme très belle qui vit au bord de la folie (Barbara Lennie, magnifique), d’une petite fille mourante qui rêve de mangas, et d’un enseignant quinquagénaire frappé par la crise. Si l’on retrouve les thèmes chers à l’auteur de Tout sur ma mère (le désir sexuel et sa mutation en pulsion de mort, les fantômes du franquisme), ils sont ici mis avec une rigueur glacée, tempérée d’un humour grinçant, avec un sens très assuré du suspens.Film espagnol de Carlos Vermut, avec Barbara Lennie, Luis Bermejo, Pepe Sacristan. (2 h 08)Une histoire de fou, à la campagne : « Coup de chaud »Un homme seul, le fou du village (étonnant Karim Leklou) passe en un instant du statut de figure locale, moquée et protégée, à celui d’ennemi public. Le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot s’empare d’un thème souvent traité au cinéma avec rigueur, sécheresse presque, pour s’attacher à son personnage d’homme seul, traqué.Film français de Raphaël Jacoulot, avec Karim Leklou, Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois. (1 h 42)Visions de l’enfer des tranchées : « La Peur » En ce long centenaire du premier conflit mondial, La Peur tente avec beaucoup d’audace de donner consistance aux souvenirs d’une guerre dont personne ne peut plus témoigner. Avec des moyens limités (exploités avec ingéniosité toujours, inspiration souvent), Damien Odoul raconte la traversée de l’enfer par un jeune conscrit, qui passe des pantalons garance au bleu horizon, de l’enthousiasme patriote au dégoût de l’humanité.Film français de Damien Odoul, avec Nino Rocher, Pierre Martial Gaillard. (1 h 33)Sous les étoiles, avec le fantôme de Madame MuirPuisque la programmation du cinéma en plein air de la Villette est consacrée au foyer (elle est intitulée « Home cinéma »), il fallait bien que certaines de ces maisons soient hantées. Dans cette catégorie, il y en a peu de si ensorcelantes que celle que Madame Muir (Gene Tierney) achète en Ecosse, sans savoir qu’elle est habitée par un spectre qui a l’élégance de Rex Harrison. Réalisé en 1948 par Joseph Mankiewicz, qui n’a jamais été aussi aérien, L’Aventure de Mme Muir n’a rien perdu de son éclat.Cinéma en plein air 2015, parc de la Villette, Paris 19e. Dimanche 16 août à la tombée de la nuit.Thomas SotinelJournaliste au Monde Noémie Luciani L’avis du « Monde » – pourquoi pasAu début de Mission  : Impossible – Rogue Nation, Ethan Hunt (Tom Cruise) saute sur une aile d’avion, entre dans l’appareil en vol et en ressort en parachute, lesté d’une énorme cargaison explosive. C’est à peine étonnant, quand on l’a vu dans les précédents volets jouer à saute-mouton dans un tunnel entre un train et un hélicoptère, ou escalader le plus haut gratte-ciel du monde. Ce qui étonne, c’est ce que l’on ne voit pas : la scène s’interrompt à l’instant où le parachute s’ouvre pour entraîner Hunt dans le vide, nous privant de l’apothéose de la cascade. Cette omission, frustrante, permet au réalisateur de ménager ses effets. Involontairement, elle suggère aussi que montrer ces images n’aurait pas changé grand-chose au bilan : avec ou sans parachute, Rogue Nation n’a rien à montrer que nous n’ayons vu.Sans angoisse donc sans saveurPlacé dans la continuité directe du volet précédent, Rogue Nation suit Hunt à la poursuite d’une organisation terroriste formée d’agents secrets dissidents. Il se laisse regarder avec plaisir, mais sans angoisse – et c’est une saveur délicieuse, sinon indispensable, qu’il perd. Les scènes d’action sont pourtant rondement menées et, bien qu’un peu visiblement gourmandes en effets spéciaux, devraient, selon l’expression consacrée, « couper le souffle ».Mais il n’y a pas un instant d’inconfort : même lorsque Hunt reste en apnée pendant de longues minutes, on y respire à l’aise. Tout au plus ricanera-t-on doucement de ce sort qui s’acharne à travers une porte bloquée, un appareil dysfonctionnel, une cruauté scénaristique quelconque.Que s’est-il donc passé, entre Ghost Protocol et Rogue Nation, pour que Mission Impossible devienne un moment doux ? La comparaison entre la réalisation de Brad Bird (Ghost Protocol) et celle de Christopher McQuarrie (Rogue Nation) nuit un peu au second : on aura beau chercher, les 2 h 11 agréables de Rogue Nation n’ont pas le nerf d’une seule scène de Ghost Protocol. Mais surtout, on ne s’étonne plus de tout ce qu’Ethan Hunt peut faire.Cet étonnement aurait pu mourir plus tôt, dès la fin du premier volet et sa scène d’hélicoptère. Or, l’une des réussites de Ghost Protocol, toute simple, était d’avoir su faire renaître l’étonnement et l’angoisse, en constituant autour de Hunt une nouvelle équipe encore novice à ses prouesses, incapable de croire avant d’avoir vu. Ils doutaient, même en espérant, et l’on se prenait par jeu à douter et à craindre avec eux.Ethan Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution »Dans Rogue Nation, Tom Cruise est seul à bord. Certes, on retrouve autour de lui des visages connus (Simon Pegg, Jeremy Renner), mais ce ne sont plus des amis ni même des collègues : au mieux, des disciples. Au pire, d’humbles observateurs. Leurs interventions se réduisent à des mots, comme si le groupe devait payer pour l’audace scénaristique de Ghost Protocol, qui investissait physiquement Jeremy Renner et Tom Cruise à quasi-égalité dans le final. Ici, Hunt « sait ce qu’il fait », il est « le seul à voir la solution ». Si le trublion Benji a droit à quelques moments d’existence, Luther, incarné par Ving Rhames, n’est convoqué que pour convaincre un indécis de suivre sans se poser de questions. La profession de foi collective est si redondante que, lorsque le directeur de la CIA, exaspéré par Hunt, le décrit comme « la vivante manifestation du destin », on hésite à y voir un trait d’humour.Il faut dire que Hunt maîtrise avec une aisance christique la parole performative. Lorsqu’il dit « je reviendrai », il revient. Il pourrait faire surgir un soleil d’un « Fiat Lux ! » sans qu’un sourcil se lève. De même, Tom Cruise peut continuer d’affirmer faire lui-même ses cascades sans qu’on ait de peine à le croire : c’est tout le problème. A la fin de Ghost Protocol, où le dysfonctionnement technique tenait lieu de running gag, Ethan Hunt affirmait : « La seule chose qui a bien fonctionné, c’est cette équipe. » En se construisant à rebours, Rogue Nation réaffirme en dépit du bon sens la foi des studios dans la capacité de Tom Cruise à faire un film à lui seul. Il est temps, si l’on veut éviter que l’épisode suivant ne soit prétexte à une excellente sieste, de prendre le risque de confier la « mission impossible » à quelqu’un qui inspire moins confiance.Film américain de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg (2 h 11). Sur le Web : www.missionimpossible.fr et www.missionimpossible.comNoémie LucianiJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – à ne pas manquerIl y a un demi-millénaire, la vie était si courte que ceux qui la prolongeaient au-delà de la raison inspiraient une révérence terrorisée. La folie du Roi Lear atteint au sublime. Maintenant qu’il est commun de vivre un siècle, on préfère fermer les yeux sur les innombrables vieillards frappés de démence. Quand on – les artistes, en l’occurrence – s’y résout, c’est souvent sur le mode de la commisération, souvent aussi du point de vue des témoins de l’éloignement et de la dégradation que provoque la maladie chez ceux qu’elle frappe. Le temps de la tragédie est passé, ce destin est trop commun.Floride, le film que Philippe Le Guay a façonné à partir d’une pièce de Florian Zeller, emprunte en apparence le chemin de la comédie, aidé dans ce choix par un acteur dont la puissance n’a pas toujours pu se déployer, Jean Rochefort. Ce comique apparent, qui arrache des rires d’autant plus forts qu’on sait bien qu’il y a des choses dont on ne devrait pas rire, habille élégamment la chronique d’un long voyage dont le metteur en scène et l’acteur se plaisent à imaginer les étapes. Imaginer, seulement, puisque personne n’est jamais revenu de la démence pour en raconter les paysages.Lire aussi :Philippe Le Guay : « J’aime jouer du mélange des humeurs »Un octogénaire portant beauAu théâtre, Le Père – c’était le titre de la pièce de Florian Zeller – avait été créé avec Robert Hirsch, acteur incapable de s’économiser, soit à peu près l’exact opposé de Jean Rochefort en matière d’art dramatique. Après de longues hésitations, Rochefort a accepté de devenir Claude Lherminier, octogénaire portant beau, industriel retiré des affaires dans une belle villa des environs d’Annecy, où – on s’en aperçoit vite – il perd doucement la boule. Doucement, parce que le processus est long. Mais chacune de ses étapes dissimule des pièges qui peuvent sauter au visage de ceux qui entourent M. Lherminier.Retors, lubrique, vindicatif, pingre. Ou bien enfantin, timide, craintif, généreux. L’acteur comprime tous les états d’un homme dans des moments très brefs. C’est comme ces chevaux de concours qui peuvent faire volte-face sur une pièce de monnaie, c’est très beau, étourdissant et inquiétant.Au début du film, Philippe Le Guay propose plusieurs réalités, parmi lesquelles il faut faire un tri. M. Lherminier achète un palmier pour que sa fille ne soit pas dépaysée à son arrivée de Floride. Il feint d’avoir perdu sa montre et accuse son aide ménagère de l’avoir dérobée. On le voit aussi dans un avion à destination de Miami, dans la cabine business dont il fait tourner les hôtesses en bourrique.Chacun de ces fragments convainc sans peine. Jean Rochefort sait aussi bien séduire qu’irriter, attendrir qu’effrayer. Mais lequel choisir ? Ce n’est pas tant la tâche du spectateur que celle de l’autre protagoniste de cette fausse comédie, Carole, la fille de M. Lherminier, que joue Sandrine Kiberlain. Elle a repris l’usine familiale, une papeterie, et jongle entre ses obligations professionnelles et filiales. Elle voudrait être le compas qui oriente son père vers la raison et peine à se résoudre à le voir prendre la direction opposée.Une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmesLa mise en scène de Philippe Le Guay, discrète, circule avec grâce entre ces deux pôles, l’instabilité, l’imaginaire d’une part, le principe de réalité, la logique d’autre part. Il est l’un des rares cinéastes français à savoir faire du décor dans lequel évoluent ses personnages un environnement : l’usine de la famille Lherminier n’est pas seulement là pour expliquer la fortune du patriarche, les angoisses et les ambitions de sa fille. C’est un lieu où l’on produit vraiment du papier, où les histoires de patron et d’ouvriers ont évolué, comme dans toutes les usines. En quelques séquences, on le devine, on le comprend, si bien que lorsque le vieil homme y revient sans prévenir, on assiste au surgissement d’un passé un peu déformé – un lointain souvenir de la lutte des classes à l’ancienne – dans un présent régi par l’automation.Autour du couple père-fille s’est agrégée une petite tribu : à Laurent Lucas, qui joue Thomas – le soupirant de Carole – revient le rôle ingrat du type qui trouve que tout ça c’est bien joli, mais qu’il faudrait quand même mettre le vieux en maison. Anamaria Marinca (que l’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu) interprète une aide-soignante venue de l’Est, qui essaie de toutes ses forces de ne pas succomber aux tentations qu’offre la vie à temps plein avec un homme riche privé de ses facultés. Sans insister dans cette direction, Floride offre ainsi une vue panoramique sur les façons dont on traite les gens comme les problèmes.Mais, et c’est ce qui en fait le prix, malgré les scories théâtrales qui parsèment de-ci de-là le dialogue, toujours le film revient à son centre, à cet homme qui quitte lentement le monde des vivants pour entrer dans le sien, où personne d’autre ne peut pénétrer.Film français de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas, Anamaria Marinca (1 h 50). Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/Floride.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde 10.08.2015 à 15h51 • Mis à jour le10.08.2015 à 16h58 | Yann Plougastel A sa sortie aux Etats-Unis en 1955, L'Homme au bras d'or fit sensation. D'abord et essentiellement parce qu'il abordait crûment l'addiction à l'héroïne d'un musicien. Et défiait donc le code Hays, qui régissait la moralité du cinéma américain. Trente secondes du film furent censurées. Ensuite, parce que, pour une des premières fois à Hollywood, le jazz servait entièrement de bande-son à un film, grâce aux compositions d'Elmer Bernstein, qui allait devenir célèbre avec la musique des Sept Mercenaires et de La Grande Evasion. Et enfin, parce que les effets graphiques du générique, conçu par Saul Bass, époustouflèrent par leur classe et leur rythme.Le film est tiré d'un roman de Nelson Algren, qui mérite mieux que le terme d'« amant américain » de Simone de Beauvoir dont on le gratifie en France. Otto Preminger, réalisateur mais aussi producteur du film, lui demanda d'ailleurs de scénariser lui-même son livre. Mais, ne se sentant pas à l'aise dans les palaces d'Hollywood, Algren passa la main à Walter Newman.Frank Sinatra, joueur professionnel de pokerFrankie Machine, incarné par un admirable Frank Sinatra, est un joueur professionnel de poker qui revient d'une cure de désintoxication et aimerait devenir batteur dans un orchestre de jazz. Un certain nombre de fâcheux (son épouse, son boss, son dealer...) vont le pousser à se repiquer et, défoncé, il ratera son audition dans le big band de Shorty Rogers, un trompettiste californien qui tient son propre rôle.Kim Novak y joue une Molly bluffante, à la silhouette de vamp mais au regard de brave fille, prête à tout pour aider son ami Frankie... Otto Preminger (1906-1986), comme dans la plupart de ses meilleurs films (Laura, Autopsie d'un meurtre), laisse libre court à son goût pour la prise de pouvoir et la possession d'un être par un autre. Ce qui nous vaut une scène d'un réalisme incroyable où Frankie, en manque, réussit à vaincre son addiction. Les premières minutes du film sont un chef-d'oeuvre de mise en scène : Sinatra descend d'un bus et marche dans une rue glauque de Chicago, lance un regard dans un bar miteux, avant de s'engouffrer dans un immeuble tout aussi minable.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Charlie « Bird » Parker est mort le 15 mars 1955 à New York, en regardant la télévision chez la baronne Pannonica de Koenigswarter, une mécène du jazz qui l'avait recueilli. Parker avait 34 ans. Quelques mois auparavant, la mort de sa fille Pree l'avait détruit et il avait abandonné sa femme Chan pour reprendre ses errances nocturnes dans New York. Il n'avait plus de domicile fixe. Il avait cédé son alto contre quelques doses d'héroïne. Il ne montait presque plus sur scène, car personne ne voulait l'accompagner dans sa descente aux enfers. La dernière fois, une semaine avant sa mort, c'était au Birdland, un club de Manhattan ouvert en son honneur. Il y avait Bud Powell au piano, Charlie Mingus à la contrebasse, Art Blakey à la batterie, Kenny Dorham à la trompette. Parker joua vite, trop vite, les autres eurent du mal à suivre. Ce qui sortait de son saxophone ressemblait à un cri lancé au ciel... Ce soir-là, Bird était comme un oiseau sans ailes.Un des plus grands films sur le jazzBird, le film de Clint Eastwood, retrace avec intelligence et générosité la construction d'un génie qui inventa en quelque sorte la musique classique du XXe siècle. Comme Autour de minuit de Bertrand Tavernier, sorti en 1986, qui évoque la vie de Bud Powell, Bird se situe dans la lignée de ces grands films consacrés au jazz. Fanatique du genre et lui-même honnête pianiste, Clint Eastwood était tout indiqué pour porter à l'écran le parcours d'un des plus grands musiciens.Grâce à un scénario solide et d'habiles flash-back, il ne cache rien de l'extraordinaire ténacité de cet ado de Kansas City qui découvre la musique à 13 ans et commence par se faire virer des jam-sessions tant son niveau est faible. Ce qui ne l'empêchera pas de révolutionner en 1945 le vieux jazz en créant le be-bop avec son complice le trompettiste Dizzy Gillespie. Forest Whitaker, au meilleur de son art, incarne un Parker à la fois résolu et fragile. En demandant aux plus grands instrumentistes du moment de jouer sur les chorus interprétés par « Bird » lui-même, Clint Eastwood et son vieux compagnon, le compositeur Lennie Niehaus, assurent à l'ensemble une crédibilité du meilleur aloi.La bande-annonce de « Bird »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel La réalisatrice Solveig Anspach avait été révélée en 1999 par son premier long-métrage de fiction, Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeune femme, enceinte. Le film était inspiré de l’expérience de la cinéaste, qui avait gagné une rémission avant que le cancer ne revienne et ne concède d’autres sursis. Le dernier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.Par son succès, son intensité, Haut les cœurs ! fait un peu d’ombre au parcours singulier de la cinéaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations aux Césars et d’en rapporter un à son interprète principale, Karin Viard.On avait alors découvert cette jeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jusqu’alors, avait réalisé des documentaires. L’un d’eux était intitulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islandaise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui le nazisme pour s’engager dans l’armée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont établis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.Lire la lettre :Les camarades de promotion de Solveig Anspach, à la Fémis, lui rendent hommageUne carrière entamée avec des documentairesSolveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragée à faire du cinéma. Elle a plutôt écouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes. » Tenace, elle l’a été puisqu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elle en sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale, sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues braqueuses (Que personne ne bouge).C’est à ce moment qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Plutôt que de filmer sa maladie, elle décide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plus que mon histoire, parce que, si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez », expliquait-elle récemment.Pour son film suivant, Made in the USA, codirigé avec Cindy Babski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2001, elle revient au documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouvera cet élan militant dans la biographie de Louise Michel qu’elle réalise pour la télévision en 2008.Mais, côté fiction, c’est la comédie qui l’emporte souvent. Après le sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice islandaise, Didda Jonsdottir, qui serait comme l’incarnation exubérante du principe vital de la cinéaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore au montage du dernier film de ce triptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen of Montreuil (ville où la réalisatrice a passé sa vie d’adulte).Le succès de « Lulu femme nue »Entre-temps, il y aura eu Lulu femme nue et son succès. Solveig Anspach y dirigeait à nouveau Karin Viard, et racontait encore une fois une histoire triste. « Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre », expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.Lire la critique :Une femme en voie de reconstructionPatrick Sobelman, qui a produit tous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’exception de Lulu femme nue) avec la structure Agat-Ex Nihilo, fait remarquer que la cinéaste ressemblait aux deux veines de sa fiction « à la fois triste et douce, et d’une grande force, d’une grande joie ». Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage très ambitieux, qu’elle aurait dû tourner en 2016.Interrogée par Le Monde début 2014, sur les raisons de cette frénésie de projets, elle avait répondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter demain. Simplement, moi, j’y pense peut-être plus souvent que d’autres… »Lire le portrait : Solveig Anspach filme le bonheur en urgenceThomas SotinelJournaliste au Monde 07.08.2015 à 06h53 • Mis à jour le10.08.2015 à 11h49 | Sylvie Kerviel Deux patronymes, un seul homme. Le 31 juillet 2015, l’association Promouvoir obtient du tribunal administratif de Paris l’interdiction de Love, le film de Gaspar Noé, aux moins de 18 ans. Derrière ce groupe se cache Patrice André. Ou s’agit-il d’André Bonnet ? Sous l’un ou l’autre nom, c’est bien le même individu, énergique sexagénaire, qui apparaît dans des vidéos, interviewé dans un journal télévisé ou filmé lors d’interventions publiques, où il exprime sa philosophie et celle de l’association dont il est le cofondateur et l’avocat.On le voit ainsi, sur une archive de TVLibertés datant du 30 mai, où il est présenté comme « Me André Bonnet », s’inquiéter que les enfants soient « les premières victimes des films contenant des scènes pornographiques ». On le retrouve lors d’une conférence filmée le 16 mai 2013, cette fois sous le nom de Patrice André, « juriste et essayiste », ironiser sur « la théorie du genre » et accusant le gouvernement de « vouloir subvertir toute idée de différenciation entre les sexes ».Quelques jours plus tôt, il intervenait sous son autre identité à un meeting organisé par les sympathisants de La Manif pour tous, aux côtés de Frigide Barjot, pour dénoncer le mariage homosexuel. Un danger comparable, selon lui, « à la montée du nazisme et du marxisme-léninisme ».« Je suis atterré, triste, et en même temps je trouve drôle que l’on laisse ce monsieur de Carpentras, qui finalement ne représente que lui, dicter sa loi, fulmine, au téléphone, Vincent Maraval, cofondateur de la société Wild Bunch, producteur et distributeur de Love, où, ironie de l’histoire, il incarne un commissaire de police. André Bonnet ferait un bon personnage dans un film de Mocky ou une comédie italienne. Le problème, c’est que son petit numéro marche ! »C’est en 2000 que le nom d’André Bonnet commence à apparaître dans les médias. Il est conseiller à la cour administrative d’appel de Lyon et responsable de l’association Promouvoir, qui vient alors de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, Baise-moi. Le magistrat, diplômé de philosophie et de Sciences Po Paris, a fondé cette association à Carpentras (Vaucluse) en 1996. Son but : défendre « les valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la société (…) et faire obstacle à l’inceste, au viol, à l’homosexualité », comme l’expliquait à l’époque la page d’accueil de son site Internet, désormais inactif.Lire le portrait :Virginie Despentes, la fureur dans le sexe« Des réalisateurs sans scrupule »L’association réunirait, selon M. Bonnet, qui reste très vague lorsqu’on lui demande des précisions, « quelques centaines de membres ». Son premier combat vise la Fnac d’Avignon, attaquée pour diffusion de bandes dessinées jugées « pornographiques ». Au cinéma, l’association a obtenu la reclassification de Ken Park, de Larry Clark, en 2002, de Nymphomaniac, de Lars von Trier, en 2013, et, il y a quelques mois, de Saw 3D, film d’horreur sorti en 2010, tous désormais interdits aux mineurs.Lire aussi :L’interdiction de « Saw 3D » aux mineurs laisse craindre un durcissement de la censureEn Provence-Alpes-Côte d’azur, André Bonnet n’est pas un inconnu. Ancien villiériste, il a été responsable du Mouvement national républicain (MNR, ex-parti de Bruno Mégret) dans le Vaucluse. Président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille, le magistrat en démissionne en 2013 « par objection de conscience » et pour « pouvoir parler librement ». Il choisit de s’orienter vers la profession d’avocat fiscaliste et devient le conseil et le porte-parole de Promouvoir. Il a précisé au Monde, par e-mail, « avoir abandonné depuis quinze ans toute activité politique » et « n’aspirer à aucune autopromotion » en médiatisant son combat. « Avocat d’extrême droiture », selon son expression, il est également le conseil d’Action pour la dignité humaine, qui s’était mobilisée, en 2009, au côté de Promouvoir, pour la reclassification d’Antichrist, de Lars von Trier.Dans une longue interview donnée au magazine Première et publiée le 9 juillet, l’avocat explique pourquoi il a décidé de partir en croisade contre « des réalisateurs sans scrupule qui veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public ». Allez vous étonner, après « d’entendre tant de jeunes qui ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante ! », assène-t-il dans un entretien donné au site AlloCiné, le 5 août. Conception large de la « protection de la jeunesse »Selon M. Bonnet, la commission de classification du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC), où se retrouve nommé « n’importe qui, sans aucun critère », ne fait pas son travail de manière rigoureuse. Ce père de huit enfants croit détenir les clés de l’équilibre psychique des adolescents : « Il faut connaître les plus jeunes, les aimer et avoir gardé suffisamment de fraîcheur soi-même pour anticiper ce qui peut leur faire du mal, sans tomber dans le puritanisme ni la naïveté », affirme-t-il.« Sur la pornographie comme sur le mariage gay, Promouvoir a le mérite d’agiter le chiffon rouge », estime Atanase Périfan, élu Les Républicains au Conseil de Paris, qui fut, lui aussi, très actif contre le mariage pour tous. « Les mœurs se détendent, le CNC est débordé… Tirer la sonnette d’alarme, notamment pour alerter les parents, me paraît utile. »Déléguée de l’Observatoire de la liberté de la création, Agnès Tricoire s’alarme, au contraire, que l’association obtienne de plus en plus gain de cause, sentiment partagé par une grande partie du milieu du cinéma. De fait, les déclarations d’André Bonnet révèlent une conception très large de la notion de « protection de la jeunesse ». Dans son entretien à Première, il pointe ainsi du doigt le film Pirates des Caraïbes et ses personnages de morts-vivants susceptibles de perturber les petits, avant de s’en prendre aux grosses bestioles de Jurassic World.Lire la critique :« Love » : amour physique et sans issueRecours de Fleur Pellerin devant le Conseil d’Etat contre l’interdiction de « Love » aux moins de 18 ansLe ministère de la culture va introduire un recours devant le Conseil d’Etat pour contester la décision du tribunal administratif de Paris d’interdire aux moins de 18 ans le film Love, de Gaspar Noé, a indiqué, jeudi 6 août, le ministère. « Nos avocats travaillent sur les arguments juridiques à présenter au Conseil d’Etat. L’objectif est la levée de l’interdiction du film aux mineurs », a indiqué à l’AFP l’entourage de Fleur Pellerin.Le tribunal administratif de Paris avait jugé le 31 juillet que le film Love devait être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées. Le juge des référés qui, raconte Rue89, a visionné Love le 29 juillet au Centre national du cinéma (CNC) avant de décider la suspension de son visa d’exploitation décrit dans son ordonnance ce qu’il a éprouvé en le regardant. « L’œuvre débute ainsi par une scène de masturbation réciproque des amants qui s’achève par l’éjaculation de l’homme au niveau du visage de sa compagne ; un grand nombre de scènes à caractère sexuel viennent ensuite rythmer le déroulement de l’intrigue (…). Les attributs génitaux du protagoniste masculin sont clairement visibles dans la plupart de ces scènes à l’état flaccide mais aussi en érection ; tel est en particulier le cas à l’occasion d’un gros plan d’une dizaine de secondes centré sur un sexe masculin en érection qui finit par éjaculer face à la caméra, donnant ainsi au spectateur équipé de lunettes “3D” l’impression qu’il est atteint par le sperme. »Sylvie KervielJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Tatiana Levha, la cuisine en toute liberté Au Chelsea Hotel, sur les traces de Patti Smith William Gibson, inventeur du cyberespacetous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde 05.08.2015 à 06h46 • Mis à jour le05.08.2015 à 07h23 | Thomas Sotinel C’est le creux de l’été : une demi-douzaine de nouveaux films, dont deux seulement valent de passer à l’ombre de la salle. Mais il ne faut pas désespérer. C’est aussi la saison des reprises, qui fait renouer avec les grands classiques, les films oubliés ou les plaisirs inavouables (comme regarder une enfant verte vomir de la purée de pois).Un western roumain : « Aferim ! » de Radu Jude, ou la Valachie au temps du servageOurs d’argent au dernier Festival de Berlin, Aferim ! tranche avec les habitudes du cinéma roumain résolument contemporain. Radu Jude s’est transporté au XIXe siècle, en Valachie, et suit la course de deux cavaliers à travers de sublimes paysages filmés en noir et blanc. Mais les deux hommes sont de tristes sires, lancés à la poursuite d’un serf gitan qui a tenté de se soustraire à la domination de son seigneur. L’ironie et la truculence servent ici à souligner la permanence d’un mal qui n’en finit pas de ronger non seulement la Roumanie, mais l’Europe.Film roumain, bulgare et tchèque de Radu Jude, avec Teodor Corban, Mihai Comanoiu, Toma Cuzin. (1 h 45)« Sur la ligne », courir pour la patrie socialisteDu temps où le Mur tenait encore debout, les jeunes gens musclés qui habitaient de son côté oriental étaient tenus à tous les sacrifices pour porter le flambeau du socialisme réellement existant sur les stades. Le film d’Andrea Sedlackova revient sur cette époque à travers les destins d’Anna, une jeune athlète, et de sa mère. La première est forcée de se doper, la seconde expie sans fin ses accointances avec la dissidence. La mise en scène, précise, le montage, sec, font revivre l’ambiance étouffante de l’agonie du bloc de l’Est.Film tchèque d’Andrea Sedlackova, avec Judit Bardos, Anna Geislerova, Roman Luknar… (1 h 40)Alfred et François, réunis le temps d’un étéLe mois d’août est idéal pour réviser ses classiques avant la rentrée. La Filmothèque du Quartier latin a la bonne idée de proposer une rétrospective des œuvres du sujet et de l’auteur d’Hitchcock/Truffaut, le fabuleux livre d’entretiens accordés par l’auteur de Psychose à celui de La Peau douce. Cette double programmation nous mènera jusqu’en septembre mais, en cette première semaine, pourquoi ne pas aller voir Fenêtre sur cour, film caniculaire s’il en est, dans lequel Hitchcock immobilise James Stewart sur un fauteuil roulant ? Tout aussi ironique et – au bout du compte – macabre, on pourra (re)découvrir, côté Truffaut, Une belle fille comme moi, comédie noire dans laquelle Bernadette Lafont explose de vitalité.Filmothèque du Quartier latin, 19, rue Champollion, Paris 5e. Lafilmotheque.frCombat de coqs sur la piazza Navona : « Pauvres mais beaux », de Dino Risi Cette comédie grinçante ne compte pas parmi les plus connues de l’auteur des Monstres ou du Fanfaron. Réalisée en 1956, elle met aux prises deux mâles italiens qui courent après la même proie (car il s’agit ici de chasse plus que de cour), la pulpeuse enfant d’un tailleur de la piazza Navona. Dans ce film antérieur aux grands classiques de Dino Risi, la cruauté du cinéaste est encore un peu bridée. Pas assez pour empêcher le scandale d’accompagner la sortie du film. Le pape Pie XII demanda le retrait de ses affiches.Film italien de Dino Risi (1956), avec Maurizio Arena, Renato Salvatori, Marisa Alassio. (1 h 41)Frissonnons en plein air : « L’Exorciste » à ToulouseAu moment où l’on peut redécouvrir le méconnu The Sorcerer en salles, la Cinémathèque de Toulouse propose, dans le cadre de sa programmation en plein air, le plus connu des films de William Friedkin, L’Exorciste. Tous les parents se reconnaîtront dans les tourments d’Ellen Burstyn, qui joue la mère de la petite Regan (Linda Blair) en proie à un démon qui lui fait proférer des horreurs et déranger tous les meubles de sa chambre. Cette enfant est horrible, mais ce n’est pas la faute de la maman. C’est bien la faute, en revanche, de William Friedkin, si cette histoire fait toujours aussi peur.Vendredi 7 et samedi 8 août, Cinémathèque de Toulouse Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel L’avis du « Monde » – on peut éviterVoici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.Mélange de sérieux et de platitudesQuant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).Thomas SotinelJournaliste au Monde 31.07.2015 à 17h25 | Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-neuf films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Chronic, de Michel Franco (Mexique, 1 h 30)Le jeune (35 ans) cinéaste mexicain avait déjà présenté Despues de Lucia à Cannes dans la section Un certain regard en mai 2012. Il revient en compétition avec un film tourné en anglais et Tim Roth dans le rôle d’un infirmier qui accompagne des patients en phase terminale.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France, 1 h 31)Le réalisateur réunit deux grands acteurs du cinéma français, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarnent des parents en deuil de leur fils.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h17 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. 23.04.2015 à 07h49 • Mis à jour le23.04.2015 à 07h54 | Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h09 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h02 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-neuf films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Chronic, de Michel Franco (Mexique, 1 h 30)Le jeune (35 ans) cinéaste mexicain avait déjà présenté Despues de Lucia à Cannes dans la section Un certain regard en mai 2012. Il revient en compétition avec un film tourné en anglais et Tim Roth dans le rôle d’un infirmier qui accompagne des patients en phase terminale.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France, 1 h 31)Le réalisateur réunit deux grands acteurs du cinéma français, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarnent des parents en deuil de leur fils.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 07.04.2015 à 07h55 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h13 | Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 07.04.2015 à 07h55 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h13 | Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 31.03.2015 à 09h07 • Mis à jour le31.03.2015 à 18h24 | Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles, comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs, ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée sous une tente.Quand le fantasme inavouable vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, de son rouge à lèvres à ses draps, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, dans ses mélodrames, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. » La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 18h23 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche (il y a presque 100 adresses e-mail du gouvernement américain dans ces archives), avec une capacité d’influer sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h15 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h09 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h02 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-neuf films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Chronic, de Michel Franco (Mexique, 1 h 30)Le jeune (35 ans) cinéaste mexicain avait déjà présenté Despues de Lucia à Cannes dans la section Un certain regard en mai 2012. Il revient en compétition avec un film tourné en anglais et Tim Roth dans le rôle d’un infirmier qui accompagne des patients en phase terminale.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France, 1 h 31)Le réalisateur réunit deux grands acteurs du cinéma français, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarnent des parents en deuil de leur fils.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h17 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe. Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière d’une exceptionnelle longévité en trois périodes distinctes. La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi dès la première période un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro.Actes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Diversité de tonImmédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1990) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire. De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaine et dépossessionL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité – tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts – et l’extrême résistance – elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme, c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente. Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 21.03.2015 à 10h32 • Mis à jour le23.03.2015 à 11h55 | Morgane TualIl est beau, fort et charismatique : Nicholas Hattaway, le personnage principal du film Hacker, sorti le 18 mars, a tout du cliché du héros américain. A ceci près qu'il s'agit, comme le titre du film l'indique, d'un hackeur, type de personnage peu habitué à ce genre de représentation. « C'est une nouvelle manière de représenter les hackeurs, non plus comme maladroits, mais comme des leaders et des héros », se réjouit Damian Gordon, chercheur à l'Institut de technologie de Dublin, auteur de recherches sur la figure du hackeur au cinéma.Lire la critique du film : « Hacker » : l'homme et la machine à couteaux tirésAvec la démocratisation de l'informatique et d'Internet, le hackeur est devenu une figure récurrente à Hollywood, avec ses stéréotypes et ses clichés, qui tendent – un peu – à se fissurer ces dernières années. Retour sur l'évolution de l'image du hackeur au cinéma.Le hackeur, ce magicienLe cliché le plus tenace chez les hackeurs made in Hollywood est sans doute la facilité déconcertante avec laquelle ils pénètrent dans des systèmes ou accèdent à des données confidentielles, comme le souligne Damian Gordon, par ailleurs ingénieur en informatique :« Ils sont dépeints comme des magiciens. Ils ont la capacité de contrôler n'importe quel ordinateur de n'importe où et n'importe quand. Ils ont des super-pouvoirs. En comparaison, moi, j'ai parfois du mal à réussir à démarrer mon ordinateur. »Une vision bien éloignée de la réalité. « En vrai, c'est du travail ! » explique « Arroway », ingénieure en sécurité informatique, qui préfère utiliser son pseudonyme. « Cela nécessite plusieurs jours, il faut avoir recours à plusieurs techniques différentes… On n'accède pas aux serveurs de la NSA comme ça. » Pour elle, qui a rédigé plusieurs articles sur la question, le personnage du hackeur au cinéma a quelque chose d'« omniscient » :« J'ai l'impression qu'on poursuit toujours la figure de Neo dans “Matrix”. Le hackeur a accès à la matrice, au programme, et donc il a accès au monde. »Un truc d'adosSeize ans plus tôt, le hackeur faisait sa grande entrée au cinéma avec Wargames, après une première incursion moins remarquée, en 1968, dans Hot Millions. Dans ce film, le tout jeune Matthew Broderick, petit génie de l'informatique, s'amusait à changer ses notes sur le serveur de son école… Et se connectait au système de l'armée américaine, risquant de déclencher par erreur une guerre nucléaire.A cette époque, l'informatique au cinéma est associée aux adolescents, et les hackeurs avec. « C'étaient des adolescents ou de jeunes adultes qui pouvaient faire de mauvaises choses accidentellement », explique Damian Gordon. On peut aussi citer le tout jeune John Connor, qui, dans Terminator 2, piratait – tout à fait sciemment – des distributeurs automatiques de billets.Si les premiers hackeurs des années 1980 sont plutôt ados et « cool », les années 1990 vont changer la donne. La figure du hackeur connaît un pic de popularité, soutenu par la démocratisation de l'informatique et d'Internet, mais aussi par l'actualité : des arrestations spectaculaires ont lieu aux Etats-Unis, et en Europe, le Chaos Computer Club fait plusieurs fois les gros titres.Le cinéma suit, avec un premier film au titre explicite : Hackers, de Iain Softley, sorti en 1995. Contrairement à Matthew Broderick, le personnage principal est plutôt dépeint comme un « loser », qui va finir par se faire accepter par un groupe de jeunes hackeurs plus ou moins « nerds ».« C'est un film de teenagers limite parodique, un cliché de la subculture des années 1990 », analyse Selim Krichane, assistant chercheur à l'université de Lausanne, auteur de travaux sur les hackeurs au cinéma. « Ça a d'ailleurs fâché de vrais hackeurs, qui ont piraté le site du film et détourné l'affiche. Ils trouvaient que ça ne donnait pas une image représentative de leur pratique. »Pour lui, ce film marque un tournant dans la représentation de cette figure au cinéma : « C'est là que se met en place le système d'opposition entre bon et méchant hackeur. » Ici, les héros doivent combattre un virus capable de plonger le monde dans le chaos. Beaucoup de films suivent avec le même type de scénario, comme Traque sur Internet, Intraçable, Johnny Mnemonic ou Les Experts, « dans lesquels la technologie est la cause du drame mais aussi son unique solution, avec un hackeur coupable, et un autre qui va rétablir la situation ».Hackeurs, hackeusesDans les années 2000, le hackeur se détache de l'adolescent. Il vieillit, occupe un travail, souvent dans l'informatique. La figure du hackeur, généralement un homme blanc hétérosexuel, va aussi se diversifier, avec l'apparition de personnages féminins forts. Lisbeth Salander, héroïne de la trilogie suédoise Millénium, marque un tournant. Même s'il ne s'agit pas de la première hackeuse du cinéma, elle casse les clichés qui y sont habituellement associés. Un symbole enthousiasmant pour Arroway :« C'est un des personnages les plus cool de ces dernières années. C'est une femme courageuse, débrouillarde, bisexuelle, à forte personnalité. En plus, la façon dont elle fait ses recherches pour s'introduire dans des systèmes est assez cohérente. »Ce qui change des rares personnages féminins qu'on avait pu voir auparavant, répondant souvent aux clichés sexistes encore trop courants dans l'industrie cinématographique. C'est le cas du personnage interprété par Angelina Jolie dans Hackers. Un film qu'Arroway juge « horrible », déplorant une hackeuse « sexualisée, objectifiée ». « Au début, elle est montrée comme très compétente, mais au final, elle est évidemment moins forte que le héros. C'est pénible. » Dans le film, un autre hackeur lui lance un défi informatique : si elle perd, elle devra accepter de sortir avec lui.Les séries, en revanche, offrent une variété plus large de hackeuses, avec des personnages tels que Chloe O'Brian (24), Abby Sciuto (NCIS), Felicity Smoak (Arrow) ou encore Willow (Buffy contre les vampires).La normalisation du hackeurLisbeth reste néanmoins un personnage socialement inadapté, punkette sauvage et renfermée. Un cliché qui a la vie dure quand il s'agit d'évoquer les hackeurs et les génies de l'informatique en général, souvent carrément dépeints comme des « losers ». On pense par exemple au personnage interprété par Alan Cumming dans GoldenEye, informaticien stressé à petites lunettes et chemise bariolée. L'association entre loser et informatique est même devenue un running gag, à la base du scénario de séries comiques comme The Big Bang Theory ou encore Silicon Valley, qui mettent en scène une bande de geeks caricaturaux socialement inadaptés.« On montre les hackeurs comme asociaux, et pourtant, ils passent beaucoup de temps dans des conférences ou des hackathons. C'est un processus très important, c'est là qu'on apprend. Et ça, on ne le voit jamais dans les films », souligne Arroway, qui regrette que les hackeurs soient souvent dépeints comme des individus isolés « qui codent dans leur cave ».Mais les choses évoluent. « La figure du hackeur se normalise, elle devient acceptable, voire cool », assure Selim Krichane. Beaucoup de hackeurs des années 1980 et 1990 se sont « rangés » en entrant dans le monde de l'entreprise, voire du renseignement. Bill Gates, Steve Jobs et Mark Zuckerberg sont devenus des icônes, et la Silicon Valley fait rêver les jeunes du monde entier. Avec le film de Michael Mann sorti mercredi, le hackeur s'éloigne encore plus des clichés de l'asocial un peu gauche pour devenir un héros hollywoodien super-viril.Une dimension politique édulcoréeNéanmoins, si la représentation du hackeur tend à se diversifier, reste un aspect du hackeur encore laissé de côté par l'industrie du cinéma : sa dimension politique. C'est en tout cas ce que regrette Selim Krichane :« On le voit notamment avec Snowden et WikiLeaks : le hackeur est une figure de contre-pouvoir, contestataire. Au cinéma, ce potentiel subversif est édulcoré par la machine hollywoodienne. Dans les films, le hackeur rétablit l'ordre social plutôt que de révéler les secrets du gouvernement. Le héros est celui qui va punir le méchant hackeur qui vole des informations sensibles. »Cette dimension commence tout de même à apparaître sur grand écran, inspirée, justement, par l'actualité. Sorti en 2013, Le Cinquième Pouvoir raconte l'histoire de WikiLeaks et de Julian Assange. Et les révélations d'Edward Snowden ont également donné des idées à l'industrie du cinéma, puisque deux films, dont l'un réalisé par Oliver Stone, sont actuellement en préparation.Lire le dossier : Qui sont les hackeurs ? //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444463', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Morgane TualJournaliste au Monde Stéphane Lauer (New York, correspondant) La fracturation hydraulique va commencer à être encadrée par le gouvernement américain. Celui-ci a effectivement annoncé, vendredi 20 mars, une série de règles contraignantes concernant cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. Cette régulation, vivement contestée par les entreprises du secteur, était en cours de discussion depuis 2012.La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », explique Sally Jewell, la secrétaire à l’Intérieur, c’est-à-dire la responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis.Le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations. « Nous pensons que ces normes sont essentielles », ajoute-t-elle soulignant que la réglementation actuelle date d’il y a 30 ans et qu’elle n’est plus adaptée à la situation actuelle.Secrets industrielsLes mesures annoncées vendredi vont obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées.Un impact limitéCe premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’Etat fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.Certains, comme New York, ont interdit totalement la fracturation, tandis que d’autres, comme le Colorado, ont commencé à réguler le secteur. Mais beaucoup sont encore muets sur le sujet.Cela n’a pas empêché les compagnies pétrolières de protester vigoureusement contre cette nouvelle réglementation. Elles craignent notamment que ces mesures commencent à inspirer certains États pour mettre en place des règles plus contraignantes. Elles dénoncent également les coûts que cela va engendrer.Même si les mesures interviennent à un mauvais moment pour l’industrie, alors que le prix du baril a chuté de 50 % en un an, l’impact financier serait relativement limité. Le montant global pour le secteur a été évalué par le gouvernement à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits.Protestations du lobby pétrolierLa réaction du lobby pétrolier a néanmoins été immédiate. Quelques minutes après la publication des nouvelles règles, l’Independent Petroleum Association of America a déposé plainte, qualifiant ces mesures de « réaction à des préoccupations non fondées ».Pour Barry Russell, le responsable de l’organisation, « De la Californie à la Pennsylvanie, l’industrie du pétrole et du gaz naturel a joué un rôle crucial dans la relance de l’économie américaine, et la fracturation hydraulique a été la clé de cette renaissance. Cette nouvelle réglementation fédérale va ajouter des coûts pour nos producteurs indépendants », proteste-t-il, pronostiquant que le dispositif va conduire à faire fuir les investissements et peser sur les créations d’emplois.Vingt-quatre heures auparavant, le sénateur républicain de l’Oklahoma, James Inhofe, a tenté de couper l’herbe sous le pied du gouvernement en proposant une législation visant à interdire à l’Etat fédéral de réguler la fracturation hydraulique, laissant le champ libre aux Etats fédérés. En annonçant cette nouvelle réglementation, Barack Obama a ouvert un nouveau front avec les Républicains, désormais majoritaires au Congrès.Lire aussi :Obama veut réduire de 40 % les émissions de méthane d’ici à 2025 Stéphane Lauer (New York, correspondant)Correspondant à New YorkSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-neuf films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Chronic, de Michel Franco (Mexique, 1 h 30)Le jeune (35 ans) cinéaste mexicain avait déjà présenté Despues de Lucia à Cannes dans la section Un certain regard en mai 2012. Il revient en compétition avec un film tourné en anglais et Tim Roth dans le rôle d’un infirmier qui accompagne des patients en phase terminale.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France, 1 h 31)Le réalisateur réunit deux grands acteurs du cinéma français, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarnent des parents en deuil de leur fils.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h17 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 20h00 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche – il y a près de cent adresses électroniques du gouvernement américain dans les archives −, avec la capacité d'avoir une influence sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h09 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le21.04.2015 à 11h02 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 20h00 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche – il y a près de cent adresses électroniques du gouvernement américain dans les archives −, avec la capacité d'avoir une influence sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h15 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 13.04.2015 à 19h17 • Mis à jour le15.04.2015 à 17h36 | Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le directeur du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur... 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le directeur du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le directeur du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes 16.04.2015 à 23h53 • Mis à jour le17.04.2015 à 20h00 Le scandale du piratage de Sony Pictures n’est pas terminé. WikiLeaks a mis en ligne jeudi 16 avril une base de données contenant plus de 30 000 documents et plus de 170 000 courriels de la société volés par des hackers à la fin de 2014 lors d’une cyberattaque de grande envergure. Il est désormais possible d’effectuer très facilement des recherches dans ces dizaines de milliers de documents, par noms ou par mots-clés.Sony Pictures a immédiatement condamné cette publication, affirmant que WikiLeaks aidait les hackers à disséminer des contenus dérobés et privés. Plus de 47 000 employés et tiers de Sony Pictures Entertainment (SPE) – filiale de Sony – sont concernés par ce vol de données personnelles, documents financiers, scripts, courriels, etc. C’« était un acte criminel malveillant, et nous condamnons fermement l’indexation par WikiLeaks d’informations volées sur des employés et d’autres informations privées ».Lire : Piratage de Sony : le vol des films n’était qu’un début« Conflit géopolitique »L’organisation de Julian Assange, connue pour avoir dévoilé de nombreux documents confidentiels du gouvernement américain, estime, elle, que les données publiées jeudi relèvent du domaine public. « Ces archives dévoilent le fonctionnement interne d’une entreprise multinationale influente », a déclaré le fondateur de WikiLeaks, dans un communiqué. « Cela comporte un intérêt journalistique, et c’est au centre d’un conflit géopolitique. »Ces données avaient été diffusées une première fois sur Internet, accessibles notamment par des liens permettant de télécharger plusieurs dizaines de gigaoctets de documents. En les diffusant sous forme de base de données dans laquelle il est possible d’effectuer des recherches, WikiLeaks simplifie considérablement leur accès : « Certaines histoires sont sorties à l’époque, mais il n’était pas possible de faire des recherches dans les archives originales et elles ont été retirées avant que le public et les journalistes puissent gratter la surface », poursuit le communiqué de WikiLeaks. « Maintenant publiées dans [ce] format, les archives Sony offrent un aperçu rare des rouages d’une grande entreprise multinationale secrète. » Le communiqué précise qu’on peut y voir les activités de lobbying du groupe et ses connexions avec le Parti démocrate américain.Influence et lobbying« Le travail connu de Sony est de produire des divertissements. Mais les archives montrent que dans les coulisses c’est une société influente, ayant des liens avec la Maison Blanche – il y a près de cent adresses électroniques du gouvernement américain dans les archives −, avec la capacité d'avoir une influence sur les lois et les politiques, et avec des liens avec le complexe militaro-industriel américain », écrit encore WikiLeaks.Le gouvernement américain a imputé la responsabilité de la cyberattaque de Sony à la Corée du Nord, qui avait protesté fortement contre la diffusion d’un film produit par la société hollywoodienne, The Interview, qui mettait en scène l’assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Pyongyang a démenti toute implication dans ce piratage.Lire : Des experts doutent de la thèse nord-coréenneLe scandale avait contraint à la démission en février de la patronne de Sony Pictures, Amy Pascal, après la publication de courriels à connotation raciste qu’elle avait écrits sur Barack Obama. William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h14 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le17.04.2015 à 09h15 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le16.04.2015 à 22h23 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 16.04.2015 à 17h42 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 | Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-neuf films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Chronic, de Michel Franco (Mexique, 1 h 30)Le jeune (35 ans) cinéaste mexicain avait déjà présenté Despues de Lucia à Cannes dans la section Un certain regard en mai 2012. Il revient en compétition avec un film tourné en anglais et Tim Roth dans le rôle d’un infirmier qui accompagne des patients en phase terminale.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un long-métrage adapté du Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhang-ke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhang-ke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France, 1 h 31)Le réalisateur réunit deux grands acteurs du cinéma français, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarnent des parents en deuil de leur fils.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Un film d’ouverture (hors compétition) :La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot (France, 2 heures)Un jeune garçon qui vacille au seuil de la délinquance, face aux efforts d’un magistrat et d’un éducateur. Un film d’ouverture aux antipodes de celui de 2014, le Grace de Monaco, d’Olivier Dahan. Avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et le jeune Rod Paradot. Sortie le 13 mai.Les dix-sept films en lice pour la Palme d’or :Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre (titre provisoire), de Jacques Audiard (France, 1 h 49)Si les premiers échos de ce film, qui n’est toujours pas tout à fait terminé, le présentaient comme une version contemporaine des Lettres persanes, le synopsis disponible sur le site de son distributeur évoque plus le scénario d’un film d’action américain. Un ancien combattant de la guérilla tamoule réfugié en France et devenu gardien dans une cité va « devoir renouer avec ses instincts guerriers ». Le film est interprété par des comédiens tamouls ainsi que par Vincent Rottiers et Marc Zinga. Date de sortie inconnue.La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France, 1 h 32)Vincent Lindon est le seul acteur professionnel de la distribution de ce film à la frontière du documentaire. Il y interprète un ouvrier qualifié au chômage, contraint de prendre un emploi de vigile dans une grande surface. Sortie le 20 mai. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France, 1 h 50)Ecrit par Jean Gruault pour François Truffaut (le texte a été publié par Capricci en 2011), ce scénario s’inspire des amours incestueuses de Julien et Marguerite de Ravalet qui furent condamnés en 1603 pour inceste. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier en tiendront les rôles-titres. Sortie le 30 septembre.Il Racconto dei racconti (Le Conte des contes), de Matteo Garrone (Italie, 2 h 05)Le réalisateur de Gomorra trouve aussi son inspiration au XVIIe siècle avec un film inspiré par le Pentamerone, recueil de contes napolitains de Giambattista Basile. Le film est interprété par Salma Hayek, John C. Reilly et Vincent Cassel et est joué en anglais. Sortie le 1er juillet.Carol, de Todd Haynes (Etats-Unis, 1 h 58)D’après le roman de Patricia Highsmith (Calmann Lévy), l’histoire d’une liaison, dans le New York des années 1950 entre une jeune femme (Rooney Mara) et son aînée (Cate Blanchett). Todd Haynes renoue avec une période déjà explorée dans Loin du paradis en 2002. Date de sortie inconnue. Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Chine, 2 heures)Le premier film du grand réalisateur taïwanais depuis Le Voyage du ballon rouge en 2008, The Assassin se distingue dans la filmographie de Hou Hsiao-hsien par l’importance de son budget et les péripéties de sa production qui s’est étendue sur une dizaine d’années et a nécessité l’apport de capitaux venus du continent. Situé sous la dynastie Tang, ce film d’arts martiaux a pour vedette Shu Qi. Sortie le 9 décembre.Shan he gu ren (Moutains May Depart), de Jia Zhangke (Chine, 2 heures)Pour cette histoire d’amour contemporaine, Jia Zhangke retrouve son interprète d’élection, Zhao Tao. Lors de la conférence de presse de présentation de la sélection, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a rappelé que Touch of Sin, le précédent film de Jia, prix du scénario à Cannes en 2013, n’avait pas pu sortir en salles en Chine.Umimachi Diary (Notre petite sœur), d’Hirokazu Kore-eda (Japon, 2 h 03)Adapté d’un manga dont le titre se traduit par « journal de bord de mer », Notre petite sœur permet à Hirokazu Kore-eda de revenir en compétition après Tel père tel fils, prix du jury en 2013. Sortie le 28 octobre. Macbeth, de Justin Kurzel (Australie, 1 h 53)Le réalisateur de Snow Town, film australien aussi noir que sanglant, présenté à la Semaine de la critique en 2011, change d’époque et de métrique, mais pas de tonalité en s’attaquant à « la pièce écossaise » , sur les traces d’Orson Welles. Le roi d’Ecosse et sa reine seront interprétés par Michael Fassbender et Marion Cotillard. Sortie le 11 novembre.The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce, 1 h 58)Thierry Frémaux a prévenu que le premier long-métrage de l’auteur de Canine (Un certain regard, 2009) à concourir pour la Palme d’or appartenait à « la catégorie des films dont on ne comprend pas tout ». Comme plusieurs autres titres de cette sélection (les films de Sorrentino et Garrone), le film est interprété en anglais par des vedette internationales, dont Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux. Date de sortie inconnue.Mon roi, de Maïwenn (France, 2 h 10)Quatre ans après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec une histoire d’amour interprétée par Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. La réalisatrice du film d’ouverture, La Tête haute, présenté hors compétition, pourra au moins concourir pour le prix d’interprétation féminine. Sortie le 21 octobre. Mia Madre, de Nanni Moretti (Italie, 1 h 42)Quand il arrivera sur la Croisette, le film de Nanni Moretti aura déjà passé quatre semaines dans les salles italiennes où il sort le 16 avril. Empruntant une figure chère à Lars von Trier, Moretti s’est trouvé un alter ego féminin en la personne de Margherita Buy qui incarne une réalisatrice travaillée par le doute. Elle aura pour partenaire John Turturro. Sortie le 23 décembre.Saul Fia (Le Fils de Saul), de Laszlo Nemes (Hongrie, premier film, 1 h 47)Forcément inconnu, ce réalisateur hongrois de 38 ans a été l’assistant de Bela Tarr. Son premier long-métrage évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, pendant la seconde guerre mondiale. Thierry Frémaux n’a pas caché qu’il s’attendait à ce que le film ravive le débat sur la représentation du génocide au cinéma.Youth, de Paolo Sorrentino (Italie, 1 h 58)D’ores et déjà vainqueur du prix de l’antiphrase, puisque le nouveau film du réalisateur de La Grande Bellezza a pour interprète principal Michael Caine, 82 ans. Il y sera question de clinique suisse destinée à une clientèle qui ne résigne pas à l’écoulement du temps. Date de sortie inconnue. Louder Than Bombs, de Joachim Trier (Norvège, 1 h 45)Distribution très intriguante (et attirante) pour le nouveau film du réalisateur d’Oslo, 31 août. Isabelle Huppert est entourée de Gabriel « En analyse » Byrne et de Jesse « Social Network » Eisenberg. Sortie en octobre.The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 1 h 50)Dans une forêt japonaise, qui a la réputation d’adoucir les dernières heures des candidats au suicide, un Américain (Matthew McConaughey) rencontre un Japonais (Ken Watanabe). Il faudra attendre la projection du nouveau film du réalisateur d’Elephant (Palme d’or 2003) pour savoir ce que Naomi Watts vient faire dans cette histoire. Date de sortie inconnue.Sicario, de Denis Villeneuve (Québec, 2 h 01)Le réalisateur québécois fait son entrée dans la compétition cannoise avec cette évocation de la guerre de la drogue au Mexique. Benicio Del Toro, qui tenait déjà un des rôles principaux dans un grand film sur ce sujet, le Traffic (2000), de Steven Soderbergh, est en tête d’un générique auquel figurent aussi Emily Blunt et Josh Brolin. Date de sortie inconnue.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxSur le Web : la liste complète des films de la Sélection officielle du 68e Festival de CannesThomas SotinelJournaliste au Monde 16.04.2015 à 12h29 • Mis à jour le16.04.2015 à 17h46 | Thomas Sotinel L'essentiel L'Américain Gus Van Sant, le Chinois Jia Zhang-ke, les Français Jacques Audiard et Maïwenn ainsi que l'Italien Nanni Moretti figurent parmi les réalisateurs sélectionnés pour la compétition officielle.Dix-sept films sont en compétition pour la Palme d'or, selon une première liste qui sera peut-être complétée d'ici fin avril.« La Tête haute » de la Française Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel, sera présenté en ouverture du Festival.D’emblée Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, a prévenu que la sélection qu’il s’apprêtait à présenter n’était complète « qu’à 90 % ». Il manque encore entre deux et quatre films pour compléter les dix-sept longs-métrages qui concourront pour la Palme d’or de cette 68e édition, qui aura lieu du 13 au 24 mai. La section Un certain regard, qui fait également partie de la sélection officielle, est encore en chantier avec une demi-douzaine de films à venir.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangDans son état actuel, la compétition, présentée jeudi 16 avril au matin par Thierry Frémaux avec le nouveau président du Festival, Pierre Lescure, dans une salle de cinéma des Champs-Elysées, respecte l’équilibre habituel entre les grands noms, qu’ils soient habitués de la sélection ou qu’ils n’y fassent que des apparitions épisodiques, et les nouveaux venus. Dans la catégorie des habitués, il y a bien sûr les Italiens Nanni Moretti, Matteo Garrone et Paolo Sorrentino qui ont, tous trois, présenté leurs derniers films en compétition. Mia Madre, Il Racconto dei racconti (« le conte des contes ») et Youth formeront le plus important contingent cannois qu’ait connu l’Italie depuis bien longtemps.Après Un prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard revient en compétition avec Dheepan (titre provisoire) présenté comme une variation contemporaine sur les Lettres persanes, avec, en guise de Perses, des réfugiés tamouls. Le Chinois Jia Zhang-ke présentera Shan he gu ren (« les montagnes peuvent nous quitter »). Thierry Frémaux a rappelé que le précédent film du cinéaste, Touch of Sin, présenté en compétition en 2013, n’avait jamais pu sortir en Chine. Autre familier de la Croisette, le Japonais Hirokazu Kore-eda, présentera Notre petite sœur.Les deux cinéastes américains retenus, Todd Haynes et Gus Van Sant, n’ont pas été en compétition depuis bien longtemps, le premier avec Velvet Goldmine en 1998, le second avec Elephant, Palme d’or 2003. Haynes présentera Carol, histoire d’amour lesbien avec Cate Blanchett et Rooney Mara. Gus Van Sant a tourné The Sea of Trees au Japon, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts. Hou Hsiao-hsien, absent depuis presque une décennie, revient avec The Assassin, film d’arts martiaux dont la production s’est étendue sur plusieurs années. Quatre films français en compétitionLes films français en compétition sont quatre. « Il y aurait pu en avoir sept », a estimé Thierry Frémaux. Outre le long-métrage de Jacques Audiard, on pourra découvrir ceux de Maïwenn, Valérie Donzelli et Stéphane Brizé. Après le succès de Polisse, prix du jury en 2011, Maïwenn présente Mon roi, histoire d’amour entre Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot. Cette dernière, dont La Tête haute sera finalement projeté en ouverture, hors compétition, pourra ainsi concourir pour le prix d’interprétation féminine.Lire aussi :« La Tête haute », d’Emmanuelle Bercot, ouvrira le 68e Festival de CannesValérie Donzelli a tourné l’un des scénarios en souffrance les plus célèbres de l’histoire du cinéma, Marguerite et Julien, que Jean Gruault avait écrit pour François Truffaut. Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier sont les interprètes de cette histoire d’inceste fraternel au XVIIe siècle. Stéphane Brizé, nouveau venu dans la sélection officielle, tout comme Valérie Donzelli, présentera La Loi du marché, qui réunit Vincent Lindon dans le rôle d’un ouvrier devenu vigile et des comédiens non professionnels.Parmi les autres nouveaux venus, le Grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster qui appartient, selon Thierry Frémaux « à la catégorie des films dont on ne comprend pas tout », le Hongrois Laszlo Nemes dont le premier film, Le Fils de Saul, évoque le sort d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination, et le Canadien Denis Villeneuve, qui présentera Sicario, évocation de la guerre des cartels au Mexique, avec Benicio Del Toro. Enfin, le Norvégien Joachim Trier, remarqué à Un certain regard avec Oslo, 31 août, en 2011, fera son entrée en compétition avec Louder Than Bombs, tourné à New York, avec Isabelle Huppert tout comme l’Australien Justin Kurzel, avec un Macbeth interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard.Woody Allen hors compétitionParmi les films hors compétition on retrouvera, outre le Mad Max de George Miller, Woody Allen avec Un homme irrationnel, interprété par Joaquin Phoenix et Emma Stone, et Mark Osborne, le réalisateur de Kung Fu Panda, qui montrera son adaptation du classique de Saint-Exupéry, Le Petit Prince et moi.La section Un certain regard, qui a souvent accueilli, ces dernières années des cinéastes confirmés (Gus Van Sant, François Ozon, Claire Denis….) présente, en l’état actuel des choses, surtout des films d’auteurs encore peu connus, venus d’Inde, de Corée du Sud ou d’Iran. On y découvrira le deuxième long-métrage de la Française Alice Winocour, Maryland.La conférence de presse s’était ouverte par un long développement de Pierre Lescure sur les nouveaux partenaires privés du Festival de Cannes – le groupe Kering et Mastercard. Le premier lancera un programme, Woman in Motion, destiné à « célébrer le talent des femmes du 7e art ».La liste complète des films retenus dans la Sélection officielle du 68e Festival de Cannes est disponible en ligne.Thomas SotinelJournaliste au Monde 15.04.2015 à 18h17 • Mis à jour le15.04.2015 à 18h45 Le gouvernement russe a interdit la sortie du film Enfant 44, estimant que ce thriller hollywoodien sur un tueur en série dans l'URSS de Staline déformait l'histoire de manière « inacceptable » à la veille du 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.Réalisé par Daniel Espinosa et coproduit par Ridley Scott, Enfant 44, avec Vincent Cassel, Gary Oldman et Tom Hardy, sort cette semaine dans plusieurs pays. Cette adaptation du roman du même nom de l'écrivain britannique Tom Rob Smith est une fiction, qui raconte l'histoire de Leo Demidov, un tueur en série en 1952, un an avant la mort de Staline.« Distorsion de faits historiques »« La société Central Partnership a retiré à la demande des autorités sa demande de licence de distribution » pour le film Enfant 44, a indiqué le ministère de la culture russe. En cause, « la distorsion de faits historiques et l'interprétation particulière d'événements se déroulant avant, pendant et après » la seconde guerre mondiale.Dans ce film, l'URSS, qui a remporté avec les Alliés occidentaux la seconde guerre mondiale, est présentée comme un pays « avec des êtres humains déficients du point de vue physique et moral et où se produit un bain de sang commis par des anthropophages et des vampires », a déclaré le ministre de la culture, Vladimir Medinski.Pour les représentants du ministère, qui ont visionné le film mardi en compagnie « d'experts », la sortie d'un tel film à la veille du 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale est « inacceptable ». « Les films comme Enfant 44 ne doivent pas sortir sur grand-écran dans notre pays et gagner de l'argent sur le dos de nos spectateurs », a indiqué M. Medinski. Isabelle Regnier Une fois n’est pas coutume, c’est par un film français, un film d’auteur, un film social, un film de femme, que s’ouvrira le 68e Festival de Cannes, le 13 mai. La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, suit le parcours d’un jeune garçon qui tombe dans la délinquance, tandis qu’une juge pour enfant et un éducateur s’évertuent à le sauver de sa condition. Année de trauma national oblige, Thierry Frémaux a choisi de déroger à la règle tacite qui réserve cette soirée de gala à des films spectaculaires, souvent américains… et pas nécessairement fulgurants sur le plan artistique – qu’on se souvienne de Grace de Monaco, en 2014, ou du Da Vinci Code (2006)…« Cette année, on a voulu commencer par un bon film », annonce le délégué général du Festival, qui se félicite de présenter une œuvre qui « relève d’un certain engagement ». Il ajoute : « C’est un film universel, qui exprime bien les questions qui se posent sur nos modèles de société ; un film qui parle de la jeunesse, de transmission, du rapport entre la justice et la société, des mécanismes sociaux et éducatifs mis en place dans un pays comme la France pour traiter des cas de délinquance… »La Tête haute n’est sans doute pas un brûlot, et son casting – Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier – garantit au Festival un niveau de glamour acceptable. « C’est un film très émouvant », ajoute le délégué général du Festival, qui ne doute pas de sa capacité à séduire le grand public.Sortie parallèle en sallesDistribué par Wild Bunch, grand pourvoyeur de la sélection officielle, il sortira en France dès le 13 mai, les cinémas qui le souhaitent étant encouragés à lancer le film en même temps que la projection cannoise, et à retransmettre en direct la soirée d’ouverture.On a beaucoup parlé de Mad Max : Fury Road pour l’ouverture, mais Warner ne le souhaitait pas, et le Festival ne l’a jamais envisagé, assure Thierry Frémaux. La Tête haute lui est apparue, dit-il, comme une opportunité de donner au Festival une tonalité de départ qui résonne avec le climat de la France post-attentats, mais aussi « d’exprimer une confiance dans le cinéma français, dans son modèle fructueux de soutien à la création, dans le cinéma d’auteur, dans la mise en scène ». Sa sélection n’est pas terminée, mais il assure qu’il y a de nombreux « très bons candidats français ».Venue à Cannes pour la première fois en 1997 avec son court-métrage Les Vacances, puis en 1999 avec La Puce (Cinéfondation), en 2001 avec son premier long-métrage Clément (Un certain regard), en 2011 comme coscénariste du Polisse, de Maïwenn (Compétition), Emmanuelle Bercot avait présenté Backstage (2004) et Elle s’en va (2013) au Festival de Berlin. Deuxième femme à avoir un film en ouverture de Cannes, après Diane Kurys, pour Un Homme amoureux (1987), la réalisatrice aura-t-elle les honneurs de la compétition ? Contribuera-t-elle à améliorer la représentation des femmes dans la section reine, et éteindre la polémique qui enfle chaque année sur le sujet à la même période ? Réponse le jeudi 16 avril, à l’issue de la conférence de presse.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 10.04.2015 à 08h21 • Mis à jour le10.04.2015 à 09h13 Arts« Les Clés d’une passion » : le coup d’éclat de la Fondation Louis Vuitton La première version du Cri, d’Edvard Munch ; La Danse, de Matisse ; la Tête de femme aux grands yeux, de Picasso ; L’Equipe de Cardiff, de Robert Delaunay… Ce ne sont là que quelques-unes des œuvres de premier plan que réunit la nouvelle exposition de la Fondation Louis Vuitton, mais, à elles seules, elles justifient qu’on se rende dans ce nouveau lieu culturel parisien, à l’orée du bois de Boulogne. Subtilement composée par Suzanne Pagé, l’exposition joue des face-à-face et des mises en regard, provoquant chocs et contrastes évocateurs. A voir jusqu’au 6 juillet.Fondation Louis Vuitton, à Paris.Lire aussi :Exposition choc à la Fondation Louis VuittonThéâtre« Dialy » : les « “Monologues du vagin” marocains » à l’IMA Cette pièce de théâtre, qui brise le tabou de la sexualité féminine dans la société marocaine en mille morceaux de bravoure et éclats d’un rire libérateur, a fait grand bruit depuis sa création, en 2012. Création d'un théâtre militant implanté à Rabat, ce texte interprété sur scène par trois comédiennes est issu de rencontres et ateliers d'expression qui ont permis de recueillir la parole de quelque 150 femmes. « Dialy » il est à moi, c'est le mien… est montré pour la première fois en France pour une représentation unique à l'Institut du monde arabe.Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Samedi 11 avril à 20 heures.Lire aussi :Sur scène, des Marocaines osent parler du « leur »Cinéma« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : quand Jamel rencontre LucyLibrement inspiré d’un roman britannique des années 1960, Pourquoi j’ai mangé mon père, de Roy Lewis, ce film d’animation, réalisé en motion capture, est une variation loufoque et enlevée sur le thème des premiers pas de l’espèce humaine. Menée avec verve et énergie par Jamel Debbouze, qui s’est glissé dans la peau du héros, Edouard, un jeune singe qui comprendra le premier l’utilité de se dresser sur ses deux pattes arrière, cette comédie multiplie gags et anachronismes.Film d’animation français de Jamel Debbouze (1 h 35).Lire aussi :« Pourquoi j’ai pas mangé mon père » : ton père à quatre pattes à l'aube de l'humanité !Comédie musicale« Le Bal des vampires » revit sur scène Cette version musicale du fameux film d’horreur parodique, réalisé par Polanski en 1967, a été adaptée aux dimensions du Théâtre Mogador. La musique est de Jim Steinman, le livret et les chansons de Michael Kunze ont été adaptés par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, la scénographie, entre auberge des Carpates et château gothique art déco, est signée William Dudley. Nouveauté de cette version, les projections de films 3D et les effets de neige électronique rendant l’atmosphère du cinéma.Théâtre Mogador, à Paris.MusiquesBastien Lallemant fait la sieste en musique Salué pour ses textes à la douceur inquiétante, son timbre clair et ses mélodies dans la lignée d’un Serge Gainsbourg, le compositeur et chanteur dijonnais Bastien Lallemant revient avec un nouvel album, La Maison haute, influencé par la musique baroque, les intruments à cordes, mais aussi le rock américain, et une série de concerts. Celui qui collabore souvent avec la même bande de musiciens – J.P. Nataf, Albin de la Simone, Bertrand Belin… – a inventé avec eux les « siestes acoustiques » où le public écoute, allongé, des concerts en petit comité.Cité universitaire, à Paris.Lire aussi :La bande-son de Bastien LallemantCinéma« Histoire de Judas » : aux confins de la Bible et de la réalitéLoin de la pompe du péplum biblique, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, tourné en Algérie, nous transporte dans la Judée de Ponce-Pilate, dans le sillage de Jésus de Nazareth, aux confins du mythe biblique et de la réalité. Le récit ne cherche pas à éviter les étapes obligées du Nouveau Testament, mais, se revendiquant laïc, les inscrit dans une fluctuation quotidienne. Dans ce cadre, Judas Iscariote (interprété par le cinéaste lui-même) est l’élément qui permet d’envisager l’histoire de biais. Il n’est plus le traître de la tradition évangélique mais l’homme de main du prophète, présenté ici en prototype du leader protestataire.Film français de Rabah Ameur-Zaïmeche avec Nabil Djedouani, Rabah Ameur-Zaïmeche, Mohamed Aroussi, Marie Loustalot (1 h 39).Lire aussi :« Histoire de Judas » : Jésus et Judas, deux visages d’une révolutionThéâtre« Hinkemann » : un homme broyé dans une Allemagne en décomposition Pour voir comment le visage et le corps d'un homme peuvent incarner toute la défaite d'une société, il faut aller voir Hinkemann au Théâtre de la Colline, à Paris. On y redécouvre un auteur remarquable et un peu oublié, Ernst Toller, qui écrivit en 1921 ce portrait d'un homme broyé, mutilé par la guerre, tentant de survivre dans une Allemagne en décomposition. Stanislas Nordey le joue magnifiquement, cet homme dans sa chute irrémédiable, dans le climat proche de celui du cinéma expressionniste allemand installé par la metteuse en scène, Christine Letailleur.Théâtre de la Colline, à Paris.Lire aussi :Hinkemann, impuissant dans une ère sans âmeMusiquesRenata Rosa et l’art du repente Auprès des immigrés nordestins de Sao Paulo, la chanteuse brésilienne Renata Rosa a appris l’art du repente, cette joute poétique chantée héritée du Portugal et de la Galice. La musicienne a intégré toute ses expériences personnelles, dont ses rencontres avec les Indiens Kariri-Xoco, amateurs de polyphonies, pour faire des chansons et des disques, où elle s’accompagne du rabeca, un précurseur du violon d’origine arabe. S’y invitent les percussions des religions afro-brésiliennes, le pandeiro de la samba, les structures rythmiques croisées. « Nous sommes un peu du tout », dit Renata Rosa.Musée du quai Branly, à Paris. Dimanche 12 avril à 17 heures.Lire aussi :Renata Rosa, exploratrice musicaleThéâtre« Orlando ou l’impatience » : une quintessence de Py Présenté en juillet 2014 en ouverture du Festival d’Avignon, ce spectacle d’Olivier Py, dont c’était la première édition en tant que directeur de la manifestation, est une quintessence de son théâtre, de ses obsessions et de ses fantasmes. Farce joyeuse et macabre, Orlando ou l’impatience est une pièce en partie autobiographique, inspirée par le personnage de Virginia Woolf. Olivier Py a glissé un peu de lui même dans chacun des personnages, joués par des acteurs formidables qui évoluent dans un décor de Pierre-André Weitz, magnifique jeu de théâtre dans le théâtre.Théâtre de la Ville, à Paris.Lire aussi : « Orlando »: un concentré de Py pour le pire et le meilleurArtsCharles de La Fosse saute au plafond à Versailles L’exposition consacrée au peintre Charles de La Fosse, qui montre ses dessins, esquisses et tableaux, donne surtout l’occasion d’admirer la grande campagne de restauration menée sur le cœur de Versailles : les grands appartements royaux datant du Roi Soleil. Soixante personnes, coloristes, marbriers, bronziers, tapissiers, doreurs, etc. ont participé à la restauration du salon d’Apollon, la chambre du lever et du coucher du roi, devenue Salle du trône. C’est à Charles de La Fosse que le roi avait confié la composition centrale du plafond de la pièce d’apparat – le plafond étant l’élément essentiel du décor. Louis XIV est Apollon sur son char, soleil dominant les saisons, les heures et l’Univers tout entier.Château de Versailles.Lire aussi :De La Fosse, peintre de Versailles 07.04.2015 à 08h58 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h22 On ne sait si ce succès, qui dépasse toutes les prévisions, est dû plutôt à la baisse du coût du carburant ou à la disparition récente – dans un accident d’auto, bien sûr – de l’une des vedettes de la série, mais, avec près de 400 millions de dollars de recettes au terme de son premier week-end d’exploitation, Fast & Furious 7 peut d’ores et déjà prétendre aux plus hautes marches du podium.Selon le site de la publication professionnelle Variety, Fast & Furious 7 (traduction française du titre original Furious 7) a rapporté 143,6 millions de dollars en Amérique du Nord, se plaçant ainsi au neuvième rang des démarrages. Les 245 millions de dollars de recettes dans le monde le portent au quatrième rang des sorties planétaires derrière deux épisodes de la saga Harry Potter et le premier film de la série Avengers. En France, où l’on ne compte pas en dollars ou en euros mais en spectateurs, le film réalisé par James Wan a comptabilisé 357 566 entrées, mercredi 1er avril, jour de sa sortie.Ce succès pourrait permettre au studio Universal de se placer, aux côtés de Warner, Fox et Sony, au rang des studios dont un film a passé la barre du milliard de dollars de recettes mondiales en salles.Lire aussi :L'ombre de Paul Walker plane sur « Fast & Furious 7 »Pas de stars de première magnitudeLe succès de la série est d’autant plus remarquable qu’il ne repose pas sur l’exploitation d’un produit connu (jouets comme pour Transformers ou héros de bande dessinée comme Superman ou The Avengers) et se passe de stars de première magnitude.En novembre 2013, la mort de Paul Walker, l’acteur qui, depuis le premier épisode, incarnait un policier initialement chargé de réprimer les courses de rue, avait interrompu le tournage de Fast & Furious 7, dont le scénario a été en partie réécrit. Les circonstances de son décès – aux côtés d’un ami qui a perdu le contrôle de la voiture de sport qu’il essayait – ont probablement avivé l’intérêt pour la série.Lire aussi :La mécanique du succès Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Un dieu et un diable »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 27.03.2015 à 17h33 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h53 | Jacques Mandelbaum Il sera dit que Welcome to New York, le film qu'a inspiré au réalisateur américain Abel Ferrara (Bad Lieutenant, The Addiction, New Rose Hotel…) l'affaire Dominique Strauss-Kahn, n'en finit pas de faire couler de l'encre. Projeté symboliquement le 17 mai 2014, en marge du Festival de Cannes dans une salle de la ville, puis, plus confidentiellement, en présence de son acteur principal, Gérard Depardieu, ce film sulfureux fut concomitamment proposé au grand public sous forme de vidéo à la demande (VOD) par son co-producteur, distributeur français et vendeur international, la société Wild Bunch.Lire aussi : « Welcome to New York » : DSK-Depardieu-Ferrara pour un grand film maladeLe scandale ne fut pas à la mesure de ce que l'on craignait, en dépit de quelques voix scandalisées par le film, ainsi que l'annonce d'une action en justice portée par l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Maître Jean Veil. Mais le producteur Vincent Maraval, fomentateur de ce double coup de force (une affaire concernant un homme d'Etat fictionnalisée à chaud par un maître provocateur, un film qui bouscule les convenances nationales en occultant la sortie en salles), voit aujourd'hui cette affaire se retourner contre lui.Entrer dans la nomenclature de la censureAlors que la société de distribution IFC doit sortir le film en salles aux Etats-Unis, vendredi 27 mars, Abel Ferrara vient de la menacer de la poursuivre en justice, ainsi que Wild Bunch, qui a procédé sans son accord à cette version expurgée, plus courte d'un quart d'heure. Wild Bunch se défend en rappelant que la version destinée à l'exploitation du film aux Etat-Unis était contractuellement définie pour entrer dans le cadre de ce que la nomenclature de la censure américaine nomme le « R Rated » (mineurs accompagnés d'un adulte).Mais cet accord est visiblement nul et non avenu pour le cinéaste qui aurait refusé de participer à ce remontage. Il a déclaré, jeudi 26 mars, dans le New York Times, au sujet de Vincent Maraval, patron de Wild Bunch : « Le crime, c'est le droit que s'accorde ce gars de couper mon film. C'est moi, réalisateur, qui ai le “final cut”. C'est une question de liberté d'expression. » Pour apporter de l'eau à son moulin, le cinéaste précise que « la version faite par Maraval change complètement le contenu politique du film, qui porte sur la violence commise contre une femme ».Vincent Maraval, lassé par une polémique qui a déjà largement défrayé la chronique aux Etats-Unis, nous répond, quant à lui, laconiquement : « En gros, nous ne faisons qu'appliquer notre contrat avec Abel, qui fait son show habituel pour la plus grande joie des médias ». Le producteur et distributeur évoquait le cinéaste plus longuement et avec plus de virulence, le 5 mars, sur le site spécialisé américain Indiewire : « Comme toujours, il utilise les médias pour bâtir la légende de l'artiste persécuté par le système. En vérité, Abel Ferrara est un homme pitoyable qui a perdu l'esprit durant ses années d'addiction à la drogue, et qui a besoin de faire du bruit et de la provocation pour exister. Nous avons passé dix ans et cinq films à tenter de l'aider, mais il est son premier ennemi. Son talent est intact mais il prend plaisir à détruire son œuvre. »Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le premier volet des Enquêtes du département V, polar danois signé Mikkel Norgaard, connu pour avoir créé la série « Borgen », est accessible, à partir de vendredi 27 mars, sur les plateformes françaises de VOD. Le deuxième sortira de manière classique, en salles, le 8 avril. Un an après avoir distribué directement sur le Web le film d’Abel Ferrara, Welcome to New York, la société Wild Bunch continue donc de tester le potentiel d’Internet pour exploiter directement les films, sans passer par la salle. « La salle doit rester un lieu spécifique, dit Vincent Grimond, le président de Wild Bunch. Au-delà d’un certain nombre de films, un distributeur ne peut plus bien les sortir, leur accorder l’attention dont ils ont besoin. Du coup, ils sortent mal… De toute façon, on ne peut pas s’attendre à ce que les gens soient prêts à débourser 11 euros pour les 17 films qui sortent chaque semaine. »Les résultats de Welcome to New York n’ont pas été à la hauteur des espérances. Au moment de le lancer, Brahim Chioua et Vincent Maraval, les associés de Vincent Grimond, imaginaient toucher un public bien plus large qu’ils ne l’auraient fait en salles, où ils évaluaient le potentiel du film à 300 000 entrées. Malgré l’audience de 20 millions de personnes que leur offraient les plateformes de VOD sur lesquelles ils distribuaient le film (d’Orange à Free en passant par TF1 et beaucoup d’autres), malgré un gros buzz et une campagne de pub tapageuse, Welcome to New York n’a été acheté que 200 000 fois. Mais l’exercice a été profitable, et a permis d’affiner la stratégie.Lire aussi : l’entretien avec Brahim Chioua et Vincent MaravalSortie simultanée en salles et sur InternetConvaincu du bien-fondé de sa démarche, Wild Bunch s’inspire des pratiques des distributeurs indépendants américains, qui sortent de plus en plus souvent leurs films en salles et sur Internet simultanément. « Harvey Weinstein a sorti Snowpiercer de cette manière, avec sa société Radius, spécialement créée pour ce type d’exploitation. Le film a très bien marché en salles et rapporté 15 millions de dollars en VOD ».Aux Etats-Unis, la distribution en ligne a constitué, ces dernières années, un véritable ballon d’oxygène. Le marché de la VOD et de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement, sur le modèle Netflix) représente aujourd’hui 4,7 milliards d’euros, soit plus que le marché de la vidéo physique (DVD et Blu-ray). Le réalisateur américain Mark Duplass, qui vient de signer un contrat avec Netflix, a récemment lancé, au cours d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du festival South by South West : « Dieu bénisse la VOD ! », enjoignant les jeunes réalisateurs à « oublier la salle ». Pour diffuser un film en VOD les plate-formes comme Netflix proposeraient selon Marc Duplass de 50 000 à 500 000 dollars. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie paupérisée qui est celle du cinéma indépendant américain.Mais le système américain n’est pas transposable en l’état en France. Conçue pour protéger l’exploitation des films sur les différents supports, et tout particulièrement la salle, la réglementation connue sous le nom de « chronologie des médias » exige de laisser passer trois mois entre les sorties en salles et en VOD. Si un distributeur souhaite sortir un film directement en VOD, il lui faut donc sacrifier la salle. Aussi, jusqu’à récemment, le « direct-to-VOD » était-il associé à des films ratés ou jugés sans potentiel commercial. Tout le pari de Wild Bunch consiste à revaloriser symboliquement ce type d’exploitation, avec l’idée qu’elle pourra représenter, pour certains films, le moyen de toucher un public le plus large possible.Cinq films en « e-cinéma » d’ici fin 2015La double sortie d’Enquêtes du département V, en VOD et en salles, va permettre à l’entreprise de comparer la réponse des spectateurs. D’ici la fin de l’année, cinq autres films Wild Bunch sortiront ainsi en « e-cinéma », pour reprendre la terminologie maison : un film de vampires (What We Do in the Shadows, de Taika Waititi et Jemaine Clement) ; un film d’auteur international (99 Homes, de Ramin Bahrani, en compétition à Venise en 2014) ; le biopic d’une star de la téléréalité britannique (Un Incroyable Talent, de David Frankel) et deux films d’horreur (The Green Inferno, d’Eli Roth et Sinister 2, de Cirian Foy).Lire aussi :Avec « The Green Inferno », Wild Bunch se lance dans l’« e-distribution »Très différents dans leur positionnement, ces films ont valeur de test. Wild Bunch ne cherche pas seulement à vérifier le potentiel commercial des genres, la spécificité des différentes plateformes de VOD, mais aussi à « éduquer le marché », comme le formule Vincent Grimond, qui compte bien se poser en intermédiaire pour tous les indépendants qui seraient tentés par l’expérience. « Il faut arriver à positionner le e-cinéma comme un lieu de valeur ».Wild Bunch n’est pas seul sur le créneau. A l’automne dernier, Warner a organisé une projection de presse en salles pour Tammy, anoblissant par là cette comédie qu’elle destinait au seul marché VOD. Quant à Netflix, elle en fait un de ses arguments commerciaux, préemptant tous les droits des films qu’elle achète en exclusivité pour ne les exploiter qu’en ligne. Cette année, ses abonnés français ont ainsi pu découvrir The Disappearance of Eleanor Rigby, de Ned Benson, un film en trois volets dont les deux premiers ont été présentés à Toronto et le dernier à Cannes (section Un certain regard), mais qui n’ont jamais touché les salles, et St. Vincent, de Theodore Melfi, une comédie américaine avec Bill Murray et Melissa McCarthy.En France, le marché de la VOD et de la SVOD est encore embryonnaire, mais son potentiel est jugé énorme. Une récente étude commandée par Unifrance au cabinet EY estime qu’il pourrait représenter jusqu’à 75 millions d’euros en 2020. Alors que les investissements dans le cinéma ont baissé de 21,7 % en 2014, cette manne paraît providentielle. Certains, comme George Berman, fondateur de la société Partizan, estiment que le marché ne pourra pas décoller tant que la législation française ne sera pas plus ferme sur le piratage. L’étude considère, au contraire, que le défi réside du côté de l’offre, de la création d’une plateforme européenne concurrente de Netflix, à même de proposer un catalogue suffisamment attractif, où le cinéma d’auteur serait valorisé. Et de la promotion de formes de distribution alternatives.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.03.2015 à 17h26 • Mis à jour le27.03.2015 à 17h06 | Florence de Changy (Hong Kong, correspondance) Le tournage de films étrangers en France était jusqu’à présent un « produit de luxe ». Il est en passe de devenir plus accessible. Grâce à une nouvelle tranche de crédit d’impôt, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2016, les sociétés de production pourront récupérer l’équivalent de 30 % des dépenses faites pendant la réalisation d’un film dans l’Hexagone (contre 0 % actuellement). Le plafond est en outre passé de 20 à 30 millions d’euros et le dispositif est désormais ouvert aux productions dont le budget total est inférieur à 1 million d’euros, sous réserve que 50 % de la somme soit affectée au tournage en France.La France présente désormais l’un des meilleurs rapports qualité-prix pour venir y « faire du cinéma ». C’est le message porté par les représentants français du secteur lors de Filmart, le plus grand salon asiatique du film, qui s’est tenu à Hongkong du 23 au 26 mars. « A ce tarif-là, certains studios américains pourraient envisager la traversée », a-t-on entendu lors de cette manifestation.Les tournages étrangers (cinéma et autres productions audiovisuelles) en France pèsent... Isabelle Regnier La rumeur courait depuis quelques semaines, le Festival de Cannes vient de la faire taire : Mad Max : Fury Road n’ouvrira pas les festivités. Le film événement, qui réactive, trente ans après sa création, la saga mythique des années 1980, sera bien montré sur la Croisette, mais le 14 mai, lendemain de l’ouverture, hors compétition.C’est Tom Hardy, l’acteur britannique remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight, qui reprendra le rôle du justicier de la route, jadis tenu par Mel Gibson. Face à lui, dans les traces de Tina Turner, Charlize Theron jouera celui d’une guerrière répondant au nom d’impératrice Furiossa.Comme les trois premiers films, ce blockbuster dont la sortie est prévue le jour même dans toute la France a été réalisé par George Miller, dont la carrière avait pris, à partir du milieu des années 1980, un surprenant virage vers le cinéma pour enfants. On lui doit, entre autres, la comédie gothique Les Sorcières d’Eastwick (1987), Babe 2, le cochon dans la ville (1998), et plus récemment les films d’animation Happy Feet (2006) et Happy Feet 2 en 3D (2011).Climat post-apocalyptiqueLe communiqué de presse du Festival de Cannes précise que le film réactive le climat post-apocalyptique de la saga, et le contexte de guerre pour l’eau et l’essence qui le caractérisait – qui a depuis irrigué tout un pan du cinéma d’anticipation. En cette année commencée sous le signe de la violence et des catastrophes, le délégué général Thierry Frémaux a peut-être eu envie de donner une tonalité plus riante à son festival.Pour le film d’ouverture, les pronostics se resserrent désormais sur quelques films à la tonalité plus « feel good » comme Vice Versa (Inside Out), le nouveau film d’animation des studios Pixar, A la poursuite de demain (Tomorrowland), de Brad Bird, transfuge du même Pixar (et réalisateur en 2011 de Mission impossible : Protocole Fantôme), avec George Clooney dans le rôle principal, ou encore Belles familles, comédie de Jean-Paul Rappeneau avec un casting français aux petits oignons (Mathieu Amalric, Karine Viard, André Dussollier, et beaucoup d’autres).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Dans A trois on y va, Jérôme Bonnell met en scène deux personnes qui se trompent l'une l'autre… avec la même femme. Le cinéaste explore avec finesse l'émoi d'êtres en proie à la confusion des sentiments.Lire aussi : « A trois on y va » : deux filles et un garçon dans le tourbillon de la vie Chaque film est-il pour vous une aventure en soi, différente des précédentes ?J'essaye de bifurquer mais je finis toujours par creuser le même trou, comme disait Jean Renoir. J'ai l'envie, un peu illusoire, d'explorer des terrains inconnus, de changer de genre, de tonalité. Mais, à chaque fois, quelque chose me rattrape et me replonge dans des histoires qui ont à voir avec le lien qu'on entretient avec notre enfance, dans une certaine sentimentalité, une certaine mélancolie, un certain burlesque, des liens amoureux, familiaux, des personnages en devenir, au bord de franchir une étape.D'où vous est venue l'envie de réaliser « A trois on y va » ?Il y a une dizaine d'années, j'ai eu envie d'écrire l'histoire de deux personnes qui se trompent l'une l'autre avec la même personne. Plus tard, en parlant avec mon producteur, Edouard Weil, cette idée m'est revenue. Il a insisté pour que je l'écrive. Je me suis alors rendu compte que, pour des raisons un peu mystérieuses, c'était pour moi le moment de faire ce film.Moderne et contemporaine, l'écriture de « A trois on y va » renvoie à certains ressorts du théâtre classique. On pense à Marivaux, mais aussi à Feydeau. Le film pourrait s'appeler « Le jeu de l'amour et du mensonge »…Je suis d'accord. Chez Marivaux, les personnages ont ceci de merveilleux que, à force de chercher à manipuler, ils se font rattraper par la vérité de leurs sentiments et de leurs émotions. Dans le film, Anaïs Demoustier est parvenue, je crois, à trouver cette frontière hyperfine qui sépare le mensonge de la fourberie. Elle ne tombe jamais dans la fourberie parce qu'elle est elle-même dépassée par sa situation de mensonge. Ses sentiments sont toujours vrais, elle est tout le temps déchirée. Elle souffre toujours autant d'aimer et de mentir. Par ailleurs, c'est exact, certaines scènes s'apparentent à du vaudeville. C'est un côté Feydeau que j'adore.Curieusement, peut-être tout simplement parce que votre film se passe à Lille et que les trois personnages sont deux femmes et un homme, on pense à « La Vie d'Adèle ». « A trois on y va » pourrait en être la suite…Oh mon dieu ! Je peux être franc ? Je déteste La Vie d'Adèle même si ses deux actrices sont extraordinaires. C'est le regard de quelqu'un qui déteste tout le monde, qui filme les corps comme il filme un plat de spaghettis. Il déteste les prolos qui regardent « Questions pour un champion », comme il déteste les bobos qui vont voir une expo de peinture. Les scènes d'amour sont des punitions pour les spectateurs. On n'a qu'une hâte, c'est qu'elles finissent tant on souffre pour les actrices. J'ajoute que j'avais adoré L'Esquive et qu'Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent. Je n'aime pas dire du mal. Je préfère vraiment dire du bien des films que j'aime…Par exemple ?Parmi les collègues dont j'apprécie le travail, il y a Mathieu Amalric, Alain Cavalier, Emmanuelle Bercot, Valeria Bruni Tedeschi, Pascale Ferran… Il y a de l'amour dans leurs plans. Mais mon dieu reste Renoir, et La Règle du jeu mon film préféré. On n'a jamais fait mieux. Il me bouleverse chaque fois que je le vois. J'aime le regard humaniste de Renoir, sa manière d'envisager la paix là où devrait surgir le conflit. La paix possible entre Marcel Dalio et Roland Toutain, qui pourtant aiment la même femme. La paix possible entre Gaston Modot et Julien Carette, qui eux aussi aiment la même femme. La paix possible entre Erich von Stroheim et Pierre Fresnay dans La Grande Illusion, autre film de Renoir… C'est magnifique, cette idée que le conflit puisse être remplacé par autre chose. Dans les films comme dans la vie. A trois on y va, de Jérôme Bonnell avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck (1 h 26). En salles le 25 mars.Franck NouchiJournaliste au Monde 07.04.2015 à 07h55 • Mis à jour le07.04.2015 à 11h13 | Isabelle Regnier La Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, poursuit son ouverture aux jeunes issus des milieux défavorisés. Il y a sept ans, la prestigieuse école de cinéma lançait son programme « Egalité des chances » à destination des étudiants des quartiers défavorisés, encourageant, d’une part, les lycéens à considérer La Fémis comme une option viable, et offrant, d’autre part, aux étudiants Bac + 2, et à ce titre éligibles au concours, un programme les préparant à en passer les épreuves.Le programme qu’elle inaugure, mardi 7 avril, en annonçant les noms des quatre candidats qui en constitueront la première promotion, est destiné à une autre catégorie de jeunes gens, toujours issus du même milieu social : des aspirants cinéastes qui n’ont pas nécessairement le niveau Bac + 2. « Assez vite après avoir mis en place le programme “Egalité des chances”, explique Marc Nicolas, le directeur de La Fémis, je me suis dit qu’il nous fallait nous tourner vers d’autres jeunes gens, qui ne sont pas engagés dans l’enseignement supérieur, qui ont quitté les rails de l’université, qui n’ont éventuellement pas même leur bac. »Avec la nomination, en 2010, du cinéaste haïtien Raoul Peck à la présidence de l’école, ce sujet est devenu une priorité. Le réalisateur de Lumumba (2000) se faisait, en effet, « un devoir », soutient Marc Nicolas, d’élargir le public de l’école. Pour établir une procédure de recrutement efficace, et les modalités de la formation idoines, les deux hommes se sont appuyés sur l’expertise d’Aïcha Belaïdi, fondatrice du festival Les Pépites du cinéma qui accomplit depuis des années, à La Courneuve et alentour, un travail auprès des cinéastes autodidactes.Appel à un réseau d’associationsEnsemble, ils ont décidé de faire appel, pour repérer les candidats potentiels, à un petit réseau d’associations comme 1 000 Visages, Tribudom, Talents en court, CinéBanlieue, qui travaillent avec de grands adolescents, sur le cinéma. Plus courte que le cursus classique, la « résidence » proposée doit s’étaler sur neuf mois, pendant lesquels les élèves se verront enseigner les bases d’une pratique professionnelle du métier, et accompagner dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage « dans les mêmes conditions que les étudiants de La Fémis ». Ils bénéficieront, en outre, d’une bourse mensuelle de la fondation Culture et Diversité.Le communiqué de presse de l’école présente brièvement les lauréats 2015, et les films qui auraient, selon leurs dires, déclenché leur envie de faire du cinéma : Mean Streets (1973), de Martin Scorsese ; La Visite de la fanfare (2007), d’Eran Kolirin ; Yamakasi (2001), d’Ariel Zeitoun et Gerry (2003), de Gus Van Sant. Le spectre est large. Couplée à l’origine de ces jeunes gens, âgés de 20 à 24 ans, qui viennent tous de banlieue (Ris-Orangis, Aubervilliers, Grigny-La Grande Borne et Grigny), cette diversité fait espérer à Marc Nicolas qu’« ils feront peut-être des films un peu différents ».Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emmanuelle Jardonnet Revisiter le cinéma à travers le prisme du bleu. Cette envie du Forum des images lui a été inspirée par le film où cette couleur a récemment accroché la rétine de tant de spectateurs : La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, et le joli titre de la bande dessinée dont il est adapté, Le bleu est une couleur chaude.Le Forum des images s’était déjà intéressé au rouge, puis au noir – avec un cycle qui avait été concomittant à l’exposition Soulages du Centre Pompidou, il y a quelques années. « L’angle de la couleur permet de réunir des films très différents par une approche plastique, esthétique, du cinéma qui change de nos cycles thématiques sur des questions de société – la justice récemment, bientôt la jeune fille », expliquent les programmatrices Laurence Briot et Marianne Bonicel. La spécificité du bleu ? « Il est très variable et mouvant, traduit beaucoup d’émotions différentes, contradictoires. »Avec un cycle de plus de 70 films, qui se déploie du 1er avril au 24 mai, place au bleu et à son infinité de nuances. Au sein de cette large palette, se distinguent néanmoins plusieurs motifs :La couleur du troubleAvec les cheveux bleus d’Emma surgit le trouble dans La Vie d’Adèle (2013). En attirant le regard de la jeune Adèle, ils révèlent un désir nouveau, inattendu. Cette chevelure bleue n’est pas la première du genre au cinéma, elle est plutôt venue réactualiser une lignée hétéroclite de beautés aux mèches bleutées, où l’on retrouve la femme du club Silencio de Mulholland Drive (2001), de David Lynch, ou encore Jill, l’héroïne d’Immortel (Ad Vitam) (2004), d’Enki Bilal, pour citer deux films également programmés.Ambivalent, le bleu colore parfaitement fantasmes et sentiments en suspens. Dans La Chambre bleue (2014), de Mathieu Amalric, il se fait ainsi l’écrin érotique d’amants illégitimes.Reflets d’ordinateur, vie nocturne, draps : la couleur bleue donne une teinte à l’addiction sexuelle du personnage masculin de Shame (2011), de Steve McQueen.Le bleu se fait ainsi tour à tour couleur de l’intime, des liaisons impossibles – comme dans le bien nommé Forty Shades of Blue (2005), d’Ira Sachs – ou de l’inavouable. Le Secret de Brokeback Mountain (2005), d’Ang Lee, est un film traversé par le bleu : celui des regards, du ciel des grands espaces ou de la chemise bleue, souvenir-trophée d’un amour interdit, scellé par surprise lors d’une nuit partagée à la belle étoile.Quand le fantasme vire à l’obsession, le bleu devient plus intense. L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2011), documentaire de Ruxandra Medrea et Serge Bromberg, montre parmi les 13 heures de pellicule tournées de ce film inachevé une Romy Schneider rêveuse nimbée de bleu, jusqu’à son rouge à lèvres, à travers le regard maladivement jaloux de son mari.Plus discrètement, Douglas Sirk, dont le Forum des images programme six films, utilisait dans ses mélodrames de subtiles variations du bleu pour dépeindre des sentiments exaltés et douloureux – l’historien du cinéma Jean-Loup Bourget consacrera d’ailleurs à la question un des quatre « cours de cinéma » proposés par le cycle.Une couleur aussi picturale que photogéniqueCertains cinéastes écrivent avec les couleurs. Parmi ces grands coloristes : « Godard ou Kaurismaki, qui imaginent à l’origine leurs films avec un nuancier », détaillent les programmatrices. Très chromatiques également : « Takeshi Kitano, David Lynch et Tim Burton, qui sont par ailleurs peintres », soulignent-elles.Or, le bleu ne va jamais tout seul, c’est une couleur « timide » ; parler du bleu, c’est parler des autres couleurs, dit en substance l’historien de la couleur Michel Pastoureau, invité à présenter l’histoire et la symbolique de la couleur dans le cadre du cycle. Il va souvent avec le rouge, « son complice, son rival, son contraire », résument Laurence Briot et Marianne Bonicel. Comme chez Godard, dans Une femme est une femme (1961), et bien sûr Pierrot le fou (1965).Autre exemple d’association, en l’occurence fatale, entre le bleu et le rouge : Deep End (1970), de Jerzy Skolimowski, dans lequel un nouvel employé d’une piscine s’éprend d’une de ses collègues, rousse.Un peu moins attendu sur ce terrain chromatique, Eric Rohmer, « réputé être un cinéaste très bavard, disait pourtant qu’au départ d’un film, il y a la couleur. Chez lui, les sentiments se disent aussi par elle, les tenues changent avec les humeurs », expliquent les programmatrices, qui ont retenu Les Nuits de la pleine lune (1984) et L’Ami de mon amie (1987).Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar est un grand amateur de couleurs franches. Deux de ses films sont présentés : Talons aiguilles (1991) et La Fleur de mon secret (1995), où les habits bleus et rouges entrecroisent les sentiments amoureux.Le cycle présente également deux films de Takeshi Kitano : Hana-Bi (1997), ponctué des peintures du cinéaste, et L’Eté de Kikujiro (1999), exemple du lien qui existe entre le bleu et l’enfance. Recouvrant l’angelot-clochette confié au petit garçon pour le protéger, le bleu rappelle ici que cette couleur est omniprésente dans les contes pour enfants (hommes bleus et robes dans Peau d’âne, la fée clochette, la robe d’Alice dans Alice au Pays des merveilles ou celle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz...).Chez Jane Campion, qui a elle aussi fait les beaux-arts et étudié la peinture, le bleu se fait plus « tendre », analysent les programmatrices, qui ont pu mettre à l’affiche trois de ses films : La Leçon de piano (1993), « où la lumière est très importante, et où elle réussit à accorder le bush aux couleurs sous-marines », Portrait de femme (1996), à la palette de bruns et de bleus, et Bright Star (2009), « où la jeune héroïne s’allonge avec sa robe bleue dans un champ de jacinthes sauvages ».Chez Enki Bilal, le bleu, associé au féminin, (ré)équilibre le chaos des autres couleurs. Une rencontre avec le cinéaste dessinateur est programmée, lors de laquelle il évoquera sa symbolique du bleu à partir d’extraits de ses films.Pour revenir aux origines de la couleur au cinéma, les premiers films en technicolor ont donné lieu à une explosion chromatique. Les yeux et les tenues d’Ava Gardner brillent dans Pandora (1951), comme le regard de James Stewart, spectateur-voyeur de Fenêtre sur cour d’Hitchcock (1954). Les yeux bleus sont d’ailleurs un « fil bleu » de la programmation, confient Laurence Briot et Marianne Bonicel : « Il y a une magie des acteurs et actrices aux yeux bleus dans le cinéma, leur regard est souvent magnifié. »La surprenante présence d’un film en noir et blanc, Quai des brumes (1938), de Marcel Carné, ne se justifie d’ailleurs que par la présence « des quatre yeux bleus les plus connus du cinéma français : ceux de Jean Gabin et de Michèle Morgan, qui transpercent le noir et blanc lors de la célèbre réplique “T’as de beaux yeux, tu sais”. »La couleur d’une inquiétante étrangetéLe bleu jalonne le cinéma onirique d’un David Lynch, d’un Tim Burton ou d’un John Carpenter. Le rêve y revêt une inquiétante étrangeté qui peut virer à la peur bleue.Chez Lynch, le bleu « irradie de néons, de reflets ou d’écrans », il est « radioactif », détaillent les programmatrices. « Dans la théâtralité de son univers, le bleu pointe vers l’angoisse, le mortifère. » Un cours de cinéma par l’historien et critique Hervé Aubron est consacré aux bleus du cinéaste, dont l’un des plus célèbres films porte le nom de la couleur, Blue Velvet (1986) :« Dans les contes gothiques de Tim Burton, le bleu est la couleur de la femme perdue, de la mère, et des fantômes, comme dans Dark Shadows (2012) », programmé.Dans les œuvres de science-fiction, à l’opposé des créatures « monstrueuses » traditionnellement vertes, les extra-terrestres ou androïdes bleus représente un autre plus proche de l’allure et des sentiments des humains, tels les Navis d’Avatar (2009).La couleur de la force vitale comme de la mélancholieLe bleu est la couleur des éléments et des espaces évoquant l’infini, de la mer au ciel. Du Grand bleu (1988) à Into the Wild (2007), de Respiro (2002) à Terraferma (2011), la mer est un personnage de cinéma aux rôles mouvants, tour à tour source de bonheur, d’espoir ou de danger. Dans Alamar (2009), de Pedro Gonzales-Rubio, mi-documentaire, mi-fiction d’une heure, elle est avant tout poétique.Chez Terrence Malick, « le bleu est celui de l’aube et des origines », souligne le duo de programmatrices. Le cinéaste filme le ciel, la mer et les grands espaces avec un « amour presque mystique de la nature », au plus près comme au plus global, dans La Balade sauvage (1973) et bien sûr Tree of Life (2011).Le bleu est aussi celui des astres. Mais l’observation nocturne des mystères des planètes et des étoiles va volontiers de pair avec une introspection sur la terre ferme. Le documentaire Nostalgie de la lumière (2010), de Patricio Guzman, sera présenté par l’astrophysicien Vincent Guillet. Dans Melancholia (2011), de Lars Von Trier, la collusion inévitable avec la planète bleue du même nom délivre le personnage de Justine de son mal-être.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Aureliano Tonet, Isabelle Regnier, Franck Nouchi et Jacques Mandelbaum Tournant entre le Portugal, l’Espagne et la France, avec des pointures de la trempe de Marcello Mastroianni, Catherine Deneuve ou John Malkovich, Manoel de Oliveira était un immense cinéaste européen. Sa disparition, jeudi 2 avril, a suscité une vive émotion sur tout le continent. Florilège.Lire aussi :Manoel de Oliveira, ou le cinéma dépossédéPaulo Branco, producteur : « Pirandello avait adoré son premier film ! »Portugais établi à Paris, Paulo Branco fut le producteur d’Oliveira pendant plus de vingt ans.« Comme tous les génies, il était à la fois un dieu et un diable. Aussi séduisant qu’il était intransigeant. Il avait tous les défauts des hommes et toutes les qualités d’un artiste. Pendant longtemps, les films de Oliveira ne furent pas défendus par les critiques portugais. Il m’avait raconté que son premier film, Douro, fut très critiqué à cause de son aspect naturaliste. Alors même que c’est un film magnifique.Deux ou trois ans après, Pirandello, de passage au Portugal, le vit dans une salle de cinéma. A la sortie, étonné par les réactions du public, il dit ceci : “Je ne savais pas qu’au Portugal on applaudissait en tapant des pieds !” Il avait adoré le film, mais il était bien le seul !Manoel a dû attendre longtemps pour connaître une véritable notoriété au Portugal. Je me souviens – il venait, je crois, d’avoir 85 ans – lorsqu’il a été obligé de vendre la belle maison qu’il possédait à Porto. Il me dit alors : “Paulo, à partir de maintenant, je vais avoir besoin de vivre du cinéma.” Il a longtemps été mal-aimé des élites portugaises. Il a fallu qu’il attende d’avoir 100 ans pour être enfin reconnu comme un grand artiste dans son propre pays. Alors même qu’il l’était depuis longtemps dans le monde entier. Chaque jour, pendant plus de vingt ans, à ses côtés, j’ai appris et j’ai été surpris. Constamment. Je me disais toujours : “Mais où va-t-il ?” C’est lui qui m’a appris à prendre des risques. »Luis Urbano, producteur : « Le cinéma, secret de sa longévité »Producteur d’élection du jeune cinéma portugais avec sa société O Som e a Furia (il a notamment produit Tabou, de Miguel Gomes), il aura aussi été le dernier partenaire du vétéran Oliveira.« Manoel de Oliveira est décédé jeudi matin, chez lui. Nous avons travaillé avec le maître dans ses derniers deux films, Gebo et l’Ombre (2012) et Le Vieillard du Restelo (2014). Nous sommes profondément peinés par sa disparition. Nous nous associons à la douleur de sa famille, femme, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Manoel est parti et, comme lui-même l’aurait dit, il est sorti par une porte. La mort, selon lui, est une porte de sortie. Il a franchi cette porte et nous restons.Nous avons présent le souvenir du temps que nous avons passé avec lui qui fut, il faut le dire, toujours profondément drôle. Il faut maintenant continuer, avec encore plus de persévérance et de conviction, ce que nous faisons, qui est notre métier, et qui était aussi le secret de la longévité de Manoel : le cinéma. A la prochaine, Manoel. »José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque portugaise : « Un monument »José Manuel Costa dirige la Cinémathèque portugaise, à Lisbonne, qui a bouleversé sa programmation à l’annonce du décès du réalisateur.« C’est une perte très grande et très dure pour le Portugal. Car Manoel de Oliveira était plus qu’un cinéaste de génie. C’était un artiste immense, un monument de la culture portugaise dans son ensemble. Il incarnait le miracle de ce cinéma, qui parvient à être infiniment plus grand que le petit pays qui le produit. Nous nous étions habitués, dans le milieu du cinéma, à son énergie, à sa foi, à sa longévité. Voici quelques semaines, il était d’ailleurs de nouveau à pied d’œuvre. Voilà pourquoi le choc est si rude.Dans la crise que traverse aujourd’hui le système de financement du cinéma portugais, Manoel s’est engagé jusqu’au bout, comme il l’a fait toute sa vie, pour rappeler l’importance de ce medium dans la reconnaissance du pays. Je crois que sa mort va donner à nos jeunes cinéastes, si talentueux et si inventifs, une raison supplémentaire de continuer et de perpétuer son exemple. »Miguel Gomes, cinéaste : « Il a alterné candeur et ironie »Auteur de Tabou (2012), Miguel Gomes est le chef de file du jeune cinéma portugais.« Aujourd’hui est mort le plus grand cinéaste portugais de tous les temps, avec João César Monteiro. Sa longévité nous fascinait tous mais ne doit pas nous empêcher de reconnaître, en ce moment, sa véritable singularité, celle que nous pouvons retrouver dans ses films. Là, il a toujours été fidèle à ses pulsions et obsessions. Il a été anachroniquement et glorieusement romantique, pudiquement pervers, il a alterné candeur et ironie jusqu’à ce que l’on n’arrive plus à distinguer l’une de l’autre.Il a filmé radicalement la matérialité des choses – des décors de carton-pâte du théâtre à l’intégralité du texte d’un roman – pour que le cinéma puisse se rapprocher d’une vérité : celle de l’évidence. Si moi et mes collègues avons aujourd’hui la possibilité de filmer, nous le devons en grande mesure au génie et à la ténacité du Maître Manoel de Oliveira. »Joao Pedro Rodrigues, cinéaste : « On ne pouvait s’empêcher de le croire éternel »Né en 1966 à Lisbonne, Joao Pedro Rodrigues a signé quatre longs-métrages, dont Mourir comme un homme (2009).« La dernière fois que j’ai vu Manoel de Oliveira, c’était à Porto, en décembre dernier, pour ses 106 ans. Il était déjà très faible. Il ne m’a pas parlé, seulement fait un signe de la main. C’est étrange. Il avait 106 ans, mais on ne pouvait s’empêcher de le croire éternel. Il a toujours agi avec une liberté absolue, sans jamais faire de concession. Il a toujours fait exactement ce qu’il voulait faire. C’est extrêmement important pour moi, et pour tout le monde. Il était une figure phare du cinéma portugais, mais il était surtout l’un des plus grands cinéastes du monde.Je l’ai découvert jeune, et je reviens toujours à ses films, surtout ceux qu’il a réalisés dans les années 1980, et plus que tout Amour de perdition, adaptation d’un roman populaire de Camilo Castelo Branco dont il avait fait une œuvre si personnelle, un mélodrame de quatre heures qui réinventait totalement l’écriture du genre. Il atteint dans ses films une émotion que très peu de cinéastes contemporains parviennent à atteindre, avec un cinéma totalement hors norme.Au Portugal, il a mis longtemps à être reconnu, une fois qu’il a trouvé son propre langage, du moins. Il a fallu attendre qu’il soit adoubé à l’étranger pour qu’on commence à le respecter. Au moment de la sortie d’Amour et perdition, en 1982, je me souviens d’articles qui se moquaient de lui. La dernière fois que j’ai vu ce film, c’était il y a quelques années à la Cinémathèque de Lisbonne, nous étions 10 dans la salle. Aujourd’hui, tout le monde l’appelle le maître, mais je me méfie de cela. »Catherine Deneuve, comédienne : « Il avait décidé de ne plus faire de travelling »Catherine Deneuve a tourné dans trois films avec Manoel de Oliveira : Le Couvent (1995), Je rentre à la maison (2001) et Un film parlé (2003).« Accepter de tourner avec Manoel de Oliveira, c’était se livrer à une expérience insolite, différente de toutes celles qu’on a connues. Je me souviens très bien en particulier du tournage du Couvent, avec John Malkovich. Il avait décidé de ne plus faire de travelling, ce qui, évidemment, était assez déroutant. Même s’il était assez autoritaire, je m’entendais très bien avec lui.Ses producteurs lui donnaient les moyens de travailler comme il l’entendait, c’est-à-dire en prenant tout son temps. Grâce en particulier à Paulo Branco, il a pu, durant la deuxième partie de sa vie, beaucoup tourner, environ un film par an. Les films de Manoel de Oliveira sont très particuliers, très amples, d’une grande richesse. On ne les voit pas juste pour se distraire, au contraire, il faut entrer dedans comme s’il s’agissait d’une expérience nouvelle. »Eugène Green, cinéaste : « Le regard d’un enfant »Grand admirateur du maître portuense, Eugène Green est l’auteur, notamment, de La Religieuse portugaise (2009) et de La Sapienza (2015).« Dans son premier film, muet, Manoel de Oliveira a fait entendre un cri. Il a su transformer, par un miracle de montage, un drame traditionnel de la Passion en protestation contre la dictature de Salazar et la violence du monde contemporain. S’il a réalisé la plupart de ses films au cours de sa longue vieillesse, son regard, curieux et ouvert, mais non dépourvu de malice espiègle, est celui d’un enfant. Né sujet du dernier roi du Portugal, dans un monde qui était encore celui du XIXe siècle, il demeure un témoin essentiel du XXe siècle, et de celui qui commence.Sa disparition est, pour beaucoup d’entre nous, une source de grande tristesse, et néanmoins, elle comporte quelque chose de gai, car elle libère définitivement dans le monde, dans un mouvement qu’on pourrait croire éternel, un œuvre qui compte parmi les plus originaux de l’histoire du cinéma. »Dominique Païni, commissaire d’exposition : « Il avait cinq fois vingt ans »Dominique Païni est le commissaire de l’exposition Antonioni, qui ouvre le 9 avril à la Cinémathèque française – institution dont il fut le directeur de 1993 à 2000.« Cinq poètes viennent de mourir. Cinq Rimbaud. Manoel de Oliveira avait cinq fois vingt ans, il a vécu quatre ou cinq vies, une jeunesse sans cesse recommencée, une créativité sans cesse relancée… C’est une première dans l’histoire de l’humanité, qu’on aurait sans doute plus commentée s’il ne venait pas d’un petit pays comme le Portugal. Il avait l’âge de son art.C’était un des plus grands poètes du cinéma. Et un vrai poète, au-delà du cinéma. Je le place au sommet de l’Europe, avec Michel-Ange et Picasso. On sortait de ses films en se sentant plus intelligent. Parmi ceux qui m’ont le plus marqué, il y a bien sûr Le Soulier de Satin, mais me reste plus fortement gravé encore Mon Cas, avec Bulle Ogier. Ses derniers films sont très beaux. L’Etrange Affaire Angelica relève de l’enchantement, mais si fort que ça finit par faire peur. La beauté, au degré où il la mettait en scène, devenait terreur. C’est pour cela qu’on était mal à l’aise devant ses films.Je me souviens de l’avoir accompagné à une soirée donnée en son honneur, quand il devait déjà avoir bien 94 ans. Il était assis à côté de Claudia Cardinale, qui avait comme autre voisin le président de la République portugais, et qui a passé le repas à rire aux éclats, de ce même rire sauvage qu’elle avait dans Le Guépard. Il m’a raconté après qu’il a passé le repas à lui raconter des histoires salaces, vraiment cochonnes, dans le creux de l’oreille. »Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journalisteIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterFranck NouchiJournaliste au Monde 03.04.2015 à 07h32 • Mis à jour le03.04.2015 à 16h48 ExpositionLes frères Lumière, grands maîtres des images Rien de rébarbatif dans l’exposition interactive imaginée à l’occasion des 120 ans de l’invention du cinématographe Lumière. Au Grand Palais, on découvre non seulement les appareils précurseurs du cinéma (lanterne magique, Thaumatrope, etc.) mais on assiste, comme en 1895, à la première projection publique, dans un salon indien. ll y a quelque chose de bouleversant à retrouver les personnages, les appareils, les films, les lieux qui témoignent de la naissance du cinéma. Mais les frères Lumière ont imaginé aussi d’autres splendides inventions : la photo à 360 degrés, le cinéma en relief et les magnifiques autochromes, photos en couleurs qui évoquent Claude Monet.Grand Palais, à Paris.Lire aussi :Les frères Lumière, inventeurs éblouissantsCinéma « Dear White People » : l’université en blanc et noirPour son premier long-métrage, Justin Simien s'empare des codes de la comédie universitaire et livre un film sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Spirituel et léger, comme le veut le genre, construit autour d'un quatuor de personnages principaux, et de leurs amours instables, il n'en est pas moins profondément politique. Les manifestations de racisme sur le campus de l'université sont l'occasion de mettre en tension communauté et intégration, identité et égalité.Film américain de Justin Simien avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Teyonah Parris (1 h 48).Lire aussi :« Dear White People » : le campus en voit de toutes les couleursHumour « Chatons violents » : Océanerosemarie appelle un chat un chat Après le succès de son « coming out » joyeux et décomplexé dans La Lesbienne invisible, Océanerosemarie s’attaque à la communauté des BBB, ces « bons blancs bobos » qui ont la certitude de savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour les autres. Politique, sociologique et polémique, le « one woman show » de cette comédienne suscite une saine réflexion sur les réflexes communautaires et sur l’esprit pas si ouvert que cela des bien-pensants. Bien écrit, bien incarné et sincère, Chatons violents constitue une satire réussie de notre époque.Comédie des boulevards, à Paris.Lire aussi : Océanerosemarie blame les bons blancs bobosArtsLa « Victoire de Samothrace », un retour en beauté Buste en avant et ailes largement déployées, la Victoire de Samothrace a retrouvé sa place, en haut du monumental escalier Daru du Louvre à Paris. Dix mois ont été nécessaires pour rendre à la statue de marbre blanc son éclat. Une exposition accompagne le retour de ce chef d’œuvre de l’époque héllénistique, qui compte parmi les icônes vers lesquelles se précipitent les visiteurs de l’établissement parisien, avec la Joconde et la Vénus de Milo.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :La « Victoire de Samothrace » sortie de soins intensifsCinéma « Shaun le Mouton » : une bonne pâteRevoilà le bondissant Shaun, apparu en France sur TF1 en 1997 en héros de série d’animation et que l’on retrouve avec bonheur dans un long-métrage. La structure dramaturgique et farcesque de la série en pâte à modeler a été conservée, ainsi que ses principaux personnages, son esthétique, et même son générique. Quant à l’intrigue, elle peut se résumer ainsi : un troupeau de moutons qui ne fait que des conneries au nez et à la barbe d’un ex-baba cool de fermier et de son chien de berger à l’avenant. Jubilatoire.Film d’animation anglais de Mark Burton et Richard Starzak (1 h 25).Lire aussi :« Shaun le Mouton » : Buster Keaton à la bergerieExpositionDavid Bowie, le caméléon chantant Après Londres, Sao Paulo, Melbourne, Berlin, Chicago, l’exposition Bowie s’arrête à Paris, rappelant que cette icône du rock a autant révolutionné par sa musique que par ses artefacts. Dès ses 16 ans, le musicien a conscience de sa photogénie, s’implique dans la conception de l’image de ses premiers groupes, à travers des dessins de costumes, des esquisses de décors. Ce fascinant narcissisme, cette conviction d’un destin de star, tout au long d’un parcours qu’on emprunte casque audio sur les oreilles, à l’écoute d’une bande-son qui se déclenche selon l’espace où l’on se trouve.Philharmonie de Paris.Lire aussi :« David Bowie Is » : une odyssée artistique scénographiée à la PhilharmonieDanse« Lied Ballet » : Thomas Lebrun secoue les styles Loin des canons classiques trop univoques, « Lied Ballet » met en scène dix interprètes dont un pianiste et un chanteur. Thomas Lebrun use d’une danse fière, décidée, une danse qui ne boude pas son plaisir et qui secoue un panel d'humeurs et de styles. Son écriture aiguë s’accroche à la structure en trois actes du ballet académique : danse-théâtre avec des textes récités en chœur par les interprètes, expressionnisme à grands renforts de grimaces et de statuaires, abstraction pure et sèche, classique tendance pantomime. Le tout réinventé, distendu, tordu, parfois au bord de l'effondrement.Théâtre de Chaillot, à Paris.Lire aussi : Thomas Lebrun distord l’art de la chorégraphieMusiques« Inédits 3 » : le retour de La Rumeur Le groupe de rappeurs La Rumeur est en tournée pour accompagner la sortie de son dernier album, Inédits 3. Parmi ces nouveaux titres, Sous peu il fera jour, écrit au lendemain de l’attentat contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Aujourd’hui quadragénaires, habitant le 18e arrondissement parisien, ils n’ont jamais cédé aux tendances du rap américain mais se sont toujours inspirés de leur environnement, de la culture populaire française, des pavés parisiens comme des rues de leurs banlieues.La Route du son, à Billère. Samedi 4 avril à 21 heures.Lire aussi :La Rumeur, « auteurs vivants » au Rond-PointArtsChristian Lacroix révolutionne le Musée Cognacq-Jay Les Lumières sous le regard de la Belle Epoque et son écho dans l’art contemporain, tel est le défi relevé par Christian Lacroix pour sa « Carte blanche » au Musée Cognacq-Jay. Il s’agissait pour le créateur de mettre en scène la collection privée du célèbre couple d’entrepreneurs qui a constitué, entre 1885 et 1925, une collection de peintures, sculptures, boîtes, miniatures, porcelaines, boiseries… Christian Lacroix s’est piqué au jeu, tapissant les murs d’un damas de soie rouge sang, comme celui de Versailles et peignant en rose bonbon ou en gris perle les petites pièces. Il a aussi invité quarante artistes à converser dans les salons où rayonne le XVIIIe siècle. La rencontre fait mouche.Musée Cognacq-Jay, à Paris.Lire aussi :Christian Lacroix fait froufrouter le XVIIIe siècleLoisirsPeigner la girafe au zoo de Vincennes Il y a un an, en avril 2014, le zoo de Vincennes rouvrait ses grilles, après six années de fermeture et trois ans de travaux. Totalement repensé pour permettre aux animaux de s’y déployer et organisé en cinq grandes zones, le parc fête ce premier anniversaire en proposant des activités qui permettront aux amis des bêtes de les approcher au plus près et de rencontrer leurs soigneurs.Parc zoologique de Paris.Lire aussi :La mue réussie du zoo de Vincennes Jacques Mandelbaum Franchement, on n’y croyait plus. Vous avez bien lu : on ne croyait plus à la mort de Manoel de Oliveira. Trop longtemps crainte, conjurée, pressentie, annoncée, toujours repoussée. Elle aura fini, le cap des cent printemps passés, par devenir improbable, avant de paraître tout à fait risible. Le cinéaste Manoel de Oliveira, toujours en activité à l’heure où la mort l’a emporté, était de ces hommes d’exception dont la vitalité semblait devoir pousser la faucheuse elle-même dans la tombe.Bien sûr, elle a fini, comme d’habitude, par avoir le dernier mot, terrassant son adversaire jeudi 2 avril 2015, à l’âge vénérable de 106 ans. Une victoire sur le fil, peu glorieuse, clôturant un combat en revanche sensationnel. Deux raisons à cela. L’exceptionnelle longévité d’un homme dont le fighting spirit faisait des étincelles. Et l’exceptionnel destin de cet homme, devenu au cours d’une carrière qui se confond avec l’histoire du cinéma l’un des plus grands artistes du siècle passé.Lire aussi :« Manoel de Oliveira était à la fois un dieu et un diable »Rejeton d’une famille de la bourgeoisie portugaise, on l’attendait pourtant ailleurs. Il fut élève chez les Jésuites, champion de saut à la perche, pilote de rallye, apprenti acteur, puis gestionnaire de l’usine de passementerie familiale et exploitant vinicole. Qui eût dit que ce jeune sportif annonçait un athlète de l’art et que le chef d’entreprise recelait un des créateurs les plus originaux de l’histoire du cinéma ? Manoel de Oliveira aura débuté en pionnier de l’avant-garde, continué en empêchant de tourner en rond la dictature salazariste – laquelle le lui rendit bien en l’empêchant de tourner tout court –, avant de persévérer comme le doyen des cinéastes en activité, plus vert en ses vieux jours que nombre de débutants, anti-hollywoodien radical, doublé d’un franc-tireur de la modernité cinématographique.Une cinquantaine de filmsQuel fut donc cet homme stupéfiant, cet immense artiste né Manoel Candido Pinto de Oliveira le 11 décembre 1908 à Porto, Portugal ? Allez savoir. Comme tout génie, Oliveira est pour l’essentiel fils de ses œuvres et c’est à leur seule postérité qu’il faut désormais demander des comptes. Soit une cinquantaine de films, dont plus de trente longs-métrages, réalisés entre 1931 et 2014. Il est sinon justifié, du moins pratique de diviser cette carrière en trois périodes distinctes.La première – de Douro, travail fluvial à Acte du printemps (1931-1965) – se déroulerait sous le signe du documentaire et de l’essai. La deuxième – qui joint Le Passé et le présent aux Cannibales (1971-1988) – privilégierait la fiction, en prenant le théâtre pour dispositif privilégié et les amours contrariées pour motif central. La troisième, inaugurée par la fresque historique Non ou la Vaine Gloire de commander (1990), est une sorte de feu d’artifice expérimental qui a pour double avantage de désarmer les exégètes et de réduire à néant la périodisation à laquelle on est train de se livrer.Car rien n’est simple avec Manoel de Oliveira qui, depuis toujours, se fait fort de surprendre en variant avec une liberté déconcertante les genres et les approches. On trouve ainsi, dès la première période, un poème avant-gardiste, Douro, travail fluvial (1931), dédié à la ville de Porto sur le modèle des grands films de montage de Walter Ruttmann et Dziga Vertov, une fiction (Anika Bobo, 1942), qui esquisse le grand motif à venir des rivalités et déconvenues amoureuses, et un documentaire sur Porto (Le Peintre et la Ville, 1956), délibérément conçu comme un lumineux et serein antidote aux prouesses de Douro. Diversité de tonActes du printemps (1963), en revanche, est bel et bien un film charnière. Ce récit de la Passion interprété par des paysans portugais lors de la semaine sainte préfigure, entre documentaire et fiction, toute l’œuvre à venir, variation infiniment renouvelée sur les puissances et les vertiges de la représentation. Il est loisible de voir dans ce Mystère – auquel collaborent les deux futures figures tutélaires du Cinema Novo, Antonio Reis et Paulo Rocha – le film matriciel du cinéma d’auteur portugais, dont la stupéfiante exception, de Pedro Costa à Miguel Gomes, se prolonge de nos jours.Immédiatement après ce film, Oliveira réalise La Chasse (1963), un court-métrage de vingt minutes qui est une leçon de mise en scène et de cruauté, un terrassant constat de la malveillance et de l’impuissance imbéciles qui caractérisent par le bas la société des hommes. L’œuvre s’enrichit bientôt de la fameuse tétralogie des amours séparées, qui esquisse la métaphysique d’un Portugal en proie à l’inconsolable nostalgie de sa grandeur passée. On songe à Eça de Queiroz, fondateur du roman portugais moderne, créant dès la fin du XIXe siècle le groupe des « vaincus de la vie ». Burlesque conjugual (Le Passé et le Présent, 1971), blasphème bunuélien (Benilde, 1975), exacerbation romantique (Amour de perdition, 1978), obsession mélancolique (Francisca, 1981) : ces films mêlent une diversité de ton et un progressif dépouillement qui annoncent la conquête d’une liberté sans égale.C’est la rencontre avec un des plus grands producteurs européens, son compatriote Paulo Branco (également producteur de Joao Cesar Monteiro, Raoul Ruiz, Chantal Akerman…), qui offre cette opportunité au cinéaste, en vertu de laquelle il réalise plus de films dans les trente dernières années de sa vie que dans les cinquante ans de carrière qui ont précédé cette période. Inaugurée par Le Soulier de satin (1985), adapté de Claudel, la collaboration entre les deux hommes a quelque chose de miraculeux dans la mesure où elle donne naissance à une série de chefs-d’œuvre dans un contexte de production cinématographique devenu, précisément au cours des années 1980, de plus en plus normatif.De l’épopée historique (Non ou la Vaine Gloire de commander, 1994) au roman actualisé (La Lettre, 1999) en passant par la fable comique (La Cassette, 1994), deux maîtres mots guident, plus que jamais, le cinéma d’Oliveira : l’impureté et la dépossession. La première résulte d’une incessante confrontation aux monuments de la civilisation occidentale, à travers la littérature (de la Bible à Dostoïevski en passant par Homère et Flaubert), le théâtre, la peinture et l’Histoire.De ce maelström de références, auxquelles il faudrait ajouter celles de la culture populaire et de la littérature orale, naît une œuvre moins hiératique qu’obnubilée par l’impossibilité d’un accès direct à la réalité. Dans le cinéma d’Oliveira, le monde en tant que tel n’existe pas, c’est à sa représentation par les arts, les discours et les croyances que nous convie sa mise en scène, avec une puissance de révélation d’autant plus pénétrante et un réjouissant mépris des hiérarchies artistiques et socioculturelles.Précarité humaineL’idée qui sous-tend cette vision du monde est bien celle de la dépossession, entendue comme condition secrète de l’homme, opératrice de l’histoire, et dernier mot de la beauté du monde. Le cinéma d’Oliveira explore à perte de vue cette disjonction à l’œuvre entre l’homme et l’Histoire, la fiction et la réalité, les femmes et les hommes, le sexe et l’amour. Comme la vie, mais mieux que la vie, son œuvre n’est rien de plus, mais rien de moins qu’une tentative de reconquête, d’autant plus sublime qu’elle se livre sur le champ de bataille de la précarité humaine. Pour autant, nul attrait morbide dans cet art, tout au contraire, un mariage passionné de l’intelligence et de la sensualité, un hommage élégant et presque détaché à la splendeur du monde telle que l’exprime, exemplairement, la mystérieuse beauté de ses personnages féminins. « Les femmes veulent le ciel, les hommes un foyer », est-il dit dans Party (1996). Il suffit de voir Leonor Silveira dans cette transposition fulgurante de Madame Bovary qu’est Val Abraham, Catherine Deneuve dans Le Couvent ou Chiara Mastroianni dans La Lettre pour être aussitôt conquis par la religion de Manoel de Oliveira.Le dogme qui la fonde, pour n’être pas danois, est simple : c’est celui de la transcendance de l’art. C’est pourquoi le romantisme, qui aura porté cette idée à son paroxysme, constitue la pierre de touche de cette œuvre, dont l’esthétique relie le primitivisme à la plus extrême modernité. Deux films récents, hantés par la recherche des origines en même temps que par le pressentiment de la disparition – Voyage au début du monde (1997) et Inquiétude (1998) – révèlent cette ambition. Dans la circularité du temps qu’ils instaurent, le début et la fin du monde semblent se toucher, de même que la naissance et la mort des hommes. C’est l’œuvre elle-même, comme acte de renaissance, qui prend dès lors en charge le mystère de l’existence pour en inscrire le chiffre dans la conscience et la mémoire collectives. Davantage qu’une récréation, le cinéma est une re-création : nul mieux que Manoel de Oliveira n’aura mis au jour ce lien entre temps primordial et temps historique, qui révèle la dimension mythologique du rituel cinématographique.Parlant de La Lettre, le cinéaste justifiait ainsi le choix d’adapter La Princesse de Clèves à l’écran : « Le contraste qui définit la princesse entre l’extrême facilité (tout lui est accessible, tous les choix lui sont ouverts) et l’extrême résistance (elle décidera de ne jamais aller dans le sens de la plus grande pente, elle marche sans cesse le long d’un abîme), c’est ce risque que j’ai eu envie de filmer » (Le Monde du 24 mai 1999). C’est à ce risque qu’il n’aura lui-même jamais cessé de confronter son œuvre sous le regard incrédule et moqueur des spécialistes de la plus grande pente.Point n’est besoin d’attendre le jugement de la postérité pour deviner la chute de cette histoire. Séparé de Paulo Branco, son producteur historique, depuis 2005, l’alerte vieillard continuait quant à lui à aller de l’avant, réunissant Michel Piccoli et Bulle Ogier pour un malicieux hommage à Belle de jour de Luis Buñuel (Belle toujours, 2006), ou imaginant les aventures d’un photographe juif ressuscitant par son art une belle endormie catholique, dont l’image le subjuguait (L’Etrange Affaire Angelica, 2010). Cette fantaisie marrane, tirant le portrait d’une morte pour communier avec elle en esprit, témoigne encore du mystère que n’a jamais cessé de célébrer Oliveira dans le cinéma. Un art auquel il donna, sans surprise, la plus belle et secrète des définitions : « Une saturation de signes magnifiques baignant dans la lumière de leur absence d’explication. »D’autres vidéos sont disponibles sur la page d’hommage de la Cinémathèque française à Manoel de Oliveira : www.cinematheque.fr/fr/hommages/disparition-manoel-olive.htmlLire aussi :L’étrange affaire du film posthume de Manoel de OliveiraJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 01.04.2015 à 04h04 • Mis à jour le01.04.2015 à 11h47 Des milliers de commerçants du centre historique de Mexico se plaignent d'avoir subi un manque à gagner de plus de 24 millions de dollars en raison du tournage de Spectre, le nouveau James Bond.Le tournage des exploits de l'espion 007 a eu lieu dans l'ancien Sénat et sur l'immense place du Zocalo, centre historique de la ville, où se dressent l'imposant palais national et la cathédrale.Compensations insuffisantesRevers de la médaille, « la fermeture des rues et des magasins a affecté directement et indirectement plus de 6 627 commerces, qui ont perdu 24,6 millions de dollars », selon la Canacope, la chambre de commerce locale. Le tournage à Mexico a commencé il y a deux semaines et s'achève mercredi.Les commerces ont reçu une compensation quotidienne de 100 à 130 dollars par jour de fermeture, mais ils se plaignent de l'insuffisance de ces sommes, selon la Canacope.Stephanie Sigman sera la première « James Bond Girl » mexicaine, tandis que Daniel Craig interprétera le célèbre agent secret. La première de Spectre est prévue le 6 novembre. Noémie Luciani L’avis du « Monde » : à voirPour chaque film, notez en abscisses les performances cumulées des voitures de sport. En ordonnées, la masse totale de muscles au casting. La courbe que vous pouvez tracer révèle une croissance exponentielle de vitesse, d’explosions, de bruits de moteurs, répliques qui claquent et figurantes en string, et vous savez désormais, ou croyez tout savoir, de ce qu’il y a à savoir sur la saga « Fast & Furious ».Lire aussi :La mécanique du succèsDans ce septième opus, dont le budget de 250 millions de dollars (230,25 millions d’euros) atteint celui des plus gros blockbusters hollywoodiens, combats au corps-à-corps, grosses cylindrées et effets pyrotechniques se multiplient au cours d’une double chasse – à l’homme, et à l’arme. Recrutés par les services secrets pour récupérer une composante informatique d’un intérêt vital pour la sécurité internationale (autrement dit : pour sauver le monde), Dominic Toreto (Vin Diesel), Brian O’Conner (Paul Walker) et leur bande de fous du volant sont eux-mêmes poursuivis par Deckard Shaw (Jason Statham), le « grand méchant frère » d’un génie du mal mis à mal par la petite bande dans l’épisode précédent.Improbable et spectaculaireA compter les explosions, les coups (de tête, pieds, poings) ou les tonneaux (de voiture) qui font de ce nouveau volet un divertissement d’action enlevé, joyeusement improbable et spectaculaire, on manquerait cependant son enjeu le plus intéressant : orphelin de l’un des acteurs principaux, Paul Walker, décédé en 2013, à l’âge de 40 ans, avant la fin du tournage, le film a dû être en partie réécrit. Un certain nombre de stratégies ont également été imaginées pour pallier l’absence de l’acteur sans reléguer son rôle au second plan, mais en lui laissant au contraire, pour la dernière fois, la part belle.La production reste discrète sur le sujet, mais en regardant Fast & Furious 7, certaines de ces stratégies apparaissent de manière assez évidente : la partie du grand final qui concerne de plus près le personnage de Brian O’Conner est tournée dans un immeuble plongé dans la pénombre, et lorsque l’on revient en plein soleil, le héros a tendance à se trouver à distance, au fond du plan. Pour certains, on aurait pioché dans des rushes inutilisés des volets précédents. Deux frères de Paul Walker ont doublé l’acteur à titre posthume à l’aide de quelques effets numériques de raccord.A demi avalé par l’ombre ou s’éloignant déjà sous le soleil : on ne sait ce que ces images disent le mieux, de la présence du personnage ou de l’absence de l’acteur. Elles disent aussi bien, mieux encore que les dialogues à double sens (assez touchants, au demeurant, dans leur simplicité un peu brute), la tristesse d’une équipe en deuil et, dans le même temps, cette grande magie consolatoire et cathartique qui est celle du cinéma.Film américain de James Wan avec Paul Walker, Vin Diesel, Dwayne Johnson, Michelle Rodriguez (2 h 20). Sur le Web : www.fastandfurious7-film.com, www.facebook.com/fast7.lefilm et www.universalpictures.fr/film/fast-and-furious-7Noémie LucianiJournaliste au Monde 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55648a062eb16'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et... 12.05.2015 à 15h52 • Mis à jour le12.05.2015 à 17h22 La Sélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie - France - Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuitO Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie)www.festival-cannes.fr La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France)www.quinzaine-realisateurs.com La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil)www.semainedelacritique.com ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse)www.lacid.org Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)www.festival-cannes.fr/fr/festival/CannesClassics.html Lisa Vignoli Quand les VIP veulent faire une pause dans la fureur cannoise, ils se retrouvent au « patio » de Canal+. Chaque année, la chaîne cryptée aménage à grands frais cet espace indispensable à son image de marque. De l’extérieur, c’est un sobre bloc gris clair, à la droite du Palais des festivals. Pas de tapis rouge qui détourne la trajectoire du badaud cannois vers les marches. A peine une moquette recouvrant le bitume du même gris sur quelques mètres et, peut-être, ce « Canal + » en lettres blanches sur la façade et ces vigiles à l’entrée pour attirer le regard. Mais les initiés, eux, savent. Méconnu du grand public, le « patio » de Canal + est un must dans le petit milieu. Pendant toute la durée du festival, producteurs, réalisateurs, talents, auteurs, et professionnels du cinéma convergent ici.« Il n’y a pas de passe mais on laisse entrer les gens que l’on connaît », indique la directrice des relations publiques de Canal + et capitaine de ce navire discret, Véronique Revel-Rongier. C’est elle qui se charge de tout. Des rendez-vous officiels, comme ce déjeuner, la veille du festival, où se réunit l’équipe d’ouverture, aux rituels les plus institutionnalisés. Chaque année, par exemple, après la remise de la Palme et pendant la projection du film de clôture, remettants et lauréats se retrouvent ici. Au patio, Jean Dujardin est venu fêter en 2011 son Prix d’interprétation pour The Artist, l’équipe de La Vie d’Adèle sa Palme en 2013 et Xavier Dolan son Prix du jury, l’an dernier. Pour Canal +, puissant prescripteur du cinéma français et partenaire du Festival depuis vingt-cinq ans, disposer d’un tel lieu de rencontres est certes « un investissement important », mais aussi un atout indispensable pour recevoir ses invités comme à la maison. Lieu de détente, le patio de Cannes se veut aussi un lieu de rencontres professionnelles sur un mode décontracté. « Pour Studio Canal [la filiale d’acquisition, de coproduction et de distribution de films du groupe], cela reste un espace plus informel et confidentiel que leur stand au Marché du film », à quelques mètres de là, explique la chaîne.Cet espace de 1 200 mètres carrés à l’atmosphère conviviale donne l’impression d’avoir toujours été là, avec son jonc de mer au sol, ses photos en noir et blanc aux murs et ses différentes terrasses. Mais avant de prendre place ici, les blocs qui le composent sont conservés le reste de l’année en région parisienne, transportés jusqu’à Cannes par treize semi-remorques et débarqués, avant d’être décorés, par une immense grue qui les place les uns à côté des autres, le tout en près d’un mois. « C’est comme une construction d’enfants », s’amuse Véronique Revel-Rongier. Quand tout est en place, les grands enfants viennent y célébrer les cinémas du monde entier. Et cela donne parfois lieu à des scènes inattendues : Sharon Stone baba d’admiration devant Agnès Varda, et lui disant : « Je suis prête à ce que tu me filmes pour n’importe quoi. » Patti Smith venue faire un concert surprise pour Vanessa Paradis, sa fan numéro un... Une ambiance bon enfant ponctuée de rares moments d’inimitié. Comme ce petit air glacé dans l’assistance quand les producteurs des biopics concurrents consacrés à Yves Saint Laurent se sont croisés. « Les gens qui mettent un soin particulier à s’éviter à Paris ont du mal à le faire ici », s’amuse un témoin de la scène.Lisa Vignoli Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.05.2015 à 18h08 • Mis à jour le12.05.2015 à 15h11 | Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen n'a pas rencontré le succès escompté. Depuis, il a ses adeptes et même sa religion. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski 13.05.2015 à 06h29 • Mis à jour le13.05.2015 à 17h57 | Clarisse Fabre Tapis rouge pour les partenaires officiels du Festival de Cannes. La soixante-huitième édition cannoise s’ouvre mercredi 13 mai, avec un nouveau président, Pierre Lescure, lequel succède à Gilles Jacob, et deux nouveaux partenaires : MasterCard, l’entreprise de système de paiement, et Kering, nouveau nom du groupe de François-Henri Pinault, l’un des leaders mondiaux du luxe et des accessoires.Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, le 16 avril, à Paris, cela n’a échappé à personne : Pierre Lescure a davantage parlé d’argent que de cinéma. Son propos s’est focalisé sur les partenaires officiels que sont Renault, Air France, Canal+, L’Oréal, Chopard, Europcar, etc. Il s’est réjoui que certains contrats aient été prolongés ou reconduits, pointant la dimension citoyenne de tel ou tel partenaire. De mémoire de festivalier, on n’avait jamais vu cela. Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ en 1984, qui en deviendra le patron en 1994, sait qu’il est attendu au tournant.« Certains journalistes ont ironisé à propos de mon intervention. Ils ont dit : la chaîne payante parle des sponsors. » Il assume : il faut mettre l’accent sur les partenaires qui proposent un contenu citoyen. « A l’heure où les comptes publics sont serrés, il est important que le Festival ne fasse pas que de l’étalage “carpet” », explique-t-il, en faisant allusion au rituel glamour de la montée des marches.Pierre Lescure se félicite ainsi que le contrat signé avec Kering soit d’un genre nouveau. Outre la dimension financière, celui-ci a vocation à soutenir la place des femmes dans l’industrie du cinéma, avec le lancement du programme Women in Motion, à partir du 14 mai, à l’Hôtel Le Majestic. Le sujet est sensible sur la Croisette, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, étant régulièrement interpellé sur l’absence ou le peu de femmes réalisatrices retenues dans la compétition officielle. Cette année, seuls deux films de la compétition, sur un total de dix-neuf, sont réalisés par des femmes – Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, et Mon roi, de Maïwenn.Poil à gratter« Il ne nous appartient pas de commenter l’état des lieux, mais d’essayer de comprendre en posant des questions simples. Il faut aussi analyser l’impact de la situation : l’industrie du cinéma se prive de talents », indique la directrice de la communication de Kering, Louise Beveridge. « Kering est un détonateur pour que d’autres partenaires ne fassent pas que de l’affichage », salue Pierre Lescure.Reste à savoir si cette initiative servira de poil à gratter, ou plutôt d’éteignoir à la polémique sur le genre des cinéastes. Thierry Frémaux aura l’occasion de s’exprimer, à la tribune de Women in Motion, durant le Festival. Pour le reste, les conférences vont donner la parole à des femmes réalisatrices, productrices, comédiennes, distributrices. Histoire de montrer que les talents sont là : cherchez la femme, derrière la Palme… L’actrice et réalisatrice Isabella Rossellini, qui préside cette année le jury d’Un certain regard, inaugurera le premier « talk », jeudi 14 mai, avec la productrice Claudie Ossard. Parmi les autres invitées, la productrice Sylvie Pialat, la comédienne Isabelle Huppert… ou encore la star mexicaine Salma Hayek-Pinault, comédienne, réalisatrice et productrice, qui est aussi l’épouse du PDG de Kering. C’est elle, par ailleurs, qui aurait sensibilisé son mari, François-Henri Pinault, à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle est à ce titre membre du bureau de la fondation Kering. Très médiatisée – elle a fait la couverture du magazine Elle du 24 avril –, Salma Hayek est enfin l’héroïne de TheTale of Tales, dernier film de Matteo Garrone, en compétition officielle à Cannes. Devant tant de feux croisés, on se doit de lever le doute : Kering n’a pas mis d’argent dans cette coproduction franco-italienne (Le Pacte-Archimède). « Il n’y a pas de lien entre la carrière de Salma Hayek-Pinault, son rôle d’actrice et Kering », précise-t-on chez Kering.Le groupe de François-Henri Pinault se veut « l’ami discret du cinéma ». Kering, en son nom propre, mais aussi à travers ses marques ou sa fondation, est engagé depuis plus de dix ans dans le cinéma, explique Louise Beveridge, citant le soutien à l’école de la Cité Cinéma et Télévision de Luc Besson, au Tribeca Film Institute de New York, au Britdoc de Londres, ou encore au Festival Lumière de Lyon, piloté par Thierry Frémaux.Le cinéma, les femmes, et maintenant l’environnement : Kering est le coproducteur du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le Ciel, lequel sera projeté en clôture du Festival, hors compétition, dimanche 24 mai. Pour Kering, le choix d’investir dans ce film s’inscrit dans l’actualité sur le climat, avec la tenue à Paris, fin 2015, de la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 21). Il n’empêche : selon nos informations, c’est la première fois, dans l’histoire du Festival, qu’un film coproduit par un partenaire officiel se retrouve… dans la programmation cannoise.« Quand Luc Jacquet m’a parlé du film pour la première fois, Kering n’était pas encore partenaire, assureThierry Frémaux. Par ailleurs, le film a été refusé par toutes les chaînes publiques. Heureusement que Kering était là. C’est peut-être cela le vrai sujet. » Toujours est-il que Kering réalise une belle opération de communication : « La sélection du film en clôture de Cannes ne faisait pas partie d’un “deal” entre le Festival et Kering. C’est une divine surprise. Et une belle rampe de lancement avant la sortie du film en France, en octobre », souligne la directrice de la communication de Kering. Kering n’est pas le seul sponsor à donner une coloration politiquement correcte au Festival. Le joaillier Chopard est partenaire officiel depuis près de vingt ans, et fabrique à ce titre la Palme d’or. Chopard a « grandi » avec le Festival : le partenariat lui a permis de lancer sa ligne de « très haute joaillerie », dénommée Red Carpet. Aujourd’hui, le joaillier communique plus volontiers sur le caractère « équitable » de la Palme : car l’or utilisé pour le trophée provient de mines colombiennes ayant obtenu le label Fair Mine (mines « équitables »).« Recadrer L’Oréal »Le public cannois pourra bientôt découvrir un documentaire sur le sujet, financé en partie par… Chopard, et inscrit à Cannes Classics : La Légende de la Palme d’or, réalisé par Alexis Veller. Directrice de la communication de Chopard, Raffaella Rossiello précise qu’il s’agit d’une participation minoritaire (40 %) du joaillier : « Ce n’est pas un film Chopard », dit-elle. Disons qu’il est en empathie : le réalisateur ne s’en cache pas, il est le compagnon de la coprésidente et directrice artistique de Chopard, Caroline Scheufele.Alexis Veller dit simplement : « Allez voir le film. C’est un travail documenté, je dois prononcer une seule fois le mot Chopard. Le film montre les conditions de travail dans les mines. Et j’ai interviewé des lauréats de la Palme d’or qui ont tous des histoires fortes à raconter. » Thierry Frémaux renchérit : « Au départ, ce film devait faire l’objet d’une projection privée, mais on l’a trouvé tellement formidable qu’on a voulu le montrer, pour que les festivaliers en profitent. »Il y a en un, tout de même, qui fronce les sourcils : c’est Gilles Jacob. Il a officié près de quarante ans au Festival, d’abord comme délégué général (1978-2001), puis comme président (2001-2014), et il semble fâché de ne pas apparaître dans le documentaire sur l’histoire de la Palme d’or. « Personne n’est venu m’interviewer. C’est la preuve qu’il n’y a pas de collusion entre l’artistique et le merchandising », ironise-t-il.Les marques et les groupes, Gilles Jacob connaît : c’est lui qui a créé le Club des grands partenaires, en 1984, à l’époque où Pierre Viot présidait le Festival. « Pierre Viot m’a donné carte blanche tout en balisant le terrain : vous pouvez y aller, m’a-t-il dit, mais modérément. On a fait alors entrer Air France, Renault, L’Oréal, Canal+, etc. Les partenariats ont pu représenter plus du tiers du budget du Festival », raconte Gilles Jacob.Il a fallu, dit-il, recadrer L’Oréal, maquilleur officiel depuis 1997, lorsqu’il a testé à Cannes son fameux slogan « parce que je le vaux bien ».« On leur a dit : “Il faut se calmer.” Cela devenait trop arrogant. » Créé au début des années 1970, le slogan avait une dimension émancipatrice, féministe, puis il a fait le tour du monde, indique L’Oréal sur son site. Pour l’heure, les réalisatrices qui briguent « la compét’» ne s’en sont pas emparées…Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Aureliano Tonet « Il faut faire le tournage contre le scénario, et le montage contre le tournage » : c’est ainsi que François Truffaut définissait sa méthode de travail. La remarque vaut pour toute la profession : rares sont les milieux aussi réactifs que le cinéma. Le Festival de Cannes en témoigne, à sa manière. Lui aussi se construit « contre ». Il lui faut d’abord tenir tête à la concurrence, toujours prompte, de Berlin à Venise, à voler des vedettes à la Croisette.Mais c’est surtout contre lui-même que se bat, et se bâtit, le Festival cannois. Les sections parallèles n’hésitent plus à « chiper » des films à la barbe de la Sélection officielle. Laquelle, de son côté, tire un certain plaisir à se dédire – au point que chaque édition semble répondre à la précédente. En 2014, Mommy fut couvé par la critique mais boudé par le jury, qui lui refusa la Palme d’or ? Qu’à cela ne tienne : en 2015, son réalisateur, Xavier Dolan, fait partie dudit jury.Depuis ce poste d’observation, le Québécois devrait apprécier le film d’ouverture, La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot : l’histoire d’un blondinet hypersensible, abandonné par une mère aimante mais dépassée… « Mommy, le retour », me direz-vous ? Plutôt son parfait inverse. Au lyrisme stylisé de Dolan, Bercot oppose une mise en scène sobre, presque éteinte. Centrale dans Mommy, la figure maternelle s’estompe dans La Tête haute, au profit d’une juge et d’un éducateur – nous ne sommes pas en Amérique du Nord, mais en France, où l’Etat joue plus facilement les parents de substitution.Du reste, en s’ouvrant par un film social à la française, plutôt que par une constellation d’étoiles hollywoodiennes, le Festival marque une rupture avec les traditions maison. Pierre Lescure progresse pareillement à rebours : là où son prédécesseur, Gilles Jacob, se montrait évasif au sujet des partenariats noués avec de grandes marques, le nouveau président les assume, les affiche, les aligne. Quitte à ce qu’ils empiètent sur la programmation : organisé par le groupe Kering, le cycle Women in Motion entend « célébrer les talents féminins », à travers des tables rondes et la remise d’un prix. Le dispositif fait d’autant plus jaser qu’il met en lumière le retard criant du Festival en matière de parité…C’est un péril bien connu des empêcheurs de tourner en rond : à force de multiplier les contre-pieds, leur talon d’Achille n’en devient, paradoxalement, que plus saillant. Le programme officiel du 68e Festival de CannesSélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuit O Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie) La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France) La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil) ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse) Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.05.2015 à 15h52 • Mis à jour le13.05.2015 à 09h51 La Sélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuitO Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie)www.festival-cannes.fr La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France)www.quinzaine-realisateurs.com La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil)www.semainedelacritique.com ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse)www.lacid.org Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)www.festival-cannes.fr/fr/festival/CannesClassics.html Lisa Vignoli Quand les VIP veulent faire une pause dans la fureur cannoise, ils se retrouvent au « patio » de Canal+. Chaque année, la chaîne cryptée aménage à grands frais cet espace indispensable à son image de marque. De l’extérieur, c’est un sobre bloc gris clair, à la droite du Palais des festivals. Pas de tapis rouge qui détourne la trajectoire du badaud cannois vers les marches. A peine une moquette recouvrant le bitume du même gris sur quelques mètres et, peut-être, ce « Canal + » en lettres blanches sur la façade et ces vigiles à l’entrée pour attirer le regard. Mais les initiés, eux, savent. Méconnu du grand public, le « patio » de Canal + est un must dans le petit milieu. Pendant toute la durée du festival, producteurs, réalisateurs, talents, auteurs, et professionnels du cinéma convergent ici.« Il n’y a pas de passe mais on laisse entrer les gens que l’on connaît », indique la directrice des relations publiques de Canal + et capitaine de ce navire discret, Véronique Revel-Rongier. C’est elle qui se charge de tout. Des rendez-vous officiels, comme ce déjeuner, la veille du festival, où se réunit l’équipe d’ouverture, aux rituels les plus institutionnalisés. Chaque année, par exemple, après la remise de la Palme et pendant la projection du film de clôture, remettants et lauréats se retrouvent ici. Au patio, Jean Dujardin est venu fêter en 2011 son Prix d’interprétation pour The Artist, l’équipe de La Vie d’Adèle sa Palme en 2013 et Xavier Dolan son Prix du jury, l’an dernier. Pour Canal +, puissant prescripteur du cinéma français et partenaire du Festival depuis vingt-cinq ans, disposer d’un tel lieu de rencontres est certes « un investissement important », mais aussi un atout indispensable pour recevoir ses invités comme à la maison. Lieu de détente, le patio de Cannes se veut aussi un lieu de rencontres professionnelles sur un mode décontracté. « Pour Studio Canal [la filiale d’acquisition, de coproduction et de distribution de films du groupe], cela reste un espace plus informel et confidentiel que leur stand au Marché du film », à quelques mètres de là, explique la chaîne.Cet espace de 1 200 mètres carrés à l’atmosphère conviviale donne l’impression d’avoir toujours été là, avec son jonc de mer au sol, ses photos en noir et blanc aux murs et ses différentes terrasses. Mais avant de prendre place ici, les blocs qui le composent sont conservés le reste de l’année en région parisienne, transportés jusqu’à Cannes par treize semi-remorques et débarqués, avant d’être décorés, par une immense grue qui les place les uns à côté des autres, le tout en près d’un mois. « C’est comme une construction d’enfants », s’amuse Véronique Revel-Rongier. Quand tout est en place, les grands enfants viennent y célébrer les cinémas du monde entier. Et cela donne parfois lieu à des scènes inattendues : Sharon Stone baba d’admiration devant Agnès Varda, et lui disant : « Je suis prête à ce que tu me filmes pour n’importe quoi. » Patti Smith venue faire un concert surprise pour Vanessa Paradis, sa fan numéro un... Une ambiance bon enfant ponctuée de rares moments d’inimitié. Comme ce petit air glacé dans l’assistance quand les producteurs des biopics concurrents consacrés à Yves Saint Laurent se sont croisés. « Les gens qui mettent un soin particulier à s’éviter à Paris ont du mal à le faire ici », s’amuse un témoin de la scène.Lisa Vignoli Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.05.2015 à 18h08 • Mis à jour le12.05.2015 à 15h11 | Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen n'a pas rencontré le succès escompté. Depuis, il a ses adeptes et même sa religion. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et lady Macbeth comme une perte de sens, un effondrement non seulement des valeurs mais aussi de la réalité. Comme le déclament les sorcières à la première scène du premier acte : « Le beau est affreux, l’affreux est beau. »Relais vers l’enferMichael Fassbender et Marion Cotillard ont la lourde charge de faire vivre le texte de Shakespeare, démembré, recomposé, mais intact en ses parties. Au long du film (bien plus bref qu’il ne le serait si l’intégralité de la pièce avait été conservée), ils courent une espèce de relais vers l’enfer. Un bref prologue les a montrés mettant en terre leur enfant et cette remontée à l’origine de leur disposition au malheur – le leur et celui des autres – apparaît un peu superflue. Car Marion Cotillard trouve aisément le sens de l’insatiable appétit de Lady Macbeth avant que l’horreur l’envahisse face à l’offensive de la mort qu’elle a provoquée. Michael Fassbender, athlète fragile, hésite et regrette avant d’embrasser le mal tout en abandonnant la raison.Il y a quelque chose d’un peu systématique dans cette approche, sensation encore renforcée par la décision implacable de Kurzel et son chef opérateur Adam Arkapaw de sous-éclairer chaque plan (à une exception près), par l’élision du seul moment comique de la pièce et par l’interprétation toujours infernale des morceaux de bravoure : si la forêt de Birnam avance jusqu’à Dunsinane, ce n’est pas parce que les assaillants du château de Macbeth en ont coupé les rameaux pour se dissimuler, mais parce qu’elle a brûlé et que ses cendres sont portées par le vent. Si bien qu’avant même d’accomplir son destin (désolé pour le spoiler), l’usurpateur brûle déjà en enfer. Heureusement, Shakespeare est inépuisable et chaque lecture, sur scène ou à l’écran, ajoute – à condition qu’elle soit intelligente et brave, ce qui est le cas ici – à la richesse du matériau.Film britannique et français de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, Marion Cotillard (1 h 53). Sortie le 4 novembre. Sur le Web : www.studiocanal.fr/cid34570/macbeth.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet « You’re entering a world of pain » : vous pénétrez dans un monde de souffrance. A l’approche de la cérémonie de clôture, la réplique de The Big Lebowski, des frères Coen, exprime assez finement le degré d’affliction des festivaliers. Prostration des corps, dissolution des mœurs, accablement généralisé : il est temps que tout ceci cesse.D’ici là, une dernière épreuve attend les suppliciés : le jeu des pronostics. Jeu aussi stérile qu’une partie de bowling, mais auquel la population s’adonne avec un sérieux digne de « Sa Duditude », pour rester dans le jargon des Coen. En attendant leur oracle, rendu dimanche soir, les supputations vont bon train.D’aucuns misent gros sur Sicario, du Canadien Denis Villeneuve. Xavier Dolan, qui fait partie des neuf jurés, mènerait une vibrante campagne en faveur de son compatriote, qui a eu la bonne idée de recourir au chef opérateur historique des Coen, Roger Deakins, et à l’un de leurs acteurs fétiches, Josh Brolin. Si l’on suit cette logique hasardeuse, Louder than Bombs, avec Gabriel Byrne, et surtout Mia Madre, où étincelle John Turturro, autre acteur coenien, pourraient également figurer au palmarès. Le film de Nanni Moretti a d’autant mieux rassemblé les suffrages qu’il résume avec une infinie délicatesse l’axe fort du cru 2015 : comment composer avec la mort. Mort des proches, des langues, du cinéma : la réflexivité de l’Italien fait écho au prochain film des présidents du jury, Hail Caesar !, qui se passe dans le Hollywood des années 1950.La même époque est chroniquée avec acuité par Todd Haynes, dans Carol, autre favori aux côtés de Youth et The Lobster : l’humour pince-sans-rire de Paolo Sorrentino et Yorgos Lanthimos résonne avec le penchant des Coen pour les contes absurdes, lardés de dialogues piquants. L’empressement avec lequel les distributeurs américains se sont arrachés Le Fils de Saul, l’allégorie controversée de Laszlo Nemes sur les camps de la mort, indique, là aussi, une fortune favorable.S’ils venaient à couronner un cinéaste asiatique, qui, de Hou Hsiao-hsien à Jia Zhang-ke, ont autant ravi que désarçonné, les Coen créeraient en revanche la surprise. Ce faisant, il tordraient opportunément le cou à leur réputation d’insularité, eux qui n’ont jamais tourné ailleurs qu’en Amérique du Nord.La délégation française, qui a beaucoup déçu, n’espère rien, d’autant que s’éloigne l’éventualité d’un prix d’interprétation pour Gérard Depardieu, après les amabilités qu’il a échangées, par voie de presse, avec la jurée Sophie Marceau.Ne jurons de rien, cependant : dimanche, ces hypothèses pourraient bien s’effondrer comme un jeu de quilles – c’est même, de toutes, la plus probable des pistes.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Le parcours chaotique d’un géant du cinéma considéré par ses pairs comme le meilleur réalisateur de tous les temps (dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma).Derrière sa barbe bien peignée, ses yeux malicieux et sa masse imposante, Orson Welles ne cache pas son amertume et une certaine forme de cynisme. « Le cinéma, c’est 2 % de création et 98 % de prostitution », confie-t-il à la caméra après avoir expliqué dans une longue interview accordée à la BBC comment les majors d’Hollywood l’ont spolié et banni des studios durant onze ans. Le documentaire inédit This is Orson Welles, que les productrices Clara et Julia Kuperberg proposent à l’occasion du centenaire de sa naissance, retrace le parcours chaotique de l’auteur de Citizen Kane.Voir aussi le visuel interactif : « This is Orson Welles », un portrait inédit du cinéasteUn « magicien » de l’imageC’est aussi un portrait intime de cet artiste aux multiples facettes (réalisateur, producteur, prestidigitateur, écrivain, acteur, homme de radio…) qui, à travers les témoignages de ses proches (dont sa fille Chris) et de rares archives, se révèle comme un homme blessé, n’ayant jamais pu aller jusqu’au bout de ses rêves et de son génie. Que ce soit à la radio en 1938 avec La Guerre des mondes, œuvre radiophonique dans laquelle, du haut de ses 23 ans, il sema la panique aux Etats-Unis en faisant croire à une invasion des Martiens (une émission qui lui ouvrit les portes d’Hollywood), à Citizen Kane, qu’il réalisa à l’âge de 25 ans (considéré comme le meilleur film de tous les temps par ses admirateurs Milos Forman, Steven Spielberg ou Martin Scorsese), Welles a révolutionné l’art sous toutes ses formes. « CitizenKane est un grand chef-d’œuvre, qui me bouleverse chaque fois que je le vois », explique Martin Scorsese, pour qui le réalisateur est un « magicien » de l’image, qui a bouleversé « la grammaire filmique ».Plusieurs chefs-d’œuvreIl n’a pu l’exprimer que dans quelques films, en raison de l’incompréhension et de l’intransigeance des studios hollywoodiens, dont les dirigeants n’ont jamais compris sa démarche cinématographique. La filmographie du réalisateur recense, d’ailleurs, de nombreux films restés à l’état de projets ou inachevés. On y trouve toutefois plusieurs chefs-d’œuvre, comme La Dame de Shanghaï (1947), magnifié par la présence de Rita Hayworth (sa deuxième femme, dont il divorcera quelques mois plus tard), La Soif du mal (1958), avec Charlton Heston et Janet Leigh, dont la fin fut sérieusement amputée sans qu’Orson Welles en soit averti, ou Le Criminel (1948), avec Orson Welles et Edward G. Robinson qui fut un des premiers films américains à montrer les camps de la mort nazis. Sans oublier, bien sûr, ses adaptations des pièces de Shakespeare (Macbeth, Othello, Falstaff), que l’artiste considérait comme le plus grand poète de tous les temps, et dont on peut d’ailleurs voir l’influence dans Citizen Kane à travers son personnage hanté par la solitude et la mort.Dans ce documentaire riche en témoignages, on notera ceux des réalisateurs Peter Bogdanovich et Henry Jaglom qui dressent un portrait intime de l’artiste dont le téléspectateur ne peut que tomber sous le charme. « Tout ce qu’il touchait se transformait en art », résume sa fille Chris.This is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2015, 52 min). Rediffusions : le 27 mai à 8 heures ; le 28 mai à 0 h 10 ; le 1er juin à 8 h 50 ; le 8 juin à 10 h 45 ; le 11 juin à 19 h 45. Disponible sur le service de replay TCM Cinéma à la demande jusqu’au 22 juin. Dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Sélection officielle – en compétitionOn ne les avait pas revus ensemble au cinéma depuis Loulou. Pialat, 1980. Tournage épouvantable. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Et puis un jour, il y a deux ans, idée de Guillaume Nicloux, le réalisateur de La Religieuse et de L’Enlèvement de Michel Houellebecq. Coup de fil à la productrice, Sylvie Pialat, qui fut l’épouse de Maurice. Reconstitution de couple mythique dissous. Huppert-Depardieu. Avec, en prime, les sites sublimes de la Vallée de la Mort. Chaleurs et frissons garantis.Allez parler ensuite d’un film pareil ! Isabelle et Gérard, tels qu’en eux-mêmes par 50 °C à l’ombre. Six mois auparavant, leur fils Michael est mort. Avant de se suicider, il leur a laissé à chacun une lettre. « Je te demande d’être présent dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous les deux, oui, tu as bien lu, toi et papa. » « Toi et maman », dans l’autre lettre. « Il y a un planning des endroits où vous devez aller, le jour précis et les horaires où vous devez m’attendre car je vais revenir, pour peu de temps, mais je serai là. Et je vous verrai… » Alors ils sont venus. Tous les deux. Séparément, vu qu’ils sont séparés depuis longtemps. Isabelle et Gérard, comme si cette histoire était la leur. Deux comédiens, dans la vie comme dans le film. Une chambre chacun dans un motel niché au cœur de Death Valley.On l’a compris, Valley of Love se joue constamment des effets croisés de la vérité et de la fiction. Des interactions entre la personne – Huppert, Depardieu – et le personnage – Isabelle, Gérard – qu’elle incarne. Conversation dans le désert entre deux ex. Deuil. Croyance que tout est possible. Qu’il faut, à cet instant, que tout soit possible. Impossibilité de retrouvailles qui ont pourtant bel et bien lieu. Culpabilité vis-à-vis d’un enfant dont on ne s’est guère occupé, elle surtout, et qui affirme aujourd’hui, de là où il est, ne plus leur en vouloir. On ne sait pas grand-chose de ses propres enfants, dit Gérard. On n’est jamais averti de leurs grandes décisions. Bouddha dans l’eauDeux plans formidables. En ouverture du film, Huppert de dos, traînant sa valise à roulette. C’est fou comme on reconnaît immédiatement sa silhouette, démarche volontaire, cette manière inimitable de dire non à la vie et à la terre avec ses talons. A cet instant, mais nous ne le savons pas, une seule idée l’obsède : la lettre de son fils. Un peu plus tard, après nous avoir asséné deux ou trois fois « Putain, la chaleur ! », Gérard se baigne dans la piscine du motel. Bouddha dans l’eau. Boudu la tête hors de l’eau. Enorme et fascinant Depardieu.Fort d’un tel casting et d’un tel dispositif, Valley of Love ne pouvait pas ne pas toucher. Ne pas emporter le premier venu des festivaliers. Et pourtant, il lui manque un petit quelque chose, ce supplément d’âme et de cinéma qui fait les grands films. Comme si le scénario, trop écrit, trop lisse et ténu, grevé par sa symbolique, finissait par prendre le pas sur l’émotion.Au début, c’est Isabelle qui croit le plus au message laissé par son fils. Et puis, progressivement, Gérard finit par céder à son tour au vertige de cette apparition impossible. C’est l’instant où l’on devrait être bouleversé, croire à ce quelque chose d’essentiel qui se recrée entre cet homme et cette femme. A cette histoire, interrompue depuis des années, qui par la magie d’une lettre, retrouve son fil.Comme dans La Rose et le Réséda, il y aura ceux qui y croiront et ceux qui n’y croiront pas. Ceux qui prendront au pied de la lettre cette quête éperdue de signes annonciateurs, et ceux qui, au contraire, n’en auront que faire, préférant se concentrer sur les retrouvailles, trente-cinq ans après, de deux acteurs extraordinaires. Dissemblables physiquement, ah ! ça, pour le moins, mais aussi talentueux l’un et l’autre. Alors quand ce bon géant de Gérard caresse la joue d’Isabelle avec ses gros doigts, c’est tout l’imaginaire du cinéma français qui envahit l’écran sous le soleil de la Californie. Et alors là, oui, nous sommes émus !Film français de Guillaume Nicloux avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu (1 h 32). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/valley-of-loveFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionOn sait déjà, grâce à William Shakespeare, que le bilan humain du dernier film en compétition, le Macbeth, de Justin Kurzel, présenté samedi 23 mai, sera lourd. La vision de Chronic, de Michel Franco, son prédécesseur, permet donc de conférer d’ores et déjà à cette édition du Festival de Cannes le label « mort et deuil ».Le jeune (35 ans) réalisateur mexicain de Daniel y Anna et Despues de Lucia a tourné Chronic en Californie et en a confié le premier rôle à Tim Roth. En 2011, l’acteur britannique présidait le jury qui a attribué le prix Un certain regard à Despues de Lucia. En retour, il a reçu la charge d’incarner David, un infirmier spécialisé dans l’assistance en fin de vie. On le découvre à la toilette d’une jeune femme d’une maigreur effroyable. Sarah est atteinte du sida, elle est seule – comme le démontre la visite de pure forme de sa famille – et n’a que David au monde.Michel Franco ne saurait se contenter de ce portrait de samaritain. Il lui faut aussi susciter le malaise, de toute évidence l’émotion que préfère le cinéaste. David suit donc une très jeune fille dont il consulte avidement la page Facebook. Il s’insinue dans la vie d’un autre patient, frappé par un AVC et usurpe son identité, non pour le profit, mais pour changer un instant de peau.Filmer la dégradationC’est qu’elle est difficile à supporter, cette peau de quinquagénaire qui a traversé le deuil et la réprobation – comme on l’apprendra sans surprise au fil de rencontres explicatives. Les épaules voûtées, le regard attentif et le reste du visage résolument privé d’expression, Tim Roth tente de préserver une part d’incertitude, mais ce n’est pas le genre de Michel Franco, qui rappelle en permanence notre condition de mortels et la fragilité de notre enveloppe charnelle. Arrivé au troisième patient, une femme atteinte d’un cancer qui résiste à la chimiothérapie, il est difficile de résister à la tentation de l’indifférence.Elle servira à résister à la pénibilité des images, et surtout, à leur arbitraire. Les séquences de toilette intime de malades privés de leur autonomie ne sont pas forcément la démonstration de la toute-puissance du metteur en scène – voir Amour, de Michael Haneke. Ici, elles semblent n’exister que pour permettre à Michel Franco de filmer la dégradation, comme une démonstration d’une étrange force de caractère. Ce soupçon est confirmé par un épilogue d’une telle brutalité manipulatrice qu’il mériterait d’être dévoilé.Film mexicain de Michel Franco avec Tim Roth, Robin Bartlett, Sarah Sutherland (1 h 33). Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=209Thomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet Troublant ménage à trois que celui qui unit Cannes, la musique et le cinéma. Depuis 1967, la ville accueille le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui a de plus en plus de mal à trouver sa place – jusqu’ici organisé en février, le prochain Midem se tiendra en juin. Car c’est en mai, durant le Festival du film, que ces liaisons tripartites atteignent leur pleine mesure.Nul autre ne les a mieux incarnées cette année, sur la Croisette, que Snoop Dogg. Le rappeur a glapi à l’envi, de plateau télé en salle de presse, pour promouvoir Bush, son nouvel album – au point de faire figure de favori pour la Palme Dog, qui récompense le meilleur cabot du Festival.De fait, le buisson de Snoop cache une forêt de musiciens spécialement venus pendant la quinzaine. Il y a ceux qui sont là pour se faire la main, et un peu d’argent – de 100 à 30 000 euros, selon la notoriété de l’artiste –, en participant aux myriades de soirées organisées en marge des projections. Le cru 2015 aura ainsi vu Barbara Carlotti, Moodoïd, François & the Atlas Mountains, Tahiti Boy, The Avener, Jeremih ou Mark Ronson fredonner leurs airs ou passer quelques disques, de plage Trucmuche en villa Machin.D’autres accompagnent un film sélectionné, auquel ils ont collaboré. C’était le cas de Gesaffelstein, Raphaël, Camille, Katerine, Yuksek, Pharrell Williams ou Thomas Bangalter, des Daft Punk, qui a posé quelques arpèges sur la B.O. de Love. Pour certains, la présence à Cannes est purement amicale, mais inspirante : trente minutes après la projection de Marguerite et Julien, de son amie Valérie Donzelli, Benjamin Biolay remontait à son hôtel coucher par écrit, et en chanson, son émoi.Et puis il y a les habitués, qui viennent tous les ans siroter le cocktail de films, de rencontres et de lumière qu’offre le Festival – manifestation pop s’il en est. Arnaud Fleurent-Didier est de cette engeance-là. Absent depuis la sortie d’un quatrième album acclamé, La Reproduction, en 2010, il a mis en ligne une nouvelle chanson, Un homme et deux femmes, juste avant la cérémonie d’ouverture. Le clip prend la forme d’un générique de film ; quelques jours plus tard, des passions de Desplechin à celles des Garrel père et fils, les amours triangulaires se glissaient parmi les leitmotivs du Festival.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionAvant l’annonce de sa sélection à Cannes, on avait évoqué les Lettres persanes de Montesquieu à propos de Dheepan. En découvrant le film de Jacques Audiard, on distingue bien une certaine parenté : des gens venus de loin découvrent la France. Mais l’ironie et l’humour des philosophes d’Ispahan a cédé la place à la peur et à la colère de Dheepan, Yalini et Ilayaal, Tamouls qui ont fui le Sri Lanka et ont échoué dans une cité quelque part – nulle part – au sud de Paris.La peur et la colère sont les carburants habituels des films d’Audiard. Elles sont peu propices à l’ironie et à l’humour (encore que celui-ci ne soit pas tout à fait absent de Dheepan) et engendrent naturellement le désir de revanche (dans la vie) et des thrillers (au cinéma) – Sur mes lèvres, Un prophète sont de cette espèce-là, tout comme Dheepan.Mécanique dramatique puissanteCette fois, il ne s’agit pas de mettre en scène des acteurs connus (Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup) ou en passe de l’être (Tahar Rahim), mais de mettre en avant un trio d’inconnus, et de faire enfiler au thriller la tenue d’un autre genre : la chronique d’un phénomène social. Dheepan n’est pas le premier film à évoquer le sort des migrants chassés de leur terre vers des contrées qui ont oublié jusqu’au sens du mot « hospitalité », et l’on retrouvera chez Audiard des figures vues mille fois ailleurs – la confrontation avec une administration incompréhensible, la découverte de mœurs étranges (c’est là que Montesquieu passe, au loin). A ceci près que chacune de ces étapes est ici le rouage d’une mécanique dramatique puissante, qui force l’intérêt. Dheepan (Antonythasan Jesuthasan) a combattu dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le mouvement séparatiste écrasé par le pouvoir sri-lankais en 2009. Pour gagner la France, il a convaincu Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une jeune femme rencontrée dans un camp de réfugiés, de se faire passer pour sa femme. A son tour, Yalini a trouvé une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) afin de constituer une famille convaincante aux yeux des autorités du HCR et de l’immigration française. Ces séquences d’exposition sont menées avec une clarté et une économie narrative qui placent tout de suite Dheepan dans un autre espace que celui de l’observation et de la dénonciation.Rythme syncopéAvec sa fausse famille, l’ancien combattant trouve une place de gardien dans une cité, dont une barre est contrôlée par des trafiquants de drogue. Face à la violence endémique, Yalini veut répondre par la fuite, mais Dheepan retrouve un peu de ce qui a fait jadis sa raison de vivre. Face à l’agression, il reprend peu à peu sa posture de combattant. Cette partie centrale du récit est illuminée par les trois comédiens tamouls. Les variations des relations entre les deux adultes et l’enfant suivent un rythme syncopé, souvent inattendu, toujours cohérent, parfois drôle, comme cet échange délicat entre Dheepan et Yalini autour de la notion d’humour, parfois dérangeant lorsque la petite fille est saisie d’un accès de violence après qu’elle a intégré l’école du quartier.Yalini a trouvé un emploi de garde-malade auprès d’un homme aphasique qui s’avérera être le père de Brahim (Vincent Rottiers), le jeune patron du trafic de stupéfiants dans la cité. Avec Vincent Rottiers, Jacques Audiard exerce une fois de plus sa faculté à tracer en quelques plans le portrait complexe d’un personnage tout simple. On se doute bien aussi qu’il n’est pas là pour rien. Son retour dans la cité, après un séjour en prison, entraîne la multiplication d’incidents de plus en plus violents, qui affolent femme et enfant, mais excitent Dheepan.La confrontation finale est d’une violence qu’on en est venu à attendre de Jacques Audiard. Filmée de manière lacunaire, elle prend un caractère onirique, au point qu’on pourrait presque se demander si elle n’est pas sortie des souvenirs et des regrets de l’ancien Tigre.C’est aussi, comme le film tout entier, une confrontation entre deux des formes de violence qui déchirent la planète, entre une guerre du Sud qui a opposé un Etat à l’une de ses communautés, et l’autodestruction européenne d’une autre communauté dont l’Etat – français en l’occurrence – a oublié jusqu’à l’existence.Film français de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers (1 h 50). Sortie le 26 août. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/dheepan_252Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sélection officielle – en compétitionHuit ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Hou Hsiao-hsien, qu’on se demandait ce qu’il devenait, qu’on le regrettait sans se le formuler nécessairement, entraînés par le grand flux du cinéma. Faut-il rappeler qui il est ? Très vite alors : figure de proue au côté d’Edward Yang de la nouvelle vague taïwanaise dans les années 1980, modèle pour la nouvelle génération de cinéastes de Chine continentale, grand maître du cinéma en un mot, transformant à l’instar de William Faulkner le « timbre-poste » de son île natale – territoire violemment et douloureusement séparé de la mère patrie chinoise – en épopée sentimentale et politique de portée universelle. Des Garçons de Fengkuei à Millenium Mambo, en passant par Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Les Fleurs de Shanghaï, autant de chefs-d’œuvre marquant l’histoire du cinéma contemporain.Dispensateur de beautésIl aura suffi, mercredi 20 mai à Cannes, de voir les premiers plans d’un sublime prologue en noir et blanc de The Assassin, pour se rendre compte à quel point ce cinéaste nous manquait, pour se souvenir qu’il est un créateur de formes et un dispensateur de beautés comme en compte très peu dans l’histoire du cinéma. Hou conclut donc sa longue absence par une incursion inédite dans le genre du film de sabre. On augure que tout cinéaste asiatique qui se respecte doit en passer par là. Disons d’emblée que sa contribution à ce geste est la plus étonnante, la plus subversive, la plus énigmatique et somptueuse qu’on ait jamais vue.L’histoire se déroule au IXe siècle, sous la dynastie Tang, fondatrice d’un âge d’or de l’histoire et de la puissance chinoises, mais qui commence à vaciller sous les coups de boutoir des puissants gouverneurs des provinces. Le film commence ici, évoquant la mission d’une experte en arts martiaux, Nie Yinniang (interprétée par l’impériale Shu Qi), chargée par l’empire d’assassiner le gouverneur de la province de Weibo. Ce dernier, qu’elle aime encore, est toutefois son cousin, et fut un temps son promis, avant d’être contraint par son père d’épouser une autre femme, à laquelle il préfère depuis lors sa concubine.Lire aussi :Shu Qi, une égérie qui cache bien son jeuUn sadisme inhérent au métier de critique nous encouragerait à aller plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, si le film lui-même, cultivant opportunément le mystère et le laconisme, ne nous en empêchait. L’essentiel de sa valeur morale n’en est pas moins globalement formulable : la belle guerrière considère sa vocation d’assassin de la même manière que Hou Hsiao-hsien envisage la mise en scène d’un film de sabre. Avec la liberté qu’il convient de prendre à l’égard de ce qu’exigent de nous l’autorité et la tradition, avec l’irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande, oppresse.Economie de la retenueCe qui ressort de cette insubordination sur le plan plastique est une merveille, de celles dont la vision ne s’efface pas. Un film de sabre plus ciselé que sabreur, au format carré d’eau forte, des compositions de plan étourdissantes, des mouvements de caméra qui cherchent et trouvent la grâce, des décors et des costumes conçus comme introductions au rêve, des corps et des visages passionnément mis en valeur, des couleurs poussées à la quintessence de leur pigment, des scènes de combat furtives comme un pinceau qui zébrerait l’écran, gelées par le ralenti et l’isolement de certains sons, relâchées avec la vitesse d’un ressort, puis tranchées avant même que de pouvoir durer.Il ne faudrait pas s’y tromper, toutefois. La nature de cette beauté ne tient pas à la surenchère des effets, mais au contraire à leur soustraction. Toute une économie de la retenue et de l’incomplétude y œuvre : langueur des poses, promptitude d’un geste, voiles ou arbres brouillant la vision, piqué de l’image, hors champ des sons et des voix, dissimulation des personnages dans les replis d’une tenture, dans la profondeur de la nuit ou dans l’écrasante majesté d’un paysage… Ce rapport esthétique si particulier à la réalité sensible, qui fut toujours celui de Hou, nous rappelle aussi bien, et il faudrait être naïf pour s’en étonner, à une réalité politique. Entre violence et amour, raison d’Etat et sentiment, altérité et parenté, quelque chose des rapports de Taïwan à la Chine résonne ainsi très puissamment dans ce film.Film taïwanais de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang chen, Zhou Yun (1 h 44). Sortie le 6 janvier. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/the-assassinJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Semaine de la critique – film de clôtureLe festivalier qui enchaînait jeudi matin la projection de Dheepan, de Jacques Audiard, avec celle La Vie en grand, de Mathieu Vadepied, qui clôturait la Semaine de la critique, gagnait son paradis. A l’extrême noirceur du premier succédait le film le plus espiègle et charmant qu’il nous ait été donné de voir à Cannes durant cette quinzaine. Ou comment, à partir de lieux similaires – des cités-dortoirs de la région parisienne –, deux réalisateurs en arrivent à proposer des visions pour le moins différentes de la capacité d’intégration de la société française.Bonnes féesPremier film du chef opérateur de Sur mes lèvres et d’Intouchables, La Vie en grand est produit par le trio Bruno Nahon, Olivier Nakache et Eric Tolédano. Autant dire que quelques bonnes fées se sont penchées sur son berceau. Grâce soit également rendue à la directrice de casting, Elsa Pharaon, qui a su dénicher les deux « héros » du film : Balamine Guirassy (Adama) et Ali Bidanessy (Mamadou). Agés de 14 et 11 ans, ils sont merveilleux de justesse et étonnants de maturité.Nous sommes donc quelque part en banlieue parisienne, plus exactement dans le petit deux-pièces où vivent chichement Adama et sa maman. Elle, à cause de la loi interdisant la polygamie, vit séparée d’avec son mari. Lui fréquente tant bien que mal, plutôt mal en vérité, le collège du quartier. Les enseignants, en particulier M. Mauger, le prof de gym qui est également le professeur principal (Guillaume Gouix), ont bien repéré cet élève intelligent.Airs de comédieLas, l’école ne le passionne guère. Alors, en désespoir de cause, la CPE (Joséphine de Meaux) et M. Mauger proposent un contrat écrit et signé à Adama : un coup de collier considérable ou c’est le renvoi. Adama n’est pas contre l’idée de s’y mettre. En même temps, voilà que Mamadou, son meilleur ami, lui propose un petit deal de shit, comme ça, en passant, histoire de se faire un peu d’argent. Le petit deal deviendra grand : Adama et Mamadou fournissent bientôt l’école privée voisine, et l’argent coule à flots.A partir de tels ingrédients, Mathieu Vadepied aurait pu concocter un sempiternel drame social sur la banlieue. Il n’en a rien fait, préférant donner à son film des airs de comédie et une tonalité résolument positive. Parents, enfants, enseignants, chacun est à sa place et à la bonne distance. Nulle nécessité ici de fuir la France pour espérer s’en sortir.A la différence d’Audiard, ­Vadepied préfère souligner le rôle de l’école républicaine pour tenter de concevoir un avenir pas trop sombre à ces enfants issus de l’immigration. Loin des polémiques rances et stériles qui défigurent l’image de la France, Adama et Mamadou donnent de l’espoir.Film français de Mathieu Vadepied avec Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix (1 h 33). Sortie le 16 septembre. Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/La-vie-en-grand.html et www.facebook.com/gaumontdistributionFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – hors compétition – séance de minuitLove, film en relief de Gaspar Noé, partage avec Le Serment de Tobrouk, de Bernard-Henri Lévy (présenté à Cannes en 2012), la distinction d’avoir été projeté en séance officielle avant d’être montré à la presse. Si l’on en croit Twitter, la projection de minuit fut l’occasion d’une émeute et d’une standing ovation. Jeudi 21 mai, à 11 heures du matin, la séance de presse donna lieu à une bousculade et se conclut par des huées.On peut en tirer les conclusions que l’on veut sur le fossé entre le public et la critique, ou encore sur l’influence de l’heure sur l’humeur du spectateur. Love, histoire d’amour composée pour moitié de séquences de sexe non simulé, est sans doute plus attrayant la nuit qu’au matin. On y suit les tribulations sexuelles de Murphy (Karl Glusman), étudiant en cinéma établi à Paris où il a suivi une petite amie. Depuis son arrivée, il a rencontré Electra (Aomi Muyock) avec laquelle il vit une histoire passionnée. On aimerait en tout cas le croire en dépit de la mine perpétuellement renfrognée du jeune exilé, que démentent seules ses performances à l’écran.Expérience inédite de l’orgasme masculinCette belle histoire est bientôt infléchie, puis ruinée par la rencontre avec jolie voisine blonde (Electra est brune) qui, après avoir été invitée à se joindre aux ébats du couple, reçoit un hommage individuel si enthousiaste que le préservatif de Murphy se rompt et que la partenaire d’un jour devient la mère de l’enfant du protagoniste. D’où rupture avec Electra et désespoir existentiel du mâle, pris au piège dans un couple et une famille qu’il n’a pas voulus.Selon la disposition de chacun et chacune, on prendra plus ou moins d’intérêt au spectacle de corps jeunes faisant l’amour, dans des configurations variées, généralement orthodoxes. Au moins, les mâles hétérosexuels du public auront une expérience inédite, grâce au relief, de l’orgasme masculin. Ce ne sont pas ces séquences qui rapprochent Love du cinéma X, mais bien la faiblesse insigne du scénario et de l’interprétation (en dehors, encore une fois, des performances physiques). On retiendra quand même cette réplique, qui explique peut-être ce qu’est Love : « Une bite n’a pas de cerveau. »Film français de Gaspar Noé avec Karl Glusman, Aomi Muyock (2 h 14). Sortie le 15 juillet. Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=210 et www.facebook.com/love.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde 22.05.2015 à 06h37 • Mis à jour le22.05.2015 à 15h55 Le Festival de Cannes est devenu un observatoire de la condition cinématographique des femmes depuis une tribune retentissante parue en 2012 à l’initiative du collectif féministe « La Barbe » (Le Monde daté 12 mai 2012). La missive, signée par la comédienne Fanny Cottençon, l’écrivaine Virginie Despentes et la réalisatrice Coline Serreau, avait fait souffler un vent de polémique sur la Croisette en pointant la duplicité coupable du Festival, consistant à mettre à l’honneur le glamour des actrices sans jamais reconnaître le talent des réalisatrices.De ce point de vue, la Sélection officielle opère cette année un tournant de façade. La Tête haute d’Emmanuelle Bercot figure en ouverture et en Sélection officielle, mais pas en compétition. Nuance byzantine, dira-t-on, mais l’arithmétique cannoise ne souffre pas les approximations : seules deux élues sont en compétition, Maïwenn Le Besco et Valérie Donzelli. Faudrait-il voir en Thierry Frémaux, l’infatigable délégué général et serviteur du septième art, un abominable machiste ?La Palme n’est revenue qu’une seule fois à une réalisatrice (Jane Campion, La Leçon de piano, 1993). Les Césars font montre d’un même conservatisme patriarcal, le prix de « meilleur réalisateur » étant revenu en une unique occasion à une cinéaste pour un film… sur un institut de beauté (Tonie Marshall, Vénus Beauté, 2000). Rien de neuf, donc : l’érotisation chaste de Brigitte Bardot, de Jean Seberg ou d’Anna Karina trahissait déjà, dans les films de la Nouvelle Vague, l’imaginaire de jeunes hommes, parisiens et lettrés, tout prêts à renverser l’ordre établi, mais peu à même de placer les rapports de sexe au cœur de leur entreprise de subversion.Cette inégalité de traitement occulte toutefois une évolution de fond. A partir des années 1980, le développement des filières de formation a ouvert une place significative aux femmes. Entre 1990 et 2011, 43 % des diplômés du département « réalisation » de la prestigieuse Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son (la Fémis) étaient des étudiantes. Les générations successives de « fémissettes » ont porté le flambeau d’un mouvement d’affirmation d’un regard féminin. Les films de Céline Sciamma, Alice Winocour, Valérie Donzelli, Mia Hansen-Løve ou Rebecca Zlotowski élargissent à chaque nouvelle édition du Festival une brèche ouverte par Claire Denis, Pascale Ferran, Solveig Anspach et Noémie Lvovsky.Les femmes ont donc gagné droit de cité, et pourtant peu d’entre elles accèdent au cercle resserré des réalisateurs consacrés. Ce décalage s’explique en premier lieu par des carrières écourtées. Si les femmes se présentent désormais en nombre quasi égal au seuil de la carrière, elles y renoncent plus rapidement. Alors que la mise en scène est évoquée dans un registre vocationnel par une majorité de réalisateurs, elle est le plus souvent décrite comme une incursion temporaire par les réalisatrices, enclines à considérer l’échec et l’inégalité de reconnaissance comme une composante « naturelle » de leur destinée sociale.Déficit de crédibilitéA cette « causalité du probable » répond un ensemble de stratégies d’adaptation et d’anticipation, discriminantes du point de vue de la reconnaissance artistique. L’anticipation de l’échec conduit les réalisatrices à opter pour une activité mieux sécurisée. Leur passage à la réalisation se fait plus souvent à partir d’une position d’actrice, de scénariste ou d’assistante que chez leurs homologues masculins. Cette position de prudence est encouragée par les pratiques et logiques inconsciemment machistes du secteur.Tout au long du processus de production, les réalisatrices doivent combler un déficit de crédibilité. Les chefs de poste majoritairement masculins les jugent ainsi volontiers inexpérimentées. Hors plateau, la vie de famille induit des conséquences tout aussi asymétriques : alors qu’elle apporte une assise morale au cinéaste père de famille, la maternité se transforme en contrainte temporelle pour les réalisatrices, plus disposées à mettre entre parenthèses leur carrière pour assurer leur rôle de mère.L’origine géographique nourrit un peu plus cette inégalité : 15 % des réalisatrices sont issues de la région parisienne, contre 48 % des réalisateurs. Dans l’économie d’agglomération qu’est le cinéma, le jeu des affinités électives disqualifie les entrantes. Ces facteurs cumulatifs expliquent que, à la fin des années 1990, 13,6 % des cinéastes étaient des femmes, proportion de moitié inférieure aux secteurs de l’information, des arts et du spectacle, auxquels les réalisateurs sont statistiquement associés.Cette somme de facteurs semble plaider en faveur d’une discrimination positive propre au domaine cinématographique. Des quotas de femmes dans les sélections cannoises ? Une politique aussi radicale qu’improbable. Il se pourrait en réalité que les femmes œuvrent déjà à l’amélioration de leur condition, à partir des postes de décision. Le primat du masculin y est en effet battu en brèche depuis la fin des années 2000. Sidonie Dumas (Gaumont), fille de Nicolas Seydoux, Ariane Toscan du Plantier (Gaumont), fille de l’ancien président d’Unifrance, Sophie Dulac, héritière du fondateur de l’agence Publicis, Nathalie Bloch-Lainé, passée par Canal+ et Europacorp, où a également officié Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet et conseillère de Nicolas Sarkozy, Véronique Cayla, Anne Durupty et Frédérique Bredin, au CNC et à Arte, témoignent de cette féminisation des élites cinématographiques, tandis que des productrices comme Margaret Menegoz, Régine Vial ou Anne-Dominique Toussaint marquent un changement de paysage.Mais l’horizon des minorités politiques ne s’arrête pas à la cause des femmes, et cette procédure de féminisation reporte les interrogations sur la diversité d’un milieu socialement cloisonné, où les héritiers et les héritières, Parisiens, Blancs et bourgeois, continuent de donner le la de la production. La bonne mesure, capable de concilier hiérarchie du goût et démocratie du talent, reste donc à trouver.On sait que les orchestres philharmoniques, monde éminemment plus conservateur que celui du cinéma, se sont mobilisés pour rétablir l’équilibre, de Vienne à New York, au cours des vingt dernières années, après avoir adopté le principe des auditions à l’aveugle. La campagne de sélection en festival ouvre un éventail de jeux de cour, de stratégies florentines et de tentatives de séduction, possiblement évités par des envois et des visionnages respectant la règle stricte de l’anonymat. A quand le blind-watching pour Thierry Frémaux et ses équipes ?Olivier Alexandre est sociologue. Il est l’auteur de « La Règle de l’exception. L’écologie du cinéma français » (Editions de l’Ehess, 272 pages, 16 euros). Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 07.05.2015 à 18h08 • Mis à jour le11.05.2015 à 18h15 | Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen n’a pas n'a pas rencontré le succès escompté. Depuis, il a ses adeptes et même sa religion. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Des extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de la projection du film sur le site de la Quinzaine, ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette. Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert le film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5566cf1cba044'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Clarisse Fabre C’était le mardi 19 mai, le soir de la projection de Much Loved, à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs : les festivaliers s’apprêtaient à découvrir cette fiction, très documentée, qui montre le milieu de la prostitution au Maroc de façon crue et lucide, avec une police complice du tourisme sexuel, de ses clients étrangers ou marocains, de ses organisateurs locaux. Sur la scène du Théâtre Croisette, le réalisateur Nabil Ayouch exprimait le désir que son film, une coproduction franco-marocaine, suscite un débat et secoue les mentalités. On en est très loin, pour l’instant. Comme l’a annoncé le ministère de la communication marocain, lundi 25 mai, Much Loved est frappé d’interdiction au Maroc, « vu qu’il comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume ».Pas de projection, pas de débat ! A la place, une déferlante de messages de haine inonde les réseaux sociaux émanant, entre autres, des milieux conservateurs marocains. Des pages Facebook ont été ouvertes, demandant l’exécution du réalisateur et de l’actrice principale, Loubna Abidar, avec des milliers de « Like » (« J’aime »), indique le cinéaste. Une association aurait déposé une plainte au pénal contre lui, mais il n’a pas encore reçu la notification écrite. A l’initiative de la Société des réalisateurs de films, organisatrices de la Quinzaine, une pétition de soutien circule parmi les cinéastes, déjà signée par Stéphane Brizé, Arnaud Desplechin, Pascale Ferran, Agnès Jaoui…Comment a démarré cette folle croisade contre le film et son réalisateur, bien identifié au Maroc, et auteur, entre autres, des Chevaux de Dieu (2012), long-métrage qui évoquait les attentats de Casablanca ? Les extraits de Much Loved, mis en ligne à la veille de l’ouverture du Festival sur le site de la Quinzaine qui ont circulé sur les sites de partage de vidéos, hors contexte. « Alors, tu as fait fuiter des extraits ? », s’est entendu dire Nabil Ayouch, le 18 mai, sur la Croisette ? Bien sûr que non, a-t-il répondu. L’un des extraits, qui montre les prostituées filant en voiture vers une soirée arrosée organisée pour des Saoudiens, aurait été vu deux millions de fois, révèle le cinéaste, qui n’en revient pas encore. On entend les filles, dans un langage cru, se motiver avant l’abattage. Quelques rushs qui ne figurent pas dans la version finale circuleraient même sur Internet, ajoute-t-il, ce qui signifierait que des fuites aient été organisées dans le circuit de postproduction…Le quotidien des prostituéesMis à part ces miettes sur Internet, auxquelles s’ajoutent des copies piratées, le public marocain n’a pas découvert ce film dans toute son ampleur. C’est une plongée dans le quotidien de prostituées qui vivent sous le même toit : du matin où on les découvre en peignoir ou en pyjama de jeune fille jusqu’aux soirées sordides. Elles sont solidaires et savent pourquoi elles y vont. A la fois amazones et victimes, ces guerrières du sexe tentent de retirer un maximum d’argent de ces parties, quitte à subir des humiliations. L’image est travaillée, les scènes sont stupéfiantes. Seule Loubna Abidar est une comédienne professionnelle, les autres sont des « femmes qui connaissent le milieu de la prostitution mais n’en font pas partie », déclare l’équipe du film.A Cannes, le film a reçu un accueil très chaleureux du public. Mais, dans la salle, des membres du Centre du cinéma marocain veillaient au grain. Dans son communiqué du 25 mai, le ministère de la communication s’appuie sur leur appréciation pour justifier la censure : c’est « suite aux conclusions d’une équipe du Centre cinématographique marocain qui a regardé le film lors de sa projection dans le cadre d’un festival international » que les autorités marocaines ont « décidé ne pas autoriser sa projection au Maroc ». Nabil Ayouch dénonce le procédé. « A ma connaissance, c’est une première, et je suis étonné par la méthode. Le ministère de la communication n’est pas compétent pour autoriser, ou pas, la sortie d’un film ; seule la commission de contrôle, laquelle dépend du Centre du cinéma marocain, l’est. Le débat porte désormais sur la liberté d’expression, chèrement acquise au Maroc depuis les années 1970 », déclare au Monde Nabil Ayouch, qui précise toutefois que « la majorité des journaux marocains soutiennent le film ». Il ajoute : « Les opposants se focalisent sur quelques extraits, et occultent la dimension artistique du film. Much Loved, c’est un an et demi de travail, toute une enquête sur le terrain. Je m’attendais à de telles réactions enflammées, aussi violentes. Mais un débat sociétal sur un sujet aussi présent ne peut être que positif. »« Plein d’humanité »La tension est montée toute la semaine, jusqu’au retour du réalisateur au Maroc, lundi 25 mai. Les ventes internationales se limitent, pour l’instant, à trois pays, « la France, l’Italie et l’ex-Yougoslavie », précise le vendeur international, Celluloïd Dreams, sis à Paris. On ne sait pas encore si le film sera sélectionné pour le Festival de Marrakech (du 4 au 13 décembre), financé en partie par le roi du Maroc, via une fondation. « Je ne veux pas me laisser influencer par cette affaire. Dans la compétition, je ne sélectionne pas toujours les films marocains présentés à Cannes », nous dit simplement Bruno Barde, qui assure la sélection. Le délégué général de la Quinzaine des réalisateurs, Edouard Waintrop, juge, dans un communiqué, « cette censure, cette atteinte à la liberté d’expression inacceptables », de la part d’« un pays qui accueille des tournages du monde entier et qui organise, justement à Marrakech, l’un des plus grands festivals du cinéma ».Le distributeur Eric Lagesse, de Pyramide, n’avait pas prévu un tel chaos : il ne sait pas encore quand le film sortira en France. Les deux dates qui avaient été évoquées, à Cannes, le 23 septembre ou le 9 décembre, ne sont pas confirmées. « J’ai acheté le film le week-end avant Cannes. Je l’ai trouvé formidable. Mais ensuite, je n’ai pas maîtrisé la communication. Notamment le visuel provocant qui montre une comédienne avec un doigt dans la bouche. Cela ne me plaît pas. Si on ajoute à cela les extraits sur Internet, cela rend le film putassier, alors qu’il est plein d’humanité. » Bref, il faut le voir.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5566cf1cba044'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}En comparaison, si l’on regarde la production cinématographique, aucun film n’a reçu de visa « interdit aux moins de 18 ans » en 2013 ; les catégories « - 16 » et « - 16 avec avertissement » ne représentent réunies que 1 % des long-métrages diffusés dans l’Hexagone. #container_14313524292{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313524292{ height:500px; } #container_14313524292 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313524292 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France . Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévère, même à niveau égalCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5566cf1cba044'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster », du Grec Yorgos Lanthimos, est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre. Ce chef-d’oeuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du développement de l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. C’est au fil des ans et des fans que cette ode à la non-performance s’est imposé comme un phénomène mondial. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster », du Grec Yorgos Lanthimos, est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre. Ce chef-d’oeuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du développement de l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. C’est au fil des ans et des fans que cette ode à la non-performance s’est imposé comme un phénomène mondial. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h54 • Mis à jour le15.05.2015 à 14h31 MusiquesEn voyage musical avec ChassolPianiste et compositeur, né à Paris en 1976 d’une famille originaire des Antilles, Christophe Chassol vient de publier son quatrième album, Big Sun, qu’il présente au public en tournée. Plus qu’un disque, c’est un voyage musical que propose l’artiste à travers les différents titres de cet album aux influences musicales très diverses qui témoigne de l’intense curiosité artistique de l’auteur.Scène du Louvre Lens, samedi 16 mai à 20 h 30 (concert gratuit).Lire aussi :Chassol, constructeur de sons et d’imagesArtsLes artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-fonds du baroque », présentée à Paris après la Villa Médicis. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » des artistes âgés de 20 ans venus du monde entier apprendre leur métier dans la ville éternelle. C’est ce côté obscur de l’Histoire que montre l’exposition, dans une mise en scène très évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Petit Palais, à Paris.Lire aussi :Au XVIIe siècle aussi, le sexe faisait vendreThéâtre« Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un mode toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Théâtre du Rond-Point, à Paris.Lire aussi :Des « Murmures » qui peinent à se faire entendre au Théâtre du Rond-PointCinéma« La Cité muette » : enquête sur un lieu maudit et sacréPeut-on vivre dans un lieu qui fut, durant l’occupation allemande, l’« antichambre de la mort » pour près de 80 000 personnes ? Soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, près de 500 personnes habitent à Drancy, à la Cité de la Muette, là même où furent internés, souvent dans des conditions inhumaines, les juifs raflés sur tout le territoire français à partir d’août 1941. Afin de comprendre le sort inouï réservé à ce lieu à la fois maudit et sacré, Sabrina Van Tassel a interrogé d’anciens rescapés et des habitants de la Muette. Un documentaire bouleversant et passionnant.Documentaire français de Sabrina Van Tassel (1 h 28).Lire aussi :« La Cité muette, une mémoire occultée » : vivre à Drancy, malgré toutFestivalL’aura d’Oum Kalsoum à Montpellier Disparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain dédié aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts, exposition, table-ronde : la chanteuse, dont la renommée fut mondiale, continue d’inspirer les artistes.Festival Arabesques, à Montpellier.Lire aussi :Oum Kalsoum brille sur MontpellierCinéma« Mad Max: Fury Road » : de la pure adrénalineLe quatrième volet de la saga post-apocalyptique, qui lança la carrière de Mel Gibson à la fin des années 1980, a été présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes, jeudi 14 mai, jour de sa sortie en salles. C'est l'acteur britannique Tom Hardy – remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight – qui reprend le rôle du célèbre justicier de la route aux côtés de l'actrice Charlize Theron dans la peau de l'impératrice Furiosa. Filmé avec brio et mené à un rythme haletant.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures).ThéâtreUn « canard sauvage » aux accents hitchcockiens Dans un sombre décor de sapins s'opposent un père absolu, suffisant et manipulateur, à un fils obsédé par un idéal de vérité et de transparence, au point de tout lui sacrifier – même l'amour de sa fille adolescente. Stéphane Braunschweig met en scène au Théâtre national de Strasbourg cette pièce terrible d'Henrik Ibsen où les squelettes qui sortent du placard sèment le chaos autour d'eux. Il le fait en insistant sur la part psychologique de la pièce, sondant les ambiguïtés et les perversités quasi-hitchcockiennes des personnages.Théâtre national de Strasbourg.Lire aussi : Ibsen, dans la forêt profonde de la vieMuséesUne balade nocturne parmi les toiles Se faire une toile en after ? C’est possible samedi 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite, et tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France.Lire aussi :Une palette de propositions pour passer sa nuit au muséeFestivalLyon au son de l’électro Varsovie n’est pas encore le nouveau Berlin, mais l’effervescence de la scène underground musicale polonaise lui a valu d’être l’invitée des Nuits sonores, festival lyonnais à la pointe des musiques électroniques et de l’avant-garde pop. Sur les scènes du quartier de Confluence, on croisera ainsi, lors d’une série d’« Apéros Warsaw », une douzaine de représentants d’un underground musical varsovien – Mitch & Mitch, Xenony, Baaba, Slalom, Piotr Kurek… – triturant les genres de façon singulière. Une programmation musicale complétée d’artistes issus de traditions locales renouvelées, comme la peinture murale ou l’art de l’affiche. Les musiques traditionnelles croisent le hip-hop, le rock ou les musiques électroniques.Festival Nuits sonores, à Lyon.Lire aussi :La Pologne envahit les Nuits sonoresRétrospectiveL’art sauvage de Carol Rama L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003, et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Musée d’art moderne de la Ville de Paris.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au musée Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 12h28 • Mis à jour le13.05.2015 à 14h49 | Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski Aureliano Tonet Troublant ménage à trois que celui qui unit Cannes, la musique et le cinéma. Depuis 1967, la ville accueille le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui n’a jamais tout à fait réussi à trouver sa place – jusqu’ici organisé en février, le prochain Midem se tiendra en juin. Car c’est en mai, durant le Festival du film, que ces liaisons tripartites atteignent leur pleine mesure.Nul autre ne les a mieux incarnées cette année, sur la Croisette, que Snoop Dogg. Le rappeur a glapi à l’envi, de plateau télé en salle de presse, pour promouvoir Bush, son nouvel album – au point de faire figure de favori pour la Palme Dog, qui récompense le meilleur cabot du Festival.De fait, le buisson de Snoop cache une forêt de musiciens spécialement venus pendant la quinzaine. Il y a ceux qui sont là pour se faire la main, et un peu d’argent – de 100 à 30 000 euros, selon la notoriété de l’artiste –, en participant aux myriades de soirées organisées en marge des projections. Le cru 2015 aura ainsi vu Barbara Carlotti, Moodoïd, François & the Atlas Mountains, Tahiti Boy, Jeremih ou Mark Ronson fredonner leurs airs ou passer quelques disques, de plage Trucmuche en villa Machin.D’autres accompagnent un film sélectionné, auquel ils ont collaboré. C’était le cas de Gesaffelstein, Raphaël, Katerine, Yuksek ou Thomas Bangalter, des Daft Punk, qui a posé quelques arpèges sur la B.O. de Love. Pour certains, la présence à Cannes est purement amicale, mais inspirante : trente minutes après la projection de Marguerite et Julien, de son amie Valérie Donzelli, Benjamin Biolay remontait à son hôtel coucher par écrit, et en chanson, son émoi.Et puis il y a les habitués, qui viennent tous les ans siroter le cocktail de films, de rencontres et de lumière qu’offre le Festival – manifestation pop s’il en est. Arnaud Fleurent-Didier est de cette engeance-là. Absent depuis la sortie d’un quatrième album acclamé, La Reproduction, en 2010, il a mis en ligne une nouvelle chanson, Un homme et deux femmes, juste avant la cérémonie d’ouverture. Le clip prend la forme d’un générique de film ; quelques jours plus tard, des passions de Desplechin à celles des Garrel père et fils, les amours triangulaires se glissaient parmi les leitmotivs du Festival.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionAvant l’annonce de sa sélection à Cannes, on avait évoqué les Lettres persanes de Montesquieu à propos de Dheepan. En découvrant le film de Jacques Audiard, on distingue bien une certaine parenté : des gens venus de loin découvrent la France. Mais l’ironie et l’humour des philosophes d’Ispahan a cédé la place à la peur et à la colère de Dheepan, Yalini et Ilayaal, Tamouls qui ont fui le Sri Lanka et ont échoué dans une cité quelque part – nulle part – au sud de Paris.La peur et la colère sont les carburants habituels des films d’Audiard. Elles sont peu propices à l’ironie et à l’humour (encore que celui-ci ne soit pas tout à fait absent de Dheepan) et engendrent naturellement le désir de revanche (dans la vie) et des thrillers (au cinéma) – Sur mes lèvres, Un prophète sont de cette espèce-là, tout comme Dheepan.Mécanique dramatique puissanteCette fois, il ne s’agit pas de mettre en scène des acteurs connus (Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup) ou en passe de l’être (Tahar Rahim), mais de mettre en avant un trio d’inconnus, et de faire enfiler au thriller la tenue d’un autre genre : la chronique d’un phénomène social. Dheepan n’est pas le premier film à évoquer le sort des migrants chassés de leur terre vers des contrées qui ont oublié jusqu’au sens du mot « hospitalité », et l’on retrouvera chez Audiard des figures vues mille fois ailleurs – la confrontation avec une administration incompréhensible, la découverte de mœurs étranges (c’est là que Montesquieu passe, au loin). A ceci près que chacune de ces étapes est ici le rouage d’une mécanique dramatique puissante, qui force l’intérêt. Dheepan (Antonythasan Jesuthasan) a combattu dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le mouvement séparatiste écrasé par le pouvoir sri-lankais en 2009. Pour gagner la France, il a convaincu Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une jeune femme rencontrée dans un camp de réfugiés, de se faire passer pour sa femme. A son tour, Yalini a trouvé une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) afin de constituer une famille convaincante aux yeux des autorités du HCR et de l’immigration française. Ces séquences d’exposition sont menées avec une clarté et une économie narrative qui placent tout de suite Dheepan dans un autre espace que celui de l’observation et de la dénonciation.Rythme syncopéAvec sa fausse famille, l’ancien combattant trouve une place de gardien dans une cité, dont une barre est contrôlée par des trafiquants de drogue. Face à la violence endémique, Yalini veut répondre par la fuite, mais Dheepan retrouve un peu de ce qui a fait jadis sa raison de vivre. Face à l’agression, il reprend peu à peu sa posture de combattant. Cette partie centrale du récit est illuminée par les trois comédiens tamouls. Les variations des relations entre les deux adultes et l’enfant suivent un rythme syncopé, souvent inattendu, toujours cohérent, parfois drôle, comme cet échange délicat entre Dheepan et Yalini autour de la notion d’humour, parfois dérangeant lorsque la petite fille est saisie d’un accès de violence après qu’elle a intégré l’école du quartier.Yalini a trouvé un emploi de garde-malade auprès d’un homme aphasique qui s’avérera être le père de Brahim (Vincent Rottiers), le jeune patron du trafic de stupéfiants dans la cité. Avec Vincent Rottiers, Jacques Audiard exerce une fois de plus sa faculté à tracer en quelques plans le portrait complexe d’un personnage tout simple. On se doute bien aussi qu’il n’est pas là pour rien. Son retour dans la cité, après un séjour en prison, entraîne la multiplication d’incidents de plus en plus violents, qui affolent femme et enfant, mais excitent Dheepan.La confrontation finale est d’une violence qu’on en est venu à attendre de Jacques Audiard. Filmée de manière lacunaire, elle prend un caractère onirique, au point qu’on pourrait presque se demander si elle n’est pas sortie des souvenirs et des regrets de l’ancien Tigre.C’est aussi, comme le film tout entier, une confrontation entre deux des formes de violence qui déchirent la planète, entre une guerre du Sud qui a opposé un Etat à l’une de ses communautés, et l’autodestruction européenne d’une autre communauté dont l’Etat – français en l’occurrence – a oublié jusqu’à l’existence.Film français de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers (1 h 50). Sortie le 26 août. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/dheepan_252Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sélection officielle – en compétitionHuit ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Hou Hsiao-hsien, qu’on se demandait ce qu’il devenait, qu’on le regrettait sans se le formuler nécessairement, entraînés par le grand flux du cinéma. Faut-il rappeler qui il est ? Très vite alors : figure de proue au côté d’Edward Yang de la nouvelle vague taïwanaise dans les années 1980, modèle pour la nouvelle génération de cinéastes de Chine continentale, grand maître du cinéma en un mot, transformant à l’instar de William Faulkner le « timbre-poste » de son île natale – territoire violemment et douloureusement séparé de la mère patrie chinoise – en épopée sentimentale et politique de portée universelle. Des Garçons de Fengkuei à Millenium Mambo, en passant par Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Les Fleurs de Shanghaï, autant de chefs-d’œuvre marquant l’histoire du cinéma contemporain.Dispensateur de beautésIl aura suffi, mercredi 20 mai à Cannes, de voir les premiers plans d’un sublime prologue en noir et blanc de The Assassin, pour se rendre compte à quel point ce cinéaste nous manquait, pour se souvenir qu’il est un créateur de formes et un dispensateur de beautés comme en compte très peu dans l’histoire du cinéma. Hou conclut donc sa longue absence par une incursion inédite dans le genre du film de sabre. On augure que tout cinéaste asiatique qui se respecte doit en passer par là. Disons d’emblée que sa contribution à ce geste est la plus étonnante, la plus subversive, la plus énigmatique et somptueuse qu’on ait jamais vue.L’histoire se déroule au IXe siècle, sous la dynastie Tang, fondatrice d’un âge d’or de l’histoire et de la puissance chinoises, mais qui commence à vaciller sous les coups de boutoir des puissants gouverneurs des provinces. Le film commence ici, évoquant la mission d’une experte en arts martiaux, Nie Yinniang (interprétée par l’impériale Shu Qi), chargée par l’empire d’assassiner le gouverneur de la province de Weibo. Ce dernier, qu’elle aime encore, est toutefois son cousin, et fut un temps son promis, avant d’être contraint par son père d’épouser une autre femme, à laquelle il préfère depuis lors sa concubine.Lire aussi :Shu Qi, une égérie qui cache bien son jeuUn sadisme inhérent au métier de critique nous encouragerait à aller plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, si le film lui-même, cultivant opportunément le mystère et le laconisme, ne nous en empêchait. L’essentiel de sa valeur morale n’en est pas moins globalement formulable : la belle guerrière considère sa vocation d’assassin de la même manière que Hou Hsiao-hsien envisage la mise en scène d’un film de sabre. Avec la liberté qu’il convient de prendre à l’égard de ce qu’exigent de nous l’autorité et la tradition, avec l’irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande, oppresse.Economie de la retenueCe qui ressort de cette insubordination sur le plan plastique est une merveille, de celles dont la vision ne s’efface pas. Un film de sabre plus ciselé que sabreur, au format carré d’eau forte, des compositions de plan étourdissantes, des mouvements de caméra qui cherchent et trouvent la grâce, des décors et des costumes conçus comme introductions au rêve, des corps et des visages passionnément mis en valeur, des couleurs poussées à la quintessence de leur pigment, des scènes de combat furtives comme un pinceau qui zébrerait l’écran, gelées par le ralenti et l’isolement de certains sons, relâchées avec la vitesse d’un ressort, puis tranchées avant même que de pouvoir durer.Il ne faudrait pas s’y tromper, toutefois. La nature de cette beauté ne tient pas à la surenchère des effets, mais au contraire à leur soustraction. Toute une économie de la retenue et de l’incomplétude y œuvre : langueur des poses, promptitude d’un geste, voiles ou arbres brouillant la vision, piqué de l’image, hors champ des sons et des voix, dissimulation des personnages dans les replis d’une tenture, dans la profondeur de la nuit ou dans l’écrasante majesté d’un paysage… Ce rapport esthétique si particulier à la réalité sensible, qui fut toujours celui de Hou, nous rappelle aussi bien, et il faudrait être naïf pour s’en étonner, à une réalité politique. Entre violence et amour, raison d’Etat et sentiment, altérité et parenté, quelque chose des rapports de Taïwan à la Chine résonne ainsi très puissamment dans ce film.Film taïwanais de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang chen, Zhou Yun (1 h 44). Sortie le 6 janvier. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/the-assassinJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Semaine de la critique – film de clôtureLe festivalier qui enchaînait jeudi matin la projection de Dheepan, de Jacques Audiard, avec celle La Vie en grand, de Mathieu Vadepied, qui clôturait la Semaine de la critique, gagnait son paradis. A l’extrême noirceur du premier succédait le film le plus espiègle et charmant qu’il nous ait été donné de voir à Cannes durant cette quinzaine. Ou comment, à partir de lieux similaires – des cités-dortoirs de la région parisienne –, deux réalisateurs en arrivent à proposer des visions pour le moins différentes de la capacité d’intégration de la société française.Bonnes féesPremier film du chef opérateur de Sur mes lèvres et d’Intouchables, La Vie en grand est produit par le trio Bruno Nahon, Olivier Nakache et Eric Tolédano. Autant dire que quelques bonnes fées se sont penchées sur son berceau. Grâce soit également rendue à la directrice de casting, Elsa Pharaon, qui a su dénicher les deux « héros » du film : Balamine Guirassy (Adama) et Ali Bidanessy (Mamadou). Agés de 14 et 11 ans, ils sont merveilleux de justesse et étonnants de maturité.Nous sommes donc quelque part en banlieue parisienne, plus exactement dans le petit deux-pièces où vivent chichement Adama et sa maman. Elle, à cause de la loi interdisant la polygamie, vit séparée d’avec son mari. Lui fréquente tant bien que mal, plutôt mal en vérité, le collège du quartier. Les enseignants, en particulier M. Mauger, le prof de gym qui est également le professeur principal (Guillaume Gouix), ont bien repéré cet élève intelligent.Airs de comédieLas, l’école ne le passionne guère. Alors, en désespoir de cause, la CPE (Joséphine de Meaux) et M. Mauger proposent un contrat écrit et signé à Adama : un coup de collier considérable ou c’est le renvoi. Adama n’est pas contre l’idée de s’y mettre. En même temps, voilà que Mamadou, son meilleur ami, lui propose un petit deal de shit, comme ça, en passant, histoire de se faire un peu d’argent. Le petit deal deviendra grand : Adama et Mamadou fournissent bientôt l’école privée voisine, et l’argent coule à flots.A partir de tels ingrédients, Mathieu Vadepied aurait pu concocter un sempiternel drame social sur la banlieue. Il n’en a rien fait, préférant donner à son film des airs de comédie et une tonalité résolument positive. Parents, enfants, enseignants, chacun est à sa place et à la bonne distance. Nulle nécessité ici de fuir la France pour espérer s’en sortir.A la différence d’Audiard, ­Vadepied préfère souligner le rôle de l’école républicaine pour tenter de concevoir un avenir pas trop sombre à ces enfants issus de l’immigration. Loin des polémiques rances et stériles qui défigurent l’image de la France, Adama et Mamadou donnent de l’espoir.Film français de Mathieu Vadepied avec Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix (1 h 33). Sortie le 16 septembre. Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/La-vie-en-grand.html et www.facebook.com/gaumontdistributionFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – hors compétition – séance de minuitLove, film en relief de Gaspar Noé, partage avec Le Serment de Tobrouk, de Bernard-Henri Lévy (présenté à Cannes en 2012), la distinction d’avoir été projeté en séance officielle avant d’être montré à la presse. Si l’on en croit Twitter, la projection de minuit fut l’occasion d’une émeute et d’une standing ovation. Jeudi 21 mai, à 11 heures du matin, la séance de presse donna lieu à une bousculade et se conclut par des huées.On peut en tirer les conclusions que l’on veut sur le fossé entre le public et la critique, ou encore sur l’influence de l’heure sur l’humeur du spectateur. Love, histoire d’amour composée pour moitié de séquences de sexe non simulé, est sans doute plus attrayant la nuit qu’au matin. On y suit les tribulations sexuelles de Murphy (Karl Glusman), étudiant en cinéma établi à Paris où il a suivi une petite amie. Depuis son arrivée, il a rencontré Electra (Aomi Muyock) avec laquelle il vit une histoire passionnée. On aimerait en tout cas le croire en dépit de la mine perpétuellement renfrognée du jeune exilé, que démentent seules ses performances à l’écran.Expérience inédite de l’orgasme masculinCette belle histoire est bientôt infléchie, puis ruinée par la rencontre avec jolie voisine blonde (Electra est brune) qui, après avoir été invitée à se joindre aux ébats du couple, reçoit un hommage individuel si enthousiaste que le préservatif de Murphy se rompt et que la partenaire d’un jour devient la mère de l’enfant du protagoniste. D’où rupture avec Electra et désespoir existentiel du mâle, pris au piège dans un couple et une famille qu’il n’a pas voulus.Selon la disposition de chacun et chacune, on prendra plus ou moins d’intérêt au spectacle de corps jeunes faisant l’amour, dans des configurations variées, généralement orthodoxes. Au moins, les mâles hétérosexuels du public auront une expérience inédite, grâce au relief, de l’orgasme masculin. Ce ne sont pas ces séquences qui rapprochent Love du cinéma X, mais bien la faiblesse insigne du scénario et de l’interprétation (en dehors, encore une fois, des performances physiques). On retiendra quand même cette réplique, qui explique peut-être ce qu’est Love : « Une bite n’a pas de cerveau. »Film français de Gaspar Noé avec Karl Glusman, Aomi Muyock (2 h 14). Sortie le 15 juillet. Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=210 et www.facebook.com/love.lefilmThomas SotinelJournaliste au Monde 22.05.2015 à 06h37 • Mis à jour le22.05.2015 à 15h55 Le Festival de Cannes est devenu un observatoire de la condition cinématographique des femmes depuis une tribune retentissante parue en 2012 à l’initiative du collectif féministe « La Barbe » (Le Monde daté 12 mai 2012). La missive, signée par la comédienne Fanny Cottençon, l’écrivaine Virginie Despentes et la réalisatrice Coline Serreau, avait fait souffler un vent de polémique sur la Croisette en pointant la duplicité coupable du Festival, consistant à mettre à l’honneur le glamour des actrices sans jamais reconnaître le talent des réalisatrices.De ce point de vue, la Sélection officielle opère cette année un tournant de façade. La Tête haute d’Emmanuelle Bercot figure en ouverture et en Sélection officielle, mais pas en compétition. Nuance byzantine, dira-t-on, mais l’arithmétique cannoise ne souffre pas les approximations : seules deux élues sont en compétition, Maïwenn Le Besco et Valérie Donzelli. Faudrait-il voir en Thierry Frémaux, l’infatigable délégué général et serviteur du septième art, un abominable machiste ?La Palme n’est revenue qu’une seule fois à une réalisatrice (Jane Campion, La Leçon de piano, 1993). Les Césars font montre d’un même conservatisme patriarcal, le prix de « meilleur réalisateur » étant revenu en une unique occasion à une cinéaste pour un film… sur un institut de beauté (Tonie Marshall, Vénus Beauté, 2000). Rien de neuf, donc : l’érotisation chaste de Brigitte Bardot, de Jean Seberg ou d’Anna Karina trahissait déjà, dans les films de la Nouvelle Vague, l’imaginaire de jeunes hommes, parisiens et lettrés, tout prêts à renverser l’ordre établi, mais peu à même de placer les rapports de sexe au cœur de leur entreprise de subversion.Cette inégalité de traitement occulte toutefois une évolution de fond. A partir des années 1980, le développement des filières de formation a ouvert une place significative aux femmes. Entre 1990 et 2011, 43 % des diplômés du département « réalisation » de la prestigieuse Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son (la Fémis) étaient des étudiantes. Les générations successives de « fémissettes » ont porté le flambeau d’un mouvement d’affirmation d’un regard féminin. Les films de Céline Sciamma, Alice Winocour, Valérie Donzelli, Mia Hansen-Løve ou Rebecca Zlotowski élargissent à chaque nouvelle édition du Festival une brèche ouverte par Claire Denis, Pascale Ferran, Solveig Anspach et Noémie Lvovsky.Les femmes ont donc gagné droit de cité, et pourtant peu d’entre elles accèdent au cercle resserré des réalisateurs consacrés. Ce décalage s’explique en premier lieu par des carrières écourtées. Si les femmes se présentent désormais en nombre quasi égal au seuil de la carrière, elles y renoncent plus rapidement. Alors que la mise en scène est évoquée dans un registre vocationnel par une majorité de réalisateurs, elle est le plus souvent décrite comme une incursion temporaire par les réalisatrices, enclines à considérer l’échec et l’inégalité de reconnaissance comme une composante « naturelle » de leur destinée sociale.Déficit de crédibilitéA cette « causalité du probable » répond un ensemble de stratégies d’adaptation et d’anticipation, discriminantes du point de vue de la reconnaissance artistique. L’anticipation de l’échec conduit les réalisatrices à opter pour une activité mieux sécurisée. Leur passage à la réalisation se fait plus souvent à partir d’une position d’actrice, de scénariste ou d’assistante que chez leurs homologues masculins. Cette position de prudence est encouragée par les pratiques et logiques inconsciemment machistes du secteur.Tout au long du processus de production, les réalisatrices doivent combler un déficit de crédibilité. Les chefs de poste majoritairement masculins les jugent ainsi volontiers inexpérimentées. Hors plateau, la vie de famille induit des conséquences tout aussi asymétriques : alors qu’elle apporte une assise morale au cinéaste père de famille, la maternité se transforme en contrainte temporelle pour les réalisatrices, plus disposées à mettre entre parenthèses leur carrière pour assurer leur rôle de mère.L’origine géographique nourrit un peu plus cette inégalité : 15 % des réalisatrices sont issues de la région parisienne, contre 48 % des réalisateurs. Dans l’économie d’agglomération qu’est le cinéma, le jeu des affinités électives disqualifie les entrantes. Ces facteurs cumulatifs expliquent que, à la fin des années 1990, 13,6 % des cinéastes étaient des femmes, proportion de moitié inférieure aux secteurs de l’information, des arts et du spectacle, auxquels les réalisateurs sont statistiquement associés.Cette somme de facteurs semble plaider en faveur d’une discrimination positive propre au domaine cinématographique. Des quotas de femmes dans les sélections cannoises ? Une politique aussi radicale qu’improbable. Il se pourrait en réalité que les femmes œuvrent déjà à l’amélioration de leur condition, à partir des postes de décision. Le primat du masculin y est en effet battu en brèche depuis la fin des années 2000. Sidonie Dumas (Gaumont), fille de Nicolas Seydoux, Ariane Toscan du Plantier (Gaumont), fille de l’ancien président d’Unifrance, Sophie Dulac, héritière du fondateur de l’agence Publicis, Nathalie Bloch-Lainé, passée par Canal+ et Europacorp, où a également officié Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet et conseillère de Nicolas Sarkozy, Véronique Cayla, Anne Durupty et Frédérique Bredin, au CNC et à Arte, témoignent de cette féminisation des élites cinématographiques, tandis que des productrices comme Margaret Menegoz, Régine Vial ou Anne-Dominique Toussaint marquent un changement de paysage.Mais l’horizon des minorités politiques ne s’arrête pas à la cause des femmes, et cette procédure de féminisation reporte les interrogations sur la diversité d’un milieu socialement cloisonné, où les héritiers et les héritières, Parisiens, Blancs et bourgeois, continuent de donner le la de la production. La bonne mesure, capable de concilier hiérarchie du goût et démocratie du talent, reste donc à trouver.On sait que les orchestres philharmoniques, monde éminemment plus conservateur que celui du cinéma, se sont mobilisés pour rétablir l’équilibre, de Vienne à New York, au cours des vingt dernières années, après avoir adopté le principe des auditions à l’aveugle. La campagne de sélection en festival ouvre un éventail de jeux de cour, de stratégies florentines et de tentatives de séduction, possiblement évités par des envois et des visionnages respectant la règle stricte de l’anonymat. A quand le blind-watching pour Thierry Frémaux et ses équipes ?Olivier Alexandre est sociologue. Il est l’auteur de « La Règle de l’exception. L’écologie du cinéma français » (Editions de l’Ehess, 272 pages, 16 euros). Raphaëlle Rérolle (Cannes) En apparence, ce n’est qu’un morceau de plastique dur. Un petit bidule aux coins légèrement arrondis, format carte de crédit. Vous en avez déjà vu cent, votre carte de piscine lui ressemble comme une sœur, celle du pressing aussi et votre passe Navigo, si vous êtes parisien – c’est l’objet le plus banal du monde. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, à Cannes encore moins qu’ailleurs. Car ce que vous preniez d’abord pour un vulgaire badge est en fait beaucoup plus que cela : un véritable sésame, et un signe extérieur de standing. La forme concrète d’une stratification sociale omniprésente et très visible, sur la Croisette. Avec lui, vous n’êtes pas forcément grand chose dans le dédale du Festival, sans lui, vous n’êtes rien.Par dédale, il ne faut pas entendre un territoire géographique étendu ou compliqué : le festival le plus glamour du monde tient dans un espace qui ne doit pas excéder 1 km2. On y trouve un palais, quelques palaces, un tronçon de Croisette grand comme le bras et des plages privées transformées en restaurants branchés. Mais symboliquement, c’est une autre affaire : dans ce tout petit royaume où le signe est roi, les codes sont nombreux, et complexes. Selon la couleur de leur badge ou sa catégorie, les festivaliers peuvent avoir accès, ou pas, à toutes sortes de privilèges, petits et grands.Une certaine violence de classeCela va du droit d’aller à tel ou tel endroit, à celui de voir tel ou tel film, en passant par celui de fréquenter tel ou tel restaurant. Inutile d’espérer entrer au bar du Majestic si vous ne possédez pas d’accréditation. Les compagnies aériennes ont érigé en loi ce système de segmentation qui institutionnalise une certaine violence de classe dans un espace réduit. Mais dans l’avion, ceux qui en ont les moyens peuvent payer pour avoir le droit de ne pas faire la queue avec le vulgum. A Cannes, c’est un peu plus compliqué.Le Festival étant un rendez-vous professionnel, les badges sont remis en fonction de critères professionnels. Il y en a pour le Marché du film, d'autres pour les professionnels du cinéma, d'autres pour la presse. Les journalistes en reçoivent de différentes couleurs, selon les supports, leur fonction, leur réputation et l’assurance qu’ils écriront bien sur le Festival. Plus de précisions sur le mode d’attribution ? Impossible, c’est un secret.Dans le premier groupe, un badge blanc, pour les stars du métier, puis un rose à pastille jaune, et enfin, un rose tout court. L’aristocratie. Ceux-là passent dans des files séparées, signalées par les couleurs en question. Ils ne feront pas la queue, et jouiront des meilleures places, une fois dans la salle. A quoi bon trois nuances, direz-vous ? Vous faites bien de demander , ce n’est écrit nulle part dans le livret pratique remis aux festivaliers. Sachez donc que les « blancs » pourront faire des choses incroyables, comme traverser le Palais des festivals par l’intérieur pour se rendre d’une projection à l’autre (au lieu de faire le tour par l’extérieur), ou encore se rendre à des soirées privées sans invitation.Le deuxième groupe comprend les badges bleus, les plus nombreux. Celui-là n’évite pas de piétiner au soleil en attendant l’ouverture des salles, et vous envoie parfois sèchement vous asseoir sur les côtés, mais vous évitez le poulailler. Quant au troisième, les jaunes, n’en parlons pas : ils ne donnent pas plus de droits qu’un pass Navigo.Tous avec un code barreN’importe ! Quelle que soit sa couleur, le badge est un accessoire vestimentaire à part entière : il se porte avec tout, partout, tout le temps. Suspendus à leur cordon (couleur indifférente), vous pouvez les croiser dans un restaurant tard le soir ou au Monoprix en plein après-midi, à croire que leurs propriétaires dorment avec. Bien sûr, c’est pratique, puisqu’il faudra l’exhiber tous les dix mètres avant d’entrer dans une salle de projection. Mais à l’extérieur aussi, c’est commode. Cela permet de se distinguer de la masse des badauds qui attendent le passage des stars, les uns sur des tabourets, les autres perchés sur des escabeaux, ou simplement appuyés aux barrières métalliques.Ceux-là aussi ont leurs signes. Certains brandissent des petites pancartes écrites à la main, en lettres capitales, et leurs mots ressemblent à des suppliques : « Une invitation svp », « One ticket please ». Cette fois, il n’est plus question de badges, mais des entrées aux projections officielles, avec tapis rouge et montée des marches. Ils viennent souvent de loin, comme Céline, une jeune cinéphile, originaire de Marseille, qui espère voir un film en avant-première. « Ce que j’aimerais, dit-elle, c’est sentir l’atmosphère qui règne dedans. » Et qui sait, monter les marches au milieu des starlettes qui prennent la pose, juste avant le passage des vraies vedettes.Ce soir-là, on donne The Sea of Trees (La Forêt des songes), le dernier film de Gus Van Sant, avec Matthew McConaughey et Naomi Watts. Une foule s’est massée derrière les barrières, des deux côtés des très longues allées où vont bientôt passer les invités, puis les acteurs. On aperçoit des panneaux en carton, avec le prénom du héros du film inscrit au feutre noir : « Matt », « Matthew ». A l’extrêmité de chaque file, un écriteau bleu distingue des emplacements différents du Grand Théâtre Lumière, où aura lieu la projection. Les « balcons » ne se mêleront pas aux « corbeille », ni les « corbeille » aux « orchestre », les places les plus avantageuses. C’est la loi de Cannes : on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Sauf pour une chose, tout de même : avant d'entrer dans les salles, les fameux badges seront tous scannés, puisque tous comportent un code barre, quelle que soit leur couleur. Comme des paquets de biscuits dans un supermarché.Raphaëlle Rérolle (Cannes)Journaliste au Monde Clarisse Fabre C’est une mission impossible : faire se rencontrer, à Cannes, deux comédiennes qui n’ont surtout pas envie de se voir, à cause de leur pays d’origine, l’Iran. Le sujet est sensible et leurs vues, radicalement différentes. Golshifteh Farahani, 31 ans, et Sareh Bayat, 35 ans, toutes deux nées à Téhéran, ne se croiseront pas. La première ne veut plus entendre parler de la République islamique ; la seconde, au contraire, compte bien y retourner dans quelques jours, après le Festival. Un de leurs seuls points communs est d’avoir tourné toutes les deux avec le réalisateur iranien Asghar Farhadi, lequel a le vent en poupe tant à l’étranger qu’avec les autorités iraniennes – A propos d’Elly (2009) pour Golshifteh, Une séparation (2011), Ours d’or au Festival de Berlin, pour Sareh.Les deux actrices ont une actualité cannoise. L’enfant terrible, l’exubérante qui laisse flotter ses boucles brunes, c’est la Franco-Iranienne Golshifteh Farahani, exilée en France depuis six ans. Dans Les Deux Amis, de Louis Garrel, présenté en séance spéciale à la Semaine de la critique, Golshifteh Farahani joue Mona, une détenue en semi-liberté qui se retrouve embarquée dans un trio amoureux (Louis Garrel, Vincent Macaigne), et mène la danse.Lire aussi :« Les Deux Amis » : Louis Garrel révise sa règle de troisMoins connue du public international, l’Iranienne Sareh Bayat, a donc été révélée dans Une séparation, où elle jouait le rôle de la femme de ménage. Farhadi tenait à ce qu’elle ait du coton dans les narines et dans les joues, ce qui lui donnait un air de hamster. Fausse impression… A la terrasse du Grand Hôtel, nous découvrons son visage de madone. Ou bien est-ce Fantômette ? Silhouette fine, tout de noir vêtue, elle n’est que de passage… Musulmane, elle cache sa chevelure sous un épais foulard sombre, par 27 degrés à l’ombre. Restent deux yeux en amande chocolatée. Elle tient le rôle-titre dans Nahid, de la jeune réalisatrice iranienne Ida Panahandeh, sélectionné à Un certain regard. Nahid est une femme divorcée, en quête de son autonomie : elle survit à peine avec son revenu de dactylo, se bat pour conserver la garde de son enfant, tout en essayant de vivre sa nouvelle histoire amoureuse. Iranien jusqu’au bout des ongles.Lire aussi :« Nahid » : mère ou amante, dilemme à l’iraniennePoint de drapeau avec Golshifteh Farahani : son identité est internationale, déterritorialisée. Elle le dit en nous faisant les gros yeux, sur la plage Nespresso : « Quand est-ce qu’on arrêtera de m’interroger sur l’Iran ? Ça fait six ans et demi que je suis partie et ça me paraît soixante ans. Le lien est coupé, je suis une actrice sans passé. C’est comme Mona, mon personnage : on s’en fout d’où elle vient ! »En lui confiant ce rôle de femme libre, dont on ne sait pas grand-chose, Louis Garrel souhaitait justement que la comédienne tourne la page de l’Iran : « Je voulais qu’elle joue dans un film où la condition de la femme orientale ne lui pèse pas sur les épaules. Elle joue dans un film français », nous explique-t-il. De son côté, Vincent Macaigne formule cette hypothèse : « Peut-être, inconsciemment, Louis a imaginé cette histoire de prison et de cet homme qui veut garder Mona pour lui, parce que Golshifteh vient d’Iran », nous dit l’acteur et metteur en scène, dont la mère, justement, est iranienne. Passeport confisquéGolshifteh Farahani a vite tracé sa route en dehors de son pays. Avec un père comédien et metteur en scène de théâtre, elle apparaît pour la première fois dans un film à l’âge de 14 ans. Très vite, elle enchaîne les rôles, décroche des prix. Le public étranger la découvre notamment dans Boutique (2004), de Hamid Nematollah. En 2008, elle tourne au côté de Leonardo DiCaprio dans le thriller de Ridley Scott, Mensonges d’Etat : elle devient la première star iranienne, depuis la révolution de 1979, à franchir les portes d’Hollywood.C’est là que les ennuis commencent : les autorités iraniennes voient rouge lorsqu’elle apparaît en robe décolletée, à l’occidentale, dans un festival américain. A son retour, son passeport lui est confisqué. La suite est connue, elle part. Installée en France, elle contribue à se forger une réputation de rebelle, défiant les mollahs. Dernier exemple en date : en janvier, elle apparaît nue en couverture du numéro 17 du journal Egoïste, photographiée par Paolo Roversi. Hautement politique.Elle vient de tourner dans le cinquième volet des Pirates des Caraïbes (sortie prévue en 2017), de Joachim Ronning et Espen Sandberg, ainsi que dans Les Malheurs de Sophie, de Christophe Honoré. Elle conclut : « Je suis heureuse comme un poisson dans la rivière. »Sareh Bayat, elle, veut rester « dans le cadre ». « J’adore l’Iran. La liberté est un concept tout relatif. Si on n’avait pas la liberté, Une séparation n’aurait pas été primé à Berlin », estime-t-elle. Elle ne veut jouer que dans des films qui ont obtenu des autorisations de tournage – c’est le cas de Nahid. « Ceux qui tournent des films clandestins mettent à mal l’image du pays. Non seulement je ne tournerai jamais dans un film clandestin, mais la seule idée d’en voir un me fait vomir », poursuit-elle. On a bien entendu, nous confirme l’interprète. Jafar Panahi ? Elle élude. Le réalisateur qui a bravé l’interdiction de tournage dont il a été frappé pour une durée de vingt ans, en décembre 2010, a obtenu il y a quelques mois l’Ours d’or pour Taxi Téhéran. Un film tourné sans autorisation, avec caméra embarquée dans le véhicule. Elle ne l’a pas vu.Etre une star iranienne, comme Leila Hatami, l’héroïne de Une séparation, tel est son objectif. Elle aussi a su très tôt qu’elle serait comédienne. « Quand j’étais enfant, j’imitais les gens de la télé et les comédiens. Et mon père me filmait tout le temps. » Ses parents étaient contre. Elle ne les a pas écoutés. « Dès que j’ai commencé à remporter des prix de théâtre, ils sont devenus encore plus contents que moi. » A Cannes, ces jours-ci, elle a mesuré sa cote de popularité. « On a fait des photos avec des festivaliers, près du Palais des festivals. Puis on est tombé sur la “une” d’un magazine annonçant le dernier film dans lequel je viens de tourner : Mohamed, de Madjid Madjidi, qui raconte l’enfance du Prophète. » Il s’agit d’une superproduction financée par l’Iran. Elle joue le rôle de la nourrice.Comme Golshifteh, Sareh a la baraka. Elle ne cache pas sa joie : « Je suis sur un nuage. » Dans quelques jours, elle sera dans un avion.Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Semaine de la critique – hors compétitionPour son premier long-métrage, Louis Garrel s’est rappelé qu’à l’âge de 15 ans il avait joué une scène des Caprices de Marianne. Marqué par cette pièce de Musset, il en a ici repris l’argument  : l’histoire d’un homme qui, plongé dans une situation amoureuse compliquée, demande de l’aide à un ami. Jusqu’à ce que ce dernier se retrouve pris au piège, à la fois de ses propres sentiments et des sentiments de la femme aimée. Doublement aimée.Coécrit avec Christophe Honoré, Les Deux Amis met aux prises trois personnages, plus ou moins déclassés : Mona (Golshifteh Farahani), vendeuse dans une sandwicherie de la gare du Nord, dont les deux soupirants mettront une bonne partie du film à percer le mystère ; Clément (Vincent Macaigne) – c’est lui qui demande de l’aide –, un personnage fantasque et paumé qui vit de figurations au cinéma ; et enfin Abel (Louis Garrel), l’ami, qui se la joue écrivain en panne d’écriture et beau ténébreux donneur de leçons.Lire aussi :Deux actrices, une séparationMême géométrie amoureuseComme chez Musset, le spectateur se trouve placé dans la situation de celui qui sait. Dès le début, il découvre le secret dont ne veut à aucun prix parler Mona : elle doit, chaque soir, retourner en prison pour y passer la nuit. Sa vie est minutée. Sous aucun prétexte, elle ne doit rater le train du retour, en fin d’après-midi.Dans La Règle de trois (prix Jean Vigo du court-métrage en 2012), Louis Garrel avait déjà eu recours aux trois mêmes acteurs, et à la même géométrie amoureuse. Différence notable, pourtant : la « guerre de trois » n’avait pas eu lieu ; ici, en revanche, elle couve, risquant d’éclater à chaque instant entre les deux amis. Ces amis, parlons-en. Macaigne fait du Macaigne, pour notre plus grand plaisir. Clément, c’est Pator, ce « loser » tout aussi fantasque qu’il interprétait dans La Fille du 14 juillet, d’Antonin Peretjatko. Louis Garrel joue sur le registre de l’autodérision, construisant et déconstruisant sans cesse son personnage. Lumineuse, Golshifteh Farahani, l’actrice d’A propos d’Elly, d’Asghar Farhadi, acquiert une nouvelle dimension, plus moderne, plus sensuelle aussi.Tel père, tel fils ? On pourrait s’amuser à établir des corrélations avec les films du père de Louis, Philippe. C’est peu dire qu’il existe un air de famille, jusque dans l’usage du 35 mm. Dans Les Deux Amis, comme chez papa, il est certes beaucoup question de sentiments – amour, amitié, culpabilité, jalousie, confusion. Mais Garrel fils a également su instiller une bonne dose d’humour. Le résultat, même s’il est imparfait, est réjouissant. On attend avec impatience la suite des aventures de Vincent, Louis, Golshifteh et les autres. Précision, au passage : la musique est signée Philippe Sarde, le compositeur attitré de Sautet. César et Rosalie, vous vous souvenez ? Le triangle amoureux, encore et toujours…Lire aussi :Le ciné haute-fidélité de Philippe GarrelFilm français de Louis Garrel avec Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne, Louis Garrel (1 h 40). Sortie le 23 septembre. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/les-deux-amisFranck NouchiJournaliste au Monde Isabelle Regnier Quinzaine des réalisateursGangs de femmes, guerrières amazones, adolescentes en furie… De l’impératrice Furiosa de Mad Max au doux gynécée de Notre petite sœur, des lesbiennes magnifiques de Carol à la fille de Dieu du Tout Nouveau Testament, la sélection cannoise est peuplée de personnages féminins décidés à mettre à terre l’empire du patriarcat. Tigresses sauvages que leur famille décide d’enfermer dans une cage pour brider leur sexualité, les cinq sœurs de Mustang sont faites de ce même bois.Petite sensation de la Quinzaine des réalisateurs, ce premier film de la réalisatrice turque Deniz Gamze Ergüven se déroule dans un village du fond de la campagne turque, où les modes de vie sont encore régis par des traditions archaïques. Dans une image laiteuse, un beau préambule présente nos cinq grâces en uniformes de collégiennes, à la sortie de l’école, la veille des grandes vacances.Filles éclairées et déluréesAvec leurs longues crinières qui leur caressent le creux des reins, leur beauté arrogante, leur fière insolence, elles s’imposent comme un corps collectif radieux, conquérant et indestructible. Les sanglots de la plus jeune, qui s’accroche furieusement au professeur qu’elle s’apprête à quitter, font certes planer une ombre sur la photo, mais elle aura disparu dès la séquence suivante, qui les retrouve à la mer. Toujours habillées mais trempées, juchées sur les épaules de cinq garçons, elles se livrent à un joyeux combat aquatique, magnifié par les scintillements du soleil dans l’eau.La fin de la récré va sonner, et cette parenthèse enchantée se trouvera reléguée au rang de lointain éden. A la maison, leur grand-mère, qui les élève depuis la mort de leurs parents, leur passe un savon d’une brutalité inouïe, révèle le gouffre qui sépare ces filles éclairées et délurées des villageois aux mœurs archaïques parmi lesquels elles grandissent. Une commère est venue rapporter qu’elles « se branlaient sur les cous des garçons ». Fin du monde, déshonneur, alerte rouge. Les sœurs ont beau hurler leur bonne foi, jurer qu’elles sont toutes encore vierges, elles déchaînent chez leur oncle une fureur plus débridée encore, qui les conduit fissa à l’hôpital se faire inspecter l’hymen.Fini les tenues sexy, on leur enfile ces robes « couleur de merde » que portent les femmes du village. Fable styliséeLa maison devient une « usine à épouses », bunker fortifié dont elles n’ont plus le droit de sortir, où on leur enseigne l’art des beignets à la viande, de l’astiquage des vitres et du bourrage de couettes. Furibardes, elles subvertissent avec une vitalité hargneuse les instruments de leur oppression, tout en continuant de se balader à moitié nues et à se raconter des blagues salaces. Les choses changent quand on décide de briser cette hydre déchaînée en les mariant l’une après l’autre, selon le même rituel immuable. L’aînée arrache le droit de convoler avec le garçon qu’elle aime, mais les deux suivantes finissent en miettes, attisant chez la benjamine, adorable tête de bois, un sentiment de révolte.A mi-chemin entre Virgin Suicides et L’Evadé d’Alcatraz, ce film plein de colère, mais enrobé dans un emballage acidulé, balaie tout le spectre de la violence patriarcale, du symbolique au criminel. Jouant la drôlerie bravache, il dénote chez son auteur une intelligence aiguisée, doublée d’un grand pouvoir de séduction. Comme métaphore de la schizophrénie turque, écartelée entre patriarcat et modernité, cette fable stylisée, qui file comme un cheval au galop, séduira à n’en pas douter un public occidental. Mais son véritable sujet, c’est la puissance subversive de la libido féminine. Les gardiens de l’ordre ont beau ériger des prisons pour l’étouffer, leurs murs ne résistent pas à sa force tellurique.Lire aussi :Alice Winocour, réalisatrice : « Les femmes ne sont pas moins violentes »Film franco-turc de Deniz Gamze Ergüven avec Günes Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Elit Iscan, Tugba Sunguroglu, Ilayda Akdogan (1 h 37). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/mustangIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 25.05.2015 à 08h56 • Mis à jour le25.05.2015 à 14h40 | Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-55648a062eb16'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et... 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et lady Macbeth comme une perte de sens, un effondrement non seulement des valeurs mais aussi de la réalité. Comme le déclament les sorcières à la première scène du premier acte : « Le beau est affreux, l’affreux est beau. »Relais vers l’enferMichael Fassbender et Marion Cotillard ont la lourde charge de faire vivre le texte de Shakespeare, démembré, recomposé, mais intact en ses parties. Au long du film (bien plus bref qu’il ne le serait si l’intégralité de la pièce avait été conservée), ils courent une espèce de relais vers l’enfer. Un bref prologue les a montrés mettant en terre leur enfant et cette remontée à l’origine de leur disposition au malheur – le leur et celui des autres – apparaît un peu superflue. Car Marion Cotillard trouve aisément le sens de l’insatiable appétit de Lady Macbeth avant que l’horreur l’envahisse face à l’offensive de la mort qu’elle a provoquée. Michael Fassbender, athlète fragile, hésite et regrette avant d’embrasser le mal tout en abandonnant la raison.Il y a quelque chose d’un peu systématique dans cette approche, sensation encore renforcée par la décision implacable de Kurzel et son chef opérateur Adam Arkapaw de sous-éclairer chaque plan (à une exception près), par l’élision du seul moment comique de la pièce et par l’interprétation toujours infernale des morceaux de bravoure : si la forêt de Birnam avance jusqu’à Dunsinane, ce n’est pas parce que les assaillants du château de Macbeth en ont coupé les rameaux pour se dissimuler, mais parce qu’elle a brûlé et que ses cendres sont portées par le vent. Si bien qu’avant même d’accomplir son destin (désolé pour le spoiler), l’usurpateur brûle déjà en enfer. Heureusement, Shakespeare est inépuisable et chaque lecture, sur scène ou à l’écran, ajoute – à condition qu’elle soit intelligente et brave, ce qui est le cas ici – à la richesse du matériau.Film britannique et français de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, Marion Cotillard (1 h 53). Sortie le 4 novembre. Sur le Web : www.studiocanal.fr/cid34570/macbeth.htmlThomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet « You’re entering a world of pain » : vous pénétrez dans un monde de souffrance. A l’approche de la cérémonie de clôture, la réplique de The Big Lebowski, des frères Coen, exprime assez finement le degré d’affliction des festivaliers. Prostration des corps, dissolution des mœurs, accablement généralisé : il est temps que tout ceci cesse.D’ici là, une dernière épreuve attend les suppliciés : le jeu des pronostics. Jeu aussi stérile qu’une partie de bowling, mais auquel la population s’adonne avec un sérieux digne de « Sa Duditude », pour rester dans le jargon des Coen. En attendant leur oracle, rendu dimanche soir, les supputations vont bon train.D’aucuns misent gros sur Sicario, du Canadien Denis Villeneuve. Xavier Dolan, qui fait partie des neuf jurés, mènerait une vibrante campagne en faveur de son compatriote, qui a eu la bonne idée de recourir au chef opérateur historique des Coen, Roger Deakins, et à l’un de leurs acteurs fétiches, Josh Brolin. Si l’on suit cette logique hasardeuse, Louder than Bombs, avec Gabriel Byrne, et surtout Mia madre, où étincelle John Turturro, autre acteur coenien, pourraient également figurer au palmarès. Le film de Nanni Moretti a d’autant mieux rassemblé les suffrages qu’il résume avec une infinie délicatesse l’axe fort du cru 2015 : comment composer avec la mort. Mort des proches, des langues, du cinéma : la réflexivité de l’Italien fait écho au prochain film des présidents du jury, Hail Caesar !, qui se passe dans le Hollywood des années 1950.La même époque est chroniquée avec acuité par Todd Haynes, dans Carol, autre favori aux côtés de Youth et The Lobster : l’humour pince-sans-rire de Paolo Sorrentino et Yorgos Lanthimos résonne avec le penchant des Coen pour les contes absurdes, lardés de dialogues piquants. L’empressement avec lequel les distributeurs américains se sont arrachés Le Fils de Saul, l’allégorie controversée de Laszlo Nemes sur les camps de la mort, indique, là aussi, une fortune favorable.S’ils venaient à couronner un cinéaste asiatique, qui, de Hou Hsiao-hsien à Jia Zhang-ke, ont autant ravi que désarçonné, les Coen créeraient en revanche la surprise. Ce faisant, il tordraient opportunément le cou à leur réputation d’insularité, eux qui n’ont jamais tourné ailleurs qu’en Amérique du Nord.La délégation française, qui a beaucoup déçu, n’espère rien, d’autant que s’éloigne l’éventualité d’un prix d’interprétation pour Gérard Depardieu, après les amabilités qu’il a échangées, par voie de presse, avec la jurée Sophie Marceau.Ne jurons de rien, cependant : dimanche, ces hypothèses pourraient bien s’effondrer comme un jeu de quilles – c’est même, de toutes, la plus probable des pistes.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Le parcours chaotique d’un géant du cinéma considéré par ses pairs comme le meilleur réalisateur de tous les temps (dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma).Derrière sa barbe bien peignée, ses yeux malicieux et sa masse imposante, Orson Welles ne cache pas son amertume et une certaine forme de cynisme. « Le cinéma, c’est 2 % de création et 98 % de prostitution », confie-t-il à la caméra après avoir expliqué dans une longue interview accordée à la BBC comment les majors d’Hollywood l’ont spolié et banni des studios durant onze ans. Le documentaire inédit This is Orson Welles, que les productrices Clara et Julia Kuperberg proposent à l’occasion du centenaire de sa naissance, retrace le parcours chaotique de l’auteur de Citizen Kane.Voir aussi le visuel interactif : « This is Orson Welles », un portrait inédit du cinéasteUn « magicien » de l’imageC’est aussi un portrait intime de cet artiste aux multiples facettes (réalisateur, producteur, prestidigitateur, écrivain, acteur, homme de radio…) qui, à travers les témoignages de ses proches (dont sa fille Chris) et de rares archives, se révèle comme un homme blessé, n’ayant jamais pu aller jusqu’au bout de ses rêves et de son génie. Que ce soit à la radio en 1938 avec La Guerre des mondes, œuvre radiophonique dans laquelle, du haut de ses 23 ans, il sema la panique aux Etats-Unis en faisant croire à une invasion des Martiens (une émission qui lui ouvrit les portes d’Hollywood), à Citizen Kane, qu’il réalisa à l’âge de 25 ans (considéré comme le meilleur film de tous les temps par ses admirateurs Milos Forman, Steven Spielberg ou Martin Scorsese), Welles a révolutionné l’art sous toutes ses formes. « CitizenKane est un grand chef-d’œuvre, qui me bouleverse chaque fois que je le vois », explique Martin Scorsese, pour qui le réalisateur est un « magicien » de l’image, qui a bouleversé « la grammaire filmique ».Plusieurs chefs-d’œuvreIl n’a pu l’exprimer que dans quelques films, en raison de l’incompréhension et de l’intransigeance des studios hollywoodiens, dont les dirigeants n’ont jamais compris sa démarche cinématographique. La filmographie du réalisateur recense, d’ailleurs, de nombreux films restés à l’état de projets ou inachevés. On y trouve toutefois plusieurs chefs-d’œuvre, comme La Dame de Shanghaï (1947), magnifié par la présence de Rita Hayworth (sa deuxième femme, dont il divorcera quelques mois plus tard), La Soif du mal (1958), avec Charlton Heston et Janet Leigh, dont la fin fut sérieusement amputée sans qu’Orson Welles en soit averti, ou Le Criminel (1948), avec Orson Welles et Edward G. Robinson qui fut un des premiers films américains à montrer les camps de la mort nazis. Sans oublier, bien sûr, ses adaptations des pièces de Shakespeare (Macbeth, Othello, Falstaff), que l’artiste considérait comme le plus grand poète de tous les temps, et dont on peut d’ailleurs voir l’influence dans Citizen Kane à travers son personnage hanté par la solitude et la mort.Dans ce documentaire riche en témoignages, on notera ceux des réalisateurs Peter Bogdanovich et Henry Jaglom qui dressent un portrait intime de l’artiste dont le téléspectateur ne peut que tomber sous le charme. « Tout ce qu’il touchait se transformait en art », résume sa fille Chris.This is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2015, 52 min). Rediffusions : le 27 mai à 8 heures ; le 28 mai à 0 h 10 ; le 1er juin à 8 h 50 ; le 8 juin à 10 h 45 ; le 11 juin à 19 h 45. Disponible sur le service de replay TCM Cinéma à la demande jusqu’au 22 juin. Dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Sélection officielle – en compétitionOn ne les avait pas revus ensemble au cinéma depuis Loulou. Pialat, 1980. Tournage épouvantable. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Et puis un jour, il y a deux ans, idée de Guillaume Nicloux, le réalisateur de La Religieuse et de L’Enlèvement de Michel Houellebecq. Coup de fil à la productrice, Sylvie Pialat, qui fut l’épouse de Maurice. Reconstitution de couple mythique dissous. Huppert-Depardieu. Avec, en prime, les sites sublimes de la Vallée de la Mort. Chaleurs et frissons garantis.Allez parler ensuite d’un film pareil ! Isabelle et Gérard, tels qu’en eux-mêmes par 50 °C à l’ombre. Six mois auparavant, leur fils Michael est mort. Avant de se suicider, il leur a laissé à chacun une lettre. « Je te demande d’être présent dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous les deux, oui, tu as bien lu, toi et papa. » « Toi et maman », dans l’autre lettre. « Il y a un planning des endroits où vous devez aller, le jour précis et les horaires où vous devez m’attendre car je vais revenir, pour peu de temps, mais je serai là. Et je vous verrai… » Alors ils sont venus. Tous les deux. Séparément, vu qu’ils sont séparés depuis longtemps. Isabelle et Gérard, comme si cette histoire était la leur. Deux comédiens, dans la vie comme dans le film. Une chambre chacun dans un motel niché au cœur de Death Valley.On l’a compris, Valley of Love se joue constamment des effets croisés de la vérité et de la fiction. Des interactions entre la personne – Huppert, Depardieu – et le personnage – Isabelle, Gérard – qu’elle incarne. Conversation dans le désert entre deux ex. Deuil. Croyance que tout est possible. Qu’il faut, à cet instant, que tout soit possible. Impossibilité de retrouvailles qui ont pourtant bel et bien lieu. Culpabilité vis-à-vis d’un enfant dont on ne s’est guère occupé, elle surtout, et qui affirme aujourd’hui, de là où il est, ne plus leur en vouloir. On ne sait pas grand-chose de ses propres enfants, dit Gérard. On n’est jamais averti de leurs grandes décisions. Bouddha dans l’eauDeux plans formidables. En ouverture du film, Huppert de dos, traînant sa valise à roulette. C’est fou comme on reconnaît immédiatement sa silhouette, démarche volontaire, cette manière inimitable de dire non à la vie et à la terre avec ses talons. A cet instant, mais nous ne le savons pas, une seule idée l’obsède : la lettre de son fils. Un peu plus tard, après nous avoir asséné deux ou trois fois « Putain, la chaleur ! », Gérard se baigne dans la piscine du motel. Bouddha dans l’eau. Boudu la tête hors de l’eau. Enorme et fascinant Depardieu.Fort d’un tel casting et d’un tel dispositif, Valley of Love ne pouvait pas ne pas toucher. Ne pas emporter le premier venu des festivaliers. Et pourtant, il lui manque un petit quelque chose, ce supplément d’âme et de cinéma qui fait les grands films. Comme si le scénario, trop écrit, trop lisse et ténu, grevé par sa symbolique, finissait par prendre le pas sur l’émotion.Au début, c’est Isabelle qui croit le plus au message laissé par son fils. Et puis, progressivement, Gérard finit par céder à son tour au vertige de cette apparition impossible. C’est l’instant où l’on devrait être bouleversé, croire à ce quelque chose d’essentiel qui se recrée entre cet homme et cette femme. A cette histoire, interrompue depuis des années, qui par la magie d’une lettre, retrouve son fil.Comme dans La Rose et le Réséda, il y aura ceux qui y croiront et ceux qui n’y croiront pas. Ceux qui prendront au pied de la lettre cette quête éperdue de signes annonciateurs, et ceux qui, au contraire, n’en auront que faire, préférant se concentrer sur les retrouvailles, trente-cinq ans après, de deux acteurs extraordinaires. Dissemblables physiquement, ah ! ça, pour le moins, mais aussi talentueux l’un et l’autre. Alors quand ce bon géant de Gérard caresse la joue d’Isabelle avec ses gros doigts, c’est tout l’imaginaire du cinéma français qui envahit l’écran sous le soleil de la Californie. Et alors là, oui, nous sommes émus !Film français de Guillaume Nicloux avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu (1 h 32). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/valley-of-loveFranck NouchiJournaliste au Monde Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionOn sait déjà, grâce à William Shakespeare, que le bilan humain du dernier film en compétition, le Macbeth, de Justin Kurzel, présenté samedi 23 mai, sera lourd. La vision de Chronic, de Michel Franco, son prédécesseur, permet donc de conférer d’ores et déjà à cette édition du Festival de Cannes le label « mort et deuil ».Le jeune (35 ans) réalisateur mexicain de Daniel y Anna et Despues de Lucia a tourné Chronic en Californie et en a confié le premier rôle à Tim Roth. En 2011, l’acteur britannique présidait le jury qui a attribué le prix Un certain regard à Despues de Lucia. En retour, il a reçu la charge d’incarner David, un infirmier spécialisé dans l’assistance en fin de vie. On le découvre à la toilette d’une jeune femme d’une maigreur effroyable. Sarah est atteinte du sida, elle est seule – comme le démontre la visite de pure forme de sa famille – et n’a que David au monde.Michel Franco ne saurait se contenter de ce portrait de samaritain. Il lui faut aussi susciter le malaise, de toute évidence l’émotion que préfère le cinéaste. David suit donc une très jeune fille dont il consulte avidement la page Facebook. Il s’insinue dans la vie d’un autre patient, frappé par un AVC et usurpe son identité, non pour le profit, mais pour changer un instant de peau.Filmer la dégradationC’est qu’elle est difficile à supporter, cette peau de quinquagénaire qui a traversé le deuil et la réprobation – comme on l’apprendra sans surprise au fil de rencontres explicatives. Les épaules voûtées, le regard attentif et le reste du visage résolument privé d’expression, Tim Roth tente de préserver une part d’incertitude, mais ce n’est pas le genre de Michel Franco, qui rappelle en permanence notre condition de mortels et la fragilité de notre enveloppe charnelle. Arrivé au troisième patient, une femme atteinte d’un cancer qui résiste à la chimiothérapie, il est difficile de résister à la tentation de l’indifférence.Elle servira à résister à la pénibilité des images, et surtout, à leur arbitraire. Les séquences de toilette intime de malades privés de leur autonomie ne sont pas forcément la démonstration de la toute-puissance du metteur en scène – voir Amour, de Michael Haneke. Ici, elles semblent n’exister que pour permettre à Michel Franco de filmer la dégradation, comme une démonstration d’une étrange force de caractère. Ce soupçon est confirmé par un épilogue d’une telle brutalité manipulatrice qu’il mériterait d’être dévoilé.Film mexicain de Michel Franco avec Tim Roth, Robin Bartlett, Sarah Sutherland (1 h 33). Sur le Web : www.wildbunchdistribution.com/fichefilm.php?id=209Thomas SotinelJournaliste au Monde Aureliano Tonet Troublant ménage à trois que celui qui unit Cannes, la musique et le cinéma. Depuis 1967, la ville accueille le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui a de plus en plus de mal à trouver sa place – jusqu’ici organisé en février, le prochain Midem se tiendra en juin. Car c’est en mai, durant le Festival du film, que ces liaisons tripartites atteignent leur pleine mesure.Nul autre ne les a mieux incarnées cette année, sur la Croisette, que Snoop Dogg. Le rappeur a glapi à l’envi, de plateau télé en salle de presse, pour promouvoir Bush, son nouvel album – au point de faire figure de favori pour la Palme Dog, qui récompense le meilleur cabot du Festival.De fait, le buisson de Snoop cache une forêt de musiciens spécialement venus pendant la quinzaine. Il y a ceux qui sont là pour se faire la main, et un peu d’argent – de 100 à 30 000 euros, selon la notoriété de l’artiste –, en participant aux myriades de soirées organisées en marge des projections. Le cru 2015 aura ainsi vu Barbara Carlotti, Moodoïd, François & the Atlas Mountains, Tahiti Boy, The Avener, Jeremih ou Mark Ronson fredonner leurs airs ou passer quelques disques, de plage Trucmuche en villa Machin.D’autres accompagnent un film sélectionné, auquel ils ont collaboré. C’était le cas de Gesaffelstein, Raphaël, Camille, Katerine, Yuksek, Pharrell Williams ou Thomas Bangalter, des Daft Punk, qui a posé quelques arpèges sur la B.O. de Love. Pour certains, la présence à Cannes est purement amicale, mais inspirante : trente minutes après la projection de Marguerite et Julien, de son amie Valérie Donzelli, Benjamin Biolay remontait à son hôtel coucher par écrit, et en chanson, son émoi.Et puis il y a les habitués, qui viennent tous les ans siroter le cocktail de films, de rencontres et de lumière qu’offre le Festival – manifestation pop s’il en est. Arnaud Fleurent-Didier est de cette engeance-là. Absent depuis la sortie d’un quatrième album acclamé, La Reproduction, en 2010, il a mis en ligne une nouvelle chanson, Un homme et deux femmes, juste avant la cérémonie d’ouverture. Le clip prend la forme d’un générique de film ; quelques jours plus tard, des passions de Desplechin à celles des Garrel père et fils, les amours triangulaires se glissaient parmi les leitmotivs du Festival.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionAvant l’annonce de sa sélection à Cannes, on avait évoqué les Lettres persanes de Montesquieu à propos de Dheepan. En découvrant le film de Jacques Audiard, on distingue bien une certaine parenté : des gens venus de loin découvrent la France. Mais l’ironie et l’humour des philosophes d’Ispahan a cédé la place à la peur et à la colère de Dheepan, Yalini et Ilayaal, Tamouls qui ont fui le Sri Lanka et ont échoué dans une cité quelque part – nulle part – au sud de Paris.La peur et la colère sont les carburants habituels des films d’Audiard. Elles sont peu propices à l’ironie et à l’humour (encore que celui-ci ne soit pas tout à fait absent de Dheepan) et engendrent naturellement le désir de revanche (dans la vie) et des thrillers (au cinéma) – Sur mes lèvres, Un prophète sont de cette espèce-là, tout comme Dheepan.Mécanique dramatique puissanteCette fois, il ne s’agit pas de mettre en scène des acteurs connus (Emmanuelle Devos, Romain Duris, Niels Arestrup) ou en passe de l’être (Tahar Rahim), mais de mettre en avant un trio d’inconnus, et de faire enfiler au thriller la tenue d’un autre genre : la chronique d’un phénomène social. Dheepan n’est pas le premier film à évoquer le sort des migrants chassés de leur terre vers des contrées qui ont oublié jusqu’au sens du mot « hospitalité », et l’on retrouvera chez Audiard des figures vues mille fois ailleurs – la confrontation avec une administration incompréhensible, la découverte de mœurs étranges (c’est là que Montesquieu passe, au loin). A ceci près que chacune de ces étapes est ici le rouage d’une mécanique dramatique puissante, qui force l’intérêt. Dheepan (Antonythasan Jesuthasan) a combattu dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le mouvement séparatiste écrasé par le pouvoir sri-lankais en 2009. Pour gagner la France, il a convaincu Yalini (Kalieaswari Srinivasan), une jeune femme rencontrée dans un camp de réfugiés, de se faire passer pour sa femme. A son tour, Yalini a trouvé une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) afin de constituer une famille convaincante aux yeux des autorités du HCR et de l’immigration française. Ces séquences d’exposition sont menées avec une clarté et une économie narrative qui placent tout de suite Dheepan dans un autre espace que celui de l’observation et de la dénonciation.Rythme syncopéAvec sa fausse famille, l’ancien combattant trouve une place de gardien dans une cité, dont une barre est contrôlée par des trafiquants de drogue. Face à la violence endémique, Yalini veut répondre par la fuite, mais Dheepan retrouve un peu de ce qui a fait jadis sa raison de vivre. Face à l’agression, il reprend peu à peu sa posture de combattant. Cette partie centrale du récit est illuminée par les trois comédiens tamouls. Les variations des relations entre les deux adultes et l’enfant suivent un rythme syncopé, souvent inattendu, toujours cohérent, parfois drôle, comme cet échange délicat entre Dheepan et Yalini autour de la notion d’humour, parfois dérangeant lorsque la petite fille est saisie d’un accès de violence après qu’elle a intégré l’école du quartier.Yalini a trouvé un emploi de garde-malade auprès d’un homme aphasique qui s’avérera être le père de Brahim (Vincent Rottiers), le jeune patron du trafic de stupéfiants dans la cité. Avec Vincent Rottiers, Jacques Audiard exerce une fois de plus sa faculté à tracer en quelques plans le portrait complexe d’un personnage tout simple. On se doute bien aussi qu’il n’est pas là pour rien. Son retour dans la cité, après un séjour en prison, entraîne la multiplication d’incidents de plus en plus violents, qui affolent femme et enfant, mais excitent Dheepan.La confrontation finale est d’une violence qu’on en est venu à attendre de Jacques Audiard. Filmée de manière lacunaire, elle prend un caractère onirique, au point qu’on pourrait presque se demander si elle n’est pas sortie des souvenirs et des regrets de l’ancien Tigre.C’est aussi, comme le film tout entier, une confrontation entre deux des formes de violence qui déchirent la planète, entre une guerre du Sud qui a opposé un Etat à l’une de ses communautés, et l’autodestruction européenne d’une autre communauté dont l’Etat – français en l’occurrence – a oublié jusqu’à l’existence.Film français de Jacques Audiard avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers (1 h 50). Sortie le 26 août. Sur le Web : www.ugcdistribution.fr/film/dheepan_252Thomas SotinelJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum Sélection officielle – en compétitionHuit ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Hou Hsiao-hsien, qu’on se demandait ce qu’il devenait, qu’on le regrettait sans se le formuler nécessairement, entraînés par le grand flux du cinéma. Faut-il rappeler qui il est ? Très vite alors : figure de proue au côté d’Edward Yang de la nouvelle vague taïwanaise dans les années 1980, modèle pour la nouvelle génération de cinéastes de Chine continentale, grand maître du cinéma en un mot, transformant à l’instar de William Faulkner le « timbre-poste » de son île natale – territoire violemment et douloureusement séparé de la mère patrie chinoise – en épopée sentimentale et politique de portée universelle. Des Garçons de Fengkuei à Millenium Mambo, en passant par Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Les Fleurs de Shanghaï, autant de chefs-d’œuvre marquant l’histoire du cinéma contemporain.Dispensateur de beautésIl aura suffi, mercredi 20 mai à Cannes, de voir les premiers plans d’un sublime prologue en noir et blanc de The Assassin, pour se rendre compte à quel point ce cinéaste nous manquait, pour se souvenir qu’il est un créateur de formes et un dispensateur de beautés comme en compte très peu dans l’histoire du cinéma. Hou conclut donc sa longue absence par une incursion inédite dans le genre du film de sabre. On augure que tout cinéaste asiatique qui se respecte doit en passer par là. Disons d’emblée que sa contribution à ce geste est la plus étonnante, la plus subversive, la plus énigmatique et somptueuse qu’on ait jamais vue.L’histoire se déroule au IXe siècle, sous la dynastie Tang, fondatrice d’un âge d’or de l’histoire et de la puissance chinoises, mais qui commence à vaciller sous les coups de boutoir des puissants gouverneurs des provinces. Le film commence ici, évoquant la mission d’une experte en arts martiaux, Nie Yinniang (interprétée par l’impériale Shu Qi), chargée par l’empire d’assassiner le gouverneur de la province de Weibo. Ce dernier, qu’elle aime encore, est toutefois son cousin, et fut un temps son promis, avant d’être contraint par son père d’épouser une autre femme, à laquelle il préfère depuis lors sa concubine.Lire aussi :Shu Qi, une égérie qui cache bien son jeuUn sadisme inhérent au métier de critique nous encouragerait à aller plus loin dans le dévoilement de l’intrigue, si le film lui-même, cultivant opportunément le mystère et le laconisme, ne nous en empêchait. L’essentiel de sa valeur morale n’en est pas moins globalement formulable : la belle guerrière considère sa vocation d’assassin de la même manière que Hou Hsiao-hsien envisage la mise en scène d’un film de sabre. Avec la liberté qu’il convient de prendre à l’égard de ce qu’exigent de nous l’autorité et la tradition, avec l’irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande, oppresse.Economie de la retenueCe qui ressort de cette insubordination sur le plan plastique est une merveille, de celles dont la vision ne s’efface pas. Un film de sabre plus ciselé que sabreur, au format carré d’eau forte, des compositions de plan étourdissantes, des mouvements de caméra qui cherchent et trouvent la grâce, des décors et des costumes conçus comme introductions au rêve, des corps et des visages passionnément mis en valeur, des couleurs poussées à la quintessence de leur pigment, des scènes de combat furtives comme un pinceau qui zébrerait l’écran, gelées par le ralenti et l’isolement de certains sons, relâchées avec la vitesse d’un ressort, puis tranchées avant même que de pouvoir durer.Il ne faudrait pas s’y tromper, toutefois. La nature de cette beauté ne tient pas à la surenchère des effets, mais au contraire à leur soustraction. Toute une économie de la retenue et de l’incomplétude y œuvre : langueur des poses, promptitude d’un geste, voiles ou arbres brouillant la vision, piqué de l’image, hors champ des sons et des voix, dissimulation des personnages dans les replis d’une tenture, dans la profondeur de la nuit ou dans l’écrasante majesté d’un paysage… Ce rapport esthétique si particulier à la réalité sensible, qui fut toujours celui de Hou, nous rappelle aussi bien, et il faudrait être naïf pour s’en étonner, à une réalité politique. Entre violence et amour, raison d’Etat et sentiment, altérité et parenté, quelque chose des rapports de Taïwan à la Chine résonne ainsi très puissamment dans ce film.Film taïwanais de Hou Hsiao-hsien avec Shu Qi, Chang chen, Zhou Yun (1 h 44). Sortie le 6 janvier. Sur le Web : www.advitamdistribution.com/the-assassinJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi Semaine de la critique – film de clôtureLe festivalier qui enchaînait jeudi matin la projection de Dheepan, de Jacques Audiard, avec celle La Vie en grand, de Mathieu Vadepied, qui clôturait la Semaine de la critique, gagnait son paradis. A l’extrême noirceur du premier succédait le film le plus espiègle et charmant qu’il nous ait été donné de voir à Cannes durant cette quinzaine. Ou comment, à partir de lieux similaires – des cités-dortoirs de la région parisienne –, deux réalisateurs en arrivent à proposer des visions pour le moins différentes de la capacité d’intégration de la société française.Bonnes féesPremier film du chef opérateur de Sur mes lèvres et d’Intouchables, La Vie en grand est produit par le trio Bruno Nahon, Olivier Nakache et Eric Tolédano. Autant dire que quelques bonnes fées se sont penchées sur son berceau. Grâce soit également rendue à la directrice de casting, Elsa Pharaon, qui a su dénicher les deux « héros » du film : Balamine Guirassy (Adama) et Ali Bidanessy (Mamadou). Agés de 14 et 11 ans, ils sont merveilleux de justesse et étonnants de maturité.Nous sommes donc quelque part en banlieue parisienne, plus exactement dans le petit deux-pièces où vivent chichement Adama et sa maman. Elle, à cause de la loi interdisant la polygamie, vit séparée d’avec son mari. Lui fréquente tant bien que mal, plutôt mal en vérité, le collège du quartier. Les enseignants, en particulier M. Mauger, le prof de gym qui est également le professeur principal (Guillaume Gouix), ont bien repéré cet élève intelligent.Airs de comédieLas, l’école ne le passionne guère. Alors, en désespoir de cause, la CPE (Joséphine de Meaux) et M. Mauger proposent un contrat écrit et signé à Adama : un coup de collier considérable ou c’est le renvoi. Adama n’est pas contre l’idée de s’y mettre. En même temps, voilà que Mamadou, son meilleur ami, lui propose un petit deal de shit, comme ça, en passant, histoire de se faire un peu d’argent. Le petit deal deviendra grand : Adama et Mamadou fournissent bientôt l’école privée voisine, et l’argent coule à flots.A partir de tels ingrédients, Mathieu Vadepied aurait pu concocter un sempiternel drame social sur la banlieue. Il n’en a rien fait, préférant donner à son film des airs de comédie et une tonalité résolument positive. Parents, enfants, enseignants, chacun est à sa place et à la bonne distance. Nulle nécessité ici de fuir la France pour espérer s’en sortir.A la différence d’Audiard, ­Vadepied préfère souligner le rôle de l’école républicaine pour tenter de concevoir un avenir pas trop sombre à ces enfants issus de l’immigration. Loin des polémiques rances et stériles qui défigurent l’image de la France, Adama et Mamadou donnent de l’espoir.Film français de Mathieu Vadepied avec Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix (1 h 33). Sortie le 16 septembre. Sur le Web : www.gaumont.fr/fr/film/La-vie-en-grand.html et www.facebook.com/gaumontdistributionFranck NouchiJournaliste au Monde Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Julien Guintard A sa sortie en 1998, le film des frères Coen, présidents du Festival de Cannes 2015, n’a pas fait grand bruit. « Ils n’ont ni notre bénédiction ni notre malédiction. » Placée en exergue de Je suis Lebowski, tu es Lebowski (éditions Séguier), un livre de fans, cette citation de Joel et Ethan Coen synthétise leur ambivalence à l’égard du culte suscité par The Big Lebowski, rediffusé en salles à l’occasion de leur présidence cannoise. Souvent galvaudé par la pop culture, le mot « culte » peut s’entendre ici dans son sens premier puisque le personnage de loser magnifique incarné à l’écran par Jeff Bridges, surnommé « The Dude » (le mec), a été canonisé en 2005 par le « dudeism », une religion potache mariant le Non-Agir (précepte tiré du taoïsme), déambulations en peignoir, et dégustation de cocktails (White Russians, of course). Délivrant ses ordinations à ses ouailles sur canapé par simple retour de mail, le dudeism (dudeism.com) revendique 220 000 prêtres en ce bas monde.Sorti en 1998, The Big Lebowski met en scène, sur une trame empruntée au Grand Sommeil de Raymond Chandler, les aventures picaresques du Dude, un personnage d’apparence minable sorti de sa routine (joint-cocktail-bowling) par un acte sacrilège : un malfrat, le confondant avec un homonyme, s’est permis d’uriner sur son tapis persan, celui « qui harmonisait la pièce ». Au box-office américain, cet antihéros en peignoir et tongs réussira modestement à s’installer à la sixième position dans le sillage du Titanic de James Cameron qui écrase alors la concurrence.Un succès mitigé aux yeux du public comme de la critique. Même Jeff Bridges avoue sa relative déception en préface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski. « On me demande souvent si je suis surpris par le retentissement qu’a eu The Big Lebowski ces dernières années. En général, on s’attend à ce que je réponde “oui”, mais ma réponse est toujours “non”. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas aussi bien marché que ce à quoi je m’étais attendu. Il était extrêmement drôle et les frères Coen venaient de remporter l’Oscar pour Fargo. Je pensais que les gens allaient adorer. Pour vous dire la vérité, j’ai été un peu déçu. »Des grand-messes dans plusieurs villes américainesMais le Dude, grand fumeur d’herbe, avait incontestablement semé dans les esprits une graine qui allait porter ses fruits. Le film en offre d’ailleurs une métaphore : au lendemain d’une nuit d’amour, Julianne Moore annonce froidement à Jeff Bridges qu’elle vient de l’utiliser comme géniteur tout en lui déniant le rôle de père. Ainsi soit-il : Lebowski aura une descendance malgré lui.De fait, The Big Lebowski connaîtra une excellente carrière en location et en DVD. On avance le chiffre de 20 millions de copies écoulées. Dans un article paru en juillet 2002 dans l’hebdomadaire américain Metro, le journaliste Steve Palopoli décerne au film le titre de « dernier film culte du XXe siècle ou de premier film culte du XXIe siècle ». Il révèle alors qu’une petite communauté d’adeptes se réunit pour citer les dialogues ciselés du film, jouer parfois au bowling et surtout boire des White Russians. Ne restait plus qu’à instituer une grand-messe pour cette religion naissante. En octobre 2002, se tient le premier Lebowski Fest à Louisville (Kentucky). Depuis, ces événements ont essaimé à New York, Las Vegas, Los Angeles. La France n’a pas encore eu la chance de voir une congrégation de barbus en robe de chambre se réunir pour faire étalage de leur « coolitude » à toute épreuve. Mais elle ne reste pas insensible au phénomène. « Le film est sorti quand j’étais étudiant et c’est rapidement devenu une référence pour moi et mes amis, confie Matthieu Crédou, heureux trentenaire copropriétaire du bar Le Dude, dans le dixième arrondissement parisien, établissement entièrement voué au personnage des frères Coen. Les études supérieures correspondent à un moment de la vie où on ressent une grande pression par rapport aux choix que l’on fait. Dans ce sens, les personnages du Big Lebowski sont rassurants. Ils ont des emmerdes, mais la vie continue. Ils sont heureux ensemble et en marge. »Cette ode à la non-performance serait le principal ressort de cette interminable « lebowskimania » selon l’écrivain Olivier Maulin, auteur de la postface de Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski : « On est bien au-delà d’une simple farce. Dans un monde rationalisé et tourné vers la rentabilité, le Dude propose une forme de rébellion salvatrice. C’est un film post-idéologique : le Dude fait la révolution tout seul dans son coin. Mais il peut, si on l’imite, ébranler le système. » A l’écouter, le premier des Lebowski serait l’égal de l’auteur dandy Albert Cossery, qui écrivait pour que ses lecteurs n’aillent pas travailler le lendemain.Julien GuintardJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; 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if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Raphaëlle Rérolle (Cannes) En apparence, ce n’est qu’un morceau de plastique dur. Un petit bidule aux coins légèrement arrondis, format carte de crédit. Vous en avez déjà vu cent, votre carte de piscine lui ressemble comme une sœur, celle du pressing aussi et votre passe Navigo, si vous êtes parisien – c’est l’objet le plus banal du monde. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, à Cannes encore moins qu’ailleurs. Car ce que vous preniez d’abord pour un vulgaire badge est en fait beaucoup plus que cela : un véritable sésame, et un signe extérieur de standing. La forme concrète d’une stratification sociale omniprésente et très visible, sur la Croisette. Avec lui, vous n’êtes pas forcément grand chose dans le dédale du Festival, sans lui, vous n’êtes rien.Par dédale, il ne faut pas entendre un territoire géographique étendu ou compliqué : le festival le plus glamour du monde tient dans un espace qui ne doit pas excéder 1 km2. On y trouve un palais, quelques palaces, un tronçon de Croisette grand comme le bras et des plages privées transformées en restaurants branchés. Mais symboliquement, c’est une autre affaire : dans ce tout petit royaume où le signe est roi, les codes sont nombreux, et complexes. Selon la couleur de leur badge ou sa catégorie, les festivaliers peuvent avoir accès, ou pas, à toutes sortes de privilèges, petits et grands.Une certaine violence de classeCela va du droit d’aller à tel ou tel endroit, à celui de voir tel ou tel film, en passant par celui de fréquenter tel ou tel restaurant. Inutile d’espérer entrer au bar du Majestic si vous ne possédez pas d’accréditation. Les compagnies aériennes ont érigé en loi ce système de segmentation qui institutionnalise une certaine violence de classe dans un espace réduit. Mais dans l’avion, ceux qui en ont les moyens peuvent payer pour avoir le droit de ne pas faire la queue avec le vulgum. A Cannes, c’est un peu plus compliqué.Le Festival étant un rendez-vous professionnel, les badges sont remis en fonction de critères professionnels. Il y en a pour le Marché du film, d'autres pour les professionnels du cinéma, d'autres pour la presse. Les journalistes en reçoivent de différentes couleurs, selon les supports, leur fonction, leur réputation et l’assurance qu’ils écriront bien sur le Festival. Plus de précisions sur le mode d’attribution ? Impossible, c’est un secret.Dans le premier groupe, un badge blanc, pour les stars du métier, puis un rose à pastille jaune, et enfin, un rose tout court. L’aristocratie. Ceux-là passent dans des files séparées, signalées par les couleurs en question. Ils ne feront pas la queue, et jouiront des meilleures places, une fois dans la salle. A quoi bon trois nuances, direz-vous ? Vous faites bien de demander , ce n’est écrit nulle part dans le livret pratique remis aux festivaliers. Sachez donc que les « blancs » pourront faire des choses incroyables, comme traverser le Palais des festivals par l’intérieur pour se rendre d’une projection à l’autre (au lieu de faire le tour par l’extérieur), ou encore se rendre à des soirées privées sans invitation.Le deuxième groupe comprend les badges bleus, les plus nombreux. Celui-là n’évite pas de piétiner au soleil en attendant l’ouverture des salles, et vous envoie parfois sèchement vous asseoir sur les côtés, mais vous évitez le poulailler. Quant au troisième, les jaunes, n’en parlons pas : ils ne donnent pas plus de droits qu’un pass Navigo.Tous avec un code barreN’importe ! Quelle que soit sa couleur, le badge est un accessoire vestimentaire à part entière : il se porte avec tout, partout, tout le temps. Suspendus à leur cordon (couleur indifférente), vous pouvez les croiser dans un restaurant tard le soir ou au Monoprix en plein après-midi, à croire que leurs propriétaires dorment avec. Bien sûr, c’est pratique, puisqu’il faudra l’exhiber tous les dix mètres avant d’entrer dans une salle de projection. Mais à l’extérieur aussi, c’est commode. Cela permet de se distinguer de la masse des badauds qui attendent le passage des stars, les uns sur des tabourets, les autres perchés sur des escabeaux, ou simplement appuyés aux barrières métalliques.Ceux-là aussi ont leurs signes. Certains brandissent des petites pancartes écrites à la main, en lettres capitales, et leurs mots ressemblent à des suppliques : « Une invitation svp », « One ticket please ». Cette fois, il n’est plus question de badges, mais des entrées aux projections officielles, avec tapis rouge et montée des marches. Ils viennent souvent de loin, comme Céline, une jeune cinéphile, originaire de Marseille, qui espère voir un film en avant-première. « Ce que j’aimerais, dit-elle, c’est sentir l’atmosphère qui règne dedans. » Et qui sait, monter les marches au milieu des starlettes qui prennent la pose, juste avant le passage des vraies vedettes.Ce soir-là, on donne The Sea of Trees (La Forêt des songes), le dernier film de Gus Van Sant, avec Matthew McConaughey et Naomi Watts. Une foule s’est massée derrière les barrières, des deux côtés des très longues allées où vont bientôt passer les invités, puis les acteurs. On aperçoit des panneaux en carton, avec le prénom du héros du film inscrit au feutre noir : « Matt », « Matthew ». A l’extrêmité de chaque file, un écriteau bleu distingue des emplacements différents du Grand Théâtre Lumière, où aura lieu la projection. Les « balcons » ne se mêleront pas aux « corbeille », ni les « corbeille » aux « orchestre », les places les plus avantageuses. C’est la loi de Cannes : on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Sauf pour une chose, tout de même : avant d'entrer dans les salles, les fameux badges seront tous scannés, puisque tous comportent un code barre, quelle que soit leur couleur. Comme des paquets de biscuits dans un supermarché.Raphaëlle Rérolle (Cannes)Journaliste au Monde Service culture Trois films à découvrir en salles à partir du mercredi 20 mai.« La Loi du marché » : Vincent Lindon en pleine précarité socialeA voir Thierry, 51 ans (Vincent Lindon, très impliqué dans son rôle), père d’un garçon handicapé mental et compagnon d’une femme au revenu modeste, est viré de son entreprise pour cause de licenciement économique. Au bout de vingt mois de chômage, il prend la décision d’accepter un poste de vigile dans une grande surface. Le réalisateur Stéphane Brizé a recours à une forme qui se révèle à la fois originale et pertinente (petit budget, tournage léger, chef opérateur venu du documentaire filmant en format scope, acteurs non professionnels, tous employés dans leur propre fonction) pour un sujet a priori revêche.Film français de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33).« Trois souvenirs de ma jeunesse » : Arnaud Desplechin dans les méandres de la mémoire et de l’amourA voir Double fictionnel du cinéaste Arnaud Desplechin, Paul Dedalus (Mathieu Amalric) est de retour dans son nouveau film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes. On le retrouve ici à trois âges de sa vie, pour évoquer autant de périodes fondatrices : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Deux jeunes acteurs débutants, Lou Roy-Lecollinet et Quentin Dolmaire, illuminent ce film où se croisent, comme souvent chez Desplechin, l’histoire et la grande Histoire.Film français d’Arnaud Desplechin, avec Mathieu Almaric, Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet (2 heures).« Irvin Yalom, la thérapie du bonheur » : dans la tête d’un psychothérapeute américainPourquoi pas Psychothérapeute américain mondialement célèbre et auteur de best-sellers, le docteur Irvin Yalom fait, à plus de 80 ans, l’objet de ce documentaire. Entre portrait, entretien et récit de vie, Sabine Gisiger adopte une forme légère et agréable, pensée pour mettre la parole en valeur. Elle y réussit un peu trop bien : le travail de l’image semble rarement à la hauteur de la pensée qui s’y expose.Documentaire américain, français et suisse de Sabine Gisiger (1 h 17).Service cultureJournaliste au Monde Franck Nouchi En compétition officielle à Cannes, « La Loi du marché », de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, se penche sur le parcours d'un homme qui perd son travail. Pouvez-vous résumer « La Loi du marché » en deux mots ?C’est l’histoire de quelqu’un qui est au chômage pendant un certain temps. Ensuite, il trouve un job d’agent de sécurité qui va le mettre face à un problème moral. Il s’appelle Thierry, c’est un homme bien, un homme droit. Avec sa femme, ils forment un joli couple.Pour monter votre film, vous avez eu recours à un système de production très particulier…Il y a quinze ans, pour faire ce genre de film social, on trouvait sans trop de problèmes les 2 millions, 2 millions et demi d’euros nécessaires. Aujourd’hui, tout a changé. Notamment la technologie, ces nouvelles caméras qui font qu’on n’a plus besoin d’équiper les plateaux avec les sources de lumière qu’on utilisait auparavant. Quant au financement, comme je n’avais aucune envie d’attendre un an et demi, j’ai appelé Vincent [Lindon] et je lui ai dit que je voulais faire le film avec un tout petit budget. Tout le monde, acteurs et techniciens, payé au tarif syndical, et nous trois, le producteur, Vincent et moi, en participation. Immédiatement, il m’a dit : « J’adore ! »Une manière de contourner la loi du marché ?Une manière de la respecter, au contraire. Avec un tel budget – 1,4 million d’euros – on aurait très bien pu payer tout le monde à 50% du tarif. Mais, déontologiquement, c’était impossible. Parmi les acteurs, tous non professionnels, beaucoup sont au smic. Quand on leur disait : « C’est 400 euros », ils pensaient que c’était pour tout le tournage. 400 euros par jour, ça leur semblait inimaginable. La plupart, d’ailleurs, auraient joué gratos. L’argent n’est pas sale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait."Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit"Est-ce la situation en France, de chômage de masse, qui vous a insufflé l’énergie nécessaire pour réaliser ce film ?Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit. Comment on jette hors des entreprises des personnes d’à peine 50 ans, tout ça pour aller construire la même usine dans un pays pas si lointain, fabriquer le même produit et le revendre au même prix. Résultat : les profits sont de plus en plus colossaux. Quand je vois La Saga des Conti, le magnifique documentaire de Jérôme Palteau, qui raconte la lutte syndicale lorsque Continental a décidé de fermer l’usine de Clairoix, je suis bouleversé par la rage de ces types. C’est leur vie qu’on arrache. Alors, oui, ils se battent. Parfois physiquement.Auriez-vous pu tourner ce film avec un autre acteur que Vincent Lindon ?Ce sont les deux autres films que nous avons tournés ensemble, Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, et les centaines de verres et de repas qu’on a partagés qui nous ont amenés à La Loi du marché. Des désirs communs qui se croisent, qui s’alimentent. L’envie de mettre Vincent face à une telle situation morale. Que faire en pareille situation ? Accepter qu’une caissière soit virée juste parce qu’elle a récupéré des bons de réduction ? C’est un peu se demander ce qu’on ferait en cas de guerre. Y aller ou pas ? Pareil dans cet hypermarché. On élimine les gens, coûte que coûte, à la moindre petite faute. « La Loi du marché » accorde une place importante aux silences. Au temps qui s’écoule, très lentement…Je suis très marqué par le cinéma de Michael Haneke. Cette manière d’accepter de passer par quelques secondes de lassitude pour accéder à l’émotion. Parmi les cinéastes qui comptent pour moi, il y a Ken Loach. J’aime sa manière de faire résonner l’intime et le social. A la fois populaires et hyperintelligents, ses films nous questionnent et nous émeuvent. Il respecte ses spectateurs.Lire aussi (édition abonnés) : « La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographiqueLa Loi du marché, film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Mathieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33). Sortie le 19 mai.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Cannes à Paris », quatrième édition. L’événement, lancé en 2012, est devenu le rendez-vous de ceux qui désirent faire une immersion de trois jours, ou une simple incursion, dans la sélection cannoise depuis Paris, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Du vendredi 22 au dimanche 24 mai, le partenariat entre Le Monde et Gaumont-Pathé! permettra ainsi de découvrir, au cinéma le Gaumont-Opéra (2, boulevard des Capucines, Paris 9e), treize films dévoilés à Cannes, sans attendre leur sortie en salles.Parmi cette sélection dans la sélection, huit des dix-neuf longs métrages en compétition pour la Palme d’or. La moitié d’entre eux ont la particularité d’avoir été tournés en anglais par un cinéaste dont ce n’est pas la langue d’origine.Lire aussi :Festival de Cannes : anglais, première langueSoit Tale of Tales (Le Conte des contes), de l’Italien Matteo Garrone, adaptation fastueuse et très libre par le réalisateur de Gomorra de contes de Giambattista Basile, auteur napolitain du XVIIe siècle, sur les perversions du pouvoir, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly ; The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, autre fable, qui questionne métaphoriquement la place de l’amour dans notre société, avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux ; Louder Than Bombs (Plus fort que les bombes), du Norvégien Joachim Trier, portrait d’une famille new-yorkaise endeuillée, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg ; et enfin Youth, de l’Italien Paolo Sorrentino (Oscar du meilleur film étranger 2014 pour La Grande Bellezza), ode à la vieillesse, l’histoire de deux amis de près de 80 ans en vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz et Jane Fonda.Lire aussi :« Le Conte des contes » : images sages pour imaginaire sanglantLire aussi :« The Lobster » : un « Homard » mijoté à l’absurdeLire aussi :« Louder Than Bombs » : de l’explosion d’une famille, Joachim Trier ne tire que des éclats de cinémaLes quatre autres films sont The Sea of Trees (La Forêt des songes), de l’Américain Gus Van Sant, rencontre et odyssée à travers la « forêt des suicides », au pied du Mont Fuji, d’un Américain et d’un Japonais, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts ; Marguerite et Julien, de la Française Valérie Donzelli, qui reprend un script abandonné par François Truffaut sur la relation incestueuse entre un frère et une sœur, avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm ; Mountains May Depart, du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, qui, après A Touch of Sin, montre les espoirs, les amours et les désillusions de trois amis d’enfance sur un quart de siècle, entre une Chine en mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, avec Zhao Tao ; et enfin Macbeth, de l’Australien Justin Kurzel, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.Lire aussi :« La Forêt des songes » : à la recherche de Gus Van SantEgalement présentés, deux films de la sélection Un Certain regard : An, de la Japonaise Naomi Kawase, qui a fait l’ouverture de cette section parallèle officielle, rassemble trois laissés-pour-compte autour d’une histoire de gâteau. Et Maryland, de la Française Alice Winocour, où un soldat victime de troubles de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan voit sa paranoïa confortée dans son nouvel emploi dans la sécurité, avec Matthias Schoenaerts et Diane Kruger.Lire aussi :« An » : le sens de la vie se niche dans une pâtisserieLe film du cinéaste français Robert Guédiguian, Une histoire de fou, est une des sept œuvres présentées cette année à Cannes lors des Séances spéciales, hors compétition. Il s’articule autour d’un trio fils, mère et blessé d’une bombe posée par le premier, sur fond de lutte pour la reconnaissance du génocide arménien dans les années 1980.Egalement présenté hors compétition, Le Petit Prince, film d’animation français réalisé par l’Américain Mark Osborne, qui avait déjà présenté à Cannes son Kung-fu Panda, imbrique le conte et l’imagerie de Saint-Exupéry dans une histoire contemporaine d’amitié entre une petite fille et un vieil aviateur.Enfin, Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), avec Jeanne Moreau, fait partie de Cannes Classics, qui présente au cours du festival une quinzaine de copies restaurées.Les places sont vendues au tarif habituel du cinéma Gaumont-Opéra (carte Le Pass, chèque cinéma, carte 5 places...), et il est fortement conseillé de les réserver.Vendredi 22 mai19 heures - Le Conte des contes, de Matteo Garrone21 h 30 - The Lobster, de Yorgos LanthimosSamedi 23 mai13 heures - Une histoire de fou, de Robert Guédiguian15 h 45 - Louder Than Bombs, de Joachim Trier18 heures - An, de Naomi Kawase20 h 20 - La Forêt des songes, de Gus Van Sant22 h 30 - Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliDimanche 24 mai13 heures - Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke15 h 30 - Le Petit Prince, de Mark Osborne15 h 30 - Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle17 h 45 - Macbeth, de Justin Kurzel20 heures - Youth, de Paolo Sorrentino22 h 15 - Maryland, d’Alice WinocourEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h54 • Mis à jour le15.05.2015 à 14h31 MusiquesEn voyage musical avec ChassolPianiste et compositeur, né à Paris en 1976 d’une famille originaire des Antilles, Christophe Chassol vient de publier son quatrième album, Big Sun, qu’il présente au public en tournée. Plus qu’un disque, c’est un voyage musical que propose l’artiste à travers les différents titres de cet album aux influences musicales très diverses qui témoigne de l’intense curiosité artistique de l’auteur.Scène du Louvre Lens, samedi 16 mai à 20 h 30 (concert gratuit).Lire aussi :Chassol, constructeur de sons et d’imagesArtsLes artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-fonds du baroque », présentée à Paris après la Villa Médicis. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » des artistes âgés de 20 ans venus du monde entier apprendre leur métier dans la ville éternelle. C’est ce côté obscur de l’Histoire que montre l’exposition, dans une mise en scène très évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Petit Palais, à Paris.Lire aussi :Au XVIIe siècle aussi, le sexe faisait vendreThéâtre« Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un mode toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Théâtre du Rond-Point, à Paris.Lire aussi :Des « Murmures » qui peinent à se faire entendre au Théâtre du Rond-PointCinéma« La Cité muette » : enquête sur un lieu maudit et sacréPeut-on vivre dans un lieu qui fut, durant l’occupation allemande, l’« antichambre de la mort » pour près de 80 000 personnes ? Soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, près de 500 personnes habitent à Drancy, à la Cité de la Muette, là même où furent internés, souvent dans des conditions inhumaines, les juifs raflés sur tout le territoire français à partir d’août 1941. Afin de comprendre le sort inouï réservé à ce lieu à la fois maudit et sacré, Sabrina Van Tassel a interrogé d’anciens rescapés et des habitants de la Muette. Un documentaire bouleversant et passionnant.Documentaire français de Sabrina Van Tassel (1 h 28).Lire aussi :« La Cité muette, une mémoire occultée » : vivre à Drancy, malgré toutFestivalL’aura d’Oum Kalsoum à Montpellier Disparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain dédié aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts, exposition, table-ronde : la chanteuse, dont la renommée fut mondiale, continue d’inspirer les artistes.Festival Arabesques, à Montpellier.Lire aussi :Oum Kalsoum brille sur MontpellierCinéma« Mad Max: Fury Road » : de la pure adrénalineLe quatrième volet de la saga post-apocalyptique, qui lança la carrière de Mel Gibson à la fin des années 1980, a été présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes, jeudi 14 mai, jour de sa sortie en salles. C'est l'acteur britannique Tom Hardy – remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight – qui reprend le rôle du célèbre justicier de la route aux côtés de l'actrice Charlize Theron dans la peau de l'impératrice Furiosa. Filmé avec brio et mené à un rythme haletant.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures).ThéâtreUn « canard sauvage » aux accents hitchcockiens Dans un sombre décor de sapins s'opposent un père absolu, suffisant et manipulateur, à un fils obsédé par un idéal de vérité et de transparence, au point de tout lui sacrifier – même l'amour de sa fille adolescente. Stéphane Braunschweig met en scène au Théâtre national de Strasbourg cette pièce terrible d'Henrik Ibsen où les squelettes qui sortent du placard sèment le chaos autour d'eux. Il le fait en insistant sur la part psychologique de la pièce, sondant les ambiguïtés et les perversités quasi-hitchcockiennes des personnages.Théâtre national de Strasbourg.Lire aussi : Ibsen, dans la forêt profonde de la vieMuséesUne balade nocturne parmi les toiles Se faire une toile en after ? C’est possible samedi 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite, et tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France.Lire aussi :Une palette de propositions pour passer sa nuit au muséeFestivalLyon au son de l’électro Varsovie n’est pas encore le nouveau Berlin, mais l’effervescence de la scène underground musicale polonaise lui a valu d’être l’invitée des Nuits sonores, festival lyonnais à la pointe des musiques électroniques et de l’avant-garde pop. Sur les scènes du quartier de Confluence, on croisera ainsi, lors d’une série d’« Apéros Warsaw », une douzaine de représentants d’un underground musical varsovien – Mitch & Mitch, Xenony, Baaba, Slalom, Piotr Kurek… – triturant les genres de façon singulière. Une programmation musicale complétée d’artistes issus de traditions locales renouvelées, comme la peinture murale ou l’art de l’affiche. Les musiques traditionnelles croisent le hip-hop, le rock ou les musiques électroniques.Festival Nuits sonores, à Lyon.Lire aussi :La Pologne envahit les Nuits sonoresRétrospectiveL’art sauvage de Carol Rama L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003, et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Musée d’art moderne de la Ville de Paris.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au musée Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Service culture Trois films à découvrir en salles à partir du mercredi 20 mai.« La Loi du marché » : Vincent Lindon en pleine précarité socialeA voir Thierry, 51 ans (Vincent Lindon, très impliqué dans son rôle), père d’un garçon handicapé mental et compagnon d’une femme au revenu modeste, est viré de son entreprise pour cause de licenciement économique. Au bout de vingt mois de chômage, il prend la décision d’accepter un poste de vigile dans une grande surface. Le réalisateur Stéphane Brizé a recours à une forme qui se révèle à la fois originale et pertinente (petit budget, tournage léger, chef opérateur venu du documentaire filmant en format scope, acteurs non professionnels, tous employés dans leur propre fonction) pour un sujet a priori revêche.Film français de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33).« Trois souvenirs de ma jeunesse » : Arnaud Desplechin dans les méandres de la mémoire et de l’amourA voir Double fictionnel du cinéaste Arnaud Desplechin, Paul Dedalus (Mathieu Amalric) est de retour dans son nouveau film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes. On le retrouve ici à trois âges de sa vie, pour évoquer autant de périodes fondatrices : l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Deux jeunes acteurs débutants, Lou Roy-Lecollinet et Quentin Dolmaire, illuminent ce film où se croisent, comme souvent chez Desplechin, l’histoire et la grande Histoire.Film français d’Arnaud Desplechin, avec Mathieu Almaric, Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet (2 heures).« Irvin Yalom, la thérapie du bonheur » : dans la tête d’un psychothérapeute américainPourquoi pas Psychothérapeute américain mondialement célèbre et auteur de best-sellers, le docteur Irvin Yalom fait, à plus de 80 ans, l’objet de ce documentaire. Entre portrait, entretien et récit de vie, Sabine Gisiger adopte une forme légère et agréable, pensée pour mettre la parole en valeur. Elle y réussit un peu trop bien : le travail de l’image semble rarement à la hauteur de la pensée qui s’y expose.Documentaire américain, français et suisse de Sabine Gisiger (1 h 17).Service cultureJournaliste au Monde Franck Nouchi En compétition officielle à Cannes, « La Loi du marché », de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, se penche sur le parcours d'un homme qui perd son travail. Pouvez-vous résumer « La Loi du marché » en deux mots ?C’est l’histoire de quelqu’un qui est au chômage pendant un certain temps. Ensuite, il trouve un job d’agent de sécurité qui va le mettre face à un problème moral. Il s’appelle Thierry, c’est un homme bien, un homme droit. Avec sa femme, ils forment un joli couple.Pour monter votre film, vous avez eu recours à un système de production très particulier…Il y a quinze ans, pour faire ce genre de film social, on trouvait sans trop de problèmes les 2 millions, 2 millions et demi d’euros nécessaires. Aujourd’hui, tout a changé. Notamment la technologie, ces nouvelles caméras qui font qu’on n’a plus besoin d’équiper les plateaux avec les sources de lumière qu’on utilisait auparavant. Quant au financement, comme je n’avais aucune envie d’attendre un an et demi, j’ai appelé Vincent [Lindon] et je lui ai dit que je voulais faire le film avec un tout petit budget. Tout le monde, acteurs et techniciens, payé au tarif syndical, et nous trois, le producteur, Vincent et moi, en participation. Immédiatement, il m’a dit : « J’adore ! »Une manière de contourner la loi du marché ?Une manière de la respecter, au contraire. Avec un tel budget – 1,4 million d’euros – on aurait très bien pu payer tout le monde à 50% du tarif. Mais, déontologiquement, c’était impossible. Parmi les acteurs, tous non professionnels, beaucoup sont au smic. Quand on leur disait : « C’est 400 euros », ils pensaient que c’était pour tout le tournage. 400 euros par jour, ça leur semblait inimaginable. La plupart, d’ailleurs, auraient joué gratos. L’argent n’est pas sale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait."Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit"Est-ce la situation en France, de chômage de masse, qui vous a insufflé l’énergie nécessaire pour réaliser ce film ?Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit. Comment on jette hors des entreprises des personnes d’à peine 50 ans, tout ça pour aller construire la même usine dans un pays pas si lointain, fabriquer le même produit et le revendre au même prix. Résultat : les profits sont de plus en plus colossaux. Quand je vois La Saga des Conti, le magnifique documentaire de Jérôme Palteau, qui raconte la lutte syndicale lorsque Continental a décidé de fermer l’usine de Clairoix, je suis bouleversé par la rage de ces types. C’est leur vie qu’on arrache. Alors, oui, ils se battent. Parfois physiquement.Auriez-vous pu tourner ce film avec un autre acteur que Vincent Lindon ?Ce sont les deux autres films que nous avons tournés ensemble, Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, et les centaines de verres et de repas qu’on a partagés qui nous ont amenés à La Loi du marché. Des désirs communs qui se croisent, qui s’alimentent. L’envie de mettre Vincent face à une telle situation morale. Que faire en pareille situation ? Accepter qu’une caissière soit virée juste parce qu’elle a récupéré des bons de réduction ? C’est un peu se demander ce qu’on ferait en cas de guerre. Y aller ou pas ? Pareil dans cet hypermarché. On élimine les gens, coûte que coûte, à la moindre petite faute. « La Loi du marché » accorde une place importante aux silences. Au temps qui s’écoule, très lentement…Je suis très marqué par le cinéma de Michael Haneke. Cette manière d’accepter de passer par quelques secondes de lassitude pour accéder à l’émotion. Parmi les cinéastes qui comptent pour moi, il y a Ken Loach. J’aime sa manière de faire résonner l’intime et le social. A la fois populaires et hyperintelligents, ses films nous questionnent et nous émeuvent. Il respecte ses spectateurs.Lire aussi (édition abonnés) : « La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographiqueLa Loi du marché, film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Mathieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33). Sortie le 19 mai.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Cannes à Paris », quatrième édition. L’événement, lancé en 2012, est devenu le rendez-vous de ceux qui désirent faire une immersion de trois jours, ou une simple incursion, dans la sélection cannoise depuis Paris, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Du vendredi 22 au dimanche 24 mai, le partenariat entre Le Monde et Gaumont-Pathé! permettra ainsi de découvrir, au cinéma le Gaumont-Opéra (2, boulevard des Capucines, Paris 9e), treize films dévoilés à Cannes, sans attendre leur sortie en salles.Parmi cette sélection dans la sélection, huit des dix-neuf longs métrages en compétition pour la Palme d’or. La moitié d’entre eux ont la particularité d’avoir été tournés en anglais par un cinéaste dont ce n’est pas la langue d’origine.Lire aussi :Festival de Cannes : anglais, première langueSoit Tale of Tales (Le Conte des contes), de l’Italien Matteo Garrone, adaptation fastueuse et très libre par le réalisateur de Gomorra de contes de Giambattista Basile, auteur napolitain du XVIIe siècle, sur les perversions du pouvoir, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly ; The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, autre fable, qui questionne métaphoriquement la place de l’amour dans notre société, avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux ; Louder Than Bombs (Plus fort que les bombes), du Norvégien Joachim Trier, portrait d’une famille new-yorkaise endeuillée, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg ; et enfin Youth, de l’Italien Paolo Sorrentino (Oscar du meilleur film étranger 2014 pour La Grande Bellezza), ode à la vieillesse, l’histoire de deux amis de près de 80 ans en vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz et Jane Fonda.Lire aussi :« Le Conte des contes » : images sages pour imaginaire sanglantLire aussi :« The Lobster » : un « Homard » mijoté à l’absurdeLire aussi :« Louder Than Bombs » : de l’explosion d’une famille, Joachim Trier ne tire que des éclats de cinémaLes quatre autres films sont The Sea of Trees (La Forêt des songes), de l’Américain Gus Van Sant, rencontre et odyssée à travers la « forêt des suicides », au pied du Mont Fuji, d’un Américain et d’un Japonais, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts ; Marguerite et Julien, de la Française Valérie Donzelli, qui reprend un script abandonné par François Truffaut sur la relation incestueuse entre un frère et une sœur, avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm ; Mountains May Depart, du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, qui, après A Touch of Sin, montre les espoirs, les amours et les désillusions de trois amis d’enfance sur un quart de siècle, entre une Chine en mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, avec Zhao Tao ; et enfin Macbeth, de l’Australien Justin Kurzel, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.Lire aussi :« La Forêt des songes » : à la recherche de Gus Van SantEgalement présentés, deux films de la sélection Un Certain regard : An, de la Japonaise Naomi Kawase, qui a fait l’ouverture de cette section parallèle officielle, rassemble trois laissés-pour-compte autour d’une histoire de gâteau. Et Maryland, de la Française Alice Winocour, où un soldat victime de troubles de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan voit sa paranoïa confortée dans son nouvel emploi dans la sécurité, avec Matthias Schoenaerts et Diane Kruger.Lire aussi :« An » : le sens de la vie se niche dans une pâtisserieLe film du cinéaste français Robert Guédiguian, Une histoire de fou, est une des sept œuvres présentées cette année à Cannes lors des Séances spéciales, hors compétition. Il s’articule autour d’un trio fils, mère et blessé d’une bombe posée par le premier, sur fond de lutte pour la reconnaissance du génocide arménien dans les années 1980.Egalement présenté hors compétition, Le Petit Prince, film d’animation français réalisé par l’Américain Mark Osborne, qui avait déjà présenté à Cannes son Kung-fu Panda, imbrique le conte et l’imagerie de Saint-Exupéry dans une histoire contemporaine d’amitié entre une petite fille et un vieil aviateur.Enfin, Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), avec Jeanne Moreau, fait partie de Cannes Classics, qui présente au cours du festival une quinzaine de copies restaurées.Les places sont vendues au tarif habituel du cinéma Gaumont-Opéra (carte Le Pass, chèque cinéma, carte 5 places...), et il est fortement conseillé de les réserver.Vendredi 22 mai19 heures - Le Conte des contes, de Matteo Garrone21 h 30 - The Lobster, de Yorgos LanthimosSamedi 23 mai13 heures - Une histoire de fou, de Robert Guédiguian15 h 45 - Louder Than Bombs, de Joachim Trier18 heures - An, de Naomi Kawase20 h 20 - La Forêt des songes, de Gus Van Sant22 h 30 - Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliDimanche 24 mai13 heures - Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke15 h 30 - Le Petit Prince, de Mark Osborne15 h 30 - Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle17 h 45 - Macbeth, de Justin Kurzel20 heures - Youth, de Paolo Sorrentino22 h 15 - Maryland, d’Alice WinocourEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.05.2015 à 10h45 • Mis à jour le17.05.2015 à 08h50 | Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionQuoi de mieux qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien, pour conclure cette compétition empreinte de mort et de deuil, qui a rappelé presque quotidiennement aux festivaliers l’absurdité de la condition humaine ? Pour son deuxième long-métrage, après Les Crimes de Snowtown, le réalisateur australien Justin Kurzel s’est emparé de Macbeth. La pièce écossaise est ici parée des couleurs les plus sombres, à peine éclairée de rougeoiements sanguinolents.On ne trouvera pas dans cette version le flamboiement baroque qui marquait le Macbeth, d’Orson Welles en 1948, ni l’horreur surnaturelle du film de Roman Polanski (1971). Mettant – selon un précepte shakespearien venu d’une autre tragédie – de la méthode dans sa folie, Justin Kurzel examine la descente aux enfers de lord et... Aureliano Tonet « You’re entering a world of pain » : vous pénétrez dans un monde de souffrance. A l’approche de la cérémonie de clôture, la réplique de The Big Lebowski, des frères Coen, exprime assez finement le degré d’affliction des festivaliers. Prostration des corps, dissolution des mœurs, accablement généralisé : il est temps que tout ceci cesse.D’ici là, une dernière épreuve attend les suppliciés : le jeu des pronostics. Jeu aussi stérile qu’une partie de bowling, mais auquel la population s’adonne avec un sérieux digne de « Sa Duditude », pour rester dans le jargon des Coen. En attendant leur oracle, rendu dimanche soir, les supputations vont bon train.D’aucuns misent gros sur Sicario, du Canadien Denis Villeneuve. Xavier Dolan, qui fait partie des neuf jurés, mènerait une vibrante campagne en faveur de son compatriote, qui a eu la bonne idée de recourir au chef opérateur historique des Coen, Roger Deakins, et à l’un de leurs acteurs fétiches, Josh Brolin. Si l’on suit cette logique hasardeuse, Louder than Bombs, avec Gabriel Byrne, et surtout Mia madre, où étincelle John Turturro, autre acteur coenien, pourraient également figurer au palmarès. Le film de Nanni Moretti a d’autant mieux rassemblé les suffrages qu’il résume avec une infinie délicatesse l’axe fort du cru 2015 : comment composer avec la mort. Mort des proches, des langues, du cinéma : la réflexivité de l’Italien fait écho au prochain film des présidents du jury, Hail Caesar !, qui se passe dans le Hollywood des années 1950.La même époque est chroniquée avec acuité par Todd Haynes, dans Carol, autre favori aux côtés de Youth et The Lobster : l’humour pince-sans-rire de Paolo Sorrentino et Yorgos Lanthimos résonne avec le penchant des Coen pour les contes absurdes, lardés de dialogues piquants. L’empressement avec lequel les distributeurs américains se sont arrachés Le Fils de Saul, l’allégorie controversée de Laszlo Nemes sur les camps de la mort, indique, là aussi, une fortune favorable.S’ils venaient à couronner un cinéaste asiatique, qui, de Hou Hsiao-hsien à Jia Zhang-ke, ont autant ravi que désarçonné, les Coen créeraient en revanche la surprise. Ce faisant, il tordraient opportunément le cou à leur réputation d’insularité, eux qui n’ont jamais tourné ailleurs qu’en Amérique du Nord.La délégation française, qui a beaucoup déçu, n’espère rien, d’autant que s’éloigne l’éventualité d’un prix d’interprétation pour Gérard Depardieu, après les amabilités qu’il a échangées, par voie de presse, avec la jurée Sophie Marceau.Ne jurons de rien, cependant : dimanche, ces hypothèses pourraient bien s’effondrer comme un jeu de quilles – c’est même, de toutes, la plus probable des pistes.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Daniel Psenny Le parcours chaotique d’un géant du cinéma considéré par ses pairs comme le meilleur réalisateur de tous les temps (dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma).Derrière sa barbe bien peignée, ses yeux malicieux et sa masse imposante, Orson Welles ne cache pas son amertume et une certaine forme de cynisme. « Le cinéma, c’est 2 % de création et 98 % de prostitution », confie-t-il à la caméra après avoir expliqué dans une longue interview accordée à la BBC comment les majors d’Hollywood l’ont spolié et banni des studios durant onze ans. Le documentaire inédit This is Orson Welles, que les productrices Clara et Julia Kuperberg proposent à l’occasion du centenaire de sa naissance, retrace le parcours chaotique de l’auteur de Citizen Kane.Voir aussi le visuel interactif : « This is Orson Welles », un portrait inédit du cinéasteUn « magicien » de l’imageC’est aussi un portrait intime de cet artiste aux multiples facettes (réalisateur, producteur, prestidigitateur, écrivain, acteur, homme de radio…) qui, à travers les témoignages de ses proches (dont sa fille Chris) et de rares archives, se révèle comme un homme blessé, n’ayant jamais pu aller jusqu’au bout de ses rêves et de son génie. Que ce soit à la radio en 1938 avec La Guerre des mondes, œuvre radiophonique dans laquelle, du haut de ses 23 ans, il sema la panique aux Etats-Unis en faisant croire à une invasion des Martiens (une émission qui lui ouvrit les portes d’Hollywood), à Citizen Kane, qu’il réalisa à l’âge de 25 ans (considéré comme le meilleur film de tous les temps par ses admirateurs Milos Forman, Steven Spielberg ou Martin Scorsese), Welles a révolutionné l’art sous toutes ses formes. « CitizenKane est un grand chef-d’œuvre, qui me bouleverse chaque fois que je le vois », explique Martin Scorsese, pour qui le réalisateur est un « magicien » de l’image, qui a bouleversé « la grammaire filmique ».Plusieurs chefs-d’œuvreIl n’a pu l’exprimer que dans quelques films, en raison de l’incompréhension et de l’intransigeance des studios hollywoodiens, dont les dirigeants n’ont jamais compris sa démarche cinématographique. La filmographie du réalisateur recense, d’ailleurs, de nombreux films restés à l’état de projets ou inachevés. On y trouve toutefois plusieurs chefs-d’œuvre, comme La Dame de Shanghaï (1947), magnifié par la présence de Rita Hayworth (sa deuxième femme, dont il divorcera quelques mois plus tard), La Soif du mal (1958), avec Charlton Heston et Janet Leigh, dont la fin fut sérieusement amputée sans qu’Orson Welles en soit averti, ou Le Criminel (1948), avec Orson Welles et Edward G. Robinson qui fut un des premiers films américains à montrer les camps de la mort nazis. Sans oublier, bien sûr, ses adaptations des pièces de Shakespeare (Macbeth, Othello, Falstaff), que l’artiste considérait comme le plus grand poète de tous les temps, et dont on peut d’ailleurs voir l’influence dans Citizen Kane à travers son personnage hanté par la solitude et la mort.Dans ce documentaire riche en témoignages, on notera ceux des réalisateurs Peter Bogdanovich et Henry Jaglom qui dressent un portrait intime de l’artiste dont le téléspectateur ne peut que tomber sous le charme. « Tout ce qu’il touchait se transformait en art », résume sa fille Chris.This is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2015, 52 min). Rediffusions : le 27 mai à 8 heures ; le 28 mai à 0 h 10 ; le 1er juin à 8 h 50 ; le 8 juin à 10 h 45 ; le 11 juin à 19 h 45. Disponible sur le service de replay TCM Cinéma à la demande jusqu’au 22 juin. Dimanche 24 à 19 h 45 sur TCM Cinéma.Daniel PsennyjournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Franck Nouchi Sélection officielle – en compétitionOn ne les avait pas revus ensemble au cinéma depuis Loulou. Pialat, 1980. Tournage épouvantable. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Et puis un jour, il y a deux ans, idée de Guillaume Nicloux, le réalisateur de La Religieuse et de L’Enlèvement de Michel Houellebecq. Coup de fil à la productrice, Sylvie Pialat, qui fut l’épouse de Maurice. Reconstitution de couple mythique dissous. Huppert-Depardieu. Avec, en prime, les sites sublimes de la Vallée de la Mort. Chaleurs et frissons garantis.Allez parler ensuite d’un film pareil ! Isabelle et Gérard, tels qu’en eux-mêmes par 50 °C à l’ombre. Six mois auparavant, leur fils Michael est mort. Avant de se suicider, il leur a laissé à chacun une lettre. « Je te demande d’être présent dans la Vallée de la Mort le 12 novembre 2014. Tous les deux, oui, tu as bien lu, toi et papa. » « Toi et maman », dans l’autre lettre. « Il y a un planning des endroits où vous devez aller, le jour précis et les horaires où vous devez m’attendre car je vais revenir, pour peu de temps, mais je serai là. Et je vous verrai… » Alors ils sont venus. Tous les deux. Séparément, vu qu’ils sont séparés depuis longtemps. Isabelle et Gérard, comme si cette histoire était la leur. Deux comédiens, dans la vie comme dans le film. Une chambre chacun dans un motel niché au cœur de Death Valley.On l’a compris, Valley of Love se joue constamment des effets croisés de la vérité et de la fiction. Des interactions entre la personne – Huppert, Depardieu – et le personnage – Isabelle, Gérard – qu’elle incarne. Conversation dans le désert entre deux ex. Deuil. Croyance que tout est possible. Qu’il faut, à cet instant, que tout soit possible. Impossibilité de retrouvailles qui ont pourtant bel et bien lieu. Culpabilité vis-à-vis d’un enfant dont on ne s’est guère occupé, elle surtout, et qui affirme aujourd’hui, de là où il est, ne plus leur en vouloir. On ne sait pas grand-chose de ses propres enfants, dit Gérard. On n’est jamais averti de leurs grandes décisions. Bouddha dans l’eauDeux plans formidables. En ouverture du film, Huppert de dos, traînant sa valise à roulette. C’est fou comme on reconnaît immédiatement sa silhouette, démarche volontaire, cette manière inimitable de dire non à la vie et à la terre avec ses talons. A cet instant, mais nous ne le savons pas, une seule idée l’obsède : la lettre de son fils. Un peu plus tard, après nous avoir asséné deux ou trois fois « Putain, la chaleur ! », Gérard se baigne dans la piscine du motel. Bouddha dans l’eau. Boudu la tête hors de l’eau. Enorme et fascinant Depardieu.Fort d’un tel casting et d’un tel dispositif, Valley of Love ne pouvait pas ne pas toucher. Ne pas emporter le premier venu des festivaliers. Et pourtant, il lui manque un petit quelque chose, ce supplément d’âme et de cinéma qui fait les grands films. Comme si le scénario, trop écrit, trop lisse et ténu, grevé par sa symbolique, finissait par prendre le pas sur l’émotion.Au début, c’est Isabelle qui croit le plus au message laissé par son fils. Et puis, progressivement, Gérard finit par céder à son tour au vertige de cette apparition impossible. C’est l’instant où l’on devrait être bouleversé, croire à ce quelque chose d’essentiel qui se recrée entre cet homme et cette femme. A cette histoire, interrompue depuis des années, qui par la magie d’une lettre, retrouve son fil.Comme dans La Rose et le Réséda, il y aura ceux qui y croiront et ceux qui n’y croiront pas. Ceux qui prendront au pied de la lettre cette quête éperdue de signes annonciateurs, et ceux qui, au contraire, n’en auront que faire, préférant se concentrer sur les retrouvailles, trente-cinq ans après, de deux acteurs extraordinaires. Dissemblables physiquement, ah ! ça, pour le moins, mais aussi talentueux l’un et l’autre. Alors quand ce bon géant de Gérard caresse la joue d’Isabelle avec ses gros doigts, c’est tout l’imaginaire du cinéma français qui envahit l’écran sous le soleil de la Californie. Et alors là, oui, nous sommes émus !Film français de Guillaume Nicloux avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu (1 h 32). Sortie le 17 juin. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/valley-of-loveFranck NouchiJournaliste au Monde 15.05.2015 à 06h42 • Mis à jour le15.05.2015 à 16h25 | Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 12h28 • Mis à jour le13.05.2015 à 14h49 | Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski 13.05.2015 à 06h29 • Mis à jour le13.05.2015 à 17h57 | Clarisse Fabre Tapis rouge pour les partenaires officiels du Festival de Cannes. La soixante-huitième édition cannoise s’ouvre mercredi 13 mai, avec un nouveau président, Pierre Lescure, lequel succède à Gilles Jacob, et deux nouveaux partenaires : MasterCard, l’entreprise de système de paiement, et Kering, nouveau nom du groupe de François-Henri Pinault, l’un des leaders mondiaux du luxe et des accessoires.Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, le 16 avril, à Paris, cela n’a échappé à personne : Pierre Lescure a davantage parlé d’argent que de cinéma. Son propos s’est focalisé sur les partenaires officiels que sont Renault, Air France, Canal+, L’Oréal, Chopard, Europcar, etc. Il s’est réjoui que certains contrats aient été prolongés ou reconduits, pointant la dimension citoyenne de tel ou tel partenaire. De mémoire de festivalier, on n’avait jamais vu cela. Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ en 1984, qui en deviendra le patron en 1994, sait qu’il est attendu au tournant.« Certains journalistes ont ironisé à propos de mon intervention. Ils ont dit : la chaîne payante parle des sponsors. » Il assume : il faut mettre l’accent sur les partenaires qui proposent un contenu citoyen. « A l’heure où les comptes publics sont serrés, il est important que le Festival ne fasse pas que de l’étalage “carpet” », explique-t-il, en faisant allusion au rituel glamour de la montée des marches.Pierre Lescure se félicite ainsi que le contrat signé avec Kering soit d’un genre nouveau. Outre la dimension financière, celui-ci a vocation à soutenir la place des femmes dans l’industrie du cinéma, avec le lancement du programme Women in Motion, à partir du 14 mai, à l’Hôtel Le Majestic. Le sujet est sensible sur la Croisette, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, étant régulièrement interpellé sur l’absence ou le peu de femmes réalisatrices retenues dans la compétition officielle. Cette année, seuls deux films de la compétition, sur un total de dix-neuf, sont réalisés par des femmes – Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, et Mon roi, de Maïwenn.Poil à gratter« Il ne nous appartient pas de commenter l’état des lieux, mais d’essayer de comprendre en posant des questions simples. Il faut aussi analyser l’impact de la situation : l’industrie du cinéma se prive de talents », indique la directrice de la communication de Kering, Louise Beveridge. « Kering est un détonateur pour que d’autres partenaires ne fassent pas que de l’affichage », salue Pierre Lescure.Reste à savoir si cette initiative servira de poil à gratter, ou plutôt d’éteignoir à la polémique sur le genre des cinéastes. Thierry Frémaux aura l’occasion de s’exprimer, à la tribune de Women in Motion, durant le Festival. Pour le reste, les conférences vont donner la parole à des femmes réalisatrices, productrices, comédiennes, distributrices. Histoire de montrer que les talents sont là : cherchez la femme, derrière la Palme… L’actrice et réalisatrice Isabella Rossellini, qui préside cette année le jury d’Un certain regard, inaugurera le premier « talk », jeudi 14 mai, avec la productrice Claudie Ossard. Parmi les autres invitées, la productrice Sylvie Pialat, la comédienne Isabelle Huppert… ou encore la star mexicaine Salma Hayek-Pinault, comédienne, réalisatrice et productrice, qui est aussi l’épouse du PDG de Kering. C’est elle, par ailleurs, qui aurait sensibilisé son mari, François-Henri Pinault, à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle est à ce titre membre du bureau de la fondation Kering. Très médiatisée – elle a fait la couverture du magazine Elle du 24 avril –, Salma Hayek est enfin l’héroïne de TheTale of Tales, dernier film de Matteo Garrone, en compétition officielle à Cannes. Devant tant de feux croisés, on se doit de lever le doute : Kering n’a pas mis d’argent dans cette coproduction franco-italienne (Le Pacte-Archimède). « Il n’y a pas de lien entre la carrière de Salma Hayek-Pinault, son rôle d’actrice et Kering », précise-t-on chez Kering.Le groupe de François-Henri Pinault se veut « l’ami discret du cinéma ». Kering, en son nom propre, mais aussi à travers ses marques ou sa fondation, est engagé depuis plus de dix ans dans le cinéma, explique Louise Beveridge, citant le soutien à l’école de la Cité Cinéma et Télévision de Luc Besson, au Tribeca Film Institute de New York, au Britdoc de Londres, ou encore au Festival Lumière de Lyon, piloté par Thierry Frémaux.Le cinéma, les femmes, et maintenant l’environnement : Kering est le coproducteur du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le Ciel, lequel sera projeté en clôture du Festival, hors compétition, dimanche 24 mai. Pour Kering, le choix d’investir dans ce film s’inscrit dans l’actualité sur le climat, avec la tenue à Paris, fin 2015, de la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 21). Il n’empêche : selon nos informations, c’est la première fois, dans l’histoire du Festival, qu’un film coproduit par un partenaire officiel se retrouve… dans la programmation cannoise.« Quand Luc Jacquet m’a parlé du film pour la première fois, Kering n’était pas encore partenaire, assureThierry Frémaux. Par ailleurs, le film a été refusé par toutes les chaînes publiques. Heureusement que Kering était là. C’est peut-être cela le vrai sujet. » Toujours est-il que Kering réalise une belle opération de communication : « La sélection du film en clôture de Cannes ne faisait pas partie d’un “deal” entre le Festival et Kering. C’est une divine surprise. Et une belle rampe de lancement avant la sortie du film en France, en octobre », souligne la directrice de la communication de Kering. Kering n’est pas le seul sponsor à donner une coloration politiquement correcte au Festival. Le joaillier Chopard est partenaire officiel depuis près de vingt ans, et fabrique à ce titre la Palme d’or. Chopard a « grandi » avec le Festival : le partenariat lui a permis de lancer sa ligne de « très haute joaillerie », dénommée Red Carpet. Aujourd’hui, le joaillier communique plus volontiers sur le caractère « équitable » de la Palme : car l’or utilisé pour le trophée provient de mines colombiennes ayant obtenu le label Fair Mine (mines « équitables »).« Recadrer L’Oréal »Le public cannois pourra bientôt découvrir un documentaire sur le sujet, financé en partie par… Chopard, et inscrit à Cannes Classics : La Légende de la Palme d’or, réalisé par Alexis Veller. Directrice de la communication de Chopard, Raffaella Rossiello précise qu’il s’agit d’une participation minoritaire (40 %) du joaillier : « Ce n’est pas un film Chopard », dit-elle. Disons qu’il est en empathie : le réalisateur ne s’en cache pas, il est le compagnon de la coprésidente et directrice artistique de Chopard, Caroline Scheufele.Alexis Veller dit simplement : « Allez voir le film. C’est un travail documenté, je dois prononcer une seule fois le mot Chopard. Le film montre les conditions de travail dans les mines. Et j’ai interviewé des lauréats de la Palme d’or qui ont tous des histoires fortes à raconter. » Thierry Frémaux renchérit : « Au départ, ce film devait faire l’objet d’une projection privée, mais on l’a trouvé tellement formidable qu’on a voulu le montrer, pour que les festivaliers en profitent. »Il y a en un, tout de même, qui fronce les sourcils : c’est Gilles Jacob. Il a officié près de quarante ans au Festival, d’abord comme délégué général (1978-2001), puis comme président (2001-2014), et il semble fâché de ne pas apparaître dans le documentaire sur l’histoire de la Palme d’or. « Personne n’est venu m’interviewer. C’est la preuve qu’il n’y a pas de collusion entre l’artistique et le merchandising », ironise-t-il.Les marques et les groupes, Gilles Jacob connaît : c’est lui qui a créé le Club des grands partenaires, en 1984, à l’époque où Pierre Viot présidait le Festival. « Pierre Viot m’a donné carte blanche tout en balisant le terrain : vous pouvez y aller, m’a-t-il dit, mais modérément. On a fait alors entrer Air France, Renault, L’Oréal, Canal+, etc. Les partenariats ont pu représenter plus du tiers du budget du Festival », raconte Gilles Jacob.Il a fallu, dit-il, recadrer L’Oréal, maquilleur officiel depuis 1997, lorsqu’il a testé à Cannes son fameux slogan « parce que je le vaux bien ».« On leur a dit : “Il faut se calmer.” Cela devenait trop arrogant. » Créé au début des années 1970, le slogan avait une dimension émancipatrice, féministe, puis il a fait le tour du monde, indique L’Oréal sur son site. Pour l’heure, les réalisatrices qui briguent « la compét’» ne s’en sont pas emparées…Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Aureliano Tonet « Il faut faire le tournage contre le scénario, et le montage contre le tournage », aimait à répéter François Truffaut, pour définir sa méthode de travail. La remarque vaut pour toute la profession : rares sont les milieux aussi réactifs que le cinéma.Le Festival de Cannes, dont la 68e édition débute ce mercredi, en témoigne, à sa manière. Lui aussi se construit « contre ». Il lui faut d’abord tenir tête à la concurrence, toujours prompte, de Berlin à Venise, à voler des vedettes à la Croisette.Mais c’est surtout contre lui-même que se bat, et se bâtit, le Festival cannois. Voyez les sections parallèles, qui n’hésitent plus à « chiper » des films à la barbe de la Sélection officielle. Cette année, la présence à la Quinzaine des réalisateurs des Mille et une nuits, la trilogie très attendue de Miguel Gomes, relève en partie de ces croche-pattes internes.Pour ce qui est des pieds de nez, l'Officielle reste à la pointe : il faut croire qu’elle tire un certain plaisir à se dédire – au point que chaque édition semble répondre à la précédente. En 2014, Mommy fut couvé par la critique mais boudé par le jury, qui lui refusa la Palme d’or ? Qu’à cela ne tienne : en 2015, son réalisateur, Xavier Dolan, fait partie dudit jury.Depuis ce poste d’observation privilégié, le Québécois aura tout loisir d’apprécier le film d’ouverture, La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot : l’histoire d’un blondinet hypersensible, abandonné par une mère aimante mais dépassée… « Mommy, le retour », me direz-vous ? Plutôt son parfait inverse. Au lyrisme stylisé de Dolan, Bercot oppose une mise en scène sobre, presque éteinte. Centrale dans Mommy, la figure maternelle s’estompe dans La Tête haute, au profit d’une juge et d’un éducateur – nous ne sommes pas en Amérique du Nord, mais en France, où l’Etat joue plus facilement les parents de substitution.Du reste, en s’ouvrant par un film social à la française, plutôt que par une constellation d’étoiles hollywoodiennes, le Festival marque une rupture avec les traditions maison. Pierre Lescure progresse pareillement à rebours : là où son prédécesseur, Gilles Jacob, se montrait souvent évasif au sujet des partenariats noués avec de grandes marques, le nouveau président les assume, les affiche, les aligne.Quitte à ce qu’ils empiètent sur la programmation : organisé par le groupe Kering, le cycle Women in Motion entend « célébrer les talents féminins », à travers des tables rondes et la remise d’un prix. Le dispositif fait d’autant plus jaser qu’il met en lumière le retard criant du Festival en matière de parité…C’est un péril bien connu des empêcheurs de tourner en rond : à force de multiplier les contre-pieds, leur talon d’Achille n’en devient, paradoxalement, que plus saillant. Le programme officiel du 68e Festival de CannesSélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuit O Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie) La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France) La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil) ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse) Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 12h28 • Mis à jour le13.05.2015 à 14h49 | Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski 13.05.2015 à 06h29 • Mis à jour le13.05.2015 à 17h57 | Clarisse Fabre Tapis rouge pour les partenaires officiels du Festival de Cannes. La soixante-huitième édition cannoise s’ouvre mercredi 13 mai, avec un nouveau président, Pierre Lescure, lequel succède à Gilles Jacob, et deux nouveaux partenaires : MasterCard, l’entreprise de système de paiement, et Kering, nouveau nom du groupe de François-Henri Pinault, l’un des leaders mondiaux du luxe et des accessoires.Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, le 16 avril, à Paris, cela n’a échappé à personne : Pierre Lescure a davantage parlé d’argent que de cinéma. Son propos s’est focalisé sur les partenaires officiels que sont Renault, Air France, Canal+, L’Oréal, Chopard, Europcar, etc. Il s’est réjoui que certains contrats aient été prolongés ou reconduits, pointant la dimension citoyenne de tel ou tel partenaire. De mémoire de festivalier, on n’avait jamais vu cela. Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ en 1984, qui en deviendra le patron en 1994, sait qu’il est attendu au tournant.« Certains journalistes ont ironisé à propos de mon intervention. Ils ont dit : la chaîne payante parle des sponsors. » Il assume : il faut mettre l’accent sur les partenaires qui proposent un contenu citoyen. « A l’heure où les comptes publics sont serrés, il est important que le Festival ne fasse pas que de l’étalage “carpet” », explique-t-il, en faisant allusion au rituel glamour de la montée des marches.Pierre Lescure se félicite ainsi que le contrat signé avec Kering soit d’un genre nouveau. Outre la dimension financière, celui-ci a vocation à soutenir la place des femmes dans l’industrie du cinéma, avec le lancement du programme Women in Motion, à partir du 14 mai, à l’Hôtel Le Majestic. Le sujet est sensible sur la Croisette, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, étant régulièrement interpellé sur l’absence ou le peu de femmes réalisatrices retenues dans la compétition officielle. Cette année, seuls deux films de la compétition, sur un total de dix-neuf, sont réalisés par des femmes – Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, et Mon roi, de Maïwenn.Poil à gratter« Il ne nous appartient pas de commenter l’état des lieux, mais d’essayer de comprendre en posant des questions simples. Il faut aussi analyser l’impact de la situation : l’industrie du cinéma se prive de talents », indique la directrice de la communication de Kering, Louise Beveridge. « Kering est un détonateur pour que d’autres partenaires ne fassent pas que de l’affichage », salue Pierre Lescure.Reste à savoir si cette initiative servira de poil à gratter, ou plutôt d’éteignoir à la polémique sur le genre des cinéastes. Thierry Frémaux aura l’occasion de s’exprimer, à la tribune de Women in Motion, durant le Festival. Pour le reste, les conférences vont donner la parole à des femmes réalisatrices, productrices, comédiennes, distributrices. Histoire de montrer que les talents sont là : cherchez la femme, derrière la Palme… L’actrice et réalisatrice Isabella Rossellini, qui préside cette année le jury d’Un certain regard, inaugurera le premier « talk », jeudi 14 mai, avec la productrice Claudie Ossard. Parmi les autres invitées, la productrice Sylvie Pialat, la comédienne Isabelle Huppert… ou encore la star mexicaine Salma Hayek-Pinault, comédienne, réalisatrice et productrice, qui est aussi l’épouse du PDG de Kering. C’est elle, par ailleurs, qui aurait sensibilisé son mari, François-Henri Pinault, à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle est à ce titre membre du bureau de la fondation Kering. Très médiatisée – elle a fait la couverture du magazine Elle du 24 avril –, Salma Hayek est enfin l’héroïne de TheTale of Tales, dernier film de Matteo Garrone, en compétition officielle à Cannes. Devant tant de feux croisés, on se doit de lever le doute : Kering n’a pas mis d’argent dans cette coproduction franco-italienne (Le Pacte-Archimède). « Il n’y a pas de lien entre la carrière de Salma Hayek-Pinault, son rôle d’actrice et Kering », précise-t-on chez Kering.Le groupe de François-Henri Pinault se veut « l’ami discret du cinéma ». Kering, en son nom propre, mais aussi à travers ses marques ou sa fondation, est engagé depuis plus de dix ans dans le cinéma, explique Louise Beveridge, citant le soutien à l’école de la Cité Cinéma et Télévision de Luc Besson, au Tribeca Film Institute de New York, au Britdoc de Londres, ou encore au Festival Lumière de Lyon, piloté par Thierry Frémaux.Le cinéma, les femmes, et maintenant l’environnement : Kering est le coproducteur du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le Ciel, lequel sera projeté en clôture du Festival, hors compétition, dimanche 24 mai. Pour Kering, le choix d’investir dans ce film s’inscrit dans l’actualité sur le climat, avec la tenue à Paris, fin 2015, de la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 21). Il n’empêche : selon nos informations, c’est la première fois, dans l’histoire du Festival, qu’un film coproduit par un partenaire officiel se retrouve… dans la programmation cannoise.« Quand Luc Jacquet m’a parlé du film pour la première fois, Kering n’était pas encore partenaire, assureThierry Frémaux. Par ailleurs, le film a été refusé par toutes les chaînes publiques. Heureusement que Kering était là. C’est peut-être cela le vrai sujet. » Toujours est-il que Kering réalise une belle opération de communication : « La sélection du film en clôture de Cannes ne faisait pas partie d’un “deal” entre le Festival et Kering. C’est une divine surprise. Et une belle rampe de lancement avant la sortie du film en France, en octobre », souligne la directrice de la communication de Kering. Kering n’est pas le seul sponsor à donner une coloration politiquement correcte au Festival. Le joaillier Chopard est partenaire officiel depuis près de vingt ans, et fabrique à ce titre la Palme d’or. Chopard a « grandi » avec le Festival : le partenariat lui a permis de lancer sa ligne de « très haute joaillerie », dénommée Red Carpet. Aujourd’hui, le joaillier communique plus volontiers sur le caractère « équitable » de la Palme : car l’or utilisé pour le trophée provient de mines colombiennes ayant obtenu le label Fair Mine (mines « équitables »).« Recadrer L’Oréal »Le public cannois pourra bientôt découvrir un documentaire sur le sujet, financé en partie par… Chopard, et inscrit à Cannes Classics : La Légende de la Palme d’or, réalisé par Alexis Veller. Directrice de la communication de Chopard, Raffaella Rossiello précise qu’il s’agit d’une participation minoritaire (40 %) du joaillier : « Ce n’est pas un film Chopard », dit-elle. Disons qu’il est en empathie : le réalisateur ne s’en cache pas, il est le compagnon de la coprésidente et directrice artistique de Chopard, Caroline Scheufele.Alexis Veller dit simplement : « Allez voir le film. C’est un travail documenté, je dois prononcer une seule fois le mot Chopard. Le film montre les conditions de travail dans les mines. Et j’ai interviewé des lauréats de la Palme d’or qui ont tous des histoires fortes à raconter. » Thierry Frémaux renchérit : « Au départ, ce film devait faire l’objet d’une projection privée, mais on l’a trouvé tellement formidable qu’on a voulu le montrer, pour que les festivaliers en profitent. »Il y a en un, tout de même, qui fronce les sourcils : c’est Gilles Jacob. Il a officié près de quarante ans au Festival, d’abord comme délégué général (1978-2001), puis comme président (2001-2014), et il semble fâché de ne pas apparaître dans le documentaire sur l’histoire de la Palme d’or. « Personne n’est venu m’interviewer. C’est la preuve qu’il n’y a pas de collusion entre l’artistique et le merchandising », ironise-t-il.Les marques et les groupes, Gilles Jacob connaît : c’est lui qui a créé le Club des grands partenaires, en 1984, à l’époque où Pierre Viot présidait le Festival. « Pierre Viot m’a donné carte blanche tout en balisant le terrain : vous pouvez y aller, m’a-t-il dit, mais modérément. On a fait alors entrer Air France, Renault, L’Oréal, Canal+, etc. Les partenariats ont pu représenter plus du tiers du budget du Festival », raconte Gilles Jacob.Il a fallu, dit-il, recadrer L’Oréal, maquilleur officiel depuis 1997, lorsqu’il a testé à Cannes son fameux slogan « parce que je le vaux bien ».« On leur a dit : “Il faut se calmer.” Cela devenait trop arrogant. » Créé au début des années 1970, le slogan avait une dimension émancipatrice, féministe, puis il a fait le tour du monde, indique L’Oréal sur son site. Pour l’heure, les réalisatrices qui briguent « la compét’» ne s’en sont pas emparées…Clarisse FabreReporter culture et cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Aureliano Tonet « Il faut faire le tournage contre le scénario, et le montage contre le tournage », aimait à répéter François Truffaut, pour définir sa méthode de travail. La remarque vaut pour toute la profession : rares sont les milieux aussi réactifs que le cinéma.Le Festival de Cannes, dont la 68e édition débute ce mercredi, en témoigne, à sa manière. Lui aussi se construit « contre ». Il lui faut d’abord tenir tête à la concurrence, toujours prompte, de Berlin à Venise, à voler des vedettes à la Croisette.Mais c’est surtout contre lui-même que se bat, et se bâtit, le Festival cannois. Voyez les sections parallèles, qui n’hésitent plus à « chiper » des films à la barbe de la Sélection officielle. Cette année, la présence à la Quinzaine des réalisateurs des Mille et une nuits, la trilogie très attendue de Miguel Gomes, relève en partie de ces croche-pattes internes.Pour ce qui est des pieds de nez, l'Officielle reste à la pointe : il faut croire qu’elle tire un certain plaisir à se dédire – au point que chaque édition semble répondre à la précédente. En 2014, Mommy fut couvé par la critique mais boudé par le jury, qui lui refusa la Palme d’or ? Qu’à cela ne tienne : en 2015, son réalisateur, Xavier Dolan, fait partie dudit jury.Depuis ce poste d’observation privilégié, le Québécois aura tout loisir d’apprécier le film d’ouverture, La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot : l’histoire d’un blondinet hypersensible, abandonné par une mère aimante mais dépassée… « Mommy, le retour », me direz-vous ? Plutôt son parfait inverse. Au lyrisme stylisé de Dolan, Bercot oppose une mise en scène sobre, presque éteinte. Centrale dans Mommy, la figure maternelle s’estompe dans La Tête haute, au profit d’une juge et d’un éducateur – nous ne sommes pas en Amérique du Nord, mais en France, où l’Etat joue plus facilement les parents de substitution.Du reste, en s’ouvrant par un film social à la française, plutôt que par une constellation d’étoiles hollywoodiennes, le Festival marque une rupture avec les traditions maison. Pierre Lescure progresse pareillement à rebours : là où son prédécesseur, Gilles Jacob, se montrait souvent évasif au sujet des partenariats noués avec de grandes marques, le nouveau président les assume, les affiche, les aligne.Quitte à ce qu’ils empiètent sur la programmation : organisé par le groupe Kering, le cycle Women in Motion entend « célébrer les talents féminins », à travers des tables rondes et la remise d’un prix. Le dispositif fait d’autant plus jaser qu’il met en lumière le retard criant du Festival en matière de parité…C’est un péril bien connu des empêcheurs de tourner en rond : à force de multiplier les contre-pieds, leur talon d’Achille n’en devient, paradoxalement, que plus saillant. Le programme officiel du 68e Festival de CannesSélection officielleEn compétitionDheepan (titre provisoire), de Jacques Audiard (France)La Loi du marché, de Stéphane Brizé (France)Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli (France)Chronic, de Michel Franco (Mexique)Il racconto dei racconti (Tale of Tales), de Matteo Garrone (Italie – France – Royaume-Uni)Carol, de Todd Haynes (Royaume-Uni – Etats-Unis)Nie yinniang (The Assassin), de Hou Hsiao-hsien (Taïwan)Shan he gu ren (Mountains May Depart), de Jia Zhang-Ke (Chine – France)Umimachi Diary (Notre petite sœur), de Kore-eda Hirokazu (Japon)Macbeth, de Justin Kurzel (Royaume-Uni – France – Etats-Unis)The Lobster, de Yorgos Lanthimos (Grèce – Royaume-Uni – Irlande – Pays-Bas – France)Mon roi, de Maïwenn (France)Mia madre, de Nanni Moretti (Italie – France)Saul fia (Le Fils de Saul), de László Nemes (Hongrie)Valley of Love, de Guillaume Nicloux (France)Youth, de Paolo Sorrentino (Italie – France – Suisse – Royaume-Uni)Louder than Bombs (Plus fort que les bombes), de Joachim Trier (Norvège – France – Danemark – Etats-Unis)The Sea of Trees, de Gus Van Sant (Etats-Unis)Sicario, de Denis Villeneuve (Etats-Unis).Hors compétitionLa Tête haute (film d’ouverture), d’Emmanuelle Bercot (France)Irrational Man (L’Homme irrationnel), de Woody Allen (Etats-Unis)Inside Out (Vice versa), de Pete Docter (Etats-Unis)Mad Max : Fury Road, de George Miller (Australie – Etats-Unis)Le Petit Prince, de Mark Osborne (France)Séances de minuit O Piseu (Office), de Hong Won-chan (Corée du Sud)Amy, d’Asif Kapadia (Royaume-Uni)Love, de Gaspar Noé (France)Séances spécialesAsphalte, de Samuel Benchetrit (France)Oka, de Souleymane Cisse (Mali)Une histoire de fou, de Robert Guédiguian (France)Hayored Lema’ala (L’Esprit de l’escalier), d’Elad Keidan (Israël)Sipur al Ahava ve Choshech (Une histoire d’amour et de ténèbres), de Natalie Portman (Etats-Unis)Amnesia, de Barbet Schroeder (Suisse – France)Panama, de Pavle Vuckovic (Serbie)Un certain regardAn (film d’ouverture), de Naomi Kawase (Japon)Masaan, de Neeraj Ghaywan (Inde)Hrutar (Béliers), de Grímur Hakonarson (Islande)Kishibe no Tabi (Vers l’autre rive), de Kurosawa Kiyoshi (Japon)Je suis un soldat, de Laurent Larivière (France – Belgique).Zvizdan (Soleil de plomb), de Dalibor Matanic (Croatie – Serbie – Slovénie)Taklub, de Brillante Mendoza (Philippines)The Other Side, de Roberto Minervini (France – Italie)Un etaj mai jos (L’Etage du dessous), de Radu Muntean (Roumanie – France – Suède – Allemagne)Mu-roe-han (The Shameless), d’Oh Seung-uk (Corée du Sud)Las Elegidas (The Chosen Ones), de David Pablos (Mexique)Nahid, d’Ida Panahandeh (Iran)Comoara (Le Trésor), de Corneliu Porumboiu (France – Roumanie)Alias Maria, de José Luis Rugeles Gracia (Colombie – Argentine)Madonna, de Shin Su-won (Corée du Sud)Chauthi Koot (La Quatrième Voie), de Gurvinder Singh (Inde)Rak ti khon kaen, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)Maryland, d’Alice Winocour (France – Belgique)Lamb, de Yared Zeleke (Ethiopie) La Quinzaine des réalisateursL’Ombre des femmes (film d’ouverture), de Philippe Garrel (France)A Perfect Day, de Fernando Leon de Aranoa (Espagne)Allende, mi Abuelo Allende, de Marcia Tambutti Allende (Chili – Mexique)As Mil e Uma Noites (Les Mille et Une Nuits), de Miguel Gomes (Portugal – France – Allemagne)- Volume 1, O inquieto- Volume 2, O desolado- Volume 3, O encantadoLes Cowboys, de Thomas Bidegain (France)Dope (film de clôture), de Rick Famuyiwa (Etats-Unis)Efterskalv, de Magnus von Horn (France – Pologne – Suède)El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra (Colombie – Venezuela – Argentine)Fatima, de Philippe Faucon (France)Green Room, de Jeremy Saulnier (Etats-Unis)Much Loved, de Nabil Ayouch (Maroc - France)Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (France)Peace to Us in our Dreams, de Sharunas Bartas (Lituanie - France)Songs my Brothers Taught Me, de Chloé Zhao (Etats-Unis)Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael (Luxembourg – France – Belgique)Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin (France) La Semaine de la critiqueDégradé, d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine – France – Qatar)Les Anarchistes (film d’ouverture), d’Elie Wajeman (France)Krisha, de Trey Edward Shults (Etats-Unis)Mediterranea, de Jonas Carpignano (Italie – France – Etats-Unis – Allemagne – Qatar)Ni le ciel ni la terre (The Wakhan Front), de Clément Cogitore (France – Belgique)Paulina (La Patota), de Santiago Mitre (Argentine – Brésil – France)Sleeping Giant, d’Andrew Cividino (Canada)La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), de César Augusto Acevedo (Colombie – France – Pays-Bas – Chili – Brésil) ACIDCosmodrama, de Philippe Fernandez (France – Belgique)Crache cœur, de Julia Kowalski (France – Pologne)De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch (France)Gaz de France, de Benoît Forgeard (France)Je suis le peuple, d’Anna Roussillon (France)Pauline s’arrache, d’Emilie Brisavoine (France)The Grief of Others, de Patrick Wang (Etats-Unis)La Vanité, de Lionel Baier (Suisse – France)Volta a Terra , de Joao Pedro Placido (Portugal – France – Suisse) Cannes ClassicsCopies restauréesRocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960, Italie – France)Les Yeux brûlés, de Laurent Roth (1986, France)Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958, France)La Noire de… (Black Girl), d’Ousmane Sembène (1966, France – Sénégal)Insiang, de Lino Brocka (1976, Philippines)Le Sud, de Fernando Solanas (1988, Argentine – France)Le Conte du chrysanthème tardif, de Kenji Mizoguchi (1939, Japon)Combat sans code d’honneur, de Kinji Fukasaku (1973, Japon)Les Sans-Espoir, de Miklós Jancsó (1965, Hongrie)Les Ordres (Orderers), de Michel Brault (1974, Canada)Panique, de Julien Duvivier (1946, France)Xia Nu (A Touch of Zen), de King Hu (1973, Taïwan)Dobro Pozhalovat, ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing), d’Elem Klimov (1964, URSS)L’Histoire officielle, de Luis Puenzo (1984, Argentine)Marius, d’Alexander Korda (1931, France)Documentaires sur le cinémaHitchcock/Truffaut, de Kent Jones (Etats-Unis)Depardieu grandeur nature, de Richard Melloul (France)Steve McQueen : the Man & Le Mans, de Gabriel Clarke et John McKenna (Etats-Unis – Royaume-Uni)By Sidney Lumet, de Nancy Buirski (Etats-Unis)Harold and Lilian : a Hollywood Love Story, de Daniel Raim (Etats-Unis)La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend), d’Alexis Veller (France)Centenaire Orson WellesCitizen Kane, d’Orson Welles (1941, Etats-Unis)The Third Man (Le Troisième Homme), de Carol Reed (1949, Royaume-Uni)The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghaï), d’Orson Welles (1948, Etats-Unis)Orson Welles. Autopsie d’une légende, d’Elisabeth Kapnist (France)This Is Orson Welles, de Clara et Julia Kuperberg (France)Autres hommagesMore, de Barbet Schroeder (1969, RDA – France – Luxembourg)Visita ou Memorias e Confissoes, de Manoel de Oliveira (1982, Portugal)Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid), de Stig Björkman (Suède)Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 12.05.2015 à 16h11 • Mis à jour le14.05.2015 à 08h06 | Thomas Sotinel (New York, envoyé spécial) Elevés dans le Minnesota, Joel (né en 1953) et Ethan (né en 1957) Coen se sont installés à New York, très loin de Hollywood. Pourtant, des réalisateurs de leur génération, ils peuvent se prévaloir de la relation la plus harmonieuse avec les producteurs et les studios, sans jamais rien sacrifier de leur indépendance. Sur les murs de leur bureau, des écrans affichent une image de marins américains en rang sur un plateau de cinéma. En attendant de partir pour Cannes, où ils présideront le jury de la compétition, les Coen commencent le montage de Hail Caesar, un film situé à Hollywood en 1951, avec entre autres George Clooney et Scarlett Johansson, dont le tournage – à Los Angeles – vient de s’achever.Quand avez-vous pris conscience de l’existence du Festival de Cannes ?E. C. Quand on grandit dans le Midwest, on sait vaguement qu’il existe quelque chose qu’on appelle le Festival de Cannes, mais je ne sais pas ce que ça nous disait.J. C. On devait croire que c’était quelque chose du genre « Hollywood  ». La première fois que nous y sommes allés, c’était en 1984 ?E.C. Oui, nous avions un film sur le marché [Sang pour sang, leur premier]. Ensuite, dès notre deuxième film [Arizona Junior, présenté hors compétition en 1987], le Festival a soutenu notre travail. Ç’a eu une énorme importance.Et puis est venue votre grande année.J. C. Oui, Barton Fink [en 1991]. Et ç’a été le grand choc. On ne s’attendait pas à remporter la Palme d’or.E. C. Polanski était président du jury. On a trouvé ça drôle, parce que Barton Fink était un film du genre Polanski.J. C. Je me rappelle avoir dit à Roman : « On a eu de la chance que vous soyez président du jury. Parce que notre film doit tant aux vôtres. » Ce film était presque conçu pour qu’il l’aime.Comment abordez-vous l’aspect compétitif d’un festival ?J. C. Un film qui a eu un prix n’est pas forcément le meilleur. Mais c’est une bonne manière de commencer une discussion. C’est pourquoi, quand nous avons un film à Cannes, nous préférons qu’il soit en compétition, parce que c’est là que la conversation est la plus volubile.E. C. Et elle profite à tous les films, pas seulement à ceux qui sont primés.Avez-vous mis au point votre méthode de travail pour cette position sans précédent de présidents en duo ?E. C. Non, parce que nous n’avons jamais été jurés. On ne sait pas ce que ça implique.Vous avez exactement les mêmes goûts en matière de cinéma ?[A l’unisson.] Non.J. C. Nous avons chacun une voix, nous ne sommes pas obligés d’être d’accord.Avez-vous des disputes passionnées au sujet des films des autres ?[Ils éclatent de rire.]E. C. Quand nous aimons quelque chose, nous disons : « Bon, ce n’était pas trop mal. »J. C. Et il faut vous souvenir que nous venons d’une partie du pays qui a été peuplée par les Scandinaves. Nous apportons une sensibilité scandinave à la notion de passion.Comment passez-vous d’un film à l’autre ? Y a-t-il des moments où vous devez privilégier un projet plutôt qu’un autre ?J. C. Ça dépend de la disponibilité des acteurs.E. C. Nous voulions faire The Big Lebowski [1998] deux ans plus tôt, mais Jeff Bridges et John Goodman travaillaient sur d’autres films.Comment faites-vous, en étant si loin de Hollywood ? Si on veut travailler avec de grandes stars – ce que vous faites  –, il faut être sur le terrain, non ?E.C. Maintenant que nous sommes connus, ce n’est pas parce qu’un acteur ne nous aura pas vus à une fête à Hollywood qu’il nous répondra non. Par ailleurs, nous ne sommes pas en quête de projets, de scénarios. Nous écrivons nous-mêmes et nous ne dépendons pas des studios pour monter notre prochain film.Quel rôle joue la géographie quand vous passez d’un film à l’autre ? Inside Llewyn Davis, en 2013, se situait Côte est, donc après vous faites un film en Californie ?E. C. En général, on essaie de faire un film différent du précédent.J. C. La géographie, les décors sont très importants quand nous nous mettons à réfléchir à une histoire. C’est ce qui commence à faire circuler l’énergie, ce qui stimule l’imagination.Vous avez tourné deux films pour ­chaque région, le Texas, le Sud, New York, la Californie… Ce sont vos territoires de chasse, ou allez-vous en explorer d’autres ?J. C. J’espère bien. Los Angeles est toujours très stimulant pour imaginer une histoire, bien que nous ayons choisi de ne pas y vivre. New York, hmmm. Pas tant que ça. Où est-ce qu’on pourrait bien situer le prochain  ? Ma femme [l’actrice Frances McDormand] n’arrête pas de me dire que nous devrions faire un film en Toscane, simplement parce qu’elle a envie de passer trois mois là-bas. Ou dans le sud de la France. D’ailleurs… [Il rit.]E. C. Oui, ça pourrait se passer à Nice ou à Monte-Carlo.J. C. Qui sait, on pourrait bien tourner un film à Monte-Carlo.E. C. On va ressusciter le film de monte-en-l’air.Du genre « La Main au collet  », d’Alfred Hitchcock ?E. C. Oui, ou La Panthère rose. Le voleur en col roulé noir, très sophistiqué.Le désir de découvrir un genre peut déclencher l’envie de faire un film ?J. C. C’était un grand plaisir de tourner un western, ce que nous n’avions jamais fait jusqu’à True Grit [2010]. On avait cette vision romantique du tournage d’un western jusqu’à ce que nous soyons confrontés à la réalité d’une collaboration de quatre mois avec des chevaux, ce qui était incroyablement chiant. Mais ces idées sont toujours très séduisantes quand elles vous viennent.Vous pourriez faire un film de safari.J. C. On n’y a jamais pensé, Hatari [1962], ­Mogambo [1953]. Oui, bien sûr, c’est plutôt une bonne idée.E.C. Avec des plans de rhinocéros pas tout à fait raccord. Quand on a tourné avec Billy Bob Thornton [dans The Barber, en 2001, et Intolérable cruauté, en 2003], on a parlé d’un film de Tarzan. Bon, il était un peu au-delà de la limite d’âge.J. C. Mais il a beaucoup aimé l’idée, surtout quand on lui a dit qu’on tournerait la scène du combat à mains nues avec le crocodile.E. C. C’est très difficile de faire des films dans un genre auquel le public ne s’intéresse plus, comme les cambrioleurs ou les films de ferme… On avait aussi pensé à faire un film de cheval parlant.« Hail Caesar  » relève aussi de la tradition du film hollywoodien traitant de Hollywood ?J. C. Tout à fait. C’est un film qui parle d’un studio en 1951, et on voit un certain nombre de films en cours de réalisation.E. C. Je croyais que vous alliez dire : « La tradition de George Clooney dans un rôle d’abruti  ». Parce que c’est aussi ça. C’est l’un des meilleurs abrutis de notre temps.Ce sont des personnages imaginaires qui portent le nom de personnes ayant vraiment existé ?E. C. Pour une raison que j’ignore, nous tenions absolument à utiliser le nom d’Eddie Mannix. Il arrangeait les problèmes de la Metro Goldwyn Mayer [MGM, grand studio de cinéma américain] dans les années 1940 et 1950. Le personnage n’a pas grand-chose à voir avec la personne réelle. Ce qui nous a intéressés, c’est cette communauté dans laquelle le contrat de Clark Gable avec la MGM consiste en une poignée de main avec Eddie Mannix, où Loretta Young est obligée d’adopter sa propre fille parce qu’elle ne peut révéler qu’elle est née en dehors des liens du mariage, où il faut cacher l’homosexualité des stars. Ce sont des gens qui faisaient des choses étranges tout en travaillant à un art dont nous savons deux ou trois choses.Avez-vous vu la série « Fargo » ?J. C. J’ai vu le premier épisode, parce qu’ils nous l’ont envoyé. Je ne regarde pas la télévision, du tout. Ma femme a fait quelque chose pour HBO [la minisérie « Olive Kitteridge  », réalisée par Lisa Cholodenko], elle aurait été mécontente si je ne l’avais pas regardé.Donc la télévision ne vous intéresse pas ?E. C. et J. C. Non.J. C. Nous avons tendance à aimer quelque chose qui se fait de plus en plus rare  : le film de quatre-vingt-dix à cent vingt minutes, qu’on peut projeter dans une salle.Les créateurs de la série « Fargo  » ont gardé l’avertissement que vous aviez placé au début du film de 1996  : « A la demande des survivants, les noms ont été changés, par respect pour les morts, le reste est raconté exactement comme il est arrivé. » Or, rien de tout ça ne s’est passé. Vous aimez jouer avec le spectateur. Cet avertissement infléchit sa perception.J. C. Ce que nous voulons, c’est contrôler l’état d’esprit du spectateur. Que ce soit par un carton comme celui-là, ou d’une autre façon. Comme commencer The Big Lebowski avec cette voix off bizarre. C’est une manière d’imposer un état d’esprit. Dans le cas de Fargo, c’est très direct. Dans d’autres cas, on ne peut pas le disséquer précisément, mais la voix off fait le travail. Il ne s’agit pas forcément de déconcerter les gens, même si c’est une possibilité. Il s’agit surtout de les contrôler.E. C. Nous aimons tous les deux beaucoup Le Troisième Homme [1949], dont la voix off n’est pas un narrateur omniscient mais un personnage qu’on ne rencontre jamais.Quels étaient vos goûts quand vous étiez enfants ?E. C. On voyait ce qu’on pouvait voir, ce qui passait au cinéma, ce qu’on montrait à la télévision. Des fonds de tiroir des studios dans les années 1960. Des films plus anciens aussi, Le Faucon maltais [1941], tard le soir.J. C. Quand on a été plus vieux, nous sommes allés à la film society de l’université du Minnesota. C’était l’époque des grands ciné-clubs universitaires, et ils montraient des films européens et des vrais classiques hollywoodiens. Et des Marx Brothers.Donc le film court que vous avez fait pour le 60e anniversaire de Cannes, avec Josh Brolin en cow-boy qui hésite entre « La Règle du jeu  » (1939), de Jean Renoir, et « Les Climats  » (2006), de Nuri Bilge ­Ceylan, dit quelque chose de votre relation au cinéma européen ?E. C. Absolument. Nous sommes étrangers à cette tradition. On n’en a pas l’habitude, mais des fois c’est intéressant. Josh, c’est nous.J. C. Et il demande s’il y a du bétail dans le film. Thomas Sotinel (New York, envoyé spécial)Journaliste au Monde 12.05.2015 à 15h35 • Mis à jour le12.05.2015 à 17h18 | Lisa Vignoli Quand les VIP veulent faire une pause dans la fureur cannoise, ils se retrouvent au « patio » de Canal+. Chaque année, la chaîne cryptée aménage à grands frais cet espace indispensable à son image de marque. De l’extérieur, c’est un sobre bloc gris clair, à la droite du Palais des festivals. Pas de tapis rouge qui détourne la trajectoire du badaud cannois vers les marches. A peine une moquette recouvrant le bitume du même gris sur quelques mètres et, peut-être, ce « Canal + » en lettres blanches sur la façade et ces vigiles à l’entrée pour attirer le regard. Mais les initiés, eux, savent. Méconnu du grand public, le « patio » de Canal + est un must dans le petit milieu. Pendant toute la durée du festival, producteurs, réalisateurs, talents, auteurs, et professionnels du cinéma convergent ici.« Il n’y a pas de passe mais on laisse entrer les gens que l’on connaît », indique la directrice des relations publiques de Canal + et capitaine de ce navire discret, Véronique Revel-Rongier. C’est elle qui se charge de tout. Des rendez-vous officiels, comme ce déjeuner, la veille du festival, où se réunit l’équipe d’ouverture, aux rituels les plus institutionnalisés. Chaque année, par exemple, après la remise de la Palme et pendant la projection du film de clôture, remettants et lauréats se retrouvent ici. Au patio, Jean Dujardin est venu fêter en 2011 son Prix d’interprétation pour The Artist, l’équipe de La Vie d’Adèle sa Palme en 2013 et Xavier Dolan son Prix du jury, l’an dernier. Pour Canal +, puissant prescripteur du cinéma français et partenaire du Festival depuis vingt-cinq ans, disposer d’un tel lieu de rencontres est certes « un investissement important », mais aussi un atout indispensable pour recevoir ses invités comme à la maison. Lieu de détente, le patio de Cannes se veut aussi un lieu de rencontres professionnelles sur un mode décontracté. « Pour Studio Canal [la filiale d’acquisition, de coproduction et de distribution de films du groupe], cela reste un espace plus informel et confidentiel que leur stand au Marché du film », à quelques mètres de là, explique la chaîne.Cet espace de 1 200 mètres carrés à l’atmosphère conviviale donne l’impression d’avoir toujours été là, avec son jonc de mer au sol, ses photos en noir et blanc aux murs et ses différentes terrasses. Mais avant de prendre place ici, les blocs qui le composent sont conservés le reste de l’année en région parisienne, transportés jusqu’à Cannes par treize semi-remorques et débarqués, avant d’être décorés, par une immense grue qui les place les uns à côté des autres, le tout en près d’un mois. « C’est comme une construction d’enfants », s’amuse Véronique Revel-Rongier. Quand tout est en place, les grands enfants viennent y célébrer les cinémas du monde entier. Et cela donne parfois lieu à des scènes inattendues : Sharon Stone baba d’admiration devant Agnès Varda, et lui disant : « Je suis prête à ce que tu me filmes pour n’importe quoi. » Patti Smith venue faire un concert surprise pour Vanessa Paradis, sa fan numéro un... Une ambiance bon enfant ponctuée de rares moments d’inimitié. Comme ce petit air glacé dans l’assistance quand les producteurs des biopics concurrents consacrés à Yves Saint Laurent se sont croisés. « Les gens qui mettent un soin particulier à s’éviter à Paris ont du mal à le faire ici », s’amuse un témoin de la scène.Lisa Vignoli Samuel Blumenfeld Thierry Frémaux a expliqué, en dévoilant la sélection officielle du Festival de Cannes, que « The Lobster » est l’un de ces films « dont on ne comprend pas tout ». Florilège dans cette catégorie très spéciale.  1946. « Le Grand Sommeil », d’Howard Hawks C’est le pionnier du genre. Son opacité tient aux interventions de nombreux scénaristes sur l’adaptation du roman de Raymond Chandler. Quand Lauren Bacall chante dans un tripot, on ignore pourquoi. Et lorsqu’un membre de la production a demandé au romancier qui aurait pu tuer le chauffeur de la famille Sternwood, il répondit qu’il n’en savait « foutre » rien !   1961. « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais Dans un palace, un homme cherche à convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison. Cette rencontre est-elle imaginaire ? Le romancier Alain Robbe-Grillet, scénariste du film, et Alain Resnais, son réalisateur, divergeaient sur cette question. Le spectateur reste coincé entre les deux, taraudé par l’ennui ou enthousiasmé par cette « oeuvre d’art », mais condamné à ne rien comprendre.   1968. « 2001, l’Odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick Ce chef-d’œuvre est bien un film hermétique, peu maîtrisable lors d’une première vision, en raison de sa densité. Mais comme tous les Kubrick, il s’avère limpide. C’est une fresque philosophique sur une civilisation extraterrestre à l’origine du dévelop­pement de ­l’humanité. Les trois minutes d’écran noir de l’ouverture, accompagnées de la musique de Ligeti, ont nourri sa légende.  2000. « Memento », de Christopher Nolan Un homme se réveille dans un motel. Sa femme est morte. Il ne se souvient de rien car il est amnésique. Le spectateur, lui, se porte bien jusqu’au moment où il comprend que le film est raconté à l’envers. Cet artifice pallie la banalité du scénario. Memento coïncide avec l’arrivée du DVD : grâce à la découpe en chapitres, il est possible de s’insérer dans l’histoire et de la reconstruire à sa guise.  2001. « Mulholland Drive », de David Lynch L’œuvre de ce cinéaste se partage entre des films à la ligne narrative épurée, comme le bien nommé The Straight Story, et d’autres, qui avancent en zigzag, en étoile, ou pas du tout. Inland Empire, Lost Highway et surtout ­Mulholland Drive sont de ceux-là. Si l’on accepte que la première partie de ce dernier est fantasmatique, il se révèle, en se concentrant à ­l’extrême, clair et net.The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, en salles en octobre 2015.Samuel BlumenfeldJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Franck Nouchi En compétition officielle à Cannes, « La Loi du marché », de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, se penche sur le parcours d'un homme qui perd son travail. Pouvez-vous résumer « La Loi du marché » en deux mots ?C’est l’histoire de quelqu’un qui est au chômage pendant un certain temps. Ensuite, il trouve un job d’agent de sécurité qui va le mettre face à un problème moral. Il s’appelle Thierry, c’est un homme bien, un homme droit. Avec sa femme, ils forment un joli couple.Pour monter votre film, vous avez eu recours à un système de production très particulier…Il y a quinze ans, pour faire ce genre de film social, on trouvait sans trop de problèmes les 2 millions, 2 millions et demi d’euros nécessaires. Aujourd’hui, tout a changé. Notamment la technologie, ces nouvelles caméras qui font qu’on n’a plus besoin d’équiper les plateaux avec les sources de lumière qu’on utilisait auparavant. Quant au financement, comme je n’avais aucune envie d’attendre un an et demi, j’ai appelé Vincent [Lindon] et je lui ai dit que je voulais faire le film avec un tout petit budget. Tout le monde, acteurs et techniciens, payé au tarif syndical, et nous trois, le producteur, Vincent et moi, en participation. Immédiatement, il m’a dit : « J’adore ! »Une manière de contourner la loi du marché ?Une manière de la respecter, au contraire. Avec un tel budget – 1,4 million d’euros – on aurait très bien pu payer tout le monde à 50% du tarif. Mais, déontologiquement, c’était impossible. Parmi les acteurs, tous non professionnels, beaucoup sont au smic. Quand on leur disait : « C’est 400 euros », ils pensaient que c’était pour tout le tournage. 400 euros par jour, ça leur semblait inimaginable. La plupart, d’ailleurs, auraient joué gratos. L’argent n’est pas sale en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait."Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit"Est-ce la situation en France, de chômage de masse, qui vous a insufflé l’énergie nécessaire pour réaliser ce film ?Je suis terrifié par ce qu’on lit, ce qu’on entend. La manière dont on se débarrasse des gens sur l’autel du profit. Comment on jette hors des entreprises des personnes d’à peine 50 ans, tout ça pour aller construire la même usine dans un pays pas si lointain, fabriquer le même produit et le revendre au même prix. Résultat : les profits sont de plus en plus colossaux. Quand je vois La Saga des Conti, le magnifique documentaire de Jérôme Palteau, qui raconte la lutte syndicale lorsque Continental a décidé de fermer l’usine de Clairoix, je suis bouleversé par la rage de ces types. C’est leur vie qu’on arrache. Alors, oui, ils se battent. Parfois physiquement.Auriez-vous pu tourner ce film avec un autre acteur que Vincent Lindon ?Ce sont les deux autres films que nous avons tournés ensemble, Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, et les centaines de verres et de repas qu’on a partagés qui nous ont amenés à La Loi du marché. Des désirs communs qui se croisent, qui s’alimentent. L’envie de mettre Vincent face à une telle situation morale. Que faire en pareille situation ? Accepter qu’une caissière soit virée juste parce qu’elle a récupéré des bons de réduction ? C’est un peu se demander ce qu’on ferait en cas de guerre. Y aller ou pas ? Pareil dans cet hypermarché. On élimine les gens, coûte que coûte, à la moindre petite faute. « La Loi du marché » accorde une place importante aux silences. Au temps qui s’écoule, très lentement…Je suis très marqué par le cinéma de Michael Haneke. Cette manière d’accepter de passer par quelques secondes de lassitude pour accéder à l’émotion. Parmi les cinéastes qui comptent pour moi, il y a Ken Loach. J’aime sa manière de faire résonner l’intime et le social. A la fois populaires et hyperintelligents, ses films nous questionnent et nous émeuvent. Il respecte ses spectateurs.Lire aussi (édition abonnés) : « La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographiqueLa Loi du marché, film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Karine de Mirbeck, Mathieu Schaller, Xavier Mathieu (1 h 33). Sortie le 19 mai.Franck NouchiJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet « Cannes à Paris », quatrième édition. L’événement, lancé en 2012, est devenu le rendez-vous de ceux qui désirent faire une immersion de trois jours, ou une simple incursion, dans la sélection cannoise depuis Paris, à l’occasion du week-end de clôture du Festival. Du vendredi 22 au dimanche 24 mai, le partenariat entre Le Monde et Gaumont-Pathé! permettra ainsi de découvrir, au cinéma le Gaumont-Opéra (2, boulevard des Capucines, Paris 9e), treize films dévoilés à Cannes, sans attendre leur sortie en salles.Parmi cette sélection dans la sélection, huit des dix-neuf longs métrages en compétition pour la Palme d’or. La moitié d’entre eux ont la particularité d’avoir été tournés en anglais par un cinéaste dont ce n’est pas la langue d’origine.Lire aussi :Festival de Cannes : anglais, première langueSoit Tale of Tales (Le Conte des contes), de l’Italien Matteo Garrone, adaptation fastueuse et très libre par le réalisateur de Gomorra de contes de Giambattista Basile, auteur napolitain du XVIIe siècle, sur les perversions du pouvoir, avec Salma Hayek, Vincent Cassel et John C. Reilly ; The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, autre fable, qui questionne métaphoriquement la place de l’amour dans notre société, avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux ; Louder Than Bombs (Plus fort que les bombes), du Norvégien Joachim Trier, portrait d’une famille new-yorkaise endeuillée, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg ; et enfin Youth, de l’Italien Paolo Sorrentino (Oscar du meilleur film étranger 2014 pour La Grande Bellezza), ode à la vieillesse, l’histoire de deux amis de près de 80 ans en vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz et Jane Fonda.Lire aussi :« Le Conte des contes » : images sages pour imaginaire sanglantLire aussi :« The Lobster » : un « Homard » mijoté à l’absurdeLire aussi :« Louder Than Bombs » : de l’explosion d’une famille, Joachim Trier ne tire que des éclats de cinémaLes quatre autres films sont The Sea of Trees (La Forêt des songes), de l’Américain Gus Van Sant, rencontre et odyssée à travers la « forêt des suicides », au pied du Mont Fuji, d’un Américain et d’un Japonais, avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts ; Marguerite et Julien, de la Française Valérie Donzelli, qui reprend un script abandonné par François Truffaut sur la relation incestueuse entre un frère et une sœur, avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm ; Mountains May Depart, du réalisateur chinois Jia Zhang-ke, qui, après A Touch of Sin, montre les espoirs, les amours et les désillusions de trois amis d’enfance sur un quart de siècle, entre une Chine en mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, avec Zhao Tao ; et enfin Macbeth, de l’Australien Justin Kurzel, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard.Lire aussi :« La Forêt des songes » : à la recherche de Gus Van SantEgalement présentés, deux films de la sélection Un Certain regard : An, de la Japonaise Naomi Kawase, qui a fait l’ouverture de cette section parallèle officielle, rassemble trois laissés-pour-compte autour d’une histoire de gâteau. Et Maryland, de la Française Alice Winocour, où un soldat victime de troubles de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan voit sa paranoïa confortée dans son nouvel emploi dans la sécurité, avec Matthias Schoenaerts et Diane Kruger.Lire aussi :« An » : le sens de la vie se niche dans une pâtisserieLe film du cinéaste français Robert Guédiguian, Une histoire de fou, est une des sept œuvres présentées cette année à Cannes lors des Séances spéciales, hors compétition. Il s’articule autour d’un trio fils, mère et blessé d’une bombe posée par le premier, sur fond de lutte pour la reconnaissance du génocide arménien dans les années 1980.Egalement présenté hors compétition, Le Petit Prince, film d’animation français réalisé par l’Américain Mark Osborne, qui avait déjà présenté à Cannes son Kung-fu Panda, imbrique le conte et l’imagerie de Saint-Exupéry dans une histoire contemporaine d’amitié entre une petite fille et un vieil aviateur.Enfin, Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle (1958), avec Jeanne Moreau, fait partie de Cannes Classics, qui présente au cours du festival une quinzaine de copies restaurées.Les places sont vendues au tarif habituel du cinéma Gaumont-Opéra (carte Le Pass, chèque cinéma, carte 5 places...), et il est fortement conseillé de les acheter à l’avance.Vendredi 22 mai19 heures - Le Conte des contes, de Matteo Garrone21 h 30 - The Lobster, de Yorgos LanthimosSamedi 23 mai13 heures - Une histoire de fou, de Robert Guédiguian15 h 45 - Louder Than Bombs, de Joachim Trier18 heures - An, de Naomi Kawase20 h 20 - La Forêt des songes, de Gus Van Sant22 h 30 - Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliDimanche 24 mai13 heures - Mountains May Depart, de Jia Zhang-ke15 h 30 - Le Petit Prince, de Mark Osborne15 h 30 - Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle17 h 45 - Macbeth, de Justin Kurzel20 heures - Youth, de Paolo Sorrentino22 h 15 - Maryland, d’Alice WinocourEmmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 16.05.2015 à 10h45 • Mis à jour le17.05.2015 à 08h50 | Thomas Sotinel Sélection officielle – en compétitionCette édition du Festival de Cannes est joliment arborée. Au bout de trois jours de sélection officielle, on a traversé les bois enchantés de Matteo Garrone (Le Conte des contes), les forêts polonaises qui entouraient les camps d’extermination (Le Fils de Saul), les rangs de cerisiers en fleur d’Hirokazu Kore-eda (Notre petite sœur) et de Naomi Kawase (An). Gus Van Sant se met lui ouvertement au vert avec The Sea of Trees (« la mer d’arbres »), qui sortira en France sous le titre La Forêt des songes.Aokigahara, 35 kilomètres carrés d’une végétation dense sur sol de roche volcanique au pied du mont Fuji, est en fait surtout connu sous son surnom de « forêt des suicides ». Chaque année, une centaine d’êtres humains, surtout des Japonais, mais pas seulement, s’y donnent la mort, par pendaison, par surdose.Gus Van Sant a déjà mis en scène ce moment du renoncement à l’existence, dans le très elliptique et dérangeant Last Days, inspiré du suicide de Kurt Cobain, présenté à Cannes en 2003. Avec Gerry (2002), il a aussi filmé l’agonie de deux hommes égarés dans un désert. Pourtant, hélas, ce ne sont pas à ces films que fait penser La Forêt des songes, mais plutôt à A la recherche de Forrester, ce mélodrame sentimental qui offrait à un professeur misanthrope (Sean Connery) l’occasion de réintégrer le genre humain.Série de retours en arrièreArthur (Matthew McConaughey) est lui aussi professeur et tout aussi décidé à rompre avec ses semblables. Seulement, à la retraite, il a préféré le suicide. On le voit, bel Américain solitaire, prendre l’avion pour Tokyo et la correspondance pour la forêt d’Aokigahara (on apprendra plus tard qu’il en a connu l’existence grâce à Internet). Une série de retours en arrière explique la mine sombre d’Arthur. Ils ont pour autre personnage Joan (Naomi Watts), sa compagne. Elle est agente immobilière et fait bouillir la marmite pendant que l’homme de la maison végète, professeur de physique dans un établissement universitaire dont on devine qu’il n’appartient pas à l’Ivy League.Au moment où le professeur s’apprête à absorber de nombreux cachets depuis un point de vue imprenable sur la « mer des arbres », un autre candidat au suicide fait irruption, les poignets ensanglantés. Il est japonais, dit s’appeler Takumi Nakamura et fait si triste figure qu’Arthur décide de venir à son secours plutôt que de continuer à absorber ses pilules.Le Japonais, heureusement anglophone (il est interprété par Ken Watanabe, qui, en plus de ses mérites artistiques, est un vétéran des coproductions américano-japonaises) proclame qu’il ne veut plus mourir, mais retrouver les siens, et Arthur accepte de le guider jusqu’au parking où les candidats au suicide laissent leur voiture. Cette marche se transforme bientôt en odyssée ponctuée de découvertes macabres, d’incidents météorologiques spectaculaires et de chutes vertigineuses. Mais toujours les deux se relèvent. Nakamura tente d’assouplir le tour d’esprit scientifique d’Arthur, de lui faire comprendre que les cris qu’on entend ne sont pas ceux d’animaux, que les morts ne sont pas forcément des disparus et que s’ils n’arrivent pas à sortir de la forêt, c’est que celle-ci en a décidé ainsi.Partition dégoulinanteIl se trouve qu’avec délicatesse et douceur Hirokazu Kore-eda et Naomi Kawase viennent de rafraîchir la mémoire du public cannois à ces sujets (l’intrication de la vie et de la mort, de l’humain et de la nature), et leur finesse dessert certainement Gus Van Sant. Malgré le talent de Ken Watanabe, qui parvient – en dépit des pièges du scénario et des dialogues – à préserver jusqu’au bout la part de mystère de son personnage, on se croirait revenu aux temps où les studios hollywoodiens bridaient les yeux de comédiens occidentaux pour leur faire proférer des vérités sorties d’un fortune cookie. Cette appropriation maladroite et sûrement approximative d’une philosophie et d’une culture imprime sa marque à tout le film, quels que soient ses éclairs d’inspiration.On les trouve d’ailleurs plutôt dans la peinture du couple que formaient Arthur et Joan. Commencée sur un mode plus que conventionnel – l’épouse acerbe et le mari réduit à l’impuissance, la faute primale qu’on ne finit jamais d’expier –, cette chronique conjugale finit par s’incarner un peu grâce à Matthew McConaughey et Naomi Watts. Seulement, le sujet du film n’est pas là, mais dans l’épiphanie qu’éprouve Arthur, dont les conséquences ultimes frisent le ridicule, encore appuyée par une partition dégoulinante de Mason Bates.Cette déception, qui arrive après celles – moindres – qu’avaient suscitées les deux précédents films de Gus Van Sant (Restless et Promised Land), provoque un peu d’inquiétude au sujet de l’auteur d’Elephant. Elle pose aussi la question de la représentation américaine dans la compétition cannoise. Les studios (et pas seulement les majors), sauf exception, refusent d’intégrer le Festival dans une équation dont le seul résultat intéressant pour eux se calcule en nombre d’Oscars. Si bien que les grands auteurs, de Scorsese à Fincher, ne peuvent lancer leurs films qu’à partir de septembre. Face à ce tarissement, les sélectionneurs doivent recourir à des expédients comme le choix d’une œuvre mineure signée d’un grand nom, ce qu’est, de toute évidence, La Forêt des songes.Film américain et japonais de Gus Van Sant  avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts (1 h 50). Sortie le 9 septembre. Sur le Web : www.snd-films.comThomas SotinelJournaliste au Monde 15.05.2015 à 11h54 • Mis à jour le15.05.2015 à 14h31 MusiquesEn voyage musical avec ChassolPianiste et compositeur, né à Paris en 1976 d’une famille originaire des Antilles, Christophe Chassol vient de publier son quatrième album, Big Sun, qu’il présente au public en tournée. Plus qu’un disque, c’est un voyage musical que propose l’artiste à travers les différents titres de cet album aux influences musicales très diverses qui témoigne de l’intense curiosité artistique de l’auteur.Scène du Louvre Lens, samedi 16 mai à 20 h 30 (concert gratuit).Lire aussi :Chassol, constructeur de sons et d’imagesArtsLes artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-fonds du baroque », présentée à Paris après la Villa Médicis. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » des artistes âgés de 20 ans venus du monde entier apprendre leur métier dans la ville éternelle. C’est ce côté obscur de l’Histoire que montre l’exposition, dans une mise en scène très évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Petit Palais, à Paris.Lire aussi :Au XVIIe siècle aussi, le sexe faisait vendreThéâtre« Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un mode toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Théâtre du Rond-Point, à Paris.Lire aussi :Des « Murmures » qui peinent à se faire entendre au Théâtre du Rond-PointCinéma« La Cité muette » : enquête sur un lieu maudit et sacréPeut-on vivre dans un lieu qui fut, durant l’occupation allemande, l’« antichambre de la mort » pour près de 80 000 personnes ? Soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, près de 500 personnes habitent à Drancy, à la Cité de la Muette, là même où furent internés, souvent dans des conditions inhumaines, les juifs raflés sur tout le territoire français à partir d’août 1941. Afin de comprendre le sort inouï réservé à ce lieu à la fois maudit et sacré, Sabrina Van Tassel a interrogé d’anciens rescapés et des habitants de la Muette. Un documentaire bouleversant et passionnant.Documentaire français de Sabrina Van Tassel (1 h 28).Lire aussi :« La Cité muette, une mémoire occultée » : vivre à Drancy, malgré toutFestivalL’aura d’Oum Kalsoum à Montpellier Disparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain dédié aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts, exposition, table-ronde : la chanteuse, dont la renommée fut mondiale, continue d’inspirer les artistes.Festival Arabesques, à Montpellier.Lire aussi :Oum Kalsoum brille sur MontpellierCinéma« Mad Max: Fury Road » : de la pure adrénalineLe quatrième volet de la saga post-apocalyptique, qui lança la carrière de Mel Gibson à la fin des années 1980, a été présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes, jeudi 14 mai, jour de sa sortie en salles. C'est l'acteur britannique Tom Hardy – remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight – qui reprend le rôle du célèbre justicier de la route aux côtés de l'actrice Charlize Theron dans la peau de l'impératrice Furiosa. Filmé avec brio et mené à un rythme haletant.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures).ThéâtreUn « canard sauvage » aux accents hitchcockiens Dans un sombre décor de sapins s'opposent un père absolu, suffisant et manipulateur, à un fils obsédé par un idéal de vérité et de transparence, au point de tout lui sacrifier – même l'amour de sa fille adolescente. Stéphane Braunschweig met en scène au Théâtre national de Strasbourg cette pièce terrible d'Henrik Ibsen où les squelettes qui sortent du placard sèment le chaos autour d'eux. Il le fait en insistant sur la part psychologique de la pièce, sondant les ambiguïtés et les perversités quasi-hitchcockiennes des personnages.Théâtre national de Strasbourg.Lire aussi : Ibsen, dans la forêt profonde de la vieMuséesUne balade nocturne parmi les toiles Se faire une toile en after ? C’est possible samedi 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite, et tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France.Lire aussi :Une palette de propositions pour passer sa nuit au muséeFestivalLyon au son de l’électro Varsovie n’est pas encore le nouveau Berlin, mais l’effervescence de la scène underground musicale polonaise lui a valu d’être l’invitée des Nuits sonores, festival lyonnais à la pointe des musiques électroniques et de l’avant-garde pop. Sur les scènes du quartier de Confluence, on croisera ainsi, lors d’une série d’« Apéros Warsaw », une douzaine de représentants d’un underground musical varsovien – Mitch & Mitch, Xenony, Baaba, Slalom, Piotr Kurek… – triturant les genres de façon singulière. Une programmation musicale complétée d’artistes issus de traditions locales renouvelées, comme la peinture murale ou l’art de l’affiche. Les musiques traditionnelles croisent le hip-hop, le rock ou les musiques électroniques.Festival Nuits sonores, à Lyon.Lire aussi :La Pologne envahit les Nuits sonoresRétrospectiveL’art sauvage de Carol Rama L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003, et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Musée d’art moderne de la Ville de Paris.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au musée Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sandrine Marques Richard Linklater a tourné cette chronique familiale durant douze ans avec les mêmes acteurs (vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma). Jamais le mot « chronique » ne s’était si bien accordé qu’à ce projet développé par le réalisateur américain Richard Linklater : suivre une famille texane pendant plus d’une décennie. Fidèle à ce principe constitutif, Boyhood (2014) enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.En dehors du vieillissement réel des acteurs et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n’a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans son film, le temps n’est pas seulement un agent dramatique. C’est aussi une essence mystérieuse et magique, à l’origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.Une grâce infinieLe pari insensé sur lequel se fonde Boyhood n’est pas isolé dans la filmographie de cet auteur atypique de 54 ans, capable d’évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy, en 2003). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu’iltourna entre 1995 et 2013, avec le même couple d’acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences. Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l’essence même du cinéma : le temps.C’est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d’enfants avec sa sœur, Samantha (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu’à sa majorité, c’est en direct que nous le voyons grandir et arriver au seuil de l’âge adulte.Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s’apprêtent, eux, à quitter leurs camarades de classe à cause d’un déménagement prochain. Ce sera la première d’une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants.Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est, d’ailleurs, beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c’est aussi celle d’un pays.A travers le quotidien de cette famille ordinaire s’écrit une histoire de l’Amérique. De 2002, quand a commencé le tournage, jusqu’à nos jours, la crise s’est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Barack Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l’émancipation qu’elle avait esquissé en début de film.Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c’est le mouvement même de la vie qui s’ajuste à l’axiome d’Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d’éprouver le temps d’aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.Boyhood, de Richard Linklater. Avec Patricia Arquette, Ethan Hawke, Ellar Coltrane, Lorelei Linklater (EU, 2014, 163 min). Vendredi 29 mai à 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Sandrine MarquesJournaliste au Monde 28.05.2015 à 16h44 • Mis à jour le29.05.2015 à 10h45 | William Audureau et Maxime Vaudano Trois semaines après sa signature par la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, il ne reste plus qu’une étape à franchir pour qu’entre en vigueur le décret sur l’élargissement du crédit d’impôt aux jeux destinés aux adultes : sa signature par le premier ministre, Manuel Valls.Lire : Pourquoi l'Etat va subventionner des jeux vidéo violentsPour l’industrie du jeu vidéo, la mesure n’est pas anecdotique : les jeux « PEGI 18 », les plus violents, représentent près d’un dixième de la production annuelle de jeu vidéo, et leur part a presque doublé depuis l’effondrement du marché des jeux familiaux sur Wii et DS.Lire la synthèse :Le jeu vidéo, une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma #container_14313324828{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14313324828{ height:500px; } #container_14313324828 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14313324828 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14313324828 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14313324828 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les classifications des jeux vidéo en Europe (PEGI)Source : PEGI(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); 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var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14313524292", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#7dc52e","#608a32","#f19300","#f56a20","#dd2b2b","#ff3232","#b50b11","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:"percent", marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["2009","2010","2011","2012","2013"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Tous publics", "color": "#7dc52e", "data": [ [ "", 1102 ], [ "", 1118 ], [ "", 1163 ], [ "", 1267 ], [ "", 1174 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Tous publics avec avertissement", "color": "#608a32", "data": [ [ "", 39 ], [ "", 58 ], [ "", 58 ], [ "", 82 ], [ "", 75 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -12, "color": "#f19300", "data": [ [ "", 47 ], [ "", 43 ], [ "", 52 ], [ "", 77 ], [ "", 48 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-12 avec avertissement", "color": "#f56a20", "data": [ [ "", 9 ], [ "", 12 ], [ "", 4 ], [ "", 2 ], [ "", 13 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -16, "color": "#dd2b2b", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 15 ], [ "", 18 ], [ "", 11 ], [ "", 10 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "-16 avec avertissement", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 1 ], [ "", 2 ], [ "", 3 ], [ "", 1 ], [ "", 2 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": -18, "color": "#b50b11", "data": [ [ "", null ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", 1 ], [ "", null ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; 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Saw III, sorti en 2006, est l’un des très rares exemples de films interdits aux mineurs ces dernières années. Dans son jugement public, la commission de classification du Centre national du cinéma (CNC) s’en expliquait :« La très grande violence du film, qui enchaîne sans répit des scènes de tortures morales et physiques appuyées, gratuites, sadiques et pour certaines insoutenables, donne le sentiment qu'un palier est franchi dans ce qui est montré dans un film appartenant à cette catégorie cinématographique. »A l’inverse du CNC, qui emploie le « + 18 » comme visa extrême et exceptionnel, le système PEGI utilise très régulièrement son label « déconseillé au moins de 18 ans », qui s’applique notamment à des blockbusters comme GTA, Call of Duty et Assassin’s Creed, et représentait en 2014 un tiers des ventes de jeux vidéo en France. Sa définition est large :« La classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence. La violence crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas, elle peut être très subjective, mais de manière générale elle peut regrouper les représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût. »Cette classe s’applique indifféremment aux œuvres à caractère réaliste ou imaginaire, et de nombreux jeux de zombies ou d’aliens, souvent interdits aux moins de 12 ans en salles, se retrouvent automatiquement déconseillés aux moins de 18 ans en jeu vidéo, pour peu qu’ils mettent en scène des humains aux proportions réalistes et des morts sanglantes.« Le système de classification français des films est l’un des moins sévères au monde, assurait en avril Guillaume de Fondaumière, président du Syndicat national du jeu vidéo, un des deux lobbys du jeu vidéo en France, alors que le PEGI, qui est un organisme paneuropéen, est ajusté sur les critères des pays les plus stricts, en l’occurrence l’Islande. »Des jeux tentés par la surenchère...Ainsi, sur une base de données de 193 jeux vidéo adaptés directement ou indirectement de films, aucun long-métrage « + 18 » n’apparaît, tandis que neuf jeux sont frappés du sigle PEGI 18. A chaque fois, leur classification est supérieure à celle du film ou de la saga dont ils s’inspirent, parfois de manière très inattendue.X-Men Origins : Wolverine, en 2009, est un des cas confortant l’idée que les jeux vidéo sont plus violents que les films. Son éditeur, l’américain Activision, a en réalité conçu et développé plusieurs versions différentes, allant de la classification + 12 pour la console DS (plutôt utilisée par de jeunes joueurs) à du + 18 pour la Xbox 360 et la PlayStation 3 (alors réservées à des passionnés), avec ennemis décapités et mises à mort griffues. Un choix récompensé par la critique : plutôt adepte de jeux adultes, la presse spécialisée avait apprécié « la sensation de puissance » et « les combats furieux », le système de jeu « prônant le spectacle et la brutalité la plus absolue » et enfin, le caractère « défoulant » du jeu. Le film d’origine, lui, était classé « tous publics ».Lire : Hyperviolence, sadisme et complotisme, les nouvelles griffes du jeu vidéo à grand budget C’est également le cas de Shadow of the Mordor, sorti fin 2014, librement inspiré de l’univers de Tolkien, puisant dans des jeux vidéo eux-même + 18, comme la série Assassin’s Creed. Les deux trilogies, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, sont classées « tous publics » ou « tous publics avec avertissement », selon les épisodes.Lire :Licence par licence, la classification comparée des films adaptés en jeux vidéo... mais une classification plus sévèreCes exemples extrêmes donnent l’image d’une industrie du jeu vidéo prompte à surenchérir sur le cinéma. Mais, à niveau de violence comparable, quand les développeurs font le choix de la continuité et de la fidélité, le système de classification PEGI se montre également plus sévère que celui du CNC.Alien Isolation se cale avec une méticulosité remarquable sur le niveau d’angoisse et de violence du film Alien : le huitième passager, dont il offre un prolongement scénaristique. Il consiste d’ailleurs essentiellement à se cacher. Mais, tandis que le film de 1979 avait écopé d’une interdiction aux moins de 12 ans, son adaptation vidéoludique a été déconseillée aux moins de 18 ans pour « extrême violence », sans que celle-ci diffère en nature et en degré de l’œuvre culte de Ridley Scott.Les deux jeux vidéo SAW ne sont pas des adaptations à proprement parler, mais des prolongements scénaristiques reprenant l’univers et le climat des films d’horreur, avec ses nombreuses scènes de torture et de sadisme qui ont valu leur classement très élevé, en film comme en jeu. Eux aussi figurent un classement légèrement supérieur au film, à relativiser, toutefois, par le caractère non contraignant du PEGI.Pour le gouvernement, la morale est toutefois sauve : même avec le décret élargissant le crédit d’impôts aux jeux violents, les titres sadiques en serait écartés, un alinéa interdisant l’accès au dispositif fiscal aux jeux dont la violence est extrême, gratuite ou non contextualisée. En somme, une sorte d’équivalent du « + 18 » du CNC, dont la mise en œuvre reste à préciser.Lire également :De « Cars 2 » au dernier « Astérix », ces jeux vidéo conseillés à un public plus âgé que leurs filmsWilliam AudureauJournaliste au MondeMaxime VaudanoJournaliste au Monde.frSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 26.05.2015 à 16h49 • Mis à jour le27.05.2015 à 18h39 L’an dernier, à la même époque, nous avions appelé le monde du cinéma et de l’audiovisuel à une grande solidarité devant l’arrivée du géant américain de la vidéo à la demande Netflix (« Soutenons l’exception culturelle française », Le Monde du 16 mai 2014). Celui-ci, disions-nous, menace l’exception culturelle en ne se conformant pas aux règles françaises des obligations d’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, ni au respect de la chronologie des médias. Nous ajoutions qu’il n’était pas souhaitable de scier la branche sur laquelle nos métiers sont assis pour obtenir un profit de court terme.Il est peu de dire que nous n’avons guère été entendus. Tous ceux qui ont eu l’opportunité de le faire ont vendu leurs catalogues de films et de programmes à Netflix, permettant à celui-ci d’entrer dans la bergerie ! Un an plus tard, le directeur des contenus de Netflix annonce la production de longs-métrages et leur diffusion simultanée en salles de cinéma et sur Netflix dans le monde entier sauf en France où, puisque la chronologie l’interdit, les films ne sortiront… que sur Netflix ! Il nous prévient encore que, pour le groupe américain, le box-office n’est plus la source principale de monétisation des films.Je ne reviendrai pas sur ce que l’exception culturelle permet à la France, sa production de films unique au monde, mais je voudrais simplement montrer ce que l’arrogance de la surpuissance américaine représente comme danger pour notre culture et nos libertés.Il y a un mois, le président américain Barack Obama déclarait qu’Internet était une « création » américaine, et que les enquêtes de Bruxelles sur les conditions dans lesquelles Google, Apple, Facebook, Amazon paient ou non leurs impôts n’étaient que l’expression de craintes commerciales des Européens. Pour la Maison Blanche, rien ne doit s’opposer au développement de ses groupes. Internet est l’expression du génie américain. Netflix rejoint cette vision du monde. Et la France n’est pour eux qu’un tout petit obstacle sur la route de la conquête mondiale.Le principal argentier du cinéma français, Canal+, par ailleurs le seul aujourd’hui capable d’opposer à Netflix une puissante offre de vidéo à la demande, vient de signer à Cannes avec les producteurs français le renouvellement des conditions de diffusion de leurs films sur la chaîne cryptée. Encore une fois, ne nous trompons pas d’enjeu, Canal+ et le monde du cinéma ont besoin l’un de l’autre. La chronologie des médias, en permettant à la chaîne cryptée une diffusion précoce des nouveaux films, donne à celle-ci un avantage déterminant face à Netflix. Les obligations de financement de Canal comme des chaînes en clair – France Télévision, TF1 et M6 – assurent la production de plus de 200 films français. C’est ce mouvement qui doit s’élargir aux autres pays européens. La culture est le fondement de l’indépendance.Mais si la France veut lutter pour imposer son exception culturelle, il ne faut pas qu’elle reste la lanterne rouge de la lutte contre le piratage en Europe. Sur YouTube, la version haute définition du film Minuscules a été visionnée illégalement 18 000 fois en trois semaines, accompagnée de publicités pour des sociétés de grande notoriété, et cela sans que nous ne puissions nous y opposer juridiquement. Pourquoi payer un film sur un site de vidéo à la demande si le visionner gratuitement sans autorisation n’est l’objet d’aucune sanction dissuasive ? L’exception culturelle passe aussi par le combat contre la piraterie. Franck Nouchi Il était 22 h 55, ce dimanche 24 mai au soir. A peine trois heures auparavant, Vincent Lindon s’était vu remettre le prix d’interprétation masculine par les frères Coen. « Je suis fou, fou, fou de bonheur ! », répétait-il à chaque micro qui se tendait vers lui.Interviews à la chaîne, moment de gloire planétaire. Tournis. Il y a quelques jours, juste avant la projection officielle de La Loi du marché, il résumait d’un mot sa philosophie du moment : « Plus tu donnes, plus tu reçois. » Comment avait-il vécu cette journée particulière précédant ce sacre cannois ?Lire aussi :« La Loi du marché » : une expérience radicale de chimie cinématographique« Je me suis levé ce matin vers 9 heures. Absolument aucune angoisse, j’étais bien. P’tit déj avec mon fils. Deux-trois coups de fil avec des gens du film. Rien, pas de bruits, pas de rumeurs. Et puis, à 11 h 45, le distributeur m’appelle : “Vincent, prépare ton sac, on repart à Cannes !” Je hurlais de joie. J’étais fou de bonheur pour le film.« Moto jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion, je n’arrêtais pas de dire : “Si on a un prix…”, jusqu’à ce que quelqu’un me dise : “Mais enfin, Vincent, arrête ! C’est sûr qu’on a un prix !”« Hôtel, petits sandwichs dans la chambre, début d’angoisse. Evidemment, je n’avais rien préparé. Sauf cette phrase de Faulkner que j’aime tant : “Faites des rêves immenses pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant.” Ça ne sert à rien de préparer les choses à l’avance. Je me disais que si quelque chose m’arrivait, j’essaierais de dire cette première phrase et que si ça passait, alors, après, ça irait, je remercierais le jury, puis les sélectionneurs…« Explosion d’une ampoule »« Et puis, je suis parti vers le palais. Impressionnant, tous ces gens qui criaient mon nom. J’étais pris dans une sorte de vertige nuageux. C’était la première fois que je participais à une cérémonie de clôture à Cannes. Et c’est alors j’ai commencé à croiser d’autres comédiens. Des grands, genre Tim Roth. Et là, je me suis dit que c’est Stéphane [Stéphane Brizé, le réalisateur de La loi du marché] qui allait avoir un prix, et d’ailleurs, ça m’allait très bien. C’était très bien comme ça.« Et puis la cérémonie a commencé. Un peu long… Lambert Wilson, qui dit que le cinéma, c’est aussi couronner un acteur. Il se tourne vers les frères Coen. Et là, j’entends mon nom.« Immédiatement, j’ai une sorte de mouvement de recul. Je me tasse sur mon siège. Quelque chose comme l’explosion d’une ampoule ! Trois litres de poppers que tu inhales. Un flash ! Juste après, mécaniquement, je me suis levé. J’ai embrassé quelques proches. Et je me suis retrouvé sur la scène avec l’envie, presque animale, d’aller embrasser un à un les membres du jury. Ça m’a permis de redescendre un peu et d’arriver ensuite à dire ma phrase de Faulkner… » Bonheur : le mot revient sans cesse. « Comme un enfant. Comme quelqu’un qui, le même jour, réussirait le bac, Normal Sup, se ferait offrir une belle voiture par son père et verrait Julia Roberts lui tomber dans les bras ! Fou de bonheur ! »Le fait que ce soit un jury présidé par les frères Coen, ça compte beaucoup ? « Oui ! Ce sont des cinéastes géniaux, qui marqueront l’histoire du cinéma. Des mecs comme ça, il n’y en a pas quinze dans le monde ! A la fois modernes, fous, audacieux et transgressifs ! »Quelques secondes de pause, le temps de reprendre sa respiration. « J’espère que je n’ai pas dit trop de conneries. C’est tellement difficile de signifier par des mots une émotion aussi forte. Ce qui m’a bouleversé aux larmes ce soir, c’est cette impression que les gens étaient contents pour moi. » Pour quelles raisons ? « Ah ! Ça, c’est au journaliste de répondre, pas à moi. » Il éclate de rire. « Plus tu donnes, plus tu reçois, l’explication doit se trouver quelque part par là. »Ce dimanche soir, le bonheur avait un nom : Vincent Lindon.Franck NouchiJournaliste au Monde Aureliano Tonet Après la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, dimanche 24 mai au soir, les responsables politiques français gazouillaient à l’unisson, dans un assourdissant concours de cocoricos. « Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda : le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde », tweetait le premier ministre, Manuel Valls.Jacques Audiard, Emmanuelle Bercot, Vincent Lindon et Agnès Varda: le cinéma français rayonne ce soir à Cannes et dans le monde. #Cannes2015— manuelvalls (@Manuel Valls)require(["twitter/widgets"]);« Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! », insistait, sur le même mode et le même réseau, Fleur Pellerin, sa ministre de la culture, avant que l’Elysée n’adresse ses « sincères félicitations » aux lauréats français.Félicitations à tous les lauréats du @Festival_Cannes. Bravo à E. Bercot, V. Lindon et Jacques Audiard ! http://t.co/zTpaKyneMK— fleurpellerin (@Fleur Pellerin)require(["twitter/widgets"]);Gare aux malentendus, cependant. S’ils l’avaient examiné avec plus d’attention, nos gouvernants se seraient rendu compte que le coq cannois n’a pas si fière allure : il y a du goudron sur ses plumes, et des inflexions funèbres dans son chant ; pour ce qui est de sa crête, elle tient davantage du gallinacé punk que de l’animal politique docile.Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenLa Palme d’or, Dheepan, dresse un tableau très sombre – certains diront simpliste – des banlieues françaises. Jacques Audiard les montre ravagées par la drogue, la violence, la suspicion – si bien que les héros de son film, trois immigrés tamouls, finissent par quitter l’Hexagone pour l’Angleterre, qui leur réserve un accueil nettement moins chaotique.Lire aussi :« Dheepan » sort vainqueur d’une compétition éprouvanteDeux ans aprèsLe prix d’interprétation décerné à Vincent Lindon dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, vient rappeler combien le chômage place tant de nos concitoyens dans l’impasse ; face à leur détresse, les structures publiques s’y trouvent, au mieux, démunies. Quant à la Palme d’honneur remise à Agnès Varda, elle récompense une immense cinéaste qui, de Sans toit ni loi (1985) aux Glaneurs et la Glaneuse (2000), s’est toujours préoccupée du sort peu enviable qu’infligeait notre pays aux exclus, aux marginaux, aux gens de peu.Deux ans après la sortie des Glaneurs, la réalisatrice était partie à la recherche des protagonistes de son documentaire, pour savoir comment ils allaient. Dans deux ans, le Festival de Cannes se tiendra simultanément aux élections présidentielles et législatives. Il n’est pas certain qu’il faille souhaiter au gouvernement une moisson de prix aussi foisonnante que cette année : si le diagnostic que portent nos cinéastes sur l’état de la société reste le même, le cocorico cannois risquerait fort, alors, de coïncider avec un fiasco électoral.Aureliano TonetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Les frères Joel et Ethan Coen, arbitres suprêmes des élégances cannoises, ont tranché dans le vif, au terme de douze jours d’un défilé d’images vaguement interrompu par la nuit. Il sera donc dit que ce dimanche 24 mai au soir aura vu consacrer Dheepan, septième long-métrage de Jacques Audiard, Palme d’or de la soixante-huitième édition du Festival de Cannes. Ce film, qui évoque l’acclimatation amoureuse et explosive d’un réfugié politique tamoul dans une cité de banlieue, marque donc l’apogée de l’itinéraire cannois du cinéaste français, déjà deux fois primé par le passé, à l’occasion d’un film qui n’est sans doute pas le plus convaincant de sa filmographie.Lire aussi :Derrière le cocorico, gare aux malentendusSaupoudrage équitable de récompenses allant à des esthétiques et des performances variées, ce palmarès s’honore par ailleurs d’avoir donné le Prix de la mise en scène à The Assassin, sublime film de sabre minimaliste du maître taïwanais Hou Hsiao-hsien, ainsi que le Prix du jury à The Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos, dystopie à l’humour noir et glacé sur l’état sentimental et politique du monde tel qu’il vient. Le Grand Prix couronne le seul premier long-métrage de la compétition, Le Fils de Saul, du jeune Hongrois Laszlo Nemes, qui décrit Auschwitz du point de vue d’un membre des Sonderkommandos cherchant à y enterrer son fils. Cette œuvre, qui a impressionné les festivaliers, n’en appelle pas moins le débat, dans la mesure où son intelligente intégration des enjeux moraux et esthétiques de la représentation de la Shoah lui sert paradoxalement à les disqualifier. Le jury a aussi fait place, à travers son double Prix d’interprétation féminine – à Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes et à Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn –, à la prépondérance du mélodrame dans cette compétition. Quant à Vincent Lindon, seul récipiendaire du Prix d’interprétation masculine pour son rôle de quinquagénaire au chômage dans La Loi du marché, de Stéphane Brizé, film social inventif et juste, il lui a fallu embrasser un à un tous les membres du jury avant de dire son émotion et de trousser une belle et mélancolique pensée pour ses parents qui ne sont plus là pour la partager. Prix de l’avenir par excellence parce qu’elle est décernée à un premier long-métrage, la Caméra d’or est allée à La Tierra y la Sombra, de César Augusto Acevedo, présenté à la Semaine de la critique, soulignant ainsi l’émergence d’un cinéma colombien représenté notamment par un autre très beau film, El Abrazo de la serpiente, de Ciro Guerra, à la Quinzaine des réalisateurs.Faiblesse de la délégation françaiseIl faut constater que les « palmes d’or » de la presse internationale (Carol, de Todd Haynes) et française (Mia madre, de Nanni Moretti) ont été peu ou prou ignorées par le jury, en tout cas à la place que certains leur assignaient. Ce hiatus clôt en ce sens logiquement une compétition officielle qui s’est révélée plutôt éprouvante, tant du point de vue de son addiction au registre funèbre (morts, deuils et maladies récidivantes à tous les étages) que de son accomplissement artistique. Sans doute, l’honnêteté oblige à nuancer d’emblée ce propos. Cannes est un festival dont il est impossible de repartir bredouille, et de merveilleux souvenirs de cinéma accompagneront, cette année encore, les festivaliers. Le problème est qu’on s’habitue à l’excellence comme à un dû, et que le ratio de certaines éditions, moins prodigues que d’autres, peut faire le lit d’une amère déception. C’est le cas de ce cru 2015, et plus précisément de la section reine qu’est la compétition internationale. La Quinzaine des réalisateurs, principale section parallèle du Festival, aura, quant à elle, suscité le plébiscite des cinéphiles, comme en a témoigné ce tweet à double détente émis en fin de parcours par le critique américain Scott Foundas, rédacteur en chef de la principale revue corporative américaine Variety : « Ceux qui prétendent que cette édition cannoise a été faible n’ont visiblement pas mis les pieds à la Quinzaine des réalisateurs. »Journalists who complain that it's been a weak #Cannes clearly haven't been spending much time at @Quinzaine, which has been smokin' hot.— foundasonfilm (@Scott Foundas)require(["twitter/widgets"]);Comment en est-on arrivé là ? Divers facteurs entrent en ligne de compte. Au premier chef, la faiblesse de la délégation française, d’autant plus notable qu’elle était pléthorique cette année, avec cinq films en compétition, plus deux titres qui s’arrogeaient les places symboliques de l’ouverture et de la clôture du Festival. Or la majorité de ces films, nonobstant les quatre prix raflés par la formation tricolore, ne furent pas vraiment à la hauteur du canon cannois. Un choix d’autant moins compréhensible que la Sélection officielle, répondant à une supposée surabondance de biens, s’était payé le luxe de fermer ses portes au magnifique film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse. Lire aussi :La prépondérance du cinéma français validée par le jury des frères CoenEquilibre délicatIl est vraisemblable que cette incongruité s’explique par la volonté du délégué général, Thierry Frémaux, de secouer la hiérarchie et les habitudes de la compétition pour y apporter du sang neuf. Une volonté courageuse, mais qui appelle des choix sinon irréfutables, du moins argumentés. L’expulsion du film de Desplechin (on pourrait en citer d’autres), comme l’arrivée de ceux de Denis Villeneuve, Michel Franco ou Valérie Donzelli, ne relèvent manifestement pas de cette catégorie. Un dernier point aura contribué à affaiblir cette compétition : le retour, dans une méforme parfois cruellement stigmatisée, de certains auteurs, tels Gus Van Sant ou Matteo Garrone. Ce tableau pourrait être accompagné d’un bilan non moins mitigé de la section parallèle officielle, Un certain regard : les meilleurs films y ont été le fait de signatures connues (Kawase, Porumboiu, Weerasethakul, Kurosawa), en l’absence de révélations qui sont la vocation même de cette section.Tant et si bien qu’un fâcheux effet de balance saisit l’attention du festivalier à l’issue de ces festivités, la légèreté du plateau artistique alourdissant ipso facto celui de « l’hubris » cannoise, cette démesure offensante aux yeux des Grecs, antiques ou modernes. Présence de plus en plus impérieuse du luxe et de l’argent, immixtion de sponsors devenus partenaires dans le programme, scandale sexuel annoncé à grands frais, exhibition généralisée de la jouissance. Un équilibre délicat a donc été entamé cette année, qui survient, comme un symbole, après le départ de l’homme qui porta le Festival à son niveau d’excellence, Gilles Jacob. Il reviendra au nouveau tandem dirigeant – le président, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux – de nous montrer en 2016 si le déplacement du curseur tenait du tour de chauffe ou d’une inflexion concertée.Le palmarèsPalme d’orDheepan, du Français Jacques Audiard.Grand PrixLe Fils de Saul, du Hongrois Laszlo Nemes.Prix de la mise en scèneThe Assassin, du Taïwanais Hou Hsiao-hsien.Prix du juryThe Lobster, du Grec Yorgos Lanthimos.Prix du scénarioLe Mexicain Michel Franco pour Chronic.Prix d’interprétation féminine ex aequoLa Française Emmanuelle Bercot dans Mon roi, de Maïwenn, et l’Américaine Rooney Mara dans Carol, de Todd Haynes.Prix d’interprétation masculineVincent Lindon dans La Loi du marché, du Français Stéphane Brizé.Caméra d’or du premier filmLa Tierra y la Sombra, du Colombien César Augusto Acevedo.Palme d’or du court-métrageWaves’98, du Libanais Ely Dagher.Palme d’or d’honneurLa Française Agnès Varda.La liste complète des prix décernés lors du 68e Festival de Cannes est disponible sur le site officiel.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 18h32 • Mis à jour le24.05.2015 à 20h30 19h21Ce live est désormais terminé. Merci de l'avoir suivi et rendez-vous pour la 69e édition du Festival de Cannes en mai 2016.19h20"La Loi du marché", notre critique en vidéo lemonde.fr/festival-de-ca… #Lindon #Cannes2015 pic.twitter.com/ssEncy06jGOlivier Clairouin via Twitter19h12On passe de pas de Palme française pendant 21 ans à trois Palmes françaises (Entre les murs, La Vie d'Adèle, Dheepan) en 7 ans. #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h11Lambert Wilson donne rendez-vous pour la 69e édition qui sera "érotique".LeMonde.fr19h11Lambert Wilson appelle tous les lauréats et membres du jury à le rejoindre sur scène pour l'image finale de cette cérémonie de clôture.LeMonde.fr19h10Palme d'or pour Jacques Audiard.19h09Audiard remercie d'abord le partenaires financiersIsabelle Regnier via Twitter19h08Vous pouvez lire la critique de "Dheepan" sur notre site.LeMonde.fr19h08Le jury ne s'est pas rangé du côté de ceux qui ont pris Dheepan pour un film d'action à la Charles Bronson. Audiard Palme d'or #Cannes2015thomsotinel via Twitter19h07Et la Palme d'or va à Jacques Audiard pour "Dheepan".LeMonde.fr19h06Son of Saul. Le jeune hongrois livre un plaidoyer pour le 35 mm qui ravirait Philippe Garrel #Cannes2015 pic.twitter.com/6thktYQYn2Laurent Carpentier via Twitter19h03HHH récompense ses partenaires artistiques, pas financiersIsabelle Regnier via Twitter19h03La critique du film à retrouver ici.LeMonde.fr19h02Le Grand Prix va au "Fils de Saul", de Laszlo Nemes.LeMonde.fr19h00Le sourire de Shu Qi à la remise du prix de la mise en scène à Hou Hsiao hsien est d'une générosité et bienveillance admirables. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h59Retrouvez la critique de "The Assassin".LeMonde.fr18h59On s'achemine petit a petit vers une palme d'or a Audiard... #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h58Seulement Mise en scène pour HHH... #CDéjaCaIsabelle Regnier via Twitter18h58Le prix de la mise en scène va à Hou Hsiao-hsien pour "The Assassin".LeMonde.fr18h58... La naissance de son fils et de sa fille. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h57Qui éditera un recueil des définitions de métier (scénariste, acteur/trice, scénariste) récitées avant les remises de prix? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h57L'actrice et réalisatrice Valeria Golino vient remettre le prix de la mise en scène.LeMonde.fr18h56On voudrait dire à Vincent Lindon que ce n'est pas parce qu'il n'avait pas eu de prix jusque là qu'il n'en aura plus jamais. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h54Pour Vincent Lindon: "un des trois plus beaux jours de ma vie"... Quels sont les deux autres ?#Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h52L'émotion de Vincent Lindon, prix d'interprétation masculine.18h51Vincent Lindon ému aux larmes pour "ce premier prix qu'il reçoit dans sa vie".LeMonde.fr18h51Retrouvez la critique de "La Loi du marché".LeMonde.fr18h50Pour reprendre les termes chimiques de @jamandelbaum plongez un acteur professionnel au milieu d'amateurs et obtenez un prix. Vincent Lindonthomsotinel via Twitter18h49Pour son rôle dans le film de Stéphane Brizé, "La Loi du marché".LeMonde.fr18h49Le prix d'interprétation masculine va à Vincent Lindon.LeMonde.fr18h49Notre critique en vidéo de "The Lobster" lemonde.fr/festival-de-ca… #Cannes2015 pic.twitter.com/C5aOIQ22EpOlivier Clairouin via Twitter18h48Le discours d'acceptation de Y. Lanthimos, prix du jury, est d'un conformisme inversement porportionnel à celui de The Lobster #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h48La critique de "The Lobster" est disponible ici.LeMonde.fr18h46Le prix du jury va à Yorgos Anthimos pour "The Lobster".LeMonde.fr18h46Retrouvez les critiques de "Carol" et de "Mon roi".LeMonde.fr18h44Ce prix d'interprétation partagé n'est pas très aimable à l'égard de Cate Blanchett. #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h43Emmanuelle Bercot rend hommage à Maïwenn, réalisatrice de "Mon roi".18h42Avec Emmanuelle Bercot, Maiwen: remporte le prix pour "Ma reine" plus que pour "Mon roi". #Cannes2015locarp via Twitter18h41Quelle drôle d’idée que de partager un prix entre deux films. Rooney Mara et Emmanuelle Bercot, ensuite Cassel et Chang Chen? #Cannes2015thomsotinel via Twitter18h40Seule Emmanuelle Bercot est présente sur scène pour venir récupérer son prix.LeMonde.fr18h39Prix d'interprétation féminine ex-aequo à Rooney Mara ("Carol") et Emmanuelle Bercot ("Mon roi").LeMonde.fr18h38Le prix d'interprétation féminine est remis par l'acteur Tahar Rahim.LeMonde.fr18h37"Époustouflante" c'est vraiment pas le mot Michel pour décrire la compèteIsabRegnier via Twitter18h36Michel Franco (Photo : Reuters / Benoît Tessier)18h36Dans cette moisson de films de deuil que fut le festival, le prix du scenario va au deuil le plus violent et noir. Logique, #Cannes2015locarp via Twitter18h36La critique du film "Chronic" est disponible ici.LeMonde.fr18h35Le discours de Bruni Tedeschi crève tous les plafonds de l'originalité. #Cannes2105 #Cannes2015VamosAlaPialat via Twitter18h35Le prix du scénario est attribué à Michel Franco pour "Chronic".LeMonde.fr18h35Aïe!IsabRegnier via Twitter18h34Et on passe au prix du scénario avec Valeria Bruni Tedeschi pour le remettre.LeMonde.fr18h30D’autres grands noms du cinéma comme Woody Allen (2002), Manoel de Oliveira (2008), Clint Eastwood (2009) ou Bernardo Bertolucci (2011) ont reçu une Palme d'honneur avant elle.LeMonde.fr18h27C'est Jane Birkin qui remet cette Palme d'honneur à Agnès Varda.LeMonde.fr18h27Standing ovation pour Agnès Varda. Cinéma pas mort. #Cannes2015locarp via Twitter18h26La cinéaste est la première femme réalisatrice à recevoir une Palme d'or d'honneur.LeMonde.fr18h26Hommage en images à Agnès Varda.LeMonde.fr18h25Sophie Marceau belle dans une robe longue. Le talon s'y est pris. On a frisé la chute. Un peu d'imprevu dans cette wilsonerie ? #Cannes2015locarp via Twitter18h20Le jury du 68e Festival de Cannes fait son entrée au grand complet.LeMonde.fr18h18Petit montage d'images qui ont marqué l'histoire du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h17John C Reilly chanteur, on pense a l'article d'Aureliano Tonet: le festval attire aujourd'hui plus de musiciens que...le Midem. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h17Tout le monde souhaite un "Happy Birthday" à John C. Reilly.LeMonde.fr18h16La critique du film est disponible ici.LeMonde.fr18h15Et la Caméra d'or va à "La Tierra y la Sombra", du Colombien César Augusto Acevedo.LeMonde.fr18h14Il y avait 26 premiers films à Cannes cette année.LeMonde.fr18h14John C. Reilly remet la Caméra d'or avec Sabine Azéma.LeMonde.fr18h13Intermède musical avec l'acteur John C. Reilly.LeMonde.fr18h12Remise par Sabine Azéma, présidente du jury de la Caméra d'or.LeMonde.fr18h11On passe à la Caméra d'or, qui récompense un premier film, toutes sections confondues.LeMonde.fr18h11Lambert Wilson rend hommage a Jean Zay, créateur du festival de Cannes. Filippetti ne jurait que par lui. Pellerin sourit.. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h10Le maître de cérémonie Lambert Wilson. (AFP / Valery Hache)18h10La Palme d'or du court-métrage est attribuée à "Waves' 98", d'Ely Dagher.LeMonde.fr18h09Par le président du jury de la Cinéfondation et des courts-métrages Abderrahmane Sissako.LeMonde.fr18h08On passe aux choses sérieuses avec la remise de la Palme d'or du court-métrage.LeMonde.fr18h07Hommage à Jean Zay, créateur du Festival de Cannes.LeMonde.fr18h07Fin de l'hommage largement applaudi par la salle.LeMonde.fr18h06Toujours l'hommage chorégraphique aux films du Festival.LeMonde.fr18h03Le collectif d'artistes japonais Enra rend hommage aux grands films qui ont marqué le Festival de Cannes.18h01Lindon se prend la tête. Un tique? Ou il ne prise guerre l'humour de Lambert Wilson? #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter18h01Hommage dansé aux films présentés en compétition dans l'histoire du Festival.LeMonde.fr18h00Lambert Wilson remercie "tous ceux et celles qui ont su créer ces images inoubliables".LeMonde.fr17h58Lambert Wilson a beau faire le pitre, ca rigole pas trop dans les rangs des artistes qui ont été rappelés ce soir. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h57Allusion de Lambert Wilson à la "Fashion Police municipale" suite à l'histoire des talons aiguilles sur le tapis rouge.LeMonde.fr17h56Grand silence en attendant les jurés. Angoisse palpable. Ca y est c'est parti. #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h56La cérémonie de clôture commence avec Lambert Wilson en maître de cérémonie.LeMonde.fr17h54Le jury au complet sur le tapis rouge. (Reuters/Benoît Tessier)17h54Belle salve d'applaudissements pour le climatologue Claude Lorius a Cannes. La france est devenue verte? #Cannes2105 #COP21Laurent Carpentier via Twitter17h53Au dernier moment arrive l'equipe de Mon roi de Maiwenn. Tiens tiens #Cannes2015Laurent Carpentier via Twitter17h42La camera traque les candidats a la palme. Ni Moretti, ni Sorrentino, ou sont les Italiens ? Absents?#Cannes2015 pic.twitter.com/hdPdx6XvFQLaurent Carpentier via Twitter17h38Il s'agit d'un documentaire sur les expéditions du glaciologue Claude Lorius.LeMonde.fr17h37Vous pouvez lire la critique de ce film sur notre site.LeMonde.fr17h36Avec l'arrivée de l'équipe du documentaire de Luc Jacquet, La Glace et le ciel, film de clôture (hors compétition).LeMonde.fr17h35Pour l'instant, la dernière montée des marches de cette édition 2015 est en train de s'achever...LeMonde.fr17h31Bonjour et bienvenue sur ce live pour suivre en direct la cérémonie de clôture du 68e Festival de Cannes.LeMonde.fr Harry Bellet (Nice, envoyé spécial) Que Rambo travaille du couteau, ça ne surprendra personne. Qu’il s’en serve pour faire de la peinture, c’était moins connu : Sylvester Stallone expose ses tableaux dans la galerie contemporaine du Musée d’art moderne de Nice. Pas ceux de sa collection – il possède notamment un superbe Bacon, Œdipe et le Sphinx –, non, ceux qu’il peint avec ses petits bras musclés. Et depuis fort longtemps, comme en témoigne le tableau qui ouvre l’exposition, daté de 1975.Voir aussi le portfolio : Sylvester Stallone expose ses toiles à NiceIl est intitulé Trouver Rocky, et c’est lui qui a inspiré le film, et non l’inverse, ainsi qu’en témoigne Stallone dans le catalogue : « Je savais que je voulais faire Rocky. Ça tournait dans ma tête, mais je n’étais pas sûr de ce à quoi ça devait ressembler. J’ai dit : “Je vais essayer de le mettre en image.” OK. Il vient de la ville, et son monde est sombre, la nuit, violet. C’est un mec qui n’a pas vraiment connu de bons moments dans la vie. Et j’ai pris des mots des pages sportives des journaux, “10 rounds”, “argent”, “boxe”… Je voulais que ce soit assez mécanique. Et puis j’ai pris un tournevis, et je l’ai sculpté [en incisant les traits du visage dans la pâte encore fraîche]… et le résultat fut ce que je pensais être la bonne attitude. J’ai dit “Ouais, ça y est.” C’est en partant de cela que j’ai écrit le scénario. »Le film a fait la gloire de son auteur. La peinture, moins. Les responsables du musée ont été très réticents à l’idée d’accueillir cette exposition voulue par le maire (UMP) de Nice, Christian Estrosi. Certains artistes ont manifesté leur mécontentement de voir les lieux – pourtant modestes, cette salle étant généralement dévolue aux jeunes – consacrés à un monstre sacré du cinéma. Comme Gérald Thupinier, auteur d’un tract intitulé « Rambo… et con à la fois », qui dénonce l’interventionnisme du maire et « l’ombre de Jacques Médecin » qui « plane toujours sur la ville ».En revanche, en termes de communication, l’événement est une réussite : on en a parlé jusque sur la chaîne américaine Fox News. Le vernissage, le 16 mai, en présence de Stallone, a attiré une foule si dense qu’il était bien difficile d’apercevoir les tableaux, ce dont d’ailleurs personne ne se souciait.Style expressionniste exacerbéEh bien, avouons-le au risque de surprendre, c’est bien dommage. On peut ne pas aimer le style expressionniste exacerbé de Stallone, qu’on imaginait de toute façon assez mal en artiste minimaliste, mais force est de constater que « c’est peint », comme on disait autrefois dans les ateliers. Les amateurs de belles matières, en particulier, seront à la fête : Stallone maîtrise admirablement l’art difficile de l’empâtement – qui vire si facilement à la croûte, défaut auquel il échappe, mais toujours d’un rien. Il sait travailler les jus, les glacis, n’hésite pas à inciser la pâte ou au contraire à la charger de « drip » à la Jackson Pollock, laissant la peinture liquide couler en lacis, voire utilisant la truelle pour projeter la couleur sur la toile.Les sujets sont souvent inquiétants, comme ceux qui reproduisent les « unes » du magazine Life : « J’ai toujours été fasciné par le magazine Life, la couverture uniquement. Il montrait généralement les acteurs, la royauté de l’Amérique, dans un contexte élogieux… toujours parfaitement éclairé. Je me suis dis que mon Life serait tout autre chose, comment c’est menaçant et vient à vous. » Bref, du brutal, mais qui sait aussi être subtil et joue souvent sur les symboles. A qui s’étonne de voir des tableaux encadrés de manière tronquée, il explique : « J’ai commencé à utiliser des cadres inachevés pour me rappeler constamment que l’art est toujours en évolution. Aucun cadre ne peut jamais le retenir. » Si le style, c’est l’homme même, l’exposition révèle donc un Stallone bien plus complexe que ses rôles de grande brute ne le laissent entrevoir. On se souvient, par exemple, de cette réponse du colonel Trautman (Richard Crenna) au geôlier russe, dans une prison afghane, qui lui demande s’il prend Rambo pour Dieu : « Dieu peut pardonner, Rambo non. » Et on la rapproche de cette réflexion de Stallone peintre : « Je pense que la peinture est la forme la plus authentique, la plus honnête de tous les arts, parce que c’est simple, ça ne pardonne pas. » L’exposition est intitulée « Véritable amour ». Pour cela aussi, il lui sera beaucoup pardonné.Musée d’art moderne et d’art contemporain, place Yves-Klein, à Nice. Tél. : 04-97-13-42-01. Jusqu’au 30 mai.Image précédenteImage suivanteLire le diaporamaMettre en pauseRejouerAccédez au portfoliorequire(["jquery","lmd/ui/portfolio", "lib/slidify/effects/slide"], function($, Portfolio, Slide){ var portfolio = new Portfolio({ root: $('#portfolio-atome-5566cf1cba044'),\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 1 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Finding Rocky \u00bb, 1975.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":0,"position":1,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012.html","isCurrent":true},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 2 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Champion Due \u00bb, 1990.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":1,"position":2,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_1.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 3 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Backlash \u00bb, 1991.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Backlash \u00bb, 1991.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":2,"position":3,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_2.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 4 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab The Arena \u00bb, 1999.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab The Arena \u00bb, 1999.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":3,"position":4,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_3.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 5 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Symbiosis \u00bb, 2009.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":4,"position":5,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_4.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 6 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Angel Skin \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":5,"position":6,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_5.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 7 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\n\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Family Ties \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":6,"position":7,"total_count":8,"item_lie":null,"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_6.html","isCurrent":false},{"html":"\r\n\r\n\r\n\r\n \r\n \r\n 8 \/ 8\r\n \r\n \r\n\u00ab Sex \u00bb, 2013.\r\nCr\u00e9dits : GALERIE GMURZYNSKA\r\n \r\n facebook\r\n twitter\r\n google +\r\n linkedin\r\n pinterest\r\n \r\n \r\nSylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre\r\n \r\n \r\n \r\n\r\n","titre":null,"legende":"\u00ab Sex \u00bb, 2013.","source":"GALERIE GMURZYNSKA","index":7,"position":8,"total_count":8,"item_lie":{"titre":"Sylvester Stallone se d\u00e9fend comme peintre","link":"\/arts\/article\/2015\/05\/24\/sylvester-stallone-se-defend-comme-peintre_4639598_1655012.html"},"link":"\/arts\/portfolio\/2015\/05\/26\/sylvester-stallone-expose-ses-toiles-a-nice_4640706_1655012_7.html","isCurrent":false}], currentIndex: 0, effect: new Slide({slideWidth: 400}), buffer: 2, hidden: false }); var exclude = "keyboard touch adsReload resize xtmed thumbnails thumbnailsLightbox fullscreen"; portfolio.init(exclude);});Harry Bellet (Nice, envoyé spécial)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 24.05.2015 à 11h55 • Mis à jour le24.05.2015 à 12h05 | Olivier Clairouin Alors qu’il vient de remonter le temps pour atterrir en Allemagne nazie, notre héros Kung Fury est rejoint par Thor, des femmes vikings armées d’Uzi et chevauchant un tyrannosaure, un nerd à grosses lunettes capable de hacker n’importe quoi et un policier à tête de tricératops. Ensemble, ils doivent affronter le « plus grand criminel de tous les temps » et maître en arts martiaux : Adolf Hitler, alias « Kung Führer ».Cela n’est pas extrait d’un film de série Z déniché dans un obscur ciné-club, mais l’une des scènes principales de Kung Fury, un court-métrage présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs vendredi 22 mai, pendant le Festival de Cannes.« C’est le plus beau jour de ma vie, mais aussi le pire : je suis tellement nerveux que j’ai dû écrire tout ce que je souhaitais vous dire », avoue David Sandberg. Debout sur la scène du Théâtre Croisette, juste avant la projection de son film, les mains tremblant de fébrilité, et marquant une pause entre chacune de ses petites fiches, le réalisateur de ce qui était le court-métrage le plus attendu de cette 68e édition n’en revient toujours pas.Car à l’instar du film Iron Sky, lui aussi passé par Cannes et un site de financement participatif, l’histoire de ce court-métrage au-delà du kitsch est à ajouter à la liste des success stories qui n’auraient jamais pu voir le jour sans Internet.« Le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu »Las des publicités et des clips musicaux, cela faisait des années que David Sandberg voulait se lancer dans la réalisation de son propre film. Alors, à la fin de 2013, ce Suédois de 29 ans poste sur Kickstarter la bande-annonce du court-métrage de ses rêves, Kung Fury, un concentré d’humour potache, de références aux jeux vidéo et à la plastique résolument inspirée des années 1980. Relayées sur Facebook et Reddit, ces images ont un effet immédiat : les internautes sont nombreux à financer le projet, qui récolte finalement plus 630 000 dollars, soit trois fois plus que la somme initialement requise.La machine est alors lancée et David Sandberg trouve même son Hitler. Ce sera Jorma Taccone, l’un des acteurs de The Lonely Island, une troupe de comédiens américains particulièrement connue pour ses sketchs diffusés lors de l’émission « Saturday Night Live », sur NBC. « Je pense qu’il est le Hitler le plus drôle que j’aie jamais vu », jure le cinéaste, joint par téléphone.Le magot en poche et le casting bouclé, l’équipe se met au travail. Pendant le tournage, les 17 713 contributeurs sont tenus en haleine à grand renfort de photos et de vidéos tournées dans les coulisses. Une quarantaine d’entre eux font même le déplacement jusqu’à Stockholm et Umea, la ville natale de David Sandberg, afin de jouer les figurants. Une vidéo publiée par David Sandberg (@laserunicorns) le 11 Août 2014 à 9h46 PDTC’est ensuite presque par hasard que le film a trouvé son chemin jusqu’aux écrans cannois. « On avait entendu dire qu’il y avait des projections en plein air sur la plage pendant le Festival, et on s’est dit que ce serait génial de pouvoir y projeter Kung Fury », explique David Sandberg. « On a donc envoyé le film. Après un mois sans nouvelles, on a reçu une lettre d’admission : c’était la Quinzaine des réalisateurs. »Bandanas, Power Glove et musique rétroDes projets plus ou moins farfelus, le Web en voit naître et disparaître des millions chaque jour. Et Kung Fury, avec son assemblage de poncifs scénaristiques (Hitler en bad guy idéal, un héros « élu » et baroudeur auquel on colle un partenaire alors qu’il préfère « travailler seul », un voyage dans le temps…), n’était pas forcément le plus original sur le papier. Alors comment expliquer que ce court-métrage ait ainsi réussi à s’attirer les faveurs des internautes, puis de la Quinzaine ?« Je pense que c’est une combinaison d’humour et de nostalgie, estime David Sandberg. Si on regarde les statistiques, les gens qui nous soutiennent ont majoritairement entre 25 et 40 ans, ils sont nés ou ont grandi dans les années 1980. Je pense qu’ils se sentent proches du film. »Power Glove, Ghetto-Blaster, bandanas et téléphones portables gros comme des parpaings… en plus d’un second degré redoutable, Kung Fury cumule effectivement tous les artefacts possibles et imaginables de cette période, agissant comme une madeleine de Proust pour tous ceux qui ont pu être biberonnés à « K 2000 », Blade Runner et Street Fighter. « J’écoute beaucoup la musique de Mitch Murder, reconnaît le cinéaste. J’ai toujours eu des images qui apparaissaient dans ma tête en entendant ses morceaux et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film. » DJ suédois installé à Stockholm, Mitch Murder est l’une des figures de proue de la synthwave, un sous-genre de la musique électronique très influencé par l’esthétique des années 1980 et popularisé en France par le collectif Valerie (Anoraak, Minitel Rose) ou des artistes comme Kavinsky (auteur notamment de la bande originale du film Drive et son fameux Nightcall).David Sandberg et ses acolytes sont donc bien conscients d’avoir touché une corde sensible, et s’efforcent de continuer à la faire vibrer par tous les moyens. Quelques mois après la bande-annonce, l’équipe diffuse ainsi la chanson True Survivor, accompagnée d’un clip mettant en scène une star iconique des années 1980 : David Hasselhoff. Contacté par l’équipe du film, l’ancien héros de « K 2000 » a tout de suite été séduit par le projet, acceptant d’enregistrer une vidéo qui dépasse les 10 millions de vues sur YouTube.Un jeu vidéoDe la même façon, un jeu vidéo Kung Fury devrait voir le jour. Oubliez cependant les Playstation 4 ou les Xbox One, il ne sera disponible que sur Commodore 64, un ordinateur vendu au début des années 1980 aujourd’hui prisé des fans de retrogaming. « Ça correspond tout à fait à l’esprit du projet », s’amuse David Sandberg.Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’il n’est pas parvenu à rassembler le million de dollars jugé nécessaire au départ, le Suédois souhaite se lancer dans la réalisation d’un long-métrage dérivé de Kung Fury. Aucune date de sortie n’est prévue, mais une première version du script serait prête, explique le réalisateur. Refusant de s’étendre vraiment sur le sujet, il confie cependant que ce film ne sera pas seulement une version augmentée de Kung Fury, mais un long-métrage à part entière, avec sa propre histoire.En attendant, les internautes pourront déjà voir le court-métrage en ligne : le 28 mai, Kung Fury sera diffusé gratuitement sur YouTube et les principales plate-formes de streaming.Olivier ClairouinJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.05.2015 à 11h54 • Mis à jour le15.05.2015 à 14h31 MusiquesEn voyage musical avec ChassolPianiste et compositeur, né à Paris en 1976 d’une famille originaire des Antilles, Christophe Chassol vient de publier son quatrième album, Big Sun, qu’il présente au public en tournée. Plus qu’un disque, c’est un voyage musical que propose l’artiste à travers les différents titres de cet album aux influences musicales très diverses qui témoigne de l’intense curiosité artistique de l’auteur.Scène du Louvre Lens, samedi 16 mai à 20 h 30 (concert gratuit).Lire aussi :Chassol, constructeur de sons et d’imagesArtsLes artistes « bambocheurs » de la Rome baroque C’est une Rome crapuleuse que décrit l’exposition « Les Bas-fonds du baroque », présentée à Paris après la Villa Médicis. Y sont réunies les œuvres de jeunes artistes qui étaient tout sauf de gentils garçons : joueurs, buveurs, provocateurs… Bienvenue dans la Rome du XVIIe siècle et plus précisément dans ses bas-fonds, où se retrouvent pour « bambocher » des artistes âgés de 20 ans venus du monde entier apprendre leur métier dans la ville éternelle. C’est ce côté obscur de l’Histoire que montre l’exposition, dans une mise en scène très évocatrice de Pier Luigi Pizzi.Petit Palais, à Paris.Lire aussi :Au XVIIe siècle aussi, le sexe faisait vendreThéâtre« Murmures des murs » : le retour des Chaplin-Thierrée Revoilà la tribu des Chaplin-Thierrée, joyeuse descendance du maître Charlie. Victoria Chaplin, sa fille, et Aurélia Thierrée, sa petite-fille, présentent au Théâtre du Rond-Point Murmures des murs, un spectacle où l’on retrouve l’univers commun à toute la famille : un mode toujours un peu précaire, instable, dont Victoria traduit les glissements et les métamorphoses à travers les étranges créatures qu’elle met en scène, habitées par Aurélia.Théâtre du Rond-Point, à Paris.Lire aussi :Des « Murmures » qui peinent à se faire entendre au Théâtre du Rond-PointCinéma« La Cité muette » : enquête sur un lieu maudit et sacréPeut-on vivre dans un lieu qui fut, durant l’occupation allemande, l’« antichambre de la mort » pour près de 80 000 personnes ? Soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, près de 500 personnes habitent à Drancy, à la Cité de la Muette, là même où furent internés, souvent dans des conditions inhumaines, les juifs raflés sur tout le territoire français à partir d’août 1941. Afin de comprendre le sort inouï réservé à ce lieu à la fois maudit et sacré, Sabrina Van Tassel a interrogé d’anciens rescapés et des habitants de la Muette. Un documentaire bouleversant et passionnant.Documentaire français de Sabrina Van Tassel (1 h 28).Lire aussi :« La Cité muette, une mémoire occultée » : vivre à Drancy, malgré toutFestivalL’aura d’Oum Kalsoum à Montpellier Disparue il y a quarante ans, le 3 février 1975, la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum est au cœur de la dixième édition d’Arabesques, festival montpelliérain dédié aux arts du monde arabe. Spectacles, concerts, exposition, table-ronde : la chanteuse, dont la renommée fut mondiale, continue d’inspirer les artistes.Festival Arabesques, à Montpellier.Lire aussi :Oum Kalsoum brille sur MontpellierCinéma« Mad Max: Fury Road » : de la pure adrénalineLe quatrième volet de la saga post-apocalyptique, qui lança la carrière de Mel Gibson à la fin des années 1980, a été présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes, jeudi 14 mai, jour de sa sortie en salles. C'est l'acteur britannique Tom Hardy – remarqué dans Inception (2010), de Christopher Nolan, La Taupe (2011), de Tomas Alfredson ou encore Locke (2013), de Steven Knight – qui reprend le rôle du célèbre justicier de la route aux côtés de l'actrice Charlize Theron dans la peau de l'impératrice Furiosa. Filmé avec brio et mené à un rythme haletant.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures).ThéâtreUn « canard sauvage » aux accents hitchcockiens Dans un sombre décor de sapins s'opposent un père absolu, suffisant et manipulateur, à un fils obsédé par un idéal de vérité et de transparence, au point de tout lui sacrifier – même l'amour de sa fille adolescente. Stéphane Braunschweig met en scène au Théâtre national de Strasbourg cette pièce terrible d'Henrik Ibsen où les squelettes qui sortent du placard sèment le chaos autour d'eux. Il le fait en insistant sur la part psychologique de la pièce, sondant les ambiguïtés et les perversités quasi-hitchcockiennes des personnages.Théâtre national de Strasbourg.Lire aussi : Ibsen, dans la forêt profonde de la vieMuséesUne balade nocturne parmi les toiles Se faire une toile en after ? C’est possible samedi 16 mai, dans les 1 300 musées qui participent à l’opération « Nuit des musées ». L’entrée est gratuite, et tardive – au moins jusqu’à minuit. Certains lieux osent aussi des animations originales : au Musée Picasso à Paris, le chorégraphe Loïc Touzé réinterprète les toiles du maître italien avec son corps. Le LAM de Villeneuve-d’Ascq est plongé dans le noir, et les visiteurs découvrent les œuvres à la lampe de poche. Au Musée d’histoire naturelle de Toulon, on part à la chasse aux papillons de nuit dans le jardin du Las.Dans toute la France.Lire aussi :Une palette de propositions pour passer sa nuit au muséeFestivalLyon au son de l’électro Varsovie n’est pas encore le nouveau Berlin, mais l’effervescence de la scène underground musicale polonaise lui a valu d’être l’invitée des Nuits sonores, festival lyonnais à la pointe des musiques électroniques et de l’avant-garde pop. Sur les scènes du quartier de Confluence, on croisera ainsi, lors d’une série d’« Apéros Warsaw », une douzaine de représentants d’un underground musical varsovien – Mitch & Mitch, Xenony, Baaba, Slalom, Piotr Kurek… – triturant les genres de façon singulière. Une programmation musicale complétée d’artistes issus de traditions locales renouvelées, comme la peinture murale ou l’art de l’affiche. Les musiques traditionnelles croisent le hip-hop, le rock ou les musiques électroniques.Festival Nuits sonores, à Lyon.Lire aussi :La Pologne envahit les Nuits sonoresRétrospectiveL’art sauvage de Carol Rama L’œuvre de l’Italienne Carol Rama a été ignorée ou censurée, toute sa vie : trop animale, trop libre, trop sexuelle pour les mâles dominant l’art du XXe siècle. Le siècle suivant lui offre une revanche, avec un Lion d’or à Venise en 2003, et une rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. On y verra que son parcours n’obéit qu’à un seul ordre : celui du corps. Elle cultive l’impureté dans ses toiles et ses dessins, et rassemble des objets qui sont comme des fétiches.Musée d’art moderne de la Ville de Paris.Lire aussi :Carol Rama, la mamie indigne, enfin au musée Laurent Carpentier « Non, je ne suis pas drôle. Plutôt le genre intense, intense, intense… » Il esquisse un rire qui aussitôt se meurt. « Ça doit être barbant, parfois. »A 67 ans, Philippe Garrel, enfant de la Nouvelle Vague, est de retour à Cannes avec L’Ombre des femmes, qui fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Un film en 35 mm, noir et blanc, voix off. Magnifique, comme fixé dans le temps. Lui-même, cheveux, sourcils et chemise-cravate en broussaille, avait donné rendez-vous à Paris, avant le Festival, loin du grand barnum, dans un café du Quartier latin qui fait sa réputation de désuétude intransigeante. Pour un peu, on s’attendait à le retrouver en noir et blanc.Lire aussi :Philippe Garrel affiche la couleur d’une Quinzaine à l'ombre des auteursIl a fixé les règles : vous écrivez une interview deux fois plus longue que ce que vous souhaitez imprimer et j’en coupe la moitié. Le coup du « final cut » ? Ou un dispositif inconscient qui pose une question qui traverse L’Ombre des femmes, et plus largement son cinéma : se soumettre ou trahir ? Ça l’étonne qu’on négocie. On lui a expliqué : ce sera un portrait. On lui fera relire les citations, après on écrira.L’homme qui, depuis son premier court-métrage, à 16 ans, avec des morceaux de pellicules récupérés sur un tournage de Claude Berri, continue contre vents et marées de tourner et de monter en 35 mm, n’a ni ordinateur ni téléphone portable (« La moitié de notre temps est consacré à faire marcher des machines, moi je veux garder du temps pour réfléchir »). Il faut apporter le texte imprimé, le récupérer scotché sur sa boîte aux lettres le lendemain. « A l’ancienne. »Tout chez lui est définitivement ancré dans un temps et une filiation. Dans une fidélité à la famille, au clan, à ceux qui l’ont vu éclore : « Il y a mon père, il y a Godard, et puis Marcel Domerc, un prof de français génial, tourné vers la vie, que j’ai eu en 3e et qui a pris sa retraite juste après. J’ai toujours suivi leurs manières de penser. » Et il ne lui apparaît même pas à lui, le rebelle, le soixante-huitard qui prenait du LSD pour filmer, dont le cinéma flirte avec l’indicible, qu’il puisse en être autrement.Film féministe« On était vraiment une fratrie très forte. J’ai toujours conçu le cinéma comme une entreprise familiale. Les marionnettistes travaillent en famille, toujours. J’ai dû calquer ce que j’ai vu quand j’étais très petit. » Car avant d’être comédien, son père, Maurice Garrel, est marionnettiste, comme Antoine Vitez et Alain Recoing avec qui il travaille. Sa mère fabrique les poupées. Le couple explose très vite en vol. Pendant dix ans, elle va élever seule les trois garçons, s’en allant travailler « comme secrétaire, dans les bureaux, chez Philips ».Quand il a 14 ans, elle se remarie, Philippe Garrel claque la porte. « J’étais l’aîné, c’est moi qui m’occupais de mes frères à la fin, qui restais seul avec eux parce qu’elle rentrait tard du boulot. Quand un autre homme est arrivé, j’ai perdu mon pouvoir », dit-il simplement. Il respire. « Ma mère est morte cinq jours avant le début du tournage de L’Ombre des femmes. Là, j’ai vu la force d’Œdipe. C’est tellement pour plaire à sa maman qu’on fait de l’art. On travaille énormément pour elle. Pour mon père, c’était plus par fierté. »Il y a beaucoup de non-dits dans le cinéma de Philippe Garrel. « Le film précédent, La Jalousie, était pour mon père, L’Ombre des femmes est pour ma mère. » De cette généalogie d’amours contrariées, de tentatives de suicide, de dépression, de ces électrochocs qui l’ont marqué après une rupture, à Rome, en 1969, il ne dit presque rien. Il filme. « Je lutte pour dévoiler des choses qui nous seraient communes et dont on a honte. Mais parce que le cinéma n’est pas la psychanalyse, il ne peut pas tout absorber. En analyse, les choses, même scabreuses, ont une signification, elles peuvent être exprimées. Au cinéma, la complexité, c’est comment parler à la fois de ce dont on a honte sans fabriquer des enclumes. »L’Ombre des femmes est pour lui un « film féministe ». Le héros, comme toujours chez lui, est un homme prisonnier d’une blessure narcissique qui semble le fermer à ses sentiments. La femme, les femmes, sont dévouées à ce grand homme dans une soumission dévote qui les aliène et dont elles ne semblent pouvoir se libérer qu’en s’enfuyant.Qu’on ne discerne pas bien où ce film peut être féministe le laisse perplexe. Il écoute. Le final cut, c’est lui, mais la critique l’intéresse. « Le réalisateur conduit à vue. Et puis en disant une chose, il en dit une autre. C’est la trace de l’inconscient. C’est en ça que c’est à la fois un art d’équipe et un art solitaire, c’est dialectique. »Il reprend un café. Un déca plutôt. Il ne voudrait pas ne pas dormir. Il est tard déjà. Il s’explique : « Je suis un être quitté. J’ai été quitté par mon père, par ma première femme, par ma deuxième femme, la troisième, non, c’est moi qui l’ai quittée… » Il sourit : « Aujourd’hui, je suis stabilisé, je suis avec la même femme depuis… Ouh la la… au moins vingt ans. J’ai résolu cela en écrivant. Les trois derniers films, je les ai écrits avec la femme avec qui je vis. C’est une manière très intéressante d’avoir accès à l’autre. »On se prend de sympathie pour cet enfant perdu de 1968 qui continue de vivre dans le rêve de sa révolution intérieure, questionnant sa face obscure sans sembler vouloir la résoudre entièrement. Conscient peut-être qu’elle est le moteur de son art, il continue de tourner (25 films au compteur) entouré des siens : son père, son fils, Louis, mais aussi ses femmes – Nico, l’égérie rock du Velvet Underground, Brigitte Sy, la réalisatrice des Mains libres (2010), Caroline Deruas, la scénariste –, ses filles Esther et Lena, les enfants de ses ex… Dans son premier film, son frère Thierry tenait un des deux rôles, et l’autre, François le brocanteur, dont il pleure la mort récente, tenait la guitare.Marivaudages existentielsCette année encore, Louis Garrel est présent à Cannes : pas seulement comme acteur (dans Mon roi de Maïwenn, en sélection officielle), mais comme réalisateur. Il présente son premier long, Les Deux Amis, à La Semaine de la critique, avec son ami Vincent Macaigne et sa femme, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani… Louis aussi aime tourner avec ses proches des marivaudages existentiels, perclus de cicatrices intérieures, où il est question de cinéma et de Mai 68.A la projection privée pré-presse, devant un film pas encore étalonné, une demi-douzaine de personnes sont présentes : parmi elles, Philippe Garrel. On aurait aimé l’observer devant cette scène des Deux Amis qui reprend une scène des Amants réguliers (2004) : le fils y jouait le père sur les barricades ; aujourd’hui, le fils joue le fils jouant le père… Vous vous y perdez ? Peut-être eux aussi.« Maintenant que mon père est mort, c’est moi le patriarche, dit simplement Philippe Garrel. Il y a un an et demi,j’ai commencé une analyse avec Moustapha Safouan, un lacanien historique. Mais pendant trente-cinq ans, j’ai lu des livres de Freud. La psychanalyse, on ne peut pas marcher sans, c’est inhérent à la pensée moderne. Il y a des gens qui disent – mon frère est comme ça – que quand ils ont compris ce qu’étaient les camps de concentration, cela a fondé la totalité de leur manière de penser, de philosopher, leur morale… Eh bien moi, le jour ou j’ai commencé à comprendre l’intuition et le savoir de Sigmund Freud, j’ai trouvé qu’il y avait là de quoi faire la frontière qui est à l’origine de toutes choses, et fonder la nature de l’existence. »Au bout de six mois d’analyse, cependant, Philippe Garrel a écrit à Moustapha Safouan : « Je crois que je peux m’en tirer seul. » « Ouh la la, lui a répondu ce dernier, si on croit qu’on peut s’en tirer tout seul, il faut sauter sur l’occasion. » Il rit : « Depuis, j’ai arrêté de lire Freud. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Laurent Carpentier « Les gens pensent que je suis une garce à sang froid. » Lorsqu’elle a surgi dans son pantalon de cuir, talons dangereux, entourée d’une armada de « press officers », Charlize Theron a d’abord regardé ses pieds. Une sorte de timidité inexpliquée pour cette star oscarisée. Et puis ses yeux se sont relevés quand elle a compris qu’on ne cherchait pas juste la marque de son fond de teint, elle, l’égérie Dior, abonnée aux pages people des magazines. « Les gens pensent ça de moi au départ. Peut-être parce que je fais presque un mètre quatre-vingt, que j’ai mon franc-parler et que je ne supporte pas facilement les imbéciles. »Trop tard. On a lu l’inquiétude derrière les gestes enjoués. « Tout le monde se sent en danger, proteste-t-elle. Il n’y a pas une personne sur Terre qui ne se sent pas en insécurité. Si elle vous dit le contraire, elle ment. » Il n’y a guère que sur les plateaux de cinéma qu’elle trouve le repos : « Je suis nerveuse et tout ça, mais j’y suis en sécurité. Tout ce grand cirque me rend heureuse. »L’Oscar, cette fausse blonde platine, passée par la danse et le mannequinat avant de rentrer dans le peloton des rôles féminins made in Hollywood, l’a eu en 2004, grâce à un tour de force : grossie, enlaidie, elle incarnait dans Monster, de Patty Jenkins, une serial killeuse plus vraie que la vraie. Aujourd’hui, elle est de retour en Mad Maxette, alias « Furiosa », dans le nouvel opus de George Miller. Un bras en moins, la fureur magnifiée. « Bien sûr, il y a forcément un fil entre vous et le personnage que vous interprétez. Un acteur ne peut pas porter un masque. S’il le faisait, vous ne ressentiriez rien. Al Pacino disait qu’en tant qu’acteur on peut faire n’importe quoi sans risques. Les gens ne peuvent pas nous juger, parce que nous jouons un rôle. C’est une liberté extraordinaire. Mais cette plongée, nous la faisons vraiment. Etre actrice me donne le courage d’aller explorer des choses sombres en moi, des choses merdiques. C’est moins dur quand je suis avec mon analyste. »Lire aussi :« Mad Max: Fury Road » : George Miller rallume le moteurPlongeuse solitaireDans toutes les interviews qu’elle a données jusqu’ici, son histoire tient en un petit paragraphe : 39 ans, née en Afrique du Sud, fille unique. Des parents qui tiennent une ferme doublée d’une petite entreprise. Le père boit. Un jour, elle a 15 ans, son père rentre, violent, menace la mère, qui le tue d’un coup de fusil. La justice a tranché : légitime défense. L’histoire s’arrête là.Mais, pour une fois, elle ne refuse pas d’en parler : « La plupart de mes lectures tournent autour des crimes, les crimes réels, les crimes de fiction. Tout ce qui est relié à l’anatomie de notre cerveau me fascine, les connexions nerveuses, les circuits neuronaux, comment il stocke les informations. En ce moment, je lis un livre sur le trauma par Peter Levine [Réveiller le tigre, guérir du traumatisme, Socrate Editions Promarex, 2008]. »Elle ne rit pas, elle ne fuit pas, elle n’est plus timide. « Quand j’étais plus jeune, je me battais avec mon côté obscur. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout hantée par cette histoire. Je dors très bien. »Malgré les paparazzis juchés sur des hors-bord de fortune qui nous observent depuis la mer, on la sent totalement présente, prise dans sa vérité. « Peter Levine parle beaucoup de cela : le traumatisme n’est pas dans la façon dont vous avez vécu l’événement, mais dans la façon dont vous le regardez ensuite. Thérapies, lectures, rencontres : j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est un long voyage, qui sans doute ne s’arrête jamais. Mais le cerveau est une chose puissante. Vous pouvez choisir : rester ainsi à vivre avec ce sentiment qu’on vous dérobe votre vie sous vos pieds, ou bien décider de penser différemment. Cela ne veut pas dire que je suis dans le déni. Je sais exactement ce qu’est ma vie, et sur quoi elle est construite. »Mais quand elle remonte, plongeuse solitaire, des profondeurs de ces femmes abymes qu’elle aime interpréter, ce qu’elle en raconte d’abord, c’est la force de l’espoir : « Je me retrouve pour ça dans la conduite de Furiosa… Et même Aileen, dans Monster, malgré sa misère et sa douleur, est restée pétrie de cette espérance jusque dans le couloir de la mort. L’espoir, c’est ce qui vous fait vous lever le matin. »Laurent CarpentierReporter cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Jacques Mandelbaum Sélection officielle – hors compétitionL’avis du « Monde » : pourquoi pasIl était une fois un gentil médecin du nom de George Miller, œuvrant à Sidney, en Australie. Comme chez tout carabin, un implacable sadique sommeillait naturellement en lui (les commentaires sont ouverts aux seuls lecteurs qui ont fait un séjour durable à l’hôpital). Or donc, le docteur Miller était suffisamment à l’écoute de son inconscient pour subodorer cette amère vérité. Il laissa donc vagabonder son imagination. Et se représenta – sous la double influence des accidentés de la route qui débarquaient aux urgences de Sidney et du désert qui sert de paysage principal à son île géante – une humanité polytraumatisée dans un monde en fin de vie, promis au chaos et à la destruction. De ce cauchemar, pour faire court, sortit un film, bricolé en 1979 par le distingué praticien en rupture de table d’opération, qui le baptisa Mad Max.Son cadre est un monde futur régressif, dans lequel les hommes réduits à la loi du clan se battent à mort pour le pétrole, tandis que les Etats s’écroulent. Un homme, Max Rockatansky, flic de la route impavide, voit sa famille décimée par un barbare gang de motards, et décide de les traquer pour assouvir une juste vengeance. D’une violence et d’une noirceur inédites pour l’époque, Mad Max deviendra un des canons du genre post-apocalyptique, ainsi qu’un modèle historique de rentabilité puisque, produit pour la modique somme de 350 000 dollars, le film rapportera 100 millions de la même monnaie. Par ailleurs, le jeune inconnu qui jouait Max sera appelé, sous le nom de Mel Gibson, à un joli brin de carrière qui le mènera, per aspera ad astra, à conduire, outre sa Ford Falcon dite Interceptor, le récit de la vie de Jésus. Un film de pure adrénalineQuant à George Miller, définitivement acquis aux joies mauvaises du cinéma, il se lancera à Hollywood dans une carrière aux genres et à la fortune très divers, donnant au passage deux suites (elles aussi inégales) à son opus originel : Mad Max 2, le défi (1982) et Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre (1985). Et voici que trente ans après la dernière apparition en date de son héros préféré, le réalisateur concrétise un vieux rêve, en proposant, après moult tentatives et autant d’avanies, le quatrième opus de Mad Max. Projeté à Cannes en même temps que dans le monde entier, ce film était impatiemment attendu par les fans d’une franchise devenue mythique et plus généralement par les amoureux du film d’action. Disons-le clairement : ils ne seront pas déçus. Mad Max: Fury Road est fidèle à son titre, un film de pure adrénaline, enragé, furieux, extravagant, frénétique, hyper-spectaculaire.Dotée d’un nouvel interprète principal, conçue comme une remise à niveau de la trilogie davantage que comme une suite proprement dite, son intrigue tient sur un ticket de métro, encore que le film fasse peu de cas de ce moyen de transport. Dans un monde en proie au tarissement des ressources naturelles et revenu à des mœurs tribales, un despote archaïque du nom d’Immortan Joe, le visage ossifié par un masque en forme de crocs, règne sur une foule terrorisée à laquelle il dispense de loin en loin les faveurs d’une eau dont il détient le monopole. Asseyant son pouvoir sur une armée de zombies vikings rêvant de se faire exploser pour gagner plus vite le Valhalla, il se voit trahi par l’une des affidées, l’impératrice Furiosa (Charlize Theron), une manchote, qui ne l’est pas de la main qui lui reste, et qui s’enfuit en convoi exceptionnel, emmenant avec elle le gynécée des jeunes épouses du tyran (un paquet de jolies filles qu’on prend illico pour des mannequins, ce qui se vérifie).Lire aussi :Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée Un mépris souverain des dialoguesIl s’ensuit une course-poursuite de deux heures dans le désert, où Immortan, ivre de rage, et ses djihadistes wagnériens juchés sur des véhicules plus baroques les uns que les autres, traquent le convoi de Furiosa, qui s’est en route associée par nécessité plus que par sympathie à l’ombrageux Max (Tom Hardy), esclave en fuite échappé au règne du même Immortan. Réalisé en décor naturel sans recours excessif aux trucages, le film ne s’embarrasse pas de psychologie, entretient un mépris souverain des dialogues, conchie toute espèce de dialectique dramaturgique, demande aux acteurs tout au plus de tenir physiquement le coup et d’afficher un air farouche pour ce faire.Notons au passage, et dans les limites imparties par la remarque qui précède, que la nette embardée féministe du récit fait de l’ombre à un héros déjà très ombrageux. En tout état de cause, l’outrance est telle que le comique affleure à plusieurs reprises, jusque dans le tête-à-queue d’un scénario qui ose programmer, après une heure et demie de course-poursuite effrénée jusqu’à un pays de Cocagne qui n’existe plus, que l’action va se poursuivre simplement en rebroussant chemin. Du neuf avec du vieuxCe à quoi le réalisateur apporte en revanche tous ses soins, c’est ladite action. Filmée avec brio, sans un instant de répit, elle est haletante, férocement et joyeusement destructrice. Il faut tout de même un certain talent pour intéresser deux heures durant le spectateur au sort de personnages aussi pauvrement dotés, passant l’essentiel de leur temps dans, sur ou sous un véhicule apparenté à un camion. Moins violent que Marguerite Duras, qui avait carrément supprimé l’engin (Le Camion, 1977), George Miller s’en tire donc sans déshonneur, même si le désintérêt qu’il a de ses personnages finit logiquement par nuire à l’action qui les porte, aussi virtuose soit-elle.Sans doute le véritable défi du réalisateur était-il ailleurs, consistant à faire en même temps du vieux avec du neuf et du neuf avec du vieux. Périlleux mouvement de retour à une franchise dont la charte esthétique elle-même mêle indissociablement bond en avant et retour en arrière, archaïsme et anticipation, vétusté des machines et sophistication des cascades. Or il y aurait quelque chose d’un peu moins naturel à réaliser un tour aussi funambulesque pour 100 millions de dollars (88,20 millions d’euros) en Namibie avec célébrités et mannequins qu’en le bricolant à côté de chez soi façon série B avec des inconnus. Voilà bien le paradoxe du film, dont la fable apocalyptique semble plus crédible qu’il y a trente ans, mais moins pertinente, la dépense somptuaire qui ambitionne de la figurer.Film américano-australien de George Miller avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne (2 heures). Sortie en salles jeudi 14 mai. Sur le Web : www.madmaxmovie.com et www.warnerbros.fr/communities/mad-maxJacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.05.2015 à 12h28 • Mis à jour le13.05.2015 à 14h49 | Charlotte Cieslinski Toutes deux actrices et réalisatrices, elles ont en commun d’avoir parlé de leur vie dans leurs films. Et d’être sélectionnées à Cannes. MaïwennPoussée par sa mère. Elle est née aux Lilas (93) il y a 39 ans, et a grandi à Belleville. Sa mère, actrice ratée qui la rêve en enfant-star, se débrouille pour qu’elle joue Isabelle Adjani enfant dans L’Eté meurtrier (1983).Précoce. A 12 ans, elle arrête l’école. A 15 ans, elle donne la réplique à Johnny Hallyday dans La Gamine. A 16 ans, elle épouse Luc Besson, qui en fera la Diva bleue de son Cinquième Elément.Ecorchée. Avant Polisse, Prix du jury à Cannes en 2011, elle a réalisé deux premiers films pour « crever les abcès de son passé », sur les thèmes de l’enfance maltraitée (Pardonnez-moi, 2006) et la condition de comédienne (Le Bal des actrices, 2009).Fan de Lelouch. « Je suis regardée comme une bête curieuse par le cinéma populaire autant que par les intellos », déclare celle qui a adoré travailler avec Claude Lelouch. Son quatrième film, Mon roi, en compétition à Cannes, raconte une passion amoureuse.Valérie DonzelliPoussée par elle-même. Elle a 42 ans, et est née dans les Vosges. Un grand-père sculpteur, un père cadre qui trimbale la famille entre Lille et Créteil. Lassée par ses études d’architecture, elle s’inscrit aux cours du conservatoire, qu’elle finance en vendant des macarons chez Ladurée.Battante. C’est son ancien compagnon, Jérémie Elkaïm, qui l’a encouragée dans la voie du cinéma. Dans La Guerre est déclarée (2011), ils racontent leur combat contre le cancer de leur fils.Sensible. Elle « aime partir de [son] nombril et faire un gros zoom arrière ». Inspirés de son vécu, ses films déclinent les thèmes de l’amour, de la maternité ou de la maladie. « Maïwenn, elle, fait du cinéma couillu de fille ! », dit Valérie Donzelli.Fan de Truffaut. Elle a repris un script abandonné par François Truffaut pour réaliser Marguerite et Julien, sélectionné à Cannes, qui raconte la relation incestueuse entre un frère et une soeur. Mon Roi, de Maïwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, en salles le 21 octobre 2015. Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, en salles le 30 septembre 2015.Charlotte Cieslinski 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 17.04.2015 à 07h30 • Mis à jour le17.04.2015 à 08h29 Cinéma« Taxi Téhéran » : le tournage en douce de Jafar PanahiFin 2011, la justice iranienne a condamné Jafar Panahi à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de filmer, de voyager ou de s’exprimer en public. Les autorités n’ayant pas exécuté cette sentence, l’auteur du Ballon blanc, du Cercle et de Sang et or trouve des ruses pour continuer de tourner en douce. Dernière en date : se déguiser en chauffeur de taxi, et mettre en scène son film, comme l'avait fait son compatriote Abbas Kiarostami dans Ten, depuis l'intérieur de sa voiture.Film iranien de et avec Jafar Panahi (1 h 22).Lire aussi :« Taxi Téhéran » : Jafar Panahi conduit son studio ambulant à la barbe des censeursExpositionGaumont, une aventure industrielle et artistique Parallèlement à l’exposition « Lumière ! Le cinéma inventé », qui a lieu au Grand Palais à Paris, le Centquatre célèbre, lui aussi, les 120 ans du cinéma. Dominique Païni, le commissaire de « Gaumont, depuis que le cinéma existe », et sa scénographe, Nathalie Crinière, retracent l’histoire du fondateur, Léon Gaumont (1864-1946), engagé à l’origine dans l’optique et la photographie avant de s’investir dans le septième art. Une extraordinaire aventure industrielle et artistique, qui n’est pas terminée.Centquatre, à Paris.Lire aussi :La Gaumont expose ses succèsOpéra« Le Cid » : Alagna plein d’ardeur juvénile Cela faisait quasiment un siècle que Le Cid n’avait pas été donné sur la scène de l’Opéra de Paris. La dernière représentation de l’œuvre de Massenet, créée en 1885, date en effet de 1919. La production invitée ce printemps à Paris a déjà été montée en 2011 à l’Opéra de Marseille, avec Roberto Alagna dans le rôle de Rodrigue. Une création de Charles Roubaud, qui a transposé l’action au sein de l’Espagne franquiste. A l’exception du ténor, qui, en quatre ans, n’a rien perdu de son ardeur juvénile, la distribution a été entièrement renouvelée. A la baguette, Michel Plasson, au meilleur de sa forme.Opéra de Paris.Lire aussi :Roberto Alagna souverain dans « Le Cid »Théâtre« Gros-Câlin » : une vision grinçante de l’existence Seul en scène, Jean-Quentin Châtelain incarne Cousin, le personnage sans prénom d’Emile Ajar-Romain Gary, homme solitaire qui s’est choisi un python affectueux comme compagnon. L’adaptation proposée par Thierry Fortineau (mort en 2006), resserrée, garde le meilleur de Romain Gary. Soit une vision grinçante de l’existence, qui semble vouée à une solitude irrémédiable.Théâtre de l’Œuvre, à Paris.Lire aussi : L’illusion déchirante d’un bonheur qui se refermeMusiquesSelah Sue revient avec un son plus pop Fini le ragga hip-hop pour Selah Sue, qui a grandi et délaissé ses copains de son collectif dubstep, Addicted Kru Down. Avec son deuxième album, plus pop et plus trip-hop, Reason, elle explore ses failles et ses phobies qui l’ont paralysée, adolescente, au point de ne plus pouvoir parler. Elle pousse sa voix jusqu’à la brisure dans de nombreux titres comme Fear Nothing ou Feel. La jeune Flamande sera au programme du festival des Artefacts aux côtés d’Izia, de Cats on Trees, etc.Zénith de Strasbourg, dimanche 19 avril à 14 h 30.Voir aussi : « Reason » de Selah Sue, un album frais ou trop commercial ?ArtsTaryn Simon dévoile l’inconscient des images Des innocents condamnés à cause de leur image, des images qui ont servi d’inspiration à Andy Warhol, des familles décimées par un voisin ou un ancêtre nazi : ce sont les drôles d’histoires que raconte l’Américaine Taryn Simon. Ses mises en scène élégantes et soigneusement étudiées, qui mêlent le design, la photographie et le texte, ressemblent souvent à des inventaires où l’ordre et la rigueur apparentes forment un contraste avec l’absurdité ou la violence qu’elles recouvrent.Jeu de Paume, à Paris.Lire aussi :Taryn Simon en tête de listeCinéma« Les Tueurs » sont éternels  De la nouvelle d’Ernest Hemingway publiée en 1927 naquirent deux films majeurs qui ressortent cette semaine. L’histoire d’un homme qui se laisse exécuter par deux tueurs à gage a d’abord inspiré à Robert Siodmak un film noir (et blanc) en 1946. Les Tueurs marqua l’apparition de deux étoiles, Burt Lancaster et Ava Gardner. Dix ans plus tard, Don Siegel choisissait la couleur et demandait à John Cassavetes d’enfiler les chaussures du mort en sursis. A la mélancolie sensuelle du premier fim succédait une brutalité presque pop.Filmothèque du Quartier latin, à Paris.Lire aussi :« A bout portant »: une libre adaptation, très sombre, des « Tueurs » d’HeminwayMusiquesLes ballades caressantes de Lisa EkdahlLa Suédoise Lisa Ekdahl, passée par le jazz, la pop et la chanson, bénéficie, depuis l’essor de sa carrière au milieu des années 1990, d’une attention bienveillante de la part du public français. Elle séduit par sa voix, caressante, sucrée-salée, pour laquelle le répertoire des ballades et des romances est idéal. Après un passage à l’Olympia, à Paris, le 14 avril, où elle a régulièrement triomphé et au Seven Casino d’Amnéville, le 15 avril, la chanteuse va passer son week-end sur la Côte d’Azur.Théâtre Lino-Ventura, à Nice, vendredi 17 avril à 21 h 30, et Espace Malraux, à Six-Fours-les-Plages, samedi 18 avril à 20 h 30.Lire aussi : Le charme en apesanteur de la chanteuse Lisa EkdahlArtsSacré Poussin A l’occasion du 350e anniversaire de sa mort, le Musée du Louvre consacre une exposition au peintre Poussin (1594-1665), dont l’intitulé, « Poussin et Dieu » prête à controverse. Les organisateurs semblent vouloir montrer que l’artiste est essentiellement un peintre chrétien, contrairement à ce que l’on pourrait croire face à des œuvres pour la plupart inspirées par les mythologies gréco-romaines. L’exposition réunit une centaine d’œuvres, deux tiers de tableaux, un tiers de dessins qui donnent la mesure du talent de celui qui reste considéré comme le plus grand peintre français du XVIIe siècle.Musée du Louvre, à Paris.Lire aussi :Poussin au Louvre : qui dit pieux ?CinémaDu stand-up au grand écran Dans le cadre du Nouveau Festival, dont l'édition 2015 est consacrée au jeu, le Centre Pompidou s’ouvre au stand-up. Performances, conférences, films… Il s’agit de retracer cet art de la scène né aux Etats-Unis et qui a influencé autant la télévision que le cinéma, la danse, l’art contemporain. Parmi les films à voir ou revoir dans le cadre de cette manifestation : 40 ans, toujours puceau, de Judd Apatow (2005), Supergrave, de Greg Mottola (2007), ou des inédits dont Pootie Tang, de Louis C.K. (2001), avec Chris Rock et Tiny Furniture, de Lena Dunham (2010).Centre Pompidou, à Paris.Lire aussi :Le stand-up gagne en standing 16.04.2015 à 22h52 • Mis à jour le17.04.2015 à 16h15 | William Audureau « Chewie, on est à la maison. » Vingt-deux ans après, Han Solo a donc repris la parole. Pour s'adresser à son éternel fidèle, le très poilu Chewbacca, sous les traits vieillis de Harrison Ford, ultime clin d'œil de la seconde bande-annonce de Star Wars VII : Le réveil de la Force à la trilogie originale.Lire : La nouvelle bande-annonce du dernier Star Wars dévoiléeA l'image du célèbre contrebandier, le réalisateur J.J. Abrams n'a pas manqué d'insister sur la familiarité entre « son » épisode de Star Wars et la trilogie originale, celle qui, près de quatre décennies après ses débuts, continue de nourrir l'imaginaire collectif et de faire vibrer les fans envers et contre la « prélogie » des années 2000, et ses nombreux choix scénaristiques discutés.Faculté d'adaptationJ.J. Abrams, 48 ans, est passé maître dans l'art d'entretenir le suspense et de contenter les fans. La série télévisée Lost, avec son scénario alambiqué et son sens du mystère poussé jusqu'à l'absurde, avait déjà révélé une des facettes de son approche : son perpétuel désir de mettre le (télé)spectateur dans une position d'insupportable attente. Avec le remake de Star Trek, puis, avec Super 8, le réalisateur américain aux multiples casquettes avait également prouvé son étonnante faculté d'adaptation, sa faculté à rendre hommage à une œuvre majeure de la culture populaire (l'univers de Star Trek d'un côté, le cinéma de Spielberg des années 1980 de l'autre).Avec les deux bandes-annonces de Star Wars VII désormais diffusées, le New-Yorkais confirme son insolente habileté à jongler entre références nostalgiques et sens inné du teasing, cet art de susciter l'impatience chez l'innocent spectateur.Avec une admirable maestria, les deux trailers du nouvel épisode de la Guerre des étoiles récitent le B.A.-BA du bon film Star Wars : les inusables droïdes, le Faucon Millenium, vaisseau intergalactique culte, le masque de l'inoubliable méchant de la première trilogie, Dark Vador, les décors en maquette plutôt qu'en effets spéciaux numériques, ou encore les combats spatiaux à bord des classiques X-Wing, les avions de chasse de l'espace de la saga.Une discrète appropriation de l'univers« Est-ce que je suis un geek ? Je ne crois pas que la question se pose », s'était-il amusé, plein d'évidence, lors d'une interview en 2009 au Guardian à l'occasion de la sortie de Star Trek. L'homme ne s'en est jamais caché : à la manière d'un Quentin Tarantino de la science-fiction, il aime jongler entre les références, avec le soin de satisfaire jusqu'aux fans les plus zêlés. « Etonnant mais vrai : le monde attend ce film. Donnons-lui quelque chose de grand », aurait-il écrit sur un post-it adressé à ses équipes sur le tournage de Star Wars VII.Dans le même temps, pourtant, le producteur de Cloverfield parvient subrepticement à glisser du neuf : si c'est le masque bosselé de Dark Vador qui frappe au premier visionnage de la seconde bande-annonce, c'est bien un nouveau méchant que celle-ci présente fugacement, quelques plans plus loin. Son héros atypique, un soldat Stormtrooper incarné par John Boyega, un acteur noir — une première pour le personnage principal dans la saga —, les quelques inserts de rayons de soleil aveuglants — une signature de J.J. Abrams — ou encore les longs plans noirs mystérieux et languissants trahissent son malin plaisir à éprouver la patience des fans.« C'est génial de prendre Star Wars et d'en faire quelque chose de neuf. Je m'éclate », avait-il confié l'an dernier à Go Explore. Han Solo n'est pas le seul à se sentir chez lui.William AudureauJournaliste au Monde 06.05.2015 à 11h25 • Mis à jour le06.05.2015 à 14h23 | Alain Beuve-Méry Par sa vitalité, le cinéma en France demeure une exception en Europe. Présenté, mercredi 6 mai, par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le tour d’horizon de l’année écoulée affiche dans tous ses segments (taux de fréquentation des salles, nombre de films produits et distribués ou exportés…) un dynamisme certain. Tous les clignotants sont au vert ou presque. Ce bilan est traditionnellement présenté, juste avant l’ouverture du Festival de Cannes (du 13 au 24 mai), qui constitue la vitrine la plus luxueuse du septième art dans l’Hexagone.Ainsi, avec 209 millions d’entrées sur 911 millions en Europe – 213,6 millions si l’on inclut les entrées gratuites –, la France demeure de loin le premier marché européen en termes de fréquentation, devant l’Allemagne (122 millions), l’Italie (100 millions), l’Espagne (87 millions) ou l’Angleterre (57 millions).En 2014, 66,6 % des Français, soit 39 millions sont allés au moins une fois au cinéma, soit une augmentation de 4 %. Chaque spectateur est allé en moyenne 5,3 fois au cinéma. Ce qui fait en vingt ans, une progression d’un tiers de spectateurs.Le bataillon le plus important : les étudiantsParmi ces publics, les inactifs représentent 51,1 % du total et, parmi eux, les étudiants, 28,6 %. Par tranches d’âge, les 25-49 ans forment le bataillon le plus important (35,6 %) devant les 50 ans et plus (33,1 %). Mais, avec 80 % des moins de 25 ans qui sont allés au cinéma au moins une fois par an, le septième art demeure un loisir très répandu chez les jeunes. Les 20-24 ans sont notamment ceux qui demeurent les plus gros consommateurs, même si leur nombre est en recul.Le CNC observe une stabilité de la fréquentation à Paris, mais une forte progression des entrées au sein des plus petites agglomérations : + 14 % sur les villes de 20 000 à 100 000 habitants ; + 17 % sur les plus petites communes.Ces données sont à rapprocher de celles concernant le nombre de salles. De fait, la France dispose du parc cinématographique le plus important en Europe, avec 2 020 établissements et 5 653 écrans. Avec, en moyenne, 8,6 écrans pour 100 000 habitants, l’Hexagone est ainsi doté du parc de salles le plus dense. En dix ans, le nombre de fauteuils a augmenté de 5,4 %, celui des écrans de 7,3 %. Le nombre d’établissements est, lui, en recul de 2,6 %.Films français en tête de podium en 2014En 2014, un cinéma a réalisé 103 453 entrées en moyenne. Mais ce sont les plus grands qui se tirent la part du lion, avec une progression de 9,5 % et 472 038 entrées par cinéma. Au total, le parc français se décompose en 191 multiplexes, avec 1 555 écrans actifs, dont deux multiplexes ouverts en 2014. Paris jouit de 404 écrans répartis en 87 établissements.En termes de recettes, le retour à une TVA à 5,5 % sur les tickets de cinéma a eu un effet positif. Aux guichets, les exploitants ont gagné 1,33 milliard d’euros en 2014, soit une hausse de 6,5 %. Le CNC note une forte progression des entrées entre 4 euros et 5 euros, qui sont passées de 9 % à 16 %. C’est la traduction logique de la politique tarifaire mise en place en faveur des jeunes de moins de 14 ans, pour qui le prix de la place a été fixé à 4 euros. Il y a eu près de 21 millions d’entrées à ce tarif en 2014. Sur ces recettes de 1,3 milliard d’euros, 43 % sont allés aux exploitants, soit 570 millions d’euros et 40 % aux distributeurs (532 millions d’euros).Avec 91 millions d’entrées pour les films français, la part du marché domestique s’élève à 44 % en France, contre 28 % en Italie, 27 % en Allemagne, 25,5 % en Espagne et 15,5 % au Royaume-Uni. C’est le plus haut niveau depuis 1984. De fait, en 2014, les trois premières places du podium des films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées sont 100 % françaises. La première marche est occupée par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, avec 12,34 millions d’entrées, devant Supercondriaque (5,27 millions) et Lucy (5,2 millions).Vitalité des films d’animationParmi les bonnes nouvelles figure aussi la vitalité des films d’animation avec vingt-neuf sorties en 2014 pour 23 millions d’entrées. Parmi les six films français, deux – Astérix et le domaine des dieux et Minuscule – ont dépassé un million d’entrées en 2014. Cent films documentaires sont sortis en salle en 2014 dont soixante-douze films français.Lire aussi :Comédies et documentaires, les films français les plus rentables en 2014En 2014, 7 035 films ont été exploités, un chiffre en constante augmentation. La progression est même de 20,5 % depuis 2005. Parmi ceux-ci, il y a eu 663 films inédits et 4 108 films art et essai. En termes d’exposition, les films français sont présents en moyenne dans 119 établissements, en première semaine d’exploitation, un chiffre en recul par rapport à il y a dix ans. Les films américains sont en revanche présents en moyenne dans 258 établissements, un chiffre en augmentation.Il y a eu aussi six films distribués dans 800 établissements ou plus en 2014, dès la première semaine (contre trois en 2013), ce qui démontre la puissance de tir mise au service de certains blockbusters.Lire aussi :Les bons chiffres du cinéma français à l’exportAlain Beuve-MéryJournaliste chargé de l'économie de la cultureSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Crime et psychiatrie… Un divertissement libre et inventif aux résonances inquiétantes (Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson)Le film commence un peu sur le mode d’Erin Brockovich, l’un des plus grands succès de Soderbergh, un drame à fort message social. Ici, Emily Taylor, une frêle jeune femme, est en proie à la dépression, et l’on s’aperçoit bientôt que le remède que lui a conseillé son psychiatre (l’Ablixa, une molécule psychotrope), le docteur Jon Banks, a sur elle des effets indésirables.Comme il le fait depuis le Che, Steven Soderbergh a tourné (il est son propre opérateur) avec une caméra numérique RED. Il s’est servi de sa palette automnale pour filmer New York avec une absence de sentimentalisme réjouissante. Devant son objectif, le décor de cinéma redevient une grande ville où l’on peut aussi bien se perdre que se cacher.Et c’est vrai qu’au début d’Effets secondaires, on est convaincu qu’Emily est en perdition. Elle a le visage fin et extraordinairement changeant de Rooney Mara. Elle retrouve son époux (Channing Tatum), qui vient de passer des mois en prison pour un délit financier et ne parvient pas à se réadapter à la vie conjugale. La dépression, le « terrible brouillard noir », du romancier William Styron (le grand homme n’est pas ici cité gratuitement, il est mis à contribution dans le scénario), envahit sa vie, jusqu’à ce qu’elle rencontre un joli psychiatre britannique, exilé à New York (Jude Law, toujours séduisant et inquiétant).Fluidité et profondeurLe temps qu’il se produise une catastrophe, dont la cause est attribuée, par la médecine et la justice, à l’Ablixa, et l’on se retrouve, sans même s’en apercevoir, dans un de ces films noirs où les motivations des personnages changent d’un plan à l’autre, selon le point de vue que l’on adopte.La toile d’araignée que tisse le scénario de Scott Z. Burns se peuple de créatures d’un abord sympathique – comme la première psychiatre d’Emily, qu’incarne Catherine Zeta-Jones – ou anodin, comme ce substitut du procureur (Michael Nathanson). L’une s’avère redoutable, l’autre particulièrement pugnace.La fluidité de la mise en scène et la profondeur de l’interprétation donnent à ce divertissement des résonances inquiétantes. Soderbergh est un immoraliste impénitent, qui met en scène, depuis Sexe, mensonges et vidéos, les contradictions entre la règle et le désir, entre la norme sociale et la morale. Entre ces forces écrasantes et démoralisantes, il glisse le plaisir du cinéma, un antidépresseur de premier choix.« Effets secondaires », de Steven Soderbergh. Avec Jude Law, Rooney Mara (EU, 2013, 106 min). Mercredi 6 mai, à 20 h 45, sur Ciné + Frisson.Thomas SotinelJournaliste au Monde Leila Marchand « May the force be with you » (« Que la force soit avec toi ») : voici la célèbre formule qui a fait du 4 mai – May 4th en anglais, qui se prononce à l'identique – une journée dédiée à Star Wars.La véritable force de la saga intergalactique, 38 ans après la sortie du premier film, en mai 1977, est de ne rien avoir perdu de son souffle. Un septième épisode, « Star Wars : The Force Awakens », sortira en salles le 18 décembre. Sa bande-annonce officielle approche déjà les 68 millions de vues sur Youtube, signe que les fans trépignent déjà d'impatience.775 millions de dollars de recettes dès le premier film1977 A Hollywood, personne ne pariait sur le succès de Star Wars. A l'époque, la science-fiction n'a pas la cote. Aucun studio n'est prêt à investir dans le projet, et même la 20th Century Fox, qui finit par lui donner sa chance, redoute jusqu'au bout l'échec commercial. Elle accepte d'ailleurs le marché proposé par George Lucas : celui-ci renonce à un salaire de 500 000 dollars et garde en échange les droits sur la licence et la vente de produits dérivés.Contre toute attente, le film connaît un succès phénoménal dès son premier week-end de sortie. La suite de l'histoire est connue. Le succès va accompagner la sortie de chacun des six épisodes, sans exception. Les résultats au box office sont impressionnants et se comptent en centaines de millions de dollars. #container_14303175554{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303175554{ height:500px; } #container_14303175554 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303175554 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303175554 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303175554 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars : L'épisode I explose le box officeL'épisode IV est le plus rentable, avec seulement 11 millions de dollars de budget et plus de 775 millions de recette à travers le monde.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303175554", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"en millions de dollars" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Box Office Monde", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 775.398007 ], [ "", 538.375067 ], [ "", 475.106177 ], [ "", 1027.044677 ], [ "", 649.398328 ], [ "", 848.754768 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Budget", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 11 ], [ "", 18 ], [ "", 32.5 ], [ "", 115 ], [ "", 115 ], [ "", 113 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: 1, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: " M$", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}(Pour rappel, les épisodes IV à VI sont sortis de 1977 à 1983, et les épisodes I à III ont été tournés plus tard, de 1999 à 2005.)113 millions de dollars de budget pour le dernier filmLes recettes de la dernière trilogie en date dépassent encore celles de la première. Star Wars I passe même la barre du milliard de dollars de bénéfice.Un succès phénoménal même si le budget a été multiplié par dix depuis le premier film, passant de 11 à 113 millions de dollars.Pour preuve, Star Wars a même sa place dans la liste des « 100 films les plus rentables de tous les temps », mise à jour par le site américain Box Office Mojo. Quatre épisodes se retrouvent dans le classement, Star Wars I en tête, au 17e rang.4 mds de dollars Au total, les films Star Wars ont généré pour 4,54 milliards de dollars de vente de tickets de cinéma dans le monde, soit 4 milliards d'euros.121 prix Plébiscité par le grand public, Star Wars a aussi su séduire la critique. Si l'on additionne les diverses distinctions gagnées lors de festivals du cinéma, la série a empoché 121 prix. #container_14303908921{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303908921{ height:500px; } #container_14303908921 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303908921 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303908921 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303908921 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Star Wars IV remporte le plus de prix, Star Wars I reçoit le plus de nominationsSeuls les trois premiers films de la trilogie (IV, V, VI) sont décorés par un ou plusieurs Oscars du cinéma.Source : IMDB(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303908921", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "bar", spacingBottom: 10 }, colors:["#ff3232","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Prix remportés", "color": "#ff3232", "data": [ [ "", 44 ], [ "", 16 ], [ "", 15 ], [ "", 17 ], [ "", 13 ], [ "", 16 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }, { "name": "Nomination", "color": "#FFc832", "data": [ [ "", 26 ], [ "", 16 ], [ "", 18 ], [ "", 60 ], [ "", 46 ], [ "", 36 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 0, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Le tout premier film, Star Wars IV, a même reçu sept Oscars, dont celui des meilleurs effets visuels, une belle performance pour un film de science-fiction.7,8 millions d'entrées pour « Star Wars I » en FranceEn France aussi, La Guerre des étoiles a fait des adeptes. La saga fait proportionnellement les mêmes audiences qu'ailleurs dans le monde : c'est Star Wars I qui reste le chouchou avec 7,8 millions d'entrées, suivi de près par Star Wars III (7,2 millions) et Star Wars IV (6,5 millions). #container_14303880480{ padding:5px 5px 0px 10px; width:100%; background-color:#f8f9fb; border:1px solid #d2d6db!important; } #graphe_14303880480{ height:500px; } #container_14303880480 .titre{ position:relative; z-index:5; } #container_14303880480 .titre:before{ font-size:13px; content:"► "; vertical-align: middle; } #container_14303880480 .subtitre{ display:block; } .highcharts-tooltip span { height: auto; min-width: 170px; z-index: 9998!important; overflow: auto; opacity: 1; white-space: normal !important; } .tooltiplarge { width: 230px; } #container_14303880480 .credits{ text-align: right; margin-right: 5px; padding-bottom: 5px; }Les Français aussi ont préféré "Star Wars I"Star Wars I fait partie des plus grands succès au cinéma en France, avec plus de 7,8 millions d'entréesSource : CNC(function(window){ var async = function async(u, c){ var d = document, t = 'script', o = d.createElement(t), s = d.getElementsByTagName(t)[0]; o.src = u; if (c){o.addEventListener('load', function(e){c(null,e);},false);} s.parentNode.insertBefore(o, s); },initCharts = function(){ //FONCTIONS GLOBALES Highcharts.setOptions({ lang: { decimalPoint: ',', thousandsSep: ' ', months: ['Janvier', 'Février', 'Mars', 'Avril', 'Mai', 'Juin', 'Juillet', 'Août', 'Septembre', 'Octobre', 'Novembre', 'Décembre'], shortMonths: [ 'jan.' , 'fév.' , 'mars' , 'avr.' , 'mai' , 'juin' , 'juil.' , 'août' , 'sept.' , 'oct.' , 'nov.' , 'déc.'], weekdays: ['Dimanche', 'Lundi', 'Mardi', 'Mercredi', 'Jeudi', 'Vendredi', 'Samedi'], noData: 'Pas de données à afficher', numericSymbols: [null, 'M', 'G', 'T', 'P', 'E'] } }); var annotation_spe = []//GRAPHE var chart = new Highcharts.Chart({ chart:{ renderTo:"graphe_14303880480", backgroundColor: "rgba(255,255,255,0)", borderRadius: 0, alignTicks:false, type: "column", spacingBottom: 10 }, colors:["#0386c3","#FFc832","#ff3232","#F19300","#28beaa","#285a82","#821400","#191919"], credits:{ enabled:false}, title: { text: "" }, subtitle: { text: "" }, plotOptions: { series: { dataLabels: { inside: false, allowOverlap: true, format: "{y} ", style: { textShadow: 'none', color: '#333' } }, connectNulls:true, stacking:null, marker:{ symbol:"circle", fillColor:"#FFF", lineWidth: 2, radius:3, lineColor:null }, states:{ hover:{ lineWidthPlus : 0 } } }, pie:{ dataLabels:{ distance:30, softConnector:false } } }, yAxis:[{ id:"0", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"millions d'entrées" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "" , label: { useHTML: false, text:"", align: "left", x: -3 } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: -5 } }] },{ id:"1", allowDecimals:false, type:"linear", title: { text:"" }, labels: { useHTML: false, format: "{value} ", zIndex: -1 }, min: null, max: null, startOnTick: true, endOnTick:true, reversed:false, opposite:true }], xAxis: { type: "linear", categories:["Star Wars IV (1977)","Star Wars V (1980)","Star Wars VI (1983)","Star Wars I (1999)","Star Wars II (2002)","Star Wars III (2005)"], title: { text: "" }, labels: { useHTML: false, step: "", format: "{value}" }, plotLines: [{ color: "#ccc", width: "", value: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", verticalAlign: "top", x: 5, y: "" } }], plotBands: [{ color: "#ccc", from: "", to: "", label: { useHTML: false, text: "", textAlign: "", align: "left", verticalAlign: "top", x: "", y: 10 } }] }, legend:{ enabled:1, layout:"horizontal", verticalAlign:"bottom", align:"center", y:-10 },//SERIES series:[ { "name": "Entrées au cinéma en France", "color": "#0386c3", "data": [ [ "", 6.459 ], [ "", 4.051 ], [ "", 4.243 ], [ "", 7.83 ], [ "", 5.609 ], [ "", 7.23 ] ], "type": "", "lineWidth": 2, "yAxis": 0, "stack": "null", "visible": true, "dataLabels": { "enabled": 0 } }], tooltip: { useHTML: true, shared: false, valueDecimals: 2, valuePrefix: "", valueSuffix: "", backgroundColor: { linearGradient: [0, 0, 0, 60], stops: [[0, '#FFFFFF'],[1, '#E0E0E0']] }, dateTimeLabelFormats: { hour: "", }, hideDelay: 200, borderWidth: 1, borderColor: "#AAA", formatter: function(tooltip) { return tooltip.defaultFormatter.call(this, tooltip) }, } }) }; if (!window.Highcharts) { async('https://code.highcharts.com/adapters/standalone-framework.js', function() { async('https://code.highcharts.com/highcharts.js', function() { initCharts(); }); }); } else { initCharts(); }})(window);function findLength(str) { 100) { el = document.getElementsByClassName('highcharts-tooltip')[1].firstChild if (el.classList) {el.classList.add('tooltiplarge');} else {el.className += ' ' + 'tooltiplarge';} }}Ces trois épisodes sont d'ailleurs dans la liste des « Meilleurs succès au cinéma en France depuis 1945 » éditée par le CNC (centre national du cinéma et de l'image animée). Les Français ont ainsi été aussi nombreux à aller voir Star Wars : épisode 1, à la 54e place, que Un Indien dans la ville, Pinocchio ou Le Gendarme de Saint-Tropez.En 2005, Star Wars : épisode 3 prend même la tête du box-office, juste devant Harry Potter et la coupe de feu.Rachetée pour plus de 3 milliards d'eurosLa success story ne s'arrête pas là. Les studios Disney ont visiblement senti le potentiel inépuisable de la franchise. Le 30 octobre 2012, ils annoncent le rachat de Lucasfilm, la société de production fondée par le réalisateur, pour un peu plus de 4 milliards de dollars, soit 3,1 milliards d'euros à cette date.2 milliards environ ont été versés comptant à George Lucas2 milliards lui ont été remis sous forme d'actions Disney (40 millions de titres)Une affaire qui le propulse parmi les plus grandes fortunes de la planète : le magazine Forbes le classe 309e, avec 5,2 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).« Star Wars VII » : un budget deux fois plus élevéDès le contrat signé, Disney annonce le retour de la série culte sur les écrans. Et la compagnie ne se contente pas d'exploiter un seul nouveau film : c'est toute une nouvelle trilogie qui est en préparation, dont le premier volet arrive au mois de décembre.Baptisé Star Wars : The Force Awakens (Star Wars : le réveil de la force), le film devrait pouvoir compter sur un budget presque deux fois plus important que celui du dernier film : le président de Walt Disney laisse entendre qu'il serait de l'ordre de 175 à 200 millions de dollars (156 à 178 millions d'euros).215 millions de dollars de produits dérivésMême si ce nouvel opus ne connaît pas le succès attendu en salles – scénario peu probable –, l'investissement de Disney devrait être facilement amorti. Avec l'acquisition de Lucasfilm, la compagnie est également devenue propriétaire de toutes ses filiales (comme LucasArts, société de production de jeux vidéo) et obtient le droit d'exploiter la licence Star Wars, c'est-à-dire une multitude de produits dérivés.Déjà la spécialité de la franchise avant son rachat, la vente issue des licences, rapportait 215 millions de dollars en 2012 (192 millions d'euros).Le géant américain a commencé à exploiter à son tour ce potentiel, avec la diffusion d'une série animée pour enfants, le lancement de jeux vidéo sur tablettes et le projet d'attractions dédiées dans les parcs Disney.Cinq marchands de jouet ont également obtenu le droit d'exploiter la licence : Hasbro, Lego, Mattel, Jakks Pacific et Rubies.Un marché en or : en 2014, plusieurs générations d'enfants après le premier film, Star Wars restait la licence de jouets la plus vendue en France.Leila MarchandJournaliste au Monde 30.04.2015 à 15h44 | Guillemette Faure L'association Le Deuxième regard prône l'égalité entre hommes et femmes au cinéma. Séance de brainstorming pour influer sur le 7e art.Elles ne se mettent pas seins nus comme les Femen. Elles ne se parent pas de postiche comme les femmes de La Barbe. Les membres du Deuxième regard se retrouvent à l'étage d'un café parisien ce soir pour leur assemblée générale. Le Deuxième regard, comme le nom d'une association de gens qui travaillent dans le cinéma et se soucient de la place des femmes et de leur représentation dans les films.Le monde du cinéma ne se vit pas misogyne. Il croit même leur rendre hommage en permanence. Un peu comme François Truffaut expliquant que « le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». Mais la place de la muse, ce n'est pas celle qui intéresse la trentaine de personnes présentes ce soir – il n'y en a pas plus, les autres préparent Cannes. Cannes, justement, le moment de l'année qui cristallise le ressentiment de celles qui guettent la composition du jury et les noms des auteurs des films en Sélection comme des indicateurs du machisme ambiant.« Deux films de femme parmi les dix-neuf films en compétition. Zéro pour les films programmés dans la Semaine de la critique », note une des participantes. Beaucoup d'entre elles ont la trentaine. Je pourrais dire d'entre eux puisque trois hommes sont là, parmi lesquels celui qui gère le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir et le mari de l'organisatrice.On ne s'entend pas très bien. A cause du bruit du bar au rez-de-chaussée et parce que dans les réunions, comme l'a remarqué la patronne de Facebook Sheryl Sandberg dans son livre Lean In, les femmes prennent spontanément les places périphériques et parlent un peu moins fort que les autres. Alors quand il n'y a que des femmes…Faire la peau aux stéréotypes masculinsAu milieu du groupe, Bérénice Vincent, la présidente de l'association, annonce que le sponsoring par le groupe Kering (de François-Henri Pinault) du programme Women in motion au sein du Festival permettra à l'association de disposer « d'un talk ». Un quoi ? « Une conversation, quoi. » « Il sera diffusé où le toast ? », demande quelqu'un. « Un talk ! Un débat, quoi. » Mais voilà, dans son communiqué, Kering parle de « spécificité féminine » ou de « narration féminine ». Quelqu'un fronce le nez. C'est la difficulté de l'exercice : réclamer plus de place pour les femmes sans se faire enfermer dans un genre « films de femme ».Les professionnelles doivent-elles se réjouir ou s'affliger quand Arte programme deux cases « l'écriture au féminin », quand un colloque de scénaristes sponsorisé par Vivendi cale une table ronde « la réalisation des films au féminin » ? « La narration féminine, ça nous essentialise », dit une participante qui ne voudrait pas que les femmes se fassent renvoyer au cinéma intimiste. « Une femme peut faire un film de guerre, comme Kathryn Bigelow avec Zero Dark Thirty. » Quelqu'un glisse que la lutte contre les clichés féminins demande aussi de faire la peau aux stéréotypes masculins. L'association a déjà décidé de ne surtout pas réclamer de case « film de femme » aux diffuseurs – « ce serait casse-gueule », reconnaît Bérénice Vincent. Une membre suggère d'organiser une fête « car on sait que c'est dans les fêtes que tout se passe ». Un paquet de chips tourne autour du groupe. On a ouvert des bouteilles. « Il est temps de défendre féminisme et alcoolisme… »Heureusement, il y a « Connasse »Sur son site Internet, Le Deuxième regard met en avant des films qui donnent une autre place aux femmes dans le cinéma. « Il y a des mois où on galère pour en trouver un à mettre en avant », reconnaît Bénérice Vincent. Et sur quels critères le choisir ? Un personnage de femme central suffit-il à défendre la place de la femme au cinéma ? « Fifty shades, c'est pas ma came », dit une femme. « Chez Lars von Trier, les personnages principaux sont des nanas, elles sont toutes folledingues », dit une autre.Parmi les statistiques publiées sur le site de l'association, on apprend que 17 % des réalisateurs sont des femmes, qu'on ne compte que 3 % de scénaristes femmes pour les films aux budgets supérieurs à 15 millions d'euros, et que le palmarès du box-office de 2012 n'affichait aucun film de femme. Heureusement, ces jours-ci sort un film réalisé par une femme, produit par une femme, avec une femme en personnage principal. Il s'appelle Connasse, Princesse des coeurs.Guillemette FaureChroniqueur M le MagazineSuivreAller sur la page de ce journaliste Jacques Mandelbaum Il y a des jours où la fonction nécrologique du critique de cinéma est un crève-cœur. Il sera dit, écrit, signé et consigné que celui qui vit mourir René Féret – une nuit, en fait, du 27 au 28 avril, après une longue lutte avec la maladie – est de ceux-là. Il avait 69 ans. Avec ce cinéaste disparaît non seulement un homme chaleureux et passionné, non seulement un réalisateur à l’œuvre remarquable, mais encore une idée et une pratique du cinéma aussi rares qu’admirables dans le cinéma français, du moins dans la durée à laquelle est parvenu à les perpétuer René Féret.Lire aussi : René Féret, une affaire de familleCette idée, cette pratique, étaient celles d’un cinéma libre et artisanal, expressément interprété par des anti-vedettes de grand talent (Valérie Stroh, Jean-François Stévenin, Antoine Chappey…). Soit l’expression d’un auteur contrôlée, tant sur le plan artistique qu’économique, par nul autre que lui-même. Peut-être que cette manière-là, si audacieuse et usante à tenir dans un contexte de moins en moins favorable, ne destinait pas René Féret à tenir davantage qu’il n’a tenu. Il aurait eu, en tout état de cause, 70 ans, le 26 mai prochain.Né en 1945 à La Bassée, dans le Nord, issu d’une famille de petits commerçants qu’il décrira comme des fils de prolos aimant à vivre au-dessus de leurs moyens. Entré tête la première dans le roman familial, René Féret n’en sortira qu’en lui consacrant son œuvre. Un frère mort à l’âge de quatre ans, quelques années avant sa naissance, pèsera, en effet, toute sa vie sur le destin de René. Car le petit fantôme s’appelait René, et on lui donna son nom. Lourde charge que celle d’incarner la mémoire d’un mort, de le faire pour ainsi dire renaître en même temps qu’on naît soi-même à la vie. René, le bien nommé, en prendra son parti et choisira, dès 17 ans, la carrière d’acteur, plus propice à naviguer aventureusement entre l’autre et soi. Mais l’aventure ne résout pas la souffrance. A 22 ans, une autre mort, cette fois celle de son père, le rattrape. Il s’écroule. C’est un épisode de décompensation sévère, une tentative de suicide, un séjour vitrifié à l’asile psychiatrique, dont on pense qu’il ne sortira plus.« L’asile a été mon école de cinéma »Il en sort pourtant, abandonnant au passage la carrière d’acteur, décidément trop dangereuse, pour la réalisation. « L’asile a été mon école de cinéma, et la réalisation une sorte de thérapie. La création a pris chez moi la place de la folie », nous disait-il lors d’un long entretien qu’il nous avait accordé en 2013. Il y évoquait aussi l’histoire chanceuse de son premier film, Histoire de Paul, réalisé en 1975 à l’âge de 30 ans d’après son expérience asilaire. Réalisé au culot grâce à un prêt modeste du documentariste Nicolas Philibert, le film remporte le prix Jean Vigo, suscite un article enthousiaste de Michel Foucault dans les colonnes du Monde, fait plus de 50 000 entrées et obtient l’avance sur recettes, une fois le film terminé. Pour bénéficier de la somme, le jeune réalisateur du film pirate crée sa propre société de production. Un destin de cinéaste indépendant se noue à la faveur de cette heureuse conjoncture.Il s’ensuivra tout sauf un chemin de roses. Une œuvre avec ses hauts et ses bas, arrachée à force de volonté, intimiste et profonde, forte de dix-huit longs métrages, excellant à mettre en valeur les acteurs, dispensant de vrais moments de grâce, infiniment touchante. Son deuxième film, La Communion solennelle (1977), redonne vie avec une soixantaine d’acteurs à l’arbre généalogique de la famille Féret. Le film est sélectionné en compétition à Cannes et fait un carton en salles, avec 500 000 entrées. Cela ne se reproduira plus.Fernand (1980), le film suivant, est une catastrophe commerciale. La même année, L’Enfant-roi, récit très intime évoquant sa séparation d’avec sa femme, ne sort même pas en salles tant le résultat est décevant. Pour la première fois, une grande société, UGC, avait coproduit le film. Féret songe à tout arrêter. Il continue pourtant avec deux gros projets – Le Mystère Alexina (1985), audacieux récit composé d’après la vie de l’hermaphrodite Herculine Babin, puis le thriller L’Homme qui n’était pas là (1987) – qui achèvent de le lessiver. C’est le dépôt de bilan, la perte des droits de ses films.Budgets serrés et audiences modestesParadoxalement, cette mésaventure permet au réalisateur de repartir sur de nouvelles bases, en s’imposant désormais une discipline de fer et un contrôle total sur le financement de ses films. C’est à cette date que Féret passe à un braquet plus modeste, créant avec l’aide de sa femme Fabienne (monteuse) et de ses trois enfants (Julien, Marie et Lisa joueront dans les films de leur père) une véritable petite entreprise de cinéma autogérée. Le respect dont jouit le cinéaste chez ses pairs restés dans le circuit traditionnel fera le reste. Budgets serrés et audiences relativement modestes jalonnent désormais la vie cinématographique de René Féret, qui n’en signe pas moins des films tenus, sensibles, délicats.Baptême (1988), La Place d’un autre (1994), Les Frères Gravet (1996) approfondissent subtilement la veine autobiographique et familiale. Rue du retrait (2001) se penche sans faux-semblants sur la solitude et le désarroi de la vieillesse. Comme une étoile dans la nuit (2008) confronte de manière déchirante un jeune couple amoureux à la maladie mortelle qui s’invite chez eux. Le Prochain Film (2013), comédie bricolée avec des acteurs bénévoles en bas de chez lui, s’amuse des tracas d’un cinéaste qui veut changer de registre pour se relancer. Récemment, René Féret s’était aussi trouvé un goût pour le film d’époque, réceptacle renouvelé de ses éternels tourments, qu’il acclimatait avec talent à la sobriété de ses tournages, qu’il s’agisse de Nannerl, la sœur de Mozart (2010), de Madame Solario (2012), ou d’Anton Tchekhov 1890, son dernier film, sorti le 18 mars 2015.Lire aussi :« Anton Tchekhov 1890 » : romanesque, sans académismeDates26 mai 1945 : naissance à La Bassée (Nord)1975 : sortie de son premier long-métrage, Histoire de Paul, qui lui vaut le prix Jean Vigo1977 : son deuxième long-métrage, La Communion solennelle, est un succès public avec cinq cent mille spectateurs1987 : ruiné par plusieurs échecs commerciaux, perdant les droits de ses films, le cinéaste repart sur des bases totalement artisanales2015 : mort à Paris, six semaines après la sortie d’Anton Tchekhov 1890Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Xavier EutropeAvengers : L'ère d'Ultron, en salles depuis mercredi 22 avril, a réalisé le meilleur démarrage de l'année en France. Parallèlement, la bande-annonce de Batman vs Superman, dévoilée cette semaine, a fait le tour du Web. Les crossovers, ces récits qui mêlent des univers issus d'œuvres différentes, font le bonheur des fans... et des éditeurs. Eclairage avec Jean-Marc Lainé, auteur de Super-héros ! La puissance des masques.Les cross-overs sont un modèle important dans les comics. D'où viennent-ils ?Le cross-over vient de l'idée que, dans un ensemble d'œuvres, tous les personnages évoluent dans un univers commun et se croisent. Mais ce n'est pas apparu avec les comics. Il suffit de voir ce qu'a produit Emile Zola avec la saga des Rougon-Macquart : vous retrouvez les mêmes personnages, les mêmes noms, les familles qui évoluent au fil des ouvrages.Dans les comic books, le cross-over arrive très rapidement après la naissance du genre des superhéros [en 1938 avec Superman]. Le premier apparaît [en 1940] dans un numéro de Marvel Mystery Comics, et montre le combat entre la Torche humaine, androïde couvert de feu, et Namor, prince des océans. Après la simple rencontre entre deux personnages, l'idée de groupe apparaît avec la bande de la Justice Society chez DC, en 1940, qui mêle des personnages aussi hétéroclites que Superman, Batman ou Sandman. Il y a aussi celle de l'All Winner Squad chez Marvel, en 1946, avec Captain America, Bucky, Namor et la Torche humaine. Mais ce sont encore des essais, peu formalisés. Il faut attendre les années 1960 avec le retour de Captain America et de Namor chez Marvel pour voir apparaître les Avengers [qui devient le premier véritable phénomène commercial pour un cross-over]. On peut aussi voir comme des cross-overs les apparitions éclairs que font certains personnages, comme lorsque Reed Richards des Quatre Fantastiques ouvre la fenêtre et que Spider-Man passe devant. Il y a aussi eu l'histoire qui réunissait les Defenders et les Avengers, entre octobre et décembre 1973. Pour tout comprendre, vous étiez obligé d'acheter les numéros des deux séries.Il y a une vraie logique marketing : si Thor se vend bien séparément d'Iron Man, on peut supposer qu'il se vendra encore mieux si l'histoire combine les deux. Avengers sur papier, c'est 300 épisodes de partenariat permanent.Marvel montre clairement sa volonté de construire un univers commun à ses bandes dessinées, ses séries et ses films. DC, au contraire, segmente très clairement chacun de ces secteurs. Comment expliquez-vous cela ?La différence majeure entre DC et Marvel, c'est que DC est une société qui s'est construite en en rachetant d'autres. Elle a vu son catalogue de héros grossir au fil du temps. En plus de ça, de nouvelles versions des personnages originaux créés avant la guerre apparaissent au début des années 1960. Des versions alternatives de différents héros coexistent donc. Pour justifier certaines incohérences, DC se référait à ces univers parallèles. Marvel, de son côté, n'a jamais eu recours à ce mécanisme pour expliquer ses propres problèmes de continuité, la société a toujours trouvé d'autres solutions, les personnages restant toujours plus ou moins les mêmes.Et cela se retrouve dans la façon dont ils traitent leurs franchises à la télévision et au ciné. Le personnage de Phil Coulson, par exemple, est joué par le même acteur dans la série Agents Of S.H.I.E.L.D. et dans le film Avengers. DC n'a pas la même politique. Les acteurs qui interpréteront les héros de la Justice League au cinéma ne seront pas les mêmes que dans les séries ; l'interprète de la série Flash ne sera pas le même que dans le film qui lui sera consacré. On peut dire que, chez DC, on met plus l'accent sur le personnage que sur l'acteur, et l'inverse pour Marvel. Comment cette dernière fera-t-elle lorsque Robert Downey Jr. décidera qu'il ne veut plus jouer le rôle d'Iron Man ? Il a tellement imprégné le personnage de sa patte que cela s'annonce compliqué. Un des cross-overs les plus marquants est Secret Wars (Les guerres secrètes) chez Marvel...C'est l'un des gros événements des années 1984 et 1985. L'histoire se passe dans une série à part mais elle rassemble tous les personnages emblématiques [comme Spider-Man, Captain America, Iron Man, et leurs méchants respectifs]. Au départ, il s'agissait d'une opération de marketing qui visait à mettre en avant une ligne de jouets. Ce qui explique pourquoi Daredevil n'apparaît pas dans l'histoire : il n'y avait pas de figurine prévue à son effigie.A la sortie du premier numéro de Secret Wars, les superhéros impliqués ont même momentanément disparu de leurs comic books respectifs. La plupart d'entre eux sont réapparus dans le numéro suivant, certains avec un costume différent, comme Spider-Man [après des événements survenus dans Secret Wars]. C'était une publication à part. Vous n'aviez pas à tout acheter, mais si vous vouliez comprendre pourquoi She-Hulk avait pris la place de la Chose parmi les Quatre Fantastiques, il vous fallait suivre les douze numéros. Marvel va récidiver sur papier avec une nouvelle version de Secret Wars. DC, de son côté, s'apprête à proposer une vieille recette avec Convergence, mais avec un nom et un habillage différents. N'y a-t-il pas un manque d'imagination et d'ambition pour ces cross-overs ?Souvent, ces deux gros éditeurs que sont Marvel et DC se marquent à la culotte. Convergence et Secret Wars se ressemblent beaucoup sur la structure et les enjeux. Si Civil War, un gros événement Marvel, a marché, c'est parce qu'il est arrivé après une longue période où il n'y en avait plus eu. Certes, il n'était pas très original mais il a secoué l'univers, il a bouleversé le statu quo avec une connotation politique et ça a marché [Dans Civil War, les héros Marvel se déchirent autour d'une loi qui vise à réguler leurs activités]. Il ne faut pas oublier qu'il y a une logique marchande derrière tout ça. On tourne donc un peu en rond mais on ne peut pas définitivement tout transformer, il serait dangereux de trop s'écarter du status quo.Lire : « Daredevil » sur Netflix, la face sombre de l'univers Marvel //sas_manager.render(25258); ADVERT_AD(['50270/444461', 25258, '', 'parallax', '']); require(["lmd/core/ux/longform"], function (advertLongform) { advertLongform.moveAdvert('[data-adformat=parallax]', '#articleBody'); });Xavier EutropeJournaliste au Monde Benoît Piraux Douze ans après le fiasco, en 2003, du film éponyme avec Ben Affleck, Daredevil, le justicier aveugle de Hell’s Kitchen (Manhattan) faisait son grand retour, le 10 avril, sur Netflix, dans une série qui a rencontré un vif succès. Au point qu’une deuxième saison a été annoncée par la plate-forme de streaming.Un encouragement pour Netflix qui, en partenariat avec les studios Marvel (à l’origine du super-­héros), a prévu de lancer une vague de quatre autres séries, dont la particularité commune est de mettre en scène des super-héros/héroïnes : « AKA Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Defenders ». Une façon pour Marvel d’étendre son univers cinématographique au petit écran, et de frapper un grand coup après deux premiers essais : « Agents of Shield » (suite de Avengers, le blockbuster de 2012) et « Agent Carter » (prolongement du film Captain America, 2011).Si Marvel déploie autant d’efforts, c’est pour enfin donner à ses héros la même présence sur le petit écran que celle qu’ils ont su gagner au cinéma. Ce à quoi sont parvenus leurs rivaux de DC Comics. Arrow, le Robin des bois sauce comics, a déjà signé, aux Etats-Unis, sa troisième saison sur le réseau de télévision hertzien américain CW.En France, les aventures de l’Archer vert ont d’abord été diffusées, en janvier 2014, sur Canal+ Family. Puis sur TF1 où la série est parvenue à réunir chaque mercredi, entre le 8 octobre et le 10 décembre 2014, plus de 25 % de part d’audience, soit 1,75 million de téléspectateurs.La première chaîne a d’ailleurs acquis, en janvier, les droits de deux autres super­séries issues du catalogue Warner Bros., dont dépend le studio DC Comics : « The Flash », le héros à la vitesse surhumaine, et « Gotham », la série de la Fox qui retrace les origines de l’univers de Batman.« Ampleur inédite »Avec la venue prochaine de « Supergirl » sur CBS, les équipes de DC Comics ne semblent pas décidées à céder la place aux super­héros des studios Marvel. Mais les nouvelles annonces auxquelles se livrent quasi quotidiennement les deux maisons ne font aucun doute : les surhommes costumés semblent bel et bien représentés une mine prometteuse.Certes, DC a déjà connu le succès avec la série « Wonder Woman » dans les années 1970 et quelques autres séries d’animation à destination des enfants au cours des deux dernières décennies. Le phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Mais « c’est son ampleur qui est inédite », explique Philippe Guedj, passionné par la culture geek et spécialiste des séries et du cinéma : « Des tentatives récentes ont existé dans les années 2000, avec“Smallville” ou “Heroes”, mais, aujourd’hui, les super­-héros s’exportent en masse et contaminent la télévision comme ils l’ont fait avec le cinéma il y a une quinzaine d’années, quand est sorti, en 2000, le premier “X­Men”,de Bryan Singer. »Pour en arriver là, il a fallu que soient mises en place des structures de production capable de faire travailler ensemble les créateurs, les auteurs et les studios. C’est notamment cette organisation qui a permis au genre d’atteindre cette maturité industrielle dans laquelle il se trouve aujourd’hui.Alors que DC Comics est une propriété des studios de production Warner Bros. depuis 1969, Marvel n’est aux mains de la Walt Disney Company que depuis 2009 ; ce qui explique une présence télévisuelle moins marquée et plus tardive que chez son concurrent. Il y a six ans, la Warner Bros. a d’ailleurs décidé de créer DC Entertainment, une structure consacrée uniquement à leur production audiovisuelle.Depuis quelques années, les studios sont ainsi « mieux imprégnés de cette culture du super­-héros et développent un réel savoir­-faire industriel, explique Philippe Guedj. Nous pouvons nous attendre, dans les années à venir, à un marché qui va être régulièrement alimenté ». Une position nuancée par Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit, un site spécialisé dans l’observation de programmes internationaux : « A la télévision, les super­-héros sont encore loin d’occuper la place dominante que détiennent un “Game of Thrones” ou un “Walking Dead”. Les audiences sont bonnes, mais un blockbuster au cinéma ne donnera pas forcément naissance à un blockbuster télévisuel. »« Facile à vendre »Pour Bertand Villegas, la série de super­-héros incarne surtout « un produit facile à vendre qui jouit d’une popularité déjà établie auprès d’une communauté préexistante ». Autrement dit, un excellent moyen pour les networks de rajeunir leur public. « La venue des super-­héros à la télévision répond plus aujourd’hui à une pulsion économique qu’à une pulsion créative. » D’autant que la démocratisation des images de synthèse, devenues bon marché, a permis aux studios d’offrir à un coût raisonnable des productions télévisuelles assez spectaculaires.Seulement voilà, certains personnages sont aujourd’hui devenus la chasse gardée des studios de cinéma. Pas question, donc, de brader les superstars de Marvel ou DC et de dégrader l’image d’un Batman ou d’un Iron Man en diffusant leurs pirouettes à la télévision.C’est ainsi que les studios choisissent de piocher de nouveaux super-héros dans leur catalogue, qui en contiennent des centaines. « La télévision offre l’opportunité de parler de super-héros moins iconiques », commente Philippe Guedj.Des surhommes du quotidien dont les aventures trouvent parfaitement leur cadre à la télévision, comme le héros d’ « Arrow », Oliver Queen, milliardaire play-boy aux talents d’archerie surhumains, ou encore Matt Murdock, le protagoniste de « Daredevil », avocat le jour et redresseur de torts masqué la nuit.Benoît PirauxJournaliste au Monde Jacques Mandelbaum « Black Coal » mêle à une intrigue de polar un propos politique et métaphysique (vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal + Cinéma). Black Coal démarre avec la découverte progressive des membres d’un cadavre éparpillés dans toute la Mandchourie. Le corps appartenait, selon toute vraisemblance, à l’employé d’une carrière. Voilà d’emblée un exemple de l’intelligence du cinéma de Diao Yinan, qui redouble un motif classique d’intrigue criminelle (la pièce à conviction horrifique) par un constat politique et métaphysique (le démembrement de la classe ouvrière, l’atomisation de l’individu dans la Chine actuelle).Là-dessus, il faut enquêter. Un homme, qu’on a vu se séparer lamentablement de sa femme sur un quai de gare, se révèle être celui de la situation. L’inspecteur Zhang Lili est sur l’affaire. Renseignements, suspects, filatures, surveillance en bagnole : on est ici dans l’ordinaire du polar.Et malgré tout, pas tout à fait. Un tempo de tango empêche la partition prévue, trouble la routine. Le cinéma asiatique est coutumier de ce travail plastique et narratif. Selon toute apparence, l’enquête n’a pas abouti. Zhang a cessé d’être flic, il boit, il semble en piteux état. Le hasard le fait tomber sur son collègue de l’époque, qui travaille sur une affaire impliquant de nouveau l’assassinat de deux mineurs. C’est reparti. Et Zhang s’immisce.Arme de séduction obscureUne piste se fait jour du côté d’une teinturerie où travaille la veuve, désirable, de la première victime. Zhang va la hameçonner, à moins que ce ne soit le contraire.Séance de patins à glace, par ailleurs armes d’un crime. Séance de cinéma, par ailleurs arme de séduction obscure. Séance de Luna Park triste, par ailleurs idéale pour s’envoyer en l’air. Un mec, apparemment dangereux, les suit, lui-même suivi par un flic. Et puis une autre piste s’ouvre du côté d’un bar nommé Feu d’artifice en plein jour, où officie une maîtresse femme en bottes vertes. On aimerait pouvoir dire aux téléspectateurs que tout s’éclaircira bientôt. Ce n’est pas entièrement le cas.Délicatement déposé dans la boue de la Chine provinciale et industrielle, glacé par la neige, assourdi par le ciel cotonneux, battant d’une poésie dépressionnaire de fête foraine, Black Coal raconte finalement l’histoire d’un crime qui en cache un autre. Une atmosphère et un sujet légitimes pour un film qui en cache un autre.« Black Coal », de Diao Yinan. Avec Liao Fan, Gwei Lun Mei, Wang Jingchun (Chine, 2014, 106 min). Vendredi 24 avril, 20 h 50, sur Canal+ Cinéma.Jacques MandelbaumJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 23.04.2015 à 18h39 • Mis à jour le24.04.2015 à 07h40 Deux longs-métrages sont venus s’ajouter aux dix-sept déjà annoncés pour la compétition officielle du 68e Festival de Cannes, qui aura lieu du 13 au 24 mai. Valley of Love, de Guillaume Nicloux, réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, un quart de siècle après Loulou, de Maurice Pialat. Ils incarneront des parents en deuil de leur fils. Le film de Guillaume Nicloux complète la représentation française en compétition, qui comptera cinq longs-métrages, un chiffre supérieur à la moyenne de ces dernières années.Lire aussi :La compétition cannoise, revue de détail, de Cotillard en Lady Macbeth à Shu Qi en guerrière TangLe dix-neuvième film de la liste, désormais complète, est Chronic, du jeune (35 ans) cinéaste mexicain Michel Franco, déjà présent à Cannes en 2012 avec Despues de Lucia, présenté à Un certain regard. Chronic a pour interprète principal Tim Roth et a été tourné en anglais, comme les films des Italiens Matteo Garrone et Paolo Sorrentino ainsi que du Grec Yorgos Lanthimos.Lire aussi :Cannes 2015 : les habitués Moretti, Jia Zhang-ke ou Kore-eda se serrent pour faire place aux nouveauxRobert Guédiguian et Gaspar NoéLa sélection officielle a été également augmentée de deux autres films français. Une histoire de fou, de Robert Guédiguian, qui évoque l’onde de choc du génocide des Arméniens à travers le siècle passé, sera présenté en séance spéciale pendant que Love, de Gaspar Noé le sera en séance de minuit (le film est présenté sous le genre « érotique », sur le site AlloCiné).Enfin, cinq titres ont été ajoutés à la section Un certain regard. On y retrouve trois cinéastes asiatiques habitués de la compétition : le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul avec Cemetery of Splendour, la Japonaise Naomi Kawase avec AN et le Philippin Brillante Mendoza avec Taklub. Lamb, de l’Ethiopien Yared Zeleke (qui représentera l’Afrique dans la sélection officielle, avec le vétéran Souleymane Cissé, dont on verra le documentaire Oka) et Alias Maria, du Colombien José Luis Rugeles complètent le programme d’Un certain regard.Lire aussi :A Cannes, des petits bleus sur le tapis rouge Emmanuelle Jardonnet Dans les années 1970, le courant alternatif de la « blaxploitation » avait permis de donner le beau rôle et de beaux rôles à la communauté afro-américaine : Shaft, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Blacula… Tous les genres, films policiers, westerns, cinéma d’horreur ou péplums, ont été réinvestis par ces productions reflétant les aspirations, la vie ou les codes d’une communauté jusque-là quasiment invisible dans les productions hollywoodiennes. Or, au même moment en Afrique du Sud, en plein apartheid, des films étaient également réalisés à destination d’une audience noire, mais dans des conditions plus complexes, vient rappeler le Guardian.En juillet 2014, Tonie van der Merwe, 74 ans, était récompensé parmi quatre « héros et légendes » du cinéma national lors du festival de cinéma de Durban. Une reconnaissance tardive et inattendue pour ce cinéaste afrikaner. Car, contrairement aux films de la « blaxploitation » américains, qui ont marqué une émancipation artistique et sociale de la communauté afro-américaine – même si, le plus souvent, la production était assurée par des Blancs –, les films à destination de la majorité noire d’Afrique du Sud sous l’apartheid étaient sous le contrôle total des Blancs.Joe Bullet, à mi-chemin entre John Shaft et James BondToute l’ambiguïté, voire le cynisme, de ces films de genre, voués au pur divertissement, reposait sur l’intervention de l’Etat qui subventionnait ces fictions encourageant la population noire à accepter l’ordre établi. A la fin d’un film de Van der Merwe, son acteur fétiche, Popo Gumede, se tournait vers la caméra et déclarait : « Toute cette violence aurait pu être évitée si nous avions pris le temps de nous asseoir pour en discuter », cite le Guardian. Malgré tout, ces films ont contribué à bâtir une industrie du film « noir », et formé ou inspiré une génération de cinéastes.Comment cet entrepreneur spécialisé dans le bâtiment en est-il venu à la « blaxploitation » maison ? C’est sur un chantier, à 30 ans, que Tonie van der Merwe a rencontré deux frères cinéastes, Louis et Elmo de Witt. Or, il avait déjà observé le succès des films de la « blaxploitation » qu’il diffusait le samedi soir à ses 200 ouvriers, et y avait vu une opportunité financière évidente. « J’ai donc tout financé. Nous utilisions le matériel de mon entreprise : mes pelleteuses, mon avion, mes voitures », confie-t-il au Guardian.Cela a donné Joe Bullet, l’un des premiers films sud-africains au casting 100 % noir, sorti en 1972. Un film produit par lui, et réalisé par Louis de Witt. A l’affiche : Ken Gampu, qui fera par la suite carrière à Hollywood, dans un rôle-titre de justicier luttant contre la corruption dans le monde du football, à mi-chemin entre John Shaft et James Bond.Un succès immédiat, mais de très courte durée, puisque le film fut censuré par le gouvernement au bout de quelques jours à cause de ce personnage trop libre. « A cette époque, un homme noir avec un pistolet était quelque chose de tabou », expliquait, il y a quelques mois, le réalisateur au New York Times. Après 18 mois de travail, ce fut un désastre financier pour Van der Merwe.Premier film en zoulouNe baissant pas pour autant les bras, il réussit à convaincre le gouvernement, avec d’autres, de créer un financement pour les films « noirs » auxquels l’Etat n’aurait rien à redire. Au total, pendant près de vingt ans, il a eu la main sur près de 400 films, à un rythme effréné, parmi les quelque 1 600 films sortis, réalisés par une vingtaine de cinéastes.L’investissement se révéla excellent pour celui qui fut complice d’un système sans être un idéologue. A défaut de vouloir changer son pays, il a néanmoins « montré les Noirs comme de vrais être humains, avec des vies intérieures », avait déclaré Peter Machen, le directeur du festival de cinéma de Durban l’été dernier. Et si ses fictions de genre ne s’aventuraient jamais dans le champ social, il défend avoir toujours eu une « exigence de qualité » dans ses scripts comme dans le filmage.Coup aussi opportuniste qu’à haute valeur symbolique : l’homme d’affaire a également produit le tout premier film en langue zoulou (Ngomopho, soit traces noires), langue qu’il ne parlait pas lui-même – il invita d’ailleurs le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, à la première du film, en 1975. Il en fera de nombreux autres, comme le western Umbango (la dispute), en 1986, film qu’il considère comme son meilleur.Van der Merwe rappelle que faire un film à destination du public noir signifiait aussi assurer les projections : des camions équipés de matériel de projection sillonnaient le pays jusque dans les townships les plus reculés, où beaucoup ont découvert le cinéma par ce biais semi-artisanal.Episode un peu honteuxEn 1989, deux ans avant la fin de l’apartheid, les subventions cessèrent, mettant fin à cette aventure paradoxale. Van der Merwe se reconvertit dans l’hôtellerie. Puis, avec le changement de régime, cet épisode un peu honteux tomba dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’ex-producteur contacte Gravel Road, une société de production de Cape Town, pour un projet de comédie musicale. Quand son dirigeant, Benjamin Cowley, apprit qu’il possédait toujours les boîtes de pellicule de tous ses films, il lui proposa de les numériser, créant même au passage une structure dédiée, Retro Afrika Bioscope. En juillet 2014, Joe Bullet ressortait ainsi dans une version restaurée à l’occasion du festival de Durban, et son auteur était donc, pour la première fois, récompensé pour son œuvre.Quelques mois plus tôt, cinq autres de ses films, documents-curiosités d’une époque, ont pu être diffusés à la télévision sud-africaine. Joe Bullet a été projeté au cours de l’hiver à travers les Etats-Unis, en commençant par le MoMA en novembre, puis il a été projeté au festival de Carthage, en Tunisie, en décembre, avant d’être programmé à Berlin, avec Umbango, lors de la Berlinale, en février. Aucune projection n’est encore prévue en France.Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.07.2015 à 06h45 • Mis à jour le08.07.2015 à 07h34 | Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... 08.07.2015 à 06h45 • Mis à jour le08.07.2015 à 07h34 | Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... 08.07.2015 à 06h45 • Mis à jour le08.07.2015 à 07h34 | Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Yann Plougastel Il fut une époque, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, où, en Europe, le chant des castrats provoquait un émoi certain dans les cours de Vienne, de Londres ou de Paris. Caffarelli, Carestini ou Farinelli étaient des sortes de rock star. Leur ambiguïté sexuelle leur assurait une évidente dimension fantasmatique. Gérard Corbiau, sans trop se soucier de la réalité biographique mais en s'attachant à une restitution historique la plus véridique possible, retrace donc dans Farinelli le parcours de Carlo Broschi, surnommé « Farinelli » (1705-1782), castrat des Lumières.Pour ce réalisateur belge d'abord passé par le documentaire télévisé, l'art lyrique constitue un sujet de prédilection. En 1987, Le Maître de musique, avec le baryton José Van Dam, mettait en scène un chanteur d'opéra retiré des planches... En 1994, Farinelli attira plus d'un million de spectateurs, et sa bande originale se vendit à 800 000 exemplaires...Elégance napolitaineSurfant sur la réussite d'Amadeus de Milos Forman, Corbiau utilise une recette efficace qui permet au grand public, par des rebondissements romanesques (amour, gloire et cruauté...), de goûter un art qui était l'apanage d'une élite. Comment ne pas succomber au charme mutin de la comtesse Mauer (interprétée par la trop rare Marianne Basler) avouant avoir connu un véritable orgasme musical en entendant la voix de Farinelli ? Ou ne pas être impressionné par Haendel ôtant en plein concert sa perruque et tombant évanoui à l'écoute du chant du castrat ?Pour restituer cette voix mystérieuse dont nous ne savons pas grand-chose, en dehors de son registre aigu, de sa puissance et de son agilité exceptionnelles, l'équipe du film a mélangé les chants d'une soprano colorature, Ewa Malas-Godlewska, pour les aigus, et d'un contre-ténor, Derek Lee Ragin, pour les graves. Les techniciens de l'Ircam se chargèrent ensuite de les mixer pour tenter d'approcher au plus près de la réalité. Le résultat n'est, certes, pas toujours à la hauteur de l'envoûtement que crée la musique baroque, mais donne néanmoins aux somptueuses images de Farinelli une élégance toute napolitaine.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écran Björn Borg, l’archange du tennistous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande-annonce de « French Cancan »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de « Tirez sur le pianiste »Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Renaud Machart Paris Première propose, jusqu’au 20 août, un cycle consacré au dialoguiste, scénariste et réalisateur mort il y a trente ans (les jeudis à 20 h 45).Michel Audiard (1920-1985) adorait la littérature mais avait un CAP de soudeur ; il aimait le vélo au point de songer en faire sa profession mais ne montait pas les côtes. C’est cependant avec un petit vélo dans la tête qu’il deviendra l’un des forgeurs d’une des langues officielles du cinéma français, une lingua franca très « popu », très imagée, très virtuose, parlée comme si elle leur était native (elle l’était parfois) par les Robert Dalban, Lino Ventura, Bernard Blier, Jean Gabin et autres grandes gueules du grand écran.Audiard est l’un des rares dialoguistes et scénaristes dont le nom comptait autant, sinon parfois davantage, que celui du réalisateur (on a même oublié qu’il avait lui-même réalisé huit longs-métrages, dont quatre sont diffusés par Paris Première à l’occasion des 30 ans de sa mort). Certes, il ne fréquenta que le meilleur de la comédie populaire, collaborant avec André Hunebelle (avec qui il débuta en 1949), Henri Verneuil, Gilles Grangier, Christian-Jaque, Jean Delannoy et, à partir de 1963, pour les célébrissimes Tontons flingueurs, avec Georges Lautner. (C’est pour ce dernier qu’Audiard signera les dernières répliques de sa carrière, pour La Cage aux folles 3, en 1985, qui sortira sur les écrans quatre mois après que le dialoguiste eut succombé à un cancer.) Mais, de beaucoup des longs-métrages auxquels il collabora, ce sont les dialogues qu’on retient ou leur titre.L’accroche à rallongePour ses propres films, Michel Audiard avait l’art de l’accroche à rallonge : Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (1968) ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974). Mais ce bibliophile compulsif et ce fin lettré, qui adorait Rimbaud, Proust, Verlaine et pouvait réciter de mémoire des centaines de vers, était capable de trousser un titre en alexandrin « popu » (à condition de respecter l’élision des « e ») : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969). Et il est fort possible que Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970) fasse référence tout à la fois à L’Albatros, de Charles Baudelaire, et à la fable de Jean de La Fontaine, LesPoissons et le Cormoran.Riche (mais ruiné par le fisc), célèbre, sans cesse réclamé par qui voulait faire parler ses personnages « en Audiard », l’auteur de palanquées de saillies délicieusement argotiques gardera toujours une distance avec ce travail auquel il excellait, mais qu’au fond il méprisait. Son fils, le réalisateur Jacques Audiard, rappelait d’ailleurs en 2005 à l’hebdomadaire Télérama la « relation très cynique » qu’entretenait son père avec le cinéma : « [Il] considérait le cinéma comme un métier, et la littérature comme un art. »Evidemment, on a tous un faible pour l’une ou l’autre des répliques-clés des films dialogués par Michel Audiard, et l’on peut se rafraîchir la mémoire en consultant les pages qui se dédient, sur Internet, à leur préservation mémorielle. Mais on recommandera celle-ci, dite par Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961), de Gilles Grangier, facile à placer à l’apéro au camping comme lors d’un cocktail mondain : « Prenez des petits fours, ça fait passer la boisson… »Retrouvez aussi nos archives : Disparition de Michel AudiardCycle Michel Audiard :  Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (le 30 juillet) ; Quand passent les faisans (le 6 août) ; Comment réussir quand on est con et pleurnichard (le 13 août) ; Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (le 20 août).Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du Festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien, en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride (Colorado) et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoAu Festival de Locarno, la programmation est délibérément schizophrène. On y verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou le Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs films de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au Festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements début septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, avec l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, le Turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera vingt et un longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le Festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plate-forme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseOn sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’Attesa, premier film de l’Italien Piero Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le Festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écran Björn Borg, l’archange du tennistous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de "Tirez sur le pianiste"Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de "Tirez sur le pianiste"Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier L’avis du « Monde » - Pourquoi pasQuelque part entre Spider-Man et Iron Man, il y a Ant-Man. Un homme revêtu d’une armure atomique qui a la capacité de le faire rétrécir à la taille d’une fourmi tout en lui conférant la puissance d’un char d’assaut. Arme de guerre nouvelle génération, quasiment invulnérable parce qu’à la limite de l’invisibilité, Ant-Man possède entre autres la capacité de communiquer avec toute la famille des formicidés et d’en diriger les tribus comme autant de bataillons armés.Issu de la galaxie Marvel, ce personnage a inspiré sa dernière production en date à Disney, qui en a confié le scénario à un tandem formé par Paul Rudd, acteur discret et sensible issu de la galaxie Apatow, à qui revient par ailleurs de jouer Ant-Man, et Adam McKay, l’auteur attitré des films de Will Ferrell. Le résultat n’est pas à la hauteur de ce que cette alliance pouvait laisser espérer, et le réalisateur, Peyton Reed, est en partie responsable. Malgré une certaine mièvrerie typiquement disneyenne, malgré une scène d’introduction rebutante en forme de publicité géante pour une chaîne de glaciers américains, ce scénario qui voit un hacker de haut vol, aussi fort pour briser les firewalls que pour ouvrir les coffres-forts, changer de dimension à volonté, aurait pu être du pain béni.Mais il eût fallu un autre metteur en scène, qui s’intéresse à ce qui est de l’ordre du faire. Peyton Reed, lui, utilise les dialogues pour transmettre les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue, et les valide dans un second temps par des images montées en rafale sans soucis de vraisemblance – la scène de cambriolage qui voit le monte-en-l’air mettre la main sur le costume d’Ant-Man, trésor caché dans un coffre-fort sécurisé comme Fort Knox dans une maison fortifiée, est, par exemple, aussi incohérente qu’illisible.Qu’Ant-Man passe son temps à changer de taille ne passionne pas plus le réalisateur. Après une première scène qui montre le personnage découvrant sa capacité à devenir fourmi alors qu’il est dans sa baignoire et que le débit d’eau s’abat sur lui avec la puissance d’un tsunami, la question des proportions est définitivement éludée. Focalisé sur la multiplication des plans, dont la durée excède rarement les trois secondes, le réalisateur mélange grossièrement cinéma d’action et comédie pataude, misant sur la complicité d’un public familier de l’univers des super-héros pour faire avaler la sauce. Si la présence de Michael Douglas, décidément en grande forme depuis que Steven Soderbergh l’a réinventé en vieille folle dans Ma vie avec Liberace, procure un certain plaisir, Paul Rudd a, pour sa part, perdu tout son charme dans l’opération.Film américain de Peyton Reed. Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly (1 h 57). Sur le web : marvel.com/antman#/antviewIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 08.07.2015 à 06h45 • Mis à jour le08.07.2015 à 07h34 | Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 06h51 • Mis à jour le15.07.2015 à 08h21 | Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier L’avis du « Monde » - Pourquoi pasQuelque part entre Spider-Man et Iron Man, il y a Ant-Man. Un homme revêtu d’une armure atomique qui a la capacité de le faire rétrécir à la taille d’une fourmi tout en lui conférant la puissance d’un char d’assaut. Arme de guerre nouvelle génération, quasiment invulnérable parce qu’à la limite de l’invisibilité, Ant-Man possède entre autres la capacité de communiquer avec toute la famille des formicidés et d’en diriger les tribus comme autant de bataillons armés.Issu de la galaxie Marvel, ce personnage a inspiré sa dernière production en date à Disney, qui en a confié le scénario à un tandem formé par Paul Rudd, acteur discret et sensible issu de la galaxie Apatow, à qui revient par ailleurs de jouer Ant-Man, et Adam McKay, l’auteur attitré des films de Will Ferrell. Le résultat n’est pas à la hauteur de ce que cette alliance pouvait laisser espérer, et le réalisateur, Peyton Reed, est en partie responsable. Malgré une certaine mièvrerie typiquement disneyenne, malgré une scène d’introduction rebutante en forme de publicité géante pour une chaîne de glaciers américains, ce scénario qui voit un hacker de haut vol, aussi fort pour briser les firewalls que pour ouvrir les coffres-forts, changer de dimension à volonté, aurait pu être du pain béni.Mais il eût fallu un autre metteur en scène, qui s’intéresse à ce qui est de l’ordre du faire. Peyton Reed, lui, utilise les dialogues pour transmettre les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue, et les valide dans un second temps par des images montées en rafale sans soucis de vraisemblance – la scène de cambriolage qui voit le monte-en-l’air mettre la main sur le costume d’Ant-Man, trésor caché dans un coffre-fort sécurisé comme Fort Knox dans une maison fortifiée, est, par exemple, aussi incohérente qu’illisible.Qu’Ant-Man passe son temps à changer de taille ne passionne pas plus le réalisateur. Après une première scène qui montre le personnage découvrant sa capacité à devenir fourmi alors qu’il est dans sa baignoire et que le débit d’eau s’abat sur lui avec la puissance d’un tsunami, la question des proportions est définitivement éludée. Focalisé sur la multiplication des plans, dont la durée excède rarement les trois secondes, le réalisateur mélange grossièrement cinéma d’action et comédie pataude, misant sur la complicité d’un public familier de l’univers des super-héros pour faire avaler la sauce. Si la présence de Michael Douglas, décidément en grande forme depuis que Steven Soderbergh l’a réinventé en vieille folle dans Ma vie avec Liberace, procure un certain plaisir, Paul Rudd a, pour sa part, perdu tout son charme dans l’opération.Film américain de Peyton Reed. Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly (1 h 57). Sur le web: http://marvel.com/antman#/antviewIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 08.07.2015 à 06h45 • Mis à jour le08.07.2015 à 07h34 | Isabelle Regnier Un parfum de vacances flotte dans les salles obscures tandis que s’invite sur les écrans une moisson de films d’errance, d’échappée, de rêverie, peuplés de personnages affranchis, hostiles à toute forme d’autorité. Des cafés de Séoul (Hill of Freedom, de Hong Sang-soo) aux terrils de Pennsylvanie (Wanda, de Barbara Loden), des routes de France (Microbe et Gasoil, de Michel Gondry) aux plaines glacées de l’Antarctique (Les Minions, de Kyle Balda et Pierre Coffin) en passant par les coulisses de la mythologie du rock (Amy, d’Asif Kapadia), le mot d’ordre cette semaine est le lâcher-prise.Jeux d’alcool et de sentiments : « Hill of Freedom », de Hong Sang-sooFacétieux Hong Sang-soo, qui ne cesse jamais de tourner autour de l’éternelle et absurde valse des sentiments amoureux et continue pourtant de surprendre. Tout tourne ici autour d’un lieu central, le mal-nommé « Hill of Freedom » (« La Colline de la liberté »), café coquet de Séoul, et d’un étudiant japonais de retour dans la capitale coréenne pour retrouver une fille qu’il y a connue. Au fil de cette variation éthylico-sentimentale, celui qu’on appelle le Rohmer coréen distille chez son spectateur un trouble délicieux.Film sud-coréen de Hong Sang-soo, avec Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Youngh-wa (1 h 16).Des petits bonshommes jaunes en roue libre : « Les Minions », de Kyle Balda et Pierre CoffinQue faisaient donc les Minions avant de rencontrer Gru, leur leader adoré, dont les aventures de criminel pas si cruel faisaient l’objet des deux premiers longs-métrages d’animation de la saga Moi, moche et méchant ? C’est à cette question que répond le nouvel opus de la série centré autour de ces curieuses petites créatures jaunes.Film d’animation américain de Pierre Coffin et Kyle Balda (1 h 31).Femme chiffon et bombe humaine : « Wanda » de Barbara Loden Femme chiffon, Bartleby féminin, anti-héroïne absolue, qui avait fait hurler les féministes en 1970 et enflammé Marguerite Duras dix ans plus tard, Wanda est une bombe humaine, un concentré de dynamite lancé contre la marche du monde comme il va. Le film auquel elle donne son nom, premier et dernier que réalisera Barbara Loden, la femme d’Elia Kazan, décédée en 1980 des suites d’un cancer, ressort en salles aujourd’hui. Il n’a pas pris une ride.Film américain de Barbara Loden (1970), avec Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes (1 h 45).Bricolo et Satanas sur les routes de France : « Microbe et Gasoil », de Michel GondryInspiré des souvenirs d’adolescence de l’auteur, ce « teen-movie » frais comme la rosée prend progressivement la forme d’un road movie buissonnier conduit par deux collégiens en quête de liberté. Un manifeste pour la liberté d’être soi, de résister aux assignations, de s’arracher aux cadres.Film français de Michel Gondry, avec Ange Dargent et Théophile Baquet (1 h 43).La vie brûlée d’une icône du rock : « Amy » d’Asif KapadiaAprès son portrait enlevé du pilote défunt Ayrton Senna (Senna, 2010), Asif Kapadia remet sur le métier l’évocation d’une star fauchée en pleine gloire avec le cas de la chanteuse Amy Winehouse. Avec, pour fil rouge, l’insoluble question de l’autodestruction d’une jeune femme pleine de talent, de vie et de grâce, le film brosse un portrait sensible, comme en immersion, à l’aide d’archives inédites et d’extraits de concerts live. Et égratigne au passage quelques-uns de ses proches.Documentaire américain (2 h 07).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Emilie Grangeray Ce documentaire jette un pont entre le fondateur de la maison de couture, Christian Dior, et Raf Simons, son actuel directeur artistique. Quelle est l’origine de ce projet ?Après l’affaire John Galliano, licencié pour avoir tenu des propos antisémites, Dior voulait donner à voir autre chose de la mai­son. Olivier Bialobos, directeur de la communication, a souhaité me rencontrer après avoir aimé mon documentaire The Eye Has to Travel sur l’ancienne rédactrice en chef de Vogue, Diana Vreeland. De mon côté, je voulais faire un long-métrage pour le cinéma, pas un film promotionnel. Il en était pleinement conscient.D’où vient votre intérêt pour la mode, Vreeland donc, et Valentino, sur lequel vous avez aussi coréalisé un documentaire ?Après mes études d’ingénieur, j’ai intégré une école de cinéma aux Etats-Unis. A la fin du cursus, je me suis retrouvé dans une impasse créative. Un ami m’a proposé de travailler sur le documentaire de Valentino. Je me suis alors rendu compte que le documentaire me convenait davantage que la fiction. Ensuite, c’est le hasard des rencontres…Comment s’est passée votre rencontre avec Raf Simons ?Quand, en avril 2012, j’ai su qu’il était nommé directeur artistique de la maison Dior, j’ai été emballé. Parce que j’aime son univers esthétique, ses référents, qui se situent souvent hors du milieu de la mode. D’ailleurs, Raf parle comme un plasticien… Il a d’abord refusé le projet. Je lui ai écrit et il m’a proposé une sorte de période d’essai : j’étais invité à venir passer une semaine avec eux. La première fois que j’ai vu Raf, c’est le jour où il s’est présenté devant le personnel de Dior – une scène que l’on voit au début du documentaire. Le film parle aussi de cela : appren­dre à se connaître les uns les autres en huit semaines… Huit semaines pour faire connaissance et créer ce qui, pour Raf Simons, était sa première collection haute couture : un timing très serré…Certes, mais contrairement à Raf, qui devait impérativement défiler, j’ai bénéficié de neuf mois de montage à New York. Je voulais travailler avec Julio Perez, qui monte de la fiction, car je souhaitais réaliser un film tendu, un peu comme un thriller – et non un film d’investigation coupé d’interviews. Je l’ai construit avec, en tête, Rebecca, d’Alfred Hitchcock, dans lequel le passé est atrocement oppressant. Ici, il s’agissait, pour Raf, de se délivrer du poids de l’héritage Dior. Comme il le dit lui-même, « c’est le futur et non le passé qui est romantique ».Dans ce cas, pourquoi avoir décidé d’ouvrir le film par des images d’archives et une voix off lisant des extraits des mémoires de Christian Dior ?Parce que tout commence avec lui, et que cela permettait de saisir tout de suite le poids de ce passé. Sauf que, très vite, il m’est apparu que le point de vue de Christian Dior s’imposait dans le présent. Car, au fond, rien d’essentiel n’a changé : la relation entre les premières d’atelier et le couturier, les peines, les espoirs, les engueulades… Pourquoi votre film montre-t-il autant les premières et l’atelier ?Ce film, qui est le premier que je signe seul en tant que réalisateur, est avant tout un film humain sur l’humain. Il était donc important d’accorder de la place aux « petites mains ». Pour moi, un artisan est aussi un artiste, et vice versa : les petites mains sont des esprits créatifs. Je voulais montrer le travail collectif qu’il y a derrière l’image du créateur. Par ailleurs, ayant travaillé sur des films ayant un lien avec la mode, un monde où l’image tend à éclipser la parole et les personnages qui la font, j’avais envie de faire le chemin inverse : partir des personnages et les mettre en images. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport de l’artiste à son travail et aux gens dont il s’entoure. A une époque, je travaillais sur un projet de film consacré à mon grand-père, venu de Chine dans les années 1930. Et j’avais imaginé un film qui mettrait en écho son passé et la Chine contemporaine. Cette idée s’est retrouvée dans Dior et moi, qui est, au fond, un film intime.Comment Raf Simons a-t-il réagi lorsqu’il l’a découvert ?Raf n’a pas souhaité le voir avec moi : je lui ai donc envoyé un DVD. Il m’a répondu qu’il avait trouvé le film très beau et surtout – une surprise pour lui – très émouvant.Lire aussi :« Dior et moi » : un atelier de haute couture tranformé en livre d’imagesDior et moi, documentaire de Frédéric Tcheng (1 h 26). En salles le 8 juillet. www.dioretmoi.comEmilie GrangerayJournaliste au Monde Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani Les Minions sont partout. Héroïnes du long-métrage animé du même nom, ces petites créatures ont envahi écrans, librairies, publicités, boîtes de bonbons, jusqu’aux trousses d’écoliers, remplies d’accessoires à leur effigie. Cette démultiplication est proportionnelle à la croissance d’Illumination Mac Guff, le jeune studio d’animation qui les a créées. Comme son nom ne l’indique pas, il vit entre Paris et Los Angeles, et cette existence acrobatique lui réussit.Lire aussi :Dessine-moi un MinionTout commence en 2007, lorsque Chris Meledandri, ayant quitté la direction du département animation de la 20th Century Fox pour fonder sa compagnie, Illumination, décide de ne pas se plier aux habitudes de production décentralisée des Etats-Unis. Stimulée par le dynamisme du jeu vidéo et des effets spéciaux, l’animation digitale y est en plein essor. Mais au lieu d’aller et venir entre un réalisateur dans le New Jersey et des story-boardeurs à Los Angeles, Meledandri se dit que, quitte à prendre l’avion, il sera plus simple d’aller faire de l’animation à l’américaine ailleurs que sur le sol américain.C’est ainsi qu’il rencontre Jacques Bled, fondateur du studio Mac Guff, et l’animateur Pierre Coffin. Il est immédiatement convaincu que le premier projet d’Illumination, Moi, moche et méchant, doit se faire avec eux, en France. Pierre Coffin rejoint alors l’Américain Chris Renaud à la réalisation, et la nouvelle équipe franco-américaine se met au travail : on n’y parle pas la même langue, mais c’est tout comme, nous disent-ils, quand on a le même sens de l’humour. Dépassant les 500 millions de dollars (451 millions d’euros) de recettes, un chiffre rare dans le cinéma d’animation, Moi, moche et méchant est un triomphe, confirmant Meledandri dans le désir de s’engager sur le long terme en France.Illumination rachète Mac Guff, le CNC investit dans l’entreprise de conserve avec les Américains d’Universal, et le nouveau studio prend ses aises : Meledandri est à L.A., avec certains scénaristes et story-boardeurs, pour élaborer l’histoire ; Janet Healy est en France, avec la quasi-totalité de l’équipe qui développe le film.« On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! »La direction et les réalisateurs passent beaucoup de temps en avion, avec un allié de poids dans leurs bagages : le décalage horaire. « De L.A. à Paris, nous passons nos matinées et débuts de soirée ensemble dans les salles de montage reliées par Skype, de sorte que le studio travaille en continu, 24 heures sur 24, explique Chris Meledandri. Quand la France s’endort, L.A. se réveille pour prendre le relais, et vice versa ! » Les 150 employés que comptait Mac Guff au début de l’aventure se sont multipliés presque aussi vite que des Minions : quatre films plus tard, Illumination Mac Guff compte 750 personnes, dont environ 700 Français. Certains d’entre eux sont partis vivre aux Etats-Unis, et certains Américains, à Paris, Janet Healy en tête. « Je ne connais personne qui voudrait rentrer, affirme-t-elle. Nos images reflètent le plaisir que nous avons à travailler ensemble. »Le Français Pierre Coffin et l’Américain Kyle Balda, réunis à la réalisation du long-métrage Les Minions, vont dans son sens. Coffin, présent depuis la naissance des Minions, s’amuse à raconter leur genèse étonnante : d’abord pensés comme des personnages secondaires, tout juste bons à faire des bêtises à l’arrière-plan, ils devaient avoir l’apparence d’ouvriers à l’imposante musculature… que le budget modeste alloué à leur animation ne permettait pas de développer. Ils se sont alors ratatinés et simplifiés en un hybride de taupe et d’hippopotame, jaune vif et parfois mono-œil. « On n’avait pas d’argent, mais on avait des idées ! », s’exclame le réalisateur, qui leur prête également sa voix.Déferlante de produits dérivésQue trouve-t-on aux Minions ? Excellant dans le delirium burlesque pas toujours fin, virtuoses de la pyrotechnie et du canon à pets, ils baragouinent un réjouissant jargon polyglotte et auraient pu s’en tenir à la notoriété certaine, mais pas triomphante, des pingouins de la saga Madagascar. Balda évoque ce comique d’inadaptation qui leur est propre (ils vivent pour servir le mal, sans avoir une once de méchanceté) ; Coffin insiste sur leur capacité à éveiller l’empathie.Sans doute finira-t-on, cependant, par être fatigué de voir, d’entendre, d’acheter Minion. Lassé par la déferlante de produits dérivés, Pierre Coffin dit « avoir ses réserves » sur la stratégie marketing et craint qu’à force de gaver ainsi le public on finisse par épuiser sa curiosité. « Personne ne s’est plaint, jusqu’à présent ! », nuance Kyle Balda. Ce merchandising envahissant, à l’instar de celui observé chez Disney autour de La Reine des neiges, reflète la place de premier plan qu’a su prendre Illumination Mac Guff, en moins d’une décennie, sur le marché de l’animation. Réalisé pour un peu plus de 75 millions de dollars, Moi, moche et méchant 2 a frôlé le milliard de recettes, et l’attente autour des Minions est telle que l’on ne s’étonnerait pas qu’ils l’atteignent.Le modèle fonctionne, et fait des envieux. Chris Meledandri se dit très courtisé par les gouvernements étrangers, qui lui réclament les secrets de sa florissante entreprise. « C’est très stimulant de voir des structures similaires émerger partout dans le monde !, s’exclame-t-il. Mais ce qu’il y a en France est le fruit d’une tradition artistique unique, d’écoles d’animation excellentes… Cela fait bien longtemps que les animateurs français sont l’arme secrète d’Hollywood ! Ce que nous avons ici, c’est ce qu’il y a de meilleur au monde. »Noémie LucianiJournaliste au Monde 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Thomas Sotinel Du 5 août, date de l’ouverture du festival suisse de Locarno, au 26 septembre, jour de la clôture de celui de Saint-Sébastien en Espagne, des centaines de films vont être projetés pour la première fois, à l’occasion de ces deux manifestations ainsi qu’à Venise, Telluride et Toronto. C’est la deuxième mi-temps d’une partie entamée à Berlin et à Cannes, qui donne une idée presque complète de l’état du cinéma – moins les superhéros.Dans les programmes des festivals de l’automne, on trouve aussi bien les prétendants aux Oscars que les premiers films de futures idoles de la cinéphilie moderne. Les augures se déchaînent déjà à l’évocation de la performance d’Eddie Redmayne dans The Danish Girl, de l’Anglais Tom Hooper, évocation de l’artiste transsexuelle danoise Lili Elbe qui sera projetée à Venise et à Toronto. Présenté également dans les deux festivals, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, évocation des guerres d’Afrique occidentale, produit par la nouvelle superpuissance du cinéma contemporain, Netflix.Programmation schizophrène à LocarnoSur les bords du lac Majeur, la programmation est délibérément schizophrène. Au festival de Locarno, on verra cette année la nouvelle comédie de Judd Apatow, Crazy Amy, avec l’étoile montante de la comédie américaine, Amy Schumer, La Belle Saison, de Catherine Corsini, qui fait s’aimer Cécile de France et Izïa Higelin ou Le Voyage au bout de l’enfer, de Michael Cimino.Pendant ce temps, dans les salles, la compétition et les sélections parallèles rassemblent des œuvres souvent créées aux marges du système de production. Parmi les films qui concourent pour le Léopard d’or, décerné par un jury qui compte dans ses rangs les cinéastes Jerry Schatzberg et Nadav Lapid, on trouve plusieurs longs-métrages de vétérans du cinéma d’auteur : Chantal Akerman (No Home Movie), Andrzej Zulawski (Cosmos) ou Otar Iosseliani qui présentera Chant d’hiver, interprété par Rufus et Pierre Etaix. Chez les cadets, on remarque la présence d’Athina Rachel Tsangari avec Chevalier ou de l’Américain Josh Mond, dont James White avait déjà été sélectionné au festival de Sundance, tout comme Me and Earl and the Dying Girl, d’Alfonso Gomez-Rejon.Trois événements en septembrePendant les deux premières semaines de septembre, trois événements se disputent le haut du pavé : la Mostra de Venise, doyenne des festivals, qui en est à sa 72e édition, organisée du 2 au 12 septembre, et reste le prototype des festivals compétitifs européens et balnéaires. Un jury prestigieux (présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, on y trouve l’écrivain et cinéaste français Emmanuel Carrère, leur collègue turc Nuri Bilge Ceylan ou l’actrice et réalisatrice américaine Elizabeth Banks) départagera 21 longs-métrages.En face, le Toronto International Film Festival s’apprête à célébrer son 40e anniversaire. Jusqu’ici dépourvue de compétition et de jury, la manifestation canadienne propose aussi bien des premières internationales que des films déjà projetés dans d’autres festivals.Entre les deux, le festival de Telluride, dans le Colorado, est devenu la plateforme favorite des studios hollywoodiens pour lancer leurs campagnes de promotion pour les Oscars (remis le 28 février 2016). Mais Telluride ne dévoile son programme que la veille de son ouverture, au grand dam des organisateurs de Venise ou Toronto qui se sont ainsi vu souffler des premières mondiales. Deux films français à VeniseEn attendant que cet arbitrage soit rendu, on sait déjà que Venise s’ouvrira par la projection d’Everest, de l’Islandais Baltasar Kormakur, drame montagnard avec Josh Brolin et Keira Knightley, et que Johnny Depp sera hors compétition et méconnaissable dans le rôle du truand Whitey Bulger. Black Mass (Strictly Criminal), de Scott Cooper, inspiré de la vie du parrain bostonien, sera projeté hors compétition avant de prendre le chemin de Toronto.En compétition, on verra deux films français, Marguerite, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot en cantatrice discordante et L’Hermine, de Christian Vincent, avec Fabrice Lucchini et l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen. Ce n’est pas la seule actrice à voyager. Nicolas Duvauchelle joue dans La Rivière sans fin, du Sud-Africain Oliver Hermanus et Juliette Binoche dans L’attesa, premier film de l’Italien Paolo Messina. Attendus aussi, Francofonia, évocation du Louvre sous l’Occupation par le Russe Alexandre Sokourov, Sangue del mio sangue, de Marco Bellocchio ou Rabin, les derniers jours, d’Amos Gitai.Ridley Scott à TorontoPour l’instant, le festival de Toronto n’a dévoilé que ses « galas et présentations spéciales », c’est-à-dire les films susceptibles de réunir un large public, soit un quart des 300 films proposés. Aux titres déjà mentionnés, on peut ajouter Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon en naufragé de l’espace ou le long-métrage d’ouverture, Demolition, du Canadien Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal et Naomi Watts. Fondé par des cinéphiles, dont certains sont toujours à sa tête, comme le directeur Piers Handling, Toronto tentera de corriger la dérive hollywoodienne qu’on lui reproche depuis plusieurs années. Pour la première fois, un jury remettra un prix. Cette nouvelle section vouée à la défense du cinéma d’auteur est baptisée « Platform », en référence au film de Jia Zhangke. Le réalisateur chinois sera membre de ce jury, avec la Française Claire Denis et la Polonaise Agnieszka Holland. On ne sait pas encore quels films concourront pour ce prix.Pour compléter ce tableau, il faudra attendre l’annonce de la sélection de Saint-Sébastien, qui aura lieu du 18 au 26 septembre. Pour l’instant, la manifestation espagnole n’a annoncé que quelques titres nationaux, dont Mi gran noche, d’Alex de la Iglesia, présenté hors compétition.Thomas SotinelJournaliste au Monde Thomas Sotinel Pas de « blockbuster » parmi les sorties en salles de cette dernière semaine de juillet mais une poignée de films d’une belle diversité, où chacun devrait pouvoir trouver son bonheur, le temps d’une séance.Le film de la semaine : « A Touch of Zen », pour la première fois en France en version restauréeGrand Prix de la Commission supérieure technique à Cannes en 1975, plusieurs fois montré, mais jusqu’ici jamais sorti en salles en France, ce film de sabre, dont l’action se situe dans un grand village du nord de la Chine, à l’époque Ming, est présenté dans sa version restaurée par le Taiwan Film Institute. Né à Pékin en 1931 dans une famille d’érudits, qui émigre à Hongkong après la révolution, son réalisateur, King Hu, peut être considéré comme l’un des plus grands cinéastes chinois de sa génération. Les amateurs découvriront à partir du 12 août un autre film de ce réalisateur, Dragon Inn (1967), dans une version également restaurée.Film taïwanais de King Hu avec Hsu Feng, Shih Chun, Bai Ying, Tien Peng (3 heures).L’histoire d’amour : « Summer », deux jeunes cœurs qui partent en vrilleAprès Ecoute le temps, en 2006, la réalisatrice et scénariste Alanté Kavaïté signe son deuxième long-métrage. Elle y filme, en Lituanie, les amours adolescentes de deux jeunes filles, Sangaïlé (Julija Steponaïtyté) et Austé (Aïsté Dirziuté), l’une attirée par l’air (la voltige aérienne), l’autre par la chair. L’histoire est rythmée de séquences spectaculaires, tournées à l’intérieur du cockpit de petits appareils à hélices, et l’on découvre à l’occasion de ce film que la voltige aérienne est un sport national en Lituanie.Film lituanien de Alanté Kavaïté. Avec Julija Steponaïtyté et Aïsté Dirziuté (1 h 30).L’adaptation d’un grand classique : « Le Petit Prince » en 2D et 3DMark Osborne, réalisateur de Kung Fu Panda (2008) et de Bob l’Eponge, le film (2004), hésite entre adaptation et variations sur le roman de Saint-Exupéry, qui reste l’ouvrage de littérature française le plus vendu et traduit au monde. On compterait 240 traductions de ce conte poétique et philosophique. Le réalisateur a transformé l’histoire, y insérant des épisodes et des personnages nouveaux, et a tenté de mêler deux techniques d’animation, les images générées par ordinateur et l’animation « classique ». Le résultat est plus déconcertant que convaincant.Film franco-américain de Mark Osborne (1 h 48).La suite : « Les Mille et Une Nuits Vol 2. Le Désolé », deuxième volet de la trilogie poético-politique de Miguel GomesAprès L’Inquiet, voici le deuxième volet du feuilleton poético-politique du cinéaste portugais Miguel Gomes qui, après avoir rythmé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, revient chaque mois jalonner notre été cinématographique. Ce projet fou se conçoit comme un vaste portrait du Portugal contemporain, inspiré des multiples faits divers qu’une équipe de journalistes, recrutés pour l’occasion, est allée recueillir un peu partout dans le pays, pour fournir au jour le jour la substance du tournage.Film portugais de Miguel Gomes. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas, Gonçalo Waddington, Joana de Verona (2 h 11).Le thriller : « Renaissances », un Tarsem Singh bien sageNouvelle réalisation de l’excentrique Tarsem Singh (The Cell), ce thriller de science-fiction plutôt bien mené suit un riche vieillard (Ben Kingsley) qui s’offre une nouvelle vie dans le corps d’un jeune homme (Ryan Reynolds). On s’y laisse prendre, mais la sagesse de son univers visuel n’offrira pas aux amateurs du travail de Tarsem Singh le plaisir coupable qu’est souvent le spectacle de sa démesure.Film américain de Tarsem Singh, avec Ben Kingsley, Ryan Reynolds, Matthew Goode (1 h 57).Thomas SotinelJournaliste au Monde Marion Van Renterghem //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématiqueAdrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écran Björn Borg, l’archange du tennis Au Mount Washington Hotel, les fantômes de Bretton Woodstous les articles de la thématique Panthère était prêt. Il n’attendait que le signal. Le « feu vert », selon ses propres termes, pour que commence la vaste opération que les extrémistes hutu préparaient : le génocide de la minorité tutsi du Rwanda par la majorité hutu, soit plus de 800 000 morts en seulement trois mois, du 6 avril au 4 juillet 1994. Aujourd’hui, deux décennies plus tard et après avoir purgé treize ans de prison pour avoir participé au massacre, Panthère accepte de nous rencontrer dans un bar de la capitale.On l’attendait sans trop y croire, mais le voilà. Pourquoi diable est-il venu au rendez-vous ? Il répond le plus tranquillement du monde : « J’ai déjà donné tous les détails pendant mon procès, j’ai avoué que j’avais aidé aux tueries, tout ça, et j’ai demandé pardon. Je pense que c’est important de raconter, vu ce qui s’est passé… C’est ma petite contribution à l’Histoire. » Panthère porte une chemise à carreaux écossais et des lunettes de forme rectangulaire assez « mode ». Il est désormais DJ, entre autres menus boulots. Il raconte les horreurs qu’il a commises d’une voix tranquille, ni plus ni moins que s’il commentait un match de foot de troisième division.Autour de l’Hôtel des Mille Collines, les victimes étaient particulièrement faciles à trouver. Panthère connaît bien cet îlot de paix miraculeusement préservé de la sauvagerie, d’où 1 268 réfugiés sortirent indemnes. Et pour cause : l’hôtel, à l’époque propriété de la compagnie belge Sabena, est alors l’un des deux seuls établissements luxueux de Kigali. Bien situé au centre-ville, il est le rendez-vous des étrangers et des élites et un repaire si familier qu’il a droit à ses petits noms : on l’appelle « l’hôtel des mille combines », parce que les businessmen viennent s’y entendre sur leurs petites affaires, et aussi « l’hôtel des mille copines », parce que ces messieurs peuvent y rencontrer de jolies dames.Avec ses suites et son bar-restaurant au bord de la piscine entourée de palmiers et de plantes tropicales, à l’abri des bruits de la ville, tout ce que Kigali compte d’important vient dîner ou boire un verre au Mille Collines : hommes d’affaires, diplomates, humanitaires, trafiquants d’armes, employés d’ONG, politiciens, chercheurs de diamants et on en passe.L’apocalypse s’est abattue sur la villeDès les premiers massacres, c’est donc sans trop réfléchir que les notables tutsi et certains hutu modérés – les cibles prioritaires des militaires et des milices génocidaires – tentent d’y trouver refuge. Tout autour, l’apocalypse s’est abattue sur la ville. Les rues offrent un spectacle abominable. Ici ou là, des monceaux de cadavres découpés à la machette, des femmes éventrées, des enfants fichés sur des piques. La mort diffuse partout sa puanteur âcre.Ceux qui pensent y échapper en se rendant au Mille Collines ne se doutent pas qu’en se transformant en centre d’accueil pour les personnes visées par les génocidaires, cette forteresse à peine protégée par la Minuar (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) devient aussi, de ce fait, un vivier potentiel d’ennemis à abattre.La patrouille de Panthère, dans les quelques jours qui suivent le 6 avril, y voit effectivement une aubaine : il n’y a qu’à ramasser les Tutsi en route vers l’hôtel, les emmener au camp et les fusiller en troupeau. Panthère participe à trois opérations de ce genre. « On en regroupait chaque fois plusieurs dizaines dans le camp. C’est difficile de tuer tout le monde à la kalachnikov, alors on commençait à mitrailler et pour finir on lançait des grenades sur le groupe. Après, un camion prenait les corps et les déposait là-haut » – il fait un geste de la tête en désignant le haut d’une des collines de la capitale, où une fosse avait été creusée. Toujours tranquille.Le 6 avril 1994, Panthère, de son vrai nom Khassim Bigirimana, a 22 ans. Il a intégré l’armée et se trouve dans le camp Kigali, le grand centre militaire de la capitale. Vers 20 h 30, l’information circule dans le camp : l’avion de Juvénal Habyarimana vient d’être abattu. Le président rwandais, à la fois représentant de la majorité hutu et s’apprêtant à négocier avec le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle majoritairement tutsi, est autant la cible de ce dernier que des extrémistes hutu, qui refusent tout accord avec les Tutsi.Sauvagerie collectiveAu camp Kigali, les commandants convoquent leurs troupes : « Ça y est. L’opération commence. Vous le savez : notre ennemi, c’est le Tutsi. » L’assassinat du président donne le signal du départ. La RTLM, la radio-télévision propagandiste, qui porte aussi le nom de Mille Collines (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom), diffuse les messages qui exhortent au génocide. L’injonction est d’abord codée : « Il faut couper les grands arbres. » Puis totalement explicite : il faut éliminer « les cafards », « les cancrelats », « les Tutsi ». A l’exception d’esprits éclairés, une grande partie de la population à majorité hutu se mobilise. Civils, militaires et milice (les Interahamwe) s’unissent dans une sauvagerie collective et méthodique.Ce même 6 avril, vers 20 h 30, Paul Rusesabagina reçoit un coup de téléphone de son épouse Tatiana. Paul est hutu et dirige alors l’Hôtel des Diplomates, l’autre établissement de luxe de Kigali. Tatiana est tutsi. Ils habitent avec leurs enfants dans le quartier de l’aéroport et l’énorme détonation qu’elle vient d’entendre l’inquiète. Depuis le 1er octobre 1990, la guerre civile au Rwanda a habitué la population aux bruits d’explosion fréquents et divers. Les grenades lancées dans les maisons ou dans les bars, les vitres brisées, les assassinats en pleine rue sont monnaie courante. Les Tutsi sont les premières victimes, ainsi que certains Hutu politiquement ciblés. Tatiana ne sait pas encore qu’elle a entendu le missile qui a détruit l’avion du président, mais elle a peur. « Dépêche-toi de rentrer », dit-elle à son mari.Jusqu’au 12 avril, Paul Rusesabagina reste manageur à l’Hôtel des Diplomates. Un gouvernement de transition y a établi ses quartiers mais ce jour-là, à l’aube, le FPR oblige les représentants de l’Etat à fuir vers le sud du pays. Quant au manageur néerlandais de l’Hôtel des Mille Collines, il a été évacué la veille. Son établissement est laissé à l’abandon alors que quelques centaines de personnes s’y sont déjà réfugiées. Paul connaît bien le Mille Collines, il y a travaillé jadis. La Sabena encourage sa proposition d’en prendre la direction. « Pour rendre service et sauver les gens », dit-il. « Pour en profiter et s’en mettre plein les poches », rétorquent d’autres…Aujourd’hui, Paul Rusesabagina nous reçoit dans sa petite maison d’un quartier résidentiel de Kraainem, en banlieue de Bruxelles. Pas loin de l’aéroport, comme à Kigali. Il est exilé et a acquis la nationalité belge. Longtemps chauffeur de taxi, il vit maintenant entre la Belgique et les Etats-Unis, où il donne des conférences sur le génocide, la région des Grands Lacs, le Rwanda. « Homme ordinaire »Le monde le célèbre, le décore, l’honore : il est le sage, le héros qui a sauvé les 1 268 personnes réfugiées à l’Hôtel des Mille Collines pendant le génocide. En 2004, l’Américain Terry George s’est inspiré de son « histoire vraie » pour un film à succès, Hotel Rwanda. Pour des raisons qui seraient budgétaires, le tournage n’a pas eu lieu au Mille Collines, mais dans un décor reconstitué en Afrique du Sud. Paul Rusesabagina a participé au film et, dit-il, « entièrement supervisé le scénario ».Son image n’en souffre pas : d’un bout à l’autre, il apparaît comme un amour de garçon. Pas un défaut. Un personnage de rêve comme on les aime à Hollywood. Aussi parfait dans le livre qu’il a écrit ensuite sur le même sujet, An Ordinary Man, publié aux Etats-Unis en 2006, traduit en plusieurs langues, qualifié de « best-seller » par le New York Times, comparé à Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela (1995), et La Nuit, d’Elie Wiesel (1955).L’ancien manageur du Mille Collines, modestement autodésigné « homme ordinaire », est d’un ordinaire admirable : intelligent, perspicace, courageux, désintéressé, stratège, calme, concerné, patient, généreux, humain.Dès que Paul Rusesabagina prend la direction de l’hôtel, il s’attache autant que possible à maintenir son statut de quatre-étoiles. C’est, selon lui, le seul moyen de maintenir en respect militaires et miliciens. Lui-même étant hutu, il n’est pas directement menacé et il peut exploiter ses bonnes relations avec les officiers. Du temps où il était directeur à l’Hôtel des Diplomates, ils avaient leurs habitudes et il leur payait des tournées. « Tous ces cafés et ces bières que je leur ai offerts m’ont servi énormément ensuite, quand j’ai eu besoin de réseaux, note-t-il. Je connaissais tout le monde, même le vice-président de l’Interahamwe, Georges Rutaganda. » Dans le nouveau contexte, au Mille Collines, il est avec eux aux petits soins, « dans le but de s’assurer leur soutien et de sauver des vies ».Les réfugiés arrivent en continu. Assez vite, ils sont 1 268 à s’entasser dans 113 chambres, à attendre leur tour sur les matelas, à camper dans les couloirs. L’idéologie génocidaire veut distinguer les purs et les impurs, les bons et les méchants, les Hutu et les Tutsi, mais la réalité est comme toujours un grand désordre. La plupart des réfugiés sont tutsi, mais il y a aussi des Hutu opposés au régime. Les familles sont souvent mélangées. Des militaires hutu ont dans l’hôtel des cousins tutsi à qui ils apportent du ravitaillement.Le restaurant tourne, certains se font la cuisine à côté de la piscine. Au bout de quelques jours, il n’y a plus d’électricité ni d’eau. « J’ai dû couper l’eau courante par souci de rationnement », explique Paul Rusesabagina. La piscine sert de réservoir commun. Il corrompt les officiers pour protéger l’hôtel et acheter des produits au marché noir. Les miliciens attaquent à plusieurs reprises. La Minuar, qui a l’ordre de ne pas tirer, laisse le génocide s’accomplir sous le regard passif de la communauté internationale. Le directeur envoie des fax partout dans le monde, appelle la Maison Blanche, le département d’Etat, Paris, Bruxelles. En vain. « Tout est faux »Dans sa maison bruxelloise, Paul Rusesabagina est au téléphone. A l’autre bout du fil se trouve l’un des officiers qui fréquentaient le Mille Collines au moment du génocide. Il est exilé en Belgique et aime autant rester discret. Les deux hommes se parlent comme des frères. Il s’entendait bien avec un autre d’entre eux, le colonel des forces armées rwandaises Augustin Bizimungu, condamné à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour « génocide » et « crimes contre l’humanité », en 2011.D’après le scénario d’Hotel Rwanda « supervisé » par Paul Rusesabagina, celui-ci lui avait courageusement fait la leçon au point de l’ébranler. En substance : « Tu ne vois pas que la guerre est perdue ? Aide-nous, ce sera retenu en ta faveur. » Bizimungu aurait contenu l’attaque des miliciens sur le Mille Collines. « Sous sa responsabilité, des gens ont été massacrés mais l’armée rwandaise nous a sauvé la vie, affirme l’ancien directeur. C’est ça que les gens ne comprennent pas. »Cette version passe très bien à Hollywood. Beaucoup moins auprès de ses anciens « clients », réfugiés à l’hôtel à l’époque du génocide. L’ennui, pour Paul Rusesabagina, est qu’il est jusqu’ici très isolé pour clamer qu’il a contribué à sauver du massacre le Mille Collines. Les différents témoins que nous avons interrogés à Kigali le perçoivent au mieux comme un gestionnaire sans états d’âme, au pire comme un traître, et, dans tous les cas, comme un vantard.L’intéressé n’est pas étonné : « Ils sont tous instrumentalisés par le régime. » Le président Paul Kagamé, selon lui jaloux de sa notoriété, organiserait une campagne de dénigrement pour dénoncer son discours jugé « négationniste » – Rusesabagina qualifie de « génocide » (ce que conteste le Rwanda) les exactions massives dont ont été victimes les Hutu, principalement en RDC, lorsque ces derniers ont fui le pays par peur des représailles du FPR.A la sortie d’Hotel Rwanda, en 2004, une projection est organisée à Kigali à l’Hôtel Serena – anciennement Hôtel des Diplomates. Le président rwandais y assiste, aux côtés du premier ministre, Bernard Makuza, et d’autres membres du gouvernement. Il y a dans la salle plusieurs centaines de personnes. A la fin du film, d’anciens réfugiés du Mille Collines échangent des regards gênés. « J’étais choqué, dit Bernard Makuza, maintenant président du Sénat. C’est présenté comme une histoire vraie et tout est faux. » Séparément, les témoins racontent avec leurs mots les commerces du patron avec les militaires, l’argent demandé aux clients de l’hôtel, la coupure volontaire du téléphone et de l’électricité pour les isoler et rester maître à bord. Champagne à gogoBernard Makuza était réfugié au Mille Collines. Il est par ailleurs hutu, ce que personne ne mentionne plus à l’heure où la reconstruction nationale passe par l’oubli des distinctions prétendument ethniques. « Paul Rusesabagina, un héros ? Les militaires et les miliciens venaient boire des coups avec lui, il exigeait que l’on paye les chambres. C’est héroïque d’exiger du liquide, des chèques ou des reconnaissances de dette de la part de réfugiés dont les familles, dehors, se font massacrer ? »Le deuxième personnage de l’Etat rwandais est, selon Paul Rusesabagina, l’exemple même de l’agent « manipulé » par le président Kagamé. Comme Wellars Gasamagera, ancien sénateur, qui s’est retrouvé à dormir dans le couloir de l’hôtel, faute d’avoir eu de quoi payer sa chambre. « Ceux qui n’avaient pas d’argent sortaient sans résistance, raconte-t-il. Les gens étaient hébétés. On s’accrochait à un semblant de sécurité. Dormir dans un couloir quand la mort vous attend, quelle importance ? » Alexis Vuningoma, ancien employé au Mille Collines, ou Cyrille Ntaganira, avocat au barreau du Rwanda, sont-il « manipulés » eux aussi ? « Tous les jours on attendait la mort, dit celui-ci. La seule question était : comment ? Les machettes terrorisaient. Dans l’hôtel, ça ne criait pas, ça ne pleurait pas, ça sentait la mort. On faisait ce qu’on nous disait. Quand Rusesabagina est venu nous dire qu’il fallait payer, j’ai pu rester car on était une quinzaine dans la chambre et l’un d’entre nous lui a signé une reconnaissance de dette. »Ces anciens réfugiés rêvent d’un autre film hollywoodien « qui raconte la vérité ». L’un d’eux, Edouard Kayihura, devenu avocat aux Etats-Unis, mais néanmoins « totalement aux mains du régime », selon Paul Rusesabagina, a publié un livre, Inside the Hotel Rwanda (2014, BenBella Books), qui a pour Hollywood un inconvénient majeur : il est dépourvu de héros. Tous disent cependant retrouver dans ce livre leur vraie histoire. Comme Pasa Mwenenganugye, un entrepreneur de 43 ans, qui était réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines quand le génocide a commencé. C’est à lui que l’ancien manageur néerlandais a confié les clés au moment d’être évacué, avant l’arrivée de Rusesabagina. En découvrant Hotel Rwanda, il a eu une surprise : se voir représenté sous les traits d’un certain Grégoire, personnage veule et vil à qui, précisément, l’ancien manageur confie les clés de l’hôtel. Face au gentil héros Paul, Grégoire est le méchant. Il profite de la situation, occupe la suite présidentielle, consomme prostituées et champagne à gogo.« Je m’étais bien réfugié dans une suite, dit Pasa,mais hélas pas avec du champagne et des prostituées. Il y avait avec moi mes deux frères et une autre famille dont une femme enceinte. Regardez-moi bien : c’est moi, Grégoire, le méchant, les prostituées, oui, me voilà ! Le méchant est à Kigali, et le gentil est en exil. Intéressant, non ? Et le film n’a pas été tourné au Mille Collines mais à Johannesburg. Intéressant, non ? » L’ancien réceptionniste, qui est de père hutu et de mère tutsi, ironise sur « le scénario hollywoodien qui consiste à faire croire que des bouteilles de champagne offertes aux militaires peuvent suffire à arrêter le génocide au Mille Collines ».Elles n’ont certes pas pu « suffire », mais la stratégie de Paul Rusesabagina, consistant à soudoyer les militaires, n’a-t-elle pas contribué à sauver les 1 268 réfugiés ? Ceux-ci, il est vrai, ont bénéficié d’un autre atout objectif : ils représentaient une valeur d’échange dans les pourparlers, alors que des otages hutu se trouvaient, eux, dans le stade d’un quartier de la ville contrôlé par les rebelles du FPR. Lorsque le FPR reprend Kigali, le 4 juillet 1994, l’hôtel est évacué. Et les réfugiés indemnes.Le Mille Collines n’a pas changé depuis le génocide. Les bâtiments sont là, la piscine, le bar, les plantes tropicales, les chambres sans caractère. Il est géré par la chaîne Kempinski, fondée en Allemagne, dont l’objectif est d’en faire un palace. A la hauteur d’un Rwanda moderne qui a intégré le Commonwealth, veut faire concurrence au Kenya comme plaque tournante de l’Afrique de l’Est et se fait violence pour éradiquer son démon : les ethnies.Prochain article : «  Les fantômes de Bretton Woods  »Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/Marion Van Renterghem Yann Plougastel Rien ne va ? La crise grecque vous a mis le moral dans les chaussettes ? La tête de votre banquier vous file le cafard ? Une seule solution, French Cancan de Jean Renoir, un festival de couleurs, de lumière, de tendresse, de joie et surtout un époustouflant hymne païen à l'existence. Vous sortirez de ce film avec une seule envie : danser ! Comme le dit Henri Danglard, incarné par Jean Gabin, il n'y a qu'une morale à défendre : « Champagne pour tout le monde ! » French Cancan, sorti en 1954, est un feu d'artifice où, par la magie du Technicolor, vous êtes projetés dans les plus beaux tableaux impressionnistes, dans une sorte de jubilation alerte.Lorsque Jean Renoir entame en 1953 le tournage de French Cancan, il sort de deux échecs retentissants, Le Fleuve et Le Carrosse d'or, le premier réalisé en Inde, le deuxièmeà Rome. Son exil aux Etats-Unis pendant la guerre lui a valu bien des critiques. A son retour en France, il est attendu au tournant. Pour le réalisateur, cette comédie musicale est le film de la dernière chance. French Cancan est une commande, qui devait d'abord être réalisée par Yves Allégret. Il raconte la création du Moulin Rouge, à la fin du xixe siècle, par un entrepreneur pour qui c'est aussi l'ultime va-tout.Une ode aux femmes et aux intermittents du cœurJean Gabin, dopé par son succès dans Touchez pas au grisbi de Jean Becker, y assume pour la première fois son âge. Françoise Arnoul en Nini, une jeune blanchisseuse emportée par la danse, y tient, elle, le rôle de sa vie. Les amateurs apprécieront également les apparitions pleines de charme de Maria Félix, en diva latino, de Philippe Clay en Valentin le désossé, de Michel Piccoli en officier gommeux, de France Roche, future « Madame cinéma » d'Antenne 2, en cocotte décolletée (« Montmartre, où est-ce ? » minaude-t-elle), de Claude Berri en passant, de Rosy Varte en pierreuse... Et lorsque Cora Vaucaire chante « Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux/ Les ailes des moulins protègent les amoureux », on fond de plaisir. Pas de doute, French Cancan, ode aux femmes et aux intermittents du coeur, devrait être remboursé par la Sécurité sociale !La bande annonce de “French Cancan”Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Renaud Machart Le troisième volet de la série de films d’Anthony C. Ferrante est proposé sur Syfy 24 heures après sa diffusion aux Etats-Unis. Jeudi 23 juillet à 20h50 sur SYFY. « Les chefs-d’œuvre du cinéma se présentent par trois » assure la voix off de l’une des bandes-annonces de Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante, citant en référence Le Parrain et Star Wars. Si Sharknado en est bien à son troisième volet, présenté en première diffusion mercredi 22 juillet sur la chaîne câblée nord-américaine Syfy et dès le lendemain sur ses filiales dans quelque quatre-vingts pays, l’horrifique et drolatique nanar joue la carte du cinquante-sixième degré et fait montre d’une autodérision dont la teneur a fini par constituer l’intérêt principal du projet, bien au-delà de l’horreur présumée de ses images. Le site Internet de Syfy classe d’ailleurs le film dans la catégorie inédite du « désastre satirique ».Au départ, Sharknado était l’un de ces films de requins à petit budget dont Syfy s’est fait une spécialité. En préparation de la sortie mondiale de Sharknado 3, la chaîne avait invité les téléspectateurs à se faire les dents sur les épisodes précédents de la trilogie, sortis en 2013 et 2014, complétés par les indispensables Mega Shark vs. Mecha Shark (2014), d’Emile Edwin Smith, où un squale gigantesque fracasse une plate-forme pétrolière et croque au vol des avions de ligne, et Les Dents de la neige (2013), de Scott Wheeler, où le monstre quitte les profondeurs aqueuses pour faire le chasse-neige dans une poudreuse qui ne reste pas longtemps immaculée. Après ce premier volet qui voyait Los Angeles inondée par une remontée poissonneuse prête à en découdre, causée par une tornade (d’où le titre, contraction de « shark » – « requin » – et de « tornado » – « tornade »), la rumeur a fini par inonder à son tour les réseaux sociaux qui ont vite fait de Sharknado le film le plus commenté sur Twitter (5 000 tweets par minute lors du premier volet).Des célébrités rapidement croquésAlertés par la réputation croissante de l’affaire, les adultes ont regardé avec leurs enfants Sharknado 2 (cette fois-ci c’était au tour de New York d’être envahie par les squales, et ce jusque dans le métro…) : parmi les quelque 4 millions de téléspectateurs nord-américains, la tranche des 18-49 ans avait triplé en nombre… Et ceux-ci n’ont pas été déçus par la distribution : attirées par le culte voué à ce nanar aux effets spéciaux façon pétard mouillé, des « célébrités » du show-business ont accepté de se produire lors de brèves apparitions, le plus souvent interrompues avant le premier mot par l’implacable couperet d’une mâchoire.Dans le troisième épisode (qui transporte le téléspectateur à Washington), Sharknado continue d’étoffer sa distribution : en sus des deux vedettes récurrentes Ian Ziering (connu pour son rôle dans la série « Beverly Hills 90210 » et par ailleurs strip-teaseur à ses heures) et Tara Reid, on y verra jouer le père et la mère de ces deux derniers par David Hasselhoff et Bo Derek, deux familiers des bords marins qu’ils ont volontiers parcourus en tenue légère. Et, pour la bonne bouche, l’animateur Jerry Springer, la politicienne Michele Bachmann (sic !), deux présentateurs vedettes de l’émission matinale de NBC, Frankie Muniz (jeune héros de la série « Malcolm ») parmi une myriade de visages surtout connus du public nord-américain. Mais les Français reconnaîtront sans doute l’acteur Bruno Salomone…Sharknado 3 risque bien de prendre en ses filets un nombre de téléspectateurs sans précédent. Le succès paraît d’ailleurs tellement assuré qu’un Sharknado 4 est d’ores et déjà annoncé.Sharknado 3, d’Anthony C. Ferrante. Ian Ziering, David Hasselhoff, Tara Reid (EU., 2015, 90 min).Syfy, jeudi 23 juillet à 20 h 50.Renaud MachartJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Vous connaissez Adam Sackler parce que vous regardez « Girls » depuis quatre ans. Adam est le compagnon, intermittent, imprévisible, d’Hannah, l’héroïne qu’interprète la créatrice de la série, Lena Dunham. Les pouvoirs de séduction d’Adam – la géométrie brutale de son visage, la douceur de son regard, son corps d’athlète exposé à chaque occasion – se sont affirmés au fil des ans. Mercredi 22 juillet – quand vous irez voir While We’re Young –, vous ferez la connaissance de Jamie, qui habite lui aussi à Brooklyn, et déploie également un charme irrésistible, auquel succombent Josh et Cornelia Srebnick (joués par Ben Stiller et Naomi Watts), un couple de quadragénaires hypnotisés par la vitalité sensuelle de leur nouvel ami.Lire aussi :« While We’re Young » : Brooklyn comédieAssis tout droit sur une chaise dans le salon d’une suite d’un grand hôtel parisien, Adam Driver, interprète d’Adam Sackler et de Jamie, joue une autre carte, celle du garçon simple, franc et intelligent. En deux phrases, il explique que ces deux personnages n’ont rien à voir, même s’ils vivent dans le même borough new-yorkais, Brooklyn, Mecque des hipsters, Rome de la bohème bourgeoise : « Leurs caractères sont radicalement opposés. Jamie est plus ambitieux, fuyant et gracieux qu’Adam, qui est un instrument contondant et se jette contre les obstacles jusqu’à ce qu’il s’épuise et se tourne vers autre chose. Jamie est capable de mener plusieurs tâches à bien en même temps, et il se projette vers ce qu’il sera dans l’avenir, alors qu’Adam vit dans l’instant. »Avec Eastwood, les Coen, Spielberg et ScorseseCette sûreté d’expression et d’analyse n’est pas commune chez les acteurs. Mais le chemin qui a mené Adam Driver à la célébrité planétaire, au bord du statut de superstar (il a déjà tourné avec Eastwood, les Coen, Spielberg, Scorsese, à Noël on le verra dans Star Wars) n’est pas celui qu’ont emprunté ses contemporains. Avant d’être admis dans le département d’art dramatique de Juilliard, la prestigieuse école d’art new-yorkaise, il était le marine de deuxième classe Adam Driver, un garçon du Midwest qui, à 18 ans (il est né en 1983), s’était engagé au lendemain du 11 septembre 2001.Pendant presque trois ans, il a appris à se battre. Juste avant de partir pour l’Irak, le jeune homme s’est blessé en faisant du VTT, a été réformé, et s’est tourné vers la profession qu’il avait choisie, un soir en manœuvres : « On a tiré accidentellement des obus au phosphore sur nous, qui ont explosé au-dessus de nos têtes. Quand on est à l’armée, on apprend plus tôt que les autres jeunes que l’on n’est pas immortel. Je me suis dit qu’aussitôt que je quitterais l’armée, je me mettrais à fumer et je deviendrais un acteur. » Aujourd’hui encore, Adam Driver regrette d’avoir laissé ses camarades partir au combat sans lui. Il garde un souvenir amer de ce moment : « Quand je me suis blessé et que tous mes amis sont partis là-bas, j’avais du mal à justifier ma vie quotidienne quand je pensais à ce qu’ils faisaient. Je voudrais vraiment y être allé. Une fois qu’on est dans un groupe, les considérations politiques n’importent plus. »L’idée de devenir acteur n’avait pas surgi armée de pied en cap dans l’éclair d’un obus au phosphore. Tout au long de son enfance dans l’Indiana, Adam Driver avait noté « des signes qui m’indiquaient que c’était ça qui m’intéressait. Je ne les ai jamais pris ça au sérieux, comme un métier dont on pouvait vivre, jusqu’à ce que j’aie quitté l’armée ». Parmi ces présages, il y avait le catalogue de 2 500 films, enregistrés sur VHS, que son grand-père avait constitué à partir des versions expurgées que diffusaient les « networks » américains. Dans le désert culturel de l’Indiana ou « le vidéoclub était le seul lien avec le reste du monde », ce trésor a permis au jeune Adam de découvrir d’abord Bruce Willis et Piège de cristal, Mel Gibson et L’Arme fatale, avant de passer à Eastwood et Scorsese.Des tournées aux arméesVingt ans plus tard, il a joué pour l’un et l’autre. Pour son premier rôle au cinéma, il est apparu brièvement dans J. Edgar du premier. Il vient de terminer le tournage de Silence du second, à Taïwan. Il y joue un jeune jésuite qui fait face à la persécution des catholiques dans le Japon du XVIIe siècle. « Il y a trois ans, j’ai enregistré une audition pour Marty [diminutif de Martin Scorsese], raconte-t-il. Il a mis plus d’un an à la regarder. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui, et voilà. »Tout est si simple pour Adam Driver. A peine sorti de Juilliard, il attire l’attention des critiques de théâtre new-yorkais en reprenant l’un des principaux rôles d’Angels in America, la pièce épique de Tony Kushner sur le sida. Presque immédiatement, Lena Dunham lui offre le rôle d’Adam Sackler et, dès les premiers épisodes, une succession de scènes amoureuses plus propres à susciter l’embarras que l’enthousiasme font de lui un sex-symbol d’un nouveau genre. Non que les fans confondent les deux Adam : « Personne ne m’a jamais embêté avec ça, assure l’acteur, c’est plutôt avec Lena que les gens ont envie de parler de sujets érotiques. »Ses camarades du corps des marines se moquent un peu de lui, quand ils se parlent au téléphone, de temps en temps. « Mais pas autant qu’au moment où j’étais à l’école d’art dramatique, et que je passais mes journées en pantalon de survêtement à la recherche de la vérité de mes sentiments. »Pour ne pas rompre tout à fait avec ce moment de sa vie, Adam Driver organise des tournées aux armées, d’un genre différent. « Nous jouons des monologues de dramaturges américains contemporains, Steven Adly Guirgis, John Patrick Shanley, David Mamet. Des textes qui n’ont pas forcément un lien avec l’armée. Ce sont des personnages de différents milieux, d’âges divers, que nous jouons devant des soldats. »Du côté obscur de la ForcePour financer son organisation, l’acteur compte désormais sur le soutien de la Force. Les producteurs de Star Wars (Disney, désormais) lui ont donné des éléments de décors ou de costumes qui sont vendus aux enchères pour produire les tournées. Une raison supplémentaire pour Adam Driver de se défendre d’être passé du côté obscur en acceptant de tourner dans Le Réveil de la Force, l’épisode VII de la saga entamée il y a bientôt quarante ans par George Lucas. Bien sûr, « le budget est énorme alors que d’habitude je travaille sur des films où on me dit des choses comme “tu peux ne pas écraser ta cigarette, parce qu’on en aura besoin pour le prochain plan”. Mais J. J. Abrams [le réalisateur] fait passer l’histoire et les personnages avant les effets spéciaux ».Cette défense un peu convenue d’un film autour duquel les producteurs entretiennent le mystère à coups de clauses de confidentialité, précède l’annonce du retour d’Adam Driver sur une scène new-yorkaise, « l’an prochain ». En attendant, il lui faut repartir à New York, terminer le tournage de la saison cinq de « Girls », parce que pour l’instant, Adam reste quand même Adam.Thomas SotinelJournaliste au Monde Alexis Delcambre et Alexandre Piquard A un mois de son entrée en fonction à France Télévisions, l’équipe de la nouvelle présidente, Delphine Ernotte, prend forme. Selon nos informations, la direction de la stratégie et des programmes doit être confiée à Caroline Got, actuelle directrice générale des chaînes TMC et NT1 (groupe TF1). Et, du côté de France 2, la première chaîne en audience du groupe public, c’est Vincent Meslet, actuel directeur éditorial d’Arte France, qui occupera la direction.Ces deux noms viennent compléter ceux de Dana Hastier, qui sera la directrice de France 3, et de Michel Field, qui prendra la tête de France 5. Tiphaine de Raguenel devrait conserver la direction de France 4 et Gilles Camouilly celle de France Ô. La direction de l’information reste à attribuer, selon nos informations.Forte de vingt ans d’expérience dans l’audiovisuel, Caroline Got a notamment travaillé chez TF1 Vidéo, TPS et France 3, à l’unité chargée des fictions étrangères. Mais c’est probablement sa dernière et longue expérience au sein des chaînes de la TNT, TMC et NT1, qui a justifié son recrutement.Elle y a expérimenté une logique de « bouquet », entre les chaînes du groupe TF1 (HD1, NT1, TF1 et TMC). Or la volonté de développer l’identité de chacune des chaînes de France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et leur complémentarité figure parmi les objectifs de Mme Ernotte.Toutefois, le poste promis à Caroline Got n’est pas celui d’un « grand manitou » des programmes comme France Télévisions a pu en connaître par le passé. La nouvelle présidente affirme que les directions des chaînes auront un poids important.Cela concernera notamment Vincent Meslet, qui va donc arriver à France 2 après cinq années chez Arte France, marquées par une progression des audiences et une politique remarquée notamment en matière de fiction. Il dirigeait d’ailleurs la fiction de France Télévisons avant de rejoindre Arte.Alexandre PiquardJournaliste médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterAlexis DelcambreResponsable du pôle Techno-médiasSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Un an après le triomphe à Cannes des Quatre Cents Coups, François Truffaut réalise avec Tirez sur le pianiste (1960) son film le plus libre et le plus malicieux. Très influencé par la Nouvelle Vague naissante, le jeune cinéaste veut mettre en scène un film léger et le tourner comme un reportage, à la façon d'A bout de souffle, de Jean-Luc Godard. Il s'entoure d'ailleurs de proches de Godard, comme le directeur de la photo, Raoul Coutard, ou le compositeur, Georges Delerue.Brillant, narquois et désinvolte, Tirez sur le pianiste doit se voir comme un pastiche de film de gangsters. Truffaut, grand admirateur du romancier américain David Goodis, s'appuie sur un de ses livres, Down There, publié en 1956. Il abandonne le côté sombre de cette histoire de concertiste de haut vol devenu pianiste de bastringue après le suicide de sa femme pour la tirer vers la fantaisie et le fantastique, avec une dimension poétique. « Tirez sur le pianiste, je crois que je l'ai fait pour une image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une route en pente : on dirait que la voiture glisse sur cette route sans que l'on entende le bruit du moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image... », expliquera Truffaut par la suite.Un film sur les femmesLa musique occupe une place prépondérante, oscillant du jazz au classique, avec des détours réjouissants par la chanson, grâce à un Boby Lapointe iconoclaste et un Félix Leclerc plein d'élégance. Pourtant, le film parle essentiellement des femmes. Et filme leurs corps avec une sensualité rare, qu'il s'agisse des seins angéliques de Michèle Mercier ou des mains inquiètes de Marie Dubois.Les gangsters y disent du mal du sexe dit faible, ce qui inspira des dialogues à Scorsese et Tarantino. Quant à l'admirable Charlie, interprété par Charles Aznavour, tout autant timide qu'amusé, il exprime une sensibilité à fleur de peau et une lucidité mêlée de pitié. Hélas, ni son génie musical ni l'amour de plusieurs femmes ne parviendront à lui éviter un destin médiocre... Jouant à la fois sur le désir et l'interdit, Tirez sur le pianiste possède l'insouciance d'un baiser volé.La bande-annonce de "Tirez sur le pianiste"Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 15.07.2015 à 09h49 La cinéaste Laura Poitras, Oscar du meilleur documentaire pour Citizenfour sur Edward Snowden, qui a révélé l’étendue du système de surveillance américain, a assigné en justice le gouvernement américain après avoir, dit-elle, fait pendant des années l’objet d’interrogatoires aux frontières.La cinéaste, également Prix Pulitzer, demande au ministère de la justice et aux agences chargées de la sécurité aux frontières la publication de six ans de rapports consignant comment, à une cinquantaine de reprises, elle a été interrogée, fouillée ou a dû patienter pendant des heures lors de contrôles dans des aéroports, aux Etats-Unis et à l’étranger.« Menace contre la sécurité nationale »« Je porte plainte parce que le gouvernement utilise la frontière américaine pour contourner la loi », a indiqué la cinéaste à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui milite pour les libertés sur Internet et représente Mme Poitras dans sa démarche effectuée lundi au nom de la loi FOIA sur la liberté d’accès aux informations personnelles.« Je le fais également en soutien à tous les autres moins connus qui subissent des harcèlements kafkaïens aux frontières. Nous avons le droit de savoir comment marche le système et pourquoi nous sommes pris pour cibles », a-t-elle ajouté. Lors de ces interrogatoires, la cinéaste s’est entendu dire par des agents qu’elle avait un casier judiciaire, ce qu’elle dément, ou que son nom était inscrit dans une base de données de suspects menaçant la sécurité nationale, ajoute l’EFF. Thomas Sotinel Pendant que les dinosaures et les cylindres jaunes se disputent la suprématie sur la planète cinématographique, le rythme estival des sorties s’installe, entre curiosités et attractions pour vacanciers. Dans la dernière catégorie, on signale la présence d’un super-héros (le décevant Ant-Man de Disney/Marvel) sur les écrans. Côté films rares, en cette semaine de crise européenne, les nouveautés s’éparpillent gracieusement sur tout le territoire de l’Europe, du Nord de la Russie à l’embouchure du Guadalquivir en passant par le Brandebourg.Rêve éveillé au soleil de minuit : « Les Nuits blanches du facteur », d’Andreï KontchalovskiLe metteur en scène russe a quitté son Moscou natal pour aller filmer les villageois des rives du lac Kenozero, près d’Arkhangelsk. Il en fait les personnages d’une fiction qui met aux prises un facteur naïf, une beauté provinciale qui aspire à retourner à la ville, un ivrogne au regard d’enfant. Dans la lumière étrange de ces nuits sans obscurité, cette chronique prend une dimension fantastique.Lire la critique :« Les Nuits blanches du facteur » : rêverie aux marches de l’empire russeFilm russe d’Andreï Kontchalovski, avec Alexeï Triapitsyn, Irina Ermolova, Viktor Kolobov (1 h 41).Film de sabre à l’allemande : « Der Samurai », de Till KleinertCe premier film plonge un jeune policier d’une bourgade du Brandebourg dans une horreur nocturne hantée par un mystérieux homme de blanc vêtu, armé d’un sabre japonais. Entre parabole un peu trop littérale sur le désir homosexuel et délire plastique, le réalisateur Till Kleinert trouve la voie d’un guerrier de cinéma, qui prend systématiquement à contre-pied les attentes du spectateur.Film allemand de Till Kleinert avec Michel Diercks, Pit Bukowski, Uwe Preuss, Kaja Blachnik (1 h 19).Guerre civile froide en Andalousie : « La isla mínima », d’Alberto RodriguezDans les années qui suivent la mort de Francisco Franco, deux policiers doivent enquêter sur la disparition de jeunes filles dans la région de l’embouchure du Guadalquivir. L’un reste franquiste, l’autre ne l’a jamais été, et l’intrigue tortueuse sert de révélateur aux blessures mal refermées de tout un pays.Film espagnol d’Alberto Rodriguez, avec Raúl Arévalo, Juan Javier Gutiérrez (1 h 44).Splendeur viscontienne de la misère urbaine : « Rocco et ses frères », de Luchino Visconti Magnifiquement restauré par la Cinémathèque de Bologne, le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, réalisé en 1960, a gardé toute sa puissance. Certes l’exode rural qui en est ressort n’est plus qu’un souvenir, mais c’est plus encore une lamentation sur la fin de la tragédie dont les rituels s’effacent face à l’industrialisation, à la dissolution de la famille. Alain Delon et Annie Girardot éblouissent dans cette succession de paroxysmes.Film italien de Luchino Visconti (1960), avec Alain Delon, Annie Girardot, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Max Cartier (2 h 57).Une rareté maritime à la Cinémathèque : « The Deep » (copie de travail), d’Orson WellesUn couple qui espère retrouver la passion au cours d’une croisière recueille un mystérieux inconnu. Vous avez reconnu Calme blanc, de Phillip Noyce, avec Nicole Kidman ? Faux, c’est The Deep, l’un des films inachevés d’Orson Welles, adapté de la même nouvelle de Charles Williams. Dans le cadre de la rétrospective Welles que propose la Cinémathèque, on peut en découvrir une copie de travail (non sonorisée), filmée avec des moyens dérisoires à la fin des années 1960, au large de la côte dalmate. Enfin, dérisoires… Le générique du film, s’il en avait eu un, aurait réuni Orson Welles, Jeanne Moreau et Laurence Harvey.Film américain inachevé d’Orson Welles (1967), (2 heures). Samedi 18 juillet, 21 h 30, salle Henri Langlois, Cinémathèque, 51 rue de Bercy, Paris 12e. http://www.cinematheque.frThomas SotinelJournaliste au Monde Isabelle Regnier L’avis du « Monde » - Pourquoi pasQuelque part entre Spider-Man et Iron Man, il y a Ant-Man. Un homme revêtu d’une armure atomique qui a la capacité de le faire rétrécir à la taille d’une fourmi tout en lui conférant la puissance d’un char d’assaut. Arme de guerre nouvelle génération, quasiment invulnérable parce qu’à la limite de l’invisibilité, Ant-Man possède entre autres la capacité de communiquer avec toute la famille des formicidés et d’en diriger les tribus comme autant de bataillons armés.Issu de la galaxie Marvel, ce personnage a inspiré sa dernière production en date à Disney, qui en a confié le scénario à un tandem formé par Paul Rudd, acteur discret et sensible issu de la galaxie Apatow, à qui revient par ailleurs de jouer Ant-Man, et Adam McKay, l’auteur attitré des films de Will Ferrell. Le résultat n’est pas à la hauteur de ce que cette alliance pouvait laisser espérer, et le réalisateur, Peyton Reed, est en partie responsable. Malgré une certaine mièvrerie typiquement disneyenne, malgré une scène d’introduction rebutante en forme de publicité géante pour une chaîne de glaciers américains, ce scénario qui voit un hacker de haut vol, aussi fort pour briser les firewalls que pour ouvrir les coffres-forts, changer de dimension à volonté, aurait pu être du pain béni.Mais il eût fallu un autre metteur en scène, qui s’intéresse à ce qui est de l’ordre du faire. Peyton Reed, lui, utilise les dialogues pour transmettre les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue, et les valide dans un second temps par des images montées en rafale sans soucis de vraisemblance – la scène de cambriolage qui voit le monte-en-l’air mettre la main sur le costume d’Ant-Man, trésor caché dans un coffre-fort sécurisé comme Fort Knox dans une maison fortifiée, est, par exemple, aussi incohérente qu’illisible.Qu’Ant-Man passe son temps à changer de taille ne passionne pas plus le réalisateur. Après une première scène qui montre le personnage découvrant sa capacité à devenir fourmi alors qu’il est dans sa baignoire et que le débit d’eau s’abat sur lui avec la puissance d’un tsunami, la question des proportions est définitivement éludée. Focalisé sur la multiplication des plans, dont la durée excède rarement les trois secondes, le réalisateur mélange grossièrement cinéma d’action et comédie pataude, misant sur la complicité d’un public familier de l’univers des super-héros pour faire avaler la sauce. Si la présence de Michael Douglas, décidément en grande forme depuis que Steven Soderbergh l’a réinventé en vieille folle dans Ma vie avec Liberace, procure un certain plaisir, Paul Rudd a, pour sa part, perdu tout son charme dans l’opération.Film américain de Peyton Reed. Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly (1 h 57). Sur le web : marvel.com/antman#/antviewIsabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Noémie Luciani (Annecy) La 39e édition du Festival International du Film d’Animation, qui se déroulait à Annecy du 15 au 20 juin, avait choisi de présenter ses hommages aux femmes, à travers une sélection patrimoniale consacrée aux pionnières de l’animation, et à l’Espagne, en un florilège thématique presque exclusivement composé de courts-métrages. Énergique et éclectique, toute hérissée de s’être souvent frottée aux accidents de l’Histoire, cette dernière programmation se sera pourtant plus d’une fois fait voler la vedette par un challenger que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en si belle(s) forme(s). Sur les affiches et les écrans, la danseuse de flamenco dont la portugaise Regina Pesso a fait l’emblème du festival appelle bien les spectateurs en Espagne, mais l’édition 2015 du festival garde un goût très français.La France s’est vue récompensée samedi soir du Cristal du long-métrage (Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares coproduit avec le Canada et la Belgique), et du Cristal pour une production TV (Hello World ! Long-Eared Owl" d’Eric Serre), tandis que Tout en haut du monde, de Rémi Chayé, remportait le Prix du Public. Avec quatre films sélectionnés, elle occupait la moitié de la compétition des longs-métrages : une densité exceptionnelle, due en partie au hasard des cycles de production, mais témoignant indubitablement d’une santé florissante. Se joignant aux grands habitués d’Annecy, comme Folimage qui présentait en séance événement un très beau long-métrage, Phantom Boy, de nombreux studios jusque-là cantonnés aux courts-métrages y ont trouvé l’occasion de passer au grand format. L’an dernier, c’était TeamTO avec Gus – Petit oiseau, grand voyage, beau succès 2014 au box-office français. Cette année, ce sont, pour ne citer qu’eux, Je suis bien content et Sacrebleu films qui, proposant respectivement Avril et le monde truqué et Tout en haut du monde, font chacun un coup de maître de leur coup d’essai.Des résidences d’artistes« 2015 aura été l’année des longs-métrages français » résume Marcel Jean, le délégué artistique du Festival, rappelant que cette émergence de nouveaux joueurs, qu’il juge « extrêmement stimulante » s’observe également dans la production des courts. Un dynamisme exceptionnel, né de la rencontre fructueuse d’excellentes écoles d’animation et d’un système de financement et de production efficace. Résidences d’artistes (l’abbaye de Fontevraud), aides à l’écriture ou à la production se multiplient et se développent tandis que le CNC continue d’affirmer son soutien à l’animation française. Chris Meledandri, président d’Illumination Entertainement, présente le CNC comme un acteur majeur dans le développement fulgurant de sa filiale française, Illumination McGuff. « Le CNC et le gouvernement français ont su saisir lorsqu’elle s’est présentée l’opportunité de devenir aussi compétitifs que le Canada ou l’Australie » souligne sa coproductrice Janet Healy. L’histoire est belle et, en temps de crise, sonne singulièrement bien.On s’étonnera peut-être, au vu de cette vitalité du cinéma d’animation français, de ce que presque aucun des films qu’il a produits ne nous fasse voir la France. Il semble plus que jamais saisi de désirs voyageurs, auxquels le petit film-annonce imaginé par le studio français Ankama fait directement écho : mettant en scène le célèbre lapin qui tient lieu de mascotte au Festival, il déploie sur des rythmes espagnols un univers multicolore inspiré du manga japonais.Un imaginaire tourmentéLa France animée des longs-métrages parvient à être ailleurs même lorsqu’elle semble s’en tenir aux limites de l’hexagone. Imaginé avec le créateur de bande-dessinée Jacques Tardi, dont l’imaginaire tourmenté trouve enfin ses lettres de noblesse au cinéma, Avril et le monde truqué, de Franck Ekinci et Christian Desmares, se situe bien en France, mais dans un Paris steampunk couvert de suie, bloqué à l’ère de la machine à vapeur et de l’Empire post-napoléonien. Quant au superbe Adama, de Simon Rouby, qui avec son assemblage virtuose de collages, sculptures et liquides magnétiques est peut-être la proposition artistique la plus aboutie de tout le festival, il escorte un jeune garçon d’Afrique de l’Ouest dans l’enfer de Verdun, que l’enfant serait bien incapable de localiser sur une carte : la seule fois où Adama entend le nom de « France », c’est dans les hurlements inarticulés des poilus chargeant l’invisible ennemi.Tandis que les célèbres Minions d’Illumination McGuff, signés par le duo franco-américain Pierre Coffin et Kyle Balda, créatures jaunes qui peuplaient les deux films Moi, moche et méchant, partent à la conquête de la couronne d’Angleterre, l’enfant-fantôme de Folimage lutte dans le New York des grands malfrats de cinéma contre la maladie trop ordinaire qui le ronge. Le poétique Mune, d’Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, déployant dans une grande variété d’effets de texture et de volumes le potentiel immense de l’animation par ordinateur, veille sur la lune dans une planète cousine de la Pandora imaginée par James Cameron pour Avatar. La jeune héroïne russe de Tout en haut du Monde s’embarque pour le Pôle Nord, le temps d’une aventure aussi grandiose que son trait semble simple, qui rappellera aux nostalgiques de Jules Verne les grandes heures du Capitaine Hatteras.Une énergie créativeLe voyage animé réussit tant à la France que pour la première fois dans son histoire, le Festival d’Annecy mettra pour sa quarantième et prochaine édition l’hexagone à l’honneur. « J’ai décidé de profiter du fait que j’étais moi-même un étranger, explique le canadien Marcel Jean, donc en mesure de poser sur la France un regard extérieur. Ainsi, pour l’an prochain, c’est à un groupe de programmateurs venus d’un peu partout dans le monde que nous allons demander de porter leur regard sur sa production. » Déployant son énergie créative débordante en traits et techniques aussi variés que ses destinations, la France animée de 2015 a embrassé le monde, et l’on est impatient de voir le monde l’embrasser à son tour. Noémie Luciani (Annecy)Journaliste au Monde 19.06.2015 à 07h30 • Mis à jour le21.06.2015 à 02h17 | Elvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale) et Arnaud Aubry Dans cette ville de la Silicon Valley, onze lycéens se sont donné la mort en six ans. Des drames qui révèlent les souffrances des adolescents de cette communauté d’élites.En cette matinée du lundi 9 mars, comme tous les matins, Ryan Reed, 17 ans, se rend à son lycée de Palo Alto à vélo. En franchissant le passage à niveau du Caltrain, le train qui longe son école et relie San Francisco, au nord, à Gilroy, au sud, coupant à travers la Silicon Valley, il remarque des caméras de télévision et des voitures de police le long des voies. Le train roule à vitesse réduite, ce qui n’est pas normal en heure de pointe. Lorsqu’il arrive à l’école, il comprend immédiatement qu’un drame vient de se produire. Un élève de son lycée s’est suicidé quelques heures plus tôt, en se jetant sous le train. Dans les couloirs, « des étudiants en pleurs sont en train de se faire consoler par des professeurs et leurs amis. La scène est horrible, surréaliste », décrit Ryan Reed.Cette scène, les lycéens de Palo Alto l’ont vécue trop de fois. Qingyao Zhu, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours au petit matin du 9 mars est le deuxième lycéen de la ville à s’être suicidé cette année. Dans une vidéo réalisée en sa mémoire et postée sur YouTube, un ancien camarade de classe le décrit comme « un garçon discret qui travaillait dur à l’école, mais aimait s’amuser. Il aimait entre autres le football, les dessins animés et les Pokémon. » La vidéo compile des images de « Byron », son surnom, en train de jouer au foot pour son équipe des Palo Alto 99B White : « J’espère que cela va montrer que tu n’étais pas simplement une autre victime, mais une personne à part entière avec un cœur, une famille et des amis. Merci pour tout Byron. Perdu mais pas oublié. »En six mois, ce sont quatre élèves des deux lycées publics de la ville, Palo Alto High School (surnommé « Paly ») et Gunn High School (ou Gunn), qui se sont donné la mort. En six ans, ce chiffre s’élève à onze, dont cinq entre mai 2009 et janvier 2010. Dans près de 90 % des cas, les adolescents se sont jetés sous le Caltrain. Sans parler des tentatives qui n’ont pas abouti : rien qu’entre août 2014 et avril 2015, 52 élèves du lycée Gunn ont dû être hospitalisés ou placés sous traitement du fait de « sérieuses idées suicidaires ». Derrière le vernis doré de Palo Alto, berceau de la Silicon Valley où vit l’élite de la société américaine, se cache une sombre réalité : celle d’une ville où le suicide d’un adolescent est trop souvent réduit à un simple numéro. Les suicides « sont presque devenus une routine », commente Danielle, élève à Paly. « Je sais comment chacun de mes professeurs va réagir lorsque cela se produit, et je trouve cela tragique. »« Nuage toxique »La presse locale puis nationale s’est largement fait l’écho de ces drames, tentant de les expliquer. Qu’est-ce qui pousse un adolescent à mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui pousse onze adolescents de la même communauté à décider que la vie ne vaut plus d’être vécue ? Chacun y va de sa propre interprétation : les uns blâment la pression académique, les autres fustigent les parents, ou bien les professeurs, les derniers rappelant que certains de ces élèves souffraient de maladies mentales. La vérité, comme souvent, est plus complexe, chaque cas est particulier. « Le suicide est un acte extrême, qui se produit très rarement. Il est très difficile de comprendre pourquoi quelqu’un se suicide. La réalité, c’est qu’on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi une personne va se suicider, alors qu’une autre, qui présente les mêmes facteurs de risques n’empruntera jamais cette voie », explique Anna Mueller, sociologue spécialiste du suicide chez les adolescents.Lire l'entretien avec les sociologues Anna Mueller et Seth Abrutyn :« Savoir qu’un ami a fait une tentative de suicide bouleverse le monde d’un adolescent » A Palo Alto, le débat s’est rapidement focalisé sur la pression scolaire. De nombreux adolescents et parents de la ville de 66 000 habitants ont dénoncé les trop longues heures de devoirs après les journées de classe, les examens qui s’enchaînent et le culte de la performance. Ces quinze dernières années, « un nuage toxique s’est formé au-dessus de l’école, rendant la vie au lycée difficile », analyse Marc Vincenti, ancien professeur d’anglais à Gunn aujourd’hui à la retraite et à l’origine, avec une lycéenne de la ville, d’un projet qui veut changer le système scolaire. Savethe2008 (« Sauvez les 2 008 », en référence au nombre d’élèves et professeurs de Gunn), s’attaque en six points aux sources du « nuage » auquel il fait référence : du trop-plein de devoirs à l’effet nocif des téléphones portables, en passant par la tricherie omniprésente (certains parents sont prêts à tout pour que leurs enfants soient les meilleurs, même à payer des professeurs particuliers, en général des étudiants, afin qu’ils écrivent leurs dissertations). Marc Vincenti présente ses propositions depuis huit mois au comité municipal chargé de l’éducation. A ce jour, il n’a eu aucun retour.Du côté de l’administration, Ken Dauber admet que les changements dans le système éducatif tardent à se mettre en place. Des réformes réclamées à la suite de la vague de suicide de 2009 commencent à peine à voir le jour, et ce en partie en raison de la deuxième vague de suicides de cette année. « Nous avons augmenté les budgets alloués à la santé mentale dans nos établissements, ajouté des conseillers à la disposition des élèves, interdit les heures de classe commençant trop tôt », détaille ce salarié de Google de 52 ans, membre du comité municipal pour l’éducation, qui vit à Palo Alto depuis quatorze ans. Avant cela, les journées de cours pouvaient commencer à 7 h 20 au lieu de 8 h 25. « La question des devoirs à la maison est désormais prioritaire, et pas seulement à cause des suicides. Les études montrent que trop de devoirs n’aident pas à l’apprentissage. Tout comme d’autres recherches montrent que les classes commençant trop tôt le matin ne sont pas bénéfiques : les élèves ont besoin de dormir ! » Au-delà de la seule question de la pression scolaire, les récentes tragédies ont mis en lumière un déséquilibre plus global. « J’ai adoré grandir à Palo Alto, mais j’aimerais que certains aspects puissent être améliorés. Les gens devraient se focaliser davantage sur leur bien-être actuel, plutôt que futur. L’argent ne devrait pas être la seule mesure du succès », raconte Natalie Snyder, qui s’apprête à entrer en dernière année de lycée à Paly.Reproduction de l’excellenceIci, comme dans beaucoup de communautés similaires à travers le pays, les parents ont été éduqués dans les écoles les plus prestigieuses, lesquelles leur ont donné accès à des carrières brillantes leur permettant de maintenir à un niveau de vie élevé ou d’y accéder, et ils veulent que leurs enfants reproduisent ce parcours. Or, d’excellents résultats académiques ne suffisent pas. Pour accéder aux universités les plus réputées (comme Stanford, Yale, Harvard ou Berkeley), il faut aussi être le meilleur de son équipe de foot, jouer parfaitement d’un instrument, faire du bénévolat... Ces établissements recherchent un élève excellent au profil original.Les lycéens accumulent donc les activités extrascolaires afin d’améliorer leur dossier de candidature. Beaucoup mettent d’ailleurs en place une véritable stratégie : « Entre 15 et 18 ans, tout ce que tu fais est motivé par l’université », résume Theo Zaharias. A 18 ans, il s’apprête à boucler ses années lycée et à entrer à l’université George Washington, sur la côte est, dont il arbore fièrement le sweat-shirt blanc frappé de lettres bleues. Bon élève, il pense que le brevet de pilote d’avion qu’il a passé en parallèle de son cursus scolaire a largement contribué à lui faire gagner sa place dans cette université privée. De son côté, Carolyn Walworth, 17 ans, travaille depuis qu’elle a 14 ans à temps partiel dans un cabinet d’avocat, en plus de son emploi du temps de lycéenne, des cours de niveau universitaire qu’elle suit et de son activité de représentante des élèves de Palo Alto auprès de la municipalité. « Je pensais que commencer à travailler dès cet âge-là me permettrait de me différencier des autres étudiants », confie-t-elle à la terrasse d’un café en face de Paly. A son arrivée en première année de lycée, elle n’avait qu’un seul objectif en tête : entrer à Stanford, situé de l’autre côté de la route. « C’était la seule école qui allait me rendre heureuse. » Aujourd’hui, elle a revu ses ambitions, mais son stress n’a pas diminué. Elle avoue craquer nerveusement « environ une fois par semaine » : « J’ai parfois le sentiment d’être en échec parce que je n’arrive pas à tenir le rythme, alors que j’ai l’impression que les autres élèves y arrivent. A Palo Alto, on passe notre temps à essayer d’être meilleur que les autres. » Au lieu de le passer à grandir.« Réduits à notre bulletin de notes »Adam Strassberg, psychiatre et père de deux enfants scolarisés à Palo Alto, observe que la culture de la compétition est telle que les enfants ne sont pas habitués à s’écouter : « Ce que je vois, c’est qu’il y a de plus en plus de travail scolaire, de plus en plus d’activités extrascolaires et de moins en moins de temps libre pour se relaxer, socialiser et se développer dans d’autres directions. » Florence de Bretagne vit à Palo Alto depuis dix ans avec son mari et ses deux enfants. Cette ancienne parisienne ne tarit pas d’éloges sur la mentalité américaine. Ici, « tout est possible », assure-t-elle. En revanche, cette artiste peintre dont le mari travaille dans la high-tech n’adhère pas totalement au mode de vie de la Silicon Valley. « En tant que maman, je reste assez française dans mon éducation. Ici, vouloir le meilleur pour ses enfants passe par le fait de vouloir contrôler beaucoup de choses. Je pense qu’on ne laisse pas suffisamment aux enfants le temps d’être insouciants, de vivre dans l’instant présent. »Et Palo Alto n’est pas une exception. Ces dernières années, beaucoup de communautés similaires, où les adolescents sont promis à des carrières brillantes et très lucratives, ont traversé les mêmes drames. Dans la banlieue de Washington DC, la capitale des Etats-Unis, trois élèves se sont suicidés entre septembre et novembre 2014 ; au Massachusetts Institute of Technology (MIT), six étudiants se sont donné la mort ces quatorze derniers mois. « Le problème ne vient pas de notre communauté, mais plutôt du “culte de l’université”, qui nous réduit à un bulletin de notes », estime Ariya Momeny, 17 ans, élève à Paly.Ryan Reed continue d’aller au lycée à vélo, et à franchir tous les matins le passage à niveau du Caltrain. Selon lui, combattre les suicides passe par une remise en question « complète » du culte de l’excellence qui règne à Palo Alto. Enfin, presque, car l'excellence est aussi une fierté... « Placer haut la barre est une bonne chose – c’est ce qui fait de Paly et Gunn des établissements exceptionnels, avec de si brillants étudiants. Les parents et les professeurs doivent continuer à encourager les élèves, sans les briser. » Pourtant, est-il possible d’améliorer le bien-être des lycéens sans changer le système ? C’est la question à laquelle est confronté ce microcosme qui hésite à se réformer en profondeur, tant que ses enfants continuent à aller à Stanford.Le suicide est la troisième cause de mortalité chez les adolescents américainsLe suicide est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis pour les 10-24 ans, après les accidents au sens large et les meurtres. Il est la cause d’environ 4 600 décès chez les jeunes chaque année. En 2013, le taux de suicide chez les 10-24 ans était de 10,9 pour 100 000 aux Etats-Unis.A titre de comparaison, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents français, derrière les accidents de la route. Mais il est néanmoins près de deux fois moins fréquent qu’aux Etats-Unis (à noter que le segment français ne prend pas en compte les 10-14 ans) : en 2011 le taux de suicide chez les 15-24 ans était de 6,4 pour 100 000, selon l’Inserm. Sur les 10 524 morts par suicide en France cette année-là, 508 avaient moins de 24 ans.Arnaud AubryJournaliste au MondeElvire Camus (Palo Alto, envoyée spéciale)Journaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Thomas Sotinel Si Martin Scorsese connaît bien Paris (après tout, il y a tourné Hugo Cabret), il n’est jamais allé à Lyon. Le 14 octobre, il sera dans la capitale de la République française pour l’inauguration de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque. Deux jours plus tard, dans la capitale des Gaules pour y recevoir le prix Lumière lors du festival du même nom dont la septième édition aura lieu du 12 au 17 octobre. Les précédents lauréats du prix Lumière ont été Quentin Tarantino et Pedro Almodovar.Dans un communiqué diffusé par l’Institut Lumière, qui organise le festival, l’auteur de Taxi Driver explique : « Ce que signifie le Festival Lumière est très important. Et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le prix Lumière. » Martin Scorsese est le prototype du cinéaste cinéphile et a traduit sa connaissance encyclopédique de son art à la fois en documentaires (ses Voyages à travers les cinémas américain et italien) et en actions concrètes. Après s’être attaché à la préservation et à la restauration du patrimoine américain avec la Film Foundation, il a fondé, avec Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière, lyonnais) et Gian Luca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), la World Cinema Foundation qui se consacre à la préservation de films de cinématographies africaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est.Histoire d’une cinéphilieDu 14 octobre au 14 février 2016, la Cinémathèque accueillera une exposition conçue à l’origine par la Deutsche Kinemathek de Berlin. Elle réunit des photographies, des storyboards et des documents qui retracent à la fois le parcours du cinéaste, entamé à la New York University au début des années 1960, et l’histoire d’une cinéphilie presque pathologique, née au long d’après-midis passés au cinéma en compagnie de Catherine Scorsese, mère du cinéaste, interprète de certains de ses films.Mais selon toute probabilité, ce n’est ni rue de Bercy ni à Lyon que l’on découvrira Silence, le dernier long-métrage de Scorsese, dont le tournage vient de s’achever à Taïwan. Inspiré d’un roman de Shusaku Endo, le film relate les tribulations de deux jésuites au Japon lorsque le régime impérial décréta l’interdiction du christianisme. Sa sortie est prévue pour 2016.Thomas SotinelJournaliste au Monde Emmanuelle Jardonnet Un projet, une plateforme de financement participatif, des internautes mécènes à convaincre : le principe du crowdfunding est simple, ouvert à tous les domaines et à tout un chacun... Même à ceux qu’on n’attendait pas là, c’est-à-dire des artistes confirmés ou de grandes institutions culturelles. Or, pour ces têtes d’affiche venues faire appel à la générosité des particuliers pour des projets « à la marge », l’exercice se fait vite périlleux, avec le risque de récolter au passage sarcasmes et coups de gueule.Quand JR et Agnès Varda ont besoin des « gens » pour partir « en goguette »Agnès Varda aime les portraits et les regards collés par JR sur les murs du monde entier ; JR aime les documentaires et l’œil d’Agnès Varda. Ces deux-là se sont rencontrés, ils se sont appréciés et ils ont eu envie de travailler ensemble. Maintenant, tout de suite. Leur idée est de partir sillonner le Lubéron cet été avec le camion photographique du premier à la rencontre des « gens du cru », dit la seconde. « Gens » dont ils tireront des portraits photographiques grand format afin d’« illuminer les murs des petits villages », tandis que la cinéaste les filmera et les fera parler de leur vie. Bref, un croisement entre le projet de JR « Inside Out », et le film d’Agnès Varda, Les Glaneurs et la Glaneuse.Pourquoi diable l’improbable duo ne trouve-t-il pas des financements ou des mécènes dans leurs réseaux pour leur tocade estivale ? C’est ce qu’on se demande en regardant la présentation vidéo faite sur le site de crowdfunding KissKissBankBank par l’icône du cinéma français, qui recevait en mai à Cannes une Palme d’or pour l’ensemble de sa carrière, et le prolifique street artiste, qui enchaîne les projets internationaux. Perle de candeur et de maladresse (ou, selon le regard que l’on y porte, de condescendance et de démagogie), la petite vidéo répond en partie à cette question :JR : « Ce qu’on a envie, c’est que ce soit pas une marque, ou un autre financier qui soit derrière, mais que ce soit les gens… Agnès Varda : …On veut bien des financiers, mais on les a pas trouvés ! - Oui, mais on veut pas de logo… Donc on s’est dit : qu’est-ce qui nous reste ? Les gens. Les gens, c’est bien, c’est tout le monde. - Si les gens ont beaucoup d’argent, ils deviennent des financiers. - C’est vrai. - S’ils n’en ont pas beaucoup, ils deviennent des amis. »Pour leurs futurs amis et/ou financiers, ils se sont également fendus d’une sympathique présentation écrite agrémentée de photos. On y voit les deux stars se retrouver à New York avec Robert De Niro, ou expliquer qu’ils n’ont pas choisi le Lubéron par hasard pour leur road movie. La fille d’Agnès y loue en effet une « maison de famille » au Silencio, le club parisien conçu par David Lynch, qui y ouvrira un hôtel éphémère et arty pour l’été, et leur offrira « le gîte et le couvert ».Dans une fiche plus technique, on apprend aussi qu’ils ont déjà obtenu des financements (« télévision, CNC, aide de la région »). Ainsi, sur les 300 000 euros nécessaires in fine à leur projet de documentaire de 26 minutes, il ne leur manque que les 50 000 euros de liquidités demandés sur la plateforme, somme qui doit payer « une partie des premières dépenses ». Parmi celles-ci, dans un inventaire à la Prévert agrémenté de blagounettes : « l’hébergement de l’équipe technique dans le Lubéron » (comprendre hors de la maison de famille reconvertie en résidence branchée), et « les salaires et les charges sociales pour une équipe de techniciens compétents à tous les stades de la production (du conducteur du camion photographique au mixeur de tous les sons) ».Cet appel au mécénat du peuple est raillé (dans Libé, sur Rue89 ou les réseaux sociaux). Voir deux stars impatientes de s’amuser comme des fous en s’intéressant aux petites gens (mais aussi à elles-mêmes en train de le faire : « JR : Moi je veux photographier Agnès en train de filmer / Agnès Varda : Moi je veux filmer JR en train de photographier ! ») et réclamer à des anonymes de payer la charge de leurs techniciens, suscite un malaise. Ce qui n’empêche pas l’argent d’entrer : en moins d’une semaine, 29 480 euros ont déjà été collectés, soit 60 % de la somme demandée.Quand la méthode du Théâtre de l’Odéon est pointée du doigtLe 14 avril, dans une longue tribune publiée sur Mediapart, près de quarante artistes du théâtre public, comédiens et metteurs en scène, dénonçaient la campagne de mécénat participatif lancée par le Théâtre de l’Odéon auprès du public pour financer une initiative d’action culturelle auprès de collégiens scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP).Les signataires déplorent que l’opération, inédite, soit le signe d’un « désengagement » de l’Etat dans le domaine : « L’Odéon met en place une plateforme de paiement, développe tout un argumentaire, réalise un film de promotion et engage des sommes substantielles afin de faire financer par d’autres ses obligations en termes d’éducation artistique et d’accès à la culture… Tout ceci nous alerte et nous choque. Profondément. »Les artistes jugent cet appel à la générosité publique « funeste et indécent » car la somme réclamée, 30 000 euros, « rapportée aux 17,6 millions d’euros du budget 2013 de l’Odéon, est dérisoire ». Ils relèvent, par ailleurs, que l’argumentaire est « condescendant » envers les publics qui doivent bénéficier de l’action, voire « obscène », dans la façon dont la défiscalisation des dons y est mise en avant.Luc Bondy, le directeur du théâtre, n’a pas renoncé à cet appel aux dons, comme les artistes l’enjoignaient à le faire. L’opération est plutôt un succès, puisque la moitié de l’argent a déjà été promis, ce qui doit permettre de financer le projet pendant un an.Quand Francis Lalanne veut aller à la rencontre des peuples en chantantUne autre star est candidate au financement participatif cet été : Francis Lalanne. La démarche est moins étonnante de la part d’un chanteur qui n’occupe plus le devant de la scène que celle du duo JR-Varda, mais l’effet n’en est que plus pathétique. Le contraste est violent, en effet, entre la grandiloquence de l’artiste et l’échec annoncé. Le « Francis Lalanne – Cyber Tour » n’a pour l’instant récolté que 2 800 euros sur les 30 000 escomptés (soit moins de 10 %), toujours sur KissKissBankBank.La description du projet ne semble pas encore avoir mobilisé les bonnes âmes : « Tour du monde culturel, artistique et humaniste : Francis Lalanne (artiste auteur compositeur atypique fort d’humanité reconnu en France) décide d’en faire son chemin de vie allant auprès des minorités humaines non connectées à ce nouveau monde afin d’y rencontrer leurs artistes et immortaliser l’art du dialogue et des langues au travers du chant qui se mélangeront entre les cultures tout en respectant l'art et la manière des traditions. » Ce projet vidéo est destiné à une diffusion sur un site Internet dédié, qui promet un cyber-concert chaque mois depuis sept lieux reculés du monde, afin de « montrer à notre monde connecté les valeurs de l’histoire de notre langage encore très actuel chez ces minorités, ainsi que d’apporter aux tribus l’art et la tradition musicale de notre monde connecté. » Si vous n’avez pas tout compris, Francis le dit autrement : « Le temps est venu de faire émerger la confiance en l’autre à la surface de la conscience collective, afin de préparer les chemins de l’amour. » A votre bon cœur !Emmanuelle JardonnetJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste Isabelle Regnier Le poste de directeur général de la Cinémathèque française est à pourvoir. Serge Toubiana, qui l’occupe depuis 2003, a annoncé la semaine dernière aux employés de la maison qu’il souhaitait mettre un terme à ses fonctions le 31 décembre 2015, et l’a confirmé, lundi 6 juillet au matin, dans un post de blog. Rédacteur en chef adjoint des Cahiers du cinéma de 1975 à 1981, aux côtés de Serge Daney, puis unique rédacteur en chef à partir de 1981, et finalement directeur de la revue jusqu’en 2000, ce critique de formation né à Sousse (Tunisie), en 1949, assure vouloir se consacrer, entre autres choses, à l’écriture. Il reste, en outre, président de la commission d’avance sur recettes.C’est « avec le sentiment du devoir accompli », écrit-il sur son blog, qu’il clôture ce chapitre qui a occupé les treize dernières années de sa vie. « Il a fallu ce temps, poursuit-il, pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. »La semaine dernière, Serge Toubiana présentait à la presse les temps forts de la nouvelle saison de la Cinémathèque, qui fera la part belle au cinéma avec deux grandes expositions consacrées à Martin Scorsese et Gus Van Sant. Seront également à l’honneur en 2015-2016, au fil des cycles et rétrospectives, Sam Peckinpah, Mathieu Amalric, Philippe Faucon, Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek. En 2016, par ailleurs, la Cinémathèque française fêtera ses 80 ans.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 03.07.2015 à 16h05 • Mis à jour le03.07.2015 à 16h05 | Yann Plougastel Sorti en 1948, ce film de Michael Powell et Emeric Pressburger est une magnifique déclaration d'amour à la danse. D'une cruauté rare, il raconte l'histoire d'une jeune femme qui reçoit une paire de chaussons de danse rouges façonnés par un cordonnier maléfique. Au début, elle danse à merveille mais, lorsque fatiguée, elle veut s'arrêter, cela s'avère impossible. Les chaussons poursuivent leur mouvement infernal et la contraignent à danser jusqu'à l'épuisement et la mort...L'intelligence des réalisateurs consiste à avoir transposé ce conte d'Andersen dans le monde actuel et à jouer sur un effet de miroir d'une grande subtilité. On y découvre un maître de ballet talentueux mais autoritaire, Boris Lermontov (la figure de Serge de Diaghilev n'est pas loin), qui a décidé de transformer en vedette une simple ballerine, Victoria Page. Il lui fait danser Les Chaussons rouges en confiant le livret à un jeune compositeur Julian Craster. C'est un triomphe.Un festival de prouesses techniquesMais lorsque Victoria et Julian tombent amoureux, Lermontov, intransigeant et jaloux, n'aura de cesse de briser leur couple, afin que la danseuse réintègre le corps de ballet. Comme dans le conte d'Andersen, elle en mourra... Dans ce film fantastique se mêlent peinture, opéra, musique, danse et, bien sûr, cinéma, dans une ode à l'art, inséparable de la vie. C'est également un festival de prouesses techniques, grâce au travail sur le Technicolor, mais aussi à des trucages qui permettent de visualiser l'univers onirique de l'artiste.Martin Scorsese, qui, enfant, vit ce film avec son père, en garde une profonde émotion : « Comment expliquer ce que signifie ce film ? Je parlerai des décors, de la couleur, de la passion, de la joie, de l'exubérance, du cinéma en tant que musique, de la façon dont Powell met en scène le mystère de la création. » C'est au cinéaste que l'on doit la résurrection et la restauration de ce long-métrage vilipendé en son temps par les tenants de la Nouvelle Vague française. Difficile de ne pas succomber à ce tourbillon d'émotions, de couleurs, de lumières et de sons.Yann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier En salles cette semaine : de la musique d’hier et d’aujourd’hui (un biopic de Brian Wilson, Love & Mercy, et un beau portrait documentaire de Dominique A, Dominique A, la mémoire vive), un rêve romantique éveillé (Le Prince de Hombourg, de Marco Bellocchio), et des expérimentations toniques, qu’elles soient formelles (Victoria) ou comique (Haramiste).Le biopic de Brian Wilson, leader charismatique des Beach Boys : « Love & Mercy », de Bill PohladBill Pohlad livre avec Love & Mercy un biopic tourmenté de Brian Wilson, le leader charismatique des Beach Boys, qui fut, un peu abusivement, diagnostiqué psychotique. Paul Dano joue le personnage en pleine ascension, surmontant son vertige pour emmener le groupe vers son apogée avec l’album Pet Sounds. Après la chute, le rôle est repris par John Cusack. Le concept aboutit à construire non pas un face-à-face mais une triangulation curieuse autour de Dano, Cusack et du dépressif, qu’un troisième acteur pourrait incarner, hors champ.Film américain de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elizabeth Banks (2 h 01).Un joyau romantique inspiré d’Heinrich von Kleist : « Le Prince de Hombourg », de Marco BellocchioCette adaptation de la dernière pièce d’Heinrich von Kleist par le réalisateur des Poings dans les poches était restée inédite en France jusqu’à aujourd’hui. Suspendue entre le rêve et la réalité, portée par la présence sensuelle et spectrale du jeune acteur Andrea Di Stefano, elle pose, dans un véritable vertige métaphysique, les questions de l’idéal et de l’héroïsme. Réalisé en 1997, année où il représenta l’Italie dans la compétition cannoise, le film n’était jamais sorti en France.Film italien de Marco Bellocchio, avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova, Toni Bertorelli (1 h 29).Déambulation expérimentale dans les rues de Berlin : « Victoria », de Sebastian SchipperPour son quatrième long-métrage, le réalisateur allemand a tourné un seul plan-séquence de deux heures et quatorze minutes, dans vingt-deux lieux différents. Le spectateur n’a ainsi pas d’autre choix que de suivre l’héroïne du film, une jeune Espagnole (l’étonnante Laia Costa) lâchée dans les rues de Berlin au petit matin.Film allemand de Sebastian Schipper avec Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski (2 h 20).Deux filles voilées dans une comédie décapante : « Haramiste », d’Antoine DesrosièresDeux jeunes filles musulmanes d’aujourd’hui doivent négocier avec, d’un côté, un désir qui les tarabuste et, de l’autre, le rôle social qu’on leur assigne. Si la mise en scène d’Antoine Desrosières reste tributaire d’un scénario d’émancipation cadenassé par des stéréotypes dormants, elle ouvre à la parole des espaces d’une frontalité théâtrale où elle peut s’ébattre pleinement. Ses deux actrices, les désopilantes Inas Chanti et Souad Arsane, s’y engouffrent tête baissée, pour se mettre en scène au gré d’improvisations épiques, en donnant du désir virginal une image complexe, paradoxale, débordant le cadre que le réalisateur leur tend.Film français d’Antoine Desrosières avec Inas Chanti, Souad Arsane, Jean-Marie Villeneuve, Samira Kahlaoui (0 h 40).Portrait proustien d’un chanteur populaire : « Dominique A, la mémoire vive », de Thomas BartelDéjà auteur d’un portrait de Brigitte Fontaine, coréalisé en 2012 avec Benoît Mouchart (Brigitte Fontaine, reflets et crudités), Thomas Bartel, documentariste issu de la critique rock, se lance dans un nouvel exercice d’admiration pour un chanteur français. Suivant son idole au cours de la tournée organisée pour célébrer les 20 ans de son premier album, La Fossette, le documentariste a construit son film sur un principe simple et frontal, alternant longues captations de concerts et séquences d’interviews sur les lieux qui l’ont constitué, où se condensent toutes les strates de sa mémoire. Un beau portrait.Documentaire français de Thomas Bartel (1 h 08).Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Véronique Mortaigne Vendredi 26 juin, What happened, Miss Simone ?, documentaire de Liz Garbus consacré à Nina Simone (1933-2003), sera diffusé sur Netflix, après avoir été présenté au festival américain Sundance en janvier. Il n’est pas le premier (on se souvient de Madame Nina Simone : La légende, de Frank Lords, en 1992) à dérouler l’histoire de la star afro-américaine, dont l’aura n’a cessé de croître depuis sa mort en 2003. Sûrement parce qu’elle fut une artiste de son temps, et que ces temps, marqués par le clivage communautaire aux Etats-Unis, n’ont pas changé. Une émeute est toujours une émeute, un jeune noir tué par un policier blanc, toujours une victime, et I Put A Spell On you de Screaming Jay Hawkins (1956), une imprécation vaudoue, qu’aucune femme autre que Nina Simone n’aurait pu attaquer avec autant d’autorité.Parmi certains interviewés de What happened, Miss Simone ?, des « compagnons » de musique (Common, Usher, Gregory Porter, Lauryn Hill, Lisa Simone…) ont souhaité enregistrer un Tribute To Nina Simone, Nina Simone Revisited… à paraître le 10 juillet (Sony Music), avec un livret écrit par Angela Davis – Nina Simone lui avait rendu visite un ballon rouge à la main, lorsqu’elle était à la prison de Marin County en 1971. Des titres dévoilés sur Vevo, Feeling Good, interprété par Lauryn Hill, My Baby Just Cares for Me par Usher, ou encore Baltimore par Jazmine Sullivan, laissent des doutes sur la possibilité de réinterpréter Nina Simone, dont le timbre et l’intensité blues étaient totalement singuliers.What happened, Miss Simone ?, version officielle de la vie tourmentée de Nina Simone, a reçu l’aval de ses ayants-droits, et sa fille, Lisa Simone Kelly, également chanteuse, en est la productrice déléguée. Riche de nombreuses archives, et sans concession quant à la vie folle de Miss Simone, selon les spectateurs chanceux de Sundance, le documentaire a été produit par Netflix et RadicalMedia. Il a été bouclé en un an et demi, en partie pour couper l’herbe sous le pied à Nina, un biopic réalisé par Cynthia Mort, dont la préparation, le tournage et la post-production s’étendent depuis 2012. Ses producteurs (dont Jimmy Lovine, le cofondateur du label très rap Interscope) avaient annoncé, fin mai, une possible sortie en salles fin 2015.Ce Nina avait suscité la polémique dès l’annonce du choix pour le rôle titre de Zoé Saldana, actrice américano-dominicaine à la peau claire. D’abord pressentie pour jouer le personnage de Nina la révoltée, la chanteuse Mary J. Blidge avait été écartée, des pétitions, signées. Le scenario a aussi été pris pour cible : Nina mettrait l’accent sur la période sombre de la fin de vie de Nina Simone, bipolaire et abusive, et sur sa relation amoureuse avec son assistant, Clifton Henderson – « Impossible, a rétorqué Lisa Simone, il était gay. »Toute cette agitation parviendra-t-elle à restituer la mesure d’une icône mondiale, artiste jusqu’aux bouts des doigts, jusqu’au bout des contrats signés sur des coins de table ? On lui a reproché d’être noire. Puis d’être star à caprices. Elle voulait être pianiste classique, elle fut chanteuse de blues. Fille de la Caroline du Nord, Nina Simone rêva d’Afrique, mais c’est en vedette américaine qu’elle vécut au Libéria. Voici cinq pistes afin de suivre le fil doré de Nina Simone.Sa ligne de vieCelle d’Eunice Waynon, jeune Noire née en 1933 d’un père barbier et prédicateur méthodiste. Son histoire est celle d’un sacrifice, celui de la jeunesse, passée à l’étude du piano. « Je suis devenue ce que ma mère et Miss Massinovitch [la professeure de piano qui lui donna ses premières leçons dès l’âge de 6 ans], ont voulu que je sois. Je n’ai pas eu le choix. » « Miss Mazzy » enseigne Bach et Beethoven à l’enfant. Plus tard, elle récolte des fonds par voie de presse pour qu’Eunice puisse préparer le concours d’entrée du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie. Elle fut recalée. « Je n’en suis pas encore revenue, et je n’en reviendrai jamais. Toutes ces années pour rien. C’est comme si mes professeurs, ma communauté, mes parents m’avaient menti, trahi. » Ses actes de guerreOn aima ses batailles. Celle pour les droits civiques aux Etats-Unis, avec les chansons rebelles qu’elle composa : Young, Gifted and Black (« jeune, doué et Noir »), Mississippi Goddam (pour les quatre enfants noirs morts dans un attentat raciste en Alabama en 1963), Why (pour l’assassinat de Martin Luther King). Comme Kanye West qui l’a samplée dans Blood in the Leave, on aima son interprétation de Strange Fruit, terrible chanson dénonçant les lynchages d’Afro-Américains, créée par Billie Holiday en 1939. On aima ses coiffures en pièce montée, avec pendentifs en faux diams, ses robes filets, ses débardeurs panthères ou ses robes à fleurs de fille du Sud. Et dedans, un corps qu’elle pouvait réveiller diaboliquement.Sa libertéL’industrie du disque n’était pas bien traitée par Nina Simone. En 1967, déjà titulaire de nombreux succès depuis l’album Little Girl Blue enregistré en 1958 chez Bethlehem Records, elle entre chez RCA Records, y enregistre un chef-d’œuvre, Nina Simone Sings The Blues. Sept ans plus tard, elle se fâche avec le prestigieux label, claque la porte et sort en publiant un clairvoyant It Is Finished. Ses voyagesElle avait ses têtes et ses folies. Elle disparut quelque temps aux Barbades pour cause d’embrouilles amoureuses et financières, mais aussi parce qu’elle était persona non grata pour sa participation aux mouvements noirs et pacifistes. En 1974, « écœurée » des Etats-Unis, trahie par son mari, détective et manager, Andrew Stroud, elle se désespère. « L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de 12 ans, Lisa, et moi étions revenues des West Indies, de Barbados. Je n’avais plus rien. Myriam Makeba [chanteuse sud-africaine, interprète de Pata Pata, exilée aux Etats-Unis et fer de lance de la lutte contre l’apartheid] était dans le secteur. Elle me demande : “Nina, es-tu prête à rentrer à la maison ?” Je lui dis oui. Après avoir réglé quelques affaires, nous sommes parties directement en Afrique. C’est elle qui a choisi le Liberia, car elle y connaissait du monde, elle devait y donner un gala, c’était à l’époque du gouvernement Tolbert. Et puis, c’était un pays riche, plein d’hommes riches… Et elle avait pu deviner que je m’y plairais. De plus, le Liberia était symboliquement important dans l’histoire de l’esclavage » (Le Monde, 25 octobre 1991).Ses coups de têtesPortée sur l’alcool et les paradis artificiels, elle fut lâchée et lâcha tout le monde, entama un chemin de croix solitaire, borné d’humeur et d’envies, de petits escrocs amoureux qui partaient avec la caisse. Elle eut de brusques illuminations mentales qui la faisaient abandonner les salles de concert au désespoir de tous. Elle détestait le rap, « anti-mélodique », et les Etats-Unis. Après s’être éloignée du Libéria, elle s’installe en Suisse, découvre l’Europe, la France du sud, et Georges Brassens. Elle entretient avec son pays natal un attachement d’enfant exploitée. Et râle : « Il est extrêmement difficile d’échapper à la culture américaine, dans le monde entier. Le show-business est encore plus riche là-bas qu’ici. Mais comme le dollar est très fort, je garde la nationalité américaine. Si le dollar chutait, je la leur rendrais. Je voudrais être citoyenne africaine. Etre l’ambassadrice aux Nations unies d’une nation africaine. »Véronique MortaigneJournaliste SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Isabelle Regnier « Un frisson dans la nuit » est un thriller psychologique où l’Américain se révèle en cinéaste (jeudi 25 juin à 20 h 40 sur TCM Cinéma). Réalisé en 1971, cinq ans après Le Bon, la Brute et le Truand qui clôturait sa trilogie de westerns avec Sergio Leone, Un frisson dans la nuit est l’acte de naissance de Clint Eastwood cinéaste.A partir d’un scénario de série B, annonciateur de la vogue des films de femmes psychotiques qui rempliront les salles dans les années 1980, Eastwood réalise ici une œuvre éminemment personnelle, où il casse radicalement son image de mercenaire solitaire pour en dévoiler une autre, beaucoup plus en phase avec ce qui l’anime.Vulnérable, romantique, sensible à la peinture, à la poésie, à la musique, ainsi apparaît Dave, le personnage auquel il prête ses traits de joli cœur. DJ dans une station de jazz locale, installé à Carmel, Californie, il évolue au sein d’une harmonieuse petite communauté multiraciale où il s’est habitué à glisser de lit en lit au gré du désir qu’il inspire sans se forcer. Jusqu’au jour où celle qu’il aime (Tobie) lui échappe.Film de rodageDécidé à la reconquérir et à faire amende honorable, il voit son projet entravé par les assauts répétés d’une auditrice furieusement accrochée à lui (Evelyn) depuis qu’il a passé une nuit avec elle. Tendu par l’opposition classique entre la blonde (Tobie) et la brune (Evelyn), que redouble ici un contraste entre les décors qui leur sont attachés (la nature et la mer pour la première, la ville pour la seconde), le film évolue insensiblement du portrait impressionniste vers le thriller angoissant.Au fil du récit, le rapport au monde de Dave se transforme, passant d’un état passif infantile, ballotté par le désir des autres, à celui de sujet agissant, maître de sa destinée.Film de rodage, Un frisson dans la nuit l’est sans aucun doute. L’art d’Eastwood est loin d’être à son apogée. Mais l’instinct du cinéaste acteur est déjà aiguisé. Il se traduit par un casting parfait, préférant aux stars qu’on voulait lui imposer deux actrices peu connues (Jessica Walter et Donna Mills), qui offrent ici une partition d’une justesse formidable. Le regard est là, surtout, et le style, résolument classique, déjà fluide et élégiaque. La Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino, notamment, prennent racine ici.Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills (EU, 1971, 102 min). Jeudi 25 juin à 20 h 40, sur TCM Cinéma.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Yann Plougastel Les liens entre le cinéma et la musique ne se limitent pas à la bande sonore ou à des envolées de violons au moment du premier baiser entre des héros bousculés par leur destin. Le septième art s'est emparé de la musique pour en faire le thème principal de nombre de ses chefs-d'oeuvre.Ce sont ces longs-métrages qui ont mis la musique au centre de l'oeuvre - comme L'Homme aux bras d'or, d'Otto Preminger, ou La Pianiste, de Michael Haneke -, que la collection « Le cinéma du Monde » propose de découvrir dans la série « La musique à l'écran ». Démarrer cette nouvelle saison par Amadeus, de Milos Forman, est une entrée en matière qui s'impose.Réflexion caustique et particulièrement réussie sur la création musicale, Amadeus, sorti en 1984, ne doit pas se voir comme une biographie fidèle et exhaustive du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Adapté d'une pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer, elle-même fortement inspirée d'une nouvelle de l'écrivain russe Alexandre Pouchkine, « Mozart et Salieri », datant de 1830, le film de Milos Forman raconte, du point de vue d'Antonio Salieri (1750-1825), maître de chapelle de l'empereur Joseph II à Vienne, l'explosion du génie du compositeur de La Flûte enchantée et du Requiem. La jalousie de Salieri, musicien moins inspiré que Mozart, dont il va tout faire pour torpiller l'ascension, constitue la trame du film.Huit oscarsIl s'agit sans doute d'une invention ne reposant sur aucun fait réel, mais elle permet à Milos Forman de lancer un débat spirituel sur l'artiste et son art, tout en abordant des thèmes présents de façon récurrente dans son oeuvre comme les conflits de génération, l'establishment face à la jeunesse en révolte, la transgression et le mystère de la création.Couronné par huit oscars à sa sortie (meilleur film, réalisateur, scénario, acteur, direction artistique, costumes, maquillage, son), Amadeus, outre l'élégance de sa mise en scène, est une réussite grâce aux éclats de rire hystériques de Tom Hulce en Mozart et, surtout, aux tourments de F. Murray Abraham en Salieri.Découvrez la série « La musique à l'écran » sur www.lemonde.fr/boutiqueYann PlougastelJournalisteSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter Sylvain Siclier La comédienne et chanteuse Magali Noël, qui avait tourné avec Jules Dassin, René Clair, Jean Renoir, Henri Decoin, Federico Fellini ou Costa-Gavras et avait été l’interprète de plusieurs textes de Boris Vian, dont Fais-moi mal Johnny, est morte, mardi 23 juin, à Châteauneuf-Grasse (Alpes-Maritimes), à l’âge de 83 ans. Sa fille, Stéphanie Vial-Noël, a précisé dans un communiqué que Magali Noël s’était « éteinte dans son sommeil » dans la maison de retraite où elle vivait.Née le 27 juin 1931 à Izmir (Turquie), Magali-Noëlle Guiffray a fait ses débuts comme chanteuse de cabaret vers l’âge de 16 ans. Elle a appris la danse et le chant durant son enfance et son adolescence. Elle réside dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, selon les déplacements de ses parents, qui travaillent dans le corps diplomatique. Installée en France, elle obtient l’un de ses premiers rôles en 1951, auprès de Bourvil, dans le film Seul dans Paris, d’Hervé Bromberger. Elle est aussi aux côtés de Jean Richard et Roger Pierre dans une pochade, Deux de l’escadrille, de Maurice Labro. En 1955, elle enchaîne trois films, des polars, qui vont poser son personnage de brune sexy qui fait chavirer les sens aussi bien des truands que des commissaires : elle est Denise dans Chantage,... Isabelle Regnier L’événement cette semaine est portugais : le premier volume des Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, portrait kaléidoscopique de ce petit pays mis à terre par la crise, dont les récits merveilleux vont rythmer la saison estivale.« Les Mille et une nuits », volume I : « L’Inquiet » de Miguel GomesPremier volet de ce grand chant d’amour au peuple portugais qui a électrisé la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension. Passant d’une bande d’apparatchiks qui retrouvent une conscience morale grâce au retour de leur libido à un coq doué de parole qui affronte des villageois en colère, le film s’attarde sur des manifestations de dockers, un concert punk en plein air, des chômeurs qui racontent la misère dans laquelle ils se débattent avant de plonger, le 1er janvier, dans l’eau glacée de l’Atlantique…L’horreur dans l’ordinateur : « Unfriended » de Levan GabriadzeSix adolescents, collés devant leur ordinateur, passent leur soirée à discuter par Skype. Le fantôme d’une de leurs amies, suicidée, tente de les contacter. Ce récit se suit sur un ordinateur, multipliant les fenêtres et les écrans à l’intérieur des écrans, mêlant les images prises par des webcams aux lignes écrites dans des courriers électroniques et autres médias proposés par Internet, mêlant habilement l’épouvante à un principe quasiment expérimental.Mathilde Seigner en mère courage : « Une mère », de Christine CarrièreDans une petite ville de Normandie, une mère rongée par la culpabilité, un fils ado en rupture. S’il rappelle par bien des aspects La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, le film mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour la performance de ses deux acteurs, Mathilde Seigner et le jeune Kacey Mottet-Klein.Classique et sans pitié : « Los Olvidados » de Luis Buñuel Réalisé en 1950, ce troisième film de la période mexicaine de Luis Buñuel lui permet de renouer avec une veine réellement personnelle. Nourri d’un gros travail d’enquête de terrain et de documentation sur les enfants miséreux de Mexico, il pousse, comme il sait bien le faire, la dénonciation jusqu’à l’abjection en suivant les agissements du chef d’une bande d’adolescents poussés par la misère aux pires extrémités. Telles qu’il les met en scène, sans une ombre de sentimentalisme, les exactions de cette petite ordure dont il fait un modèle de veulerie et de cruauté, font de Los Olvidados un film à la fois inconfortable et inoubliable.Isabelle RegnierJournaliste culture, critique de cinémaSuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter